Notes
-
[1]
Heinrich Von Kleist, Sur le théâtre de marionnettes, Paris, Éditions Mille et une nuits, 1993, p. 13-14.
-
[2]
D'après le TLFi : http://www.cnrtl.fr/etymologie/mannequin.
-
[3]
Andrea Semprini, Le Marketing de la marque. Approche sémiotique, Paris, Éditions Liaisons, 1992, p. 27.
-
[4]
Jacques Rancière, Aeisthésis. Scènes du régime esthétique de l'art, Paris, Éditions Galilée, coll. « La philosophie en effet », 2011, Prélude, p. 10.
-
[5]
Louis Marin, De la représentation, Gallimard/ Le Seuil, coll. « Hautes Études », Paris , 1994, p. 305.
-
[6]
Roland Barthes, « Rhétorique de l'image », Communications, no 4, 1964, p. 44.
-
[7]
Ibid., p. 44.
-
[8]
Nous choisissons ici cette formule pour désigner à la fois les lecteurs du défilé médié et médiatisé par le web et les spectateurs du défilé réel.
-
[9]
Roland Barthes, art. cit., p. 44.
-
[10]
Ibid., p. 44.
-
[11]
Ibid., p. 44.
-
[12]
Littéralement « marche de chat », le catwalk désigne la démarche chaloupée des mannequins semblable à celle d'un chat. Par glissement sémantique, le terme signifie « podium ».
-
[13]
Surnom attribué à la fondatrice de la marque, Gabrielle Chanel, par les militaires devant lesquels la jeune femme chantait des chansons populaires, parmi lesquelles figurait celle qui lui a valu ce sobriquet, V'la l'coco.
-
[14]
Roland Barthes, Système de la mode, Paris, Seuil, 1967, p. 314.
-
[15]
Il suffit de voir combien les scandales liés aux abus de l'égérie participent du bruit médiatique qui accompagne la marque et lui confère un dynamisme qui lui permet de renouveler son image sans cesse. Par ce phénomène de transfert métonymique, la « vie » de la marque se trouve finalement associée à celle de l'égérie qui la représente.
-
[16]
Bien que le procédé ne soit pas exclusif à Chanel, la marque se distingue des autres historiquement : elle est l'une des premières en France à avoir usé du pouvoir prescripteur des stars, reposant sur un transfert de notoriété, à travers le recours à des actrices de renom – Marylin Monroe en 1954 – pour promouvoir, au départ, son parfum « mythique », le N° 5 (parfum qu'elle avait pourtant elle-même promu en 1937 dans les pages du Harper's Bazaar).
-
[17]
Au lieu du noir traditionnellement utilisé par la marque.
-
[18]
Cf. http://www.cnrtl.fr/definition/shopping. Consulté le 6/01/2018.
-
[19]
Cf. http://www.cnrtl.fr/definition/shopping. Consulté le 6/01/2018.
-
[20]
Marcel Proust, Le Temps retrouvé, Paris, La Pléiade, 1927, p. 895.
-
[21]
Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1945.
-
[22]
Ibid., p. 247.
-
[23]
Voir à ce sujet le défilé automne-hiver 2017-18 de Marc Jacobs à New-York, où le designer avait préalablement interdit aux invités de se servir de leurs smartphones, à l'intérieur du bâtiment où se jouait le show. À l'issue du défilé, ces derniers ont pu se filmer et prendre les photos qu'ils voulaient pour leur compte Instagram. À travers cette interdiction – limitée au temps du défilé –, le couturier entendait aller à contre-courant des pratiques des spectateurs qui ne découvrent généralement les propositions stylistiques qu'à travers l'écran de leurs smartphones.
-
[24]
Touchant directement le message. Voir l'article « embrayage/débrayage » du Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques (Driss Ablali, Dominique Ducard (dir.), Paris, Éditions Champion, 2009 ; Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2009, 188) : « L'embrayage et le débrayage décrivent les deux opérations qui mettent en relation l'instance de l'énonciation et l'énoncé lors de la production du discours. Le débrayage consiste d'abord à projeter hors de l'instance énonçante les catégories qui viendront s'inscrire dans l'énoncé sous la forme du je, ici, maintenant constitutif de la deixis. On parle alors de débrayage énonciatif. Au contraire lorsque les catégories débrayées ne relèvent pas de la personne mais paraissent objectivantes, comme dans une description par exemple ou un constat factuel, on parle de débrayage énoncif. […] »
-
[25]
Rappelons ici les injonctions calendaires auxquels sont soumis les défilés de mode. Ces derniers ont lieu deux fois par an : les collections femme de prêt-à-porter présentent en septembre/octobre les vêtements de la saison printemps/été. En février-mars, les défilés exposent les collections de la saison automne/hiver. La Haute Couture suit un autre calendrier : les collections du printemps/été sont présentées en janvier, celles de l'automne/hiver en juillet. La mode masculine (prêt-à-porter et Haute Couture) est exposée selon un autre calendrier : en janvier pour les collections printemps/été, en juin pour celles de l'automne/hiver. Les défilés de mode sont donc organisés selon trois calendriers distincts et dans quatre principales villes reconnues historiquement comme des centres de mode – les big four, selon les médias anglo-saxons : Paris, Milan, Londres et New-York. Ces présentations de mode inscrites temporellement dans les calendriers imposés par les Chambres syndicales de Couture des quatre villes font partie de ce que l'on appelle, dans le jargon de la mode, les fashion weeks (« semaines de la mode »). Notons toutefois qu'il existe plus d'une quarantaine de fashion weeks à travers le monde dont celles de Barcelone, Stockholm, Hongkong et Bombay mais celles‑ci demeurent largement moins médiatisées que les précédentes.
-
[26]
Dans la mesure où les deux syllabes formant le surnom de la fondatrice sont identiques.
-
[27]
Mikhaïl Bakhtine, L'Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, traduit du russe par Andrée Robel, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1970, p. 18.
-
[28]
Anglicisme désignant littéralement les « spectacles de mode ». L'avantage sémantique d'une telle expression réside dans sa capacité à rendre compte de la dimension spectaculaire de manière hypertrophiée. Étymologiquement, un show est en effet « un spectacle monté et organisé pour divertir un public » mais également « une présentation, un spectacle de raretés, de curiosités » ainsi qu'une « exposition, une présentation publique ». Cf. http://www.cnrtl.fr/etymologie/show. Consulté le 21/12/2017.
-
[29]
Mikhaïl Bakhtine, op. cit., p. 221.
-
[30]
Ibid., p. 221.
-
[31]
Emmanuël Souchier, « Le Carnaval typographique de Balzac. Premiers éléments pour une théorie de l'irréductibilité sémiotique », Communication & langages, vol. 185, no. 3, 2015, p. 3-22.
-
[32]
Le rythme est ici appréhendé non pas du point de vue du tempo narratif endossé par le défilé mais par l'amplitude des mouvements dont rend compte ici le corps presque relâché.
-
[33]
Walter Benjamin, Paris, Capitale du xixe siècle, Exposé, Paris, Éditions Allia, 2015 [2003].
-
[34]
Ibid., p. 31.
-
[35]
Ibid., p. 32.
-
[36]
Frédéric Monneyron, La Photographie de mode. Un art souverain, Paris, Puf, 2010, p. 133.
-
[37]
Dans les défilés Chanel, c'est presque toujours exclusivement le directeur artistique Karl Lagerfeld qui en assure les choix.
-
[38]
Camille Zéhenne, « Corps communicant, corps consommant : les reconfigurations à l'œuvre dans l'espace du supermarché », Synergies. Pays Riverains de la Baltique, no 8-2011, p. 53-61.
-
[39]
Ibid., p. 58.
-
[40]
Nous avons choisi de doter le mot d'une majuscule afin d'exprimer le caractère général que revêt le terme, pris dans son sens d'« altérité ».
-
[41]
Cf. http://www.cnrtl.fr/etymologie/parodie. Consulté le 12/01/2018.
-
[42]
Nous avons mis ce mot entre guillemets car il s'agit du rôle joué par le modèle, qui se superpose à celui qui est le sien – présenter des vêtements de façon chorégraphique et théâtralisée.
-
[43]
Walter Benjamin, Paris, Capitale du xixe siècle, op. cit.
-
[44]
Ibid., p. 73.
-
[45]
L'écriture des corps s'inscrit ici pleinement dans le parcours-consommateur comme une représentation de l'acte qui s'ouvre sur la consommation, empruntée au champ du quotidien, à travers le recours au supermarché, devenu dès lors figure, métaphore.
-
[46]
Pour des raisons techniques, il ne nous est pas possible d'analyser ici la strate sonore ni la lumière : les captures recueillies ne nous permettent pas en effet d'en rendre compte clairement.
-
[47]
Précisons néanmoins que les défilés Chanel sont toujours des événements spectaculaires, marqués par l'outrance et l'emphase.
-
[48]
Si « le mythe est une parole » selon Barthes, c'est une parole chargée d'histoire dont le sens n'est jamais épuisé : « Le signifiant du mythe se présente de façon ambiguë : il est à la fois sens et forme, plein d'un côté, vide de l'autre. Comme sens, le signifiant postule déjà une lecture, je le saisis des yeux, il a une réalité sensorielle […], comme total de signes linguistiques, le sens du mythe a une valeur propre, il fait partie d'une histoire […], dans le sens, une signification est déjà construite, qui pourrait fort bien se suffire à elle-même si le mythe ne la saisissait et n'en faisait tout d'un coup une forme vide, parasite. Le sens est déjà complet, il postule un savoir, un passé, une mémoire […] » (Mythologies, Éditions du Seuil, Paris, 1957, p. 187).
Introduction
Et quel avantage cette poupée aurait‑elle sur des danseurs en chair et en os ? – Quel avantage ?… ce serait surtout, mon excellent ami, un avantage négatif : elle ne serait jamais affectée. – L'affectation se manifeste en effet, comme vous le savez, lorsque l'âme (vix motrix) se situe en un quelconque endroit du corps, sauf précisément au centre de gravité du mouvement. Le montreur, au contraire, avec ses ficelles ou ses fils de fer, ne dirige que ce point précis : tous les autres membres sont comme le veut leur nature, ils sont morts, ce sont de purs pendules, et ils obéissent à la seule loi de la gravitation ; c'est là une qualité éminente que l'on chercherait en vain chez la plupart de nos danseurs [1].
2 Selon l'étymologie, le mannequin est d'abord une « poupée en osier sur laquelle le couturier fabriquait ses modèles [2] ». Il est également un marqueur sémiotisant la marque, l'incarnant jusque dans ses postures. Il modélise la marque, « machine sémiotique [3] », qui s'empare du défilé comme occasion d'exprimer de façon emphatique son univers. Le défilé Chanel qui a retenu ici notre attention affiche une ostension du corps comme marchandise par effet métonymique des éléments scénographiques propres à l'espace de représentation. Il y a en effet une mise en abyme du lieu, incorporée à même le corps du mannequin. Nous verrons que la scène d'énonciation, un shopping center reconstitué dans l'enceinte du Grand Palais, contribue à doter le corps défilant d'attributs marchands. On peut penser au premier abord que l'exacerbation affichée du discours marchand permet à la marque de renforcer le caractère publicitaire de sa présentation. Cette surenchère de marchandises permet paradoxalement d'ériger le défilé comme performance artistique, production culturelle générant une certaine esthésie au sens où l'entend Jacques Rancière,
[…] le terme Aisthesis désigne le mode d'expérience selon lequel […] nous percevons des choses très diverses […] comme appartenant en commun à l'art. Il s'agit du tissu sensible à partir duquel elles sont produites. Ce sont des conditions tout à fait matérielles – des lieux de performance et d'exposition, des formes de circulation et de reproduction –, mais aussi des modes de perception et des régimes d'émotion […] [qui] rendent possible que des paroles, des formes, des mouvements, des rythmes soient ressentis et pensés comme de l'art [4].
4 De l'exposition de marchandises à l'installation artistique, il n'y a qu'un pas – de mannequin : le défilé Chanel présente en effet une collection de signifiants vestimentaires, à vendre, à travers une série de corps parodiant une déambulation, flânerie contemporaine, au supermarché, dans une mise en scène singulière qui fait glisser la présentation marchande vers la performance artistique.
5 C'est précisément ce que nous allons voir à travers l'analyse sémiologique du défilé prêt-à-porter femme automne-hiver 2014-15 à partir de captures d'écran réalisées sur la chaîne de la marque hébergée par YouTube. La démarche est de recueillir le discours de la marque sur sa propre production.
Le Chanel Shopping Center : théâtralisation d'une situation quotidienne
6 Une scénographie relativement simple est mise en œuvre. Elle représente la scène d'un supermarché. Sur les côtés sont placés les invités, acheteurs, journalistes et célébrités. Un seul motif scénique est dupliqué : deux linéaires (rayons) encadrés par quatre îlots forment la figure majeure du supermarché, figure dupliquée six fois. L'ensemble est placé dans une allée centrale que croisent deux allées transversales.
7 Cette répétition d'un même motif offre la possibilité au spectateur invité d'assister à la même scène d'un bout à l'autre de l'espace recréé, quel que soit l'endroit où il se trouve. Que ce soit pour servir la consommation ou pour rendre ostensible la manière dont la standardisation fonctionne, le procédé de la répétition vise en outre à imprimer dans la mémoire des consommateurs une trace associée à la marque : Chanel, jouant le rôle d'une marque de grande distribution. Le Chanel Shopping Center, titre même du défilé, est le théâtre d'un spectacle hyper-marchand. Nous nous trouvons en présence d'une re-présentation, telle que Louis Marin la définit :
Capture 1 : la scène du défilé.
Capture 1 : la scène du défilé.
Qu'est-ce donc que représenter sinon porter en présence un objet absent, le porter en présence comme absent, maîtriser sa perte, sa mort par et dans sa représentation et, du même coup, dominer le déplaisir ou l'angoisse de son absence dans le plaisir d'une présence qui en tient lieu, et dans cette appropriation différée – « réalité exclut absence et déplaisir » – par référence et reconnaissance transitives, opérer le mouvement du sujet propre, du sujet théorique [5] ?
9 L'ensemble des signes mobilisés afin de faire apparaître mimétiquement l'univers de la grande distribution indique que nous sommes dans une re-présentation. Le titre choisi par la marque fonctionne comme une légende de l'événement publicitaire du défilé en nous permettant de « choisir le bon niveau de perception [6] ». Nous sommes dans ce que Barthes nomme la « fonction d'ancrage » du message publicitaire par le message linguistique. Celui‑ci confère à la nébuleuse productrice du défilé le pouvoir de « diriger [7] » les lecteurs-spectateurs [8] « entre les signifiés de l'image [9] », en leur rappelant explicitement le « droit de regard du créateur [10] », son « contrôle [11] » sur l'événement produit, ce qui renforce à la fois son auctorialité et son entière prise en charge du sens proposé à travers la réflexion méta-sémiotique. À cet égard, rappelons que le point de vue de la marque est donné à voir à travers la médiation opérée par le vidéaste filmant le défilé, et à partir des contraintes et des injonctions formulées par la marque pour la chaîne Chanel hébergée par YouTube. Le film du défilé constitue donc déjà un discours sur le défilé lui-même.
Un paradoxe singulier : le « parcours-consommateur » des mannequins
Capture 2 : Entrée du premier mannequin.
Capture 2 : Entrée du premier mannequin.
10 Les trajectoires des mannequins sont tracées sur le sol : une ligne jaune que croise une ligne rouge leur indique les parcours. Habituellement, ces chemins ne sont pas inscrits sur la scène de la présentation des collections – autrement désignée par le terme de podium – mais mémorisés par les mannequins. L'inscription des trajectoires constitue une surenchère marchande car elle réfère au parcours-consommateur au sein des magasins de grande distribution. Ces lignes tracées fonctionnent comme un marquage supplémentaire de l'univers marchand. Les attributs associés à l'hypermarché sont clairement exposés, les linéaires, la PLV (Publicité sur le Lieu de Vente), les îlots renfermant les unités de consommation, pour reprendre le lexique de la grande distribution). La déambulation du consommateur est anticipée. Par ces moyens, le défilé s'affiche comme une réflexion sur l'industrialisation des objets du-prêt à-porter.
11 Suivant pas à pas les différentes allées des rayons, le modèle endosse le rôle du consommateur. Spectateur de ce shopping feint, le public est assis dans des gradins et observe la scène. Ce qui est intéressant ici est le retournement de procès : ce ne sont pas les invités qui font leurs courses, mais les mannequins qui jouent à les faire, parodie qui est prétexte à présenter des signifiants vestimentaires à vendre. Par extension, cette scène nous invite à nous interroger sur le brouillage sémiotique généré par le feuilleté de marchandises exposées : dans l'espace de ce temple marchand, les corps charnels de Chanel sont‑ils à vendre ? Si cette question peut se poser pour tout processus de défilé, par hypallage ou transfert de caractérisants – des objets exposés vers les sujets exposant ces mêmes objets – elle apparaît ici de façon plus vive dans le contraste généré par les corps vêtus en « total look Chanel » et le décor dans lequel ils défilent. Tout se passe comme si la contamination des mannequins par l'espace hyper-marchand du Chanel Shopping Center transformait ces corps en objets de consommation. Néanmoins, il ne s'agit que d'une mise en scène et donc d'un jeu théâtral.
12 Si la scène du défilé renvoie comme nous l'avons dit à l'univers de l'hyper-marché, il renvoie également de manière affichée à la marque : chacun des éléments de balisage – visant à orienter et à renseigner les modèles assimilés à des consommatrices dans leur parcours –, représente la marque, que ce soit graphiquement ou par métonymie, c'est alors le logo présentant les deux C croisés qui est exposé, ou par mention explicite du nom de marque auquel est apposé le syntagme Shopping Center, comme nous pouvons le voir sur les murs encadrant l'emplacement réservé aux caisses dans ce décor.
13 En outre, le logo est métaphorisé par la « marche chorégraphique » (syntagme que nous pouvons rapprocher de l'anglicisme catwalk [12]) des mannequins : les deux lignes tracées au sol évoquées plus haut, s'entrecroisent pour faire apparaître les deux C, initiales de Coco Chanel [13].
Chanel dans un espace de consommation quotidien : Mise en corps charnel de Chanel
Première occurrence de Cara Delevingne, égérie Chanel.
Première occurrence de Cara Delevingne, égérie Chanel.
14 Le plan rapproché du mannequin-phare de Chanel nous indique qu'il est associé à la marque comme égérie la représentant. Placée juste en dessous des pancartes où le nom de marque est inscrit, ce zoom réalisé par le vidéaste contribue à souligner l'importance de Cara Delevingne dans la diffusion de l'image médiatique de la marque. Le sens de lecture indique ainsi aux spectateurs que la marque est représentée par cette égérie en même temps que cette dernière représente la marque. Un système d'équivalence d'images et de valeurs associées dote le mannequin du rôle d'opérateur de transfert. Cela permet aux consommateurs de l'image médiatique de Chanel d'associer le mannequin à la marque. C'est là la fonction fondamentale de l'égérie : incarner la marque afin de lui assurer une distinction au sens bourdieusien du terme et de la singulariser dans le champ économique de la mode, tout en favorisant sa mémorisation à travers la personnification de la marque ainsi opérée. L'immixtion de cette égérie dans l'univers quotidien d'un supermarché participe de plus de cette volonté qui anime la marque, de simuler une proximité avec le consommateur. Cette capture traduit le regard que porte la marque elle-même sur son égérie : par métonymie, le modèle exposé s'empare des signes Chanel et devient la femme Chanel évoluant, chose surprenante, dans un hypermarché. Si Barthes, dans son Système de la mode, décrivait le mannequin comme une figure « qui ne connaît pas le mal, à aucun degré que ce soit. Pour n'avoir pas à traiter de l'amour et de ses drames, la mode ne parle jamais d'amour, elle ne connaît ni l'adultère ni la liaison, ni même le flirt. Depuis son invention à la fin du xixe siècle par le couturier français d'origine britannique Charles Frederick Worth (1826-1895) et les premiers défilés organisés à Paris par Jeanne Péquin (1869-1936), le mannequin évolue dans un monde idéal et vertueux, où il ne se passe rien [14] », le mannequin-égérie qui caractérise l'univers de la marque Chanel est au contraire lui-même une machine à histoires dont la teneur et le potentiel diégétique viennent directement innerver et dynamiser la marque pour le compte de laquelle son image travaille [15]. Pour aller plus loin, c'est également une trace de marchandisation du corps – en corps de mode – que nous livre ce procédé d'égérisation [16].
15 Dans l'environnement immédiat du mannequin-égérie, Cara Delevingne, figure un panneau où sont mentionnées trois occurrences du Chanel Shopping Center, indiquant un sens de lecture particulier qui vise à souligner la nature éminemment marchande du défilé de mode : Chanel et Center sont écrits dans une typographie propre à la marque, en lettres bâtons mais de couleur bleue [17] tandis que Shopping apparaît en jaune, dans la même typographie. Ces couleurs renvoient à l'univers du supermarché et ont pour fonction d'attirer l'œil.
16 Ces éléments invitent le lecteur-spectateur à lire ainsi le panneau :
17 1. Chanel Center : traduit par « voici le centre marchand de Chanel, son univers de grande consommation », comme un déictique de référence absolue.
18 2. Shopping : terme isolé chromatiquement (c'est le seul mot écrit en jaune dans la séquence), ce qui souligne son importance : il s'agit d'une injonction d'acheter. D'un point de vue sémantique, le shopping désigne « le fait d'aller de magasin en magasin pur regarder les vitrines, les étalages » mais c'est également « comparer, faire des achats » [18]. Il y a là utilisation paradoxale du terme : si l'on fait du shopping lorsque l'on fait les magasins, on fait des courses dans un super/hyper-marché.
19 Néanmoins, le terme Center est là pour nuancer cette idée et rappeler que le Shopping Center est bien « une grande surface regroupant généralement un grand magasin et divers commerces et services annexes […] [19] ».
20 En outre, le sémantisme du premier syntagme, Chanel Center, s'il peut évoquer dans les imaginaires associés à la marque les initiales du surnom de la fondatrice Coco, se trouve redoublé à travers le procès exprimé par le mot shopping et convoque une représentation de la consommation stéréotypée : la mode se consomme au même titre qu'un bien de consommation quotidienne. Nous voici face à un étrange détournement : si les courses que l'on fait en super/hyper-marché deviennent, dès lors qu'il s'agit de Chanel, un véritable shopping, comment la marque qui fait autorité dans le monde du luxe peut‑elle prétendre à une certaine proximité avec l'univers prosaïque et quotidien du consommateur ?
21 Ce procédé rhétorique vise à rappeler aux spectateurs combien l'univers de la marque est présent symboliquement dans leur imaginaire, de façon quotidienne. Il ne s'agit certes pas d'une proximité physique et réelle : ce n'est pas l'objet d'un tel événement communicationnel. Mais plutôt de rappeler que l'univers du prêt-à-porter – dont la collection présentée ici est issue – est prêt à être consommé, ce qui motive une nouvelle fois le choix du shopping center comme théâtre du défilé.
Le mannequin-égérie pris dans l'espace scénique
Capture 4 : Catwalk.
Capture 4 : Catwalk.
22 Cette capture nous présente un point de vue plus large sur le corps du mannequin-égérie pris dans l'espace scénique de représentation. Le parallélisme verticalité du mannequin marchant d'un pas décidé // verticalité du rayon achalandé de produits semi-réalistes, offre au regard du lecteur-spectateur des objets d'une grande hétérogénéité. Hétérogénéité du choix vestimentaire et des accessoires : sac couture, chaussures de sport (baskets) et manteau, ne vont pas a priori ensemble, et ce décalage participe pleinement du style de la marque. L'un des fondements des grandes marques de mode est en effet de s'affirmer en se distinguant les unes des autres par le style. Rappelons la définition proustienne du style :
[…] le style pour l'écrivain, aussi bien que la couleur pour le peintre, est une question non de technique mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs conscients, de la différence qualitative qu'il y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, s'il n'y avait pas l'art, resterait le secret éternel de chacun [20].
24 Nous retrouvons là l'un des fondements principaux qui gouverne le style comme résultante de choix opérés par l'auteur d'une œuvre, quelle que soit sa nature.
25 L'hétérogénéité vestimentaire qui témoigne du style propre à l'univers de la marque se retrouve également dans les produits de consommation exposés dans les linéaires : les formes et les couleurs se distinguent, apportant davantage de relief aux rayonnages. Cette capture présente une nouvelle mise en image du caractère quotidien de la collection de prêt-à-porter dans cet espace de consommation marchande que l'on peut requalifier pour l'occasion : le Chanel Shopping Center : le supermarché du style prêt-à-consommer.
Captures du défilé
Capture 5 : Mise en abyme des captures du défilé.
Capture 5 : Mise en abyme des captures du défilé.
26 Il est intéressant de voir la domestication du défilé par les spectateurs. Ces derniers s'approprient des séquences grâce à leurs propres téléphones portables. L'on assiste ainsi à un mouvement qui va de l'extérieur vers l'intérieur de la part des corps des spectateurs, mouvement que Merleau-Ponty désigne par les termes d'« adduction » et d'« abduction » [21] :
L'adduction et l'abduction sont donc les deux mouvements sensoriels élémentaires, par lesquels le sujet, dans le premier cas, se tourne vers le monde (adduction), et dans le second se replie sur lui-même, vers son centre (abduction) [22].
28 Ce qui laisse déjà entrevoir une pratique de médiatisation privée assurant la circulation du défilé. Par cette pratique, les spectateurs suivent un mouvement de va-et-vient entre « adduction » et « abduction » qui leur offre la possibilité de re-configurer le défilé importé chez eux, dans la sphère du domestique. L'ensemble des images et séquences filmiques capturées par les smartphones des invités sont généralement relayées sur les réseaux professionnels ou personnels d'un certain nombre de journalistes, clientes et stars.
29 Il s'agit là d'un premier mouvement de circulation médiatique du défilé : sortant de son cadre scénique, il entre ce faisant dans le cadre de la vidéo privée. Ce procédé se retrouve dans tous les défilés même si parfois, phénomène relativement rare, il est formellement interdit de s'emparer des fragments de présentations de mode [23].
Mise en scène d'une subversion énoncive [24]
Capture 6 : Configuration spatiale de la scène du défilé (I).
Capture 6 : Configuration spatiale de la scène du défilé (I).
30 Nous pouvons apprécier, dans cette image, l'agencement spatial des panneaux d'affichage latéraux, sur les bordures extérieures des rayonnages, délimités par les lignes jaunes. Le premier panneau qui apparaît en bas à gauche présente un arrière-plan à dominante jaune et rouge sur lequel se détache, dans un cadre occupant les deux tiers de la pancarte, esquissée de profil, l'ombre du directeur artistique de la maison : Karl Lagerfeld. Trois lettres lui sont superposées : B.O.Y., accompagnant comme un nom de marque la mousse affichée ici en promotion : « + 30 % tout de suite sur la mousse BOY ». L'ensemble nous invite à lire le panneau selon le raccourci élémentaire suivant : Karl Lagerfeld est l'homme qui est à l'origine de l'offre publicitaire. Et pour cause, il est en effet celui qui réalise les scénographies de l'ensemble des défilés de la marque dont il assure la direction artistique depuis 1983. L'histoire de la marque nous indique pourtant que Boy est le surnom donné à l'amant anglais de Gabrielle Chanel, Arthur Capel, qui finance ses premières boutiques. Ce sobriquet – Boy – désigne également une référence à la collection de sacs dessinés par Karl Lagerfeld pour Chanel en 2013, c'est‑à-dire l'année même du présent défilé [25], en hommage à l'homme qui a offert à Gabrielle Chanel la possibilité de fonder sa marque et de connaître le succès. La mention explicite à Arthur Capel via les trois lettres composant le mot BOY sous lequel se donne en outre à voir par transparence le profil de Karl Lagerfeld nous invite à réaliser une lecture double qui juxtapose à la fois l'homme d'affaires à l'origine de la marque et celui qui en assure la direction artistique depuis 1983. Ce panneau nous révèle donc les choix stratégiques de la marque depuis ses origines jusqu'à son terme actuel.
31 À l'opposé de ce panneau figure une autre pancarte dont l'arrière-plan à dominante rouge ponctué d'une petite touche jaune évoque, par continuité sémiotique, un dialogue entre le panneau où figurent Karl Lagerfeld / Arthur Capel, BOY, et celui‑ci. On peut y voir le nom de Coco segmenté en ses deux syllabes que l'on peut qualifier d'iso-syllabes [26], repris par le terme euphorisant choco, produisant un effet humoristique tout en favorisant une certaine proximité : « + 50 % tout de suite sur Coco Choco ». La proximité autorisée par la mention du nom de « Coco » au sein du dispositif du défilé renforce là encore le caractère quotidien du Shopping Center où se présente la collection.
32 La disposition spatiale de ces deux panneaux suggère la lecture suivante : Coco et Karl / Arthur Capel, BOY, la créatrice, le fondateur et le directeur artistique, qui ont permis à la marque de voir le jour et de pérenniser son existence dans le champ économique de la mode de positionnement de luxe.
33 Les offres promotionnelles figurant sur les deux panneaux retiennent notre attention dans la mesure où il s'agit d'une inversion par rapport aux offres conventionnellement proposées dans les magasins de grande distribution : il n'est en effet pas d'usage de voir des offres qui s'affichent avec des signes positifs. Ces derniers signalent un déplacement d'intérêt depuis le magasin distributeur proposé comme cadre scénique – le supermarché esthétisé – vers le client de la collection. S'agit‑il d'une inversion carnavalesque au sens où l'entend Bakhtine ? Si ce dernier entendait mettre à jour le caractère subversif de l'autorité sociale et politique de la culture officielle qu'autorisaient les fêtes populaires et les carnavals, à partir de l'analyse de Gargantua, de Pantagruel et du Tiers-Livre, cet affranchissement provisoire des règles liées à la stratification sociale en classes – dominante vs laborieuse – se retrouve dans cette apparente abolition des frontières entre les invités et les mannequins jouant aux consommatrices au sein du supermarché artefactuel. En réaction à ce que Bakhtine désigne la culture classique, cette sphère sociale dominante et instruite, se situe la culture populaire :
[Le carnaval] était le triomphe d'une sorte d'affranchissement provisoire de la vérité dominante et du régime existant, d'abolition provisoire de tous les régimes hiérarchiques, privilèges, règles, tabous. C'était l'authentique fête du temps, celle du devenir, des alternances et des renouveaux. Elle s'opposait à toute perpétuation, à tout parachèvement et terme. [T]ous étaient considérés comme égaux, et où régnait une forme particulière de contacts libres, familiers, entre des individus séparés dans la vie normale par les barrières infranchissables que constituaient leur condition, leur fortune, leur emploi, leur âge et leur situation de famille [27].
35 Cette apparente égalité des classes, temporairement fixée par les cadres institués du carnaval et des fêtes populaires, se retrouve pleinement dans le dispositif d'énonciation du défilé au sein du supermarché artefactuel. Cette sorte d'utopie sociale dans laquelle se trouvent plongés les spectateurs du fashion show [28], les invite à croire, le temps de la représentation, que ce sont eux qui détiennent le pouvoir lié au capital économique ainsi que la culture légitime. Toutefois, personne n'est dupe : chacun sait précisément quel est son rôle social. Si l'agencement du dispositif de présentation du défilé pourrait en effet permettre de croire qu'il y a temporairement inversion de l'ordre social et politique, il ne s'agit que d'une simulation symbolique visant à générer une « utopie populaire [29] », consistant le temps de la « fête joyeuse [30] » du défilé à se représenter une sorte d'abolition de frontières, entre le public constitué de potentiels consommateurs et de relais médiatiques et la marque. Emmanuël Souchier dirait que le carnaval « affirme la puissance des cadres […] et confirme l'ordre dans lequel le désordre peut se déployer [31] ». Finalement, en réaffirmant ainsi son pouvoir, la marque réalise une performance d'une forte violence politique. Elle feint de donner un certain pouvoir aux consommateurs du défilé alors qu'en réalité c'est la marque qui le détient en orchestrant une situation factice à travers une mise en scène esthétisée. Il y a ainsi une sorte de subversion énoncive ostensiblement affichée dans la mesure où la marque feint de placer les consommateurs au centre du processus marchand factice alors qu'il n'en est rien : c'est la marque qui se met en scène elle-même. À travers cette représentation théâtralisée, c'est ainsi au spectacle d'une certaine forme d'écrasement politique du client que nous assistons.
Jeu théâtral autour d'une scène de supermarché
Capture 7 : Configuration spatiale de la scène du défilé (III).
Capture 7 : Configuration spatiale de la scène du défilé (III).
36 Le mannequin déambule ici de façon tout à fait indolente : flânant dans les rayons du supermarché mis en scène, le modèle joue à faire ses courses, selon un rythme qui semble ralenti [32]. Mains dans les poches, pantalon fluide, baskets aux pieds, ample par-dessus et lunettes noires laissent percevoir un mannequin jouant la désinvolture et la nonchalance. Cette posture renvoie à la figure du flâneur telle qu'elle a été décrite par Walter Benjamin, dans Paris, Capitale du xixe siècle [33] :
Le flâneur cherche un refuge dans la foule. La foule est le voile à travers lequel la ville familière se meut pour le flâneur en fantasmagorie. Cette fantasmagorie, où elle apparaît tantôt comme un paysage, tantôt comme une chambre, semble avoir inspiré par la suite le décor des grands magasins, qui mettent ainsi la flânerie même au service de leur chiffre d'affaires [34].
38 L'auteur nous montre ici que l'acte même de flâner comme promenade qui n'a d'autre finalité qu'elle-même est instrumentalisée par les grands magasins dans la mesure où cette déambulation permet au flâneur de rencontrer des marchandises susceptibles de le tenter. Dans le langage propre à la grande distribution, ces actes d'achat sont désignés comme des achats d'impulsion, non prévus mais stimulés par la rencontre du flâneur avec la marchandise exposée. Benjamin poursuit ainsi son analyse :
Dans la personne du flâneur l'intelligence se familiarise avec le marché. Elle s'y rend, croyant y faire un tour ; en fait c'est déjà pour trouver preneur [35].
40 Ce qui signifie que lorsque le flâneur se rend dans un grand magasin, il sait qu'il sera soumis à la tentation d'acquérir des marchandises, tentation tendue comme un piège, jeu – du marchand et du chaland – auquel il se prête volontiers.
Distribution scénique des actants du défilé et de sa médiatisation
Capture 8 : Configuration spatiale de la scène du défilé (II).
Capture 8 : Configuration spatiale de la scène du défilé (II).
41 Cette capture vidéographique nous offre la possibilité d'embrasser d'un seul coup d'œil la disposition générale du défilé. Les invités sont placés de part et d'autre de l'allée centrale s'ouvrant en étoile, comme point culminant ou scène centrale du podium. Les rayonnages encadrent le parcours que doivent suivre les modèles, parcours marqué par les lignes jaunes et rouges tracées sur le sol. Face à l'allée centrale sont postés les photographes : leur position géographique est stratégiquement pensée en fonction de l'entrée des mannequins, en bas à gauche (de la capture). Après une première déambulation parallèle au premier rayon, chaque mannequin revient, faisant ainsi le tour du premier et se retrouve face aux objectifs des appareils photographiques. Les photographes peuvent alors saisir au plus près les silhouettes défilant. Précisons que les défilés de mode sont d'abord conçus pour être relayés par les médias et qu'en ce sens la place qu'occupent les photographes est centrale. Les journalistes de mode occupent également une place de première importance en tant que producteurs de discours d'accompagnement des discours visuels produits et relayés par les photographes, à partir de leur saisie empirique du défilé comme énonciation vestimentaire d'un ordre corporel à venir. On sait l'importance que revêt le rôle du photographe de mode dans sa capacité à rendre compte d'un vêtement, d'un look, du corps le portant et de son contexte. La photographie de mode se fait en effet première instance dans la médiation et la médiatisation de l'univers d'une marque qui s'actualise dans l'événement communicationnel du défilé. Ce dernier permet à la marque de s'incarner le temps de la performance et crée le contexte d'énonciation d'une syntaxe corporelle – lisible dans la chorégraphie au sens étymologique d'« écriture des mouvements du corps » dans la partition du défilé – et vestimentaire. Comme le rappelle à juste titre le sociologue Frédéric Monneyron :
Si la photographie de mode se détache de son objet initial, le vêtement, pour privilégier le corps qui le porte – en l'occurrence celui du mannequin –, toujours ce corps apparaît dans un contexte, ou si l'on préfère, dans un décor [36].
43 Décor que l'on pourrait volontiers associer à un dé-corps tant le contexte d'énonciation – et son appareil scénographique – semble prolonger, dans un continuum sémiotique, les mouvements et l'apparence du corps qu'il enveloppe. Les deux se trouvent ainsi dans une relation d'inter-dépendance. Le cadre dans lequel le défilé s'insère oriente en effet le parcours du mannequin. Les choix scénographiques opérés par le directeur artistique et le scénographe [37] se font toujours en fonction des collections à mettre en scène. Dès lors, on comprend combien vêtements, corps et décor – dé-corps que l'on pourrait également envisager comme ce qui sort du corps – forment ensemble le spectacle du défilé, constituent tous trois les actants de la performance du défilé. Il faudrait ajouter à cela, la fonction non moins importante qu'endossent la musique et la lumière dans la mise en scène d'une collection de mode. La cinétique des corps également et ses déclinaisons en mouvement et repos, vitesse et lenteur avec laquelle les mannequins parcourent l'espace qui leur est confié afin de présenter temporairement et d'inscrire plus durablement dans les esprits – ambition que se donne tout défilé – les collections dont sont parés leurs corps.
Rencontres de type marchand
Capture 9 : Simulation de situations propres au supermarché.
Capture 9 : Simulation de situations propres au supermarché.
44 Nous assistons ici à une première occurrence d'interaction entre deux corps au sein de ce supermarché Chanel. Derrière un étal circulaire occupant le centre de l'image et présentant des marchandises contextualisées par couleur – nous pouvons voir en effet, tout un jeu de complémentarité chromatique dans la disposition de ce qui s'apparente à des tubes, par couleurs : symétrie des rouges juxtaposés aux bleus, en haut et en bas de l'étal circulaire, ponctuée en dessous de parmes et d'orangés que l'on retrouve symétriquement mais dans un ordre inversé sous la première « étagère » et au-dessus de la dernière –, nous pouvons voir deux femmes qui semblent interagir, discuter, autour de leur caddie plein.
45 Réfléchissant à la tension propre au corps communicant et consommant dans son rapport à lui-même et aux autres à travers l'espace du supermarché comme territoire de communication particulière, Camille Zéhenne postule dans son article « Corps communicant, corps consommant : les reconfigurations à l'œuvre dans l'espace du supermarché [38] » :
[…] le dispositif supermarché vient agencer une mise en scène des corps en recréant des modes opératoires qui viennent favoriser la reproduction de gestes inhérents au fait de consommer [39].
47 À travers le dispositif recréé du supermarché comme scène originale de l'énonciation vestimentaire du défilé, nous nous trouvons dans une reproduction mimétique du territoire de la consommation de masse.
48 Le mouvement qui se donne à voir dans les corps rapprochés autour du caddie plein simule bien l'activité communicationnelle qui réunit ces deux corps autour du même objet – le caddie – et métaphorise en le rejouant l'acte même de la consommation de biens quotidiens au sein de ce supermarché. L'acquisition de biens consommables génère une certaine forme d'échange et d'interaction entre les deux corps exposés ici dans la capture. De la consommation à la communication, il n'y a qu'un pas. Par extension, nous pouvons considérer finalement que la consommation est une modalité particulière de communication entre soi et l'objet dont on s'empare ; inversement, la communication peut être appréhendée comme modalité particulière de consommation de signifiants échangés entre soi et l'Autre [40]. Finalement, en théâtralisant une situation triviale qui ponctue le quotidien des consommateurs de façon ritualisée dans l'acte de faire ses courses au sein du grand magasin qu'est le supermarché, ce défilé de mode propose une réflexion qui excède largement les contours du spectacle qui nous est donné à voir. La marque offre en effet une vision de la consommation quotidienne au sein d'un magasin de grande distribution qui n'a pourtant rien de quotidien et de vraisemblable dans sa représentation. Peu de personnes en effet vont faire leurs courses en tailleur Chanel (captures 5 et 6) ou avec des lunettes de soleil, les mains dans les poches (capture 6 et 8). Il y a donc parodie au sens étymologique d'« imitation burlesque d'une œuvre sérieuse » ou encore de « couplet, strophe, composés pour être chantés sur un air connu », emprunté au grec παρα', signifiant « à côté de » et de ω'δη', « chant » [41]. Les mannequins sont bien en effet dans un jeu de rôles, endossant celui des clientes, au sein d'un espace de représentation qui participe pleinement de ce brouillage de cadre, puisque c'est au sein du lieu de culture du Grand Palais que se tient le défilé de mode abrité le temps de la performance dans un supermarché fabriqué. Un panneau, situé derrière la cliente [42] immobile face à l'étal circulaire, nous rappelle d'ailleurs qu'il s'agit d'« Un grand magasin pour un grand palais » où l'anaphore de l'adjectif accentue la vaste étendue du lieu marchand au sein du lieu culturel rendant plus vive encore l'analogie « magasin / palais », lieu conçu pour l'occasion comme temple de la consommation. À travers la formule affichée se lit ostensiblement la confusion des genres auxquels ressortissent les lieux où s'abrite le défilé, entre culture – représentée par le Grand Palais – et marchandise – le supermarché recréé. On peut se demander si ce brouillage économique et politique d'espaces ne sert pas finalement la volonté de donner l'impression aux consommateurs d'exister en tant que communauté au sein d'un seul et même espace social. Selon Benjamin [43] en effet,
Avec la création des grands magasins, pour la première fois dans l'histoire, les consommateurs commencent à avoir le sentiment d'exister en tant que masse. (Seule la disette, auparavant, le leur donnait.) Cela accroît considérablement la part des circenses et l'élément théâtral dans le commerce [44].
50 L'auteur nous indique que la constitution des consommateurs « en tant que masse » était, avant l'avènement des grands magasins, consécutive à l'état d'infortune et d'affaiblissement que leur conférait la pauvreté traduite par la « disette ». Or, l'émergence des « palais de la consommation » donne aux clients potentiels l'illusion de pouvoir agir sur leur propre consommation, en choisissant des objets parmi la panoplie qui leur est proposée. Nous nous trouvons là dans l'illusion de ce que nous pourrions appeler une « inversion du pouvoir ». En effet, le travail de la mise en scène fait croire au consommateur que c'est lui qui gouverne ses choix alors que finalement ces derniers lui sont fortement recommandés, à travers notamment le balisage opéré par le parcours-consommateur. Cette mise en scène se trouve d'ailleurs clairement désignée à travers la théâtralité évoquée par Benjamin. L'utilisation du supermarché comme scène d'énonciation du défilé Chanel – ce qui en soi est déjà un paradoxe – est une représentation qui feint une proximité avec les consommateurs en lui donnant l'illusion d'exister en tant que communauté détentrice du pouvoir de consommer. Toutefois, il ne s'agit là que d'un jeu – au sens théâtral du terme – qui finalement ne fait que renforcer le cynisme de la marque.
51 La formule « Un grand palais pour un grand magasin » nous invite à prendre la mesure du caractère hybride du défilé, entre production marchande et proposition culturelle, hybridité que l'on retrouve au niveau du lieu même où se déroule le défilé. Ici, le Marchand, là, la Culture. Tous deux rassemblés font acte de mode, comme modalité particulière de consommation marchande et culturelle.
52 Finalement, la présentation de la collection vestimentaire au sein d'une mise en scène qui articule chorégraphie [45], lumière et musique [46] propres à édifier le défilé de mode en spectacle de la consommation, permet de rendre compte de la manière dont les objets de mode sont exposés et diffusés avant de circuler dans l'espace social à travers des pratiques collectives que l'on peut gloser par l'expression de « phénomènes de mode ». L'aspect social de ces derniers est métaphorisé par le supermarché, comme lieu où se cristallise la consommation.
Conclusion : de la haute-culture à la pop-couture
53 À l'issue de nos analyses surgit un étrange paradoxe : si le corps de mode se trouve contaminé par les signifiants marchands qui peuplent l'espace singulier de la représentation, il apparaît également que ce jeu du corps avec le cadre qui l'abrite produit une ostension de la marchandise qui favorise du même coup la production artefactuelle d'une œuvre à régime d'art. Le mannequin revêt un masque le temps de la performance et le lieu même est travesti pour l'occasion en espace trivial. Le Grand Palais se mue en grand magasin, le temple de haute culture se métamorphose le temps d'une exhibition en temple de marchandise. On assiste alors à un jeu de cadres, floutant les contours des espaces afin de faire surgir un espace autre, hétérotopie où se niche une forme d'utopie populaire propre à l'inversion carnavalesque abolissant la stratification sociale, le temps de la fête joyeuse, l'inversant par une sorte d'illusion théâtrale. Mais de ce jeu, personne n'est dupe. Chacun sait qu'il ne s'agit que d'une mise en scène qui ne brouille pas la dimension luxueuse de la marque. Chanel reste Chanel. Ce travestissement de la couture en pop-couture via le recours à l'espace trivial recréé, accentue paradoxalement la distinction de la marque parce que la distance entre la marchandise proposée et le cadre dans lequel elle s'insère est déjà inscrite : elle est déjà là, dans la mémoire sociale qui a intériorisé le positionnement luxe de la marque. Il s'agit donc d'un faux travestissement qui se fait avec la complicité des invités. Cette mascarade fait ainsi appel à la compétence culturelle des admis puisque ce sont les mêmes que ceux des défilés classiques [47]. C'est donc une performance d'une certaine modernité qui se donne à voir ici, où la marque mythique au sens où l'entend Barthes [48], semble descendre de ses hauteurs, Olympe contemporain, vers ceux qui la regardent à travers les corps charnels qui la portent, demi-dieux métaphoriques qui jouent aux flâneurs. La parodie à laquelle ils se livrent offre au regard un jeu de miroirs, une mise en abyme où se redouble le spectacle du spectacle du défilé, croisant plusieurs lignes de sens, dans une espèce de trompe-l'œil, naissant du jeu de cadres et de miroirs. Enfin, si la coloration marchande semble d'abord prédominer, la dimension hyperbolique qui la caractérise fait de ce défilé une performance artistique. De cette mise en scène ostentatoire de marchandises surgit paradoxalement une forme d'œuvre d'art signée Chanel.
Bibliographie
- Ablali Driss, Ducard Dominique (dir.), Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques, Paris / Besançon, Honoré Champion / Presses universitaires de Franche-Comté, 2009.
- Bakhtine Mikhaïl, L'Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Traduit du russe par Andrée Robel, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1970.
- Barthes Roland, Mythologies, Éditions du Seuil, Paris, 1957.
- Barthes Roland, « Rhétorique de l'image », Communications, no 4, 1964.
- Barthes Roland, Système de la mode, Paris, Seuil, 1967.
- Benjamin Walter, Paris, Capitale du xixe siècle, Exposé, Paris, Éditions Allia, 2015 [2003].
- Davallon Jean, Le Don du patrimoine : Une approche communicationnelle de la patrimonialisation. Paris : Hermès Science-Lavoisier, 2006.
- Marin Louis, De la représentation, Gallimard/Le Seuil, coll. « Hautes Études », Paris, 1994.
- Merleau-Ponty Maurice, Phénoménologie de la perception, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1945.
- Monneyron Frédéric, La Photographie de mode. Un art souverain, Paris, Puf, 2010.
- Proust Marcel, Le Temps retrouvé, Paris, La Pléiade, 1927.
- Rancière Jacques, Aeisthésis. Scènes du régime esthétique de l'art, Paris, Éditions Galilée, coll. « La philosophie en effet », 2011.
- Semprini Andrea, Le Marketing de la marque. Approche sémiotique, Paris, Éditions Liaisons, 1992.
- Souchier Emmanuël, « Le Carnaval typographique de Balzac. Premiers éléments pour une théorie de l'irréductibilité sémiotique », Communication & langages, no 185, no. 3, 2015, p. 3-22.
- Von Kleist Heinrich, Sur le théâtre de marionnettes, Paris, Éditions Mille et une nuits, 1993.
- Zéhenne Camille, « Corps communicant, corps consommant : les reconfigurations à l'œuvre dans l'espace du supermarché », Synergies. Pays Riverains de la Baltique, no 8-2011, p. 53-61.
Mots-clés éditeurs : défilé, médiation culturelle, médiation marchande, corps de mode, Chanel, médiatisation, sémiotique
Date de mise en ligne : 18/04/2019.
https://doi.org/10.3917/comla1.198.0035Notes
-
[1]
Heinrich Von Kleist, Sur le théâtre de marionnettes, Paris, Éditions Mille et une nuits, 1993, p. 13-14.
-
[2]
D'après le TLFi : http://www.cnrtl.fr/etymologie/mannequin.
-
[3]
Andrea Semprini, Le Marketing de la marque. Approche sémiotique, Paris, Éditions Liaisons, 1992, p. 27.
-
[4]
Jacques Rancière, Aeisthésis. Scènes du régime esthétique de l'art, Paris, Éditions Galilée, coll. « La philosophie en effet », 2011, Prélude, p. 10.
-
[5]
Louis Marin, De la représentation, Gallimard/ Le Seuil, coll. « Hautes Études », Paris , 1994, p. 305.
-
[6]
Roland Barthes, « Rhétorique de l'image », Communications, no 4, 1964, p. 44.
-
[7]
Ibid., p. 44.
-
[8]
Nous choisissons ici cette formule pour désigner à la fois les lecteurs du défilé médié et médiatisé par le web et les spectateurs du défilé réel.
-
[9]
Roland Barthes, art. cit., p. 44.
-
[10]
Ibid., p. 44.
-
[11]
Ibid., p. 44.
-
[12]
Littéralement « marche de chat », le catwalk désigne la démarche chaloupée des mannequins semblable à celle d'un chat. Par glissement sémantique, le terme signifie « podium ».
-
[13]
Surnom attribué à la fondatrice de la marque, Gabrielle Chanel, par les militaires devant lesquels la jeune femme chantait des chansons populaires, parmi lesquelles figurait celle qui lui a valu ce sobriquet, V'la l'coco.
-
[14]
Roland Barthes, Système de la mode, Paris, Seuil, 1967, p. 314.
-
[15]
Il suffit de voir combien les scandales liés aux abus de l'égérie participent du bruit médiatique qui accompagne la marque et lui confère un dynamisme qui lui permet de renouveler son image sans cesse. Par ce phénomène de transfert métonymique, la « vie » de la marque se trouve finalement associée à celle de l'égérie qui la représente.
-
[16]
Bien que le procédé ne soit pas exclusif à Chanel, la marque se distingue des autres historiquement : elle est l'une des premières en France à avoir usé du pouvoir prescripteur des stars, reposant sur un transfert de notoriété, à travers le recours à des actrices de renom – Marylin Monroe en 1954 – pour promouvoir, au départ, son parfum « mythique », le N° 5 (parfum qu'elle avait pourtant elle-même promu en 1937 dans les pages du Harper's Bazaar).
-
[17]
Au lieu du noir traditionnellement utilisé par la marque.
-
[18]
Cf. http://www.cnrtl.fr/definition/shopping. Consulté le 6/01/2018.
-
[19]
Cf. http://www.cnrtl.fr/definition/shopping. Consulté le 6/01/2018.
-
[20]
Marcel Proust, Le Temps retrouvé, Paris, La Pléiade, 1927, p. 895.
-
[21]
Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1945.
-
[22]
Ibid., p. 247.
-
[23]
Voir à ce sujet le défilé automne-hiver 2017-18 de Marc Jacobs à New-York, où le designer avait préalablement interdit aux invités de se servir de leurs smartphones, à l'intérieur du bâtiment où se jouait le show. À l'issue du défilé, ces derniers ont pu se filmer et prendre les photos qu'ils voulaient pour leur compte Instagram. À travers cette interdiction – limitée au temps du défilé –, le couturier entendait aller à contre-courant des pratiques des spectateurs qui ne découvrent généralement les propositions stylistiques qu'à travers l'écran de leurs smartphones.
-
[24]
Touchant directement le message. Voir l'article « embrayage/débrayage » du Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques (Driss Ablali, Dominique Ducard (dir.), Paris, Éditions Champion, 2009 ; Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2009, 188) : « L'embrayage et le débrayage décrivent les deux opérations qui mettent en relation l'instance de l'énonciation et l'énoncé lors de la production du discours. Le débrayage consiste d'abord à projeter hors de l'instance énonçante les catégories qui viendront s'inscrire dans l'énoncé sous la forme du je, ici, maintenant constitutif de la deixis. On parle alors de débrayage énonciatif. Au contraire lorsque les catégories débrayées ne relèvent pas de la personne mais paraissent objectivantes, comme dans une description par exemple ou un constat factuel, on parle de débrayage énoncif. […] »
-
[25]
Rappelons ici les injonctions calendaires auxquels sont soumis les défilés de mode. Ces derniers ont lieu deux fois par an : les collections femme de prêt-à-porter présentent en septembre/octobre les vêtements de la saison printemps/été. En février-mars, les défilés exposent les collections de la saison automne/hiver. La Haute Couture suit un autre calendrier : les collections du printemps/été sont présentées en janvier, celles de l'automne/hiver en juillet. La mode masculine (prêt-à-porter et Haute Couture) est exposée selon un autre calendrier : en janvier pour les collections printemps/été, en juin pour celles de l'automne/hiver. Les défilés de mode sont donc organisés selon trois calendriers distincts et dans quatre principales villes reconnues historiquement comme des centres de mode – les big four, selon les médias anglo-saxons : Paris, Milan, Londres et New-York. Ces présentations de mode inscrites temporellement dans les calendriers imposés par les Chambres syndicales de Couture des quatre villes font partie de ce que l'on appelle, dans le jargon de la mode, les fashion weeks (« semaines de la mode »). Notons toutefois qu'il existe plus d'une quarantaine de fashion weeks à travers le monde dont celles de Barcelone, Stockholm, Hongkong et Bombay mais celles‑ci demeurent largement moins médiatisées que les précédentes.
-
[26]
Dans la mesure où les deux syllabes formant le surnom de la fondatrice sont identiques.
-
[27]
Mikhaïl Bakhtine, L'Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, traduit du russe par Andrée Robel, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1970, p. 18.
-
[28]
Anglicisme désignant littéralement les « spectacles de mode ». L'avantage sémantique d'une telle expression réside dans sa capacité à rendre compte de la dimension spectaculaire de manière hypertrophiée. Étymologiquement, un show est en effet « un spectacle monté et organisé pour divertir un public » mais également « une présentation, un spectacle de raretés, de curiosités » ainsi qu'une « exposition, une présentation publique ». Cf. http://www.cnrtl.fr/etymologie/show. Consulté le 21/12/2017.
-
[29]
Mikhaïl Bakhtine, op. cit., p. 221.
-
[30]
Ibid., p. 221.
-
[31]
Emmanuël Souchier, « Le Carnaval typographique de Balzac. Premiers éléments pour une théorie de l'irréductibilité sémiotique », Communication & langages, vol. 185, no. 3, 2015, p. 3-22.
-
[32]
Le rythme est ici appréhendé non pas du point de vue du tempo narratif endossé par le défilé mais par l'amplitude des mouvements dont rend compte ici le corps presque relâché.
-
[33]
Walter Benjamin, Paris, Capitale du xixe siècle, Exposé, Paris, Éditions Allia, 2015 [2003].
-
[34]
Ibid., p. 31.
-
[35]
Ibid., p. 32.
-
[36]
Frédéric Monneyron, La Photographie de mode. Un art souverain, Paris, Puf, 2010, p. 133.
-
[37]
Dans les défilés Chanel, c'est presque toujours exclusivement le directeur artistique Karl Lagerfeld qui en assure les choix.
-
[38]
Camille Zéhenne, « Corps communicant, corps consommant : les reconfigurations à l'œuvre dans l'espace du supermarché », Synergies. Pays Riverains de la Baltique, no 8-2011, p. 53-61.
-
[39]
Ibid., p. 58.
-
[40]
Nous avons choisi de doter le mot d'une majuscule afin d'exprimer le caractère général que revêt le terme, pris dans son sens d'« altérité ».
-
[41]
Cf. http://www.cnrtl.fr/etymologie/parodie. Consulté le 12/01/2018.
-
[42]
Nous avons mis ce mot entre guillemets car il s'agit du rôle joué par le modèle, qui se superpose à celui qui est le sien – présenter des vêtements de façon chorégraphique et théâtralisée.
-
[43]
Walter Benjamin, Paris, Capitale du xixe siècle, op. cit.
-
[44]
Ibid., p. 73.
-
[45]
L'écriture des corps s'inscrit ici pleinement dans le parcours-consommateur comme une représentation de l'acte qui s'ouvre sur la consommation, empruntée au champ du quotidien, à travers le recours au supermarché, devenu dès lors figure, métaphore.
-
[46]
Pour des raisons techniques, il ne nous est pas possible d'analyser ici la strate sonore ni la lumière : les captures recueillies ne nous permettent pas en effet d'en rendre compte clairement.
-
[47]
Précisons néanmoins que les défilés Chanel sont toujours des événements spectaculaires, marqués par l'outrance et l'emphase.
-
[48]
Si « le mythe est une parole » selon Barthes, c'est une parole chargée d'histoire dont le sens n'est jamais épuisé : « Le signifiant du mythe se présente de façon ambiguë : il est à la fois sens et forme, plein d'un côté, vide de l'autre. Comme sens, le signifiant postule déjà une lecture, je le saisis des yeux, il a une réalité sensorielle […], comme total de signes linguistiques, le sens du mythe a une valeur propre, il fait partie d'une histoire […], dans le sens, une signification est déjà construite, qui pourrait fort bien se suffire à elle-même si le mythe ne la saisissait et n'en faisait tout d'un coup une forme vide, parasite. Le sens est déjà complet, il postule un savoir, un passé, une mémoire […] » (Mythologies, Éditions du Seuil, Paris, 1957, p. 187).