Notes
-
[1]
Y. MADIOT, « Vers une territorialisation du droit », RFDA, 1995, p. 946 ; J.-M. PONTIER, « Territorialisation et déterritorialisation de l’action publique », AJDA, 1997, p. 723 ; J.-B. AUBY, « Réflexions sur la territorialisation du droit », in La profondeur du droit local, Mélanges en l’honneur de Jean-Claude Douence, Dalloz, 2006, p. 2.
-
[2]
J.-M. WOEHRLING, « La territorialisation du droit : quelle signification ? », in J.-M. WOEHRLING (dir.), Du droit local à la territorialisation du droit – Perspectives et limites, Publications de l’IDL, 2014, p. 11 (c’est nous qui soulignons).
-
[3]
« Introduction – Du droit local à la territorialisation du droit : quelles perspectives ? », in Du droit local à la territorialisation du droit…, préc., p. 8.
-
[4]
Comme l’écrit A. RENAUT en retraçant la pensée révolutionnaire sur ce point (A. RENAUT, Egalité et discriminations. Un essai de philosophie politique appliquée, Seuil, 2007, p. 12).
-
[5]
Décret de la Convention nationale des 22 et 25 septembre 1792.
-
[6]
V., M. VERPEAUX, « L’unité et la diversité dans la République », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2014/1, n° 42, p. 7.
-
[7]
E.-J. SIEYES, Discours sur « la permanence et l’organisation du Corps législatif et sur la sanction royale », séance du 7 septembre 1789, Arch. Parl., 1ère série, t. 8, p. 594 (cité par A.-S. GORGE, Le principe d’égalité entre les collectivités territoriales, Dalloz, NBT, 2011, p. 91).
-
[8]
Sans que l’égalité juridique puisse être alors pensée comme une réponse possible aux inégalités de fait, tout au contraire. V. sur ce point, notamment autour de la pensée de Condorcet (« L’inégalité de fait est donc l’exact envers de l’égalité de droit, au point que l’un et l’autre ont la même signification »), J.-F. SPITZ, L’amour de l’égalité. Essai sur la critique de l’égalitarisme républicain en France (1770-1830), éd. Vrin, EHESS, 2000, p. 177.
-
[9]
Mais qu’on retrouve rapidement, fût-ce de façon moins caricaturale, dans plusieurs textes fondateurs, tel l’art. 78 de la Constitution du 24 juin 1793 et, bien sûr, la loi du 28 pluviôse an VIII.
-
[10]
E. MAULIN, « Asymétrie des compétences et reterritorialisation du droit », in Du droit local à la territorialisation du droit…, op. cit., p. 249. V. en particulier, synthétisant les débats révolutionnaires sur cette question, A.-S. GORGE, op. cit., pp. 88-96.
-
[11]
CC, n° 86-209 DC, 3 juillet 1986, Loi de finances rectificative pour 1986, cons. 13 et 14 ; n° 2004-503 DC, 12 août 2004, Loi relative aux libertés et responsabilités locales, cons. 16 à 18. V., F. MELIN-SOUCRAMANIEN, « Le principe d’égalité entre collectivités locales », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2002, n° 12, p. 93 ; A.-S. GORGES, op. cit., pp. 104-s.
-
[12]
C. PERELMAN, « Egalité et justice », in L’égalité, vol. V, Travaux du Centre de philosophie du droit de l’université libre de Bruxelles, Bruylant, 1977, p. 324.
-
[13]
J. RIVERO, « Rapport sur les notions d’égalité et de discrimination en droit public français », Travaux de l’association H. Capitant, t. XIV (1961-1962), Dalloz, 1965, p. 343.
-
[14]
Ibid. p. 351.
-
[15]
L’égalité par la généralité ne cessant jamais de produire ses effets, au sein de chaque catégorie nouvellement créée, à défaut de quoi l’égalité disparaîtrait dans le traitement différent de chaque situation individuelle (v. C. STARCK, « L’égalité en tant que mesure du droit (problèmes d’application du principe d’égalité) », in C. PERELMAN et R. VANDER ELST (dir.), Les notions à contenu variable en droit, Bruylant, 1984, p. 181.
-
[16]
CC, n°91-291 DC, 6 mai 1991, Loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d’Ile-de-France, cons. 23 ; n° 98-397 DC, 6 mars 1998, Loi relative au fonctionnement des conseils régionaux, cons. 15 et 16 ; n° 2003-472 DC, 26 juin 2003, Loi urbanisme et habitat, cons. 6 : n° 2003-474 DC, 17 juillet 2003, Loi de programme pour l’outre-mer, cons. 23.
-
[17]
G. CARCASSONNE, « Contributions au renouveau de la décentralisation », actes des IIIe Assises de la décentralisation, 30 nov. et 1er déc. 2000, Institut de la décentralisation, 2000, p. 167.
-
[18]
Selon l’expression d’E. MAULIN, art. cit., p. 250.
-
[19]
V., O. RENAUDIE, La Préfecture de police, LGDJ, BDP, t. 258, 2008, pp. 63-s.
-
[20]
V. not. P. KINTZ, « L’exemple du droit local alsacien-mosellan », in Du droit local à la territorialisation du droit…, op. cit., p. 23.
-
[21]
CC, n°65-34 L, 2 juillet 1965, Nature juridique des articles 1er, 5 et 6 de l’ordonnance du 31 décembre 1958 portant modification de certaines dispositions du régime de retraite des marins du commerce.
-
[22]
V., A.-S. GORGE, Le principe d’égalité entre les collectivités territoriales, préc., pp. 376-s.
-
[23]
Pour un aperçu, G. CHAVRIER, Le pouvoir normatif local : enjeux et débats, LGDJ, 2011, pp. 63-s.
-
[24]
C. PERELMAN, « Egalité et valeur », in L’égalité, vol. I, Travaux du Centre de philosophie du droit de l’université libre de Bruxelles, Bruylant, 1971, p. 319 : « le problème serait facile à résoudre, écrit l’auteur, s’il s’agissait de traitement égal d’êtres ou de situations identiques, mais comme ce n’est jamais le cas, nous voyons le problème de l’égalité déboucher sur un problème de valeur, à savoir quelles différences sont négligeables ou non pour le traitement égal des objets pris en considération ». V. également, dans le même sens, M. VANQUICKENBORNE, « La structure de la notion d’égalité en droit », in ibid, p. 178 : « on n’assemble pas n’importe quoi avec n’importe quoi. Les objets, qui sont considérés comme faisant partie de la même classe d’équivalence, auront toujours en commun une propriété qui, pour l’une ou l’autre raison, est importante ».
-
[25]
V., N. BELLOUBET-FRIER, « Le principe d’égalité », AJDA, 1998, p. 152. Comme l’écrit plus spécifiquement J.-C. Douence, « le degré d’unité et de diversité statutaire se mesure à l’aune du principe d’égalité. Il appartient au législateur d’en fixer la mesure sous le contrôle (restreint) du juge constitutionnel » (J.-C. DOUENCE, « Des collectivités locales uniformes ou différenciées ? », AJDA, 2002, p. 467).
-
[26]
Si l’on veut bien toutefois faire abstraction des quelques cas particuliers où l’existence d’un droit local spécifique prévu par la norme nationale, héritée de l’histoire, tient davantage au souci de maintenir une certaine tradition : on songe ici notamment au droit alsacien-mosellan (ainsi qu’à certaines dispositions du droit ultra-marin, en particulier dans les collectivités où la loi du 9 décembre 1905 n’a pas été introduite) même si la relative fragilité de cette justification au regard du principe d’égalité explique sans doute que le Conseil constitutionnel ait assorti le principe (PFLR) du maintien en vigueur dudit droit local d’une double réserve : d’une part celle en vertu de laquelle « à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi » (clause de convergence) ; d’autre part celle selon laquelle le maintien de ces dispositions ne doit pas porter une atteinte excessive « aux autres exigences constitutionnelles » (CC, 5 août 2011, n° 2011-157 QPC, Société SOMODIA).
-
[27]
V., E. LAURENT, « Vers l’égalité des territoires : une introduction », in E. LAURENT (dir.), Vers l’égalité des territoires. Dynamiques, mesures, politiques, Rapport au ministre de l’égalité des territoires et du logement, février 2013, p. 6 (spéc. p. 14).
-
[28]
Pour prendre un exemple récent, l’article 33 de la loi NOTRE du 7 août 2015, tout en rehaussant le seuil minimal des intercommunalités à 15000 habitants, prévoit par dérogation un seuil de 5000 habitants dans les zones de montagne et les territoires peu denses (v. art. L 5210-1-1-III-1° CGCT). Autre exemple, dans un tout autre registre : le constat des risques plus faibles de réinfection des cheptels bovins situés en outre-mer et en Corse justifient, au regard du principe d’égalité, que n’y soient pas imposées les mêmes mesures de prophylaxie contre des maladies contagieuses que dans les départementaux continentaux où ces risques sont plus élevés (CE, 3 oct. 2003, Groupement des agriculteurs biologistes et bio dynamistes du Maine-et-Loire, n° 253696). On pourrait démultiplier les exemples à l’infini (v. not. A.-S. GORGES, Le principe d’égalité entre collectivités territoriales, préc., not. pp. 330 et 373-s.).
-
[29]
V., T. KIRSZBAUM, « La discrimination positive territoriale : de l’égalité des chances à la mixité urbaine », Pouvoirs n° 111, 2004, p. 101 (l’auteur rappelle d’ailleurs comment, dans le discours politique, le concept de territorialisation a progressivement éclipsé celui de discrimination positive au milieu des années quatre-vingt-dix, ibid., p. 112).
-
[30]
V. not. L. DAVEZIES, La crise qui vient. La nouvelle fracture territoriale, Seuil, La République des idées, 2012, pp. 49-s.
-
[31]
Ce qui s’inscrit dans ce que plusieurs géographes, s’inspirant sur ce point des travaux du sociologue F. Dubet (Les places et les chances, Seuil, La République des idées, 2011), qualifient de modèle « d’égalité des chances » entre les territoires, lequel se serait substitué au précédent modèle de justice, celui de « l’égalité des places » (v. D. BEHAR, J. LEVY, « Y a-t-il une bonne gouvernance locale ? », Esprit, 2015-2, p. 96, spéc. p. 107), où la politique d’aménagement du territoire ne reposait pas sur la mise en compétition des territoires, mais sur la volonté, à travers une logique de spécialisation des fonctions, « de créer les conditions d’une complémentarité entre eux à raison de leur capacité contributive » (P. ESTEBE, L’égalité des territoires. Une passion française, Puf, coll. La ville en débat, 2015, p. 35).
-
[32]
L. HALBERT, L’avantage métropolitain, Puf, coll. La ville en débat, 2010.
-
[33]
Comme l’atteste la création en 2012 d’un ministère éponyme, suivie par celle d’une administration centrale (le Commissariat général à l’égalité des territoires), ainsi que la commande d’un (passionnant) rapport sur la question (E. LAURENT, Vers l’égalité des territoires…, rapport préc.).
-
[34]
J. DONZELOT, « De quelle politique “L’égalité des territoires” est-elle le nom ? », Esprit, 2012-8, p. 6.
-
[35]
Ainsi les dispositions du titre III de la loi NOTRe du 7 août 2015 sont-elles regroupées sous l’intitulé « Solidarité et égalité des territoires ».
-
[36]
Qui peuvent être justifiées, au regard du principe d’égalité, autant par des « caractéristiques géographiques et économiques » (CC, 17 janvier 2002, n° 2001-454 DC, Loi relative à la Corse, cons. 29) que par des raisons d’intérêt général : ainsi, par exemple, en créant des métropoles susceptibles d’exercer des compétences attribuées aux départements et aux régions, le législateur « a entendu favoriser “un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire” afin de répondre aux enjeux économiques et aux besoins sociaux qui s’attachent à ce type de zones urbaines » (CC, 9 décembre 2010, n° 2010-618 DC, Loi de réforme des collectivités territoriales, cons. 50).
-
[37]
Ainsi, par exemple, la situation géographique et statutaire particulières des collectivités situées en outre-mer justifient qu’elles puissent bénéficier (contrairement à la Corse et sans méconnaissance du principe d’égalité), d’une dotation spécifique de l’Etat (« de continuité territoriale ») destinée à favoriser leur développement économique (CC, 17 juillet 2003, n° 2003-474 DC, Loi de programme pour l’outre-mer, cons. 24). De façon générale, « le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte, par l’octroi d’avantages fiscaux, des mesures d’incitation au développement et à l’aménagement de certaines parties du territoire dans un but d’intérêt général » (CC, 26 janvier 1995, n° 94-358 DC, Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, cons. 34).
-
[38]
J. CAVAILHES, J.-F. THISSE, « Faut-il choisir entre égalité des territoires et développement économique ? », in Vers l’égalité des territoires…, rapport préc., p. 364 ; P. ASKENAZY, P. MARTIN, « Promouvoir l’égalité des chances à travers le territoire », Les notes du CAE, n° 20, février 2015.
-
[39]
P. ASKENAZY, P. MARTIN, art. cit., pp. 9-s.
-
[40]
G. GILBERT, T. MADIES, « Concurrence des territoires et mécanismes de péréquation : stratégies dommageables et voies de réforme », in Vers l’égalité des territoires…, rapport préc., p. 418.
-
[41]
Notamment par le truchement de nouveaux schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité aux services et l’émergence des maisons de services « au » public, qui se substituent aux maisons « des » services publics initialement crées par la loi du 12 avril 2000 (v. art. 94 s. de la loi NOTRe).
-
[42]
V. not. P.-Y. CHICOT, « L’imprégnation économique du couple proximité et décentralisation », in P.-Y. CHICOT (dir.), Décentralisation et proximité. Territorialisation et efficacité de l’action publique locale, Dalloz, 2013, p. 131.
-
[43]
Art. 3 de la Constitution du 4 oct. 1958 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ».
-
[44]
Par sa décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a pris soin de ne pas fonder sur l’art. 3 de la Constitution le principe de l’élection (des élus locaux) sur une base démographique (mais sur les articles 1 et 24). V. sur ce point les analyses de G. CHAVRIER, Le pouvoir normatif local : enjeux et débats, préc., pp. 46-49.
-
[45]
M. VERPEAUX, « L’unité et la diversité dans la République », art. cit., p. 9.
-
[46]
V. not. B. FAURE, « Règlements locaux et règlements nationaux », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2014/1, n° 42, p. 43 ; « Aperçu sur le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales », in Du droit local à la territorialisation du droit…, préc., p. 95. Quant à l’idée de la compatibilité avec l’unité de la souveraineté d’un pouvoir réglementaire local exclusif et indépendant du pouvoir réglementaire étatique (non pas résiduel), v. G. CHAVRIER, Le pouvoir normatif local : enjeux et débats, préc., pp. 111-s.
-
[47]
J.-P. PASTOREL, « Le principe d’égalité en outre-mer », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2012/2, n° 35, p. 82 (l’auteur évoque ainsi « l’égalité comme garantie de l’unité normative »).
-
[48]
F. MELIN-SOUCRAMANIEN, « Les collectivités territoriales régies par l’article 73 », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2012/2, n° 35, p. 25.
-
[49]
R. FRAISSE, « Les collectivités territoriales régies par l’article 74 », ibid., p. 37.
-
[50]
V., M. JOYAU, « L’exercice de compétences normatives par les collectivités territoriales d’outre-mer », in Du droit local à la territorialisation du droit…, préc., p. 81.
-
[51]
C’est le cas de la Polynésie française (LO n° 2004-192, art. 7) et des îles Wallis-et-Futuna (loi n° 61-814, art. 4), où ne s’appliquent, dans les matières qui relèvent de la compétence de l’Etat, que les lois et règlements qui comportent une mention expresse à cette fin. La Nouvelle-Calédonie relève également de ce régime (art. 6-2 de la loi organique n°1999-209 du 19 mars 1999 tel qu’inséré par la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009).
-
[52]
Saint-Barthélémy (art. LO 6213-1 CGCT), Saint-Martin (art. LO 6313-1 CGCT), Saint-Pierre-et-Miquelon (art. LO 6413-1 CGCT) relèvent en effet pour l’essentiel du principe d’identité législative (application de plein droit des lois et règlements à l’exception seulement de celles relevant de la compétence de la collectivité en vertu de leur statut).
-
[53]
Comme c’est le cas de la Polynésie française (LO n° 2004-192, art. 1er), de Saint-Barthélémy (art. LO 6211-1 CGCT) et de Saint-Martin (art. LO 6311-1 CGCT).
-
[54]
Essentiellement, par-delà l’étendue de leurs compétences, en tant que ces collectivités « du pacifique » relèvent du principe de spécialité législative (il faut d’ailleurs inclure Wallis-et-Futuna). On rappellera, d’une part, que les actes réglementaires que la Polynésie peut prendre dans le domaine de la loi sont dénommés « lois du pays » (LO n°2004-192, art. 140) et que, d’autre part, la Nouvelle-Calédonie relève d’un statut (transitoire) particulier (elle n’est d’ailleurs pas expressément qualifiée de collectivité territoriale par la Constitution) qui explique que, en vertu de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 (constitutionnalisé aux art. 76 et 77), elle est la seule à disposer du pouvoir d’intervenir dans le domaine de la loi par des dispositions proprement (formellement) législatives (des « vraies » lois du pays), lesquelles ne peuvent être soumises qu’au contrôle du Conseil constitutionnel (v. N. CLINCHAMPS, « Le Conseil constitutionnel face à l’autonomie de la Nouvelle-Calédonie », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2012/2, n° 35, p. 61). La combinaison de la spécialité législative et d’un statut d’autonomie renforcée, parce qu’elle sous-tend la reconnaissance d’une spécificité locale, explique ainsi largement la relative absence, dans les textes constitutionnels et organiques, d’une exigence de conditionnalité de l’exercice du pouvoir normatif local par l’existence d’une différence objective de situation.
-
[55]
Qui doit être transmise au représentant de l’Etat, lequel peut la déférer au Conseil d’Etat.
-
[56]
Art. LO 6251-5 al. 3 CGCT (Saint-Barthélémy), LO 6351-5 al. 3 CGCT (Saint-Martin) et LO 6461-5 al. 3 CGCT (Saint-Pierre-et-Miquelon) ; art. LO 3445-2-I al. 3 (DOM) et LO 4435-2-I, al. 3 CGCT (ROM).
-
[57]
Selon que la demande d’adaptation porte sur une disposition législative ou réglementaire (v. art. LO 3445-6 et LO 4435-6 CGCT pour les DROM et LO 6251-8, LO 6351-8, LO 6461-8 CGCT pour les COM).
-
[58]
Au titre de l’art. 73 al. 1 pour les DROM et 74-1 pour les COM.
-
[59]
V. par ex., dans un contentieux de la QPC où le Conseil d’Etat, comme juge du filtre, valide la loi d’adaptation contestée, CE, 24 octobre 2014, Commune de Saint-Bon-Tarentaise, n° 382645 : « la situation budgétaire et financière très dégradée de ces communes [mahoraises] comme du département de Mayotte […], ainsi que la mise en œuvre progressive du processus de départementalisation de Mayotte peuvent être regardées comme constituant, au sens de l’article 73 de la Constitution, des «caractéristiques et contraintes particulières» de nature à permettre au législateur d’exclure, sans méconnaître le principe d’égalité, les communes mahoraises du champ d’application des dispositions [litigieuses] de la loi […] de finances pour 2014 » (nous soulignons).
-
[60]
Art. LO 3445-7 (adaptation) et LO 3445-11 CGCT (fixation) pour les DOM ; art. LO 4435-7 (adaptation) et LO 4435-11 CGCT (fixation) pour les ROM. Lesdites mesures sont uniquement susceptibles de recours juridictionnels devant le Conseil d’Etat.
-
[61]
V. art. LO 6214-3 (Saint-Barthélémy), LO 6314-3 (Saint-Martin) et LO 6414-1-II CGCT (Saint-Pierre-et-Miquelon). Et concernant les « lois du pays » en Polynésie, v. LO n° 2004-192, art. 140.
-
[62]
En tant, d’une part, qu’il rappelle que le statut des COM « tient compte des intérêts propres de chacune d’elles » (al. 1) et, d’autre part, qu’il prévoit que ces statuts peuvent consacrer le principe de spécialité législative (al. 3) et/ou doter les COM, avec le régime qui s’en suit, « de l’autonomie » (al. 7). Sur les implications de ce statut d’autonomie sur « l’indépendance des conditions d’exercice de leur pouvoir normatif » vis-à-vis du législateur, v. M. JOYAU, art. cit., p. 92.
-
[63]
La même disposition ouvre le statut respectif des trois COM soumises au principe d’identité législative (ainsi que celui de la Polynésie, art. 1er LO n° 2004-192) : « La République garantit l’autonomie [de Saint-Barthélémy/Saint-Martin/Saint-Pierre-et-Miquelon] et le respect de ses intérêts propres en tenant compte de ses spécificités géographiques, historiques et culturelles » (respectivement art. LO 6211-1, LO 6311-1 et LO 6411-1 CGCT).
-
[64]
Art. 18 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française. Précisons qu’un dispositif similaire existe pour la Nouvelle-Calédonie, à ceci près que, conformément à l’emploi de l’indicatif dans l’accord de Nouméa (art. 3.1.1) et la loi organique du 19 mars 1999 (art. 24), la promotion de l’accès des résidents à emploi local y a été interprétée non comme une faculté mais comme une obligation pour les autorités locales (CC, 21 novembre 2014, n° 2014-4 LP, Loi du pays relative à l’accès à l’emploi titulaire des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie, AJFP, 2015.193, note A. ZARCA ; AJDA, 2015.224, note J.-P. PASTOREL).
-
[65]
CE, 25 novembre 2009, Haut-commissaire de la République en Polynéie française, n° 328776, AJDA, 2010.624, note M. VERPEAUX.
-
[66]
La loi organique prévoit seulement, pour justifier la demande, « une délibération motivée » de la collectivité (art. LO 1113-2 CGCT).
-
[67]
Exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle, cité par G. CHAVRIER, Le pouvoir normatif local : enjeux et débats, préc., p. 73.
-
[68]
CC, 30 juillet 2003, n° 2003-478 DC, Loi organique relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales, cons. 3.
-
[69]
L. BAGHESTANI-PERREY, « Le pouvoir d’expérimentation normative locale, une nouvelle conception partagée de la réalisation de l’intérêt général », LPA, 17 mars 2004, p. 6 ; G. CHAVRIER, op. cit., p. 72.
-
[70]
Art. LO 1113-6 CGCT.
-
[71]
V. not. J. FIALAIRE, « Le droit à l’expérimentation des collectivités territoriales et la subsidiarité : les apparences et «faux-semblants» d’une prétendue territorialisation des normes », in J. FIALAIRE (dir.), Subsidiarité infranationale et territorialisation des normes. Etat des lieux et perspectives en droit interne et en droit comparé, PUR, 2004, p. 11 ; F. CROUZATIER-DURAND, « Proximité et expérimentation normative », in Décentralisation et proximité…, op. cit., p. 105 (spéc. p. 108).
-
[72]
A.-S. GORGES, Le principe d’égalité entre les collectivités territoriales, préc., p. 397.
-
[73]
V. not. art. L 3444-1, L 3344-2 et L 4433-3 s. et L 5915-1 s. CGCT.
-
[74]
Sur tous ces points, v. art. L 4422-16 CGCT.
-
[75]
Art. L 4221-1 al. 4 nouveau CGCT
-
[76]
V. Rapport J.-J. HYEST et R. VANDIERENDONCK, Au nom de la commission des lois du Sénat, n° 450, t. 1, p. 49.
-
[77]
Il faudrait ajouter, sur un plan légèrement différent, que la différenciation de l’action publique locale est tout à fait susceptible de se déployer à travers le pouvoir financier des collectivités, au titre des choix qui s’offrent à elles (modèles budgétaires, formes d’intercommunalité, modes de gestion et de financement des services publics…) : R. HERZOG souligne à ce sujet que « la variété d’options laisse des libertés réelles presque aussi grandes qu’un pouvoir réglementaire. Nous voulons souligner l’erreur de perspective des juristes qui considèrent que le pouvoir par excellence est le pouvoir réglementaire et que, en dehors de lui, il n’y a que des pouvoirs subalternes et secondaires » (R. HERZOG, « La différenciation territoriale du droit fiscal et financier », in Du droit local à la territorialisation du droit…, op. cit., p. 176).
-
[78]
Art. L 4422-16-II CGCT.
-
[79]
CC, 17 janvier 2002, n° 2001-454 DC, Loi relative à la Corse, cons. 12.
-
[80]
G. CHAVRIER rappelle à cet égard que, « jusqu’à cette loi, le législateur avait accordé aux régions la compétence pour accorder des aides directes aux entreprises, mais c’est l’Etat qui fixait par décret le régime de celles-ci (assiette, etc…), ce qui constituait un bon exemple de mesures contre-productives puisque chaque région présente une activité économique et des résultats différents nécessitant une politique d’aide différente » (op. cit., p. 121).
-
[81]
F. CROUZATIER-DURAND, « Les collectivités territoriales dans les politiques d’accès aux soins. Quels remèdes aux inégalités territoriales », in I. POIROT-MAZERES, L’accès aux soins. Principes et réalités, LGDJ, 2010, p. 247 (spéc. pp. 256-s.).
-
[82]
A propos de la détermination du régime indemnitaire des agents : CE, avis, sect., 20 mars 1992, Préfet du Calvados, Leb. 123, AJDA, 1992.293, concl. H. TOUTEE ; JCP 1993.II, n° 22100, note O. JOUANJAN ; CE, 27 nov. 1992, Fédération interco-CFDT, Leb. 426, AJDA, 1993. 208, note F.-X. AUBRY ; RFDA, 1994.770, note B. FAURE.
-
[83]
A propos de la détermination du régime de la durée et de l’aménagement du temps de travail des agents : CE, 9 octobre 2002, Fédération des services des personnels des départements et des régions CGT-FO et Fédération nationale Interco-CFDT, Leb. 426, AJDA 2002.1404, note M.-C. DE MONTECLER.
-
[84]
Sur toutes ces questions, v. en particulier G. CHAVRIER, op. cit., pp. 124-145.
-
[85]
Ainsi la fonction publique, en cause dans les affaires précitées (et contrairement par exemple au droit des aides régionales), reste-t-elle fondée sur une logique unitaire que traduisent le titre 1er du statut général (la loi du 13 juillet 1983) et, en matière de rémunération, le principe de parité entre fonctions publiques (CE, ass., 2 décembre 1994, Préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, Leb. 529, Cah. fonct. pub. mars 1995, p. 23, concl. J. ARRIGHI DE CASANOVA).
-
[86]
V., V. DONIER, Le principe d’égalité dans l’action sociale des collectivités territoriales, PUAM, 2005, pp. 84-s.
-
[87]
CC, 21 janvier 1997, n° 96-387 DC, Prestation spécifique dépendance (décision fondatrice dans laquelle le Conseil fonde celle-ci à la fois sur l’al. 11 du Préambule de 1946 et sur l’art. 1er de la Constitution de 1958 qui consacre l’égalité des citoyens devant la loi) ; CC, 18 décembre 2003, n° 2003-487 DC, Décentralisation en matière de RMI ; CC, 12 août 2004, n° 2004-503 DC, Loi relative aux libertés et responsabilités locales.
-
[88]
A savoir « la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénal, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral ». Concernant la Nouvelle-Calédonie, v. art. 3.3 de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 : « la justice, l’ordre public, la défense et la monnaie et les affaires étrangères resteront de la compétence de l’Etat jusqu’à [l’éventuel accès à l’indépendance] ».
-
[89]
CC, 12 février 2004, n° 2004-490 DC, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, cons. 18 (nous soulignons).
-
[90]
Art. 73 al. 4 et art. 74 al. 4.
-
[91]
Si lesdites COM peuvent en effet prendre, par exception, des actes dans des domaines législatifs qui continuent de relever de la compétence (régalienne) de l’Etat (art. 74 al. 11), tels par exemple l’état et la capacité des personnes, la recherche et constatation des infractions, l’entrée et le séjour des étrangers (Polynésie) ou le droit pénal (Saint-Barthélémy et Saint-Martin), ces actes supposent en tout état de cause, non seulement une habilitation préalable, mais aussi une approbation du gouvernement par décret, lequel doit être ratifié par la loi : v. art. 32 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 (Polynésie), art. LO 6214-5 (Saint-Barthélémy) et LO 6314-5 CGCT (Saint-Martin).
-
[92]
CC, 12 février 2004, n°2004-490 DC, préc., cons. 49.
-
[93]
F. LEMAIRE, « L’outre-mer, l’unité et l’indivisibilité de la République », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2012/2, n° 35, p. 95.
-
[94]
CC, 9 mai 1991, n° 91-290 DC, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.
-
[95]
Art. 72-3 (et dès avant, CC, 7 décembre 2000, n° 2000-435 DC, Loi d’orientation pour l’outre-mer, cons. 43).
-
[96]
M. VERPEAUX, « L’unité et la diversité dans la République », art. cit., p. 15.
-
[97]
Ibid. L’auteur souligne notamment que, pour les consultations relatives à l’avenir des collectivités situées outre-mer, le constituant a pris soin de prévoir que ce sont les « électeurs de la collectivité » et non les « populations » qui doivent être consultés.
-
[98]
Ibid., p. 12.
-
[99]
CC, 15 juin 1999, n° 99-412 DC, Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, cons. 6.
-
[100]
Par ex., Accords de Nouméa du 5 mai 1998, art. 1.3.3.
-
[101]
CC, 9 mai 1991, préc., cons. 37.
-
[102]
CC, 9 avril 1996, n° 96-373 DC, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, cons. 92.
-
[103]
Cette disposition n’ayant notamment pas eu pour effet de créer au profit des individus « un droit ou une liberté que la constitution garantit » (CC, 20 mai 2011, n° 2011-130, Mme Cécile L. et autres).
-
[104]
CE, ass., section de l’Intérieur, 30 juillet 2015, Avis sur le projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, n° 390268.
-
[105]
Art. 72 et art. 73 al. 6 ; V. également art. 74 al. 11 (ainsi que les art. 73 al. 4 et art. 74 al. 4, qui placent « la garantie des libertés publiques » parmi les matières régaliennes insusceptibles de décentralisation législative). On retrouve de surcroît la réserve formulée dans la loi organique (par ex. LO 3445-2 et LO 3445-9 CGCT pour les DOM ; art. 21-I-1°, LO 99-209 concernant la Nouvelle-Calédonie ; art. 14-2°, LO 2004-192 concernant la Polynésie) voire dans la loi ordinaire, par exemple à propos du pouvoir réglementaire d’adaptation en Corse (art. L 4422-16 al. 4).
-
[106]
CC, 18 janvier 1985, n° 84-185 DC, Loi modifiant les rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales, cons. 18.
-
[107]
CC, 9 avril 1996, préc., cons. 25.
-
[108]
P.-H. PRELOT, « Territorialisation du droit et régime des libertés publiques », in Du droit local à la territorialisation du droit…, op. cit., p. 119 (cit. p. 123).
-
[109]
Respectivement art. 149.1.1 (Constitution espagnole du 27 décembre 1978) et art. 117, al. 2 (Constitution italienne du 27 décembre 1947).
-
[110]
V., A. FAZI et P.-A. TOMASI, « L’encadrement de la différenciation législative : leçons italiennes et espagnoles », in Du droit local à la territorialisation du droit…, op. cit., p. 185 (spéc. p. 192).
-
[111]
V. not., évoquant dès 1998 la « banalisation » du pouvoir normatif des (anciens) territoires d’outre-mer, L. FAVOREU et autres, Droit constitutionnel, Dalloz, 1ère éd., 1998, p. 761 (n° 1165).
-
[112]
CC, 27 juin 2001, n° 2001-446, Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, cons. 20 : « les dispositions [en cause] du code de la santé publique, qui ont trait, respectivement, à la possibilité pour la femme enceinte que son état place en situation de détresse de demander l’interruption de sa grossesse, aux conditions d’exercice de l’autorité parentale lorsque la femme est mineure non émancipée et à la liberté, pour le médecin, de refuser de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, se rattachent, s’agissant des deux premiers articles, au droit des personnes et donc au droit civil, et s’agissant du troisième, aux garanties des libertés publiques, domaines qui relèvent, en vertu de l’article 6 de la loi organique précitée, de la compétence de l’Etat » (nous soulignons).
-
[113]
CC, 12 février 2004, n° 2004-490 DC, préc., cons. 39.
-
[114]
On pourra par exemple comparer une solution plutôt « uniformisatrice », en l’occurrence à propos de la liberté d’association (CE, ass., 29 avril 1994, Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, n° 119562), et une solution davantage « territorialiste », en l’occurrence à propos de la liberté du commerce et de l’industrie (CE, sect. 13 mai 1994, Assemblée territoriale de la Polynésie française, n° 112402).
-
[115]
V. la synthèse qu’en fait P.-H. PRELOT, art. cit., p. 124.
-
[116]
J.-P. PASTOREL, « Le principe d’égalité en outre-mer », art. cit., p. 92.
-
[117]
Art. cit., p. 124.
-
[118]
Ibid., p. 129.
-
[119]
A travers une démarche de type bottom-up. V., I. MULLER-QUOY, « Les articulations entre territorialisation et proximité », in Décentralisation et proximité…, op. cit., p. 17 (spéc. p. 26) ; O. COUSSI, A. KRUPICKA, N. MOINET, « L’intelligence économique territoriale. Utopie des territoires ou territoires des utopies ? », Communication et organisation, 2014/1, n° 45, p. 320. Sur le développement des logiques et méthodes contractuelles (Etat/périphérie) pour l’élaboration des normes, L. DEPUSSAY, « L’unité étatique au moyen des asymétries institutionnelles », RFAP, 2007-1, n° 121-122, p. 35 (spéc. p. 43).
1Il est entendu que ce que la doctrine (analysant ce qui fut d’abord un outil de rhétorique politique) a pris l’habitude de dénommer la « territorialisation du droit » [1] désigne toujours une forme de « différenciation territoriale de la règle » [2]. Néanmoins, parce que celle-ci n’est pas univoque, la territorialisation du droit soulève deux problématiques distinctes, récemment résumées par J.-M. Woehrling : l’une « concerne l’application territorialisée d’une norme édictée par une autorité nationale », hypothèse où, « sans que soit remise en cause l’édiction centrale des normes, celles-ci peuvent se diversifier au plan spatial pour tenir compte de la situation particulière des territoires » ; l’autre « concerne la territorialisation du pouvoir normatif, de sorte que des autorités normatives locales puissent édicter des règles propres à un territoire » [3]. Or si, l’une et l’autre de ces deux formes de différenciation territoriale de la règle interrogent forcément le principe d’égalité, leur épanouissement dans le respect dudit principe ne présente guère de similitudes : alors que la première, globalement, s’accommode largement du principe d’égalité, la deuxième, et c’est la raison pour laquelle on s’y attardera ici, s’y heurte davantage.
2Revenons d’abord sur ce principe d’égalité, qu’il est à peu près impossible, surtout lorsqu’on le confronte à la question de la territorialisation du droit, de ne pas inscrire dans une perspective historique. Chacun sait en effet que le droit public français s’est construit autour d’une conception révolutionnaire de l’égalité précisément marquée par la généralité et l’indifférenciation, une égalité par « abstraction méthodique des différences » [4]. Il y a au départ un schéma assez simple : la loi étant l’expression de la volonté de tous (elle est générale dans sa formation), elle doit être la même pour tous (elle est générale dans son objet). L’égalité, alors, non seulement se traduit par un principe d’unité législative garantissant la soumission de tous à une même catégorie de loi (unité du pouvoir normatif que postule l’indivisibilité de la République [5] au nom de l’unicité du souverain – le peuple français) [6], mais elle porte de surcroît en elle une exigence d’uniformité législative en vue de faire de la France un « tout, soumis uniformément, dans toutes ses parties, à une législation, à une administration communes » [7]. Cette conception de l’égalité a alors aussi bien affecté l’application du droit sur le territoire (toute différenciation entre les citoyens étant inéluctablement perçue comme un privilège [8]) que la conception du droit du territoire (que résumait à lui seul le fameux projet d’organisation géométrique des départements présenté à l’Assemblée nationale par Sieyès et Thouret le 27 septembre 1789 [9]), à savoir une « conception symétrique de la structure de l’Etat […], où le rapport de chacune des parties de l’Etat (départements, régions […]) avec le centre est le même » [10].
3Il reste beaucoup, bien sûr, de ces fondations : tandis que la Constitution de 1958 garantit les éléments de l’unité nationale (unité du pouvoir législatif, unicité du peuple français et de façon générale égalité des citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion), la logique symétrique a trouvé dans l’affirmation très prétorienne du principe constitutionnel « d’égalité entre les collectivités territoriales » une remarquable consécration en droit positif [11]. Pourtant, chacun sait aussi que la dialectique de l’égalité juridique a évolué, celle-ci étant désormais conçue comme une « égalité des situations » [12], une égalité qui se réalise d’autant mieux qu’elle permet à la règle d’épouser le réel [13]. On connaît la traduction en droit positif de ce passage de « l’égalité par la généralité » à « l’égalité par la différenciation » [14] qui, s’il traduit en réalité moins un changement qu’un enrichissement du contenu normatif de l’égalité [15], nourrit évidemment aussi la question territoriale, laissant se développer une logique asymétrique marquée par la différenciation statutaire et l’adaptation aux particularités locales :
« le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit » [16].
5Ainsi, comme l’écrivait G. Carcassonne, « la révolution s’est faite et la nation s’est construite sur une équation simple et juste en 1789 : l’unité exige l’égalité, l’égalité exige l’uniformité. C’était juste en 1789, c’est faux en 2000. En 2000, l’unité exige toujours l’égalité mais l’égalité n’exige plus du tout l’uniformité » [17]. Sans nul doute l’Histoire ne connaît pas la diachronie et l’« imaginaire symétrique » [18] n’a pas toujours correspondu à la réalité institutionnelle, tant au XIXe siècle (que l’on songe aux dispositions propres à Paris dans la loi du 28 pluviôse an VIII [19]) qu’au XXe siècle (par-delà le cas topique du maintien du droit local alsacien-mosellan par la loi du 1er juin 1924 [20], songeons au pouvoir reconnu aux anciens TOM d’intervenir dans le domaine de la loi [21]). Il n’en reste pas moins que l’enracinement d’une logique différencialiste dans notre droit positif, au nom de cette conception renouvelée de l’égalité, ne fait aujourd’hui guère de doute. L’adoption de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République en est d’ailleurs une preuve éclatante, qui a notamment sanctuarisé l’idée (et la multiplication possible) de collectivités territoriales « à statut particulier » [22] tout en favorisant l’exercice de pouvoirs normatifs locaux dans le domaine de la loi [23]. La question n’est donc plus de savoir si l’égalité permet la territorialisation du droit mais plutôt celle de savoir jusqu’où la permet-elle et, parce que la définition des classes d’équivalence est toujours un problème de valeur [24] qu’il revient au pouvoir politique de trancher [25], de quoi les choix constitutionnels et législatifs en termes de traitement juridique de la différence sont-ils le nom. Or c’est ici que territorialisation de la norme nationale et territorialisation du pouvoir normatif doivent être distinguées, l’une et l’autre n’interrogeant pas exactement l’égalité de la même manière et ne soulevant pas tout à fait, traditionnellement du moins, les mêmes enjeux.
6On peut dire que la première soulève, pour l’essentiel, la question de l’égalité comme règle de préservation d’un minimum de justice sur le territoire [26] ou, pour reprendre les termes d’E. Laurent, de « justice territoriale » [27]. Celle-ci, qui passe traditionnellement soit par une adaptation évidente de la loi aux réalités géographiques ou démographiques [28] soit par des politiques ciblées destinées à compenser les handicaps territoriaux (type zonage) [29], a en l’occurrence pris un tour nouveau dans la période récente, du fait du creusement des inégalités sur le territoire, largement renforcé par la crise des dettes publiques [30] : face aux inégalités de ressources (fiscales) entre les collectivités, auxquelles répondent les politiques de développement de l’intercommunalité mais que tend à renforcer le modèle à l’œuvre de mise en compétition des territoires pour l’accès à une ressource (rare) assise sur une logique de projet [31], face au phénomène de la métropolisation [32], qui se traduit par la concentration des facteurs de production et des richesses dans les grandes villes, « l’égalité des territoires » est devenu un enjeu de politique publique [33] qui, par-delà les stratégies rhétoriques [34], trône au cœur des lois de réforme territoriale les plus récentes [35]. Or, sur le terrain proprement juridique, le constat qui s’impose est que le principe d’égalité laisse une marge considérable à l’Etat pour définir les contours de sa justice territoriale et instaurer, pour y parvenir, les différenciations statutaires [36] et les actions correctrices ciblées [37] qui s’imposent à ses yeux : aujourd’hui, en particulier, l’égalité ne lui interdit nullement d’entériner les préceptes de la « nouvelle économie géographique » commandant, pour nourrir la croissance nationale et répondre aux défis de la mondialisation, de favoriser le développement économique des territoires compétitifs (par concentration des moyens) [38] tout en créant les conditions d’une compensation au bénéfice des territoires défavorisées, tant en termes d’accès à la formation, à l’emploi et à la santé [39] que par le renforcement des mécanismes financiers de péréquation financière [40]. La loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 (MAPTAM), qui offre un statut sur mesure aux métropoles (pour les agglomérations de plus de 400000 habitants), comme la loi n°2015-991 du 7 août 2015 (NOTRE), qui entérine la création de la métropole du Grand Paris tout en cherchant à améliorer l’accessibilité de la population aux divers services sur l’ensemble du territoire [41], s’inscrivent peu ou prou dans cette perspective.
7Il apparaît alors, en miroir, que la deuxième forme de territorialisation du droit, celle du pouvoir normatif, peine à s’inscrire dans cette logique différencialiste censée répondre aux défis du moment. Non pas qu’elle ne soit pas pensée comme un levier possible et pertinent pour ce faire [42], comme le montre la disposition de la loi NOTRe qui prévoit au profit des régions un (début de) pouvoir d’adaptation des lois. Mais le caractère éminemment mesuré dudit dispositif vient précisément symboliser les limites de la décentralisation normative en France. La raison, à l’évidence, tient à ce que celle-ci, en étant susceptible d’affecter le principe d’unité législative, vient irrémédiablement questionner l’indivisibilité de la République et la préservation d’une conception fermement ancrée de l’égalité, garante de l’unité nationale. C’est que la souveraineté de la nation une et indivisible s’exprime dans la loi [43] et que les élus locaux n’ont pas la qualité de représentant du peuple français [44]. De sorte que les collectivités locales « ne disposent d’un pouvoir normatif que dans le cadre de la loi et en respectant cette loi » [45]. Ce faisant, par-delà l’existence d’un pouvoir réglementaire qu’on sait largement résiduel [46],
« aucune collectivité ne peut être investie d’une partie de la souveraineté et il faudrait changer la nature de notre Etat, pour parler comme Hauriou, si l’on voulait pousser la dévolution de la souveraineté jusqu’au fédéralisme. L’égalité de tous les citoyens devant la norme est en effet la base de l’indivisibilité de la République et justifie une application rigoureuse qui ne peut céder que devant une exigence constitutionnelle » [47].
9On voudrait alors montrer ici que, sous le joug d’un carcan constitutionnel qui n’exclut pas (à des degrés divers) l’édiction locale de règles propres à un territoire, mais dont l’interprétation jurisprudentielle est peut-être parfois excessivement restrictive, le principe d’égalité constitue tout à la fois la justification et la limite de la territorialisation du pouvoir normatif en France : d’abord parce que celle-ci est, comme le montrent les dispositifs d’habilitation en outre-mer, constitutionnellement suspendue à l’existence d’une différence objective de situation (I) ; ensuite parce que le silence du constituant quant à une telle différence de situation tend, comme le montrent les dispositifs d’habilitation métropolitains, à empêcher une véritable territorialisation (II) ; enfin parce que l’égalité des citoyens renferme un noyau d’indifférenciation qui, en outre-mer comme en métropole, dessine le plus petit commun dénominateur de la nation une et indivisible, lequel exclut radicalement toute territorialisation (III).
I – L’outre-mer ou l’égalité par la différenciation : la territorialisation effective du pouvoir normatif au nom des caractéristiques locales
10On doit faire le constat que les dispositifs qui confèrent un pouvoir effectif d’élaboration locale de règles différenciées, en l’occurrence exclusivement au bénéfice des collectivités d’outre-mer, en subordonnent l’exercice à l’existence (la preuve) d’une différence objective de situation. On se gardera évidemment ici de présenter de manière exhaustive l’ensemble des compétences normatives des DROM (départements et régions d’outre-mer régis par l’article 73 de la Constitution) [48] et des COM (collectivités d’outre-mer régies par l’article 74) [49], ce d’autant plus que cette apparente binarité masque en réalité une multitude de situations [50], notamment du fait que les COM se regroupent et se distinguent selon, d’une part, qu’elles restent (à l’instar des anciens TOM) soumises au principe de spécialité législative [51] ou relèvent (à l’instar des DROM) d’un régime d’assimilation législative [52], et d’autre part qu’elles sont ou non « dotées de l’autonomie » [53]. Il n’en reste pas moins que les collectivités ultra-marines sont les seules à toutes bénéficier, en raison de leurs spécificités, d’un pouvoir local d’adaptation des lois (A) et/ou de fixation de règles dans le domaine de la loi (B).
A – Différence de situation et pouvoir local d’adaptation des règles
11Au cœur de la diversité des situations statutaires en outre-mer, il est une innovation de la révision constitutionnelle de 2003 qui rassemble DROM et COM soumises au principe d’identité législative (les cas de la Polynésie et – a fortiori – de la Nouvelle-Calédonie pouvant de ce point de vue être distingués [54]), à savoir que les premiers, au même titre désormais que les secondes (que les anciens TOM de façon générale), se sont vus reconnaître un pouvoir (réglementaire) d’intervention (y compris) dans le domaine de la loi sous réserve, point essentiel, d’une habilitation législative (ou réglementaire selon la matière) censée respecter une exigence d’égalité différentielle.
12Car en effet, si ces collectivités disposent, en premier lieu, d’un pouvoir d’adaptation des lois et règlements (qui restent donc applicables de plein droit), celui-ci n’est susceptible d’être mis en œuvre que pour tenir compte des « caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités » (art. 73 al. 2). Ici, la loi organique, en des termes strictement identiques pour les DROM et les COM, conditionne clairement cette territorialisation du pouvoir normatif à la démonstration d’une différence objective de situation, puisqu’elle prévoit que la délibération par laquelle l’habilitation est demandée [55] « expose les caractéristiques et contraintes particulières justifiant la demande d’habilitation et précise la nature et la finalité des dispositions que le conseil [départemental/régional/territorial] envisage de prendre » [56]. C’est dire qu’une habilitation qui serait accordée (par la loi ou le décret [57]) au mépris de toute justification tirée d’une différence appréciable de situation encourrait la censure du juge au nom, comme c’est le cas lorsque sont contestées les mesures (classiques) d’adaptation législative décidées par le pouvoir central [58], d’une méconnaissance du principe d’égalité [59].
B – Différence de situation et pouvoir local de fixation des règles
13On retrouve alors exactement la même logique à propos de l’autre pouvoir que la Constitution a, en second lieu, reconnu aux DROM « pour tenir compte de leurs spécificités », qui permet cette fois à ces collectivités de « fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi » (art. 73 al. 3). Là encore, la loi organique exige que la collectivité « expose les spécificités locales justifiant la demande d’habilitation […] » et, là encore, cette preuve d’une différence objective de situation conditionne l’exercice d’un pouvoir normatif dont on peut dire qu’il est réellement décentralisé puisque, aussi bien pour l’adaptation que pour la fixation des règles par la collectivité, les mesures prises en application de la loi d’habilitation font simplement l’objet d’une transmission au premier ministre (et au représentant de l’Etat) avant leur publication au JO le mois suivant [60]. Par ailleurs, si concernant les COM le pouvoir de fixer des règles dans le domaine de la loi (qu’elles détenaient sous leur précédent statut de TOM) procède d’une délégation de compétences pour intervenir dans des matières déterminées par leur statut [61], sa justification par des spécificités locales, bien que plus lâche, trouve aussi un ancrage en droit positif, non seulement dans l’article 74 de la Constitution [62], mais encore dans ledit statut lui-même dès lors qu’il consacre au profit de la collectivité une exigence de « respect de ses intérêts propres en tenant compte de ses spécificités géographiques, historiques et culturelles » [63]. Enfin, il importe de souligner que, si la Constitution permet aux COM dotées de l’autonomie de prendre elles-mêmes, en matière d’accès à l’emploi et de protection du patrimoine foncier, des mesures « en faveur de [leur] population », de telles dérogations au principe d’égalité par voie de règlementation locale doivent, là-encore, être « justifiées par les nécessités locales » (art. 74 al. 10). Aussi la mise en œuvre de ce dispositif, pour l’heure réservé à la Polynésie française en matière d’accès à l’emploi [64], reste soumise à un véritable contrôle d’égalité : le Conseil d’Etat a ainsi censuré des mesures qui, réservant l’accès des résidents polynésiens aux emplois publics locaux dans des proportions excessives sans rapport avec « les caractéristiques de l’emploi local et les nécessités propres à sa promotion », méconnaissaient « le principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics » [65].
II – La métropole ou l’égalité par la centralisation : la territorialisation fictive du pouvoir normatif à rebours des caractéristiques locales
14Peu ou prou en sens inverse, l’on est obligé de constater que chaque fois qu’un dispositif constitutionnel d’habilitation ne pose aucune exigence de justification de l’intervention de la collectivité par des caractéristiques locales, hypothèse qui concerne essentiellement la métropole, il s’accompagne alors toujours d’une recentralisation du pouvoir normatif : le degré de territorialisation de celui-ci apparaît ainsi, à l’image de ce que suggère le concept moderne d’égalité, corrélé à l’étendue des spécificités locales, du moins telles qu’elles sont perçues par le pouvoir politique et, au premier chef, le constituant. Le silence de celui-ci rend ce faisant illusoires les hypothèses de décentralisation législative en métropole (A), mais n’exclut pas, malgré la position actuelle globalement restrictive du juge administratif, un pouvoir local d’application différenciée de la loi (B).
A – Négation des caractéristiques locales et illusion du pouvoir législatif local
15L’illusion est parfaitement symbolisée par le dispositif d’expérimentation législative consacrée par la révision constitutionnelle de 2003, qui permet aux collectivités territoriales, habilitées en ce sens (par la loi ou le règlement) mais sans exigence particulière (tenant à l’existence de spécificités locales) [66], de « déroger à titre expérimental et pour un objet et une durée limitée, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences » (art. 72 al. 4). Certes, le Sénat voyait dans cette disposition une façon de rompre avec « l’uniformité égalisatrice » et un moyen de « reconnaître un certain droit à la différence au sein de notre République unitaire » [67] ; certes le Conseil constitutionnel a cru pouvoir y voir une dérogation « au principe d’égalité devant la loi » (qu’il était loisible au constituant de décider) [68]. Néanmoins, au moins autant (voire davantage) susceptible d’être comprise comme un outil pertinent pour améliorer la qualité des textes et, par le truchement d’une généralisation d’expériences salutaires, pour favoriser la réforme de l’action publique (ce fut plutôt la position des députés) [69], une telle expérimentation législative, dont on sait qu’elle est restée très marginale en pratique, consacre plus sûrement, en raison de son régime (généralisation par la loi ou abandon [70]), une recentralisation du pouvoir normatif [71] et, comme l’a fort justement souligné A.-S. Gorges, « la précellence de l’égalité par la généralité de la norme » [72].
16En réalité, la Constitution est muette sur l’existence (la reconnaissance) de caractéristiques locales en métropole qui pourraient être de nature à justifier une territorialisation du pouvoir normatif. Et c’est cette absence de différence objective de situation aux yeux du constituant qui explique la portée très limitée des dispositifs prétendant, régulièrement, s’inscrire dans une logique de différenciation. Ainsi de la loi du 22 janvier 2002 concernant la Corse (inspirée du droit de l’outre-mer [73]) : que dire de la procédure de consultation de son assemblée sur les projets et propositions de loi (ou de décret) comportant des dispositions spécifiques à l’île, si ce n’est que l’avis ne lie en rien les autorités nationales ? Que dire encore de son pouvoir de « présenter des propositions tendant à modifier ou adapter des dispositions législatives en vigueur » (concernant tant ses compétences et son organisation que « le développement économique, social et culturel de la Corse »), si ce n’est que le gouvernement est entièrement libre de ne pas y donner suite [74] ? Entre initiative normative et pouvoir normatif, il y a un pas que le législateur ne peut franchir dans le cadre constitutionnel actuel, ce que le détricotage du pouvoir régional d’adaptation des lois dans la dernière version de la loi NOTRe a encore récemment démontré : alors en effet que, en première lecture, l’Assemblée nationale avait assorti ce pouvoir de proposition de modification/adaptation des lois (inspiré du modèle corse) d’une règle selon laquelle le silence de l’Etat (au terme d’un délai de douze mois) vaudrait acceptation, cette règle (il est vrai audacieuse) a été expurgée de la version finale de l’article 1er de la loi du 6 août 2015 [75], préservant très probablement le texte d’une censure dont le Sénat, pourtant favorable au dispositif, n’avait pas manqué de pointer les risques [76].
B – Appréhension des caractéristiques locales et potentialités du pouvoir réglementaire local
17Au fond, c’est assurément dans l’exercice d’un pouvoir réglementaire local d’application de la loi que gisent aujourd’hui les principales potentialités de territorialisations du pouvoir normatif en France métropolitaine [77]. Le Conseil constitutionnel en a comme on le sait admis le principe en déduisant des articles 21 (et 13) et 72 de la Constitution la possibilité pour le législateur de confier aux collectivités territoriales le soin d’appliquer elles-mêmes la loi, validant par là-même le dispositif permettant à la Corse de fixer des mesures réglementaires « adaptées aux spécificités de l’île » [78] et laissant ainsi entendre que le législateur peut estimer que les spécificités locales justifient une territorialisation du pouvoir réglementaire d’application de la loi [79]. Juridiquement possible, celle-ci peut s’avérer d’ailleurs très opportune, comme en matière d’attribution des aides régionales (directes) aux entreprises : le législateur l’avait bien compris, qui en permettant aux conseils régionaux de fixer eux-mêmes le régime de ces aides (art. 102 de la loi du 27 février 2002), avait pertinemment autorisé l’élaboration locale de règles adaptées à chaque bassin économique [80].
18Néanmoins, d’une part de tels choix, politiques, dépendent assurément de la matière, comme l’a montré celui de réduire le rôle des collectivités locales sur la question de l’accès aux soins (la loi HPST ayant traduit un modèle « déconcentrationnaire » d’égalité confiant prioritairement aux ARS le soin de déterminer les besoins locaux) [81], d’autre part on sait aussi, ainsi que l’a tout particulièrement illustré le droit de la fonction publique territoriale, combien le juge administratif a plutôt tendance à neutraliser cette potentialité en réattribuant au gouvernement un pouvoir réglementaire d’application que le législateur semblait pourtant n’avoir pas exclu de confier aux collectivités territoriales [82] – voire même semblait leur avoir assez clairement attribué [83]. Il y a là, à l’évidence, une lecture très égalitaire (unitaire) de la Constitution quant à l’étendue du pouvoir normatif local (souvent masquée par l’argument – loin d’être toujours convaincant – du caractère inapplicable de la loi sans l’intervention du décret [84]), mais dont on peut aussi penser qu’elle tient à la matière considérée, qu’en l’occurrence le juge administratif estimerait devoir soumettre (sans que la Constitution le lui impose ici) à un régime d’indifférenciation territoriale [85]. Reste qu’un tel régime peut aussi découler de la Constitution. C’est d’abord le cas lorsque celle-ci, sans exclure la différenciation par voie de règlementation locale, la limite au nom de l’égalité. Il en va ainsi en particulier lorsque l’exercice d’une compétence locale, telle celle qu’exercent les départements en matière d’aide sociale légale, apparaît susceptible de mettre en cause la solidarité nationale, dont l’Etat a la charge (al. 11 Préambule 1946) : dans cette hypothèse la différenciation territoriale n’est acceptable, aux yeux du Conseil constitutionnel, que si le gouvernement a préalablement établi un cadre réglementaire minimal de nature à prévenir l’instauration de disparités excessives à travers les modalités locales d’attribution des prestations considérées [86], ce que le Conseil qualifie alors de « rupture caractérisée de l’égalité » [87]. Mais le régime d’indifférenciation au nom de l’égalité peut aussi être absolu, radical, interdisant toute forme de territorialisation du pouvoir normatif, quelle qu’elle soit.
III – La République ou l’égalité par l’indifférenciation : la territorialisation impossible du pouvoir normatif au nom de l’unité nationale
19Les limites égalitaires de la territorialisation du pouvoir normatif trouvent plusieurs expressions constitutionnelles, qui contribuent à délimiter le noyau indérogeable du droit uniformément applicable sur l’ensemble du territoire, pour l’élaboration duquel, ce faisant, seul l’Etat est compétent. Fermement délimitées pour la plupart d’entre elles (A), certaines de ces limites n’en sont pas moins discutées au regard de leur interprétation (B).
A – De l’uniformité régalienne à l’égalité républicaine
20Par-delà les modalités censées garantir l’indivisibilité de la souveraineté et neutraliser tout fractionnement législatif (habilitation préalable, caractère administratif des actes, contrôle du juge), le Constituant de 2003 a tout d’abord pris soin de délimiter les matières régaliennes dans lesquelles les interventions locales dans le domaine de la loi (art. 73 al. 4) et, de façon générale, les transferts de compétence aux COM (art. 74 al. 4) sont impossibles [88]. Il y a là une première expression, matérielle, de ce que l’égalité impose, et c’est bien ce que rappelle le Conseil constitutionnel lorsqu’il souligne que les textes relevant de ces matières sont ceux « qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinés à régir l’ensemble du territoire de la République » [89]. En l’occurrence l’Etat reste maître du champ de cette égalité sur le territoire, qui peut être étendu (mais pas réduit), le constituant ayant prévu que la liste des matières régaliennes qu’il a établies « pourra être précisée et complétée par une loi organique » [90]. Il faut par ailleurs noter que si cette limite connaît quelques exceptions au bénéfice des COM dotées de l’autonomie, le pouvoir normatif local de celles-ci dans les domaines régaliens se trouve alors, en quelque sorte, désubstantialisé par l’intervention nécessaire et décisive de l’Etat dans le processus d’adoption des actes [91] : la ratification par le parlement du décret approuvant de tels actes avait en effet constitué pour Conseil constitutionnel la condition sine qua non de la conformité du dispositif à la constitution [92].
21Mais c’est bien sûr le principe selon lequel « la République indivisible […] assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction d’origine, de race ou de religion » (art. 1er de la Constitution) qui recèle en droit positif un noyau d’indifférenciation territoriale, garant d’une unité nationale à laquelle, en l’occurrence, les territoires ultra-marins n’échappent pas [93]. On sait que le Conseil constitutionnel en a déduit le principe de l’unicité du peuple français [94], sans que la reconnaissance par le constituant de 2003, au sein de celui-ci, des « populations d’outre-mer » [95] n’ait « de conséquences quant aux droits particuliers qui pourraient être reconnus à ces populations d’outre-mer » [96]. Si on peut par exemple le percevoir en matière électorale [97], il en est tout particulièrement ainsi sur la question linguistique, dans la mesure où, comme l’écrit M. Verpeaux, « l’un des liens qui permet, en effet, de cimenter l’unicité du peuple peut être la langue parlée par ce groupe, tant l’unité nationale peut être associée à l’unité linguistique » [98]. C’est en ce sens que le juge constitutionnel estime que les principes d’égalité et d’unicité du peuple français « s’opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance » [99].
22Dès lors, cette conception républicaine de l’égalité rejaillit nécessairement sur le pouvoir normatif local : si elle n’interdit pas, notamment, que les autorités locales cherchent à accroître la place des langues régionales sur leur territoire [100], en revanche, à l’instar de ce qu’il en est lorsque c’est le législateur national qui le prévoit [101], une collectivité d’outre-mer heurterait le principe d’égalité si elle décidait de rendre « obligatoire » l’enseignement d’une langue régionale dans le cadre scolaire [102]. Seule une révision de la constitution en vue de la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires pourrait ici faire évoluer un état du droit sur lequel l’introduction (en 2003) de la disposition selon laquelle « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » (art. 75-1) n’a eu aucune incidence [103]. Mais l’avis négatif renouvelé à l’été 2015 par le Conseil d’Etat à propos du projet de loi constitutionnelle autorisant ladite ratification avec réserve, notamment en raison des contradictions (et de l’insécurité juridique) qu’elle entraînerait, semble réduire les perspectives. Ce d’autant plus que le Conseil d’Etat a pris soin de rappeler dans son avis que les principes d’égalité et d’unicité mentionnés par le juge constitutionnel en 1999 « sont un fondement du pacte social dans notre pays » [104].
B – De l’égalité républicaine à l’uniformité du droit des libertés
23Bien que le Conseil constitutionnel ne soit pas sur ce point totalement explicite, il fait peu de doute que c’est du principe d’égalité que découle l’exigence constitutionnelle d’uniformité territoriale du droit des libertés publiques, laquelle dessine une limite rédhibitoire à l’intervention normative locale. Si, en l’occurrence, le constituant de 2003 s’est réapproprié cette règle en prévoyant explicitement que les différentes formes de territorialisation du pouvoir normatif (adaptation/fixation des règles en outre-mer, expérimentation législative en métropole) sont exclues « lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti » [105], l’exigence avait été formulée antérieurement par le Conseil constitutionnel, dès 1985 [106], avant d’être réitérée de manière plus radicale dans la dernière version de sa jurisprudence :
« ni le principe de libre administration des collectivités territoriales, ni la prise en compte de l’organisation particulière des territoires d’outre-mer ne sauraient conduire à ce que les conditions essentielles de mise en œuvre des libertés publiques et, par suite, l’ensemble des garanties que celles-ci comportent, dépendent de décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l’ensemble du territoire de la République » [107].
25Comme le relève alors P.-H. Prélot, adressant au Conseil une critique loin d’être isolée,
« ce ne sont pas […] les conditions essentielles d’application de la loi, mais celles concernant sa mise en œuvre qui échappent à la libre administration des collectivités publiques. Autrement dit le régime des libertés publiques se retrouve intégralement centralisé. Pas plus que la compétence législative, la compétence réglementaire ne peut faire l’objet de la moindre délégation aux organes délibérants des collectivités territoriales dès lors que l’on se situe dans le champ des libertés publiques » [108].
27Une telle indifférenciation du droit des libertés publiques n’est en l’occurrence pas propre à notre pays : on la retrouve par exemple en Espagne et en Italie, où la Constitution la relie explicitement à l’égalité des citoyens [109] tout en fondant sur elle une compétence étatique « transversale » qui permet au pouvoir central de s’immiscer dans le champ des compétences régionales normalement exclusives [110]. Bien sûr, cette forme d’attraction centrale du pouvoir normatif au nom de l’égalité des citoyens s’observe à l’identique en France, notamment au sujet de la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités d’outre-mer [111]. Dans ce cas, d’ailleurs, il n’est pas rare que la garantie des libertés publiques se couple avec une matière régalienne pour justifier la compétence du premier, comme ce fut le cas, par exemple, lorsque le Conseil constitutionnel valida l’application à la Polynésie française des dispositions de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse, alors que cette dernière est compétente en matière de santé publique [112]. Toutefois, la jurisprudence démontre bien que c’est l’égalité des citoyens – et non une compétence illimitée de l’Etat – que le juge cherche ici à protéger, comme lorsque fut validée la disposition de la loi organique confiant à la Polynésie française le pouvoir d’assortir les infractions aux « lois du pays » de sanctions pénales : dès lors en effet que ladite loi prévoit que ces sanctions ne peuvent excéder la peine prévue par la loi nationale pour les infractions de même nature, de telles compétences « n’affectent pas les conditions essentielles d’exercice des liberté publiques » et « ne portent pas atteinte à l’égalité devant la loi pénale » [113].
28Sans doute la difficile question de savoir dans quelle mesure l’exercice d’une compétence locale est effectivement de nature à affecter les conditions essentielles d’exercice des libertés publiques (voire celle de savoir ce qu’est une liberté publique) impose-t-elle de conclure que l’égalité dessine ici une limite potentiellement mouvante à la territorialisation du pouvoir normatif [114], la doctrine ne manquant pas, à cet égard, de pointer certaines incohérences dans la jurisprudence [115]. Et si celle-ci s’accorde plutôt sans difficulté sur la justification de cette réserve constitutionnelle et l’idée, notamment, que « les libertés publiques […] servent à consolider le socle de l’égalité républicaine dans l’outre-mer français » [116], le diagnostic n’est assurément pas le même à propos de son impact sur le pouvoir réglementaire local et l’impossibilité radicale, qui concerne alors a fortiori les collectivités métropolitaines, de mettre en œuvre les dispositions nationales dès lors que les libertés publiques sont en cause. P.-H. Prélot relève ainsi à propos de ce principe d’indifférenciation territoriale du droit des libertés publiques que :
« si c’est l’application du principe d’égalité qui est en cause comme on le pense, alors il aurait fallu expliquer ce qui justifie, y compris au niveau de la compétence réglementaire, cette exception à la règle bien établie selon laquelle [le principe d’égalité n’interdit pas le traitement différent de situations différentes] » [117].
30On pourra alors s’étonner avec lui de la « radicalité » d’une jurisprudence qui exclut tout aménagement local, et souscrire à sa conclusion :
« pour autant que la distinction classique qu’opère le Conseil constitutionnel entre “mise en cause” et “mise en œuvre” d’une liberté publique ait un sens, on ne comprend pas pourquoi des aménagements qui ne remettent pas en cause la liberté elle-même ne pourraient pas faire l’objet d’une application différenciée afin de tenir compte des particularismes locaux, si la liberté en question s’en trouve préservée voire consolidée » [118].
32On retrouve aussi là le débat (éternel) autour des potentialités du pouvoir réglementaire local d’application des lois, à propos duquel il faut sans doute (re) dire que, dans le cadre constitutionnel actuel et par-delà l’exigence d’uniformité du régime des libertés publiques, le principe d’égalité n’interdit nullement qu’il puisse s’émanciper au point de permettre aux collectivités locales, y compris en métropole et pour peu que le législateur le permette, d’adapter l’application des lois aux spécificités de leur territoire. De ce point de vue, il n’est pas interdit de penser que la double logique, à l’œuvre, de différenciation territoriale au nom de l’intérêt économique national et de participation croissante des collectivités locales à la construction des politiques publiques [119], soit un moteur du basculement.
Notes
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[1]
Y. MADIOT, « Vers une territorialisation du droit », RFDA, 1995, p. 946 ; J.-M. PONTIER, « Territorialisation et déterritorialisation de l’action publique », AJDA, 1997, p. 723 ; J.-B. AUBY, « Réflexions sur la territorialisation du droit », in La profondeur du droit local, Mélanges en l’honneur de Jean-Claude Douence, Dalloz, 2006, p. 2.
-
[2]
J.-M. WOEHRLING, « La territorialisation du droit : quelle signification ? », in J.-M. WOEHRLING (dir.), Du droit local à la territorialisation du droit – Perspectives et limites, Publications de l’IDL, 2014, p. 11 (c’est nous qui soulignons).
-
[3]
« Introduction – Du droit local à la territorialisation du droit : quelles perspectives ? », in Du droit local à la territorialisation du droit…, préc., p. 8.
-
[4]
Comme l’écrit A. RENAUT en retraçant la pensée révolutionnaire sur ce point (A. RENAUT, Egalité et discriminations. Un essai de philosophie politique appliquée, Seuil, 2007, p. 12).
-
[5]
Décret de la Convention nationale des 22 et 25 septembre 1792.
-
[6]
V., M. VERPEAUX, « L’unité et la diversité dans la République », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2014/1, n° 42, p. 7.
-
[7]
E.-J. SIEYES, Discours sur « la permanence et l’organisation du Corps législatif et sur la sanction royale », séance du 7 septembre 1789, Arch. Parl., 1ère série, t. 8, p. 594 (cité par A.-S. GORGE, Le principe d’égalité entre les collectivités territoriales, Dalloz, NBT, 2011, p. 91).
-
[8]
Sans que l’égalité juridique puisse être alors pensée comme une réponse possible aux inégalités de fait, tout au contraire. V. sur ce point, notamment autour de la pensée de Condorcet (« L’inégalité de fait est donc l’exact envers de l’égalité de droit, au point que l’un et l’autre ont la même signification »), J.-F. SPITZ, L’amour de l’égalité. Essai sur la critique de l’égalitarisme républicain en France (1770-1830), éd. Vrin, EHESS, 2000, p. 177.
-
[9]
Mais qu’on retrouve rapidement, fût-ce de façon moins caricaturale, dans plusieurs textes fondateurs, tel l’art. 78 de la Constitution du 24 juin 1793 et, bien sûr, la loi du 28 pluviôse an VIII.
-
[10]
E. MAULIN, « Asymétrie des compétences et reterritorialisation du droit », in Du droit local à la territorialisation du droit…, op. cit., p. 249. V. en particulier, synthétisant les débats révolutionnaires sur cette question, A.-S. GORGE, op. cit., pp. 88-96.
-
[11]
CC, n° 86-209 DC, 3 juillet 1986, Loi de finances rectificative pour 1986, cons. 13 et 14 ; n° 2004-503 DC, 12 août 2004, Loi relative aux libertés et responsabilités locales, cons. 16 à 18. V., F. MELIN-SOUCRAMANIEN, « Le principe d’égalité entre collectivités locales », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2002, n° 12, p. 93 ; A.-S. GORGES, op. cit., pp. 104-s.
-
[12]
C. PERELMAN, « Egalité et justice », in L’égalité, vol. V, Travaux du Centre de philosophie du droit de l’université libre de Bruxelles, Bruylant, 1977, p. 324.
-
[13]
J. RIVERO, « Rapport sur les notions d’égalité et de discrimination en droit public français », Travaux de l’association H. Capitant, t. XIV (1961-1962), Dalloz, 1965, p. 343.
-
[14]
Ibid. p. 351.
-
[15]
L’égalité par la généralité ne cessant jamais de produire ses effets, au sein de chaque catégorie nouvellement créée, à défaut de quoi l’égalité disparaîtrait dans le traitement différent de chaque situation individuelle (v. C. STARCK, « L’égalité en tant que mesure du droit (problèmes d’application du principe d’égalité) », in C. PERELMAN et R. VANDER ELST (dir.), Les notions à contenu variable en droit, Bruylant, 1984, p. 181.
-
[16]
CC, n°91-291 DC, 6 mai 1991, Loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d’Ile-de-France, cons. 23 ; n° 98-397 DC, 6 mars 1998, Loi relative au fonctionnement des conseils régionaux, cons. 15 et 16 ; n° 2003-472 DC, 26 juin 2003, Loi urbanisme et habitat, cons. 6 : n° 2003-474 DC, 17 juillet 2003, Loi de programme pour l’outre-mer, cons. 23.
-
[17]
G. CARCASSONNE, « Contributions au renouveau de la décentralisation », actes des IIIe Assises de la décentralisation, 30 nov. et 1er déc. 2000, Institut de la décentralisation, 2000, p. 167.
-
[18]
Selon l’expression d’E. MAULIN, art. cit., p. 250.
-
[19]
V., O. RENAUDIE, La Préfecture de police, LGDJ, BDP, t. 258, 2008, pp. 63-s.
-
[20]
V. not. P. KINTZ, « L’exemple du droit local alsacien-mosellan », in Du droit local à la territorialisation du droit…, op. cit., p. 23.
-
[21]
CC, n°65-34 L, 2 juillet 1965, Nature juridique des articles 1er, 5 et 6 de l’ordonnance du 31 décembre 1958 portant modification de certaines dispositions du régime de retraite des marins du commerce.
-
[22]
V., A.-S. GORGE, Le principe d’égalité entre les collectivités territoriales, préc., pp. 376-s.
-
[23]
Pour un aperçu, G. CHAVRIER, Le pouvoir normatif local : enjeux et débats, LGDJ, 2011, pp. 63-s.
-
[24]
C. PERELMAN, « Egalité et valeur », in L’égalité, vol. I, Travaux du Centre de philosophie du droit de l’université libre de Bruxelles, Bruylant, 1971, p. 319 : « le problème serait facile à résoudre, écrit l’auteur, s’il s’agissait de traitement égal d’êtres ou de situations identiques, mais comme ce n’est jamais le cas, nous voyons le problème de l’égalité déboucher sur un problème de valeur, à savoir quelles différences sont négligeables ou non pour le traitement égal des objets pris en considération ». V. également, dans le même sens, M. VANQUICKENBORNE, « La structure de la notion d’égalité en droit », in ibid, p. 178 : « on n’assemble pas n’importe quoi avec n’importe quoi. Les objets, qui sont considérés comme faisant partie de la même classe d’équivalence, auront toujours en commun une propriété qui, pour l’une ou l’autre raison, est importante ».
-
[25]
V., N. BELLOUBET-FRIER, « Le principe d’égalité », AJDA, 1998, p. 152. Comme l’écrit plus spécifiquement J.-C. Douence, « le degré d’unité et de diversité statutaire se mesure à l’aune du principe d’égalité. Il appartient au législateur d’en fixer la mesure sous le contrôle (restreint) du juge constitutionnel » (J.-C. DOUENCE, « Des collectivités locales uniformes ou différenciées ? », AJDA, 2002, p. 467).
-
[26]
Si l’on veut bien toutefois faire abstraction des quelques cas particuliers où l’existence d’un droit local spécifique prévu par la norme nationale, héritée de l’histoire, tient davantage au souci de maintenir une certaine tradition : on songe ici notamment au droit alsacien-mosellan (ainsi qu’à certaines dispositions du droit ultra-marin, en particulier dans les collectivités où la loi du 9 décembre 1905 n’a pas été introduite) même si la relative fragilité de cette justification au regard du principe d’égalité explique sans doute que le Conseil constitutionnel ait assorti le principe (PFLR) du maintien en vigueur dudit droit local d’une double réserve : d’une part celle en vertu de laquelle « à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi » (clause de convergence) ; d’autre part celle selon laquelle le maintien de ces dispositions ne doit pas porter une atteinte excessive « aux autres exigences constitutionnelles » (CC, 5 août 2011, n° 2011-157 QPC, Société SOMODIA).
-
[27]
V., E. LAURENT, « Vers l’égalité des territoires : une introduction », in E. LAURENT (dir.), Vers l’égalité des territoires. Dynamiques, mesures, politiques, Rapport au ministre de l’égalité des territoires et du logement, février 2013, p. 6 (spéc. p. 14).
-
[28]
Pour prendre un exemple récent, l’article 33 de la loi NOTRE du 7 août 2015, tout en rehaussant le seuil minimal des intercommunalités à 15000 habitants, prévoit par dérogation un seuil de 5000 habitants dans les zones de montagne et les territoires peu denses (v. art. L 5210-1-1-III-1° CGCT). Autre exemple, dans un tout autre registre : le constat des risques plus faibles de réinfection des cheptels bovins situés en outre-mer et en Corse justifient, au regard du principe d’égalité, que n’y soient pas imposées les mêmes mesures de prophylaxie contre des maladies contagieuses que dans les départementaux continentaux où ces risques sont plus élevés (CE, 3 oct. 2003, Groupement des agriculteurs biologistes et bio dynamistes du Maine-et-Loire, n° 253696). On pourrait démultiplier les exemples à l’infini (v. not. A.-S. GORGES, Le principe d’égalité entre collectivités territoriales, préc., not. pp. 330 et 373-s.).
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[29]
V., T. KIRSZBAUM, « La discrimination positive territoriale : de l’égalité des chances à la mixité urbaine », Pouvoirs n° 111, 2004, p. 101 (l’auteur rappelle d’ailleurs comment, dans le discours politique, le concept de territorialisation a progressivement éclipsé celui de discrimination positive au milieu des années quatre-vingt-dix, ibid., p. 112).
-
[30]
V. not. L. DAVEZIES, La crise qui vient. La nouvelle fracture territoriale, Seuil, La République des idées, 2012, pp. 49-s.
-
[31]
Ce qui s’inscrit dans ce que plusieurs géographes, s’inspirant sur ce point des travaux du sociologue F. Dubet (Les places et les chances, Seuil, La République des idées, 2011), qualifient de modèle « d’égalité des chances » entre les territoires, lequel se serait substitué au précédent modèle de justice, celui de « l’égalité des places » (v. D. BEHAR, J. LEVY, « Y a-t-il une bonne gouvernance locale ? », Esprit, 2015-2, p. 96, spéc. p. 107), où la politique d’aménagement du territoire ne reposait pas sur la mise en compétition des territoires, mais sur la volonté, à travers une logique de spécialisation des fonctions, « de créer les conditions d’une complémentarité entre eux à raison de leur capacité contributive » (P. ESTEBE, L’égalité des territoires. Une passion française, Puf, coll. La ville en débat, 2015, p. 35).
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[32]
L. HALBERT, L’avantage métropolitain, Puf, coll. La ville en débat, 2010.
-
[33]
Comme l’atteste la création en 2012 d’un ministère éponyme, suivie par celle d’une administration centrale (le Commissariat général à l’égalité des territoires), ainsi que la commande d’un (passionnant) rapport sur la question (E. LAURENT, Vers l’égalité des territoires…, rapport préc.).
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[34]
J. DONZELOT, « De quelle politique “L’égalité des territoires” est-elle le nom ? », Esprit, 2012-8, p. 6.
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[35]
Ainsi les dispositions du titre III de la loi NOTRe du 7 août 2015 sont-elles regroupées sous l’intitulé « Solidarité et égalité des territoires ».
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[36]
Qui peuvent être justifiées, au regard du principe d’égalité, autant par des « caractéristiques géographiques et économiques » (CC, 17 janvier 2002, n° 2001-454 DC, Loi relative à la Corse, cons. 29) que par des raisons d’intérêt général : ainsi, par exemple, en créant des métropoles susceptibles d’exercer des compétences attribuées aux départements et aux régions, le législateur « a entendu favoriser “un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire” afin de répondre aux enjeux économiques et aux besoins sociaux qui s’attachent à ce type de zones urbaines » (CC, 9 décembre 2010, n° 2010-618 DC, Loi de réforme des collectivités territoriales, cons. 50).
-
[37]
Ainsi, par exemple, la situation géographique et statutaire particulières des collectivités situées en outre-mer justifient qu’elles puissent bénéficier (contrairement à la Corse et sans méconnaissance du principe d’égalité), d’une dotation spécifique de l’Etat (« de continuité territoriale ») destinée à favoriser leur développement économique (CC, 17 juillet 2003, n° 2003-474 DC, Loi de programme pour l’outre-mer, cons. 24). De façon générale, « le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte, par l’octroi d’avantages fiscaux, des mesures d’incitation au développement et à l’aménagement de certaines parties du territoire dans un but d’intérêt général » (CC, 26 janvier 1995, n° 94-358 DC, Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, cons. 34).
-
[38]
J. CAVAILHES, J.-F. THISSE, « Faut-il choisir entre égalité des territoires et développement économique ? », in Vers l’égalité des territoires…, rapport préc., p. 364 ; P. ASKENAZY, P. MARTIN, « Promouvoir l’égalité des chances à travers le territoire », Les notes du CAE, n° 20, février 2015.
-
[39]
P. ASKENAZY, P. MARTIN, art. cit., pp. 9-s.
-
[40]
G. GILBERT, T. MADIES, « Concurrence des territoires et mécanismes de péréquation : stratégies dommageables et voies de réforme », in Vers l’égalité des territoires…, rapport préc., p. 418.
-
[41]
Notamment par le truchement de nouveaux schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité aux services et l’émergence des maisons de services « au » public, qui se substituent aux maisons « des » services publics initialement crées par la loi du 12 avril 2000 (v. art. 94 s. de la loi NOTRe).
-
[42]
V. not. P.-Y. CHICOT, « L’imprégnation économique du couple proximité et décentralisation », in P.-Y. CHICOT (dir.), Décentralisation et proximité. Territorialisation et efficacité de l’action publique locale, Dalloz, 2013, p. 131.
-
[43]
Art. 3 de la Constitution du 4 oct. 1958 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ».
-
[44]
Par sa décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a pris soin de ne pas fonder sur l’art. 3 de la Constitution le principe de l’élection (des élus locaux) sur une base démographique (mais sur les articles 1 et 24). V. sur ce point les analyses de G. CHAVRIER, Le pouvoir normatif local : enjeux et débats, préc., pp. 46-49.
-
[45]
M. VERPEAUX, « L’unité et la diversité dans la République », art. cit., p. 9.
-
[46]
V. not. B. FAURE, « Règlements locaux et règlements nationaux », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2014/1, n° 42, p. 43 ; « Aperçu sur le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales », in Du droit local à la territorialisation du droit…, préc., p. 95. Quant à l’idée de la compatibilité avec l’unité de la souveraineté d’un pouvoir réglementaire local exclusif et indépendant du pouvoir réglementaire étatique (non pas résiduel), v. G. CHAVRIER, Le pouvoir normatif local : enjeux et débats, préc., pp. 111-s.
-
[47]
J.-P. PASTOREL, « Le principe d’égalité en outre-mer », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2012/2, n° 35, p. 82 (l’auteur évoque ainsi « l’égalité comme garantie de l’unité normative »).
-
[48]
F. MELIN-SOUCRAMANIEN, « Les collectivités territoriales régies par l’article 73 », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2012/2, n° 35, p. 25.
-
[49]
R. FRAISSE, « Les collectivités territoriales régies par l’article 74 », ibid., p. 37.
-
[50]
V., M. JOYAU, « L’exercice de compétences normatives par les collectivités territoriales d’outre-mer », in Du droit local à la territorialisation du droit…, préc., p. 81.
-
[51]
C’est le cas de la Polynésie française (LO n° 2004-192, art. 7) et des îles Wallis-et-Futuna (loi n° 61-814, art. 4), où ne s’appliquent, dans les matières qui relèvent de la compétence de l’Etat, que les lois et règlements qui comportent une mention expresse à cette fin. La Nouvelle-Calédonie relève également de ce régime (art. 6-2 de la loi organique n°1999-209 du 19 mars 1999 tel qu’inséré par la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009).
-
[52]
Saint-Barthélémy (art. LO 6213-1 CGCT), Saint-Martin (art. LO 6313-1 CGCT), Saint-Pierre-et-Miquelon (art. LO 6413-1 CGCT) relèvent en effet pour l’essentiel du principe d’identité législative (application de plein droit des lois et règlements à l’exception seulement de celles relevant de la compétence de la collectivité en vertu de leur statut).
-
[53]
Comme c’est le cas de la Polynésie française (LO n° 2004-192, art. 1er), de Saint-Barthélémy (art. LO 6211-1 CGCT) et de Saint-Martin (art. LO 6311-1 CGCT).
-
[54]
Essentiellement, par-delà l’étendue de leurs compétences, en tant que ces collectivités « du pacifique » relèvent du principe de spécialité législative (il faut d’ailleurs inclure Wallis-et-Futuna). On rappellera, d’une part, que les actes réglementaires que la Polynésie peut prendre dans le domaine de la loi sont dénommés « lois du pays » (LO n°2004-192, art. 140) et que, d’autre part, la Nouvelle-Calédonie relève d’un statut (transitoire) particulier (elle n’est d’ailleurs pas expressément qualifiée de collectivité territoriale par la Constitution) qui explique que, en vertu de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 (constitutionnalisé aux art. 76 et 77), elle est la seule à disposer du pouvoir d’intervenir dans le domaine de la loi par des dispositions proprement (formellement) législatives (des « vraies » lois du pays), lesquelles ne peuvent être soumises qu’au contrôle du Conseil constitutionnel (v. N. CLINCHAMPS, « Le Conseil constitutionnel face à l’autonomie de la Nouvelle-Calédonie », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2012/2, n° 35, p. 61). La combinaison de la spécialité législative et d’un statut d’autonomie renforcée, parce qu’elle sous-tend la reconnaissance d’une spécificité locale, explique ainsi largement la relative absence, dans les textes constitutionnels et organiques, d’une exigence de conditionnalité de l’exercice du pouvoir normatif local par l’existence d’une différence objective de situation.
-
[55]
Qui doit être transmise au représentant de l’Etat, lequel peut la déférer au Conseil d’Etat.
-
[56]
Art. LO 6251-5 al. 3 CGCT (Saint-Barthélémy), LO 6351-5 al. 3 CGCT (Saint-Martin) et LO 6461-5 al. 3 CGCT (Saint-Pierre-et-Miquelon) ; art. LO 3445-2-I al. 3 (DOM) et LO 4435-2-I, al. 3 CGCT (ROM).
-
[57]
Selon que la demande d’adaptation porte sur une disposition législative ou réglementaire (v. art. LO 3445-6 et LO 4435-6 CGCT pour les DROM et LO 6251-8, LO 6351-8, LO 6461-8 CGCT pour les COM).
-
[58]
Au titre de l’art. 73 al. 1 pour les DROM et 74-1 pour les COM.
-
[59]
V. par ex., dans un contentieux de la QPC où le Conseil d’Etat, comme juge du filtre, valide la loi d’adaptation contestée, CE, 24 octobre 2014, Commune de Saint-Bon-Tarentaise, n° 382645 : « la situation budgétaire et financière très dégradée de ces communes [mahoraises] comme du département de Mayotte […], ainsi que la mise en œuvre progressive du processus de départementalisation de Mayotte peuvent être regardées comme constituant, au sens de l’article 73 de la Constitution, des «caractéristiques et contraintes particulières» de nature à permettre au législateur d’exclure, sans méconnaître le principe d’égalité, les communes mahoraises du champ d’application des dispositions [litigieuses] de la loi […] de finances pour 2014 » (nous soulignons).
-
[60]
Art. LO 3445-7 (adaptation) et LO 3445-11 CGCT (fixation) pour les DOM ; art. LO 4435-7 (adaptation) et LO 4435-11 CGCT (fixation) pour les ROM. Lesdites mesures sont uniquement susceptibles de recours juridictionnels devant le Conseil d’Etat.
-
[61]
V. art. LO 6214-3 (Saint-Barthélémy), LO 6314-3 (Saint-Martin) et LO 6414-1-II CGCT (Saint-Pierre-et-Miquelon). Et concernant les « lois du pays » en Polynésie, v. LO n° 2004-192, art. 140.
-
[62]
En tant, d’une part, qu’il rappelle que le statut des COM « tient compte des intérêts propres de chacune d’elles » (al. 1) et, d’autre part, qu’il prévoit que ces statuts peuvent consacrer le principe de spécialité législative (al. 3) et/ou doter les COM, avec le régime qui s’en suit, « de l’autonomie » (al. 7). Sur les implications de ce statut d’autonomie sur « l’indépendance des conditions d’exercice de leur pouvoir normatif » vis-à-vis du législateur, v. M. JOYAU, art. cit., p. 92.
-
[63]
La même disposition ouvre le statut respectif des trois COM soumises au principe d’identité législative (ainsi que celui de la Polynésie, art. 1er LO n° 2004-192) : « La République garantit l’autonomie [de Saint-Barthélémy/Saint-Martin/Saint-Pierre-et-Miquelon] et le respect de ses intérêts propres en tenant compte de ses spécificités géographiques, historiques et culturelles » (respectivement art. LO 6211-1, LO 6311-1 et LO 6411-1 CGCT).
-
[64]
Art. 18 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française. Précisons qu’un dispositif similaire existe pour la Nouvelle-Calédonie, à ceci près que, conformément à l’emploi de l’indicatif dans l’accord de Nouméa (art. 3.1.1) et la loi organique du 19 mars 1999 (art. 24), la promotion de l’accès des résidents à emploi local y a été interprétée non comme une faculté mais comme une obligation pour les autorités locales (CC, 21 novembre 2014, n° 2014-4 LP, Loi du pays relative à l’accès à l’emploi titulaire des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie, AJFP, 2015.193, note A. ZARCA ; AJDA, 2015.224, note J.-P. PASTOREL).
-
[65]
CE, 25 novembre 2009, Haut-commissaire de la République en Polynéie française, n° 328776, AJDA, 2010.624, note M. VERPEAUX.
-
[66]
La loi organique prévoit seulement, pour justifier la demande, « une délibération motivée » de la collectivité (art. LO 1113-2 CGCT).
-
[67]
Exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle, cité par G. CHAVRIER, Le pouvoir normatif local : enjeux et débats, préc., p. 73.
-
[68]
CC, 30 juillet 2003, n° 2003-478 DC, Loi organique relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales, cons. 3.
-
[69]
L. BAGHESTANI-PERREY, « Le pouvoir d’expérimentation normative locale, une nouvelle conception partagée de la réalisation de l’intérêt général », LPA, 17 mars 2004, p. 6 ; G. CHAVRIER, op. cit., p. 72.
-
[70]
Art. LO 1113-6 CGCT.
-
[71]
V. not. J. FIALAIRE, « Le droit à l’expérimentation des collectivités territoriales et la subsidiarité : les apparences et «faux-semblants» d’une prétendue territorialisation des normes », in J. FIALAIRE (dir.), Subsidiarité infranationale et territorialisation des normes. Etat des lieux et perspectives en droit interne et en droit comparé, PUR, 2004, p. 11 ; F. CROUZATIER-DURAND, « Proximité et expérimentation normative », in Décentralisation et proximité…, op. cit., p. 105 (spéc. p. 108).
-
[72]
A.-S. GORGES, Le principe d’égalité entre les collectivités territoriales, préc., p. 397.
-
[73]
V. not. art. L 3444-1, L 3344-2 et L 4433-3 s. et L 5915-1 s. CGCT.
-
[74]
Sur tous ces points, v. art. L 4422-16 CGCT.
-
[75]
Art. L 4221-1 al. 4 nouveau CGCT
-
[76]
V. Rapport J.-J. HYEST et R. VANDIERENDONCK, Au nom de la commission des lois du Sénat, n° 450, t. 1, p. 49.
-
[77]
Il faudrait ajouter, sur un plan légèrement différent, que la différenciation de l’action publique locale est tout à fait susceptible de se déployer à travers le pouvoir financier des collectivités, au titre des choix qui s’offrent à elles (modèles budgétaires, formes d’intercommunalité, modes de gestion et de financement des services publics…) : R. HERZOG souligne à ce sujet que « la variété d’options laisse des libertés réelles presque aussi grandes qu’un pouvoir réglementaire. Nous voulons souligner l’erreur de perspective des juristes qui considèrent que le pouvoir par excellence est le pouvoir réglementaire et que, en dehors de lui, il n’y a que des pouvoirs subalternes et secondaires » (R. HERZOG, « La différenciation territoriale du droit fiscal et financier », in Du droit local à la territorialisation du droit…, op. cit., p. 176).
-
[78]
Art. L 4422-16-II CGCT.
-
[79]
CC, 17 janvier 2002, n° 2001-454 DC, Loi relative à la Corse, cons. 12.
-
[80]
G. CHAVRIER rappelle à cet égard que, « jusqu’à cette loi, le législateur avait accordé aux régions la compétence pour accorder des aides directes aux entreprises, mais c’est l’Etat qui fixait par décret le régime de celles-ci (assiette, etc…), ce qui constituait un bon exemple de mesures contre-productives puisque chaque région présente une activité économique et des résultats différents nécessitant une politique d’aide différente » (op. cit., p. 121).
-
[81]
F. CROUZATIER-DURAND, « Les collectivités territoriales dans les politiques d’accès aux soins. Quels remèdes aux inégalités territoriales », in I. POIROT-MAZERES, L’accès aux soins. Principes et réalités, LGDJ, 2010, p. 247 (spéc. pp. 256-s.).
-
[82]
A propos de la détermination du régime indemnitaire des agents : CE, avis, sect., 20 mars 1992, Préfet du Calvados, Leb. 123, AJDA, 1992.293, concl. H. TOUTEE ; JCP 1993.II, n° 22100, note O. JOUANJAN ; CE, 27 nov. 1992, Fédération interco-CFDT, Leb. 426, AJDA, 1993. 208, note F.-X. AUBRY ; RFDA, 1994.770, note B. FAURE.
-
[83]
A propos de la détermination du régime de la durée et de l’aménagement du temps de travail des agents : CE, 9 octobre 2002, Fédération des services des personnels des départements et des régions CGT-FO et Fédération nationale Interco-CFDT, Leb. 426, AJDA 2002.1404, note M.-C. DE MONTECLER.
-
[84]
Sur toutes ces questions, v. en particulier G. CHAVRIER, op. cit., pp. 124-145.
-
[85]
Ainsi la fonction publique, en cause dans les affaires précitées (et contrairement par exemple au droit des aides régionales), reste-t-elle fondée sur une logique unitaire que traduisent le titre 1er du statut général (la loi du 13 juillet 1983) et, en matière de rémunération, le principe de parité entre fonctions publiques (CE, ass., 2 décembre 1994, Préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, Leb. 529, Cah. fonct. pub. mars 1995, p. 23, concl. J. ARRIGHI DE CASANOVA).
-
[86]
V., V. DONIER, Le principe d’égalité dans l’action sociale des collectivités territoriales, PUAM, 2005, pp. 84-s.
-
[87]
CC, 21 janvier 1997, n° 96-387 DC, Prestation spécifique dépendance (décision fondatrice dans laquelle le Conseil fonde celle-ci à la fois sur l’al. 11 du Préambule de 1946 et sur l’art. 1er de la Constitution de 1958 qui consacre l’égalité des citoyens devant la loi) ; CC, 18 décembre 2003, n° 2003-487 DC, Décentralisation en matière de RMI ; CC, 12 août 2004, n° 2004-503 DC, Loi relative aux libertés et responsabilités locales.
-
[88]
A savoir « la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénal, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral ». Concernant la Nouvelle-Calédonie, v. art. 3.3 de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 : « la justice, l’ordre public, la défense et la monnaie et les affaires étrangères resteront de la compétence de l’Etat jusqu’à [l’éventuel accès à l’indépendance] ».
-
[89]
CC, 12 février 2004, n° 2004-490 DC, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, cons. 18 (nous soulignons).
-
[90]
Art. 73 al. 4 et art. 74 al. 4.
-
[91]
Si lesdites COM peuvent en effet prendre, par exception, des actes dans des domaines législatifs qui continuent de relever de la compétence (régalienne) de l’Etat (art. 74 al. 11), tels par exemple l’état et la capacité des personnes, la recherche et constatation des infractions, l’entrée et le séjour des étrangers (Polynésie) ou le droit pénal (Saint-Barthélémy et Saint-Martin), ces actes supposent en tout état de cause, non seulement une habilitation préalable, mais aussi une approbation du gouvernement par décret, lequel doit être ratifié par la loi : v. art. 32 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 (Polynésie), art. LO 6214-5 (Saint-Barthélémy) et LO 6314-5 CGCT (Saint-Martin).
-
[92]
CC, 12 février 2004, n°2004-490 DC, préc., cons. 49.
-
[93]
F. LEMAIRE, « L’outre-mer, l’unité et l’indivisibilité de la République », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2012/2, n° 35, p. 95.
-
[94]
CC, 9 mai 1991, n° 91-290 DC, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.
-
[95]
Art. 72-3 (et dès avant, CC, 7 décembre 2000, n° 2000-435 DC, Loi d’orientation pour l’outre-mer, cons. 43).
-
[96]
M. VERPEAUX, « L’unité et la diversité dans la République », art. cit., p. 15.
-
[97]
Ibid. L’auteur souligne notamment que, pour les consultations relatives à l’avenir des collectivités situées outre-mer, le constituant a pris soin de prévoir que ce sont les « électeurs de la collectivité » et non les « populations » qui doivent être consultés.
-
[98]
Ibid., p. 12.
-
[99]
CC, 15 juin 1999, n° 99-412 DC, Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, cons. 6.
-
[100]
Par ex., Accords de Nouméa du 5 mai 1998, art. 1.3.3.
-
[101]
CC, 9 mai 1991, préc., cons. 37.
-
[102]
CC, 9 avril 1996, n° 96-373 DC, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, cons. 92.
-
[103]
Cette disposition n’ayant notamment pas eu pour effet de créer au profit des individus « un droit ou une liberté que la constitution garantit » (CC, 20 mai 2011, n° 2011-130, Mme Cécile L. et autres).
-
[104]
CE, ass., section de l’Intérieur, 30 juillet 2015, Avis sur le projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, n° 390268.
-
[105]
Art. 72 et art. 73 al. 6 ; V. également art. 74 al. 11 (ainsi que les art. 73 al. 4 et art. 74 al. 4, qui placent « la garantie des libertés publiques » parmi les matières régaliennes insusceptibles de décentralisation législative). On retrouve de surcroît la réserve formulée dans la loi organique (par ex. LO 3445-2 et LO 3445-9 CGCT pour les DOM ; art. 21-I-1°, LO 99-209 concernant la Nouvelle-Calédonie ; art. 14-2°, LO 2004-192 concernant la Polynésie) voire dans la loi ordinaire, par exemple à propos du pouvoir réglementaire d’adaptation en Corse (art. L 4422-16 al. 4).
-
[106]
CC, 18 janvier 1985, n° 84-185 DC, Loi modifiant les rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales, cons. 18.
-
[107]
CC, 9 avril 1996, préc., cons. 25.
-
[108]
P.-H. PRELOT, « Territorialisation du droit et régime des libertés publiques », in Du droit local à la territorialisation du droit…, op. cit., p. 119 (cit. p. 123).
-
[109]
Respectivement art. 149.1.1 (Constitution espagnole du 27 décembre 1978) et art. 117, al. 2 (Constitution italienne du 27 décembre 1947).
-
[110]
V., A. FAZI et P.-A. TOMASI, « L’encadrement de la différenciation législative : leçons italiennes et espagnoles », in Du droit local à la territorialisation du droit…, op. cit., p. 185 (spéc. p. 192).
-
[111]
V. not., évoquant dès 1998 la « banalisation » du pouvoir normatif des (anciens) territoires d’outre-mer, L. FAVOREU et autres, Droit constitutionnel, Dalloz, 1ère éd., 1998, p. 761 (n° 1165).
-
[112]
CC, 27 juin 2001, n° 2001-446, Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, cons. 20 : « les dispositions [en cause] du code de la santé publique, qui ont trait, respectivement, à la possibilité pour la femme enceinte que son état place en situation de détresse de demander l’interruption de sa grossesse, aux conditions d’exercice de l’autorité parentale lorsque la femme est mineure non émancipée et à la liberté, pour le médecin, de refuser de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, se rattachent, s’agissant des deux premiers articles, au droit des personnes et donc au droit civil, et s’agissant du troisième, aux garanties des libertés publiques, domaines qui relèvent, en vertu de l’article 6 de la loi organique précitée, de la compétence de l’Etat » (nous soulignons).
-
[113]
CC, 12 février 2004, n° 2004-490 DC, préc., cons. 39.
-
[114]
On pourra par exemple comparer une solution plutôt « uniformisatrice », en l’occurrence à propos de la liberté d’association (CE, ass., 29 avril 1994, Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, n° 119562), et une solution davantage « territorialiste », en l’occurrence à propos de la liberté du commerce et de l’industrie (CE, sect. 13 mai 1994, Assemblée territoriale de la Polynésie française, n° 112402).
-
[115]
V. la synthèse qu’en fait P.-H. PRELOT, art. cit., p. 124.
-
[116]
J.-P. PASTOREL, « Le principe d’égalité en outre-mer », art. cit., p. 92.
-
[117]
Art. cit., p. 124.
-
[118]
Ibid., p. 129.
-
[119]
A travers une démarche de type bottom-up. V., I. MULLER-QUOY, « Les articulations entre territorialisation et proximité », in Décentralisation et proximité…, op. cit., p. 17 (spéc. p. 26) ; O. COUSSI, A. KRUPICKA, N. MOINET, « L’intelligence économique territoriale. Utopie des territoires ou territoires des utopies ? », Communication et organisation, 2014/1, n° 45, p. 320. Sur le développement des logiques et méthodes contractuelles (Etat/périphérie) pour l’élaboration des normes, L. DEPUSSAY, « L’unité étatique au moyen des asymétries institutionnelles », RFAP, 2007-1, n° 121-122, p. 35 (spéc. p. 43).