Notes
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[1]
L’Église copte orthodoxe est dite autocéphale et autonome depuis son rejet du concile de Chalcédoine en 451. Dépendant du Patriarcat d’Alexandrie, elle ne doit pas être confondue avec l’orthodoxie gréco-slave qui a pris naissance bien plus tard, après le grand schisme d’Orient de 1054.
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[2]
Parmi les affrontements les plus graves de ces dernières années, il faut citer ceux d’El-Kosheh en janvier 2000, les émeutes d’Alexandrie en 2005, l’attentat contre une église à Alexandrie la nuit de la Saint Sylvestre ou l’attaque d’une église copte dans le quartier cairote d’Imbaba le 7 mai dernier. Au printemps 2009, l’abattage de milliers de porcs décidé par le pouvoir au détriment des éleveurs –majoritairement coptes- suite à la grippe H1N1 a été considéré comme une manipulation politique destinée à contenter les islamistes car cette mesure ne protégeait en rien de l’épidémie. Enfin, l’attentat perpétré contre l’église des Saints (Al-Qiddissine) à Alexandrie dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2011 a causé la mort de 22 personnes. Depuis, une rumeur, alimentée par les révélations de l’avocat copte Ramzi Mamdouh, soutient que l’attentat aurait été orchestré par les autorités afin de discréditer l’opposition islamiste. A l’heure actuelle, on ne sait toujours pas l’identité des auteurs de cette attaque.
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[3]
Tangi Salaün, « La salafisation » de la société », Le Temps, mardi 15 septembre 2009.
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[4]
Il semble que ce repli soit le reflet d’une crainte liée à la diminution continue du nombre de coptes s’expliquant par un taux de natalité plus faible et une émigration plus importante des chrétiens.
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[5]
Claude Guibal, « Coptes d’Egypte, l’arme du divorce », Libération, 4 Novembre 2010.
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[6]
La sharia, il faut le préciser désigne littéralement « la voie » et ne constitue pas un corpus juridique intangible et faisant consensus ; dès lors, c’est l’interprétation des textes de l’islam qui prévaut.
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[7]
Si la mention de la religion n’est pas supprimée à ce jour ainsi que le réclame Human Rights Watch, la Cour suprême égyptienne autorise depuis peu les musulmans convertis au christianisme à inscrire leur nouvelle religion sur leur carte d’identité sans la mention « ancien musulman » qui figurait jusqu’alors. Human Rights Watch, Prohibited Identities, State Interference with Religious Freedom, 2007, Vol 9, n° 7.
-
[8]
Wolfram Reiss, La représentation du christianisme dans les manuels scolaires égyptiens, Université de Rostock, Novembre 2002. Disponible sur www.religioscope.com/pdf/manuels/Reiss.pdf. Il faut préciser que tout enfant égyptien reçoit un enseignement religieux conforme à sa confession.
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[9]
Sur un plan économique aussi, l’Egypte dont les revenus du tourisme et de l’aide américaine constituaient des rentes indispensables ne pouvait se permettre de donner au monde l’image d’un pays ravagé par la violence confessionnelle.
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[10]
Cette analyse est partagée par de nombreux acteurs locaux comme le père Antonios Naguib, Patriarche d’Alexandrie des Coptes catholiques.
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[11]
Le 27 octobre 2011, le Parlement européen votait une résolution dénonçant les violences faîtes aux chrétiens en Egypte et en Syrie. Pour le cas égyptien, la résolution souligne que des milliers de coptes auraient quitté le pays suite à ces violences. Le député européen Magdo Christiani Allam, copte établi en Italie, est l’un des plus fervents défenseurs de la « cause » copte au sein de l’institution.
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[12]
Née de l’activité évangélique protestante, singulièrement presbytérienne en Egypte au XIXe siècle, la communauté protestante égyptienne revendique 100 000 membres. Kasr el Dobara, située à deux pas de la place Tahrir et dont on a vu des membres en prière au moment du soulèvement, est l’une des principales églises évangéliques du monde arabe.
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[13]
La première grande vague de départs a débuté dans les années 1950 lorsque Nasser, pour des raisons idéologiques, a nationalisé les terres des grands propriétaires terriens et dissout les partis. Une partie de l’élite copte qui a beaucoup pâti de ces politiques a entrepris d’émigrer alors, notamment en Amérique du Nord.
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[14]
Ils sont ainsi parvenus à faire inscrire l’Egypte au nombre des Etats stigmatisés par les Etats-Unis pour leur manquement au respect de la liberté religieuse Il s’agit d’un rapport sur la liberté religieuse internationale diffusé par le département d’État américain qui, pour la première fois, mentionne ce pays en 2010. Le lobbying exercé par ces coptes établis aux Etats-Unis pêche parfois par ses excès, ainsi, en décembre dernier à New York un groupe d’évêques comparait dans un appel à manifester le sort des coptes égyptiens à celui des noirs sud-africains durant l’Apartheid.
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[15]
Le Père Zakaria Boutros est très engagé dans l’évangélisation et connaît un succès très important en Egypte. Son propos consiste à dénoncer la fausseté de l’islam en se fondant sur des écrits coraniques. Il présentait au sein de la chaîne satellitaire chrétienne égyptienne Al-Hayat, l’émission « Questions sur la foi » depuis les Etats-Unis. Il prépare actuellement un autre programme du même type.
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[16]
Il s’agit en particulier de Paul Marshall, auteur d’un livre à succès intitulé « Their blood cries out », sur la persécution des chrétiens d’Orient. L’étude de Cornelis Huslman sur la situation des coptes en Egypte a été publiée dans un numéro spécial de Missio, N°6, 2002. Il s’agissait des actes d’un colloque organisé à Berlin les 14 et 15 septembre 2001 par l’Oeuvre Internationale Catholique Missionnaire et l’Académie Catholique portant sur le thème « Des chrétiens persécutés ? Analyses d’Asie et d’Afrique ».
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[17]
C’est la confidence que nous fait Shady Anis, un universitaire chrétien rencontré au Caire. S. Anis a lui-même vécu aux Etats-Unis mais il n’approuve pas les choix militants de ses compatriotes expatriés.
-
[18]
Coptic Othodox Church Network, 2008. Directory of Churches in the U.S. And Canada. www.copticchurch.net
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[19]
Pour une analyse fine de cet aspect englobant des églises évangéliques, notamment de style « mégachurch » voir l’ouvrage très documenté de Sébastien Fath, Dieu XXL, Paris, Autrement, 2008.
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[20]
Un tel constat semble confirmé par un sondage de l’Institut Gallup réalisé en 2009 qui révèle que 100% des Egyptiens affirment leur attachement à la religion, c’est le pourcentage le plus élevé des 143 pays considérés.
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[21]
La Société biblique est une organisation missionnaire qui a pour but de diffuser et de promouvoir la Bible. Protestante à l’origine, elle agit aussi en milieu catholique.
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[22]
Entretien conduit en juin 2011 à Héliopolis en Egypte.
-
[23]
Mark Lynch, « Le dilemme des Frères musulmans », Middle East Brief, Brandeis University, Crown Center for Middle East Studies, Janvier 2008, N°25, disponible sur http://www.brandeis.edu/crown/publications/meb/MEB25.pdf Accès Juillet 2011
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[24]
Le nouveau chef d’Al-Qaïda, l’égyptien Ayman al-Zawahiri a maintes fois affirmé sa détestation des Frères musulmans, après les avoir appelé, en vain, à rejoindre son organisation. Pour la confrérie, l’un de ses anciens responsables, Abu El-Fotouh répondait aux critiques d’Al Qaïda par ces mots « Nous rejetons absolument toutes les déclarations d’Al-Qaïda ; il y a un énorme fossé entre la résistance légitime, telle que pratiquée par le peuple palestinien contre les sionistes et l’usage de la force en dehors du cadre de résistance contre un ennemi extérieur » El Masry el youm, 26 juin 2007, cité par Mark Lynch, op.cit.
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[25]
Alors que ses premières ébauches avaient porté sur la démocratie et les libertés politiques, la plateforme en question exprimait l’opposition de la confrérie à l’accession des femmes et des chrétiens à la présidence ainsi que la création d’un Haut conseil d’ulémas doté de pouvoirs législatifs. Lynch démontre que ce document a été rédigé en l’absence des principaux acteurs de l’aile libérale, qui ont permis d’ailleurs à leur retour le retrait de ses aspects les plus controversés. Ces contradictions apparentes semblent donc bien plus révélatrices d’une fracture idéologique au sein d’un mouvement très divisé que d’un prétendu double discours. Il reste que pour le chercheur, c’est une erreur stratégique grave qui a sapé des années d’efforts de la confrérie pour gagner la confiance des Egyptiens, notamment des chrétiens.
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[26]
Selon le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD).
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[27]
Patrick Haenni , Husam Tammam, « Les frères musulmans égyptiens face à la question sociale ; autopsie d’un malaise socio-théologique », Institut Religioscope, Etudes et analyses – N° 20 – Mai 2009, disponible sur : http://religion.info/pdf/2009_05_fm_social.pdf. A en croire ce rapport, ce malaise sur la question sociale s’expliquerait pour des raisons liées à l’idéologie islamiste : en effet, l’introduction du concept d’inégalités sociales contredit l’idéal d’un corps social unifié et d’une Oumma unie par des liens quasi organiques, conforme à l’idéal unicitaire (tawhid) de l’islam.
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[28]
Abdel Kader Zghal, « Manoeuvre ou expression de la culture politique tunisienne ? », dans La religion dans la société arabe, Centre d’études sur l’unité arabe, Beyrouth, 1990, p. 340-349.
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[29]
Si la confrérie obtient la direction du conseil général du syndicat des médecins, elle perd plus de la moitié des comités locaux (14 sur 26) au bénéfice du Courant de l’indépendance.
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[30]
SCOTT Rachel, The Challenge of Political Islam : Non-Muslims and the Egyptian State, Stanford University Press, 2010, p 84.
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[31]
C’est l’analyse d’Ahmed Nour, jeune médecin appartenant à la liste Indépendance opposée à celle des Frères musulmans, qui explique ce résultat par le désinvestissement des Frères en matière sociale « Ils ont fait très peu pour lutter contre la détérioration des salaires ou les conditions de travail des médecins. Ils n’ont pas lutté pour améliorer l’infrastructure dans les hôpitaux publics, où 100 000 médecins du secteur public, qui sont aussi membres du syndicat soignent des millions de personnes pauvres ». Cité par Mustapha Ali, El Ahram, le 20 octobre 2011.
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[32]
Il y a « Ceux qui se révoltent et ceux qui votent » écrit à ce sujet Saïd El-Chahat dans El Youm el Sabee le 30 novembre 2011, soulignant que les Frères avaient investi le terrain militant jusqu’au dernier jour, quand les libéraux demeuraient sur la place Tahrir.
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[33]
Le mouvement du 6 avril, très présent sur la place Tahrir, est un collectif créée en avril 2008 par des jeunes activistes, pour soutenir des ouvriers du textile en grève dans les usines d’el-Mahalla, Les Frères ne se sont pas joints au mouvement de protestation à Mahalla, piégés par leur stratégie légaliste et par la volonté de ne pas s’attirer les foudres du pouvoir ; ils ont même soutenu des projets de privatisation au détriment des ouvriers, comme à l’usine de Mansoura en 2007.
1 Il aura fallu 18 jours d’un soulèvement spectaculaire pour aboutir, le 11 février 2011, à la chute du raïs égyptien, au pouvoir depuis près de trois décennies. Aujourd’hui, l’Egypte connaît une des phases les plus critiques de son histoire. Aux élections législatives commencées lundi 28 novembre, les Frères musulmans ont obtenu le score élevé attendu (36,6 %) mais les salafistes font une percée inattendue (24,3 %) tandis que les libéraux obtiennent un score honorable (29,3 %) mais réparti sur 6 listes (le Bloc égyptien, la principale formation libérale remporte 13,3 % des voix).
2 Le score important des islamistes pour la première phase du scrutin fait naître des sentiments contradictoires au sein de la plus importante communauté chrétienne du monde arabe, dans une période traversée récemment de heurts confessionnels. Les chrétiens sont partagés entre leur aspiration à la démocratie et la crainte qu’une victoire islamiste ne les marginalise plus encore.
3 Les coptes [1] seraient au nombre de 10 millions. Bien que la révolution ait donné lieu à des moments forts de fraternisation entre chrétiens et musulmans, des affrontements les ont de nouveau opposés depuis. Les cas de Wafaa Constantine et Camélia Chehata, épouses de prêtres apparemment converties à l’islam et recluses dans des couvents, sont au cœur de ces incidents.
4 De tels évènements prennent place dans un contexte troublé [2], où les salafistes ont pris une importance grandissante dans la conquête morale des esprits [3], contribuant à répandre une conception littéraliste et rigoriste de l’islam. Si la majorité d’entre eux répugne à recourir à la violence, c’est bien souvent de leurs rangs qu’ont émergé des individus qui, au prétexte de libérer les converties, ont attaqué des églises. Du côté chrétien, des prêtres coptes ne brillent guère par leur esprit de concorde et recourent parfois à de violentes provocations ce qui en dit long sur la force de ce sectarisme confessionnel.
5 Patriarche des coptes d’Egypte depuis 1971, Chenouda III a accru son contrôle sur sa communauté en contrepartie d’une attitude conciliante avec les autorités politiques [4]. Le pape a ainsi obtenu de durcir les conditions du divorce entre coptes, ce qui expliquerait les conversions de femmes de prêtres qui ne voient que cette solution pour divorcer [5]. En représailles, le patriarche peut même faire pression sur elles, officiellement pour s’assurer que leur choix n’est pas contraint. Le cantonnement de ces femmes serait considéré par les autorités coptes comme une mesure de protection contre leur gré.
6 En dépit de leur importance numérique, les coptes sont fort peu représentés dans les instances directives du pays, en même temps qu’ils se sentent parfois citoyens de seconde zone.
Des discriminations massives et multiformes
7 Les coptes souffrent de nombreuses discriminations et sont écartés de la plupart des hautes positions dans la fonction publique.
8 Alors que la sharia était considérée comme une source parmi d’autres de la législation égyptienne, elle devient la source principale de la loi en 1980 à l’initiative de Sadate. La réislamisation qui consiste en un affichage accru des symboles de l’islam a été encouragée dans les années 1970 pour battre les islamistes sur leur propre terrain. En devenant une caractéristique identitaire normative, l’islam visible perd toute signification religieuse et s’apparente à un élément constitutif de l’être égyptien, à telle enseigne que les chrétiens en viennent parfois à se sentir étrangers dans leur propre pays, renvoyés à une irrévocable altérité.
9 Si le droit public demeure inféré à la sharia [6], nombre de discriminations ne sont pas basées sur le droit et sont légitimées par la préférence communautaire, une situation aggravée par la pratique généralisée de la wasta, le « piston » qui justifie les recrutements dans le cercle étroit de la famille.
10 Souvent déclenchés pour un motif bénin, les heurts confessionnels dégénèrent parfois en affrontements sanglants. Lorsque les cibles sont chrétiennes, les autorités égyptiennes recourent trop souvent à une justice expéditive craignant de mécontenter les musulmans, provoquant ainsi l’amertume des chrétiens. Fatigué et âgé, le pape ne semble plus guère avoir d’emprise sur ses ouailles, d’autant plus que les soulèvements qui secouent le monde arabe généralisent et banalisent ce type de militance. C’est ce que démontrent les manifestations de coptes –faisant suite aux échauffourées qui les ont opposés à des jeunes salafistes-qui ont ainsi renoncé à faire appel à leur patriarche pour qu’il négocie leurs intérêts avec le pouvoir politique comme à son habitude.
11 Dans un rapport, Human Rights Watch dénonce les manquements aux droits des minorités religieuses en Egypte et cite de nombreux cas de convertis au christianisme empêchés d’inscrire leur nouvelle religion sur leurs papiers d’identité [7]. Par ailleurs, les manuels scolaires présentent le christianisme sous un aspect certes bienveillant, mais l’enseignement dispensé est partial et partiel et légitime une perspective islamique [8].
12 Sur le plan politique, on compte seulement 10 coptes sur les 518 députés du parlement sortant, une représentation sans rapport avec leur importance numérique évaluée à 10% de la population totale.
13 Dans un numéro d’équilibriste précaire, l’ancien président Moubarak a tenté de rassurer les chrétiens, allégeant les conditions de la construction d’églises. Le Noël copte a été institué en fête nationale en 2002 et dans les écoles, un effort a été entrepris pour diffuser l’héritage culturel copte.
14 Comme le sont souvent les régimes illégitimes et autoritaires pour qui le maintien en place constitue l’objectif essentiel et avec qui l’arbitraire est érigé en norme de gouvernance, le régime de Moubarak était obsédé de stabilité et d’ordre [9]. C’est là un élément clé de compréhension des heurts confessionnels car les chrétiens sont bien souvent une cible indirecte, un moyen de déstabilisation du pouvoir que des islamistes radicaux visent en priorité [10].
15 Déterminés à ne plus demeurer dans l’attente passive d’une intervention en leur faveur de leur pape auprès des autorités égyptiennes, les coptes manifestent de plus en plus souvent leur mécontentement par des manifestations de rue. Celle qui a eu lieu le 9 octobre 2011 pour dénoncer l’incendie partiel d’une église dans la province d’Assouan quelques jours plus tôt, a été durement réprimée par l’armée, entraînant la mort de 25 coptes. Cet évènement tragique a suscité l’indignation du monde entier au point qu’une résolution du Parlement européen a été votée, dénonçant les violences faîtes aux chrétiens d’Egypte [11]. De fait, c’est en dehors de l’Egypte que les mobilisations en faveurs des coptes se font les plus déterminées, le plus souvent à l’initiative des coptes de la diaspora ou encouragées par eux.
Le jeu ambigu des coptes de la diaspora
16 L’héritage missionnaire protestant apparaît dans le paysage actuel qu’offre le monde copte qui a fait l’objet d’une activité évangélisatrice initiée par des protestants dès le XIXe siècle [12]. En effet, les coptes qui se sont montrés rétifs à la conversion ont développé un habitus de repli communautaire en réaction à l’activité missionnaire. Ce communautarisme a été largement encouragé ensuite par la vague de réislamisation qu’a connue le pays depuis les années 1970 et accentué par l’émigration de chrétiens qui fait craindre une diminution de leur nombre et leur absorption dans la masse musulmane, crainte typique de la situation minoritaire. Si les pays du Golfe constituent une destination privilégiée, surtout pour les musulmans, les chrétiens trouvent plus aisément refuge aux Etats-Unis [13]. Il ne suffit certes pas d’invoquer la persécution religieuse pour obtenir un visa en Amérique du Nord, toutefois, les facilités qu’offre la diaspora qui y est installée encouragent ces départs et provoquent même des conversions opportunistes de musulmans au christianisme en Egypte.
17 Une minorité très déterminée de coptes surfe sur la vague islamophobe, une thématique en vogue chez une partie non négligeable des évangéliques américains. Si les coptes modérés reconnaissent subir des discriminations et non pas des persécutions, l’organisation US Copt verse souvent dans la dramatisation et l’outrance. Son lobbying s’avère cependant efficace [14]. D’autres militants coptes, nullement représentatifs de la majorité de la diaspora se font particulièrement offensifs, comme Michel Mounir Meunier, Morris Sadek ou Zakaria Boutros qui se positionnent volontiers sur les registres de l’islamophobie et de l’arabophobie, en particulier depuis le 11 septembre [15]. Journaliste au Caire, Cornelis Hulsman est l’auteur d’une étude fouillée sur les faits divers sur lesquels s’appuient ces associations de la diaspora copte pour conforter l’idée d’une persécution des coptes ; il conclue que ces rapports reposent le plus souvent sur une distorsion des faits, et que leurs auteurs ne se sont parfois jamais rendus en Egypte [16]. Sa contre-enquête, documentée et nuancée a fait l’objet d’articles publiés sur le site Christianity Today. Des organisations coptes de la diaspora comme Freedom House, et l’Association des coptes américains emmenée par Michael Mounir Meunier ont tenté de faire censurer par le site chrétien les propos de Huslman, en vain.
18 Dans ce qu’il qualifie d’« inflation langagière », le journaliste s’étonne que le synode anglican général d’Australie ait adopté suite à ces allégations une résolution relative à la persécution des coptes en Egypte, sans aucune vérification des faits allégués. Cornelis Huslman fait enfin le constat d’une symétrie étonnante au plan idéologique, entre ces chrétiens extrémistes et les islamistes intégristes qu’ils disent dénoncer, manifestée en particulier par un goût commun pour les théories complotistes. Pour de nombreux coptes, le soutien de cette frange de la diaspora s’apparente parfois à un cadeau empoisonné, tant il peut, par ses outrances, servir leurs détracteurs à conforter l’idée fausse et dangereuse, que les coptes constitueraient des « ennemis de l’intérieur », travaillant à la déstabilisation du pays, aux côtés d’extrémistes anti-musulmans [17].
19 A distance de cette effervescence militante aux relents polémiques, les paroisses coptes en Amérique du Nord font preuve d’une remarquable vitalité. Ainsi, la Californie contient à elle seule 38 paroisses coptes alors qu’on en dénombre 17 dans l’Ontario et autant dans le New-Jersey [18]. Bien qu’appartenant à la famille copte orthodoxe, les chrétiens égyptiens établis aux Etats-Unis ou au Canada sont largement influencés par les églises locales. Les églises protestantes, notamment évangéliques, se défiant de tout ordre clérical censé instituer la norme, s’organisent sur un plan local. L’église est ainsi le lieu de socialisation communautaire privilégié qui prend en charge l’individu dans tous les aspects de son existence [19]. Ainsi, l’église Saint-Mark établie à Toronto dispose d’une bibliothèque et d’une médiathèque, de boutiques proposant des articles culturels égyptiens et d’une chorale. Outre des écoles du dimanche et des cours d’arabe, la paroisse propose un service d’emplois pour faciliter l’intégration des nouveaux arrivants. Le paradoxe est qu’en facilitant l’immigration des coptes, leurs coreligionnaires de la diaspora contribuent à réduire leur importance numérique en Egypte même.
20 De ce fait, de nombreux coptes d’Egypte considèrent que l’émigration est facteur d’affaiblissement et manifestent des positions originales à propos de la réislamisation du pays, démontrant que le fossé culturel qui sépare chrétiens et musulmans n’est peut-être pas si important qu’on le croit.
Des convergences inattendues
21 Les Égyptiens sont « les plus religieux de tous les hommes. » disait Hérodote [20]. Responsable de la Société biblique [21] à Héliopolis, Ramez Attalah considère dès lors que la référence centrale à la sharia dans la constitution représente une protection pour les chrétiens et « va dans le sens des aspirations de tous les Egyptiens » [22]. S’il ne se réjouit certes pas du succès politique des Frères musulmans, Attalah voit dans cet article 2 la garantie d’un ordre profondément conservateur qui serait selon lui conforme aux attentes de la majorité, toutes confessions confondues. Somme toute, il estime qu’en cas de victoire des Frères musulmans, les musulmans seraient les seuls perdants : « si les Frères décidaient d’imposer par exemple le port du voile aux femmes, ça ne pourrait pas s’appliquer à nous puisque nous sommes chrétiens, ce sont donc les musulmans eux-mêmes qui en subiraient les conséquences. Ce sont eux qui ont le plus à perdre ».
22 Les adversaires des Frères musulmans, surtout chrétiens, mettent en doute leur véritable adhésion aux principes démocratiques. Pour Marc Lynch [23], professeur en sciences politiques à l’Université Georges Washington, la persistance de la confrérie à demeurer dans un champ strictement légal, non-violent et politique [24], en dépit des coûts très élevés qu’elle a endurés prouve que son attachement à la démocratie ne peut simplement être tenu pour superficiel et instrumental.
23 Cependant, des contradictions demeurent dans le discours des Frères. Leur faible dénonciation des exactions des islamistes radicaux et l’absence d’un programme politique unifié ajoutent au malaise. Surtout, la plateforme politique polémique rédigée par les Frères en 2007 a laissé une impression désastreuse [25], même si ses aspects les plus controversés ont été par la suite supprimés. Enfin, le domaine économique est un objet de division : alors que près de 20 % de la population égyptienne vit en dessous du seuil de pauvreté et que la révolution était motivée en bonne partie par la crise économique [26], les Frères sont divisés sur la conduite à tenir « entre une ligne « sociale » et une ligne plus libérale » (selon les termes de P. Haenni), laquelle semble cependant majoritaire [27].
24 Parallèlement, Mohamed Mursi, le président du parti « Liberté et justice » émanation politique des Frères musulmans, a créé la surprise en annonçant la nomination du protestant Rafiq Habib au poste de vice-président. Ce parti qui se veut indépendant de la confrérie revendique près d’un millier de femmes et une centaine de coptes parmi ses 8000 membres fondateurs.
25 Bien que chrétien, Habib n’en fait pas moins partie de l’aile conservatrice des Frères qui défend la nécessité de conforter le caractère éminemment religieux de l’Égypte. Reprenant à son compte une affirmation célèbre de Mukaram Abid qui disait : « Je suis chrétien par la religion et musulman par la civilisation », il considère que le parti auquel il appartient n’est pas religieux mais fondé sur les bases de la sharia, et tient à affirmer la sincère adhésion des Frères aux principes démocratiques.
26 En vérité, ainsi que l’analysait Abdel Kader Zghal pour le cas tunisien [28], « la sincérité n’est pas le critère le plus important pour définir la position des politiciens » tant il est vrai que le jeu même du politique justifie pour tout parti la nécessité de se constituer la base populaire la plus large et d’éventuelles alliances utiles. En revenant promptement sur les aspects controversés de sa plateforme politique, la confrérie illustre bien ce fait. Le deuxième constat qui s’impose est que les Frères sont divisés sur tous les aspects idéologiques et économiques de leur programme alors que le plus grand flou demeure sur celui des concurrents, ce qui ajoute encore à l’incertitude. Les précédents tunisien et marocain, ainsi que sa propre expérience militante permettent cependant de mesurer l’influence probable de la confrérie dans la société égyptienne.
Des scrutins tests
27 Une semaine avant les premières législatives de l’ère post-Moubarak qui ont commencé le 28 novembre, les manifestants réinvestissaient la célèbre place Tahrir, réclamant la fin du Conseil suprême des forces armées (CSFA) et sa substitution par une autorité civile élue. Face à la pression de la rue, le conseil militaire a cependant reculé quelque peu en chargeant Kamal Ganzouri, de former un nouveau gouvernement de « salut national », censé aider à accélérer la transition vers un pouvoir civil. Mohamed Hussein Tantaoui, le chef des armées, qui occupait déjà cette fonction du temps de Moubarak, cristallise toutes les frustrations, parce qu’il symbolise aux yeux des Egyptiens la continuation d’un ordre autoritaire. Ses opposants sont confortés dans cette opinion par le spectacle de la répression sanglante des manifestations, l’arrestation d’activistes, et l’apparente inféodation des grands médias au pouvoir.
28 Au nombre des revendications des manifestants, figure également la révision de la charte politique proposée par le vice-Premier ministre, Ali el-Sélmi. Face à la fronde qu’elle a provoquée, les militaires ont cependant renoncé à certains des aspects les plus contestés de la charte, notamment les dispositions qui accordent à l’armée une quasi automonie financière et un droit de regard sur le projet de constitution que la future Assemblée constituante devra rédiger. Tous les opposants à la charte el Selmi ne sont pas animés des mêmes objectifs ; si les formations libérales réclament que la constitution soit l’œuvre d’un collectif formé par les parlementaires et d’autres personnalités politiques afin d’exprimer le consensus le plus large, les Frères musulmans n’entendent pas accepter un abaissement des pouvoirs du Parlement, dans lequel ils espèrent siéger en masse.
29 Leur parti, « Liberté et justice », était déjà présenté en effet, dès le début de la campagne comme le grand favori du scrutin.
30 Le deuxième article de la constitution faisant mention de la sharia fait partie des enjeux de cette bataille, mais c’est moins sa suppression – improbable – qui est en jeu que l’interprétation qui pourra en être faite. La référence à la sharia pourra-t-elle constituer un « simple » rappel du patrimoine islamique égyptien ? Ou le prétexte d’une minorisation plus grande des non-musulmans, notamment des coptes ?
31 Scrutin test, les élections syndicales qui se sont déroulées le vendredi 14 octobre 2011 ont fourni des indicateurs permettant de mesurer l’évolution du champ politique depuis la chute de Moubarak. Aux élections de l’ordre des médecins, les Frères musulmans ont obtenu des scores inférieurs à ceux attendus, au profit d’un mouvement libéral hétéroclite récemment créé, le Courant de l’indépendance [29]. Réprimés sur la scène politique depuis des décennies par le pouvoir égyptien, les Frères musulmans ont en effet intégré les syndicats professionnels dès les années 1970, investissant les organisations universitaires (associations d’enseignants et d’étudiants) puis les syndicats des médecins, des pharmaciens et des ingénieurs.
32 Ces résultats contrastés et inattendus sont liés à la participation inhabituelle d’autres acteurs sociaux, tant il est vrai que les élections professionnelles étaient jusqu’alors caractérisées par une très forte abstention ; en Haute-Egypte en particulier, la mobilisation des coptes a fait toute la différence.
33 Ainsi, cette élection révèle que si les Frères musulmans bénéficient d’une grande efficacité organisationnelle et d’une aussi large mobilisation sur la scène sociale, ils ont profité aussi largement du retrait des autres acteurs de la scène politique égyptienne. En effet, les chrétiens sont surreprésentés dans les secteurs du journalisme, du droit et dans la médecine, mais ils se sont fort peu mobilisés dans les élections des organes professionnels. L’universitaire américaine, Rachel Scott, est l’auteur d’une riche étude sur les coptes égyptiens et leur rapport à la société majoritaire. Elle précise qu’à certains égards, il est permis de penser que « la sous-représentation des coptes est le fait des coptes eux-mêmes qui évitent l’arène politique et la vie publique, bien que cela soit également en rapport avec l’apathie générale des Egyptiens en la matière » [30].
34 L’un des effets de la révolution de Tahrir aura été ainsi de bousculer cette passivité des chrétiens en matière électorale. En effet, cette élection de l’ordre des médecins est révélatrice à plus d’un titre : elle confirme que la mobilisation des chrétiens peut aboutir à bousculer la donne électorale du fait de leur poids numérique, sachant qu’ils représentent 25% des médecins en Haute-Égypte. Et l’échec massif de la confrérie à Alexandrie où elle remporte 2 sièges seulement sur les 16 disponibles dans cette ville censément acquise à ses valeurs démontre que les Frères peuvent, comme n’importe quel parti en situation d’élections libres subir un vote-sanction [31].
35 Toutefois, la confrérie savait qu’un tel scénario ne pouvait se reproduire à grande échelle lors des élections législatives dans la mesure où ses membres ont une longueur d’avance sur le terrain militant et organisationnel [32].
36 En effet, alors que les autres mouvements sont toujours en train de consolider leurs alliances et de définir leurs priorités, les Frères profitent de leur expérience dans les syndicats professionnels ; ils bénéficient en outre des réseaux de clientèles et des acquis expérientiels des 88 députés issus de leur rang qui ont siégé au précédent parlement.
37 Ainsi, Liberté et justice (el Horriya wel Adala), le parti issu de la confrérie, se présente au sein de la coalition de l’Alliance démocratique (el Tahalof ed democrati) et affronte le Bloc égyptien (el Qotla l-masriya) ainsi que la Révolution continue (el-Thawra mostamerra) qui regroupe une coalition hétéroclite de mouvements issus de la contestation, et enfin l’Alliance islamique (el-Tahalof el-islami) dominée par les salafistes.
38 Au surplus, les Frères sont encouragés par le succès des partis islamistes marocain et tunisien. Les élections législatives tunisiennes du 23 octobre dernier ont aussi démontré qu’un discours alarmiste utilisant la peur des islamistes ne saurait tenir lieu de programme politique ; c’est l’amère leçon infligée au Parti démocrate progressiste tunisien laminé lors des législatives. Les autres formations libérales tunisiennes que sont le Congrès pour la République et Ettakatol se sont gardées de sous-estimer la maturité politique de leurs concitoyens, et ont obtenu respectivement, au terme d’un accord tripartite conclu avec Ennahda, la présidence de la république et celle de l’Assemblée constituante, tandis que le parti islamiste obtenait la direction du gouvernement.
39 Enfin, comme l’illustre le cas de Rafik Habib, les fractures sociales et idéologiques ne recoupent pas les affiliations communautaires. C’est là sans doute une difficulté majeure à laquelle est confrontée l’Egypte, admettre que le sectarisme n’est pas l’apanage d’un groupe politique ou religieux particulier, et que l’éradication de la pauvreté nécessite plus que des déclarations de principe et des postures idéologiques. En effet, la révolution égyptienne a été en bonne part portée par des revendications de justice sociale. Les Frères musulmans qui sont largement demeurés déconnectés du monde ouvrier et rural et sont restés étrangers aux mobilisations sociales de ces dernières années sont confrontés à un défi économique d’envergure [33]. Si les Frères musulmans maintiennent leurs bons résultats aux différents scrutins à venir, pourront-ils si aisément, dans un contexte de crise économique majeure, se placer en porte-parole des déshérités tout en poursuivant une politique de libéralisme économique tel que défini par leur charte ? S’ils obtiennent, comme c’est probable, un rôle important dans les principales instances gouvernant le pays, les Frères ne pourront plus se contenter d’une posture réactionnelle et moraliste, mais devront développer un vrai savoir-faire politique et économique, à distance de tout populisme.
40 Somme toute, l’ère d’incertitude inquiète qui s’ouvre est le prix à payer pour la démocratie.
Notes
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[1]
L’Église copte orthodoxe est dite autocéphale et autonome depuis son rejet du concile de Chalcédoine en 451. Dépendant du Patriarcat d’Alexandrie, elle ne doit pas être confondue avec l’orthodoxie gréco-slave qui a pris naissance bien plus tard, après le grand schisme d’Orient de 1054.
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[2]
Parmi les affrontements les plus graves de ces dernières années, il faut citer ceux d’El-Kosheh en janvier 2000, les émeutes d’Alexandrie en 2005, l’attentat contre une église à Alexandrie la nuit de la Saint Sylvestre ou l’attaque d’une église copte dans le quartier cairote d’Imbaba le 7 mai dernier. Au printemps 2009, l’abattage de milliers de porcs décidé par le pouvoir au détriment des éleveurs –majoritairement coptes- suite à la grippe H1N1 a été considéré comme une manipulation politique destinée à contenter les islamistes car cette mesure ne protégeait en rien de l’épidémie. Enfin, l’attentat perpétré contre l’église des Saints (Al-Qiddissine) à Alexandrie dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2011 a causé la mort de 22 personnes. Depuis, une rumeur, alimentée par les révélations de l’avocat copte Ramzi Mamdouh, soutient que l’attentat aurait été orchestré par les autorités afin de discréditer l’opposition islamiste. A l’heure actuelle, on ne sait toujours pas l’identité des auteurs de cette attaque.
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[3]
Tangi Salaün, « La salafisation » de la société », Le Temps, mardi 15 septembre 2009.
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[4]
Il semble que ce repli soit le reflet d’une crainte liée à la diminution continue du nombre de coptes s’expliquant par un taux de natalité plus faible et une émigration plus importante des chrétiens.
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[5]
Claude Guibal, « Coptes d’Egypte, l’arme du divorce », Libération, 4 Novembre 2010.
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[6]
La sharia, il faut le préciser désigne littéralement « la voie » et ne constitue pas un corpus juridique intangible et faisant consensus ; dès lors, c’est l’interprétation des textes de l’islam qui prévaut.
-
[7]
Si la mention de la religion n’est pas supprimée à ce jour ainsi que le réclame Human Rights Watch, la Cour suprême égyptienne autorise depuis peu les musulmans convertis au christianisme à inscrire leur nouvelle religion sur leur carte d’identité sans la mention « ancien musulman » qui figurait jusqu’alors. Human Rights Watch, Prohibited Identities, State Interference with Religious Freedom, 2007, Vol 9, n° 7.
-
[8]
Wolfram Reiss, La représentation du christianisme dans les manuels scolaires égyptiens, Université de Rostock, Novembre 2002. Disponible sur www.religioscope.com/pdf/manuels/Reiss.pdf. Il faut préciser que tout enfant égyptien reçoit un enseignement religieux conforme à sa confession.
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[9]
Sur un plan économique aussi, l’Egypte dont les revenus du tourisme et de l’aide américaine constituaient des rentes indispensables ne pouvait se permettre de donner au monde l’image d’un pays ravagé par la violence confessionnelle.
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[10]
Cette analyse est partagée par de nombreux acteurs locaux comme le père Antonios Naguib, Patriarche d’Alexandrie des Coptes catholiques.
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[11]
Le 27 octobre 2011, le Parlement européen votait une résolution dénonçant les violences faîtes aux chrétiens en Egypte et en Syrie. Pour le cas égyptien, la résolution souligne que des milliers de coptes auraient quitté le pays suite à ces violences. Le député européen Magdo Christiani Allam, copte établi en Italie, est l’un des plus fervents défenseurs de la « cause » copte au sein de l’institution.
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[12]
Née de l’activité évangélique protestante, singulièrement presbytérienne en Egypte au XIXe siècle, la communauté protestante égyptienne revendique 100 000 membres. Kasr el Dobara, située à deux pas de la place Tahrir et dont on a vu des membres en prière au moment du soulèvement, est l’une des principales églises évangéliques du monde arabe.
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[13]
La première grande vague de départs a débuté dans les années 1950 lorsque Nasser, pour des raisons idéologiques, a nationalisé les terres des grands propriétaires terriens et dissout les partis. Une partie de l’élite copte qui a beaucoup pâti de ces politiques a entrepris d’émigrer alors, notamment en Amérique du Nord.
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[14]
Ils sont ainsi parvenus à faire inscrire l’Egypte au nombre des Etats stigmatisés par les Etats-Unis pour leur manquement au respect de la liberté religieuse Il s’agit d’un rapport sur la liberté religieuse internationale diffusé par le département d’État américain qui, pour la première fois, mentionne ce pays en 2010. Le lobbying exercé par ces coptes établis aux Etats-Unis pêche parfois par ses excès, ainsi, en décembre dernier à New York un groupe d’évêques comparait dans un appel à manifester le sort des coptes égyptiens à celui des noirs sud-africains durant l’Apartheid.
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[15]
Le Père Zakaria Boutros est très engagé dans l’évangélisation et connaît un succès très important en Egypte. Son propos consiste à dénoncer la fausseté de l’islam en se fondant sur des écrits coraniques. Il présentait au sein de la chaîne satellitaire chrétienne égyptienne Al-Hayat, l’émission « Questions sur la foi » depuis les Etats-Unis. Il prépare actuellement un autre programme du même type.
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[16]
Il s’agit en particulier de Paul Marshall, auteur d’un livre à succès intitulé « Their blood cries out », sur la persécution des chrétiens d’Orient. L’étude de Cornelis Huslman sur la situation des coptes en Egypte a été publiée dans un numéro spécial de Missio, N°6, 2002. Il s’agissait des actes d’un colloque organisé à Berlin les 14 et 15 septembre 2001 par l’Oeuvre Internationale Catholique Missionnaire et l’Académie Catholique portant sur le thème « Des chrétiens persécutés ? Analyses d’Asie et d’Afrique ».
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[17]
C’est la confidence que nous fait Shady Anis, un universitaire chrétien rencontré au Caire. S. Anis a lui-même vécu aux Etats-Unis mais il n’approuve pas les choix militants de ses compatriotes expatriés.
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[18]
Coptic Othodox Church Network, 2008. Directory of Churches in the U.S. And Canada. www.copticchurch.net
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[19]
Pour une analyse fine de cet aspect englobant des églises évangéliques, notamment de style « mégachurch » voir l’ouvrage très documenté de Sébastien Fath, Dieu XXL, Paris, Autrement, 2008.
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[20]
Un tel constat semble confirmé par un sondage de l’Institut Gallup réalisé en 2009 qui révèle que 100% des Egyptiens affirment leur attachement à la religion, c’est le pourcentage le plus élevé des 143 pays considérés.
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[21]
La Société biblique est une organisation missionnaire qui a pour but de diffuser et de promouvoir la Bible. Protestante à l’origine, elle agit aussi en milieu catholique.
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[22]
Entretien conduit en juin 2011 à Héliopolis en Egypte.
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[23]
Mark Lynch, « Le dilemme des Frères musulmans », Middle East Brief, Brandeis University, Crown Center for Middle East Studies, Janvier 2008, N°25, disponible sur http://www.brandeis.edu/crown/publications/meb/MEB25.pdf Accès Juillet 2011
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[24]
Le nouveau chef d’Al-Qaïda, l’égyptien Ayman al-Zawahiri a maintes fois affirmé sa détestation des Frères musulmans, après les avoir appelé, en vain, à rejoindre son organisation. Pour la confrérie, l’un de ses anciens responsables, Abu El-Fotouh répondait aux critiques d’Al Qaïda par ces mots « Nous rejetons absolument toutes les déclarations d’Al-Qaïda ; il y a un énorme fossé entre la résistance légitime, telle que pratiquée par le peuple palestinien contre les sionistes et l’usage de la force en dehors du cadre de résistance contre un ennemi extérieur » El Masry el youm, 26 juin 2007, cité par Mark Lynch, op.cit.
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[25]
Alors que ses premières ébauches avaient porté sur la démocratie et les libertés politiques, la plateforme en question exprimait l’opposition de la confrérie à l’accession des femmes et des chrétiens à la présidence ainsi que la création d’un Haut conseil d’ulémas doté de pouvoirs législatifs. Lynch démontre que ce document a été rédigé en l’absence des principaux acteurs de l’aile libérale, qui ont permis d’ailleurs à leur retour le retrait de ses aspects les plus controversés. Ces contradictions apparentes semblent donc bien plus révélatrices d’une fracture idéologique au sein d’un mouvement très divisé que d’un prétendu double discours. Il reste que pour le chercheur, c’est une erreur stratégique grave qui a sapé des années d’efforts de la confrérie pour gagner la confiance des Egyptiens, notamment des chrétiens.
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[26]
Selon le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD).
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[27]
Patrick Haenni , Husam Tammam, « Les frères musulmans égyptiens face à la question sociale ; autopsie d’un malaise socio-théologique », Institut Religioscope, Etudes et analyses – N° 20 – Mai 2009, disponible sur : http://religion.info/pdf/2009_05_fm_social.pdf. A en croire ce rapport, ce malaise sur la question sociale s’expliquerait pour des raisons liées à l’idéologie islamiste : en effet, l’introduction du concept d’inégalités sociales contredit l’idéal d’un corps social unifié et d’une Oumma unie par des liens quasi organiques, conforme à l’idéal unicitaire (tawhid) de l’islam.
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[28]
Abdel Kader Zghal, « Manoeuvre ou expression de la culture politique tunisienne ? », dans La religion dans la société arabe, Centre d’études sur l’unité arabe, Beyrouth, 1990, p. 340-349.
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[29]
Si la confrérie obtient la direction du conseil général du syndicat des médecins, elle perd plus de la moitié des comités locaux (14 sur 26) au bénéfice du Courant de l’indépendance.
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[30]
SCOTT Rachel, The Challenge of Political Islam : Non-Muslims and the Egyptian State, Stanford University Press, 2010, p 84.
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[31]
C’est l’analyse d’Ahmed Nour, jeune médecin appartenant à la liste Indépendance opposée à celle des Frères musulmans, qui explique ce résultat par le désinvestissement des Frères en matière sociale « Ils ont fait très peu pour lutter contre la détérioration des salaires ou les conditions de travail des médecins. Ils n’ont pas lutté pour améliorer l’infrastructure dans les hôpitaux publics, où 100 000 médecins du secteur public, qui sont aussi membres du syndicat soignent des millions de personnes pauvres ». Cité par Mustapha Ali, El Ahram, le 20 octobre 2011.
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[32]
Il y a « Ceux qui se révoltent et ceux qui votent » écrit à ce sujet Saïd El-Chahat dans El Youm el Sabee le 30 novembre 2011, soulignant que les Frères avaient investi le terrain militant jusqu’au dernier jour, quand les libéraux demeuraient sur la place Tahrir.
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[33]
Le mouvement du 6 avril, très présent sur la place Tahrir, est un collectif créée en avril 2008 par des jeunes activistes, pour soutenir des ouvriers du textile en grève dans les usines d’el-Mahalla, Les Frères ne se sont pas joints au mouvement de protestation à Mahalla, piégés par leur stratégie légaliste et par la volonté de ne pas s’attirer les foudres du pouvoir ; ils ont même soutenu des projets de privatisation au détriment des ouvriers, comme à l’usine de Mansoura en 2007.