Notes
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[1]
Les traces laissées par le passé colonial et une stigmatisation qui a perduré par-delà la décolonisation expliquent les violences à l’égard de cette frange de la population. Par ailleurs, entre 1962 et 1973, l’immigration maghrébine a doublé. Dans cet ensemble, l’immigration algérienne est la plus remarquable. En 1973, avec un total de 845 694 personnes, elle représente le plus grand nombre de migrants en France.
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[2]
Il est difficile de quantifier cette violence en raison de l’absence de statistiques officielles et du fort risque de sous-déclaration. Pour ma part, en consultant des archives du ministère de l’Intérieur, des archives associatives et des archives de presse, j’ai pu relever 731 actes dénoncés comme étant des crimes racistes entre 1970 et 1997, soit une moyenne de 27 cas par an.
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[3]
John A. Powell, « Structural racism : Building upon the insights of John Calmore », North Carolina Law Review, vol. 86, n° 3, 2008, p. 791-816. Eduardo Bonilla-Silva, « Rethinking racism : Toward a structural interpretation », American Sociological Review, vol. 62, n° 3, 1997, p. 465-480.
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[4]
La loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme (dite loi Pleven), la loi n° 85-10 du 3 janvier 1985 portant diverses dispositions d’ordre social, la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe (dite loi Gayssot) et la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe (dite loi Preben).
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[5]
Sous certaines conditions, la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 a finalement permis de faire du mobile raciste une circonstance aggravante dans les infractions de type criminel.
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[6]
Article 1er de la Constitution française du 4 novembre 1958.
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[7]
Article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ouverte à la signature des États le 21 décembre 1965, ONU.
-
[8]
Projet de loi n° 1617 autorisant l’adhésion à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ouverte à la signature le 7 mars 1966, enregistrée le 23 janvier 1971. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[9]
Débats parlementaires, Assemblée nationale, séance du jeudi 15 avril 1971. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[10]
Ibid.
-
[11]
La loi Pleven autorise par ailleurs les associations ayant cinq ans d’existence et dont les statuts mentionnent la lutte contre le racisme à se porter partie civile dans le cas de diffamations, d’injures et de provocation à la haine raciale, elle sanctionne les « discriminations raciales » et permet la dissolution des associations incitant à la discrimination, la haine ou la violence.
-
[12]
Sylvain Laurens, Une politisation feutrée. Les hauts fonctionnaires et l’immigration en France, Paris, Belin, « Socio-histoires », 347 p., 2009.
-
[13]
Rachida Brahim, « Nous exécrons le racisme : contrôle migratoire et approche culturaliste des crimes racistes dans la France des années 1970 », Cultures & Conflits, vol. 107, n° 3, « La production officielle des différences culturelles », 2017, p. 43-60.
-
[14]
Rapport sur la loi française du 1er juillet 1972 réprimant la discrimination raciale. Archives du MRAP, Paris, carton 1, loi de 1972.
-
[15]
Abdellali Hajjat, La Marche pour l’égalité et contre le racisme, Paris, Éd. Amsterdam, 2013, 262 p.
-
[16]
Mogniss H. Abdallah, « Les mères de la place Vendôme (1982-1986) », Plein droit, vol. 72, n° 1, 2007, p. 33-39.
-
[17]
Projet de loi n° 2428 portant diverses dispositions d’ordre social, enregistré le 15 novembre 1984. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[18]
Rapport n° 2458, fait par M. Coffineau, député, au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi n° 2428 portant diverses dispositions d’ordre social, annexe au procès-verbal de la séance du 28 novembre 1984. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[19]
Avis n° 139, présenté par Jacques Thyraud, sénateur, au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, portant diverses dispositions d’ordre social, annexe au procès-verbal de la séance du 12 décembre 1984. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[20]
Débats parlementaires, Sénat, séance du lundi 17 décembre 1984. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[21]
« Le racisme en justice ou le racisme dans la jurisprudence, 1972-1989 ». Archives du MRAP, Paris, carton 1, loi de 1972.
- [22]
-
[23]
Libération, « Pour le parquet, le meurtre d’Ibrahim Ali n’était pas un acte raciste », 17 mai 1995.
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[24]
Rapport fait par François Asensi, député, au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi n° 43 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite et xénophobe, annexe au procès-verbal de la séance du 26 avril 1990. Archives de l’Assemblée nationale.
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[25]
Rapport n° 452 fait par Pierre Lellouche, député, au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi n° 350 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste et à renforcer l’efficacité de la procédure pénale, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 4 décembre 2002. Archives de l’Assemblée nationale.
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[26]
Proposition de loi n° 350 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste et à renforcer l’efficacité de la procédure pénale, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2002. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[27]
Rapport n° 452 fait par Pierre Lellouche, art. cité.
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[28]
Après examen, la Commission des lois a rejeté cette proposition.
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[29]
CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme), La Lutte contre le racisme et la xénophobie. Rapport d’activité 2002, Paris, La Documentation française, 2003, p. 104.
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[30]
Gwenaëlle Calvès, « Il n’y a pas de race ici », Critique internationale, 17, 2002, p. 173-186.
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[31]
Durant la période récente, les affaires dénoncées sont surtout des violences policières considérées comme illégitimes et déterminées par une volonté de coercition à l’égard de corps racisés perçus comme déviants.
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[32]
Proposition de loi n° 350 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste et à renforcer l’efficacité de la procédure pénale, art. cité.
1En France, depuis les années 1970, différentes générations de militants ont dénoncé les « crimes racistes » ciblant les migrants maghrébins et leurs descendants [1], ainsi que l’« impunité » dont ont, d’après eux, bénéficié les auteurs des faits. La notion de crimes racistes recouvre des cas d’homicides ou des tentatives d’homicide, des coups et blessures volontaires ayant ou non entraîné la mort de la personne ainsi que des destructions ou dégradations de biens. Selon les périodes, les affaires ont mis en scène des groupuscules issus de la guerre d’Algérie, des militants d’extrême droite, des vigiles, des commerçants, les propriétaires d’une maison ou d’une voiture, des voisins des victimes et des membres des forces de l’ordre [2]. Face à ces violences, le Mouvement des travailleurs arabes (MTA) des années 1970, les marcheurs des années 1980, le Mouvement immigration banlieue (MIB) ou encore les comités Vérité et justice qui se sont multipliés depuis les années 1990 ont sensiblement porté le même discours. Les militants ont pointé du doigt les morts violentes, mais également la grande majorité des procès qui ont fini par des peines légères avec sursis, des non-lieux ou des acquittements. Ils ont expliqué en substance que le fait d’être différenciés en étant réduits à certains traits physiques et culturels les exposait à une double violence. La première, violence physique, s’incarne dans le coup qui est porté à un individu en raison des préjugés associés à la catégorie raciale à laquelle il a été assigné. La seconde violence, psychique, est une conséquence du traitement pénal qui a régulièrement échoué à mettre le racisme meurtrier en procès. Le thème de l’impunité mobilisé par ces militants visait à interroger la responsabilité de l’État dans ce racisme qui semblait se renouveler en entrant dans l’arène judiciaire. Il porte en lui l’idée d’un racisme que le droit lui-même rendrait structurel et systémique.
2Qu’en est-il ? Le racisme structurel et systémique est un agencement méthodique de représentations culturelles et de normes établies par les pratiques institutionnelles qui permettent la production, mais aussi le maintien des inégalités touchant les personnes racialisées [3]. La législation antiraciste participe-t-elle à cet agencement ? Permettrait-elle de maintenir les inégalités touchant les personnes racialisées et de quelle manière un tel paradoxe peut-il advenir ? Afin de répondre à cette question, cet article étudie la législation antiraciste en revenant plus précisément sur la carrière juridique du mobile raciste. Il montre qu’entre les années 1970 et 2000, le mobile raciste a été la pierre d’achoppement des débats parlementaires. D’après les militants, la prise en compte d’un tel mobile devait donner un cadre juridique à la notion de crime raciste. Elle devait permettre de qualifier les faits et offrir une alternative aux poursuites judiciaires sans issue. De leur côté, au cours des quatre lois qui constituent le socle de la législation antiraciste française [4], les lois de 1972, 1985, 1990 et 2003, les parlementaires se sont régulièrement opposés à cette idée d’un mobile raciste qui serait constitutif de l’infraction pour réaffirmer la nécessité de s’en remettre au droit commun [5]. L’étude des arguments mobilisés par les parlementaires montre que cette constante référence au droit commun au sein même de la législation antiraciste a permis d’universaliser les situations particulières rencontrées par les personnes racialisées. Dans ce cadre, l’universalisme apparaît comme un outil du racisme structurel. Il a indirectement permis de perpétuer les catégories raciales et les violences inhérentes.
La loi Pleven du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme.
3La notion de droit commun renvoie à l’idée selon laquelle le droit républicain est un droit universel. En se référant à la suprématie juridique de la norme constitutionnelle affirmant l’égalité de tous les citoyens « sans distinction d’origine, de race ou de religion [6] », il désigne les règles qui s’appliquent de la même manière pour tous sur un territoire donné. Il se distingue du droit spécial qui vise à l’inverse certaines catégories de la population, des relations juridiques ou des biens spécifiques qui font exception aux principes généraux du système juridique. Dès les années 1970, lors des débats qui entourent le vote de la loi Pleven, les violences visant les migrants maghrébins ne sont pas considérées comme des crimes racistes, ce qui en ferait des violences spécifiques nécessitant l’adoption d’un droit spécial, mais comme des violences de droit commun. Or, en étant placée sous le sceau du droit commun, la mise en procès des crimes racistes a été empêchée et leur existence elle-même a durablement été invisibilisée. La loi Pleven prend sa source dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptée en 1965 par l’Assemblée générale des Nations unies. En y adhérant, les États s’engagent, entre autres, à prendre des mesures pénales afin de réprimer l’incitation, la provocation, la propagande à la discrimination et à la haine raciale, mais aussi les actes de violence [7]. En janvier 1971, lors de la présentation du projet de loi autorisant l’adhésion à cette convention, le ministre des Affaires étrangères, Maurice Schuman, se prononce en faveur d’une adhésion, mais il émet quelques réserves. Il explique que « le recours devant les tribunaux est réglé selon les normes du droit commun », il estime que « la législation française est très largement conforme à la convention » et que « de nouvelles mesures législatives ne paraissent donc pas être nécessaires à l’heure actuelle pour son application » [8].
4À cette date, la législation française sur le racisme repose uniquement sur la loi du 29 juillet 1881 et sur le décret-loi Marchandeau de 1939 qui sanctionnent les délits de diffamations et d’injures raciales. Les députés communistes Louis Odru et Paul Laclavé dénoncent fermement la position du gouvernement français qui ne fait pas état du racisme qui se manifeste à l’échelle nationale et s’estime « très largement en conformité avec les exigences de la convention [9] ». En matière de racisme, ils citent la responsabilité d’organes tels qu’Ordre Nouveau ou celui du journal Minute, mentionnent les « attaques grossières dont font l’objet les travailleurs nord-africains », mais aussi « les Africains, les gitans, les juifs ». Ils expliquent enfin que les tribunaux de droit commun ne peuvent pas se prononcer en l’état actuel de la législation : « Il faut mal connaître ou vouloir ignorer la situation de sujétion psychologique, sociale et économique que connaissent la plupart des immigrés, pour penser qu’ils puissent croire à l’exercice de leur droit […]. S’en tenir aux procédures de droit commun, c’est en fait refuser aux opprimés tout droit à la défense. » De son côté, le député UDR (Union pour la démocratie française) Alain Terrenoire rappelle les lacunes des textes en vigueur en soulignant qu’entre 1968 et 1971 cinq propositions de loi visant à remédier aux insuffisances du droit en matière de racisme ont été renvoyées devant la commission des lois [10]. Il profite de l’occasion pour amener le gouvernement à accepter une révision des lois antiracistes. Cela étant, parmi les faits énoncés dans la convention, il ne retient pour la loi de 1972 que la possibilité de créer une nouvelle incrimination réprimant la provocation à la haine raciale [11].
5La question des actes de violence, qui fait pourtant l’objet des plus vifs débats dans la sphère militante, médiatique et politique, a été évincée au sein de l’arène législative. Cette éviction a été initiée par des agents de l’Intérieur et des Affaires étrangères. À cette période, l’État français tente de limiter l’immigration en provenance des anciens pays colonisés et notamment l’immigration algérienne [12]. De son côté, l’État algérien tente de faire pression sur les négociations en demandant des comptes à l’État français sur le racisme dont sont victimes les ressortissants algériens au sein de la politique d’immigration, mais aussi à l’échelle interpersonnelle. Aussi, l’ambassade d’Algérie à Paris envoie régulièrement des « listes de crimes et agressions » au ministère des Affaires étrangères et au ministère de l’Intérieur pour connaître les circonstances des violences et leurs suites pénales. Afin de contredire les accusations de racisme et de laxisme, des fonctionnaires de police, des préfets et des hauts fonctionnaires de l’immigration se sont pour leur part livrés à un travail de réécriture des affaires mettant en scène des migrants maghrébins en substituant aux mobiles racistes des mobiles ordinaires [13]. Alors que le contexte sociodémographique et les témoignages des migrants maghrébins surlignent le caractère raciste des faits, les notes et rapports produits à différentes échelles de l’État insistent au contraire sur le fait que les « incidents impliquant des Nord-Africains » sont des « violences de droit commun » présentant des mobiles ordinaires. Ils mentionnent des règlements de comptes, des rixes provoquées par l’ivresse, des crimes crapuleux ou encore des morts accidentelles.
6Le contenu des débats montre que les violences politisées par les militants et l’État algérien ont effectivement atteint l’arène législative. Mais, au moment de délimiter les actes répréhensibles, ces violences ont été invisibilisées. En s’intéressant aux seuls délits relevant du discours et des pratiques discriminatoires, les parlementaires occultent à leur tour l’existence de violences interpersonnelles pouvant avoir un mobile raciste. Ils confirment par omission le fait que ce type de violences concerne des faits de droit commun et empêchent par là même toute possibilité d’identifier et de caractériser un mobile raciste. Dans des rapports rédigés à la fin des années 1970, le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), qui a contribué à l’élaboration de cette loi, revient sur plusieurs cas au cours desquels l’impossibilité de mettre en procès le racisme dans le cas d’infractions de type criminel est nettement apparue. Ses membres regrettent notamment un « défaut de qualification raciste » : « De nombreux crimes et délits sont commis pour des mobiles racistes et sont poursuivis selon le droit commun sans que la loi de 72 puisse être invoquée […]. Ceci constitue à nos yeux l’imperfection la plus importante de la loi […]. De ce fait, ou bien ces crimes restent impunis ou même s’ils sont punis, on cache sciemment ou inconsciemment leur caractère raciste [14]. »
Loi du 3 janvier 1985 portant diverses dispositions d’ordre social.
7Ce défaut de qualification raciste est à l’origine de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. À l’arrivée des marcheurs, à Paris, le 3 décembre 1983, 100 000 personnes sont réunies. Le gouvernement promet aux manifestants une carte de résident de dix ans, un projet sur le vote des étrangers aux élections locales, mais aussi une loi contre les crimes racistes [15]. Trois mois plus tard, une nouvelle délégation se mobilise. Le 21 mars 1984, l’Association nationale des mères de famille des victimes des crimes racistes organise un rassemblement devant le ministère de la Justice afin de réitérer la demande des marcheurs [16]. Les mères dénoncent la « banalisation de meurtres contre des enfants » et une « jurisprudence encourageant l’impunité voire l’arrogance des meurtriers bénéficiant en outre d’un certain soutien populaire au nom de la légitime défense ». Elles demandent les « modifications du Code pénal et de la loi de 72 pour que les crimes à caractère raciste soient définis et considérés pénalement comme circonstance aggravante et pour que les nouvelles associations d’immigrés autorisées depuis 81 puissent se constituer partie civile ».
8Du point de vue législatif, une loi a effectivement été votée, la loi n° 85-10 du 3 janvier 1985 portant diverses dispositions d’ordre social. Un seul article, l’article 62, porte sur le racisme, mais il ne concerne pas le traitement pénal des crimes racistes. Les législateurs se sont uniquement focalisés sur le fait d’élargir les possibilités de se porter partie civile à de nouvelles infractions. Selon cet article, toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre le racisme, peut exercer les droits reconnus à la partie civile dans les cas de discriminations, mais aussi dans les cas de meurtres, d’assassinats, d’empoisonnements, de tortures, de meurtres aggravés, de menaces, de coups et blessures volontaires et de destructions de biens « lorsque ces atteintes sont perpétrées pour des motifs racistes [17] ». La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales a été chargée d’examiner le projet de loi en première lecture. En tant que rapporteur de cette commission, le socialiste Michel Coffineau présente les motivations du gouvernement. Les demandes des marcheurs et des mères de la place Vendôme ont bien été entendues, mais un choix a été effectué. L’accent a volontairement été mis sur les possibilités de se porter partie civile au détriment d’une modification de la loi de 1972 et d’une sanction pénale des crimes racistes. Michel Coffineau concède à demi-mot que le fait de contrevenir au droit commun apparaît encore comme une limite infranchissable et qu’« à défaut de l’instauration d’infractions spécifiques relatives aux actes de racisme », les associations antiracistes « pourront se constituer partie civile dès lors que l’instruction aura établi le motif raciste de l’un des crimes ou délits susmentionnés » [18].
9Au cours des débats, alors que Michel Coffineau explique que le gouvernement a voulu éviter la mise en place d’un droit particulier, le sénateur UDR Jacques Thyraud voit d’ores et déjà, dans cette seule proposition en faveur des parties civiles, la création d’une infraction spécifique [19]. Il consent à ce que soient prises en compte les discriminations, mais il dépose un amendement afin que soit supprimée la mention aux infractions relevant des meurtres, assassinats, empoisonnements, tortures, meurtres aggravés, menaces, coups et blessures volontaires et destructions de biens. Jacques Thyraud s’oppose à cette mention, car il croit déceler dans la disposition mise à l’ordre du jour une volonté d’instituer des « infractions racistes spécifiques », et ce « quoi qu’en disent les auteurs du projet de loi ». Citant le projet, il indique que des associations pourront se porter partie civile « dès lors que l’instruction aura établi le motif raciste de l’un des crimes ou délits susmentionnés ». D’après lui, l’instruction sera dès lors amenée à créer des crimes racistes. Or, cette idée d’un motif raciste qu’il serait possible de circonscrire est rejetée par le sénateur : « Il semble difficile d’admettre l’introduction dans notre procédure pénale de notions aussi vagues et sujettes à controverse que celles de “motifs racistes” ou de “mobile raciste”. Si le comportement de discrimination raciale peut être aisément circonscrit et puni, il n’en est pas de même des “assassinats racistes”, des “empoisonnements racistes” ou des “destructions de biens racistes”. » Il compare la liste des articles à « un véritable catalogue ! » et réaffirme la prépondérance qui doit être accordée au droit commun : « Selon nous, il ne faut pas de droit pénal particulier : le droit pénal doit viser des dispositions générales […] [20]. » L’article modifié selon les vœux de la commission des lois du Sénat a été voté et adopté. Cela étant, après la réunion d’une commission mixte paritaire et une deuxième lecture, les parlementaires sont revenus au texte initialement proposé. Ainsi l’article 62 tel qu’il a été pensé par le gouvernement figure dans la loi finalement adoptée le 3 janvier 1985.
10Contrairement à ce que craignait Jacques Thyraud, la seule possibilité de se porter partie civile dans le cas d’infractions criminelles présentant un motif raciste n’a pas fait du crime raciste une catégorie juridique à part entière. Les comptes rendus des procès rapportés par les médias ou les milieux associatifs montrent que le droit de se porter partie civile est difficilement mobilisable en raison d’une contradiction interne à la législation. Rien dans le texte de loi ne définit le mobile raciste. Par conséquent, lors de l’instruction, en dehors des rares cas où les contrevenants expriment ouvertement leurs préjugés racistes, il reste quasiment impossible de qualifier un crime de raciste. Dans un bilan sur la manière dont le racisme a été jugé entre 1972 et 1989 [21], le MRAP et la LICRA soulignent « le découragement ou la déception » qui peuvent émerger à la lecture des délibérations. Les associations évoquent une jurisprudence qui évolue « à la faveur de l’éclosion dans notre société du problème de l’immigration » et qui est « surtout marquée par les variations tenant à la personnalité des magistrats qui les ont rendues ».
La loi Gayssot du 13 juillet 1990.
11Dans les années 1990, les écarts d’interprétation qui divisent les acteurs gravitant autour des procès perdurent. Comme au cours des années précédentes, à l’idée d’actes de violence motivés par des préjugés raciaux, s’opposent des interprétations mettant en scène des violences policières dites accidentelles, des rixes teintées d’excès d’alcool ou encore de cas de légitime défense. Le débat sur la qualification des faits qui a entouré le procès des trois colleurs d’affiches mis en cause dans la mort d’Ibrahim Ali à Marseille au mois de février 1995 est un exemple probant [22]. La légitime défense a été invoquée par les trois militants FN. De leur côté, le MRAP, la LICRA, la LDH, SOS Racisme, deux associations comoriennes et la Ville de Marseille ont déposé une demande en vue de se constituer partie civile. Dans un premier temps, et contre toute attente au vu des circonstances dans lesquelles le meurtre a eu lieu, le juge d’instruction a rejeté leur requête au motif suivant : « Bien que les faits se soient déroulés dans le contexte exacerbé de la campagne d’affichage électorale menée par les personnes mises en examen, rien ne permet à ce jour de dire que lesdits faits ont été commis en raison de l’origine nationale des victimes, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une race ou une religion déterminée. » Les commentaires de l’avocat des colleurs d’affiches montrent que le débat initié dans les années 1970 poursuit son cours : « Cette décision judiciaire prouve que le crime n’était pas un crime raciste, mais bien un crime de droit commun [23]. »
12À l’instar de la loi Pleven de 1972, la loi Gayssot du 13 juillet 1990 est considérée comme un des piliers de la législation antiraciste française. Elle est associée à la répression du négationnisme. Or, dans sa version initiale, cette mention était totalement absente, cette loi fut d’abord pensée comme un outil visant à pénaliser les crimes racistes. Dès la première étape du processus législatif, dans le rapport qu’il rédige au nom de la Commission des lois [24], le rapporteur François Asensi rejette l’article 5 qui visait à faire du mobile raciste une circonstance aggravante en matière correctionnelle et criminelle. Il ouvre par ailleurs un tout autre débat en ajoutant un article visant à créer une nouvelle incrimination dans le droit français, le délit de négationnisme. François Asensi justifie l’instauration de ce délit en déclarant qu’il est « nécessaire d’adopter la répression à l’évolution de la société ». Ce faisant, il fait référence à l’actualité, à la diffusion des thèses négationnistes du professeur Robert Faurisson, mais également aux propos de Jean-Marie Le Pen qui, en 1987, considérait les chambres à gaz comme un « détail de la Seconde Guerre mondiale ». Il procède par ailleurs à une distinction, perceptible dans le titre du texte mis en discussion, qui sépare les actes racistes ou xénophobes des actes antisémites. Il concède que le racisme antimaghrébin envers ceux qu’il nomme « les immigrés » est plus prégnant : « On constate à partir de 1982 une augmentation globale des actes de racisme (hors antisémitisme), la violence raciste prenant pour cible de façon privilégiée la population immigrée maghrébine. Depuis 1987, une nouvelle progression du racisme a été constatée, et l’on a compté, en 1989, 53 actions racistes (dont 44 contre les Maghrébins) et 237 menaces (dont 188 contre les Maghrébins). » Il s’attache néanmoins à mettre en évidence l’urgence qu’il y aurait à agir pour réprimer spécifiquement les discours négationnistes qui participent au développement de l’antisémitisme : « L’évolution de la violence antisémite fait apparaître de grandes oscillations, mais il y a eu également depuis 1987 une progression sensible des manifestations antisémites, et l’on a compté, en 1989, 18 actions et 149 menaces antisémites. Ainsi, le racisme antimaghrébin apparaît-il aujourd’hui le plus répandu, mais l’on constate aussi une résurgence du vieil antisémitisme, longtemps camouflé, qui tend à s’affirmer dans des formes assez proches de celles connues dans le passé. »
13Enfin, François Asensi justifie le rejet de l’article 5 visant à faire du mobile raciste une circonstance aggravante en avançant deux types d’arguments contradictoires. Il déclare qu’il « semble inutile d’augmenter le maximum des peines d’emprisonnement » puisque « les tribunaux prononcent déjà très rarement les peines actuellement prévues ». À travers le second argument, il ignore sa première assertion quant à la non-application des peines et explique que « l’institution d’une circonstance aggravante pour certaines infractions à mobile raciste pourrait être envisagée, mais qu’une telle solution serait difficile à mettre en œuvre » puisqu’il existe déjà des peines planchers. Ce raisonnement laisse au contraire entendre que les peines prévues sont bien appliquées. Il cite l’exemple du meurtre, passible de réclusion à perpétuité, et indique qu’il serait impossible de prévoir une peine plus lourde en cas de mobile raciste. La question est donc écartée et reléguée à la réflexion qui doit être engagée dans le cadre de la réforme du Code pénal. Les parlementaires ne mettent pas encore à l’agenda législatif la réflexion continue qui traverse l’espace public depuis une vingtaine d’années et qui remet en cause le traitement des crimes racistes. Comme en 1972, ils s’en tiennent à une répression de la parole raciste et évoquent à nouveau une difficulté technique.
La loi du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.
14En 2003, le mobile raciste devient une circonstance aggravante suite à une proposition de loi déposée par les députés UMP (Union pour un mouvement populaire), Pierre Lellouche et Jacques Barrot. Deux éléments conduisent cependant à nuancer l’idée d’un basculement du droit en faveur des groupes minorisés. Le premier se situe dans les motifs qui ont été avancés pour légiférer sur ce point. Ils témoignent d’une lutte contre le racisme qui alimente paradoxalement les frontières ethniques. Le second réside dans les conditions qui ont été énoncées pour qu’un mobile raciste puisse être reconnu. Il met à nouveau en évidence la primauté accordée à l’universalité du droit. Parmi les raisons invoquées pour justifier l’adoption d’une nouvelle loi, Pierre Lellouche déclare qu’il s’agit d’anticiper une demande du droit communautaire. Il fait référence à une proposition de décision-cadre datant du 29 novembre 2001 dans laquelle le Conseil de l’Union européenne indique que, dans un but dissuasif, « la motivation raciste ou xénophobe doit être prise en compte en tant que circonstance aggravante [25] ». Les députés UMP proposent de faire du mobile raciste une circonstance aggravante dans le cas des crimes. Ils souhaitent par ailleurs étendre la procédure de comparution immédiate pour les délits commis par les mineurs ayant atteint l’âge de quinze ans.
15Si l’hypothèse d’une circonstance aggravante est émise depuis le début des années 1980, la seconde option quant à l’extension de la procédure de comparution immédiate est une nouveauté dans la législation antiraciste. Les députés expliquent que cette proposition est faite « dans un souci d’efficacité et compte tenu de l’expérience vécue au cours des derniers mois [26] » ; ils mettent en avant la « gravité de la situation » et évoquent une « vague de violences ouvertement racistes, sans précédent, depuis les années sombres de l’entre-deux-guerres et de l’Occupation [qui] a déferlé sur la France ces dernières années ». Ils insistent enfin sur la nécessité de réagir face à ce qu’ils considèrent comme un « renouveau de l’antisémitisme ». Les rapports de la CNCDH servent de base à la démonstration que Pierre Lellouche fait au nom de la Commission des lois. À l’instar de François Asensi quelques années auparavant, il distingue les actes racistes, xénophobes et antisémites commis entre 1991 et 2001. Avec 497 cas, les « actions racistes et xénophobes » qui « visent majoritairement la population d’origine maghrébine » sont les plus nombreuses [27]. Il considère néanmoins que « l’augmentation récente des actes antisémites et l’évolution du contexte dans lequel ils sont perpétrés constituent aujourd’hui l’une des caractéristiques les plus marquantes du racisme ». Il fait observer l’« augmentation brutale de la violence antisémite » durant l’année 2000 et 2001 qu’il explique par la reprise des affrontements israélo-palestiniens et les attentats du 11 Septembre. Ainsi, d’après lui, par-delà la directive européenne qu’il anticipe, il s’agit surtout de contrecarrer l’« antisémitisme maghrébin » qui se manifesterait dans le milieu scolaire parmi les jeunes d’origine maghrébine sous l’influence des réseaux islamistes. Ce constat est à l’origine de la proposition de comparution immédiate pour les délits commis par les mineurs ayant atteint l’âge de quinze ans [28]. Le député défend cette idée en citant des extraits de deux ouvrages publiés en 2002, La Nouvelle Judéophobie de Pierre-André Taguieff et Les Territoires perdus de la République de Georges Bensoussan. Si les thèses et les exemples mentionnés par ces auteurs sont bien exploités par Pierre Lellouche, celui-ci fait par contre un usage partiel des éléments qui se trouvent dans les rapports de la CNCDH et sur lesquels il s’appuie également. En l’occurrence dans le rapport portant sur l’année 2002, la sociologue Nonna Mayer a été sollicitée afin de livrer son analyse sur l’antisémitisme au sein de l’opinion publique française. À partir des chiffres du ministère de l’Intérieur, elle constate également une « recrudescence de violences antisémites ». Cela étant, en étudiant les résultats de deux sondages cherchant à évaluer l’antisémitisme au sein de l’opinion publique, elle indique les limites des sondages effectués et réfute la thèse de Pierre-André Taguieff reprise par le député : « Les deux sondages sollicités montrent que dans la population dans son ensemble, l’antisémitisme au sens classique de préjugé contre les Juifs n’a pas progressé depuis deux ans, et qu’il n’a, pour l’instant, pas fondamentalement changé de nature. » Elle replace par ailleurs le racisme dans une dimension sociale, infirme l’opposition entre « Juifs » et « Arabes » et réaffirme le poids des idées frontistes. D’après elle, « c’est, encore et toujours, à l’extrême droite qu’on trouve le plus de racistes et d’antisémites [29] ».
16Ainsi, l’analyse du racisme faite par Pierre Lellouche reflète une vision elle-même racialisante. Le second élément qui conduit à nuancer l’idée selon laquelle la loi de 2003 constitue une réelle avancée se situe dans le principe finalement retenu pour déterminer le mobile raciste. Alors que différentes directives européennes incitent les États membres à favoriser une « protection catégorielle des victimes [30] » et à inverser la charge de la preuve, les parlementaires français continuent à penser que prendre en compte la seule catégorie raciale à laquelle la victime a été assignée ne suffit pas à considérer que l’action est de nature raciste. La proposition de loi fait bien de certaines infractions commises « à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des victimes à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » une circonstance aggravante, mais Pierre Lellouche explique que cette seule appartenance « ne saurait en elle-même conférer à l’infraction un caractère raciste ». Il réintroduit ici l’idée d’une difficulté technique qui entraverait l’action des législateurs. Il évoque notamment une « impossibilité à établir l’existence de ce motif en l’absence d’éléments objectifs ». La Commission des lois ajoute ainsi un paragraphe pour préciser les cas dans lesquels la circonstance aggravante peut être constituée. Pour être reconnue, celle-ci doit avoir été « précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Ainsi les parlementaires ne contreviennent pas à l’idée de droit commun en considérant à nouveau que le racisme ne peut exister pénalement que s’il est exprimé par l’auteur des faits. Pour leur part, à travers les affaires médiatisées depuis les années 2000 [31], les familles des victimes témoignent encore du caractère inopérant de la loi antiraciste en matière criminelle.
Conclusion
17Dans l’arène législative, la mise à l’agenda du racisme a été accompagnée de discours visant à écarter l’idée d’un mobile raciste en expliquant qu’il s’agissait d’un point sur lequel il était techniquement impossible ou difficile de légiférer. Durant l’élaboration de la loi Pleven en 1972, le mobile raciste qui était au centre des échanges à l’échelle diplomatique est paradoxalement devenu un point aveugle de cette loi qui renouvelle la législation antiraciste française. À travers la loi de 1985, en se concentrant sur les possibilités de se porter partie civile, le gouvernement socialiste a contourné la demande des marcheurs qui visait la qualification des faits. En 1990, au sein de la loi Gayssot, le mobile raciste a été remplacé par la répression du délit de négationnisme. La loi Lellouche de 2003 a finalement fait du mobile raciste un élément constitutif de l’infraction. Le député à l’origine de cette loi reprend bien les propos tenus par des militants depuis les années 1970 en précisant qu’il s’agissait « de rattraper le retard, de combler un vide juridique et de mettre fin à la passivité, objectivement conciliante, des autorités judiciaires [32] ». Cependant, les conditions sous lesquelles le mobile raciste peut être considéré comme une circonstance aggravante témoignent encore de la prévalence accordée au droit commun. Elles ont réduit le champ d’application du texte de loi et limité l’impact qu’il aurait pu avoir sur la procédure pénale.
18À travers cette référence au droit commun, le droit apparaît comme un outil de normalisation sociale. La législation antiraciste contribue à structurer le racisme, car, contrairement à ce qui a été invoqué au sein des débats, l’impossibilité ou les difficultés à légiférer ne relèvent pas d’un problème d’ordre technique, mais d’une cécité à l’égard des constructions raciales. Or, c’est précisément cette cécité qui permet le maintien de ces catégories et des inégalités inhérentes. Elle met en scène des parlementaires qui manipulent d’une part les catégories raciales à travers les lois sur l’immigration ou les dispositifs à destination des quartiers prioritaires de la ville par exemple, mais qui se refusent à considérer d’autre part que l’assignation à de telles catégories puisse induire une violence spécifique qui demanderait un aménagement du droit. En convoquant la notion générique de droit commun, les parlementaires ont en réalité défendu une conception universaliste du droit et écarté ce qui s’apparentait à l’instauration d’un droit particulier dans certains pans de l’action publique. Autrement dit, le particularisme qui caractérise et violente les groupes ethniquement minorisés s’arrête au moment où ces derniers revendiquent une justice qui tienne compte de la différence à laquelle ils ont été assignés. Ainsi, en étant aveugle à la race qui continue à être produite au sein du corps social, l’universalisme perpétue les rapports sociaux de race par-delà leur dénonciation.
Mots-clés éditeurs : études législatives, crimes racistes, sociologie du droit, racisme structurel
Mise en ligne 23/11/2020
https://doi.org/10.3917/commu.107.0237Notes
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[1]
Les traces laissées par le passé colonial et une stigmatisation qui a perduré par-delà la décolonisation expliquent les violences à l’égard de cette frange de la population. Par ailleurs, entre 1962 et 1973, l’immigration maghrébine a doublé. Dans cet ensemble, l’immigration algérienne est la plus remarquable. En 1973, avec un total de 845 694 personnes, elle représente le plus grand nombre de migrants en France.
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[2]
Il est difficile de quantifier cette violence en raison de l’absence de statistiques officielles et du fort risque de sous-déclaration. Pour ma part, en consultant des archives du ministère de l’Intérieur, des archives associatives et des archives de presse, j’ai pu relever 731 actes dénoncés comme étant des crimes racistes entre 1970 et 1997, soit une moyenne de 27 cas par an.
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[3]
John A. Powell, « Structural racism : Building upon the insights of John Calmore », North Carolina Law Review, vol. 86, n° 3, 2008, p. 791-816. Eduardo Bonilla-Silva, « Rethinking racism : Toward a structural interpretation », American Sociological Review, vol. 62, n° 3, 1997, p. 465-480.
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[4]
La loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme (dite loi Pleven), la loi n° 85-10 du 3 janvier 1985 portant diverses dispositions d’ordre social, la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe (dite loi Gayssot) et la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe (dite loi Preben).
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[5]
Sous certaines conditions, la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 a finalement permis de faire du mobile raciste une circonstance aggravante dans les infractions de type criminel.
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[6]
Article 1er de la Constitution française du 4 novembre 1958.
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[7]
Article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ouverte à la signature des États le 21 décembre 1965, ONU.
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[8]
Projet de loi n° 1617 autorisant l’adhésion à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ouverte à la signature le 7 mars 1966, enregistrée le 23 janvier 1971. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[9]
Débats parlementaires, Assemblée nationale, séance du jeudi 15 avril 1971. Archives de l’Assemblée nationale.
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[10]
Ibid.
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[11]
La loi Pleven autorise par ailleurs les associations ayant cinq ans d’existence et dont les statuts mentionnent la lutte contre le racisme à se porter partie civile dans le cas de diffamations, d’injures et de provocation à la haine raciale, elle sanctionne les « discriminations raciales » et permet la dissolution des associations incitant à la discrimination, la haine ou la violence.
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[12]
Sylvain Laurens, Une politisation feutrée. Les hauts fonctionnaires et l’immigration en France, Paris, Belin, « Socio-histoires », 347 p., 2009.
-
[13]
Rachida Brahim, « Nous exécrons le racisme : contrôle migratoire et approche culturaliste des crimes racistes dans la France des années 1970 », Cultures & Conflits, vol. 107, n° 3, « La production officielle des différences culturelles », 2017, p. 43-60.
-
[14]
Rapport sur la loi française du 1er juillet 1972 réprimant la discrimination raciale. Archives du MRAP, Paris, carton 1, loi de 1972.
-
[15]
Abdellali Hajjat, La Marche pour l’égalité et contre le racisme, Paris, Éd. Amsterdam, 2013, 262 p.
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[16]
Mogniss H. Abdallah, « Les mères de la place Vendôme (1982-1986) », Plein droit, vol. 72, n° 1, 2007, p. 33-39.
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[17]
Projet de loi n° 2428 portant diverses dispositions d’ordre social, enregistré le 15 novembre 1984. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[18]
Rapport n° 2458, fait par M. Coffineau, député, au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi n° 2428 portant diverses dispositions d’ordre social, annexe au procès-verbal de la séance du 28 novembre 1984. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[19]
Avis n° 139, présenté par Jacques Thyraud, sénateur, au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, portant diverses dispositions d’ordre social, annexe au procès-verbal de la séance du 12 décembre 1984. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[20]
Débats parlementaires, Sénat, séance du lundi 17 décembre 1984. Archives de l’Assemblée nationale.
-
[21]
« Le racisme en justice ou le racisme dans la jurisprudence, 1972-1989 ». Archives du MRAP, Paris, carton 1, loi de 1972.
- [22]
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[23]
Libération, « Pour le parquet, le meurtre d’Ibrahim Ali n’était pas un acte raciste », 17 mai 1995.
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[24]
Rapport fait par François Asensi, député, au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi n° 43 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite et xénophobe, annexe au procès-verbal de la séance du 26 avril 1990. Archives de l’Assemblée nationale.
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[25]
Rapport n° 452 fait par Pierre Lellouche, député, au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi n° 350 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste et à renforcer l’efficacité de la procédure pénale, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 4 décembre 2002. Archives de l’Assemblée nationale.
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[26]
Proposition de loi n° 350 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste et à renforcer l’efficacité de la procédure pénale, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2002. Archives de l’Assemblée nationale.
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[27]
Rapport n° 452 fait par Pierre Lellouche, art. cité.
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[28]
Après examen, la Commission des lois a rejeté cette proposition.
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[29]
CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme), La Lutte contre le racisme et la xénophobie. Rapport d’activité 2002, Paris, La Documentation française, 2003, p. 104.
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[30]
Gwenaëlle Calvès, « Il n’y a pas de race ici », Critique internationale, 17, 2002, p. 173-186.
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[31]
Durant la période récente, les affaires dénoncées sont surtout des violences policières considérées comme illégitimes et déterminées par une volonté de coercition à l’égard de corps racisés perçus comme déviants.
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[32]
Proposition de loi n° 350 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste et à renforcer l’efficacité de la procédure pénale, art. cité.