Notes
-
[1]
Jack Goody, La Logique de l'écriture aux origines des sociétés humaines, Paris, Armand-Colin, 1986, p. 155.
-
[2]
Manuel Zacklad, « Processus de documentarisation dans les documents pour l'action (DopA) », in Savard R. (dir.), Le Numérique : impact sur le cycle de vie du document, 13-15 octobre 2004, Montréal, Lyon, École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, URL : http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/1209-processus-de-documentation-dansles-documents-pour-l-action-dopa.pdf.
-
[3]
Brigitte Guyot, Dynamiques informationnelles dans les organisations, Paris, Hermès-Lavoisier, 2006.
-
[4]
Yves Jeanneret, Y-a‑t‑il (vraiment) des technologies de l'information ?, nouvelle édition revue et corrigée [en ligne], Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2011.
-
[5]
Dominique Cotte, « La « fabrique du document » à l'assaut des métiers », Les Enjeux de l'Information et de la Communication, 18-2, 2017, p. 9-17, URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2017-dossier/01-Cotte/
-
[6]
John Dewey, Logique. La théorie de l'enquête (G. Deledalle Trad.), Paris, Puf, 1967 (édition originale, 1938).
-
[7]
Pierre Moeglin, Outils et médias éducatifs. Une approche communicationnelle, Grenoble, PUG, 2005.
-
[8]
Manuel Zacklad, « Genre de dispositifs de médiation numérique et régimes de documentalité », in Gagnon-Arguin L. Mas S, Maurel D. (dir.), Les Genres de documents dans les organisations, Analyse théorique et pratique, Québec, PUC, 2015, p. 145-183.
-
[9]
ANR Translit, dirigée par Divina Frau-Meigs. Pour le bilan scientifique de la tâche 2, voir Vincent Liquète et al., ANR Translit, Bilan scientifique de la tâche 2 : Analyse des dispositifs et des usages [Rapport de recherche], ANR (Agence nationale de la recherche – France), 2017, Rapport scientifique, 93 p. ; Annexes au Bilan scientifique, 40 p. ; sélections de publications, 161 p. <sic_01552095>.
-
[10]
Manuel Zacklad, op. cit.
-
[11]
Bernard Conein, Eric Jacopin, « Action située et cognition : le savoir en place », Sociologie du travail, 36-4, 1994, p. 475-500.
-
[12]
Bernard Conein, « Cognition distribuée, groupe social et technologie cognitive », Réseaux, 2, 2004, p. 53-79.
-
[13]
Nicole Boubée, « Par delà le plagiat, les copiés-collés », Questions de communication, 27-1, 2015, p. 205-215.
-
[14]
Anne Cordier, Anne Lehmans, « Affiliations numériques et postures enseignantes : vers une redéfinition de la communauté d'apprentissage ? », in Liquète V., Soumagnac K. (dir.) Les Affiliations par et avec le numérique, Paris, Hermann, 2017.
-
[15]
Albert Ogien, « L'affiliation : analyse de la constitution de l'intervention sur autrui », Pratiques de formation, 11- 12, 1985. URL : http://vadeker.net/corpus/pfem/5-5_affiliation.html
-
[16]
Anne Cordier, Vincent Liquète, « La translittératie, un facteur de réagencement de l'organisation scolaire ? », 19e Colloque bilatéral franco-roumain en sciences de l'information et de la communication, mars 2013, Roumanie, 2013.
-
[17]
Projet P@trinum : http://patrinum.espe-aquitaine.fr/
-
[18]
Anne Lehmans, « Politiques de numérisation du patrimoine littéraire et éducation : enjeux, tensions et dynamiques à partir de l'exemple aquitain », Séminaire « Étude comparée de la littérature patrimoniale en France et au Japon, oct. 2016, Kagoshima, Japon <hal-01852302v1>.
-
[19]
Patrick Fraysse, « La médiation numérique du patrimoine : quels savoirs au musée ? », Distances et médiations des savoirs, 12, 2015. URL : http://journals.openedition.org/dms/1219
-
[20]
Voir notamment le remarquable travail de Gilles Sahut, Wikipédia, une encyclopédie collaborative en quête de crédibilité : le référencement en questions, thèse de doctorat, université Toulouse – Jean Jaurès, 2015.
-
[21]
Voir Anne Lehmans, « Vers une gestion participative de la connaissance dans les communautés de pratique émergentes : de l'économie à l'écologie de la connaissance », Communication & management, 12-1, 2015, p. 81-95.
-
[22]
Vincent Liquète, Anne Lehmans, « Élaboration d'un écosystème de ressources informationnelles en écoconstruction : du transfert de connaissances et d'informations expertes à une offre sociale partagée », in Agostinelli S., Koulayan N. (dir.), Les Écosystèmes numériques. Intelligence collective, développement durable, interculturalité, transfert de connaissances, Presses des Mines, 2016.
-
[23]
Projet E-Fran PERSEVERONS : http://perseverons.espe-aquitaine.fr/, dans lequel trois de ces espaces de fabrication numérique accueillent les recherches : Coh@bit à l'IUT de Bordeaux, Eirlab à l'ENSEIRB Mathmeca de Bordeaux, 127e à Cap sciences.
-
[24]
Nicolas Auray, L'Alerte ou l'enquête. Une sociologie pragmatique du numérique, Paris, Presse des Mines, 2016, p. 142.
-
[25]
Danah, Boyd et al., « Did media literacy backfire ? », Journal of Applied Youth Studies, 1-4, 2017, p. 83.
-
[26]
Voir par exemple Michel Callon, « Pour une sociologie des controverses scientifiques », in Akrich M., Callon M. et Latour B., Sociologie de la traduction, textes fondateurs, Paris, Presses des Mines de Paris, 2006, p. 135-157.
-
[27]
Angèle Stalder montre bien dans ses travaux l'importance de cette construction culturelle à travers la littératie informationnelle qui se construit à travers le document technique. Voir Angèle Stalder, « Quelle durabilité de la littéracie du document technique en organisation ? », Revue COSSI, 1, 2016 [en ligne].
-
[28]
Bernard Conein, « Remarques sur le communalisme informationnel », in Pasquier D. (dir.), Explorations numériques. Hommages aux travaux de Nicolas Auray, Paris, Presse des Mines, 2017, p. 175-189.
1 La plupart des disciplines des sciences humaines et sociales ont leur propre définition du document, et ont connu les changements majeurs liés aux « humanités digitales », et plus généralement aux technologies numériques. Celles‑ci ont fait exploser la quantité de documents en circulation, mais aussi les modalités de la construction documentaire, dans ses contraintes temporelles et spatiales, en termes d'accessibilité et d'usabilité. L'anthropologie apporte un premier point de vue sur le document en tant que support d'une écriture, qualifiée par Jack Goody de technologie de l'intellect. Le document sert à communiquer, il est le lieu, le support et le résultat d'interactions sociales, en permettant la « distribution spatiale de l'information [1] ». Les sciences de l'information et de la communication le placent au fondement de leur épistémologie. Nées en France du croisement entre la structuration de pratiques et de techniques professionnelles autour de la documentation et la recherche de développements théoriques issus des sciences humaines et sociales centrés sur les questions d'information et de communication, elles ont évolué dans leur définition et leurs analyses du document. Elles ont participé à la construction d'une théorie plurielle du document dont on se gardera de donner le monopole de la vérité à un auteur, une revue ou une école. Tout un courant des sciences de l'information et de la communication s'est intéressé aux dimensions dynamiques du document comme objet « pour l'action [2] » ou « en action [3] ». Ces dernières évolutions ont en commun de proposer une approche pragmatique du document à travers sa fabrique et ses usages.
2 Dans le contexte scolaire ou professionnel de la construction de connaissances, cette approche pragmatique et dynamique prend tout son sens. Elle n'est absolument pas limitée au document numérique, même si les techniques d'écriture numérique modifient les « dispositifs de communication et de lecture [4] ». Dominique Cotte [5], peu de temps avant sa disparition, proposait une réflexion passionnante sur les transformations du document en régime numérique dont il identifiait deux caractéristiques majeures, l'ouverture et la plasticité. Ces caractéristiques sont importantes dans le contexte éducatif, dans lequel le document occupe une place centrale comme support d'information en circulation (dans les manuels scolaires et les ressources proposées pour accompagner les enseignements disciplinaires), espace de négociation, moyen de l'enquête [6] et cadre d'action. Il a fait l'objet d'une interrogation renouvelée dans la recherche. Plusieurs projets offrent un cadre pertinent pour revenir modestement sur les analyses du document et proposer une réflexion autour de l'épistémologie des sciences de l'information et de la communication, sans prétendre épuiser la question ni rendre compte de l'immense richesse de la production intellectuelle dans le domaine. En quoi l'analyse des pratiques sociales et professionnelles d'information peut‑elle enrichir les définitions conventionnelles et historiques du document ? Dans quelle mesure peut‑on proposer de nouvelles pistes d'analyse du document en tenant compte de pratiques sociales réelles et en s'immergeant dans la quotidienneté des individus ?
3 Dans un premier temps, en nous appuyant sur plusieurs contextes d'observation différents, la classe, des espaces professionnels, la bibliothèque ou le centre de documentation, l'atelier, nous montrerons en quoi les attentes sociales et l'activité font du document un espace co-construit, structurant le champ de l'organisation et de la gestion de l'information. Le document, en tant qu'espace dialogique, devient alors un prétexte à la formalisation des activités en jeu au regard des positionnements, des représentations et des finalités projetées par ceux qui le fabriquent. Dans un second temps, nous proposerons de compléter les définitions actuelles du document en montrant l'intérêt de prendre en considération ses dynamiques.
Un espace d'inscription sociale d'un dialogue avec les connaissances
4 Dans les contextes de l'éducation, de la formation et de la gestion des connaissances, l'interaction avec l'information, notamment numérique, à travers les pratiques de navigation, mais aussi d'interprétation et de création, fait émerger des formes plurielles d'agentivité dans un environnement technique très contraint par des formats industrialisés. Le document a perdu sa fonction centrale de support de connaissances stables, mais il a gagné celle d'inscription des traces d'activités qui ouvre une modalité de dialogue social. Cette transformation n'est pas strictement limitée au processus d'industrialisation des connaissances et de l'éducation [7], mais elle affecte profondément la fonction de communication et de médiation du document par l'effet des usages de machines. À partir de plusieurs projets de recherches qui correspondent à des contextes spécifiques de création et d'usages de documents, on peut caractériser ces fonctions.
5 Le document est devenu un moyen d'inscription d'une dynamique plutôt qu'un produit fini dans les contextes de construction de connaissances. Cette fonction d'inscription d'une relation prend plusieurs formes selon les objectifs assignés aux documents : l'action, la pratique, l'activité, ou la connaissance. Manuel Zacklad [8] l'a précisément décrite dans ce qu'il qualifie de « régimes de documentalité » affectant les modalités de la diffusion des connaissances dans une organisation à partir des principes centraux de coopération et de mémorisation. Le document apparaît à la fois comme un espace de « transaction coopérative » du point de vue des processus de documentarisation de l'activité, et d'organisation des connaissances, du point de vue de leurs finalités. Plusieurs projets permettent d'illustrer et de préciser les mécanismes en jeu.
Le document comme construction hybride dans un dispositif projectif
La translittératie informationnelle
6 L'observation, le repérage et la catégorisation des pratiques informationnelles de lycéens d'enseignement général et professionnel, dans des situations de travail en projet, dans le cadre d'une recherche sur la translittératie informationnelle [9], visait la caractérisation de démarches et d'activités individuelles et co-construites entre les acteurs ainsi que le repérage de représentations partagées. Les chercheurs engagés dans ce projet recourent au terme translittératie pour désigner la convergence de trois domaines principaux, la culture de l'information, la culture médiatique, et la culture informatique ou numérique, dans lesquels ces pratiques puisent des concepts, des connaissances, des outils et des compétences. Mais le terme souligne aussi l'importance des pratiques qui ne sont pas nécessairement scolaires ni formelles. Il permet de croiser une perspective pragmatique, qui regarde essentiellement l'expérience individuelle et sociale dans le rapport à l'information, avec des connaissances construites sur les trois domaines, de l'information, des médias, du numérique, qui constituent des objets de savoirs. La convergence se situe également autour de trois dimensions : structurelle (l'information, le document, les médias et la communication), stratégico-actionnelle (les procédures de traitement des contenus) et identitaire et culturelle (les perceptions individuelles et collectives). Elle s'opère dans le cadre scolaire par la rencontre entre des contenus scientifiques, des pratiques individuelles ou sociales et des formes scolaires.
7 Un protocole multidimensionnel a été mis en place à partir d'une observation de type ethnographique dans six lycées impliquant des méthodologies croisées : application d'une grille d'observation commune à tous les terrains d'investigation, collecte de traces diverses des activités, enregistrements, photographies, documents significatifs de l'activité informationnelle et organisationnelle des élèves et de la régulation enseignante (productions des élèves, brouillons et documents organisationnels, feuilles de route fournies par les enseignants, discussions sur les réseaux socio-numériques, documents collaboratifs en ligne, etc.), recueil de la parole des acteurs à travers des entretiens semi-directifs. Concernant les éléments d'observation, les contextes d'action ont été centraux : la distribution du travail au sein des groupes, la recherche d'informations individuelle et collective, les interactions entre élèves, élèves et enseignants et entre enseignants, la mobilisation des différents médias et outils et les moments de passage de l'un à l'autre, les critères d'évaluation des productions et des démarches. Dans un premier temps, ce sont les pratiques informationnelles des élèves qui ont été observées, dans le cadre des travaux personnels encadrés (TPE) au lycée et de projets au lycée professionnel. Cette approche permet de considérer les acteurs dans leur écosystème informationnel, incluant la complexité et la spécificité des besoins d'information, ainsi que la pervasivité des technologies personnelles numériques portables qui augmentent les capacités à rechercher, sélectionner, travailler avec, diffuser les informations. Dans l'écosystème informationnel, le « régime de documentalité » évolue, l'information pouvant être enrichie par « (d)es personnes en droit d'accéder au support quand les conditions de connectivité matérielle requises sont remplies » [10], ce qui modifie définitivement l'équilibre antérieur des systèmes d'information et documentaires reposant sur les objets imprimés où seules les natures de documents différaient. Ceci n'empêche pas le document non numérique de tenir une place centrale dans la construction du travail des élèves, qui installent des dispositifs hybrides dans lesquels les livres et les cahiers continuent d'être centraux. En outre, l'approche par écosystème informationnel convoque les dimensions économique, politique et sociale de l'information. Un écosystème informationnel en contexte scolaire articule des personnes, des techniques, des canaux, des gisements et des méthodes qui concourent à la construction de savoirs afin de permettre à chaque élève de structurer des connaissances à partir d'informations recueillies, retraitées, assimilées voire diffusées, pour devenir éventuellement un agent actif de transmission de savoirs et de méthodes à ses pairs, voire à ses enseignants. Des interactions complexes se mettent en place entre les acteurs, dans ce qu'un courant de la recherche qualifie de « cognition située [11] », qui permet d'apprécier et de mesurer l'incidence des environnements techniques, médiatiques, documentaires, et des dispositifs sociotechniques sur la manière de construire des parcours par les acteurs eux-mêmes ou par les médiateurs (enseignants de discipline/documentalistes, animateurs, etc.). La notion de « cognition distribuée [12] » met en avant les modes de distribution sociale d'activités et de démarches, à travers les formes de collaboration et les échanges à visée cognitive.
8 Quand ils travaillent en groupe, les élèves construisent des formes de documents évolutives, qui passent souvent par le copié-collé plus ou moins élaboré dans un document de collecte [13], par une distribution du travail dans le temps et l'espace du document en chantier, qui est stocké, récupéré, repris, envoyé, découpé, enrichi, critiqué, négocié. Ces interactions médiatisées par le document permettent à l'élève de « se regarder penser », de réfléchir à son activité et de l'infléchir, individuellement et collectivement lorsqu'il s'agit du dossier à construire en groupe et du carnet de bord, à confronter au regard des enseignants. Elles peuvent être conflictuelles, particulièrement quand elles ne sont pas accompagnées ou encouragées par ces derniers. Elles peuvent aussi faire l'objet de processus d'affiliations [14], lorsque la négociation autour des formes documentaires transforme les élèves en formateurs de leurs enseignants ou entre eux. L'affiliation peut être définie comme un processus qui « organise les échanges entre acteurs en constituant les règles qui gouvernent (l')organisation et établissent, entre des individus en interaction, le sentiment qu'une compréhension mutuelle s'instaure [15] ». L'accompagnement ou la médiation est essentielle dans la qualité de la construction des connaissances, parce qu'il est très compliqué pour les élèves de prendre conscience de ce qui se joue à travers le document. En tant que production, celui‑ci révèle une hybridation des pratiques informationnelles des élèves, entre des pratiques non formelles liées à la fréquentation des réseaux socio-numériques ou à des activités de loisir, et des pratiques scolaires liées au système info-documentaire du lycée, aux espaces de travail et aux injonctions scolaires. Ces pratiques mobilisent une diversité de supports et de formes médiatiques. Elles passent notamment par des objets qui n'ont pas leur place à l'école, comme le smartphone, qui permet autant de consulter des documents que d'en produire. La vidéo, par exemple, est un mode documentaire fréquemment utilisé par les adolescents, bien que non valorisé à l'école, notamment sur des plateformes comme Youtube, auxquelles ils participent parfois en tant que producteurs. Ils créent ainsi des dispositifs info-documentaires ouverts et hybrides, mêlant des documents trouvés à la maison, dans les réseaux socio-numériques, en bibliothèque, auprès des enseignants. La diversité des formes et des statuts des documents utilisés, qui échappe en partie à l'institutionnalisation, pose évidemment des problèmes aux enseignants, qui doivent réviser leurs pratiques de formation et leurs critères d'évaluation de l'information. Enfin, le document peut devenir en lui-même un mode de communication de l'élève envers l'institution, un « messager à l'égard de l'organisation [16] ».
Numérisation du patrimoine en contexte éducatif
9 Un second projet en contexte scolaire portant sur les usages de documents numériques destinés à la médiation culturelle du patrimoine [17] confirme l'importance de l'hybridation. Dans ce projet, plusieurs dispositifs de médiation numérique du patrimoine en région Aquitaine ont fait l'objet d'observations et de captations sonores et vidéographiques en contexte autour de leurs usages par les élèves et les enseignants, de leurs contenus communicationnels et de leur réprésentation par les élèves et les adultes, à travers des entretiens semi-directifs individuels ou collectifs. Les documents numériques qui constituent l'objet des connaissances visées ne prennent leur sens que s'ils sont appropriés dans des constructions documentaires nouvelles et hybrides par les élèves, intégrant leurs propres représentations et pratiques. Pour cela, les dispositifs documentaires ne doivent pas nécessairement renvoyer aux univers ludiques, graphiques et symboliques qui composent les temps de loisir et de communication des jeunes usagers. La tentative, de la part des institutions culturelles ou scolaires, de rivaliser avec les espaces numériques non scolaires, est souvent vouée à l'échec en termes d'efficacité cognitive. Ces espaces correspondent à des formats et des modes d'éditorialisation que les jeunes n'associent pas à des apprentissages dans les modes d'attention sollicités. Au contraire, les couches techniques peuvent être vécues par des adolescents de lycée comme de véritables barrières à leur appropriation d'un texte, d'une part, au déploiement de formes de créativité autour de ce texte, d'autre part. C'est ce qui ressort des observations de leurs activités et des entretiens menés autour du site “Mauriac en ligne” qui met à disposition du public tous les articles journalistiques de François Mauriac publiés entre 1905 et 1945 [18]. Ce site, réalisé par et pour des chercheurs, offrant un accès plutôt austère et direct aux textes, est néanmoins apprécié par les élèves qui disent pouvoir se concentrer sur les contenus discursifs sans voir leur attention détournée par un environnement ludique. Les projets de médiation numérique fondés sur des systèmes documentaires complexes et fermés, du fait de la stratégie de médiatisation choisie par leur concepteur (jeux sérieux, réalité augmentée, applications sur des tablettes), manquent souvent leur cible en ajoutant des contraintes cognitives liées aux technologies numériques à l'objet documentaire primaire. Comme Patrick Fraysse [19] le note, les médiations numériques centrées sur l'objet technique créent parfois des dispositifs qui font écran entre le document et le public et échouent dans leurs objectifs de construction de savoirs. En revanche, le document peu transformé dans sa version numérique, sinon à travers une version texte à côté de la reproduction en format image des articles, permet, pour l'élève, une exploration libre, la possibilité de documentariser, de médiatiser à l'aide d'outils familiers (les vidéos, les photos, des textes poétiques) qu'il peut mobiliser dans une perspective de création et non de consommation. La technologie ne fait pas la qualité du document, du point de vue de son usabilité cognitive, mais peut le détourner de son objectif. Des systèmes de mise à disposition de documents primaires et d'outils documentaires (recherche indexée dans le texte par exemple) peuvent laisser la voie libre aux constructions appropriées par des élèves qui deviennent eux-mêmes et collectivement créateurs de nouveaux documents. Les exemples d'activités pédagogiques de création documentaire ne manquent pas, en circulation dans les réseaux d'enseignants, comme celui du blog littéraire i-voix du lycée de l'Iroise à Brest. Mais le meilleur exemple est celui de Wikipedia [20], ensemble documentaire collaborativement construit, au statut ambivalent parmi les enseignants puisqu'ils l'utilisent pour leurs propres recherches. Certains déconseillent encore parfois cette source à leurs élèves, alors que d'autres en font le support d'une stratégie pédagogique très efficace, à la fois pour s'approprier des connaissances en créant des documents à partir d'informations, et pour aborder la question de l'évaluation de cette information.
Le document comme espace de négociation et de stabilisation des connaissances
10 Dans le domaine professionnel, dans le cadre d'un projet mené avec le Conseil régional d'Aquitaine entre 2012 et 2015, des réseaux d'acteurs formant une communauté de pratique autour de la thématique de l'écoconstruction ont fait l'objet d'une recherche : Il s'agissait d'architectes et des représentants de toutes les professions du secteur de la construction et de l'urbanisme qui travaillent dans des structures individuelles ou de taille réduite, dont l'intervention sur l'espace physique et social a des conséquences lourdes sur l'environnement, et qui axent leur activité sur la maîtrise de ces effets. Dans une approche sociologique, ont été analysées les pratiques (production, recherche, traitement, communication) et les représentations de l'information dans un environnement économique, technique et social marqué par des contraintes fortes. Dans une approche sémio-pragmatique, les systèmes d'information personnels ont été mis en lien avec la matière informationnelle et documentaire produite par la communauté et des actes de construction sociale identifiés à travers les thématiques, le vocabulaire, les structures sémiotiques des discours et des agencements documentaires. Ces professions, au‑delà de la diversité des cultures professionnelles ou corporatistes qui les caractérise (du point de vue des formations, des langages, des références théoriques, éthiques, pratiques, des normes, des gestes, des outillages…) sont très sensibles aux questions de communication. Les circuits de l'information sur l'environnement qu'elles empruntent sont complexes, liés à la réglementation, à la recherche scientifique, aux industries, aux groupes de pression. Les intérêts économiques en jeu sont importants à cause du poids financier du secteur du bâtiment et des travaux publics, et contraints par des normes qui encadrent fortement les activités de construction. L'information scientifique et technique, principalement normative, dans ces réseaux professionnels, acquiert une importance stratégique grandissante, parce que les problématiques environnementales constituent un enjeu social, politique et économique majeur. Les écoconcepteurs ne sont pourtant pas encadrés par une organisation, en tant que professionnels militants visant de très petits marchés ou intègrant la question environnementale dans son ensemble, avec des pratiques de conception instrumentée (par des logiciels, le recours à des référentiels communs, la collaboration avec des bureaux d'études spécialisés). Certains formalisent la préoccupation environnementale par une démarche certificative liée aux exigences des marchés. Dans les petites entreprises, des documents techniques répondent aux besoins d'une information fortement normalisée et indispensable mais dont l'accès est coûteux et le champ d'intervention incomplet, puisque de nombreux matériaux utilisés en éco-conception sont innovants et ne font pas encore l'objet d'une certification. L'information les concernant ne satisfait pas les critères fondamentaux de la maturité de l'information. Leur utilisation représente donc un risque pour les acteurs, risque qu'ils ont besoin d'évaluer notamment au regard des normes qui constituent une contrainte incontournable.
11 L'étude de ces communautés émergentes permet de questionner l'approche formelle du document dans un contexte de gestion des connaissances et dans une logique institutionnelle. En effet, les modèles existants présentent l'inconvénient d'être normatifs par l'intention prescriptive de pratiques informationnelles orientées vers l'information professionnelle « officielle » liée aux organisations et aux outils qu'elles utilisent. Ces communautés font émerger des pratiques informationnelles hétérodoxes par rapport au milieu professionnel, et néanmoins efficaces dans la construction collective et la diffusion de savoirs. Des processus instituants s'élaborent autour de pratiques plurielles, individuelles et collectives, de définition, d'accessibilité et d'exploitation des informations. Les professionnels observés développent des pratiques de bricolage documentaire à partir de sources d'information hétérogènes – des documents techniques formatés et normés mais très onéreux, souvent trop pour être achetés, des documents diffusés par les industries productrices de matériaux, d'autres récoltés au fil de stages et ou de rencontres. Sur ces bases, et à l'aide d'espaces communs de travail et de partage, formatés pour répondre à des besoins précis et mis en circulation dans des réseaux plus ou moins ouverts selon le degré de confidentialité du document par rapport aux projets, ils construisent de nouveaux documents [21]. Cet ensemble constitue un écosystème informationnel fonctionnel [22], et une base de connaissance pour la communauté, à partir de documents normatifs, réflexifs et objectaux qui sont discutés, amendés, découpés, réorganisés, archivés au fil des projets et en fonction d'objectifs de travail en projet ou de communication.
Le document comme espace de partage des connaissances
12 Les observations menées dans un quatrième exemple ont été conduites sur le terrain des FabLabs, « laboratoires de fabrication [23] » fréquentés par des élèves dans le cadre d'un projet de recherche sur les effets des objets numériques tangibles sur la perésévérance scolaire. Elles corroborent le constat du lien entre document et construction de connaissances dans un groupe social autour de projets. Mais contrairement à la situation des écoconcepteurs, qui constituent une communauté de pratique, ceux qui fréquentent les FabLabs ont en commun le travail en projet mais pas les spécificités des objectifs des projets. Conceptualisé par Neil Gershenfeld, professeur au MIT, un FabLab est un lieu ouvert au public où sont mis à disposition toutes sortes d'outils, avec des données stockées sur des plateformes collaboratives, en vue de passer rapidement de la phase de conception à la phase de prototypage, de mise au point, et de fabrication d'objets. Le travail qui s'y mène dans un collectif à géométrie variable ne porte pas seulement sur les aspects matériels de la fabrication d'objets, mais aussi sur les développements informatiques nécessaires pour les faire fonctionner. Ces développements sont eux-mêmes partagés sur des plateformes collaboratives. Les observations menées auprès d'élèves ou de stagiaires qui ont réalisé des projets dans les FabLabs du projet montrent que le document est utilisé à la fois comme trace des activités, support de formation et contenu de connaissances. Il remplit donc une multiplicité de fonctions et pour chacune fait intervenir des acteurs différents. Comme trace des activités dans la phase de documentarisation, c'est l'individu qui le construit en fonction de sa propre représentation de ses objectifs, de son activité, et, dans un second temps, de ce qu'il peut partager avec d'autres. Car le document a une fonction sociale dès qu'il est partagé dans des espaces dédiés (la plateforme pour le FabLab), son format peut être négocié mais il doit être stabilisé.
13 Comme support de formation, la construction d'un document constitue une modalité que l'on retrouve souvent chez les médiateurs, notamment dans le monde numérique, et parfois chez les enseignants, en technologie par exemple : la participation de l'acteur à la création d'un document technique à communiquer et partager représente une stratégie pédagogique basée sur une conception socio-constructiviste. Le présupposé de cette démarche est que la nécessité de partager ses connaissances oblige l'apprenant à les formuler et donc à les stabiliser. Dans ce sens, le document est ce qui met au jour et en partage les connaissances, que ce soit sous la forme très sommaire d'un schéma, ou plus complexe d'un « tutoriel » ou d'une description qui a vocation à former les autres. Documenter le projet, c'est donc aussi apprendre à communiquer des connaissances ; on mesure là la fonction communicationnelle du document. Comme contenu de connaissance, dernière étape de la transformation documentaire, le document permet d'établir une version que l'on considère comme valable dans la description et la finalisation d'un processus. Il devient une trace stabilisée et mise en partage, non plus dans la transformation mais dans une forme momentanément arrêtée qui peut être stockée, archivée, indexée, classée pour être retrouvée. Le document revêt ici les caractéristiques identifiées par Robert Escarpit de synchronie et de stabilité nécessaires à la communication. Cette dernière étape vise aussi le partage dans la communauté et l'établissement d'un vocabulaire commun, une forme de grammatisation des gestes pratiques qui se transforment, à travers l'espace du document, en normes d'action.
14 Le document devient ainsi un espace dialogique et cognitif d'inscription de traces des activités comme étapes dans la construction de connaissances techniques. Dans ce contexte, plus que la version momentanément stabilisée de la connaissance, c'est le processus qui importe, et les documents ne sont pas fermés mais transformables. Ils s'enrichissent de nouveaux projets qu'ils ont contribué à nourrir. Pour les médiateurs, le document comme production constitue un enjeu central de formation et de prise de conscience de la dimension collective voire coopérative d'un projet, et les stagiaires du FabLab le savent. À l'inverse, les enseignants qui utilisent sporadiquement le FabLab ne sont pas nécessairement attentifs à cette centralité et omettent d'inciter les élèves à documenter leurs projets ou négligent la qualité de la conservation des traces. Le processus est alors souvent ralenti par l'absence de médiation documentaire, qui présente pour les élèves un risque d'oubli.
15 Les recherches dans plusieurs contextes d'apprentissage très différents permettent d'observer des invariants de la forme, de la fonction et des caractéristiques du document. Cependant, cette remarque n'est valable que si certaines conditions sont remplies. Les communautés de pratique reposent sur des liens ténus et ne peuvent pas toujours assumer cette fonction de construction documentaire qui constitue pourtant l'inscription tangible de la communauté. On pourrait avancer l'idée qu'une communauté n'existe en tant que telle qu'à la condition de pouvoir soutenir ce processus de construction documentaire qui contient la preuve des échanges autour d'un projet partagé et de pratiques communes. Quand cette condition n'existe pas, les acteurs ne peuvent pas s'identifier à un projet partagé ni trouver dans le groupe les ressources informationnelles et cognitives suffisantes pour poursuivre “ensemble” un projet.
Repenser les pratiques du document ?
16 Il semble possible de repenser la définition du document au regard de ces observations liées à plusieurs projets qui se rejoignent dans le constat d'une évolution profonde des représentations et des pratiques en contexte social d'activité ou d'apprentissage. Ce ne sont plus seulement les qualités intrinsèques du document qui sont à prendre en considération dans cette définition, mais aussi son inscription dans un écosystème complexe.
L'instabilité documentaire dans les écosystèmes
17 Les contextes d'apprentissage situent le document dans des espaces et des pratiques réels, à partir de qualités qui déterminent son essence. Le document ne peut être cantonné à sa fonction d'illustration, de représentation de la vérité, dans les manuels scolaires par exemple, ou de trace de l'intelligence humaine. Il devient un espace d'exploration quand il est en cours de construction, un espace de partage et de négociation quand il est en cours de stabilisation, un espace de débat quand il est stabilisé mais susceptible d'être remis en question. Un chantier, pas un mémorial. Ces évolutions accompagnent celles des institutions de formation, et d'abord l'école, dont Nicolas Auray [24], travaillant sur les jeux vidéos, constatait l'incapacité à se détacher des idées toutes faites, à entendre “cet appel du chaos en nous”. Car travailler sur des documents en construction, ou dont les sources ne sont pas connues et validées par les institutions du savoir, revient à introduire des formes d'incertitude et d'instabilité là où l'éducation a besoin de stabilité. Or, pour accepter l'incertitude, il faut pouvoir avoir confiance dans les modalités de règlement relatif de la connaissance, savoir reconnaître des critères d'évaluation de l'information, et se situer dans un contexte de réception en ayant conscience de la construction sociale de l'interprétation des informations dans un document [25]. Les formes documentaires en contexte numérique appellent donc le développement de savoirs non seulement sur les contenus mais aussi sur les modalités de construction et de circulation, sur les systèmes de valeurs en jeu et sur les formes elles-mêmes, ce que nous désignons par les cultures de l'information. Le document ne peut pas être seulement un espace de partage et la garantie d'un savoir commun, il doit aussi contenir les principes de son autorité, même collective, de sa fiabilité, même relative, et de son usabilité, même temporaire. Il reste une forme conventionnelle sur laquelle un collectif converge pour lui attribuer des fonctions cognitives, sémiotiques, sociales, pratiques.
18 Le document est aussi un espace de dispute au sens premier de discussion et d'argumentation. Le travail de Bruno Latour et Michel Callon [26] sur la cartographie des controverses, par exemple, décrit le travail de documentation que constitue la cartographie de controverse comme un moyen de comprendre les arguments d'un débat, à l'aide d'une pluralité de documents, en reconstituant le réseau des acteurs en jeu, leurs positions, par une forme d'archéologie de la connaissance autour d'une question scientifique ou sociale controversée. Comme mode d'apprentissage de la pensée critique, d'appréhension de la démarche scientifique et du pluralisme du débat public, ce travail est particulièrement fécond. Plus que l'ensemble documentaire qui en constitue l'aboutissement, c'est le processus de sa construction qui importe.
Un nouveau dialogue épistémologique à construire autour du document
19 Un questionnement renouvelé sur la définition du document émerge des différents contextes d'apprentissage. Dans le cadre scolaire, certains programmes font une référence explicite au document, notamment dans l'éducation aux médias et à l'information, et dans l'espace du Centre de Documentation et d'Information (CDI). Dans le cadre universitaire, avec les efforts grandissants des services de documentation pour former les étudiants à l'information, la définition du document prend sa place dans les maquettes de formation. Dans le champ professionnel, mises à part les institutions de formation, la question de l'intégration d'un travail pédagogique autour de la relation entre document et connaissance ne se pose plus que rarement. En dehors de situations spécifiques de formation continue, les professionnels ne sont plus accompagnés dans la construction de leurs connaissances, à l'exception de très grandes entreprises qui ont les moyens financiers de supporter les systèmes de gestion des connaissances. Quel que soit le contexte, le document apparaît aujourd'hui, dans toute sa dimension communicationnelle, comme un espace en construction dont il faut interroger les perceptions, les représentations, les imaginaires autant que les dimensions formelles et institutionnelles. Cette interrogation suppose qu'existe un terrain culturel partagé [27], un espace de dialogue possible, si ce n'est de participation. Ce dialogue est d'autant plus important que le document a perdu sa finalité principale d'expression de la science revendiquée par Paul Otlet, autant que sa caractéristique de durabilité soulignée par Jean Meyriat ou de stabilité revendiquée par Robert Escarpit. Dans les représentations de l'univers numérique, médiatique et informationnel qui constitue l'horizon des apprentissages, à côté du document, coexistent et sont rendus visibles une grande diversité d'objets proto, pseudo et paradocumentaires, des données, des “fausses” informations, des documents en construction. Les données ouvertes, par exemple, peuvent faire l'objet de formations, de projets pédagogiques et être utilisées très directement, à travers des outils de visualisation produisant des objets qui ne sont plus perçus comme des documents mais comme de l'information “pure” qui se passe de l'intermédiaire documentaire pour produire de la connaissance. Bien entendu, les tableaux et graphiques créés dans ces travaux sont des documents. Les données donnent lieu également, dans le cadre de plateformes ouvertes, à des “expériences de production commune et d'accès libre”, dans les projets liés à la robotique par exemple [28]. La production en question concerne des ressources plutôt que des documents. Elle en revêt pourtant les caractéristiques de support de communication et de mémoire. Dans le cadre de communautés de hackers ou de libristes, elle propose un cadre d'incertitude et d'interdépendance cognitive, qui donne naissance, d'après Bernard Conein, à des formes d'autorité d'expertise détachées de l'autorité sociale : c'est l'expérience, et la documentation de cette expérience qui créent la possibilité de connaissance. Dans les FabLabs comme dans les communautés d'élèves qui travaillent autour de la robotique en contribuant à des plateformes libres, la conservation des traces d'une expérience de programmation réussie est essentielle, à la fois pour stabiliser la connaissance acquise, et pour la partager. Le document en question acquiert une fonction éminemment politique en questionnant les critères de l'expertise qui devient éventuellement mais momentanément partageable et partagée.
Conclusion
20 Ces questions que nous proposons de partager peuvent faire évoluer notre regard sur le document. En le plaçant au cœur de la construction de connaissances entendue comme une pragmatique, et en prenant en considération l'évolution des contextes, des dispositifs et des écosystèmes info-communicationnels, le document semble perdre sa fonction de support pour devenir plutôt un espace, sa caractéristique de stabilité pour une dynamique, sa dimension d'inscription pour celle de partage autour de l'activité et pas seulement des connaissances stabilisées. Cette fluidité documentaire remet en question les pratiques professionnelles de documentation sans leur faire perdre leur raison d'être mais en incitant les professionnels à repenser leur rôle dans les organisations.
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Mots-clés éditeurs : pragmatique, écosystème informationnel, cognition, document
Date de mise en ligne : 13/05/2019
https://doi.org/10.3917/comla1.199.0115Notes
-
[1]
Jack Goody, La Logique de l'écriture aux origines des sociétés humaines, Paris, Armand-Colin, 1986, p. 155.
-
[2]
Manuel Zacklad, « Processus de documentarisation dans les documents pour l'action (DopA) », in Savard R. (dir.), Le Numérique : impact sur le cycle de vie du document, 13-15 octobre 2004, Montréal, Lyon, École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, URL : http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/1209-processus-de-documentation-dansles-documents-pour-l-action-dopa.pdf.
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[3]
Brigitte Guyot, Dynamiques informationnelles dans les organisations, Paris, Hermès-Lavoisier, 2006.
-
[4]
Yves Jeanneret, Y-a‑t‑il (vraiment) des technologies de l'information ?, nouvelle édition revue et corrigée [en ligne], Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2011.
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[5]
Dominique Cotte, « La « fabrique du document » à l'assaut des métiers », Les Enjeux de l'Information et de la Communication, 18-2, 2017, p. 9-17, URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2017-dossier/01-Cotte/
-
[6]
John Dewey, Logique. La théorie de l'enquête (G. Deledalle Trad.), Paris, Puf, 1967 (édition originale, 1938).
-
[7]
Pierre Moeglin, Outils et médias éducatifs. Une approche communicationnelle, Grenoble, PUG, 2005.
-
[8]
Manuel Zacklad, « Genre de dispositifs de médiation numérique et régimes de documentalité », in Gagnon-Arguin L. Mas S, Maurel D. (dir.), Les Genres de documents dans les organisations, Analyse théorique et pratique, Québec, PUC, 2015, p. 145-183.
-
[9]
ANR Translit, dirigée par Divina Frau-Meigs. Pour le bilan scientifique de la tâche 2, voir Vincent Liquète et al., ANR Translit, Bilan scientifique de la tâche 2 : Analyse des dispositifs et des usages [Rapport de recherche], ANR (Agence nationale de la recherche – France), 2017, Rapport scientifique, 93 p. ; Annexes au Bilan scientifique, 40 p. ; sélections de publications, 161 p. <sic_01552095>.
-
[10]
Manuel Zacklad, op. cit.
-
[11]
Bernard Conein, Eric Jacopin, « Action située et cognition : le savoir en place », Sociologie du travail, 36-4, 1994, p. 475-500.
-
[12]
Bernard Conein, « Cognition distribuée, groupe social et technologie cognitive », Réseaux, 2, 2004, p. 53-79.
-
[13]
Nicole Boubée, « Par delà le plagiat, les copiés-collés », Questions de communication, 27-1, 2015, p. 205-215.
-
[14]
Anne Cordier, Anne Lehmans, « Affiliations numériques et postures enseignantes : vers une redéfinition de la communauté d'apprentissage ? », in Liquète V., Soumagnac K. (dir.) Les Affiliations par et avec le numérique, Paris, Hermann, 2017.
-
[15]
Albert Ogien, « L'affiliation : analyse de la constitution de l'intervention sur autrui », Pratiques de formation, 11- 12, 1985. URL : http://vadeker.net/corpus/pfem/5-5_affiliation.html
-
[16]
Anne Cordier, Vincent Liquète, « La translittératie, un facteur de réagencement de l'organisation scolaire ? », 19e Colloque bilatéral franco-roumain en sciences de l'information et de la communication, mars 2013, Roumanie, 2013.
-
[17]
Projet P@trinum : http://patrinum.espe-aquitaine.fr/
-
[18]
Anne Lehmans, « Politiques de numérisation du patrimoine littéraire et éducation : enjeux, tensions et dynamiques à partir de l'exemple aquitain », Séminaire « Étude comparée de la littérature patrimoniale en France et au Japon, oct. 2016, Kagoshima, Japon <hal-01852302v1>.
-
[19]
Patrick Fraysse, « La médiation numérique du patrimoine : quels savoirs au musée ? », Distances et médiations des savoirs, 12, 2015. URL : http://journals.openedition.org/dms/1219
-
[20]
Voir notamment le remarquable travail de Gilles Sahut, Wikipédia, une encyclopédie collaborative en quête de crédibilité : le référencement en questions, thèse de doctorat, université Toulouse – Jean Jaurès, 2015.
-
[21]
Voir Anne Lehmans, « Vers une gestion participative de la connaissance dans les communautés de pratique émergentes : de l'économie à l'écologie de la connaissance », Communication & management, 12-1, 2015, p. 81-95.
-
[22]
Vincent Liquète, Anne Lehmans, « Élaboration d'un écosystème de ressources informationnelles en écoconstruction : du transfert de connaissances et d'informations expertes à une offre sociale partagée », in Agostinelli S., Koulayan N. (dir.), Les Écosystèmes numériques. Intelligence collective, développement durable, interculturalité, transfert de connaissances, Presses des Mines, 2016.
-
[23]
Projet E-Fran PERSEVERONS : http://perseverons.espe-aquitaine.fr/, dans lequel trois de ces espaces de fabrication numérique accueillent les recherches : Coh@bit à l'IUT de Bordeaux, Eirlab à l'ENSEIRB Mathmeca de Bordeaux, 127e à Cap sciences.
-
[24]
Nicolas Auray, L'Alerte ou l'enquête. Une sociologie pragmatique du numérique, Paris, Presse des Mines, 2016, p. 142.
-
[25]
Danah, Boyd et al., « Did media literacy backfire ? », Journal of Applied Youth Studies, 1-4, 2017, p. 83.
-
[26]
Voir par exemple Michel Callon, « Pour une sociologie des controverses scientifiques », in Akrich M., Callon M. et Latour B., Sociologie de la traduction, textes fondateurs, Paris, Presses des Mines de Paris, 2006, p. 135-157.
-
[27]
Angèle Stalder montre bien dans ses travaux l'importance de cette construction culturelle à travers la littératie informationnelle qui se construit à travers le document technique. Voir Angèle Stalder, « Quelle durabilité de la littéracie du document technique en organisation ? », Revue COSSI, 1, 2016 [en ligne].
-
[28]
Bernard Conein, « Remarques sur le communalisme informationnel », in Pasquier D. (dir.), Explorations numériques. Hommages aux travaux de Nicolas Auray, Paris, Presse des Mines, 2017, p. 175-189.