Notes
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[1]
Cf. Mouton J.M., Le Sinaï médiéval, Paris, PUF, 2000.
-
[2]
En référence à la province romaine dont il fit partie et dont le centre était la ville nabatéenne de Pétra, située dans l’actuelle Jordanie.
-
[3]
Cf. Loti Pierre, Le désert, Paris Payot, 2006.
-
[4]
Cette frontière, que les Britanniques imposent aux Ottomans en 1906, court de Rafah sur la Méditerranée à Taba, sur la mer Rouge.
-
[5]
Dans la nomenclature administrative officielle, les gouvernorats des régions périphériques sont désignés par la catégorie « Gouvernorats frontières ».
-
[6]
Les contraintes qui pèsent sur la vallée et le delta du Nil, 5 % du territoire national concentre 90 % de la population, expliquent que la question de la répartition des hommes et des activités soit une préoccupation essentielle en Egypte.
-
[7]
Hamdan Gamal, The personality of Egypt : Multiplicity of Dimensions and Aspects, Le Caire, Madbouli, 1994.
-
[8]
L’Egypte bénéficie annuellement d’une aide militaire de 1,3 Md de $ à laquelle s’ajoute une aide économique, fluctuante mais tendanciellement en baisse ces dernières années, qui s’élève à 250 M de $ pour 2010. Cela fait de l’Egypte le deuxième pays au monde bénéficiaire de l’aide des Etats-Unis, après Israël.
-
[9]
Parmi les analyses du caractère rentier de l’économie égyptienne voir Cottenet Hélène, « Ressources exogènes et croissance industrielle : le cas de l’Egypte », Revue Tiers Monde n° 163, PUF, 2000.
-
[10]
Cf. Hamdan, op. cit.
-
[11]
Cf. Sanmartin Olivier, « Le militaire, le bédouin et le nudiste. Patrimoine et tourisme dans le Sinaï », Egypte-Monde arabe n° 26, Le Caire, CEDEJ, 1996.
-
[12]
Pour prix de son engagement dans la coalition anti-irakienne, l’Egypte bénéficie d’un allégement conséquent de sa dette et de nouvelles aides lui sont accordées, conditionnées par la mise en œuvre d’un plan d’ajustement structurel. A la même époque se parachève sa pleine réintégration dans la communauté des nations arabes que concrétise le retour du siège de la Ligue Arabe au Caire.
-
[13]
Un second pont, mobile celui-ci, a été construit au sud du premier pour permettre le franchissement d’une voie de chemin de fer, toujours en construction, devant relier Le Caire à Al-Arich puis à Rafah, à la frontière avec la bande de Gaza.
-
[14]
Le canal doit permettre d’irriguer 400000 feddans (160000 hectares environ) dont 50 000 ont déjà été mis en culture dans la région de Sahl al-Tina, à l’est de Port-Saïd. L’ouvrage est aujourd’hui achevé sur la moitié du tracé environ et devrait atteindre Al-Arich à l’horizon 2015.
-
[15]
Cf. Hanafi Sari, Sanmartin Olivier, « Histoires de frontières : les Palestiniens du Nord-Sinaï », Maghreb-Machrek n° 151, Paris, La Documentation Française, 1996. La présence de populations palestiniennes est ancienne dans la région mais c’est après l’exode de 1948 qu’elle s’est durablement implantée. Bien qu’il soit difficile d’évaluer précisément leur nombre, les habitants d’origine Palestinienne du Nord-Sinaï seraient environ 30 000 soit la communauté la plus importante d’Egypte après Le Caire.
-
[16]
Au cours de la même période la population de l’Egypte a augmenté de 22 %, atteignant 72,6 millions d’habitants.
-
[17]
Il s’agit d’un plan du développement du sud de l’Egypte, lancé à la fin des années 1990, adossé à un programme de développement agricole du désert alimenté par un canal connecté au lac Nasser.
-
[18]
Cf. Sanmartin Olivier, Seguin Jacques, « Sous les mines, la plage. L’espace littoral de la mer Rouge : reconversion et spécialisation d’une interface », Égypte Monde Arabe n° 22, Le Caire, CEDEJ, 1995.
-
[19]
Le tourisme est devenu, ces dernières années, un des moteurs essentiels de l’économie égyptienne. Les rentrées touristiques qui s’élevaient à 300 M de $ en 1982 ont atteint 4,2 Mds de $ en 2000, faisant depuis lors du tourisme le premier poste de ressources en devises du pays. 12,8 millions de touristes ont visité l’Egypte en 2008 générant quelque 13 Mds de $ de recettes.
-
[20]
En 1996, Charm al-Cheikh a accueilli un sommet international dit des « Bâtisseurs de la paix » au moment où la situation israélo-palestinienne se dégradait. Elle a depuis lors abrité de très nombreuses rencontres internationales.
-
[21]
L’alimentation en eau est un enjeu de premier plan, des unités de dessalement d’eau de mer privées alimentent la plupart des complexes touristiques.
-
[22]
A l’exception d’une partie des emplois d’encadrement ou d’animation dans les complexes touristiques, occupés en partie par des étrangers, ce sont des Egyptiens, originaires de la vallée du Nil, qui sont employés dans les chantiers de construction, les hôtels, les commerces et l’ensemble des activités induites par le développement touristique. Cela représente plusieurs dizaines de milliers d’emplois.
-
[23]
Les allégeances politiques des Bédouins, dans l’histoire récente du Proche-Orient, ont constitué des pommes de discorde dans les processus de démarcations frontalières consécutifs au démantèlement de l’Empire ottoman ; elles sont restées, dans de nombreux pays de la région, des enjeux pour l’assise des pouvoirs. Si ces questions furent moins aiguës en Égypte, du fait d’un déséquilibre numérique largement défavorable à la composante bédouine de la population, son contrôle, depuis l’avènement de Mohammed ‘Ali, a fait l’objet d’un souci constant de la part de l’État. C’est sous le règne du premier Khédive que s’amorce un processus de sédentarisation à grande échelle, impulsé par le pouvoir. La situation du Sinaï, son rattachement territorial tardif à l’Égypte, et son histoire récente ont différé un processus engagé de longue date aux marges de la vallée. Les occupations et administrations successives du territoire ont considérablement compliqué la régulation des allégeances et le contrôle des populations. De même que des récits évoquaient la collaboration de certaines tribus Bédouines avec le pouvoir ottoman durant la première guerre mondiale, la loyauté à l’égard de l’État égyptien d’une population soumise quinze ans durant à l’occupation israélienne, est mise en doute. Population marginale et sans scrupule, rebelle à tout pouvoir, les Bédouins se seraient toujours vendus au plus offrant. La justification d’un tel discours a longtemps puisé des arguments dans la contrebande, de stupéfiants notamment, à laquelle se reconvertirent des Bédouins à partir de la fin du XIXe siècle, en remplacement des ressources que leur procuraient l’économie caravanière, le contrôle de la route terrestre du pèlerinage ou le convoyage des pèlerins vers Sainte-Catherine.
-
[24]
Cf. Chartouni-Dubarry May (dir.), Armée et nation en Egypte : pouvoir civil, pouvoir militaire, Les notes de l’Ifri n° 31, 2001.
-
[25]
Le pays est notamment soumis aux règles de l’état d’urgence, en vigueur depuis l’assassinat de Sadate en 1981. Cf. Kienle Eberhard, « Egypte : le choix réaffirmé de l’autoritarisme » in Afrique du Nord, Moyen-Orient. Espace et conflits sous la dir. de Rémy Leveau, Paris, La Documentation Française, 2003.
-
[26]
Depuis le désengagement israélien de Gaza en 2005, un amendement au traité de paix de 1979 autorise l’Egypte à renforcer son contingent aux abords de la frontière avec la bande de Gaza par le déploiement de 750 militaires. Un chiffre que les autorités égyptiennes jugent insuffisant alors qu’elles sont régulièrement accusées, par les Américains et les Israéliens, de ne pas suffisamment contrôler la frontière, singulièrement depuis le déclenchement du blocus de Gaza en 2007 et l’intensification de la contrebande via les tunnels percés sous la frontière.
-
[27]
Selon l’organisation Human Rights Watch, 33 réfugiés soudanais auraient ainsi été tués dans le Sinaï par la police égyptienne entre 2007 et 2008 alors qu’ils tentaient de franchir la frontière israélienne, aidés par des passeurs bédouins. Cf. Wener Stéphanie, « La mortelle randonnée des migrants africains dans le Sinaï », Lettre du Caire, Les blogs du Diplo, décembre 2008, www.lemondediplomatique.fr.
-
[28]
Ces derniers payent un « droit d’entrée » au poste frontière de Taba et peuvent pénétrer sur le territoire avec leurs véhicules sans pouvoir sortir de la zone contrôlée par la MFO.
-
[29]
Cf. Sanmartin Olivier, 1996, op. cit.
-
[30]
Ces attentats ont notamment ciblé l’hôtel Hilton de Taba, à la frontière israélienne, connu pour abriter un casino fréquenté par des Israéliens. Sur les 34 victimes de ces attentats, 11 étaient israéliennes.
-
[31]
Cf. Lamnaouer Amal, « Sinaï : une nouvelle région pour le terrorisme », communication à la conférence Integrated security, Le Caire, 2006.
-
[32]
L’attentat de Charm al-Cheikh a eu lieu le 23 juillet 2005, jour de la fête nationale commémorant la révolution des Officiers libres de 1952 et celui de Dahab, le 24 avril 2006, soit la veille de l’anniversaire du retrait israélien du Sinaï, le 25 avril 1982.
-
[33]
C’est le plus lourd bilan jamais enregistré dans une attaque terroriste en Egypte.
-
[34]
Cf. Lamnaouer, op. cit.
-
[35]
Cf. le rapport Egypt’s Sinai Question, publié par ICC en janvier 2007 : www. crisisgroup.org
-
[36]
Cf. Sanmartin Olivier, « Géopolitique et aménagement du territoire » in Tensions méditerranéennes, sous la dir. de Claude Liauzu, Paris, L’Harmattan, 2003.
-
[37]
Cf. Hennion Cécile, Les faces cachés du Sinaï, Le Monde, 26 avril 2006.
1 La péninsule désertique du Sinaï, qui a longtemps joué un rôle de glacis et d’espace de confrontation, est l’objet, depuis sa restitution à l’Egypte par Israël en 1982, d’un investissement matériel et symbolique sans précédent de la part de l’Etat. Objet d’un ambitieux plan de développement, le Sinaï est devenu un « espace projet » essentiel dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire national et un espace de contact dans celui des nouvelles configurations géopolitiques régionales des années 1990. Ce volontarisme s’est traduit par un rapide processus d’urbanisation, impulsé, notamment, par le développement du tourisme. Pourtant, l’échec du processus de paix israélo-palestinien, l’impossible intégration régionale comme les blocages politiques internes à l’Egypte et les conflits avec la population locale contribuent à maintenir ce territoire sous tensions.
2 Espace mythique, cadre d’un épisode majeur de la Bible, la péninsule du Sinaï est, avant tout, symbolisée par un haut lieu, une montagne sacrée qui lui a donné son nom, et dont la résonance est universelle. Cette spécificité vaut au Sinaï d’être depuis le haut Moyen-Âge une terre de pèlerinage. Toutefois, ce territoire, en grande partie désertique, est longtemps demeuré une marche, une zone frontière à la souveraineté incertaine, un espace de circulation mais aussi de conflit [1]. Historiquement, le Sinaï, c’est avant tout des routes, celle de l’exode évidemment, mais d’autres aussi dont le tracé remonte à l’antiquité ou à l’avènement de l’Islam, tel le darb el-hajj, cette route du pèlerinage qui traverse la péninsule en son centre jusqu’à la fin du XIXe siècle, avant d’être définitivement abandonnée au profit de la voie maritime. Cet isthme est un passage entre l’Egypte historique (la vallée et le delta du Nil) et le bilad esh-sham, la Palestine, la Syrie, mais aussi l’Arabie. En Europe, c’est sous le nom d’Arabie pétrée [2], que ce désert est le plus souvent évoqué jusqu’au XIXe siècle, par Pierre Loti [3] et tant d’autres.
3 L’autonomie progressive de l’Egypte au sein de l’empire ottoman, à partir du XIXe siècle et, partant, la construction de l’Etat moderne, s’inscrivent peu à peu dans un espace borné par des frontières linéaires. Dans ce contexte, le contrôle des périphéries désertiques de la vallée du Nil va être un élément déterminant dans la quête d’indépendance du pays à partir du règne de Mohammed Ali (1805-1840) et durant la période de l’occupation britannique (1882-1956). Dans sa configuration actuelle, la péninsule est ainsi un territoire récent, délimité à l’est par une frontière, qui s’est peu à peu dessinée au XIXe siècle et prend son tracé actuel en 1906 [4], et, à l’ouest, par une voie d’eau, le canal des Deux mers ou canal de Suez ouvert en 1869. C’est entre ces deux lignes que va s’écrire l’histoire contemporaine de la région. La création d’Israël, en 1948, et les conflits qui opposeront l’Egypte à l’Etat hébreu donneront une valeur supplémentaire aux « territoires frontières [5] » orientaux, devenus objets d’une confrontation qui se soldera par quinze années d’occupation de la péninsule du Sinaï par l’armée israélienne à partir de 1967. C’est là un évènement décisif des évolutions de l’Egypte contemporaine et la péninsule du Sinaï en sera un enjeu central.
4 Restitué à l’Egypte en 1982, le Sinaï a fait l’objet depuis lors d’un investissement, tant matériel que symbolique, sans précédent de la part de l’Etat égyptien. Ce vaste territoire – un peu plus de 60000 km2 pour environ 500000 habitants aujourd’hui – est devenu un « espace projet » de premier plan dans le cadre d’une politique d’aménagement du territoire national qui poursuit une logique de conquête de nouveaux espaces [6]. Marge presque vierge, qu’il s’agit d’intégrer à une nouvelle géographie de l’Egypte, le Sinaï s’est également trouvé investi, dans les années 1990, d’un autre rôle, celui d’interface dans le cadre des nouvelles configurations géopolitiques et économiques régionales, que ce soit à travers des projets d’infrastructures ou le développement du tourisme. Tensions et contradictions affectent ces processus et ces dynamiques que nous évoquerons en trois moments. Nous présenterons dans un premier temps le contexte et les enjeux qui ont conduit le pouvoir égyptien à faire de cet espace marginal un territoire essentiel dans sa stratégie de développement et dans les représentations qui la fondent. Nous nous intéresserons ensuite aux dynamiques qui font de ce territoire un espace complexe, de plus en plus ouvert et nous verrons enfin qu’il reste soumis à de fortes tensions.
Les lendemains de la guerre d’Octobre
5 L’occupation israélienne du Sinaï en 1967, conséquence de la Guerre des six jours, a reconfiguré la nature du conflit israélo-arabe. En « amputant la nation égyptienne d’un de ses membres » [7], cette occupation change la nature du conflit pour l’Egypte. La libération de la Palestine n’en est plus l’unique enjeu. De fait, l’offensive d’octobre 1973 est avant toute chose motivée par la volonté de l’Egypte de récupérer les territoires perdus. D’un point de vue géopolitique, ce nouveau conflit est une rupture fondamentale qui conduira l’Egypte sur le chemin d’une paix séparée avec Israël et l’ancrera durablement aux côtés des Etats-Unis. En effet, la récupération des territoires a pour corollaire la reconnaissance d’Israël, un accord de paix, ainsi que la mise en œuvre d’une aide stratégique américaine qui concrétise la dépendance de l’Egypte à l’égard des Etats-Unis [8].
6 Les évolutions économiques de l’Egypte à partir de 1973, sont également à mettre en perspective avec les conséquences du conflit. Epuisée par l’effort de guerre et un dirigisme qui a montré ses limites, l’Egypte s’engage dans un processus d’ouverture économique contrôlé qui va correspondre avec l’irruption des revenus pétrolier sur la scène régionale et renforcer le caractère « rentier » de l’économie égyptienne, dominée dès lors par les exportations de pétrole, les revenus du canal de Suez, rouvert en 1975, les remises des travailleurs expatriés dans le golfe arabo-persique et l’aide américaine [9]. Cette période est également marquée par une volonté de réorganisation de l’espace économique national, notamment définie dans le Manifeste d’octobre que publie Sadate en avril 1974. Ses piliers en sont la reconstruction des territoires affectés par la guerre, la région du canal de Suez et le Sinaï, et le développement de nouveaux espaces périphériques pour desserrer l’étau démographique sur la vallée du Nil et ouvrir l’espace national aux échanges et aux investissements internationaux.
7 C’est dans ce contexte que va s’élaborer un nouveau discours, et être définie une politique pour la péninsule du Sinaï. En récupérant ce territoire, négligé par le pouvoir égyptien avant 1967 mais en partie mis en valeur par les Israéliens durant l’occupation, l’Egypte veut renouer avec une « dimension asiatique [10] » profondément inscrite dans l’histoire. Des recherches archéologiques vont ainsi chercher à conforter l’égyptianité du territoire, en contrepoint des campagnes israéliennes menées durant l’occupation pour la légitimer par l’histoire et l’archéologie [11]. Le régime, notamment contesté pour avoir fait la paix avec Israël, va chercher à se construire une nouvelle légitimité basée sur la restauration de l’intégrité territoriale du pays et les sacrifices consentis pour y parvenir. La dénomination de nombreuses réalisations des années 70 et 80 (villes nouvelles, implantations dans les nouvelles terres agricoles, infrastructures, ouvrages d’art, etc.) fait directement références à la guerre de 1973 et à la traversée victorieuse du canal de Suez. Ces choix sont un élément à part entière de la propagande du régime et en reflètent les enjeux identitaires et nationaux.
8 L’évacuation du Sinaï par l’armée israélienne, qui s’échelonne de 1979 à 1982, donne lieu à un mouvement de conquête sans précédent de la part de l’Etat égyptien selon une double logique : une réappropriation matérielle et symbolique du territoire puis son inscription dans une géopolitique régionale en mouvement. Ces deux dimensions sont présentes dans l’ensemble des projets formulés pour le Sinaï à partir des années 80. Elles sont consubstantielles de celui qui sera finalement retenu en 1994 : le PNDS ou Projet National de Développement du Sinaï. L’amélioration de la situation économique de l’Egypte à l’issue de la guerre du Golfe et l’affirmation de son engagement dans une logique libérale, ainsi que l’ouverture de négociations de paix sur une base régionale constituent l’arrière-plan de sa mise en œuvre [12].
Les dynamiques de développement du territoire
9 Ainsi, au début des années 1990, les conditions semblent réunies pour la relance d’un grand projet volontariste en direction du Sinaï. Largement médiatisé, le PNDS s’inscrit d’emblée dans le cadre du processus de paix au Proche-Orient mais aussi dans celui des nouvelles orientations libérales du pays en faisant une large place à la nécessaire mobilisation des initiatives privées. Assez faible d’un point de vue conceptuel, le plan consiste essentiellement en un inventaire sectoriel des projets et des investissements nécessaires (25 Mds de $ sur 25 ans sont alors programmés) pour faire du Sinaï une région peuplée de plus de trois millions d’habitants à l’horizon 2020. Il s’appuie notamment sur une politique d’infrastructures visant à connecter la péninsule au territoire national dont l’élément emblématique est un pont franchissant le canal de Suez – baptisé « Moubarak Peace Bridge », il a été ouvert à la circulation en 2001 [13] – et sur un vaste projet d’irrigation du nord de la péninsule dont la pièce maîtresse est le canal de la Paix, qui doit conduire les eaux du Nil jusqu’à Al-Arich, ville la plus importante de la région.. La construction de l’ouvrage débute en 1994, soutenue par des fonds saoudiens et koweïtiens, et s’accompagne d’un programme de privatisation et de bonification des terres qui a permis une extension des terres cultivées à l’est du canal de Suez [14]. Le Sinaï devient ainsi un « espace-projet » aux avant-postes d’une paix régionale qui semble alors se dessiner, son développement devant participer à la reconnexion de territoires morcelés par un demi-siècle de conflit. Les projets d’infrastructures sont tous énoncés dans ce cadre (route, canal, pont, réseau électrique, gazoduc) et, immanquablement affublés du mot « paix », en sont présentés comme les dividendes. Dans le même temps, ces projets sont décrits, dans la presse notamment, comme le moyen le plus efficace de se prémunir face à une nouvelle occupation du territoire. Selon le discours dominant, si les Israéliens se sont emparés si facilement du Sinaï à deux reprises, en 1956 et en 1967, c’est parce qu’il était « vide ».
10 Incontestablement, ce volontarisme a eu des effets en terme de croissance démographique et d’urbanisation, notamment dans la zone frontalière, une bande côtière d’une cinquantaine de kilomètre entre Al-Arich et la bande de Gaza, où vit plus de 70 % de la population du gouvernorat du Nord-Sinaï, dont une partie est d’origine palestinienne [15]. La principale agglomération, Al-Arich, a ainsi vu sa population doubler entre 1982 et 1996 et elle a poursuivi sa croissance depuis lors. Avec environ 140000 habitants elle est la première « ville du désert » en Egypte, c’est-à-dire située hors de la vallée et du delta du Nil.
11 Poursuite d’un mouvement ancien de sédentarisation, retour des réfugiés du conflit (25000 natifs du Sinaï environ l’avaient quitté en 1967), et mouvement migratoire en provenance d’Egypte – plus de 50 % de la population du gouvernorat est aujourd’hui originaire de la vallée du Nil – ont concouru, au-delà du croît naturel, à cette dynamique démographique. La population totale de la péninsule a ainsi doublé au cours de la période 1982-1996 et a augmenté de près de 60 % entre 1996 et le dernier recensement en 2006 [16], pour s’établir à 489087 habitants, dont 339752 dans le Nord-Sinaï et 149335 dans le Sud-Sinaï. Toutefois, les objectifs de peuplement énoncés dans les années 1990 – 3 millions d’habitants - sont loin d’être atteints et le Sinaï ne semble pas pouvoir être cet exutoire au « trop plein » de population de l’Egypte qu’annonçait le pouvoir il y a une quinzaine d’années. Au-delà de l’irréalisme des projections, les retards pris par de nombreux projets, le problème des ressources, et particulièrement la question sensible de l’eau, les difficultés économiques traversées par le pays, notamment au début des années 2000, ainsi que la dégradation du contexte géopolitique régional semblent avoir fait passer le peuplement du Sinaï au second plan des préoccupations des autorités. Dans le même temps, d’autres « méga-projets » mobilisateurs ont eu les faveurs du pouvoir, à l’instar du projet Tochka [17], contribuant également à une dispersion des crédits et des énergies.
12 Sur le terrain du tourisme toutefois, les changements ont été extrêmement rapides et spectaculaires, et sont essentiellement concentrés dans le sud de la péninsule, sur les rives du golfe d’Aqaba. L’évolution du contexte régional, conjuguée à une crise du tourisme dans la vallée du Nil, consécutive à la Guerre du golfe et à une vague d’attentats en Egypte, ont contribué à accélérer l’essor du tourisme aux marges du territoire national [18]. Alors que, jusqu’aux années 1990, le tourisme en Egypte concernait essentiellement la vallée du Nil et le patrimoine pharaonique, la mise en valeur des littoraux a modifié en profondeur les caractéristiques du « produit » Egypte. Tandis qu’en 1982 les capacités d’accueil du Sinaï et du gouvernorat de la mer Rouge représentaient 3 % du parc hôtelier national, cette part a dépassé les 50 % en 2003. Dotées d’infrastructures performantes, notamment aéroportuaires, ces régions sont désormais accessibles directement depuis l’Europe d’où proviennent les trois-quarts des visiteurs. La moitié des quelque 8 millions de touristes qu’a accueillis l’Egypte en 2004 a séjourné sur les rives de la mer Rouge, un quart dans la seule station de Charm al-Cheikh, principal pôle touristique du Sinaï, situé à l’extrême sud de la péninsule [19]. La ville est aujourd’hui une vitrine du développement touristique, tout autant qu’un symbole des choix économiques libéraux et des dividendes de la paix régionale. Outre la qualité des infrastructures et l’isolement qui permet une sécurisation efficace des lieux, cette symbolique préside largement au choix de la station pour l’organisation des rencontres politiques au sommet qui s’y déroulent depuis 1996 [20]. Mais, cet édifice demeure fragile : il a été en particulier fortement ébranlé par des attentats en juillet 2005. Nous y reviendrons.
13 Quoi qu’il en soit, l’attractivité de ces nouveaux espaces est donc certaine, tant pour les touristes que pour les investisseurs. Le secteur est d’ailleurs devenu un laboratoire de la libéralisation dans le cadre d’une politique touristique de concession à des entrepreneurs, aboutissant à une privatisation progressive des espaces mais aussi des infrastructures [21]. Pour autant, des mesures de sauvegarde, novatrices en Egypte, ont également été prises, passant notamment par la délimitation de périmètres protégés, espaces interstitiels entre les zones vouées au développement touristique. Un enjeu de taille car paysages et fonds sous-marins constituent le principal attrait de ces littoraux. Il faut néanmoins souligner les difficultés de mise en œuvre des dispositions légales de protection de l’environnement et les dérives spéculatives qui affectent des espaces fragiles soumis aujourd’hui à une très forte pression. Ainsi, au cours de la dernière décennie, la multiplication des structures hôtelières, le développement d’un parc immobilier de loisir, la construction de centres commerciaux et autres équipements publics ont participé d’un spectaculaire mouvement d’urbanisation sur les littoraux de la mer Rouge. Elle s’accompagne d’intenses mouvements de main d’œuvre en provenance de la vallée du Nil, mais ce sont pour l’essentiel des mouvements migratoires temporaires ou saisonniers, et largement masculins [22]. Toutefois, ce développement laisse beaucoup de monde sur le bord de la route, nourrissant un fort ressentiment. De nombreuses localités, en périphérie des stations touristiques ou dans l’intérieur, restent dans une situation très précaire et n’ont la plupart du temps accès à aucun service : ni eau, ni électricité, ni école, tandis que beaucoup de Bédouins se sont vu spoliés de leurs droits fonciers coutumiers et ne participent que très marginalement à l’économie touristique. Une situation ancrée dans un climat de défiance réciproque et historique entre le pouvoir égyptien et la population bédouine de la péninsule [23].
Une région sous tensions : la « question du Sinaï »
14 Le Sinaï, en tant qu’espace frontière, est très sensible au climat régional et marqué par des représentations dominées par les rapports à l’Autre. L’actualité du Sinaï fait ainsi écho aux soubresauts de la géopolitique régionale de ces dernières années : dégradation de la situation israélo-palestinienne depuis 2000, conséquences des attentats du 11 septembre 2001, occupation américaine de l’Irak à partir de 2003. Dans le même temps, les dynamiques qui affectent l’Egypte et sa politique à l’égard du Sinaï s’inscrivent dans une certaine continuité. Bien que le mot « paix » soit récurrent dans les discours et les projets, ce n’est pas tant la perception stratégique du Sinaï qui a changé que les formes de sa mobilisation. En effet, malgré l’incontestable détente amorcée au début des années 1990 et les perspectives régionales qu’elle a entrouvertes, après 15 années de « paix froide » avec Israël, les perceptions et la hiérarchisation des menaces externes n’ont que peu évolué, la doctrine militaire égyptienne, comme les sentiments de l’opinion, restent basés sur la primauté de la menace israélienne [24]. Celle-ci est d’ailleurs instrumentalisée en permanence par le régime comme une justification supplémentaire au refus du pluralisme et aux conduites autoritaires [25], alors que dans le même temps, il demeure l’allié essentiel de Washington dans la région et que la paix régionale reste son horizon stratégique. Le projet de développement du Sinaï est ainsi un élément de cette politique et peut être doublement instrumentalisé et lu : ouverture régionale et conquête sécuritaire du territoire sont les deux faces d’une même politique.
15 La difficile intégration de la population bédouine – qui représenterait environ le tiers de la population totale de la péninsule aujourd’hui – marginalisée, notamment dans le sud, et encore largement perçue comme entretenant des liens ambigus avec l’ancien occupant, ou bien la politique de mémoire mise en œuvre dans le territoire en témoignent et s’inscrivent en continuité avec les enjeux politiques et identitaires que nous évoquions précédemment. Ainsi, les traces dans le paysage et dans les discours de la guerre et de l’occupation restent nombreuses et leur instrumentalisation par le pouvoir est un des ressorts essentiels de sa légitimation. Des monuments commémoratifs de la guerre d’Octobre, édifiés ces dernières années, proposent toujours une mise en scène du conflit qui ne vise pas à le dépasser ou à l’inscrire dans une vision critique de l’histoire, mais bien à le réactualiser, à le pérenniser symboliquement.
16 Plus encore, la logique sécuritaire qui prévaut toujours dans la péninsule détermine un mode de fonctionnement spécifique de l’espace. Aux termes des accords de Camp David, signés en 1979, le Sinaï s’est ainsi trouvé divisé en trois bandes méridiennes, largement démilitarisées, dont la plus orientale est occupée par une force multinationale d’interposition, la MFO (Military Force and Observers), indépendante de l’ONU et mise en place en 1982. Ce maillage implique des limites à la souveraineté égyptienne sur le territoire, régulièrement dénoncées par l’opposition comme par le pouvoir, mais également un contrôle des axes routiers et une limitation de l’accès à certaines zones qui soumettent la population à de nombreuses restrictions de circulation et engendrent une véritable déconnexion entre le nord et le sud de la péninsule. Dans le même temps les strictes limitations à la présence militaire et policière égyptienne rendent difficiles le contrôle d’une frontière qui est le lieu de tous les trafics [26] – armes, drogues, migrations clandestines etc. – mais aussi de tous les drames [27].
17 La région touristique du golfe d’Aqaba, qui se trouve incluse en totalité dans le secteur où est positionnée la MFO, est également soumise à un statut particulier puisque les touristes étrangers qui y arrivent directement n’ont pas besoin de visa s’ils demeurent dans le secteur. Une règle qui découle du traitement accordé aux touristes israéliens, prévue par les accords de Camp David [28]. Ainsi, jusqu’au début des années 2000, les Israéliens constituaient la troisième clientèle touristique de l’Egypte derrière les Italiens et les Allemands, et fréquentaient essentiellement les plages du Sinaï. Une présence en reflux après le déclenchement de la seconde Intifada, mais qui était repartie à la hausse avant la série d’attentats qui a touché le Sinaï entre 2004 et 2006. Cette présence des touristes israéliens n’a cessé de générer tensions et débats en Egypte depuis les années 1980, allant de la dénonciation d’une pérennisation de l’occupation à celle des pratiques déviantes (alcool, drogue, sexe) dont les Israéliens seraient les vecteurs [29]. Ces enjeux sont d’autant plus sensibles que, pour des raisons essentiellement économiques, ces régions restent inaccessibles à la grande majorité des Égyptiens, et que les fantasmes alimentent ces représentations, dangereusement instrumentalisées par le pouvoir.
18 C’est dans ce contexte qu’ont eu lieu, le 7 octobre 2004, au lendemain de la fête des forces armée qui commémore la victoire de 1973, une série d’attentats à Taba et à Nuweiba qui, semble-t-il, visaient en premier lieu des touristes israéliens [30]. Faisant l’objet de plusieurs revendications ces attentats ont d’abord été attribués par les autorités égyptiennes à des organisations étrangères proches, par leur mode opératoire – il s’agissait d’attentats suicides simultanés – de la nébuleuse al-Qaïda. Ils ont pourtant été suivis d’une vague répressive sans précédent dans le Sinaï qui a conduit à l’arrestation de plus de 3000 personnes. Tortures, détentions arbitraires, y compris de femmes, ont été dénoncées par des organisations de défense des droits de l’homme tandis que les affrontements se sont multipliés entre forces de police et communautés bédouines, accusées d’avoir apporté un soutien logistique aux terroristes si ce n’est désignées comme responsables des attaques [31]. C’est dans ce climat d’extrême tension que se sont produits en 2005 et 2006 d’autres attentats qui visaient cette fois bien plus explicitement des symboles du pouvoir égyptien [32] et la florissante industrie touristique, à l’instar de ceux de Charm al-Cheikh, perpétrés en juillet 2005, qui ont fait 88 morts [33]. Perpétrés par des natifs de la région, ils signent l’échec de l’intégration de ce territoire et de sa population, restée largement en marge du spectaculaire développement touristique du sud de la péninsule, et ont pu être interprétés, à l’instar des attentats qui touchèrent le sud de l’Egypte dans les années 90, comme une forme de « revanche régionale » contre la pauvreté et l’injustice [34]. Sans motivations idéologiques claires ces évènements s’inscrivent en effet dans un contexte de profondes difficultés socio-économiques pour la population locale et de vives tensions politiques et culturelles. Les réponses des autorités égyptiennes à l’émergence de ce que l’organisation International Crisis Group désigne en 2007 comme « La question du Sinaï » [35], n’ont pourtant été que répressives et sécuritaires, à l’instar de la clôture édifiée autour de Charm al-Cheikh en 2005.
19 La « conquête » et le développement du Sinaï depuis les années 1980 ont d’abord été dictés par le contexte géopolitique [36], induisant des logiques autant contradictoires que complémentaires, entre ouverture et fermeture, coopération et conflit, conquête et contact. La vision qu’a l’État égyptien du devenir du Sinaï est empreinte de ces contradictions et n’est pas sans ambiguïtés. Si le projet de développement de la péninsule s’inscrit très clairement dans le contexte d’un « nouvel ordre » régional à construire et qui reste d’abord soumis au règlement politique du conflit israélo-palestinien, il se veut tout à la fois une entreprise sécuritaire et stratégique d’occupation de l’espace. Cette dernière est fortement marquée par un imaginaire à référent national et identitaire, lié à l’histoire récente du territoire, et le Sinaï demeure à la fois un espace de confrontation symbolique avec Israël et un territoire à « égyptianiser » sans prise en compte des spécificités culturelles et des besoins d’une partie de sa population.
20 Ainsi, le développement de la péninsule engagé par l’Etat égyptien s’est en partie fait contre la population bédouine, nourrissant les tensions et frustrations qui constituent la toile de fond des évènements survenus ces dernières années [37]. Plus largement ces mutations s’inscrivent dans le contexte socio-économique et politique qui caractérise l’Egypte, marqué par une fragmentation des territoires, des logiques ségrégatives et un accroissement des inégalités porteur d’instabilité. ?
Notes
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[1]
Cf. Mouton J.M., Le Sinaï médiéval, Paris, PUF, 2000.
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[2]
En référence à la province romaine dont il fit partie et dont le centre était la ville nabatéenne de Pétra, située dans l’actuelle Jordanie.
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[3]
Cf. Loti Pierre, Le désert, Paris Payot, 2006.
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[4]
Cette frontière, que les Britanniques imposent aux Ottomans en 1906, court de Rafah sur la Méditerranée à Taba, sur la mer Rouge.
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[5]
Dans la nomenclature administrative officielle, les gouvernorats des régions périphériques sont désignés par la catégorie « Gouvernorats frontières ».
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[6]
Les contraintes qui pèsent sur la vallée et le delta du Nil, 5 % du territoire national concentre 90 % de la population, expliquent que la question de la répartition des hommes et des activités soit une préoccupation essentielle en Egypte.
-
[7]
Hamdan Gamal, The personality of Egypt : Multiplicity of Dimensions and Aspects, Le Caire, Madbouli, 1994.
-
[8]
L’Egypte bénéficie annuellement d’une aide militaire de 1,3 Md de $ à laquelle s’ajoute une aide économique, fluctuante mais tendanciellement en baisse ces dernières années, qui s’élève à 250 M de $ pour 2010. Cela fait de l’Egypte le deuxième pays au monde bénéficiaire de l’aide des Etats-Unis, après Israël.
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[9]
Parmi les analyses du caractère rentier de l’économie égyptienne voir Cottenet Hélène, « Ressources exogènes et croissance industrielle : le cas de l’Egypte », Revue Tiers Monde n° 163, PUF, 2000.
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[10]
Cf. Hamdan, op. cit.
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[11]
Cf. Sanmartin Olivier, « Le militaire, le bédouin et le nudiste. Patrimoine et tourisme dans le Sinaï », Egypte-Monde arabe n° 26, Le Caire, CEDEJ, 1996.
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[12]
Pour prix de son engagement dans la coalition anti-irakienne, l’Egypte bénéficie d’un allégement conséquent de sa dette et de nouvelles aides lui sont accordées, conditionnées par la mise en œuvre d’un plan d’ajustement structurel. A la même époque se parachève sa pleine réintégration dans la communauté des nations arabes que concrétise le retour du siège de la Ligue Arabe au Caire.
-
[13]
Un second pont, mobile celui-ci, a été construit au sud du premier pour permettre le franchissement d’une voie de chemin de fer, toujours en construction, devant relier Le Caire à Al-Arich puis à Rafah, à la frontière avec la bande de Gaza.
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[14]
Le canal doit permettre d’irriguer 400000 feddans (160000 hectares environ) dont 50 000 ont déjà été mis en culture dans la région de Sahl al-Tina, à l’est de Port-Saïd. L’ouvrage est aujourd’hui achevé sur la moitié du tracé environ et devrait atteindre Al-Arich à l’horizon 2015.
-
[15]
Cf. Hanafi Sari, Sanmartin Olivier, « Histoires de frontières : les Palestiniens du Nord-Sinaï », Maghreb-Machrek n° 151, Paris, La Documentation Française, 1996. La présence de populations palestiniennes est ancienne dans la région mais c’est après l’exode de 1948 qu’elle s’est durablement implantée. Bien qu’il soit difficile d’évaluer précisément leur nombre, les habitants d’origine Palestinienne du Nord-Sinaï seraient environ 30 000 soit la communauté la plus importante d’Egypte après Le Caire.
-
[16]
Au cours de la même période la population de l’Egypte a augmenté de 22 %, atteignant 72,6 millions d’habitants.
-
[17]
Il s’agit d’un plan du développement du sud de l’Egypte, lancé à la fin des années 1990, adossé à un programme de développement agricole du désert alimenté par un canal connecté au lac Nasser.
-
[18]
Cf. Sanmartin Olivier, Seguin Jacques, « Sous les mines, la plage. L’espace littoral de la mer Rouge : reconversion et spécialisation d’une interface », Égypte Monde Arabe n° 22, Le Caire, CEDEJ, 1995.
-
[19]
Le tourisme est devenu, ces dernières années, un des moteurs essentiels de l’économie égyptienne. Les rentrées touristiques qui s’élevaient à 300 M de $ en 1982 ont atteint 4,2 Mds de $ en 2000, faisant depuis lors du tourisme le premier poste de ressources en devises du pays. 12,8 millions de touristes ont visité l’Egypte en 2008 générant quelque 13 Mds de $ de recettes.
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[20]
En 1996, Charm al-Cheikh a accueilli un sommet international dit des « Bâtisseurs de la paix » au moment où la situation israélo-palestinienne se dégradait. Elle a depuis lors abrité de très nombreuses rencontres internationales.
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[21]
L’alimentation en eau est un enjeu de premier plan, des unités de dessalement d’eau de mer privées alimentent la plupart des complexes touristiques.
-
[22]
A l’exception d’une partie des emplois d’encadrement ou d’animation dans les complexes touristiques, occupés en partie par des étrangers, ce sont des Egyptiens, originaires de la vallée du Nil, qui sont employés dans les chantiers de construction, les hôtels, les commerces et l’ensemble des activités induites par le développement touristique. Cela représente plusieurs dizaines de milliers d’emplois.
-
[23]
Les allégeances politiques des Bédouins, dans l’histoire récente du Proche-Orient, ont constitué des pommes de discorde dans les processus de démarcations frontalières consécutifs au démantèlement de l’Empire ottoman ; elles sont restées, dans de nombreux pays de la région, des enjeux pour l’assise des pouvoirs. Si ces questions furent moins aiguës en Égypte, du fait d’un déséquilibre numérique largement défavorable à la composante bédouine de la population, son contrôle, depuis l’avènement de Mohammed ‘Ali, a fait l’objet d’un souci constant de la part de l’État. C’est sous le règne du premier Khédive que s’amorce un processus de sédentarisation à grande échelle, impulsé par le pouvoir. La situation du Sinaï, son rattachement territorial tardif à l’Égypte, et son histoire récente ont différé un processus engagé de longue date aux marges de la vallée. Les occupations et administrations successives du territoire ont considérablement compliqué la régulation des allégeances et le contrôle des populations. De même que des récits évoquaient la collaboration de certaines tribus Bédouines avec le pouvoir ottoman durant la première guerre mondiale, la loyauté à l’égard de l’État égyptien d’une population soumise quinze ans durant à l’occupation israélienne, est mise en doute. Population marginale et sans scrupule, rebelle à tout pouvoir, les Bédouins se seraient toujours vendus au plus offrant. La justification d’un tel discours a longtemps puisé des arguments dans la contrebande, de stupéfiants notamment, à laquelle se reconvertirent des Bédouins à partir de la fin du XIXe siècle, en remplacement des ressources que leur procuraient l’économie caravanière, le contrôle de la route terrestre du pèlerinage ou le convoyage des pèlerins vers Sainte-Catherine.
-
[24]
Cf. Chartouni-Dubarry May (dir.), Armée et nation en Egypte : pouvoir civil, pouvoir militaire, Les notes de l’Ifri n° 31, 2001.
-
[25]
Le pays est notamment soumis aux règles de l’état d’urgence, en vigueur depuis l’assassinat de Sadate en 1981. Cf. Kienle Eberhard, « Egypte : le choix réaffirmé de l’autoritarisme » in Afrique du Nord, Moyen-Orient. Espace et conflits sous la dir. de Rémy Leveau, Paris, La Documentation Française, 2003.
-
[26]
Depuis le désengagement israélien de Gaza en 2005, un amendement au traité de paix de 1979 autorise l’Egypte à renforcer son contingent aux abords de la frontière avec la bande de Gaza par le déploiement de 750 militaires. Un chiffre que les autorités égyptiennes jugent insuffisant alors qu’elles sont régulièrement accusées, par les Américains et les Israéliens, de ne pas suffisamment contrôler la frontière, singulièrement depuis le déclenchement du blocus de Gaza en 2007 et l’intensification de la contrebande via les tunnels percés sous la frontière.
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[27]
Selon l’organisation Human Rights Watch, 33 réfugiés soudanais auraient ainsi été tués dans le Sinaï par la police égyptienne entre 2007 et 2008 alors qu’ils tentaient de franchir la frontière israélienne, aidés par des passeurs bédouins. Cf. Wener Stéphanie, « La mortelle randonnée des migrants africains dans le Sinaï », Lettre du Caire, Les blogs du Diplo, décembre 2008, www.lemondediplomatique.fr.
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[28]
Ces derniers payent un « droit d’entrée » au poste frontière de Taba et peuvent pénétrer sur le territoire avec leurs véhicules sans pouvoir sortir de la zone contrôlée par la MFO.
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[29]
Cf. Sanmartin Olivier, 1996, op. cit.
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[30]
Ces attentats ont notamment ciblé l’hôtel Hilton de Taba, à la frontière israélienne, connu pour abriter un casino fréquenté par des Israéliens. Sur les 34 victimes de ces attentats, 11 étaient israéliennes.
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[31]
Cf. Lamnaouer Amal, « Sinaï : une nouvelle région pour le terrorisme », communication à la conférence Integrated security, Le Caire, 2006.
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[32]
L’attentat de Charm al-Cheikh a eu lieu le 23 juillet 2005, jour de la fête nationale commémorant la révolution des Officiers libres de 1952 et celui de Dahab, le 24 avril 2006, soit la veille de l’anniversaire du retrait israélien du Sinaï, le 25 avril 1982.
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[33]
C’est le plus lourd bilan jamais enregistré dans une attaque terroriste en Egypte.
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[34]
Cf. Lamnaouer, op. cit.
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[35]
Cf. le rapport Egypt’s Sinai Question, publié par ICC en janvier 2007 : www. crisisgroup.org
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[36]
Cf. Sanmartin Olivier, « Géopolitique et aménagement du territoire » in Tensions méditerranéennes, sous la dir. de Claude Liauzu, Paris, L’Harmattan, 2003.
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[37]
Cf. Hennion Cécile, Les faces cachés du Sinaï, Le Monde, 26 avril 2006.