Couverture de CM_088

Article de revue

Quelques éléments pour « briser le silence » des violences conjugales

Pages 59 à 68

Notes

  • [1]
    Définition issue de la résolution 40/34 du 11.12.1985 de l’Assemblée générale des Nations unies (cité par M. Marzano, 2006, p. 12).
  • [2]
    J.-P. Caillot « Envie, sacrifice et manœuvres perverses narcissiques », Revue française de psychanalyse, 3/2003, p. 831-832.
  • [3]
    Demande-moi.

1 L’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes et des filles s’inscrit dans un contexte sociopolitique international de lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes (Jaspard, 2005). La violence contre les femmes en tant que phénomène social est considérée par l’Organisation mondiale de la santé comme l’un des problèmes majeurs en matière de santé publique dans le monde (Ellsberg et coll., 2008 ; Montero et coll., 2011).

2 Dans cet article, j’aborderai la question suivante : pourquoi les victimes n’osent-elles pas parler des violences ? Cette interrogation met en perspective les effets de la violence sur la prise de parole et le phénomène inverse, c’est-à-dire les conséquences sur la violence de la prise de parole (dans la prise de la décision de rester ou de partir).

3 D’une manière générale, la dépossession de la parole de la victime fait partie des effets de la violence. La parole de la victime est arrachée dans le cycle de la violence. On pourrait aussi mentionner parmi ces éléments l’appropriation du désir de la victime et les mécanismes de dissociation (Hirigoyen, 2005). En contrepartie, une violence est aussi nécessaire pour sortir du silence. Il est important pour cela de savoir quelles sont les conditions qui rendent possible d’un côté l’énoncé (ce qui est demandé) et de l’autre l’énonciation des violences (l’acte de dire la demande). Ce qui nous amène à interroger aussi la position de celui qui accueille l’écoute.

4 Le terme de « victimes » désigne au sens large : « Des personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions qui enfreignent les lois pénales en vigueur dans un État membre, y compris celles qui proscrivent les abus criminels de pouvoir [1]. » J’utiliserai dans ce texte le terme de « victime » pour me référer aux femmes vivant des situations de violences conjugales, dont la nécessité d’empathie et le droit à l’écoute persistent indépendamment de l’obtention de justice et ou de la demande de réparation dans une procédure pénale (Pin, 2006). C’est avant tout le besoin d’être écoutée que ressent une personne lorsqu’elle est confrontée à une situation traumatique.

5 Les violences envers les femmes reproduisent l’inégalité entre les femmes et les hommes, elles reproduisent les rapports de domination. Il est important de mentionner que la prise en charge thérapeutique des auteurs de violences révèle également des spécificités liées au genre, par exemple dans l’expression de l’atteinte à la représentation imaginaire des stéréotypes de la virilité et de la domination masculine (Jukes, 1993).

6 Comme le dit Maryse Jaspard, « un des enseignements de l’enquête Enveff (Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France) a été de mettre en évidence l’ampleur du silence et l’occultation des violences par les femmes qui les subissent. L’interrogation des femmes dans un cadre neutre et anonyme a contribué à lever le voile qui masquait les violences sexuelles : un grand nombre de femmes ont parlé pour la première fois au moment de l’enquête des violences sexuelles dont elles ont été victimes. Le secret est d’autant plus fort que la situation se vit dans l’intimité ; il relève probablement d’un sentiment de culpabilité, voire de honte éprouvé par les victimes, et souligne une certaine carence de l’écoute, tant des institutions que des proches » (Jaspard et coll., 2003).

7 Ma recherche concernant cette thématique se situe dans la continuité des interrogations issues de mon expérience clinique auprès de femmes, expérience qui m’a poussée à chercher des outils théoriques et des réponses à la problématique que j’entendais dans ma pratique. Peu de recherches abordent les violences conjugales, notamment d’un point de vue psychanalytique avec une perspective de genre, sauf des exceptions présentes majoritairement dans des études anglo-saxonnes (Jukes, 1993 ; Benjamin, 2012 ; Aisenstein, 2006 ; Korff-Sausse, 2003). On notera qu’il n’y a pas eu depuis l’Enveff (Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France) d’étude étendue sur les violences faites aux femmes en France. Ce qu’on retiendra ici de cette étude pionnière, c’est l’ampleur du silence dans ce phénomène social. Dans de telles conditions, il n’est pas surprenant d’interroger les situations permettant d’énoncer les violences. En explorant, par exemple, à quel moment la victime aurait souhaité demander de l’aide sans oser le faire, afin de réfléchir à des moyens de prévention et de détection des violences. Cela permettrait de diminuer le nombre de discriminations existant à l’égard des femmes dans l’accès aux droits (à la santé, à la protection, à une vie sans violences, pour n’en citer que quelques-unes).

8 Le service d’écoute sur les violences conjugales dans lequel j’ai travaillé propose un appel unique, anonyme, mais n’offre ni suivi ni intervention externe directe. Il ne s’agit pas non plus d’un appel d’urgence au sens courant. Cependant, il existe une urgence subjective dans de nombreuses situations car nous ne réagissons pas de la même manière face à un événement traumatique. La clinique dans ce dispositif a ainsi été pour moi riche en enseignements.

9 L’urgence subjective révèle le besoin d’un appui dans l’ordre symbolique, qui est rendu possible par le cadre fourni par une écoute empathique et active.

10 L’autre question qui en découle est la suivante : quels outils symboliques proposer quand le malaise dans la culture montre des résistances socialement partagées face à la reconnaissance du problème ? Il s’agit d’un phénomène qui demande des outils théoriques venus de nombreuses disciplines. La formation de psychologue n’est pas suffisante, il est important de connaître ce que dit la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, les dispositifs de protection existants, les enjeux sociétaux, la reproduction des stéréotypes de genres, la législation sur le droit de séjour et surtout les nombreuses failles des dispositifs de protection proposés au moment de la séparation d’avec l’agresseur. Car, malgré la situation d’urgence subjective ou le recul vis-à-vis de l’emprise, grâce à un éloignement dans le temps et à un temps de réparation, les demandes toucheront des aspects qui dans « l’ordre social » persistent comme des inégalités et des discriminations à l’égard des femmes.

11 J’ajoute que le service reçoit dans la majorité des cas des appels de femmes, mais aussi des appels de toutes les personnes confrontées aux violences conjugales (voisinage, famille, professionnels) qui s’adressent au service parce qu’elles sont inquiètes face à une situation de violence conjugale et à sa répétition ou à l’imminent danger de passage à l’acte, soit chez l’auteur soit chez la victime. Ce qui permet d’explorer un cadre assez riche de vécus autour des liens intrafamiliaux, professionnels et autres. En fonction de l’appel, une orientation vers une association de terrain ou d’autres organismes spécialisés peut être proposée.

12 En effet briser le silence est révélateur d’un moment clef de sa souffrance et de sa subjectivité. Je pense que dire les violences représente une chance d’arriver à l’épilogue de la situation de violence dans le parcours de la victime et en même temps constitue le prologue de sa reconstruction subjective. En ce sens, dire permet de retrouver un lien avec le monde, il s’agit d’un moment charnière dans le parcours de la victime. Cet énoncé n’apparaît pas à n’importe quel moment car il met en place le terrain possible à un déclic, qui est le bruit silencieux précédant la prise d’une décision. Rompre avec le silence peut mener à la sortie de la victime hors du cycle de la violence (Sugg, Inui, 1992). Par ailleurs, cela dépendra aussi des possibilités apportées par les institutions, l’entourage ou l’État. Plus la victime aura de propositions à évoquer les violences, plus elle aura de chances d’oser en parler (Sugg et coll., 1999). Il est important d’évoquer la présence de résistances à franchir le pas du côté des victimes mais aussi à les aborder du côté des professionnels (Henrion, 2001).

13 Il existe des recherches américaines sur cette thématique évoquant le fait de briser le silence comme un moment ayant des effets décisionnels pour la victime (Coeling, Harman, 1997). Une autre étude signale que la peur de la solitude, la honte et la crainte de la condamnation sociale influenceraient davantage la décision de rester avec le partenaire violent (Hendy et coll., 2003), ce qui mène à s’interroger sur les conditions d’accueil de l’énonciation données par les représentations de la femme seule dans le contexte social (Flahault, 2009).

14 En outre, la reconnaissance des conséquences permettrait l’énonciation de la violence en tant que celle-ci a un effet sur la prise de décision de partir. Parmi les facteurs qui conduiraient à la décision de partir, H. Hendy et coll. mentionnent : la peur d’une atteinte à l’intégrité physique, le besoin de protéger les enfants et les problèmes financiers liés aux conséquences de violences.

15 Quant à la voix de la victime… quand la victime exprime les violences subies, il se peut qu’elle en parle d’une façon ambivalente. Le récit de la violence conjugale est de l’ordre du Réel (ce qui ne cesse pas de s’inscrire). Si ce récit s’inscrit dans une urgence subjective, cela veut dire que le sujet n’est pas en mesure de soutenir sa parole et demande un accueil où la position du discours de l’analyste (association libre-interprétation) est déplacée vers le discours du maître (questions-réponses). C’est une révélation habitée par la peur et les remords (comme effets directs du ressenti de la culpabilité). Il s’agit d’une culpabilité entendue à ciel ouvert, pour laquelle la victime a trouvé les moyens de « justifier » les injonctions paradoxales de l’emprise par le transfert de responsabilités de l’auteur sur la victime…

16 L’énonciation de la situation de violence d’un côté signifie prendre la parole dans sa souffrance, et de l’autre implique la reconnaissance d’une prise de position du sujet. Afin de permettre cette prise de position et la déconstruction des éléments fantasmatiques qui empêchent la révélation et la demande d’aide, il est important de fournir le cadre d’une écoute symbolique sécurisante. L’éthique psychanalytique en cela donne des pistes importantes : celles d’assumer les incertitudes liées au désir et à l’aliénation du sujet (Parent, 2001). Et aussi la prise en compte de la dimension imaginaire et la déconstruction des idéaux de « La femme ». Cette prise de parole implique une décharge angoissante importante, de l’ordre de l’angoisse traumatique et de la peur, qui s’avèrent très désorganisatrices pour la vie psychique. Le nombre d’années de violence est à cet égard à explorer. La parole dans sa fonction énonciative permet de reprendre une position face à l’expression du désir et à son destin. Elle est liée à une décision éthique. Cependant le sujet peut aussi ne rien vouloir savoir de cette position. Le désir n’est pas toujours clairement exprimé dans son énoncé car il s’accompagne d’une confrontation, d’une reconnaissance du cycle de la violence, de la reconnaissance d’une mort psychique et parfois également d’une jouissance. Ce n’est pas gratuit, le prix étant pour la victime de se retrouver face à une situation qu’elle ne maîtrise pas, qui devient Unheimlich, une inquiétante étrangeté dans son propre couple. L’expérience du Unheimlich se déroule entre le familier et le sinistre étranger, expérience d’étrangéité angoissante, certes, mais nécessaire à la reconnaissance subjective de la victime.

17 Briser le silence peut se penser comme le dévoilement d’un secret. Selon Jean-Pierre Caillot, cela a des effets antiperversifs : « Il consiste à mettre en mots sur un mode approprié, à un moment opportun, l’agir. Le dévoilement fait partie des actions antiperversives et anti-incestuelles. Au gradient des défenses perverses correspond celui des actions antiperversives et anti-incestuelles qui vont du signalement administratif ou judiciaire à l’action parlant antiperversive et anti-incestuelle dans la cure [2]. » C’est la fonction performative de l’acte de la parole. La prise de parole a une fonction d’« ex-pression », avec le trait d’union qu’Ivan Fonagy (2006) donne à ce terme. Il s’agit d’une expérience de libération de la pression pulsionnelle. Cependant, l’énoncé du sujet doit pouvoir être soutenu dans une énonciation (Dufour, Lesourd, 2007, p. 206). Que veut-on dire par énonciation ? C’est de l’ordre de l’affirmation, de l’acte de la parole. Et c’est aussi la prise en compte de la dimension performative de la parole. Des énoncés pragmatiques dévoilent la possibilité de donner à la parole la puissance d’un acte symbolique. Caillot fait référence aussi à la difficulté dans la pratique du dévoilement, révélatrice des résistances, des forces de la loi du silence. Cependant, la levée du secret ne supprime pas la souffrance psychique, au contraire, elle génère une réactualisation de la honte et de la culpabilité (Krauss, 2005). C’est tout l’intérêt de pouvoir différencier l’énoncé de l’énonciation dans l’acte de la parole. Mais c’est dans le cadre de l’écoute que cela peut s’entendre, une écoute dans laquelle il faut s’intéresser aux obstacles à la dénonciation (Krauss, 2005).

18 La plainte est un énoncé qui, faute d’être accueillie par une écoute externe et dégagée de tout jugement, peut devenir source de renforcement mortifère. C’est le cas de la plainte sans aucune inscription de l’ordre de la relation à l’autre, parfois incluse dans une répétition mortifère.

19 En dernier, je dirais que pour que l’énoncé de la plainte devienne énonciation, il doit y avoir place pour une reconnaissance du désir malgré tout. « Faire le pari de sortir du silence, faire le pari de l’énonciation et du sujet, c’est, penser que dans ces événements le sujet était malgré tout désirant, ce qui ne veut pas dire consentant aux actes commis. Dans ce cas, et seulement dans ce cas, la parole prend toute sa place et le silence, toujours assourdissant, peut faire place au dire subjectif de l’énonciation » (Dufour, Lesourd, 2007, p. 213).

20 Cette rupture du silence cherche une décision : partir ou rester. La réflexion par ailleurs permet de prendre une distance vis-à-vis de l’emprise. La victime cherche à exprimer sa peur car cela la déculpabilise. C’est à ce moment que l’information sur les droits doit être solide. La question éthique n’est pas à négliger et les outils des disciplines juridiques et sociales s’avèrent fondamentaux pour la prise de décision avec la connaissance de ses droits.

21 Pour finir, je présenterai une situation clinique de « dénonciation ». Cette situation est « particulière », mais entendue régulièrement, m’incitant à une réflexion théorique pour penser ce moment si particulier. Mais sous aucun aspect cette façon d’énoncer les violences ne se présente impérativement chez toutes les victimes.

22 Ce « cas » procède d’une femme en situation de violence conjugale (physique, psychologique, économique). Les détails biographiques de cet exemple – malgré le cadre anonyme –, ont été modifiés :

23 Mme A., 20 ans : « J’ai besoin de parler avec un psychologue. Il y a des choses qui se passent dans mon couple qui m’inquiètent. Mon compagnon m’a giflée et m’a perforé le tympan. Il est violent mais seulement physiquement. Il a des moments comme ça, de violence, il disparaît sans me dire où il va, et ne répond pas au téléphone.

24 Chez le médecin, j’ai dit que c’était un inconnu qui m’avait frappée lors d’une soirée. Il m’a cru et tout le monde l’a fait. D’ailleurs chez le spécialiste mon compagnon était avec moi à ma demande. Car je suis très jalouse, je ne veux pas qu’il me laisse seule. C’est la première fois que j’en parle, je n’ose pas en parler dans ma famille. Je l’aime et il m’aime aussi. Il est parfait, surtout pour ma mère, il est parfait. Mais ça m’inquiète qu’il soit comme ça si on a des enfants. La première fois qu’on s’est disputés j’ai perdu ma grossesse en cours car il m’a frappée. Mais il s’est excusé, il a dit tout à ma mère, qu’il s’était énervé et qu’il avait disparu, mais il ne lui a pas dit qu’il m’avait frappée, il a parlé avec elle de ses problèmes professionnels. C’est pour elle que je suis retournée avec lui, elle s’inquiète pour lui, c’est elle qui m’a demandé de retourner avec lui. »

25 Cette jeune femme reconnaît la violence mais souhaite tout de même fonder une famille avec son compagnon et mentionne la peur de la solitude comme facteur dans sa décision de rester avec son compagnon.

Conséquences

26 Le silence peut se présenter comme un signe de la minimisation de la violence mais peut aussi constituer le dernier lieu, bien sûr inconscient, auquel l’auteur des violences n’a pas accès. C’est pourquoi, me semble-t-il, il est si difficile de franchir ce pas et de libérer la parole.

27 Quant à l’impact de ces violences sur la santé des femmes, les recherches qui les classent selon les types de violence sont nombreuses mais restent encore limitées (Henrion, 2001 ; Thompson et coll., 2006 ; Golding, 1999 ; Ellsberg et coll., 2008).

28 Il est important de distinguer dans ces indicateurs de risque les idées de suicide, les tentatives de suicide et le passage à l’acte.

29 Pour que les conditions de parole se présentent plusieurs fois et que la victime ait le courage de dépasser la honte et la peur, la femme peut chercher à être interrogée, la reconnaissance de l’engrenage doit pouvoir venir de l’autre. H. Coeling et G. Harman (1997) évoquent, parmi les raisons dont les victimes de violences par un partenaire intime déclaraient qu’elles avaient eu une influence décisive sur la possibilité de « briser le silence », le fait qu’elles attendaient d’être interrogées sur les violences par leur médecin. Elles se disaient « ask me [3], ask me, ask me ». Dans la même recherche, cette étude prouve que plus les questions sont posées régulièrement, plus la femme qui subit des violences conjugales a de chances d’oser parler. En ce sens, lors d’un entretien avec une femme enceinte, la victime me disait que son échographiste ne l’avait pas interrogée sur la nature des hématomes sur son ventre…

30 On peut mentionner en ce sens une autre étude significative (Sugg) citée dans un groupe de travail (McAfee, 2001) à propos des violences conjugales. Elle demandait aux femmes qui s’étaient présentées aux urgences pour des lésions dues aux violences conjugales avec quelle personne elles aimeraient pouvoir parler des événements de leur vie qui pouvaient avoir amené à cette situation. À l’étonnement du chercheur cité, 87 % des femmes interviewées disent préférer en parler avec leur médecin de famille ou leur médecin traitant (25 % de plus qu’avec la police et beaucoup plus qu’avec leur pasteur, curé ou rabbin). Cette étude conclut que, lorsqu’on s’intéresse à l’attention que les médecins accordent à cette énorme responsabilité, seulement 10 % des praticiens des urgences de ce centre disaient avoir le temps d’interroger sur l’origine de la lésion.

31 La décision de partir semble la seule solution à la violence. Cette décision peut fonctionner comme déclencheur d’un processus de changement (Coeling, Harman, 1997).

32 Par ailleurs, briser le silence n’est pas un phénomène isolé, il est le révélateur d’un début de changement qui a besoin d’un certain temps, long ou court. Il est important de relever ce moment indicateur d’un processus lent, afin d’ouvrir l’accès à la prise de position des femmes, afin de pouvoir le revaloriser indépendamment de la décision finale.

33 La situation de circonstance aggravante du délit de violences au sein du couple n’est pas anodine. Les liens de la victime avec son partenaire se mêlent dans un terrain constitutif de la vie psychique et émotionnel très complexe (Anzieu, 1986). Il s’agit de l’amour, avec la dose d’aveuglement qui va avec, de l’exclusivité du lien, du désir, de la sexualité, des idéaux de la famille et des demandes de complémentarité.

34 Devrions-nous, psychologues, apprendre nous aussi à interroger sur les violences conjugales ? Cette proposition permettrait peut-être de diminuer le nombre de femmes qui gardent le silence.

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Mots-clés éditeurs : femmes, énonciation, Violences conjugales, égalité, silence, genre, santé

Date de mise en ligne : 06/11/2013

https://doi.org/10.3917/cm.088.0059

Notes

  • [1]
    Définition issue de la résolution 40/34 du 11.12.1985 de l’Assemblée générale des Nations unies (cité par M. Marzano, 2006, p. 12).
  • [2]
    J.-P. Caillot « Envie, sacrifice et manœuvres perverses narcissiques », Revue française de psychanalyse, 3/2003, p. 831-832.
  • [3]
    Demande-moi.

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