« L’araignée se posa au centre. Elle était vêtue de la robe blanche du Bienfaiteur, de celui qui avait sagement serré nos bras et nos jambes dans les filets du bonheur » (Zamiatine, 1920/1971, p. 138). Dans ce roman dystopique, écrit en 1920, rapidement interdit en Union Soviétique pour son caractère subversif, la société d’un état unique vit sous le joug d’un guide, surnommé le Bienfaiteur, qui impose fermement l’harmonie et le bonheur aux hommes et femmes devenus des numéros. Depuis quelques décennies, l’intérêt croissant porté au bien-être pourrait faire écho à cette dystopie. Ce dernier serait-il devenu, comme le suggère Benoît Heilbrunn dans son ouvrage, la « marchandise principale d’une société où la quête du bonheur est imposée » (Heilbrunn, 2019, p. 19) ? Comment ignorer la progression fulgurante des livres consacrés au Développement Personnel, mais aussi d’ouvrages critiques qui interrogent cette évolution tels que La tyrannie du bien-être (Heilbrunn, 2019), Happycratie (Cabanas et Illouz, 2018), Contre le développement personnel (Jobart, 2021) ou encore Développement (im)personnel (De Funès, 2019) ? Comment ne pas se laisser séduire par cette idéologie du tout-jouir, qui n’est en réalité « qu’une permanente esquive de toute forme de résistance » (Heilbrunn, 2019, p. 22) ? Dans ces ouvrages critiques, il est montré que tout repose sur la volonté, « la puissance intérieure », le « fantasme d’auto-engendrement », déniant à la fois l’autre bien réel et tout ce qui a trait à l’inconscient, à cet autre en soi (Jobart, 2021, p…
Mots-clés éditeurs : Bienveillance, Approche clinique d’orientation psychanalytique, Conflits psychiques, Novlangue managériale
Date de mise en ligne : 06/11/2024.
https://doi.org/10.3917/cliop.032.0033