Pour ce dossier, nous avons choisi de faire le point sur une question qui traverse les métiers du lien tels que les pratiquent et les analysent les chercheurs qui s’inscrivent dans une approche clinique d’orientation psychanalytique en sciences de l’éducation et de la formation. En effet, nous devons constater que la dominance progressive du modèle gestionnaire, déjà présente depuis une trentaine d’années dans l’entreprise, gagne du terrain et, avec elle, une vision techniciste, managériale, positiviste et souvent porteuse d’une logique de marchandisation de l’éducation et du soin.
Cette présence s’est affirmée depuis au moins quinze ans dans les milieux médico-social, sanitaire et social. Elle s’est développée plus récemment dans la recherche et les universités, touchant particulièrement les composantes des sciences humaines. Dans le champ de l’éducation, la même mise en œuvre de la « performance » est privilégiée (Maroy, 2013). Dans la formation professionnelle, la « rationalisation » de l’offre et la réduction du nombre d’organismes de formation s’effectuent par la conformation aux normes « qualité » au sein des dispositifs de certification, obligeant les formateurs cliniciens à des exercices d’adaptation rhétorique tout en étant vigilants à ne pas perdre le sens de leur métier. Ces politiques et les tendances qu’elles véhiculent ont déjà fait l’objet d’analyses critiques (voir entre autres Gaillard et Pinel, 2011 ; De Gaulejac, 2012 ; Gori et Del Volgo, 2009). On doit constater qu’en l’absence d’alternative, ces approches ont été souvent intériorisées par les acteurs des différents champs, rendant tout débat sans objet, excluant tout processus de conflictualisation…