Définir la compliance n’est pas simple. Le mot compliance lui-même ne fait pas l’objet d’un consensus. En français, on emploie alternativement les termes compliance et conformité, avec, il est vrai, une préférence pour le premier terme. Cette hésitation, que l’on n’a pas en revanche lorsqu’il s’agit de traduire l’expression comply or explain dans la matière voisine du gouvernement d’entreprise, est révélatrice. Elle témoigne de deux choses. D’abord, d’une insatisfaction à traduire le mot compliance par conformité : intuitivement, on pressent que le mot conformité – qui est familier du vocabulaire juridique, dans les domaines de la comptabilité et de la certification notamment – ne parvient pas à rendre la singularité de la notion de compliance. Ensuite, d’une impression d’étrangeté, au sens propre du mot. Littéralement, la notion de compliance est étrangère à la culture juridique française. La culture juridique française moderne s’est construite sur l’idée de légalité, c’est-à-dire sur l’idée qu’existent des règles qui ordonnent des conduites, dictent des interdits et menacent ceux qui les enfreignent d’une peine, prononcée au terme d’un procès. La légalité organise un face-à-face vertical de chaque individu, de chaque entreprise, avec la loi, sous la menace d’une peine prononcée par un juge. La compliance fait voir autre chose. Ce qui lui importe est moins de savoir si les entreprises enfreignent les règles qui s’appliquent à elles que de savoir si elles mettent en œuvre, en leur sein, un dispositif efficace pour prévenir le risque d’infraction à ces règles…