Couverture de CIVIT_031

Article de revue

Le rôle de la France dans la crise malienne

Pages 145 à 180

Notes

  • [1]
    Résolution du Conseil de sécurité 2085 (2012) adoptée le 20 décembre 2012.
  • [2]
    J.-P. RÉMY, « Au Mali, Bamako salue l’intervention des troupes françaises », Le Monde, article paru le 14 janvier 2013 ; v. aussi « La France et nous », article paru le 14 juin 22013 sur le site Mali Jet et consultable à l’adresse suivante (http://www.malijet.com/actualte_dans_les_regions_du_mali/rebellion_au_nord_du_mali/74090-la-france-et-nous.html).
  • [3]
    « Le soutien militaire des pays occidentaux au Mali », Le Monde, article paru le 21 janvier 2013.
  • [4]
    A. GENESTE, « Le Conseil de sécurité apporte un soutien unanime à la France », Le Monde, article paru le 16 janvier 2013.
  • [5]
    H. SALLON, « La presse algérienne critique l’attitude « coloniale » de la France au Mali », Le Monde, article paru le 14 janvier 2013 ; E. Bouvier, « Intervention au Mali : la presse algérienne très critique », Le Figaro, article paru le 14 janvier 2013.
  • [6]
    N. CHAPUS, « Hollande et le Mali : quelques voix discordantes à droite et à gauche », Le Monde, article paru le 14 janvier.
  • [7]
    Ch. CHÂTELOT, « « VGE » dénonce le risque d’une action « néocolonialiste » au Mali », Le Monde, article paru le 16 janvier 2013 ; M. GALY, « Un nouvel avatar de la Françafrique. Paris en retard d’une décolonisation », Le Monde, article paru le 18 janvier 2013 ; M. ONFRAY, « M. Hollande ne comprend rien aux guerres idéologique du XXIe siècle », Le Monde, article paru le 21 avril 2013.
  • [8]
    S/RES/2085 (2012), § 9.
  • [9]
    S/RES/2085 (2012) §§ 13-14.
  • [10]
    J. DELIVANIS, La légitime défense en droit international public moderne. Le droit international face à ses limites, Thèse, LGDJ, 1971, p. 24 ; J. DÉTAIS, Les Nations Unies et le droit de légitime défense, Thèse, Faculté de droit d’Angers, 2007, pp. 14-15 et p. 70.
  • [11]
    V. pour un exemple récent CIJ, Conséquences juridique de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, Rec. 2004, p. 136, spé. § 138, p. 194. Voir aussi Th. CHRISTAKIS et K. MOLLARD-BANNELIER, « Volenti non fit injuria ? Les effets du consentement à l’intervention militaire », AFDI, 2004, pp. 102-137.
  • [12]
    S/RES/2100 (2013), § 18.
  • [13]
    P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, Droit international public, § 109, pp. 113 et s.
  • [14]
    P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., § 106, p. 111.
  • [15]
    P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, ibid. ; P. DAILLER, M. FORTEAU et A. PELLET, Droit international public, § 284, p. 441.
  • [16]
    P.-B. POTTER, « L’intervention en droit international moderne », RCADI, 1930, t. 2, p. 612.
  • [17]
    P. DAILLIER et A. PELLET, Droit international public, LGDJ, 8e éd., 2010, § 33, p. 76.
  • [18]
    R. ALBRECHT-CARRIÉ, « Les règles du jeu ou un retour au concert des puissances », Politique étrangère, n° 1, 1974, pp. 99-109, spé. p. 100.
  • [19]
    R. KOLB, Ius contra bellum : le droit international relatif au maintien de la paix, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 228, cité in T. CHRISTAKIS et K. BANNELIER, « Volenti non fit injuria ? Les effets du consentement à l’intervention militaire », op. cit., p. 102.
  • [20]
    Sans prétendre aucunement à l’exhaustivité, on citera pour exemples les interventions militaires des troupes du Pacte de Varsovie en Hongrie en octobre 1956 et en Tchécoslovaquie lors du printemps de Prague en 1968, mais aussi les interventions militaires américaines en Grèce en 1947, en Corée en 1950, au Liban en 1958, au Vietnam en 1961, en Afghanistan en 1979, au Nicaragua en 1981, au Panama en 1989.
  • [21]
    P.-B. POTTER, op. cit., p. 675.
  • [22]
    R. CHARVIN, « La doctrine américaine de la “souveraineté limitée” », RBDI, 11987, pp. 5-27.
  • [23]
    M. REISMAN, « Sovereignty and Human Rights in Contemporary International Law », AJIL, 1990, p. 872.
  • [24]
    P.-B. POTTER, op. cit., p. 630, p. 634 et p. 639.
  • [25]
    L. OPPENHEIM, International Law, a treatise, Longmans, Green and Co, vol. 1, 1905, § 134, pp. 180 et s.
  • [26]
    V. pour exemples T. KOMARNICKI, « L’intervention en droit international moderne », RGDIP, 1956, pp. 521-568 ; M. BENNOUNA, Le consentement à l’ingérence militaire dans les conflits internes, LGDJ, 1974 ; P.-B. POTTER, « L’intervention en droit international moderne », op. cit., p. 617 ; Ch. CHAUMONT, Préface, in M. BENNOUNA, Le consentement à l’ingérence militaire dans les conflits internes, op. cit..
  • [27]
    Charte des Nations Unies, art. 2 § 4 : « Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».
  • [28]
    P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, ibid.
  • [29]
    CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis), fond, arrêt du 27 juin 1986, Rec., p. 106, § 202.
  • [30]
    Institut de Droit International, Session de Wiesbaden, 1975, Le principe de non-intervention dans les guerres civiles, art. 2. 1 : « Les États tiers s’abstiendront d’assister les parties à une guerre civile sévissant sur le territoire d’un autre État ».
  • [31]
    R. KOLB, Ius contra bellum. Le droit international relatif au maintien de la paix, Précis, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 208 ; M. AKEHURST, « The use of force to protect nationals abroad », International Relations, vol. 5, 1977, p. 13.
  • [32]
    M. BENNOUNA, Le consentement à l’ingérence militaire dans les conflits internes, op. cit.
  • [33]
    C’est par la résolution 1973 (2011) du 17 mars 2011 que le Conseil de sécurité a légalement autorisé les États à mettre en place une zone d’exclusion aérienne afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils (§ 4).
  • [34]
    H. GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix, Livre II, Chapitre XXV, VII, 2, PUF, 2e éd., 2012 ; E. DE VATTEL, Le droit des gens ou principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des Nations et des Souverains, Washington, Carnegie, 1916, vol. I, livre II, chapitre IV, § 56, p. 298 ; A. ROUGIER, « La théorie de l’intervention d’humanité », RGDIP, 1910, pp. 486-526 ; E. PEREZ-VERA, « La protection d’humanité en droit international », RBDI, 1969, n° 2, pp. 401-424 ; F.-R. TESON, Humanitarian Intervention : An Inquiry into Law and Morality, Transnational Publishers, 3e éd., 2005 ; K. BOUSTANY, « Intervention humanitaire et intervention d’humanité. Évolution ou mutation en droit international ? », RQDI, vol. 8, n° 1 (1993-1994), pp. 103-111 ; B. SIERPINSKI, L’intervention d’humanité : un concept en mutation, Thèse, Montpellier, 1995.
  • [35]
    V. la résolution du Conseil de sécurité 1970 (2011) du 26 février 2011, 9e considérant : « Rappelant que les autorités libyennes ont la responsabilité de protéger le peuple libyen » et sa résolution 1971 (2011) du 17 mars 2011, 4e considérant : « Rappelant la responsabilité qui incombe aux autorités libyennes de protéger la population libyenne et réaffirmant qu’il incombe au premier chef aux parties à tout conflit armé de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la protection des civils ».
  • [36]
    « La mise en œuvre de la responsabilité de protéger », Rapport du Secrétaire général à l’Assemblée générale du 12 janvier 2009, A/63/677.
  • [37]
    Charte des Nations Unies, art. 2 § 7 : « Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte ; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l’application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII ».
  • [38]
    Cette indifférence est confirmée par la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale des Nations Unies, Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre États.
  • [39]
    P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., § 34, pp. 32-33.
  • [40]
    P. DAILLER, A. PELLET et M. FORTEAU, op. cit., § 272, p. 459.
  • [41]
    J. COMBACAU et S. SUR, Droit international public, Domat, Montchrestien, 9e éd., 2010, p. 279.
  • [42]
    V. sur ce point infra, la communication d’A. MOINE.
  • [43]
    S/RES/2056 (2012) du 5 juillet 2012, 3e considérant : « Condamnant la prise par la force, le 22 mars 2012, par certains éléments des forces armées maliennes, du pouvoir détenu par le Gouvernement malien démocratiquement élu ».
  • [44]
    S/RES/2085 (2012) du 20 décembre 2012, 4e considérant : « Condamnant vigoureusement l’ingérence persistante de membres des Forces de défense et de sécurité maliennes dans les activités des autorités de transition du pays ».
  • [45]
    V. sur ce point la communication de B. SIERPINSKI.
  • [46]
    Résolution de l’IDI précitée, art. 1 : « Aux fins de la présente Résolution, on entend par « guerre civile » les conflits armés de caractère non interétatique, conflits qui surgissent sur le territoire d’un État et qui mettent aux prises : a) le gouvernement établi avec un ou plusieurs mouvements insurrectionnels qui visent, soit au renversement du gouvernement ou du régime politique, économique ou social de l’État, soit à la sécession ou à l’autonomie d’une partie de cet État ».
  • [47]
    S/RES/2056 (2012) précitée, § 20 : « Demande instamment à tous les groupes rebelles présents au Mali de ne pas s’associer, sous quelque forme que ce soit, avec AQMI et de combattre la menace que représentent les groupes terroristes au Mali ».
  • [48]
    V. sur ce point la communication de M. DUBUY.
  • [49]
    S/RES/2056 (2012) précitée, 10e considérant : « Se disant vivement préoccupé par l’insécurité et la détérioration rapide de la situation humanitaire dans la région du Sahel, que viennent compliquer la présence de groupes armés et de groupes terroristes et leurs activités » et 11e considérant : « Se déclarant gravement préoccupé par la menace terroriste croissante dans le nord du Mali et la région, due à la présence de membres d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), réaffirmant que le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations constitue l’une des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité et que tous les actes de terrorisme, quels qu’ils soient, sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motivations, le moment ou les auteurs ».
  • [50]
    S/RES/2085 (2012), § 11.
  • [51]
    S/RES/2085 (2012), § 14.
  • [52]
    Le Conseil s’adressent aux « autres partenaires bilatéraux intéressés », v. S/RES/2085 (2012), § 11.
  • [53]
    S/RES/2085 (2012), §§ 6-25, particulièrement §§ 9-12.
  • [54]
    S/RES/2085 (2012), §§ 13-16.
  • [55]
    On met ici en avant le § 9 de la résolution 2085 : « Décide d’autoriser le déploiement au Mali, pour une durée initiale d’une année, de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), qui prendra toute mesure utile, dans le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme applicable et dans le respect le plus total de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’unité du Mali, pour accomplir les tâches suivantes : b) Aider les autorités maliennes à reprendre les zones du nord de son territoire qui sont contrôlées par des groupes armés terroristes et extrémistes et à réduire la menace posée par des organisations terroristes, y compris AQMI et le MUJAO et les groupes extrémistes y affiliés ».
  • [56]
    On mettrait alors ici en avant le § 14 qui lance cet appel à « tout type d’aide nécessaire » en le mettant précisément en rapport avec le mandat conféré à la MISMA : « Demande instamment aux États Membres et aux organisations régionales et internationales de fournir un appui coordonné à la MISMA, en étroite coordination avec celle-ci et avec les autorités maliennes, notamment sous la forme de formations militaires, de fourniture de matériel, de renseignement, d’appui logistique et de tout type d’aide nécessaire pour réduire la menace posée par des organisations terroristes, y compris AQMI, le MUJAO et les groupes extrémistes qui leur sont affiliés, conformément au § 9 b) ».
  • [57]
    C’est le terme employé par le Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies, G. ARAUD, lors de sa déclaration à la presse le 14 janvier 2013, (http://www.franceonu.org/la-france-a-l-onu/espace-presse/declarations-presse/points-de-presse/article/14-janvier-2013-mali-remarques-a-6794).
  • [58]
    V. le Décret n° 2013-364 du 29 avril 2013 portant publication de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Mali déterminant le statut de la force « Serval », signées à Bamako le 7 mars 2013 et à Koulouba le 8 mars 2013, JORF, n° 101 du 30 avril 2013, p. 7426, texte n° 1. L’accord dispose, dans ses visas, « Ayant à l’esprit la Charte des Nations Unies et les résolutions 2056 (2012), 2071 (2012) et 2085 (2012) du Conseil de sécurité, et à la demande expresse du gouvernement malien ».
  • [59]
    Compte rendu intégral des séances du mercredi 16 janvier 2013 à l’Assemblée Nationale (XIVe Législature), J.-M. AYRAULT, Premier ministre, invoque l’article 51 de la Charte des Nations Unies pour fonder l’intervention française (« La France s’inscrit dans le respect de la charte des Nations unies et de son article 51, en parfaite cohérence politique avec les résolutions du Conseil de sécurité. », JORF du 17 janvier 2013, p. 90), de même que É. GUIGOU, présidente de la commission des affaires étrangères (« La légalité de cette intervention est fondée. Le droit de légitime défense est reconnu par l’article 51 de la charte de l’ONU qui permet à un État confronté à une agression de demander l’assistance militaire d’un autre État », JORF du 17 janvier 2013, p. 99).
  • [60]
    Compte rendu intégral n° 39 de la séance du mercredi 16 janvier 2013 de la Commission de la défense nationale et des forces armées, lors de son audition, M. L. FABIUS, ministre des affaires étrangères déclare que la France « se fonde sur l’article 51 de la Charte des Nations unies, qui prévoit la possibilité d’une intervention militaire à l’appel d’un pays en situation de légitime défense (…). L’article 51 donne donc toute sa légalité à l’intervention de notre pays, ce que personne ne conteste », (p. 8).
  • [61]
    Conférence de presse du ministre des affaires étrangères, L. FABIUS, à Paris, le 11 janvier 2013 : « Mais depuis quelques jours, la situation s’est malheureusement détériorée très gravement et, profitant du délai entre les décisions internationales prises et le moment de leur application, les groupes terroristes et criminels du nord Mali ont décidé de descendre vers le sud. Leur objectif est, selon toute évidence, de contrôler la totalité du Mali pour y installer un État terroriste ».
  • [62]
    Dans le même sens v., Th. CHRISTAKIS et K. BANNELIER, « French Military Intervention in Mali : It’s Legal but… Why ? Part 1 : The Argument of Collective Self-Defense », article consultable sur le blog du European Journal of International Law à l’adresse suivante : (http://www.ejiltalk.org/french-military-intervention-in-mali-its-legal-but-why-part-i/#more-7483).
  • [63]
    J. ZOUREK, « La notion de légitime défense en droit international », AIDI, 1975, p. 46 ; A. von VERDROSS, « Idées directrices de l’ONU », RCADI, 1953-II, vol. 83, p. 62 ; H. KELSEN, The Law of the United Nations. A critical analysis of its fundamental problems, Stevens and Sons, London, 1951, pp. 791-792.
  • [64]
    Charte des Nations Unies, article 51 : « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée (…) ». La version anglaise utilise le terme de « inhérent right » et la version espagnole celle « derecho immanente ». Il est d’ailleurs déroutant de constater que, lors de leurs interventions officielles, les autorités françaises invoquent précisément « l’article 51 de la Charte » et non le droit coutumier de légitime défense de manière générale ; or, comme on le verra plus tard dans les développements qui suivent, l’article 51 en tant qu’acception codifiée de la légitime défense est plus restreint dans son champ d’application que le concept global de légitime défense tel qu’il émane de la norme coutumière. Le fait d’invoquer le droit coutumier plutôt que l’article qui codifie la coutume semble davantage laisser place à la discussion, mais les autorités françaises ont sans doute préféré se référer explicitement à la Charte pour se nimber de légitimité onusienne, quoiqu’elle ne soit pas opérante dans cette situation.
  • [65]
    L.-A. SICILIANOS, « L’invocation de la légitime défense face aux activités d’entités non étatiques », Hague Yearbook of International Law, 1989, p. 148.
  • [66]
    Y. DINSTEIN, War, Aggression and Self-Defence, 4th ed., Cambridge University Press, 2004, p. 196.
  • [67]
    A. RANDELZHOFER, « Article 51 », in B. SIMMA (dir.), The Charter of the United Nations. A commentary, 2e éd., 2002, p. 796. On peut préciser à cet égard que R. KOLB se situe au milieu du gué, entre ces deux courants doctrinaux, en estimant que l’attaque dont fait l’objet l’État qui souhaite invoquer la légitime défense doit être caractérisée par « un minimum de consistance et de dangerosité », Ius contra bellum, op. cit., p. 202.
  • [68]
    CIJ, Plates-formes pétrolières, République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique, arrêt, Rec., 2003, p. 161, spé. § 72, pp. 195-196.
  • [69]
    CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Rec., 1986, p. 103, § 193.
  • [70]
    Lors des travaux de la Commission du droit international relatifs au droit des traités, la CDI a présenté l’interdiction du recours à la force comme l’un « des exemples frappants d’une règle de droit international qui relève du jus cogens » (Ann. CDI, 1966-II, p. 270). La doctrine semble majoritairement accepter que ce principe relève du jus cogens, v. J. VERHOEVEN, Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 671 ; P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Droit international public, Paris, LGDJ, 8e éd., 2009, p. 967 ; N. SCHRIJVER, « Art. 2 § 4 », in J.-P. COT, A. PELLET et M. FORTEAU (dir.), La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Paris, Economica, 3e éd., 2005, vol. I, pp. 459 et s. ; cités in G. LE FLOCH, « Le principe de l’interdiction du recours à la force a-t-il encore valeur positive ? », Droit et Cultures, n° 57, 2009, pp. 49-76. Voir contra T. GARCIA, « Recours à la force et droit international », Perspectives internationales et européennes, n° 1, p. 29, qui, tout en reconnaissant que la majorité de la doctrine considère l’interdiction du recours à la force comme une règle de jus cogens, en constate la qualification en raison des exceptions qui y sont admises (légitime défense et Chapitre VII de la Charte des Nations Unies). La CIJ, dans l’affaire des Activités militaires, tout en reconnaissant que les États acceptent le caractère fondamental ou essentiel de cette interdiction coutumière, ne s’est pas prononcée sur le sujet, Rec., pp. 100-101, § 190. Plus généralement, sur le concept de jus cogens v. M. VIRALLY, « Réflexions sur le jus cogens », AFDI, 1966, pp. 5 et s.
  • [71]
    Pour une justification du caractère impératif de la règle prohibant le recours à la force v. O. CORTEN, Le droit contre la guerre. L’interdiction du recours à la force en droit international contemporain, Pedone, Paris, 2008, pp. 295-316.
  • [72]
    Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1974 portant Définition de l’agression, Article premier.
  • [73]
    Sur les différents critères de qualification du conflit, v. B. AURESCU, « Le conflit libanais de 2006. Une analyse juridique à la lumière de tendances contemporaines en matière de recours à la force », AFDI, 2006, pp. 141-144.
  • [74]
    Sur ce point, voir la communication de B. SIERPINSKI.
  • [75]
    É. DAVID, Principes de droit des conflits armés, 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 111, cité in B. AURESCU, op. cit., p. 142.
  • [76]
    Spécialement depuis les résolutions 1368 du 12 septembre 2001 et 1373 du 28 septembre 2001.
  • [77]
    S/RES/2085 (2012) précitée, avant-dernier considérant ; v. également les S/RES/2056 et 2071 qui réalise le même constat.
  • [78]
    La qualification d’actes de terrorisme est déjà présente dans la résolution du Conseil de sécurité S/RES/2056 (2012) du 5 juillet 2012, 11e considérant.
  • [79]
    Convention de Vienne sur le droit des traités du 1969, art. 62 : « Un changement fondamental de circonstances qui s’est produit par rapport à celles qui existaient au moment de la conclusion d’un traité et qui n’avait pas été prévu par les parties ne peut être invoqué comme motif pour mettre fin au traité ou pour s’en retirer, à moins que (…). b) Ce changement n’ait pour effet de transformer radicalement la portée des obligations qui restent à exécuter en vertu du traité ».
  • [80]
    Charte des Nations Unies, article 51 : « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, (…) jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales ».
  • [81]
    Déclaration du Conseil de sécurité des Nations Unies à la presse du 10 janvier 2013 (SC/10878 ; AFR/2502) : « Les membres du Conseil demandent à nouveau aux États membres d’accompagner le règlement de la crise au Mali et, en particulier, de fournir une assistance aux Forces de défense et de sécurité maliennes afin d’atténuer la menace que représentent les organisations terroristes et les groupes qui y sont affiliés ». C’est nous qui soulignons.
  • [82]
    Déclaration à la presse le 14 janvier 2013 du Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies, G. ARAUD, consultable à l’adresse suivante : (http://www.franceonu.org/la-france-a-l-onu/espace-presse/declarations-presse/points-de-presse/article/14-janvier-2013-mali-remarques-a-6794).
  • [83]
    Ibid.
  • [84]
    Ibid.
  • [85]
    CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, fond, Rec., 1986, § 176, p. 94 ; CIJ, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Rec., 1996, § 41, p. 245. V. aussi B. SIERPINSKI, « La légitime défense en droit international : quelques observations sur un concept juridique ambigu », Revue québécoise de droit international, 2006, p. 80. V. également le débat qui a eu lieu sur le site de la revue Actualité et droit international à la suite des attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis : (http://www.ridi.org/adi/debat/usalegdef.htm).
  • [86]
    Pour une présentation de l’argumentation qui défend la possibilité d’une autorisation implicite, v., M.-E. O’CONNELL, « La doctrine américaine et l’intervention en Iraq », AFDI, 2003, pp. 3-16, spé. pp. 5-8 ; M. IOVANE et F. DE VITTOR, « La doctrine européenne et l’intervention en Iraq », AFDI, 2003, pp. 17 et s., spé. pp. 23-25.
  • [87]
    Cette discussion doctrinale a notamment été ravivée à la suite des interventions militaires au Kosovo en 1999 et en Iraq en 2003. Sans prétendre à l’exhaustivité, étant donnée l’ampleur de la question, on peut notamment renvoyer à O. CORTEN et F. DUBUISSON, « L’hypothèse d’une règle émergente fondant une intervention militaire sur une autorisation implicite du Conseil de sécurité », RGDIP, 2000/4, pp. 873-918 ; O. CORTEN, « Opération Iraqi Freedom : Peut-on admettre l’argument de l’« autorisation implicite » du Conseil de sécurité ? », RBDI, 2003-1, pp. 205-247 ; S. SUR, « L’affaire du Kosovo et le droit international : points et contrepoints », AFDI, 1999, pp. 280-291, spé. pp. 286-287 ; Y. NOUVEL, « La position du Conseil de sécurité face à l’action militaire engagée par l’OTAN et ses États membres contre la République fédérale de Yougoslavie », AFDI, 1999, pp. 292-307 ; LOBEL et RATNER, « Bypassing the Security Council : Ambiguous authorizations to Use of Force, Ceasefires and the Iraqi Inspection Regime », AJIL, 1999, 93, pp. 124-154 ; L.-A. SICILIANOS, « L’autorisation par le Conseil de sécurité de recourir à la force : une tentative d’évaluation », RGDIP, 2002, p. 43.
  • [88]
    Une nouvelle fois, sans prétendre à l’exhaustivité, on peut notamment renvoyer à MG KOHEN, « L’emploi de la force et la crise du Kosovo : vers un nouveau désordre juridique mondial », RBDI, 1999, pp. 122-148 ; P. WECKEL, « L’emploi de la force contre la Yougoslavie ou la Charte fissurée », RGDIP, 2000, p. 19 ; O. CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 561-568 ; Ch. GRAY, International Law and the Use of Force, 2e éd., O.U.P., 2004, pp. 267-270 ; R. KOLB, Ius contra bellum, op. cit., pp. 101-102 ; R. HIGGINS, « International Law in Changing International System », Cambridge Law Journal, 1999, vol. 58, pp. 78-95 ; B. SIMMA, « NATO, the UN and the Use of Force : Legal Aspects », EJIL, 1999, pp. 1-22, spé. p. 11 ; Y. DISTEIN, War, Agression and Self Defence, op. cit., p. 314 ; F. DUBUISSON, « La problématique de la légalité de l’opération “Force Alliée” contre la Yougoslavie : enjeux et questionnements », in O. CORTEN et B. DELCOURT, Droit, légitimation et politique extérieure : L’Europe et la guerre du Kosovo, coll. Droit international, Bruylant, Université de Bruxelles, 2001, p. 158 ; M. DUBUY, La « guerre préventive » et l’évolution du droit international public, Thèse, Nancy, 2008, p. 807.
  • [89]
    Ce terme est emprunté à l’article de B. AURESCU, « Le conflit libanais de 2006. Une analyse juridique à la lumière de tendances contemporaines en matière de recours à la force », op. cit.
  • [90]
    Dans le même sens, v. O. CORTEN, The Law Against War, Hart, 2010, p. 197, qui estime que « the inter-State character of [article 51] has been confirmed in practice since 11 September 2001 », cité in T. CHRISTAKIS et K. BANNELIER, « French Intervention in Mali : it’s Legal but…Why ? », op. cit.
  • [91]
    Sur ce point, voir la communication de M. DUBUY.
  • [92]
    CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis), fond, arrêt du 27 juin 1986, Rec., 1986, p. 14, spé §§ 75-125, pp. 45-70.
  • [93]
    CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, 9 juillet 2004, Rec., 2004, p. 136 ; confirmé par CIJ, Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), 19 décembre 2005, Rec., 2005, p. 168.
  • [94]
    CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur…, op. cit., opinion individuelle du Juge BUERGENTHAL, § 6 et opinion individuelle du juge Kooijmans, § 35.
  • [95]
    CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur…, op. cit., opinion individuelle du Juge HIGGINS, §§ 33-34.
  • [96]
    O. CORTEN, « L’interdiction du recours à la force dans les relations internationales est-elle opposable aux groupes terroristes ? » in R. BEN ACHOUR et S. LAGHMANI (dir.), Acteurs non étatiques et droit international, Colloque de Tunis des 6, 7 et 8 avril 2006, Paris, Pedone, 2007, p. 152 ; P. KLEIN, « Le droit international à l’épreuve du terrorisme », RCADI, vol. 321, 2006, p. 406 ; F. DUBUISSON, « La guerre du Liban de l’été 2006 et le droit de la légitime défense », RBDI, 2006/2, p. 543.
  • [97]
    L.-A. SICILIANOS, « L’invocation de la légitime défense face aux activités d’entités non étatiques », Hague Yearbook of International Law, 1989, p. 153 ; Ph. WECKEL, « Nouvelles pratiques américaines en matière de légitime défense ? » (http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/9_128-137.pdf).
  • [98]
    P.-M. EISEMANN, « Attaques du 11 septembre et exercice d’un droit naturel de légitime défense » in K. BANNELIER, TH. CHRISTAKIS, O. CORTEN et B. DELCOURT (dir.), Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Paris I, Cahiers internationaux n° 17, Pedone 2002, p. 243.
  • [99]
    L.-A. SICILIANOS, op. cit., pp. 153-155.
  • [100]
    Projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales, adopté par la Commission du droit international en 2011 lors de sa 63è session, Annuaire CDI, 2011, vol. II (2).
  • [101]
    Projet d’articles précité, Chapitre V – Circonstances excluant l’illicéité, article 21 : « L’illicéité du fait d’une organisation internationale est exclue si et dans la mesure où ce fait constitue une mesure licite de légitime défense en vertu du droit international ».
  • [102]
    B. AURESCU, op. cit., pp. 151-152.
  • [103]
    Th. FRANCK, « Terrorism and the Right of Self-Defence », AJIL, 2001, vol. 95, p. 840.
  • [104]
    P.-M. DUPUY, « L’unité de l’ordre juridique international – Cours général de droit international public », RCADI, vol. 297, 2002, pp. 109-114.
  • [105]
    CIJ, Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif du 11 avril 1949, Rec., p. 178.
  • [106]
    Compte rendu provisoire de la réunion du Conseil de sécurité du 22 janvier 2013, S/PV.6905, déclaration de M. BOUREIMA, p. 15.
  • [107]
    Compte rendu provisoire précité.
  • [108]
    Il faut également souligner que la déclaration à la presse du Conseil de sécurité sur le Mali du 10 janvier 2013 qui prend acte du lancement de l’opération Serval n’évoque même pas l’argument de légitime défense mis en avant par les autorités françaises, v. SC/10878 et AFR/2502.
  • [109]
    V. le Décret n° 2013-364 du 29 avril 2013 précité, note 57.
  • [110]
    On peut consulter ces différentes déclarations à l’adresse suivante : (http://basedoc.diplomatie.gouv.fr/vues/Kiosque/FranceDiplomatie/kiosque.php?fichier=bafr2013-01-17.html#Chapitre5).
  • [111]
    Ph. WECKEL, « Mali, l’intervention française et la gestion africaine de la crise », Sentinelle, bull. 331, 20 janvier 2013, (http://www.sentinelle-droit-international.fr/bulletins/a2013/20130120_bull_331/bulletin_sentinelle_331.php#408).
  • [112]
    Ph. WECKEL, « L’intervention militaire de la France au Mali », Sentinelle, bull. 330, 13 janvier 2013, consultable à l’adresse suivante : (http://www.sentinelle-droit-international.fr/bulletins/a2013/20130113_bull_330/bulletin_sentinelle_330.php#405).
  • [113]
    M. DUBUY, La « guerre préventive » et l’évolution du droit international public, thèse précitée, pp. 171-176.
  • [114]
    J. DELIVANIS, La légitime défense en droit international public moderne. Le droit international face à ses limites, op. cit., p. 3 et p. 18.
  • [115]
    R. De LACHARRIÈRE illustre ainsi une « absurdité» d’interprétation de l’article 51 en estimant que si cette disposition énonce que la légitime défense est permise « dans le cas où un membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée », cela ne signifie pas que ce droit est restreint à la seule agression armée, ni que ce droit n’est ouvert qu’aux seuls État membres des Nations Unies, Préface à la thèse de J. DELIVANIS, op. cit., p. XIII.
  • [116]
    Ph. WECKEL, « Mali, l’intervention française et la gestion africaine de la crise », op. cit.
  • [117]
    Th. CHRISTAKIS et K. BANNELIER, « French Military Intervention in Mali : It’s Legal but… Why ? », op. cit.
  • [118]
    CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, adopté par la Commission à sa 53e session en 2001, Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II (2), Chapitre V – Circonstances excluant l’illicéité, article 21 : « L’illicéité du fait de l’État est exclue si ce fait constitue une mesure licite de légitime défense prise en conformité avec la Charte des Nations Unies. ». V. également Th. CHRISTAKIS et K. MOLLARD-BANNELIER, « Volenti non fit injuria ? Les effets du consentement à l’intervention militaire », op. cit., p. 111.
  • [119]
    Th. CHRISTAKIS et K. BANNELIER, « French Military Intervention in Mali : It’s Legal but… Why ? », op. cit.

Introduction

1Au cours de la crise malienne, la France s’est présentée comme le bras armé de la communauté internationale qui tardait à intervenir, alors que les autorités maliennes appelaient à l’aide et que les activités de groupes armés, sévissant dans le nord du pays, menaçaient l’existence même de l’État malien.

2L’opération militaire française Serval déployée à partir du 10 janvier 2013 a ainsi permis d’éviter la prise de la capitale malienne par ces groupes armés et a entamé la reconquête du nord du territoire.

3Au moment du déploiement de l’opération Serval, les autorités françaises ont avancé plusieurs fondements à cette opération militaire menée en territoire étranger : la France a estimé qu’elle intervenait à la demande du gouvernement malien, au titre de la légitime défense collective, dans le cadre de la légalité internationale telle qu’elle résultait notamment de la résolution 2085 du Conseil de sécurité, adoptée le 20 décembre 2012 [1].

4L’intervention française a été accueillie avec enthousiasme de la part de la population malienne [2] et soutenue unanimement par l’ensemble des pays occidentaux [3], notamment par les autres membres permanents du Conseil de sécurité [4] ; elle ne semblait donc pas, a priori, soulever de problèmes concernant sa légalité vis-à-vis du droit international. Et pourtant…

5Pourtant, des voix se sont tout d’abord élevées, notamment dans la presse algérienne [5] mais aussi dans l’opposition française [6], pour dénoncer le retour de la politique de la Françafrique [7], jugeant que l’intervention française pour assister le Mali cachait en réalité la volonté de la France de jouer au gendarme de l’Afrique afin d’y préserver son influence et ses intérêts.

6Ces critiques soulevaient ainsi la question de la légitimité et de la légalité d’une intervention militaire sollicitée en territoire étranger, voire la possibilité, pour un État, de répondre à une demande d’assistance de nature militaire émise par un autre État, afin de rétablir l’ordre sur le territoire de l’État sollicitant.

7En outre, la résolution du Conseil de sécurité, que la France invoquait comme l’une des bases légales de son intervention et qui décide précisément de la création de la MISMA [8], ne semble pas, a priori, donner une autorisation claire et non équivoque, pour les États ne participant pas à cette opération internationale, de recourir à la force armée sur le territoire malien [9].

8L’invocation, par la France, de ce texte comme fondant son intervention militaire au Mali soulève alors un problème d’interprétation de la résolution afin de déterminer s’il est possible d’envisager l’existence, dans ce texte, d’une autorisation tacite de recourir à la force armée.

9Enfin, l’invocation, par les autorités françaises, de l’argument de la légitime défense collective soulève un double problème, relatif à la fois à la logique juridique et au champ d’application de la légitime défense.

10D’une part, il n’est pas juridiquement logique d’invoquer de manière concomitante la légitime défense avec une résolution du Conseil de sécurité basée sur le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies puisque la légitime défense constitue un mécanisme autonome de défense, subsidiaire du système de sécurité collective [10]. La légitime défense n’a de raison d’être invoquée que lorsque le système de sécurité collective institué par le Chapitre VII est défaillant ou n’a pas encore été mis en œuvre.

11D’autre part, la France a invoqué la légitime défense pour riposter à des attaques armées menées par des groupes privés, alors que la CIJ a toujours interprété strictement ce concept, la légitime défense ne permettant selon elle de répondre qu’à une agression armée menée par un État sur le territoire d’un autre État [11].

12L’utilisation, par la France, de l’argument de la légitime défense comme l’un des fondements de son intervention militaire au Mali soulève alors la question de l’adaptation de la légitime défense à des attaques armées lancées par des entités non étatiques. Dès lors qu’elle est, en outre, invoquée conjointement avec une résolution du Conseil de sécurité adoptée dans le cadre du système de sécurité collective, la pertinence de son adaptation est d’autant plus mise en doute.

13Au regard des interrogations ainsi soulevées, cette communication fait alors le choix de concentrer l’analyse sur le principe même de l’intervention militaire française au Mali, qui, seul, soulève des problèmes juridiques, puisque, par la suite, la résolution 2100 du Conseil de sécurité adoptée le 25 avril 2013 a explicitement autorisé la France à recourir à la force armée sur le territoire malien, en soutien de la MINUSMA [12].

14L’argumentation des autorités françaises visant à fonder la légalité de l’opération Serval au Mali combine trois moyens qui sont la sollicitation du gouvernement malien, la résolution 2085 du Conseil et la légitime défense. Néanmoins, chacun de ces arguments pris isolément semble être insuffisant pour fonder de manière autonome la légalité de l’intervention française : la sollicitation du gouvernement malien s’avère douteuse ; la résolution du Conseil se révèle être équivoque ; l’argument de la légitime défense apparaît inadapté. L’argumentaire français semble alors caractérisé par une surabondance de moyens, dont aucun ne peut, à lui seul, valablement attester de la légalité de l’intervention militaire au Mali.

15Néanmoins, si chaque argument pris isolément est inapte à fonder la légalité de l’opération Serval, il est possible d’envisager que leur combinaison puisse permettre, au prix d’une construction intellectuelle certes captieuse, de considérer comme légale l’intervention militaire française. La résolution du Conseil viendrait à l’appui de la demande d’aide du gouvernement malien, sans laquelle son bien-fondé resterait douteux (I) et une torsion de l’argument de légitime défense permettrait de dépasser la résolution du Conseil, débordée par les événements (II).

16Or, un tel exercice conceptuel ne résiste pas aux données factuelles et juridiques de la situation au Mali et il semblerait qu’on ne puisse dès lors conclure qu’à la non-conformité de l’opération française Serval au droit international public. L’argumentation spécieuse des autorités françaises ne peut alors cacher le fait que le principe de l’opération Serval se situe en dehors du droit, hors la loi. Ainsi, de manière déconcertante, l’intervention militaire française se révèle être une guerre contre le terrorisme qui, quoique légitime et célébrée avec enthousiasme par les membres de la communauté internationale, reste illégale au regard du droit international.

I – Une sollicitation impossible et insuffisamment légitimée par le Conseil de sécurité

17L’intervention sollicitée consiste en la demande, formulée par le gouvernement effectif et légitime d’un État à l’égard de celui d’un autre État, d’agir sur son territoire [13]. L’intervention sollicitée serait donc une exception licite au principe de non intervention qui interdit aux États de faire usage de la force armée sur le territoire d’un autre État, au nom du respect de l’intégrité territoriale [14].

18Cependant, l’étendue du principe de non-intervention comme les circonstances propres à la crise malienne rendent problématique l’invocation de la demande émise par le gouvernement malien comme base légale de l’opération Serval. C’est le recours à la résolution 2085 du Conseil de sécurité qui, seul, permettrait de consolider ce fondement juridique ; or, il n’est pas du tout certain que l’interprétation de la résolution 2085 du Conseil puisse permettre de déduire l’existence d’une autorisation faite aux États d’intervenir militairement sur le territoire malien. Il semble bien au contraire que l’argument de la sollicitation, en ce qu’il devrait nécessairement être soutenu par une interprétation particulièrement large de la résolution du Conseil, ne puisse pas être invoqué comme base légale de l’intervention militaire française au Mali.

A – L’impossible argument autonome de la sollicitation

19L’intervention militaire française au Mali ne peut pas être valablement fondée sur la sollicitation du gouvernement malien et ce au regard de deux catégories d’arguments. Tout d’abord, le droit positif apparaît relativement indéterminé en ce qui concerne l’étendue du principe de non-intervention et donc des exceptions qui peuvent y être admises. En outre, les conditions que l’on pourrait éventuellement dégager pour permettre de fonder l’intervention militaire française sur le territoire malien ne sont clairement pas réunies dans le cas de la crise malienne.

1 – L’acception du principe d’intervention en droit international public : l’intervention au regard du principe de non-ingérence

20Le principe de non-intervention est topique des contradictions propres au droit international car il révèle le hiatus qui peut s’instaurer entre ce que, d’un côté, la CIJ estime consacrer comme étant le droit positif, et de l’autre, ce dont témoignent la doctrine et la pratique effective des États.

21Le principe de non-intervention signifie qu’aucun État ne doit méconnaître l’intégrité territoriale d’un autre État, interdisant ainsi aux États de faire usage de la force armée sur le territoire d’un autre État [15].

22Au regard du droit international public moderne (que l’on peut circonscrire de l’adoption du Traité de Westphalie jusqu’à l’adoption de la Charte des Nations Unies), aucun principe généralement admis ne se dégage de la pratique des États en ce qui concerne l’intervention militaire en territoire étranger [16]. Il n’est pas possible d’affirmer ni d’infirmer l’existence d’un principe qui prohibe l’intervention militaire d’un État sur le territoire d’un autre État.

23Durant la période moderne, les inégalités de puissance qui existaient entre les différents États ont conduit les plus forts à imposer leurs vues aux plus faibles et cette monopolisation de fait du pouvoir s’est concrétisée, notamment par l’institutionnalisation du Directoire européen lors de la signature du Traité de Paris en 1815 [17]. Selon les États membres du Directoire, les inégalités de fait devaient être acceptées, assumées et traduites en droit afin de mettre en place un système institutionnel qui puisse effectivement maintenir la stabilité et la sécurité de l’ordre international. Tout au long du XIXe siècle, les grandes puissances se sont ainsi octroyé un contrôle décisif sur la conduite des relations internationales en se comportant comme un gouvernement de fait qui niait juridiquement le principe de l’égalité souveraine des États [18].

24L’adoption de la Charte des Nations Unies ne renverse pas totalement la situation car, quand bien même ce texte, qui cherche à fonder un nouvel ordre mondial, semble consacrer un principe de non-intervention, la pratique des États qui s’en est suivie apparaît tout autant comme une contestation que comme une confirmation de l’existence de cette règle.

25En effet, la pratique chaotique [19] des États en matière d’intervention n’a pas été infléchie par l’adoption de la Charte, ainsi que peut en témoigner l’ensemble des interventions militaires pratiquées pendant la guerre froide [20].

26Il en résulte une doctrine divisée sur la question. Au regard de la pratique étatique, certains auteurs semblent se résigner en considérant que l’intervention militaire ne serait pas interdite par le droit international puisqu’elle constitue une pratique continuellement suivie par les États. Fidèles à la tradition du positivisme volontariste qui fait de la seule volonté des États le fondement des règles du droit international public, ces auteurs ne peuvent que déduire des pratiques étatiques l’existence des normes positives gouvernant l’ordre juridique international. Ainsi, en constatant que les États pratiquent effectivement des interventions militaires à l’étranger, ces auteurs estiment alors nécessaire d’en déduire l’existence d’une règle permissive en matière d’intervention en territoire étranger [21]. Cette règle permissive serait ancrée dans un éventuel droit d’intervention pro démocratique, largement invoqué par la doctrine américaine tout au long de la guerre froide, et qui consisterait à protéger la démocratie et à garantir l’autodétermination des peuples, c’est-à-dire in fine les buts défendus par les Nations Unies [22]. Un tel droit d’intervention pro démocratique ne serait, aux yeux de ces auteurs, aucunement attentatoire à la souveraineté des États sur le territoire desquelles sont lancées de telles interventions [23].

27Mais à l’inverse, d’autres auteurs cherchent à démontrer que toute intervention serait par principe contraire à l’idée d’égalité souveraine des États. Ces auteurs s’inscrivent dans la lignée philosophique des fondateurs de la doctrine moderne non-interventionniste, enfants de la Révolution française de 1789 et exaltant la souveraineté populaire, qui condamnèrent l’intervention extérieure des puissances étrangères en France pour y maintenir la monarchie. Imprégnée des conceptions philosophiques et sociologiques de l’humanisme des XVIIe et XVIIIe siècles, formulées par Wolff, Kant et Rousseau, prônant l’égalité et la liberté [24], cette doctrine non interventionniste a toujours défendu des principes qui se distinguaient de la pratique suivie par les États tout au long du XIXe siècle. Aux yeux des auteurs contemporains, l’intervention souffre d’un problème de définition : elle n’est pas un concept neutre car elle signifie inéluctablement une imposition de la volonté d’un État à l’encontre d’un autre État. L’intervention ne peut s’apparenter qu’à une véritable ingérence dictatoriale [25], elle est une immixtion imposée de la part d’un État dans les affaires d’un autre État afin de lui imposer une ligne de conduite déterminée [26].

28Malgré cette controverse doctrinale, force est de constater que l’adoption de la Charte des Nations Unies consacre indiscutablement l’existence d’un principe de non-intervention, mais sans pour autant rendre sa portée plus claire. En effet, la Charte énonce conjointement l’existence du principe de non-intervention et de celui de non-ingérence, en les mettant tous deux en rapport avec l’interdiction du recours à la force [27].

29Bien qu’ils soient relativement proches et qu’ils puissent être considérés comme les deux faces d’une même pièce, ces deux principes doivent être distingués, mais leur confusion est entretenue par la CIJ depuis l’affaire des Activités militaires de 1986 [28]. En effet la Cour a affirmé dans cet arrêt que « Le principe de non-intervention met en jeu le droit de tout État souverain de conduire ses affaires sans ingérence extérieure » [29]. Or, lorsqu’il énonce l’interdiction faite aux États d’intervenir sur le territoire d’un autre État, le principe de non-intervention tend à la protection de l’intégrité territoriale des États, alors que le principe de non-ingérence vise à protéger l’autonomie politique des États, poursuivant ainsi la garantie de l’indépendance des États quant à leurs choix politiques.

30L’amalgame réalisé par la Cour est néanmoins instructif car on peut en déduire qu’il pourrait exister des exceptions au principe de non-intervention, tant que celles-ci ne porteraient pas atteinte au principe de non-ingérence.

31Un État ne serait donc pas autorisé à intervenir militairement sur le territoire d’un autre État si cette intervention a pour but une conquête de territoire ou l’imposition de choix politiques. Au regard du principe de non-ingérence, le principe de non-intervention interdit alors à un État d’intervenir militairement sur le territoire d’un autre État afin d’arbitrer une guerre civile, quand bien même le gouvernement de cet État solliciterait de manière totalement libre et explicite une telle intervention étrangère [30].

32Appliqué à la situation sécuritaire malienne, le principe de non-intervention autoriserait cependant a contrario les forces françaises sollicitées par le gouvernement malien à intervenir militairement sur son propre territoire et à sa demande, afin de l’aider à restaurer son autorité.

2 – La délégitimation par le Conseil de sécurité du gouvernement malien issu du putsch militaire interdisant la sollicitation

33Aujourd’hui encore l’étendue du principe de non-intervention est incertaine ; ce principe s’efface lorsqu’un État sollicite l’intervention d’un État allié mais il joue encore avec vigueur lorsque la demande d’intervention met en rapport des États aux relations plus fluctuantes.

34Néanmoins, certains arguments juridiques sont avancés par les États pour fonder une intervention militaire sur le territoire d’un autre État, manifestant ainsi leur volonté de fonder en droit et de manière irrécusable une intervention militaire en territoire étranger et dès lors, a contrario, l’existence tangible du principe de non-intervention en droit positif. Si certains arguments, bien que toujours invoqués aujourd’hui, sont encore discutables au regard du droit positif, d’autres paraissent à présent incontestables, comme notamment, la sollicitation par le gouvernement de l’État. C’est ce motif qui, au regard de l’argumentation des autorités françaises, était censé fonder l’opération Serval au Mali, mais qui, en réalité, est infirmé par l’analyse des faits.

35Certains arguments comme la protection des nationaux [31] ou des biens d’un État à l’étranger ont été invoqués par les États pour fonder une intervention militaire sur le territoire d’un autre État. Or l’argument de la protection par les États de leurs ressortissants à l’étranger ne semblait que trop dissimuler leur dessein de s’immiscer dans les affaires intérieures de l’État sur le territoire duquel ils envisageaient d’intervenir. Il semble aujourd’hui que le droit international ne permette pas que la protection des personnes ou des biens d’un État situés à l’étranger puisse valablement fonder un recours à la force en territoire étranger [32].

36Un autre argument est toujours invoqué par les États pour fonder une exception essentielle au principe de non-intervention, alors que sa juridicité est discutable et que la doctrine n’est pas unanime à cet égard, il s’agit de l’intervention d’humanité. L’opération en Libye en 2011, initiée par la France, en constitue un exemple éclatant [33] et la situation en Syrie, lancinante depuis plus de deux ans, a été l’occasion d’en relancer le débat à la fin de l’été 2013. Cette exception permettrait de fonder un recours à la force armée sur le territoire d’un État par d’autres États dans le but de protéger la vie des nationaux de l’État sur le territoire duquel se déroulerait l’intervention militaire. L’existence de cette exception au principe de non-intervention reste discutée en droit positif, alors même que certains membres de la doctrine plaident pour sa consécration [34]. Le droit positif semblerait aujourd’hui lui préférer le concept de responsabilité de protéger [35], signifiant ainsi que lorsqu’un État faillit dans sa responsabilité d’assurer la sécurité de sa population sur son propre territoire, il incombe alors à l’ensemble de la communauté internationale d’accomplir les actions nécessaires à la préservation de la vie de cette population. L’idée de responsabilité de protéger traduit ainsi la substitution de la communauté internationale à l’État défaillant qui n’est pas en mesure d’assumer les obligations qui découlent de son statut d’État souverain, l’ensemble des États, sous le contrôle du Conseil de sécurité des Nations Unies, venant ainsi pallier les déficiences de l’État qui met sa propre population en danger [36].

37Aux côtés de ces motifs contestables, deux autres arguments, incontestables, permettent de fonder des exceptions au principe de non intervention et de faire ainsi usage de la force armée sur le territoire d’un État.

38Il s’agit d’une part du maintien de la paix et de la sécurité internationale au travers du mécanisme de sécurité collective, institué par le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Le recours au Chapitre VII apparaît comme la base légale permettant de fonder la seule exception indéniable au principe de non intervention car le principe de non-ingérence, qui doit selon nous servir de critère d’analyse au principe de non intervention, ne saurait en rien porter préjudice au système de sécurité collective institué par les dispositions du Chapitre VII [37].

39D’autre part, un second motif permet de fonder une intervention militaire sur un territoire étranger et c’est ce motif qui a été invoqué par les autorités françaises afin de fonder l’opération Serval au Mali ; il s’agit de la sollicitation par le gouvernement de l’État sur le territoire duquel doit se dérouler l’intervention militaire. La condition essentielle pour qu’une telle intervention soit fondée en droit réside dans le fait que le gouvernement de l’État qui sollicite une telle opération de la part d’un autre État soit effectif et légitime. Dans le cas de la situation au Mali, c’est cette condition essentielle qui fait défaut au gouvernement malien.

40Le gouvernement de l’État, formant l’une des composantes de la théorie des trois éléments constitutifs, bénéficie depuis l’origine de l’indifférence du droit international [38], qui se contente seulement d’en constater l’effectivité pour attester de l’existence juridique de l’État [39].

41La notion d’effectivité du gouvernement signifie que celui-ci exerce un contrôle réel et tangible sur l’ensemble du territoire soumis à son autorité ; l’appareil gouvernement doit être en capacité d’exercer l’ensemble des fonctions étatiques et, notamment, le maintien de l’ordre sur l’ensemble du territoire [40]. S’il peut arriver que l’autorité du gouvernement ne soit pas absolue sur l’ensemble du territoire étatique (une contestation de l’autorité du gouvernement n’a, en principe, pas d’effet sur son effectivité), il faut au moins qu’elle soit obéie de manière régulière et constante sur l’ensemble du territoire [41].

42Or c’est bien ce qui fait défaut au gouvernement malien qui n’est précisément pas obéi de manière régulière et constante sur son propre territoire. La contestation du gouvernement malien a atteint un point tel qu’elle se rapproche davantage d’une guerre civile ayant pour but la conquête du pouvoir par les acteurs non étatiques qui agissent depuis le nord du pays. L’autorité du gouvernement malien est clairement mise en cause par les groupes armés, la contestation de son autorité a acquis un degré tel que le gouvernement n’est plus en capacité de se faire obéir sur l’ensemble du territoire malien.

43Une telle dénégation de l’autorité du gouvernement en place de la part des groupes armés est alors assimilable à une guerre civile et devrait en principe pousser les autres États à attendre la fin des affrontements afin de savoir lequel de ces deux groupes d’individus, le gouvernement contesté ou les groupes armés du nord, peut effectivement incarner le gouvernement officiel de l’État malien.

44Cependant, lorsqu’un gouvernement est très fortement contesté, voire désavoué par des groupes qui en viennent à maîtriser de facto une partie certaine du territoire de l’État, l’effectivité qui fait défaut au gouvernement peut être modérée par la légitimité dont il serait revêtu. En effet, s’il existe une indifférence traditionnelle du droit international à l’égard de la forme du gouvernement, celui-ci n’exigeant que son effectivité, cette indifférence est aujourd’hui nuancée en raison de l’émergence du concept d’État de droit en tant que régime de référence permettant de garantir la paix et la sécurité internationales. La nécessité impérieuse, consacrée par la communauté internationale, de garantir les droits de l’homme implique la généralisation d’un certain type d’État, l’État de droit, caractérisé par un régime démocratique [42].

45Or, dans le cadre de la situation au Mali, le gouvernement malien n’est pas seulement victime d’un défaut d’effectivité, il est aussi victime d’un défaut de légitimité puisque les autorités politiques maliennes qui ont sollicité l’intervention de la France sont en réalité des autorités militaires ayant procédé à un coup d’État le 22 mars 2012. Ce coup d’État a été condamné par le Conseil de sécurité [43]. Placée sous le contrôle du Général Sanogo, initialement hostile à une intervention armée étrangère, l’armée a de nouveau procédé à une ingérence dans les affaires politiques en « démissionnant » le premier ministre Diarra, qu’elle avait pourtant elle-même porté à la tête de l’État, en raison de son incompétence à gérer la crise du pays. Cette ingérence a, à nouveau été condamnée par le Conseil de sécurité [44]. Les diverses résolutions adoptées par le Conseil de sécurité ne contribuent donc pas à consolider une légitimité du gouvernement malien susceptible de pallier son manque d’effectivité ; bien au contraire ces résolutions concourent à la délégitimation du gouvernement malien issu du coup d’État militaire.

46Il semble donc qu’il ne puisse exister ni gouvernement effectif, ni gouvernement légitime malien apte à représenter incontestablement le Mali et à solliciter légalement l’intervention militaire d’une puissance étrangère sur le territoire malien. La légitimité contestée du gouvernement ne peut pas venir au soutien de son manque d’effectivité. La situation problématique du gouvernement malien, qui n’est ni vraiment effectif, ni vraiment légitime, interdit qu’il puisse valablement demander l’aide militaire de la France pour rétablir son autorité sur le territoire national.

47Tout en condamnant le double coup d’État militaire qu’a subi le Mali, le Conseil de sécurité va néanmoins conforter son appel à l’aide pour contrer une menace plus dangereuse encore, la menace terroriste que font peser les groupes armés sur le nord du pays. Quoiqu’il considère le gouvernement comme peu légitime, le Conseil de sécurité affiche clairement sa préférence au gouvernement militaire afin de lutter contre le terrorisme.

B – Une entraide encouragée par le Conseil de sécurité

48Face à deux maux, le Conseil préfère le moindre et encourage donc la communauté internationale à soutenir le gouvernement, quoique non légitime, pour rétablir son autorité sur le territoire étatique. En sollicitant l’aide de l’ensemble des États, le Conseil rend de nouveau légitime le gouvernement malien, quoiqu’issu d’un coup d’État, et permet ainsi de rejeter indirectement la qualification de la situation comme situation de guerre civile. Cependant la nature de l’appel à l’aide du Conseil manque de clarté et peut alors faire l’objet de différentes interprétations. C’est cette brèche qu’ont utilisée les autorités françaises afin de fonder l’intervention militaire au Mali.

1 – La reconnaissance de la menace terroriste et la nouvelle légitimation du gouvernement malien – la préférence d’un gouvernement non démocratique face à des ambitions religieuses extrémistes

49En qualifiant les groupes armés qui sévissent dans le nord du pays de groupes terroristes, le Conseil confère une nouvelle légitimité au gouvernement malien qui en était dépourvu. Il tranche ainsi d’éventuels débats sur la nature du conflit qui oppose ces groupes aux autorités officielles de l’État, ce qui pourrait permettre de rendre légale une intervention sollicitée. Les objectifs des groupes armés qui veulent asseoir leur contrôle sur le nord du Mali sont multiples : les Touarègues cherchent à obtenir l’indépendance de l’Azawad alors qu’Ansar Dine cherche à instaurer un régime théocratique, gouverné par la sharia [45]. Les Touarègues ont ainsi manifesté dès l’origine des velléités sécessionnistes et ont déclaré l’indépendance de l’Azawad. Au regard des appétences de chacun de ces groupes, la situation au nord du Mali pourrait s’apparenter à une guerre de sécession, en ce qui concerne les Touarègues puisqu’ils cherchent à obtenir l’autonomie d’une partie du territoire malien, et à une guerre civile, en ce qui concerne les ambitions d’Ansar Dine, qui cherche à mettre en place un État religieux et à abandonner ainsi la démocratie.

50Dans de tels cas, et même si elle est requise par le gouvernement effectif et légitime de l’État, l’intervention d’un État étranger est interdite [46].

51Or le Conseil de sécurité procède à une différenciation entre les différents groupes armés, en distinguant d’une part les ambitions de ces groupes et d’autre part les moyens utilisés par ces groupes pour parvenir à leurs fins. Il distingue en effet les velléités religieuses d’instauration de la sharia ou les velléités sécessionnistes des Touarègues d’une part et les méthodes employées par ces groupes pour y parvenir d’autre part [47], car ce sont bien ces méthodes qui conduisent alors à qualifier certains de ces groupes armés de groupes terroristes. Quoique leurs objectifs aient pu, à un moment, converger, ce sont bien les moyens mis en œuvre par certains groupes armés qui conduisent nécessairement à les qualifier de groupes terroristes. Les modes opératoires tels que les attentats et les enlèvements, ayant pour objectif de terroriser la population et ainsi d’ébranler le pouvoir établi, sont autant d’éléments permettant de qualifier ces groupes de terroristes [48].

52Ainsi, en qualifiant formellement certaines entités de groupes terroristes [49], le Conseil de sécurité consacre le rejet de la qualification de la situation malienne en tant que guerre civile et peut dès lors justifier un recours au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, en tant que le terrorisme constitue aujourd’hui sans conteste une menace à la paix et à la sécurité internationales.

53Dès lors, s’il ne s’agit pas d’une guerre civile, le gouvernement malien, quelles que soient finalement son effectivité et sa légitimité, sera fondé à solliciter une aide pour lutter contre les groupes terroristes qui menacent l’existence de l’État malien. La question de la légitimité du gouvernement d’origine militaire est ainsi mise de côté et la question de l’appréciation de l’effectivité du gouvernement n’en est plus une. Il s’agit dès lors d’une guerre contre un terrorisme qui cherche à installer de nouvelles bases territoriales dans le nord du Mali et la communauté internationale doit alors apporter toute l’aide nécessaire au gouvernement malien pour reconquérir le pays.

2 – La nature ambiguë de l’appel du Conseil de sécurité aux États intéressés : une aide logistique ou une aide militaire ?

54Dans sa résolution 2085, le Conseil de sécurité, en prenant acte de la menace terroriste qui pèse sur le nord du territoire malien, répond à la demande d’assistance formulée par le gouvernement du Mali. Il crée la MISMA dont le mandat consiste à aider l’armée malienne à reconquérir le territoire et l’autorise à faire usage de la force armée. Cependant, il lance un appel global à l’aide à l’égard de tous les États et c’est cet appel, sur lequel la France se fonde pour justifier son intervention, qui est équivoque. La question qui se pose est alors celle de savoir s’il serait possible que le Conseil ait implicitement autorisé des États à apporter toute aide, même miliaire, au gouvernement malien, étant donné la nature de la menace qui pèse sur ce territoire.

55Le Conseil a effectivement lancé un appel à tout État intéressé pour concourir aux « préparatifs autour du déploiement de la MISMA » [50]. Il a également demandé aux États d’apporter à la MISMA et à l’armée malienne « tout type d’aide nécessaire pour réduire la menace posée par des organisation terroristes » [51].

56Cette expression (« tout type d’aide nécessaire ») ressemble assez étrangement à la formule consacrée par le Conseil de sécurité pour autoriser le recours à la force (il utilise en général la formule « tout moyen nécessaire ») ; cette expression semble donc ambiguë au regard de la menace qui pèse sur le territoire malien : la menace terroriste qui sévit au Mali autorise-t-elle les États à recourir à la force afin de faire échec aux ambitions de ces groupes armés ?

57En raison de l’ambiguïté de la formule « tout type d’aide nécessaire », il est alors légitime de s’interroger sur l’interprétation de la résolution 2085, résolution que revendiquent les autorités françaises pour fonder la légalité de l’opération Serval.

58On pourrait tout d’abord considérer que le Conseil demande aux États [52] d’apporter tout appui à la MISMA et à l’armée, y compris le recours à la force militaire, si cela peut aider la force africaine à se déployer et l’armée à reconquérir le territoire malien. Mais en conséquence, on peut alors s’interroger sur la manière dont le Conseil exprime cette autorisation, puisqu’il a déjà autorisé plus tôt la MISMA à recourir à l’usage de la force, dans la deuxième partie de la résolution spécialement intitulée « Dispositif de sécurité » et a précisé que l’usage de la force serait réalisé sous conduite africaine [53].

59Or cette phrase sur laquelle on s’interroge – l’appel à « tout type d’aide nécessaire » – se situe dans les dispositions consacrées à l’appui international [54], qui semble davantage viser une assistance, un appui, un soutien (le Conseil parle de l’« aide nécessaire »), qu’un recours direct à la force en tant que tel.

60On peut alors proposer une double interprétation de la résolution 2085. Soit on adopte une interprétation stricte et l’on considère que cette résolution n’autorise explicitement le recours à la force qu’à l’égard de la MISMA [55] ; soit on adopte une interprétation large qui laisse la porte ouverte à une intervention militaire des États en soutien de la MISMA et de l’armée malienne [56].

61Les autorités françaises n’auraient donc pu invoquer que la résolution du Conseil de sécurité, dont l’interprétation peut certes prêter à discussion, pour fonder la légalité de leur intervention militaire au Mali. Elles auraient pu ainsi argumenter que l’opération Serval constituait une action de soutien nécessaire à la mise en place de la MISMA, sans laquelle la force africaine n’aurait pas pu accomplir le mandat que le Conseil lui a confié.

62Mais la France a préféré mettre en avant une double base légale à son opération militaire, invoquant à la fois la sollicitation par le gouvernement malien et « l’esprit » [57] de la résolution 2085 du Conseil [58]. Cependant, aucun de ces deux arguments ne résiste à une analyse approfondie de leur adéquation aux fais de l’espèce et l’on se rend ainsi compte que l’un comme l’autre sont inaptes à fonder la légalité de l’opération Serval. Le gouvernement malien manque de légitimité, quoique le Conseil lui en confère une nouvelle en tant qu’autorité chargée de mener la lutte contre le terrorisme au nom du Mali ; la résolution du Conseil manque de clarté, elle encourage l’aide que les États doivent apporter aux organes chargés de recourir à la force, tout en laissant planer un doute quant à la nature précise de cette aide.

63En réalité, l’aggravation extrême de la situation au début de l’année 2013 va permettre de recourir à un troisième argument, l’argument de la légitime défense.

64Cet argument, mis en avant par le Premier ministre et par la présidente de la commission des affaires étrangères lors du débat à l’Assemblée Nationale [59], mais aussi par le ministre des affaires étrangères lors du débat conjoint devant la commission des affaires étrangères et la commission de la défense nationale et des forces armées [60], est en réalité un argument à double tranchant. Il semble être l’argument le plus pertinent puisque le Mali était effectivement menacé dans son existence même par des groupes terroristes, mais il ne peut pas être invoqué comme tel puisque son adaptation à une attaque imputable à des entités non étatiques n’est pas consacrée par le droit positif.

II – Une légitime défense inadaptée, invoquée puis oubliée

65L’élément fondamental qui permettrait de fonder la légalité de l’intervention française consiste avant tout en un changement fondamental de circonstances [61]. Ce changement de circonstances c’est l’extrême aggravation de la situation sécuritaire de l’ensemble du Mali, et non plus seulement du nord du pays, puisque les groupes terroristes prennent Mopti le 10 janvier 2013, base stratégique de l’armée malienne située à un peu plus de 600 km de la capitale Bamako. Ce n’est plus uniquement le nord du pays qui est l’objet de la menace terroriste mais bien l’intégralité du pays et donc la région du Sahel toute entière.

66Le risque de voir la capitale du Mali tomber entre les mains des terroristes est symboliquement très fort et il s’agit dorénavant de protéger et de préserver l’existence même de l’État malien d’un péril qui a pris sa source sur son propre territoire.

67Au regard de l’évolution radicale des circonstances de fait, il est alors légitime de s’interroger à nouveau sur le sens et la portée à donner à la résolution 2085 du Conseil de sécurité que les autorités françaises invoquent comme source de la légalité de l’opération Serval. En effet, cette résolution a été adoptée dans un contexte factuel radicalement différent de celui au cours duquel les autorités françaises décident d’envoyer leurs troupes au Mali pour une opération militaire, quand bien même vingt jours seulement se sont écoulés entre l’adoption de cette résolution et la prise de Mopti par les groupes terroristes.

68L’aggravation de la situation est alors la meilleure opportunité pour mettre en avant la gravité du péril qui menace l’existence même de l’État malien et ainsi, invoquer la légitime défense collective pour fonder un recours à la force armée de l’armée française hors de son propre territoire, à la demande des autorités maliennes. Or, l’argument de la légitime défense est en réalité inadapté aux caractéristiques des attaques menées par les groupes armés terroristes et subies par le Mali.

69L’argumentation des autorités françaises, quoiqu’elle ait été acceptée par la quasi-totalité des États, est alors caractérisée par une surabondance des moyens de droit (v. supra), qui, en réalité, se révèlent tous inadaptés à la situation de fait que subit le Mali et inadéquats pour fonder, en droit et de manière incontestable, un recours à la force sur le territoire malien [62]. La nécessité de recourir à la résolution 2085 du Conseil de sécurité, qui semble cependant dépassée par l’aggravation de la situation sécuritaire au Mali, afin de soutenir le moyen de la légitime défense collective, traduit l’insuffisance de ce dernier argument pour fonder indiscutablement l’opération française Serval au Mali.

A – La question d’une nouvelle interprétation de la résolution 2085 du Conseil de sécurité au regard du changement radical de circonstances

70Si l’on tente d’interpréter à nouveau la résolution 2085 au regard de l’évolution soudaine de la situation sécuritaire malienne on peut alors y déceler, à côté d’affirmations explicites, certains sous-entendus ambigus.

71De manière explicite, la résolution du Conseil assimile expressément les attaques perpétrées par certains groupes armés à des attaques terroristes ; or le terrorisme constituant dorénavant et de manière incontestable une menace à la paix et à la sécurité internationales, il est alors possible de considérer que l’attaque dont est victime le Mali de la part des groupes terroristes a dépassé le seuil quantitatif nécessaire pour ouvrir le droit à l’exercice de la légitime défense.

72L’ambiguïté de la résolution 2085, mis en lumière précédemment en raison de l’appel que lance le Conseil de sécurité à « tout type d’aide nécessaire », peut alors être dépassée par sa réinterprétation au regard de l’extrême aggravation de la situation sécuritaire du Mali.

1 – Le franchissement du seuil quantitatif de l’attaque ouvrant le droit à la légitime défense : le terrorisme comme menace à la paix et la sécurité internationales

73Sans revenir sur les débats qui ont agité la doctrine lors de l’adoption de la Charte des Nations Unies pour savoir si la légitime défense relevait ou non du droit naturel [63], on estime aujourd’hui que le droit de légitime défense est un droit d’origine coutumière qui a été intégré à la Charte des Nations Unies dans l’article 51 [64].

74Il convient donc de se demander si les agissements des groupes armés à partir du territoire malien et contre celui-ci peuvent être assimilées à une attaque ouvrant le droit à l’invocation du droit de légitime défense, énoncé à l’article 51 de la Charte. Cette question mérite d’être discutée car, si la qualification de ces attaques comme agression terroriste permet en conséquence d’invoquer la légitime défense, il n’est pas certain que leurs seuls caractères propres puissent les assimiler à une attaque ouvrant le droit à la légitime défense.

75En effet, codifié par la Charte, l’exercice du droit de légitime défense est d’abord soumis à une condition essentielle relative à la gravité de l’attaque, qui constitue l’un des critères déterminants permettant l’invocation de ce droit. En d’autres termes, toute attaque n’ouvre pas mécaniquement le droit à la légitime défense. En énonçant que la légitime défense doit répondre à une agression armée, la Charte insinue que la légitime défense présuppose l’existence d’un conflit international [65]. L’attaque doit donc à la fois s’inscrire dans un contexte international, ou du moins interétatique, et à la fois revêtir un niveau de gravité suffisant.

76En ce qui concerne la gravité de l’attaque, il faut d’abord souligner que tout acte de violence à l’encontre d’un État n’ouvre pas automatiquement pour lui le droit à la légitime défense. Pourtant, une partie de la doctrine paraît militer pour que soit accepté un seuil moindre que celui de l’agression armée, afin de défendre au mieux les intérêts vitaux de l’État [66]. Au contraire, un autre mouvement doctrinal défend l’idée que le seuil doit précisément rester élevé afin que l’interdiction du recours à la force garde toute sa vigueur dans l’intérêt de la paix [67]. Malgré cette controverse doctrinale, la CIJ a estimé que l’attaque doit avoir atteint un certain niveau de gravité qui mette en danger l’existence même de l’État pour que celui-ci puisse valablement invoquer son droit à la légitime défense. La CIJ a ainsi refusé le privilège de ce droit à certains États qui l’invoquaient en raison de la nature de l’attaque dont ils avaient été victime [68], celle-ci n’étant pas assez dangereuse. Cet obiter dictum de la Cour paraît largement justifié et légitimé par la nécessité d’éviter tout élargissement des exceptions à la règle absolue de l’interdiction du recours à la force sur laquelle est fondé l’ordre international issu de la Charte des Nations Unies, qui remettrait alors en cause une règle coutumière [69], qualifiée de jus cogens[70], difficilement acquise au cours des siècles [71].

77Au regard de l’article 51 de la Charte, seule une « agression armée » constituerait une attaque revêtant une gravité suffisante pour permettre d’invoquer utilement le droit de légitime défense. La résolution 3314 de l’Assemblée générale de 1974 qui a tenté d’établir des éléments de définition de l’agression permet d’estimer que l’agression serait avant tout un usage de la force armée, contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance d’un État, en contradiction avec les buts et principes des Nations Unies [72].

78En ce qui concerne le contexte de l’attaque ouvrant le droit à la légitime défense, la notion d’agression armée est très fortement marquée par la dimension interétatique dans laquelle a été rédigée la Charte des Nations Unies et elle sous-entend ainsi que la légitime défense soit invoquée dans le contexte d’un conflit international ou du moins interétatique.

79Or la situation sécuritaire malienne est circonscrite au territoire malien (même si elle fait peser un danger sur l’ensemble de la région ainsi que l’a reconnu le Conseil de sécurité) ce qui semblerait interdire l’invocation de la légitime défense. C’est ici que la résolution 2085 du Conseil de sécurité permet, une fois encore, de dépasser ce nouveau problème d’adéquation des moyens de droit à la situation de fait.

80Plusieurs critères ont été mis en lumière par la doctrine afin d’admettre la qualification internationale d’un conflit [73] : le conflit peut être interétatique, il peut être interne mais ayant fait l’objet d’une reconnaissance de belligérance, il peut s’agir d’une guerre de libération nationale ou encore d’un conflit dans lequel on constate objectivement une intervention étrangère ou onusienne.

81Or la situation au Mali ne semble correspondre à aucune de ces catégories. Le conflit n’est objectivement pas interétatique puisque les groupes armés qui lancent leurs attaques sur le territoire malien ont également leurs bases sur ce même territoire. Il n’y a aucune reconnaissance de belligérance, il ne s’agit pas non plus d’une guerre de libération nationale. On aurait éventuellement pu envisager une guerre de sécession puisque le MNLA a proclamé unilatéralement l’indépendance de l’Azawad le 6 avril 2012. On aurait alors pu considérer qu’à partir de cette date, le conflit au Mali se serait mué en un conflit armé interétatique, or, à la fin de l’année 2012, le MNLA est revenu sur ses prétentions initiales d’indépendance pour s’engager dans un processus d’autodétermination, aux côtés du Haut conseil pour l’Azawad depuis le mois de mai 2013 [74]. Par contre, on peut évidemment constater l’existence d’une intervention onusienne, sinon réalisée, du moins projetée depuis le 20 décembre 2012 puisque la résolution 2085 prévoit expressément l’envoi d’une opération de paix, la MISMA, autorisée à faire usage de la force armée pour rétablir l’ordre sur le territoire malien. Or, au 11 janvier 2013, date du lancement de l’opération Serval, cette intervention onusienne n’est pas encore réalisée.

82Au regard des critères classiques élaborés par la jurisprudence, il est donc impossible de considérer le conflit qui sévit au Mali comme un conflit international, ni même interétatique, interdisant ainsi d’assimiler les attaques subies par le Mali à une agression armée qui ouvrirait ainsi le droit pour cet État d’invoquer la légitime défense.

83En réalité, c’est la qualification opérée par le Conseil à l’égard des groupes armés qui sévissent sur le territoire du Mali et contre celui-ci en tant que groupes terroristes qui permet d’envisager le recours à la légitime défense, malgré l’absence de conflit strictement international.

84De la même manière que le Conseil de sécurité, en qualifiant les groupes terroristes comme tels, avait écarté l’hypothèse d’une guerre civile et permis ainsi au Mali de solliciter une aide militaire étrangère sur son propre sol, la qualification des groupes armés sévissant sur le territoire malien en tant que groupes terroristes autoriserait le Mali à invoquer son droit de légitime défense. En effet, depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, on considère que « l’acte terroriste [est] deven[u] un acte de guerre » [75] car le Conseil de sécurité les a définitivement inclus dans la catégorie des menaces à la paix et à la sécurité internationales [76].

85En reconnaissant que la situation du Mali « constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales » [77], le Conseil situe la situation au Mali dans un contexte international et reconnaît la gravité des attaques dont est victime le Mali depuis son propre sol. Une telle qualification permet alors au Mali d’invoquer son droit à la légitime défense.

2 – Une double interprétation possible a posteriori de la résolution 2085 du Conseil de sécurité : inapplicabilité de fait ou permission implicite ?

86Bien que la qualification par le Conseil de sécurité des groupes armés sévissant au Mali en tant que groupes terroristes ne soit pas nouvelle (une telle qualification existe depuis plus d’un an [78]), l’aggravation de la situation constitue, elle, un changement de circonstances par rapport aux manifestations initiales d’insécurité dans le pays. Ce n’est plus seulement le nord du pays que les terroristes ont l’ambition de contrôler mais bien l’intégralité du pays.

87Ce changement essentiel dans les faits a eu lieu entre le 20 décembre 2012, date de l’adoption de la résolution 2085, et le 10 janvier 2013, date de la prise de Mopti par les terroristes. En deux semaines, la situation prend une tournure radicalement différente. Ce changement de circonstances est une raison suffisante pour constater le dépassement, le débordement de la résolution 2085 du Conseil par les faits et nécessite d’adapter l’interprétation de cette décision au regard du bouleversement de la situation.

88La situation du 10 janvier 2013 n’est plus du tout comparable à la situation du 20 décembre 2012, il y a donc lieu de réapprécier, de réajuster la portée des mesures décidées par le Conseil au regard de ce changement de circonstances.

89Bien que la résolution 2085 consiste en un acte unilatéral, manifestant la volonté unique de l’organe qui l’a édicté, celle-ci doit faire l’objet d’une interprétation de la part de ses destinataires, lorsque ceux-ci vont la mettre en œuvre.

90À titre de comparaison, la Convention de Vienne sur le droit des traités autorise les parties à un traité à y mettre fin, voire à s’en retirer, lorsqu’un changement fondamental de circonstances a eu pour effet de « transformer radicalement la portée des obligations » qui doivent être exécutées en vertu du traité [79]. Ainsi, s’il n’est plus possible d’adapter le contenu des mesures énoncées dans la résolution 2085 au changement de circonstances au Mali, il serait alors nécessaire d’en déduire leur inapplicabilité.

91Il est donc possible, le 10 janvier 2013, de proposer deux nouvelles interprétations de la résolution 2085 adoptée 20 jours plus tôt dans un contexte catégoriquement différent.

92D’un côté, il est permis de considérer qu’en raison de l’aggravation de la situation au Mali, la résolution 2085 n’est plus applicable (on réalise ici un parallèle exact avec l’article 62 de la Convention de Vienne). Il n’est, dans les faits, plus possible de mettre en application les mesures qu’avait décidées le Conseil quelques jours plus tôt ; il faut alors élaborer un nouveau dispositif, davantage adapté à la situation d’insécurité prononcée qui secoue le Mali.

93D’un autre côté, on peut au contraire considérer que l’aggravation de la situation sécuritaire au Mali impose de réinterpréter l’appel à l’aide lancé par le Conseil (l’appel à « tout type d’aide nécessaire ») : la MISMA et l’armée malienne n’ont plus seulement besoin d’une aide logistique ou financière pour lutter efficacement contre les groupes terroristes qui menacent de s’emparer de la capitale malienne, mais bien d’une aide de nature militaire de la part d’autres États prêts à s’y engager. L’aide militaire que pourraient apporter les autres États serait effectivement « nécessaire » à la réalisation du mandat imparti à la MISMA et à l’armée malienne.

94Si l’on accepte d’envisager la première interprétation, celle de l’inapplicabilité de fait de la résolution 2085, on accepte alors l’idée selon laquelle le Mali a le droit d’appeler à l’aide d’autres États pour exercer son droit de légitime défense. En effet, la légitime défense ne peut être valablement invoquée par un État victime d’une attaque que tant que le Conseil n’agit pas [80]. La légitime défense est conçue comme un moyen subsidiaire de défense de l’existence de l’État lorsque le système de sécurité collective est défaillant. Or, si l’on accepte de considérer que la résolution 2085 a été rendue caduque par l’aggravation de la situation, on doit en conclure que le Conseil n’a pas adopté les mesures nécessaires et suffisantes au rétablissement de la paix, autorisant en conséquence l’État victime à user de la force armée, au titre de la légitime défense pour assurer sa propre survie.

95Si l’on préfère adopter la seconde interprétation, celle qui reconnaît le caractère modulable de l’appel à l’aide lancé par le Conseil de sécurité, on doit alors admettre que la France a répondu à une invitation implicite du Conseil. L’appel à « tout type d’aide nécessaire » lancé dans la résolution 2085 est toujours valable, mais alors que la situation s’est gravement détériorée, c’est la nature de l’aide nécessaire qui doit être réévaluée. Si au 20 décembre 2012, seule une aide logistique aurait pu suffire à contribuer au rétablissement de la paix au Mali, au lendemain de la prise de Mopti par les terroristes, c’est d’une aide militaire dont la MISMA et à l’armée malienne ont besoin afin de rétablir la sécurité sur l’ensemble du territoire malien. Dans ce cas, l’appel à l’aide lancé par le gouvernement du Mali ne doit pas être interprété comme un appel à la légitime défense collective mais comme un appel aux États intéressés pour qu’ils mettent en œuvre les mesures énoncées dans la résolution 2085.

96Cette seconde interprétation pourrait être confirmée par la déclaration du Conseil de sécurité à la presse le 10 janvier 2013 [81], quoique ce soit toujours le terme d’« assistance » qui est utilisé. L’ambiguïté est également entretenue par M. ARAUD, le représentant permanent de la France auprès des Nations Unies, lors de sa déclaration à la presse le lendemain du lancement de l’opération Serval. En répondant à la question d’un journaliste qui lui demande explicitement de clarifier le fondement de l’intervention française, il explique :

97

« Nous devons assurer la transition entre l’opération d’urgence menée par la France et la mise en œuvre de la résolution 2085. Pour le moment nous agissons dans le cadre de la résolution 2085 » [82].

98Mais la première interprétation de la résolution 2085, selon laquelle celle-ci aurait été rendue caduque par le changement fondamental de circonstances, est également confortée par la même déclaration de M. ARAUD. Celui-ci estime que

99

« Sur le plan politique, la priorité de la politique française n’a pas variée : c’est la mise en œuvre rapide de la résolution 2085 » [83], cela signifie donc qu’au lendemain du lancement de l’opération Serval, la mise en œuvre de cette résolution est toujours impossible. Il ajoute que « L’intervention française a été le résultat d’une urgence, c’est-à-dire d’une offensive de groupes terroristes. Mais une fois arrêtée l’offensive terroriste, nous devons mettre en œuvre le plus rapidement possible la résolution 2085 dans toutes ses dispositions » [84]

100Cette communication cherche précisément à démontrer que la première interprétation semble à la fois la plus adéquate à la situation et à la fois la plus respectueuse de la légalité internationale : les mesures de la résolution 2085 ne sont plus adaptées à la situation sécuritaire du Mali, ces mesures sont caduques et, traduisant la défaillance du système de sécurité collective, elles offrent alors la possibilité pour le Mali d’invoquer son droit à la légitime défense.

101Une telle préférence pour la première interprétation est justifiée par l’idée selon laquelle il semble toujours davantage dangereux de rechercher des autorisations implicites de recourir à la force armée dans les résolutions du Conseil de sécurité, ce qui tendrait à favoriser une interprétation large des exceptions à l’interdiction fondamentale du recours à la force armée dans les relations internationales. La CIJ a toujours cherché à encadrer strictement les exceptions à cette interdiction capitale [85] et, quoiqu’une partie de la doctrine milite [86] ou interroge [87] les éventualités d’un assouplissement de cette interprétation, le droit positif est univoque sur le sujet et la doctrine majoritaire estime qu’il ne permet pas d’entrevoir l’émergence d’une règle admettant une autorisation implicite du Conseil de sécurité de recourir à la force [88].

102Le changement radical de la situation sécuritaire malienne au début du mois de janvier 2013 induit donc de manière nécessaire une nouvelle interprétation de la résolution 2085 adoptée dans les derniers jours de l’année 2012. Le sens de cette réinterprétation est guidé par la situation factuelle du Mali mais également par les exigences de la légalité internationale ; il conduit à considérer la résolution 2085 comme rendue inapplicable par l’aggravation de la situation de fait, c’est-à-dire à constater une défaillance du système de sécurité collective qui n’a pas pu s’adapter à l’évolution rapide de la situation, autorisant alors le Mali à invoquer la légitime défense pour contrer les attaques terroristes qui menacent sa propre existence.

B – L’impossibilité de la légitime défense au regard de la situation factuelle de la crise malienne

103On a relevé précédemment que pour qu’un État puisse invoquer la légitime défense, l’attaque à laquelle il entend riposter doit avoir atteint un niveau de gravité suffisant. Il s’agit du seuil quantitatif qui exige une agression armée menée à une échelle internationale. Cette condition est remplie en l’espèce en raison de la qualification par le Conseil de sécurité des groupes armés en tant que groupes terroristes.

104Cependant, une autre condition de fond est exigée traditionnellement par la CIJ, il s’agit du seuil qualitatif de l’attaque, c’est-à-dire de la condition relative à l’imputabilité de l’attaque. Traditionnellement, et de manière incontournable, le droit positif exige de manière non équivoque que l’attaque soit imputable, directement ou indirectement, à un État. Or dans le cas du Mali, on n’a pas pu identifier d’État auquel on pourrait rattacher, de quelque manière que ce soit, ces attaques terroristes.

105La situation au Mali constitue alors un précédent réellement original au regard des réactions quasi unanimes des États. Alors que ceux-ci ont continuellement exigé, à la manière de la CIJ, la présence d’un État auquel puisse être imputée toute attaque, pour que soit légalement fondée la riposte d’un État qui entend se prévaloir de l’excuse de légitime défense, dans le cas de la crise malienne, aucun État ne conteste la validité de la riposte française aux côtés de l’armée malienne pour repousser la menace terroriste au nom de la légitime défense.

106On en viendrait presque à se demander si la pratique étatique, au regard de l’évolution de la nature des menaces internationales, ne réinvestirait pas le sens originel de la légitime défense. Dans l’affaire particulière de la crise malienne, l’argument de la légitime défense semble s’être délesté de la condition d’imputabilité des attaques à un État car les États n’ont pas expressément critiqué l’invocation par la France de la légitime défense collective pour riposter militairement aux attaques terroristes lancées contre le territoire malien et à partir de celui-ci. Quoique l’attitude de la quasi-totalité des États soulève la question de la désuétude [89] du critère de l’imputabilité de l’agression à un État, la légitime défense reste malgré tout inadaptée au cas de la crise malienne, révélant ainsi de manière flagrante l’illégalité de l’opération Serval au regard du droit international.

1 – Le dépassement du seuil qualitatif de l’attaque ouvrant le droit à la légitime défense : l’imputabilité à un État, une condition débordée par la nature de l’attaque ?

107Si, depuis les attentats du 11 septembre 2001, il est dorénavant possible pour un État d’invoquer la légitime défense afin de répliquer militairement à des attaques terroristes, la pratique a cependant confirmé que la coutume codifiée à l’article 51 de la Charte s’inscrit dans un contexte interétatique et ne concerne que le terrorisme d’État [90]. En effet, les terroristes d’Al Qaïda, responsables des attaques contre les tours jumelles à New York, étaient activement soutenus par le régime Taliban en place en Afghanistan, permettant ainsi aux Etats-Unis de justifier leur riposte militaire sur le territoire afghan aux attaques qu’ils avaient subies sur leur propre sol. Ainsi, la situation, quelque exceptionnelle qu’elle ait été lors des attentats du 11 septembre, n’est pas si différente en matière de logique juridique de celle qu’a pu vivre le Nicaragua, lorsque celui-ci a vu les Contras, soutenus par la CIA (tout du moins la branche FDN des Contras) et l’Argentine de Videla, tenter de déstabiliser le régime politique en place. Les actions terroristes sont certes menées par des acteurs non-étatiques, des groupes d’individus, mais ceux-ci sont soutenus par des États, ce qui permet à l’État victime de ces attaques d’invoquer la légitime défense. Ainsi, bien que les attentats du 11 septembre 2001 aient consacré de manière indiscutable le terrorisme comme l’une des plus graves menaces à la paix, il s’agit toujours aujourd’hui encore d’un terrorisme d’État, c’est-à-dire d’actions menées par des acteurs non-étatiques, mais toujours soutenues, contrôlées ou dirigées par des États ou des gouvernements.

108La situation sécuritaire du Mali se distingue alors profondément de ce cas de figure car les groupes terroristes qui agissent au Mali ne peuvent pas être rattachés à un quelconque État auquel on pourrait imputer ces attaques. Alors que les auteurs des attentats du 11 septembre disposaient de bases territoriales en Afghanistan, puisqu’ils étaient soutenus par le régime Taliban, les terroristes sévissant au Mali ne disposent pas de cette assise territoriale et cherchent précisément à faire du nord du Mali leur nouvelle base territoriale [91].

109Le Mali est donc victime d’attaques terroristes lancées contre son territoire à partir de celui-ci, par des acteurs non étatiques qui ne dépendent d’aucun État. La question se pose donc de savoir si un autre État, qui viendrait au secours du Mali, pourrait valablement invoquer la légitime défense pour faire usage de la force armée afin de porter assistance au Mali, alors même que l’attaque dont ce dernier est victime n’est imputable à aucun État.

110La CIJ prône une interprétation stricte de l’article 51 de la Charte et rend difficile l’invocation de la légitime défense pour justifier un recours à la force. Une telle interprétation est pleinement justifiée au regard de la nécessité de préserver le caractère absolu et impératif de l’interdiction du recours à la force. Néanmoins, face à cette défense d’un droit coutumier qui apparaît aujourd’hui intangible, la doctrine reste divisée et les États, dans le cadre de la crise malienne, semblent avoir adopté une attitude qui pourrait faire vaciller l’opinio juris en la matière.

111La Cour défend effectivement une approche stricte de la nature des attaques qui ouvrent le droit à la légitime défense, elle exige que l’attaque à laquelle un État entend riposter soit imputable à un État, soit directement, soit indirectement. La possibilité d’une attaque indirecte a été consacrée dans l’affaire des Activités militaires[92] et la condition indépassable de l’imputabilité à un État a été réaffirmée à de nombreuses reprises [93].

112Cependant, dans l’affaire de l’Édification d’un mur, certains juges ont émis des doutes au sujet de la condition d’imputabilité de l’attaque à un État afin que l’État victime puisse invoquer la légitime défense à son profit. Dans cette affaire, Israël invoquait la légitime défense afin de contrer les attaques menées par des groupes terroristes grâce à l’édification du mur, alors qu’il n’était pas démontré que ces attaques étaient imputables à l’autorité palestinienne elle-même.

113Les juges qui ont rédigé des opinions individuelles pour s’émanciper de l’avis de la Cour et mettre en doute la persistance de la condition d’imputabilité des attaques ont construit leur réflexion sur le lien qui peut être établi entre l’article 51 de la Charte, censé codifier une norme coutumière, et la pratique ultérieure des États, telle qu’elle résulte des résolutions du Conseil de sécurité, notamment au lendemain des attentats du 11 septembre. En considérant que le terrorisme était l’une des plus graves menaces à la paix, le Conseil de sécurité aurait implicitement admis que les individus peuvent dorénavant être responsables d’une telle menace et, en conséquence, qu’il n’est pas interdit à un État d’invoquer la légitime défense pour répondre à des attaques menées par ces individus [94]. La Cour devrait prendre acte d’une telle évolution de la pratique des États, mais elle se serait liée elle-même par sa propre interprétation de l’article 51 dans l’affaire des Activités militaires dans laquelle elle a considéré que seule une agression armée pourrait ouvrir le droit à la légitime défense, ce que l’article 51 ne dit pas [95].

114La doctrine est elle aussi divisée sur la question de savoir s’il est nécessaire que l’attaque armée soit imputable à un État et si oui, dans quelle mesure.

115Certains auteurs estiment ainsi qu’il est absolument indispensable que l’attaque armée soit imputable à un État pour que l’État victime puisse valablement invoquer la légitime défense [96], épousant ainsi une vision interétatique de la légitime défense. Dans la continuité de cette doctrine, d’autres auteurs affirment en outre que si l’attaque est le résultat de groupes terroristes, il est nécessaire de rechercher l’implication substantielle d’un État [97] derrière ces acteurs non étatiques, c’est-à-dire de constater au moins une imputabilité indirecte [98],condition que la Cour interprète d’ailleurs de manière stricte [99].

116Au contraire, d’autres auteurs estiment nécessaire de se détacher de l’interprétation que fait la CIJ de la pratique étatique et considèrent que l’imputabilité à un État n’est plus une condition sine qua non pour invoquer la légitime défense.

117À leurs yeux, l’organisation terroriste peut être assimilée à une organisation internationale, dont la CDI a codifié les règles relatives à la responsabilité [100]. Dans son projet d’articles, la CDI a envisagé qu’une organisation internationale puisse agir en situation de légitime défense [101]. Dans ce cas, il paraît légitime de considérer que ces organisations puissent alors logiquement être elles-mêmes à l’origine d’une attaque ouvrant précisément droit à l’invocation de la légitime défense [102].

118En outre, quand bien même la personnalité juridique internationale serait refusée aux groupes terroristes, on doit convenir qu’ils font dorénavant régulièrement l’objet de sanctions décidées par le Conseil de sécurité. Or, dès lors que ces groupes et ces individus peuvent faire l’objet des mesures prévues aux articles 41 et 42 de la Charte des Nations Unies (telles des interdictions de séjour ou des gels d’avoirs financiers), les raisons juridiques qui s’opposeraient à ce que ces personnes puissent faire l’objet d’autres mesures définies par d’autres articles de la Charte, telles celles prévues à l’article 51 [103], peuvent être écartées.

119Cette possibilité de soumettre les groupes terroristes aux mesures des articles 41 et 42 de la Charte, et donc à celles de l’article 51, alors même que la question de la reconnaissance de leur personnalité juridique internationale reste sujette à caution, traduit à leur égard l’attribution d’une personnalité juridique fonctionnelle : on reconnaît à ces groupes, de manière fictive, une personnalité juridique limitée pour faire face aux besoins, aux nécessités d’une situation juridique particulière [104]. La CIJ elle-même considère qu’il est tout à fait pertinent de considérer que les sujets de droit « dans un système juridique, ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature ou à l’étendue de leurs droits ; et leur nature dépend des besoins de la communauté » [105]. Ainsi, en raison de la nécessité de préserver l’existence même d’un État qui serait mise en péril par des attaques menées par des groupes terroristes, il pourrait être juridiquement utile de reconnaître à ces groupes une personnalité juridique limitée afin qu’ils puissent endosser la responsabilité de leurs actes et que l’État victime puisse riposter à la menace qu’ils font peser sur sa propre survie.

120Enfin, après les juges et la doctrine, ce sont les réactions des États qui doivent être analysées pour appréhender l’opinio juris propre aux circonstances particulières de la crise que traverse le Mali. Aucun État n’a critiqué l’invocation par la France de l’article 51 de la Charte lorsque celle-ci a décidé de répondre à la demande d’aide formulée par le gouvernement malien, bien au contraire, la décision française d’intervenir militairement a été unanimement saluée. Si seul le représentant du Niger au Conseil de sécurité a expressément reconnu l’invocation de la légitime défense individuelle et collective [106], néanmoins, l’ensemble des États membres du Conseil de sécurité et les États africains invités à participer aux débats ainsi que les représentants de l’Union africaine et de l’Union européenne ont tous applaudi la décision des autorités françaises d’intervenir militairement au Mali [107].

121Peut-on pour autant voir dans ce silence relatif à la légitime défense [108] une approbation par les États de la validité de cet argument, avancé un temps seulement par la France ? On aurait pu croire, à première vue, que l’opinio juris des États avait bifurqué avec la crise malienne et que les États avaient unanimement accepté qu’un État puisse riposter, au titre de la légitime défense, à des attaques terroristes qui n’auraient pas été imputables à un État étranger.

122En réalité, les États ont davantage massivement acquiescé à l’implication de la France dans la lutte contre des groupes terroristes qui tentaient d’établir de nouvelles bases territoriales au Mali. Et quand bien même la crise malienne aurait pu constituer un plaidoyer pour l’évolution du concept de légitime défense, affranchi du cadre strict qu’exige la CIJ, certaines limites indépassables persistent qui interdisent de considérer la légitime défense comme une base légale valable de l’opération Serval au Mali et qui sapent ainsi toutes les tentatives de considérer comme légale l’intervention française.

2 – L’abandon signifiant de la légitime défense dans l’argumentaire des autorités françaises

123Si les autorités françaises ont d’abord fait valoir que l’opération Serval était également fondée sur l’article 51 de la Charte, en plus de la demande malienne et de la résolution 2085, cet argument a ensuite été abandonné. La preuve flagrante de l’abandon de cette base légale réside dans les visas sur lesquels est construit l’accord conclu entre le Mali et la France relatif au statut de l’opération Serval ; cet accord ne fait référence qu’à la résolution 2085 et à la demande d’assistance du Mali à l’égard de la France [109], il ne mentionne aucunement la légitime défense.

124Si la légitime défense avait été en adéquation avec la situation sécuritaire malienne, il aurait été utile politiquement pour la France de s’en prévaloir. Or, au-delà de la question de l’imputation des attaques qui soulève la question de l’adaptabilité de ce moyen juridique à la situation de fait au Mali, c’est davantage encore la question de l’étendue spatiale du conflit qui empêche l’invocation de cet argument pour fonder l’opération Serval.

125Il est étonnant de constater que si devant les pouvoirs publics français, le premier ministre, le ministre des affaires étrangères et le ministre de la défense invoquent explicitement l’article 51 de la Charte, hors du territoire français, cet argument se délite. Alors que dès le 14 janvier, le Président Hollande ne fait plus mention de la légitime défense lors de la conférence de presse à Doha, le 16 janvier, les ministres s’y réfèrent encore devant l’Assemblée nationale et le Sénat [110]. Ce « flottement » [111] de la position française à l’égard de cet argument traduit l’embarras dans lequel se trouvent les autorités françaises pour tenter de trouver une base légale indiscutable à une intervention militaire qui en est objectivement dépourvue.

126Il est vrai que si la légitime défense avait été en adéquation avec la situation au Mali, elle aurait offert à la France une souplesse opérationnelle [112] qu’une résolution du Conseil ne confère pas, puisque cet organe conserve la maîtrise du mandat qu’il confie aux États lorsqu’il les autorise à recourir à la force armée. Cette marge de manœuvre permise par la légitime défense est justifiée par le fait qu’elle est un moyen subsidiaire de protection de la survie de l’État, lorsque le système de sécurité collective s’est montré défaillant.

127Outre la question de l’imputabilité des attaques terroristes à un État tiers, qui est une opération impossible dans le cas de la crise malienne, il aurait été envisageable de proposer une relecture du concept de légitime défense au regard de l’évolution des menaces dans la société internationale du XXIe siècle. En effet, l’origine de la légitime défense se confond avec l’institution d’un système collectif de sécurité. Dans la société primitive interétatique, la notion de légitime défense est confondue avec celle de l’autoprotection [113] selon laquelle chaque État étant seul responsable de sa propre sécurité, il a le droit de se faire justice lui-même. Or dès lors qu’est institué un système de sécurité collective, interdisant la justice privée et mettant en commun la responsabilité de la sécurité de tous les États, la légitime défense devient alors un moyen de protection autonome et subsidiaire du système collectif lorsque ce dernier est incapable d’assurer la sauvegarde de l’un de ses membres [114].

128D’origine coutumière, le droit de légitime défense vise donc à la conservation de l’État dans le cas où sa survie est menacée et tant que la société internationale organisée est incapable de garantir sa sécurité. La manière dont cette coutume a été codifiée à l’article 51 de la Charte des Nations Unies ne doit donc pas enfermer ce droit dans une interprétation strictement interétatique ou strictement littérale au risque de dénaturer son dessein initial [115].

129Cependant, quand bien même il aurait été possible de constater – ce qui n’est pas le cas – que les États avaient expressément accepté l’adaptation de la légitime défense à des attaques terroristes non imputables à un État, infléchissant ainsi la position radicale défendue par la CIJ, un problème de taille persisterait pour affirmer que la légitime défense puisse valablement servir de fondement juridique à l’opération française Serval au Mali ; il s’agit de la question de l’assise territoriale du conflit.

130Il semble que ce soit moins l’applicabilité de l’article 51 de la Charte à des acteurs non étatiques [116] que l’étendue spatiale du conflit [117] qui empêche réellement l’invocation de la légitime défense dans le cas de la crise au Mali.

131En effet, au regard de l’évolution des menaces à la paix, que le Conseil a précisément reconnue en consacrant le terrorisme comme l’une des plus graves atteintes à la paix internationale, il n’y a qu’un mince pas à franchir pour considérer que des attaques lancées par des entités non étatiques, autonomes de tout État, puissent faire l’objet d’une riposte au titre de la légitime défense. Mais dans l’affaire de la crise malienne, le réel problème réside dans le fait que les bases territoriales des terroristes qui menacent l’existence de l’État malien se trouvent précisément sur le territoire malien. Or la légitime défense est une circonstance excluant l’illicéité d’un recours à la force dans les relations internationales [118], et dans le cas du Mali, le recours à la force ne revêt pas une dimension internationale mais il est circonscrit au territoire malien puisque les terroristes ne disposent pas de bases militaires situées dans des pays limitrophes comme la Mauritanie, l’Algérie, le Niger ou le Burkina Faso. En réalité, en répondant à la demande du gouvernement malien, la France ne met pas en œuvre le droit de légitime défense collective mais répond bien à une intervention sollicitée de la part du Mali pour faire usage de la force à l’encontre d’individus se situant sur le territoire malien [119].

132Or, cette communication s’est employée plus tôt à démontrer l’impossibilité de fonder l’intervention française sur une sollicitation du gouvernement malien en raison de son manque d’effectivité et de légitimité, aggravé par les résolutions consécutives du Conseil de sécurité. Ce manque de base légale n’est pas compensé par la résolution 2085 du Conseil de sécurité qui ne saurait constituer une autorisation implicite donnée aux États intéressés de recourir à la force sur le territoire malien.

133Au terme de cette réflexion, on ne peut que constater l’illégalité de l’opération Serval au regard du droit international public positif, alors même que la totalité des États ont unanimement et vigoureusement salué la décision de la France d’intervenir militairement au Mali pour contrer la menace terroriste qui y sévissait. Cette situation paradoxale et déconcertante révèle en réalité la situation plus qu’embarrassante dans laquelle se trouve la communauté internationale, plus de 12 ans après les attentats du 11 septembre 2001 ; quoique son combat soit parfaitement légitime, elle ne dispose aujourd’hui encore d’aucun moyen juridique adéquat pour lutter légalement et efficacement contre le terrorisme international déterritorialisé.


Date de mise en ligne : 07/08/2016

https://doi.org/10.3917/civit.031.0145

Notes

  • [1]
    Résolution du Conseil de sécurité 2085 (2012) adoptée le 20 décembre 2012.
  • [2]
    J.-P. RÉMY, « Au Mali, Bamako salue l’intervention des troupes françaises », Le Monde, article paru le 14 janvier 2013 ; v. aussi « La France et nous », article paru le 14 juin 22013 sur le site Mali Jet et consultable à l’adresse suivante (http://www.malijet.com/actualte_dans_les_regions_du_mali/rebellion_au_nord_du_mali/74090-la-france-et-nous.html).
  • [3]
    « Le soutien militaire des pays occidentaux au Mali », Le Monde, article paru le 21 janvier 2013.
  • [4]
    A. GENESTE, « Le Conseil de sécurité apporte un soutien unanime à la France », Le Monde, article paru le 16 janvier 2013.
  • [5]
    H. SALLON, « La presse algérienne critique l’attitude « coloniale » de la France au Mali », Le Monde, article paru le 14 janvier 2013 ; E. Bouvier, « Intervention au Mali : la presse algérienne très critique », Le Figaro, article paru le 14 janvier 2013.
  • [6]
    N. CHAPUS, « Hollande et le Mali : quelques voix discordantes à droite et à gauche », Le Monde, article paru le 14 janvier.
  • [7]
    Ch. CHÂTELOT, « « VGE » dénonce le risque d’une action « néocolonialiste » au Mali », Le Monde, article paru le 16 janvier 2013 ; M. GALY, « Un nouvel avatar de la Françafrique. Paris en retard d’une décolonisation », Le Monde, article paru le 18 janvier 2013 ; M. ONFRAY, « M. Hollande ne comprend rien aux guerres idéologique du XXIe siècle », Le Monde, article paru le 21 avril 2013.
  • [8]
    S/RES/2085 (2012), § 9.
  • [9]
    S/RES/2085 (2012) §§ 13-14.
  • [10]
    J. DELIVANIS, La légitime défense en droit international public moderne. Le droit international face à ses limites, Thèse, LGDJ, 1971, p. 24 ; J. DÉTAIS, Les Nations Unies et le droit de légitime défense, Thèse, Faculté de droit d’Angers, 2007, pp. 14-15 et p. 70.
  • [11]
    V. pour un exemple récent CIJ, Conséquences juridique de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, Rec. 2004, p. 136, spé. § 138, p. 194. Voir aussi Th. CHRISTAKIS et K. MOLLARD-BANNELIER, « Volenti non fit injuria ? Les effets du consentement à l’intervention militaire », AFDI, 2004, pp. 102-137.
  • [12]
    S/RES/2100 (2013), § 18.
  • [13]
    P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, Droit international public, § 109, pp. 113 et s.
  • [14]
    P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., § 106, p. 111.
  • [15]
    P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, ibid. ; P. DAILLER, M. FORTEAU et A. PELLET, Droit international public, § 284, p. 441.
  • [16]
    P.-B. POTTER, « L’intervention en droit international moderne », RCADI, 1930, t. 2, p. 612.
  • [17]
    P. DAILLIER et A. PELLET, Droit international public, LGDJ, 8e éd., 2010, § 33, p. 76.
  • [18]
    R. ALBRECHT-CARRIÉ, « Les règles du jeu ou un retour au concert des puissances », Politique étrangère, n° 1, 1974, pp. 99-109, spé. p. 100.
  • [19]
    R. KOLB, Ius contra bellum : le droit international relatif au maintien de la paix, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 228, cité in T. CHRISTAKIS et K. BANNELIER, « Volenti non fit injuria ? Les effets du consentement à l’intervention militaire », op. cit., p. 102.
  • [20]
    Sans prétendre aucunement à l’exhaustivité, on citera pour exemples les interventions militaires des troupes du Pacte de Varsovie en Hongrie en octobre 1956 et en Tchécoslovaquie lors du printemps de Prague en 1968, mais aussi les interventions militaires américaines en Grèce en 1947, en Corée en 1950, au Liban en 1958, au Vietnam en 1961, en Afghanistan en 1979, au Nicaragua en 1981, au Panama en 1989.
  • [21]
    P.-B. POTTER, op. cit., p. 675.
  • [22]
    R. CHARVIN, « La doctrine américaine de la “souveraineté limitée” », RBDI, 11987, pp. 5-27.
  • [23]
    M. REISMAN, « Sovereignty and Human Rights in Contemporary International Law », AJIL, 1990, p. 872.
  • [24]
    P.-B. POTTER, op. cit., p. 630, p. 634 et p. 639.
  • [25]
    L. OPPENHEIM, International Law, a treatise, Longmans, Green and Co, vol. 1, 1905, § 134, pp. 180 et s.
  • [26]
    V. pour exemples T. KOMARNICKI, « L’intervention en droit international moderne », RGDIP, 1956, pp. 521-568 ; M. BENNOUNA, Le consentement à l’ingérence militaire dans les conflits internes, LGDJ, 1974 ; P.-B. POTTER, « L’intervention en droit international moderne », op. cit., p. 617 ; Ch. CHAUMONT, Préface, in M. BENNOUNA, Le consentement à l’ingérence militaire dans les conflits internes, op. cit..
  • [27]
    Charte des Nations Unies, art. 2 § 4 : « Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».
  • [28]
    P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, ibid.
  • [29]
    CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis), fond, arrêt du 27 juin 1986, Rec., p. 106, § 202.
  • [30]
    Institut de Droit International, Session de Wiesbaden, 1975, Le principe de non-intervention dans les guerres civiles, art. 2. 1 : « Les États tiers s’abstiendront d’assister les parties à une guerre civile sévissant sur le territoire d’un autre État ».
  • [31]
    R. KOLB, Ius contra bellum. Le droit international relatif au maintien de la paix, Précis, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 208 ; M. AKEHURST, « The use of force to protect nationals abroad », International Relations, vol. 5, 1977, p. 13.
  • [32]
    M. BENNOUNA, Le consentement à l’ingérence militaire dans les conflits internes, op. cit.
  • [33]
    C’est par la résolution 1973 (2011) du 17 mars 2011 que le Conseil de sécurité a légalement autorisé les États à mettre en place une zone d’exclusion aérienne afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils (§ 4).
  • [34]
    H. GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix, Livre II, Chapitre XXV, VII, 2, PUF, 2e éd., 2012 ; E. DE VATTEL, Le droit des gens ou principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des Nations et des Souverains, Washington, Carnegie, 1916, vol. I, livre II, chapitre IV, § 56, p. 298 ; A. ROUGIER, « La théorie de l’intervention d’humanité », RGDIP, 1910, pp. 486-526 ; E. PEREZ-VERA, « La protection d’humanité en droit international », RBDI, 1969, n° 2, pp. 401-424 ; F.-R. TESON, Humanitarian Intervention : An Inquiry into Law and Morality, Transnational Publishers, 3e éd., 2005 ; K. BOUSTANY, « Intervention humanitaire et intervention d’humanité. Évolution ou mutation en droit international ? », RQDI, vol. 8, n° 1 (1993-1994), pp. 103-111 ; B. SIERPINSKI, L’intervention d’humanité : un concept en mutation, Thèse, Montpellier, 1995.
  • [35]
    V. la résolution du Conseil de sécurité 1970 (2011) du 26 février 2011, 9e considérant : « Rappelant que les autorités libyennes ont la responsabilité de protéger le peuple libyen » et sa résolution 1971 (2011) du 17 mars 2011, 4e considérant : « Rappelant la responsabilité qui incombe aux autorités libyennes de protéger la population libyenne et réaffirmant qu’il incombe au premier chef aux parties à tout conflit armé de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la protection des civils ».
  • [36]
    « La mise en œuvre de la responsabilité de protéger », Rapport du Secrétaire général à l’Assemblée générale du 12 janvier 2009, A/63/677.
  • [37]
    Charte des Nations Unies, art. 2 § 7 : « Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte ; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l’application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII ».
  • [38]
    Cette indifférence est confirmée par la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale des Nations Unies, Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre États.
  • [39]
    P.-M. DUPUY et Y. KERBRAT, op. cit., § 34, pp. 32-33.
  • [40]
    P. DAILLER, A. PELLET et M. FORTEAU, op. cit., § 272, p. 459.
  • [41]
    J. COMBACAU et S. SUR, Droit international public, Domat, Montchrestien, 9e éd., 2010, p. 279.
  • [42]
    V. sur ce point infra, la communication d’A. MOINE.
  • [43]
    S/RES/2056 (2012) du 5 juillet 2012, 3e considérant : « Condamnant la prise par la force, le 22 mars 2012, par certains éléments des forces armées maliennes, du pouvoir détenu par le Gouvernement malien démocratiquement élu ».
  • [44]
    S/RES/2085 (2012) du 20 décembre 2012, 4e considérant : « Condamnant vigoureusement l’ingérence persistante de membres des Forces de défense et de sécurité maliennes dans les activités des autorités de transition du pays ».
  • [45]
    V. sur ce point la communication de B. SIERPINSKI.
  • [46]
    Résolution de l’IDI précitée, art. 1 : « Aux fins de la présente Résolution, on entend par « guerre civile » les conflits armés de caractère non interétatique, conflits qui surgissent sur le territoire d’un État et qui mettent aux prises : a) le gouvernement établi avec un ou plusieurs mouvements insurrectionnels qui visent, soit au renversement du gouvernement ou du régime politique, économique ou social de l’État, soit à la sécession ou à l’autonomie d’une partie de cet État ».
  • [47]
    S/RES/2056 (2012) précitée, § 20 : « Demande instamment à tous les groupes rebelles présents au Mali de ne pas s’associer, sous quelque forme que ce soit, avec AQMI et de combattre la menace que représentent les groupes terroristes au Mali ».
  • [48]
    V. sur ce point la communication de M. DUBUY.
  • [49]
    S/RES/2056 (2012) précitée, 10e considérant : « Se disant vivement préoccupé par l’insécurité et la détérioration rapide de la situation humanitaire dans la région du Sahel, que viennent compliquer la présence de groupes armés et de groupes terroristes et leurs activités » et 11e considérant : « Se déclarant gravement préoccupé par la menace terroriste croissante dans le nord du Mali et la région, due à la présence de membres d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), réaffirmant que le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations constitue l’une des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité et que tous les actes de terrorisme, quels qu’ils soient, sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motivations, le moment ou les auteurs ».
  • [50]
    S/RES/2085 (2012), § 11.
  • [51]
    S/RES/2085 (2012), § 14.
  • [52]
    Le Conseil s’adressent aux « autres partenaires bilatéraux intéressés », v. S/RES/2085 (2012), § 11.
  • [53]
    S/RES/2085 (2012), §§ 6-25, particulièrement §§ 9-12.
  • [54]
    S/RES/2085 (2012), §§ 13-16.
  • [55]
    On met ici en avant le § 9 de la résolution 2085 : « Décide d’autoriser le déploiement au Mali, pour une durée initiale d’une année, de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), qui prendra toute mesure utile, dans le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme applicable et dans le respect le plus total de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’unité du Mali, pour accomplir les tâches suivantes : b) Aider les autorités maliennes à reprendre les zones du nord de son territoire qui sont contrôlées par des groupes armés terroristes et extrémistes et à réduire la menace posée par des organisations terroristes, y compris AQMI et le MUJAO et les groupes extrémistes y affiliés ».
  • [56]
    On mettrait alors ici en avant le § 14 qui lance cet appel à « tout type d’aide nécessaire » en le mettant précisément en rapport avec le mandat conféré à la MISMA : « Demande instamment aux États Membres et aux organisations régionales et internationales de fournir un appui coordonné à la MISMA, en étroite coordination avec celle-ci et avec les autorités maliennes, notamment sous la forme de formations militaires, de fourniture de matériel, de renseignement, d’appui logistique et de tout type d’aide nécessaire pour réduire la menace posée par des organisations terroristes, y compris AQMI, le MUJAO et les groupes extrémistes qui leur sont affiliés, conformément au § 9 b) ».
  • [57]
    C’est le terme employé par le Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies, G. ARAUD, lors de sa déclaration à la presse le 14 janvier 2013, (http://www.franceonu.org/la-france-a-l-onu/espace-presse/declarations-presse/points-de-presse/article/14-janvier-2013-mali-remarques-a-6794).
  • [58]
    V. le Décret n° 2013-364 du 29 avril 2013 portant publication de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Mali déterminant le statut de la force « Serval », signées à Bamako le 7 mars 2013 et à Koulouba le 8 mars 2013, JORF, n° 101 du 30 avril 2013, p. 7426, texte n° 1. L’accord dispose, dans ses visas, « Ayant à l’esprit la Charte des Nations Unies et les résolutions 2056 (2012), 2071 (2012) et 2085 (2012) du Conseil de sécurité, et à la demande expresse du gouvernement malien ».
  • [59]
    Compte rendu intégral des séances du mercredi 16 janvier 2013 à l’Assemblée Nationale (XIVe Législature), J.-M. AYRAULT, Premier ministre, invoque l’article 51 de la Charte des Nations Unies pour fonder l’intervention française (« La France s’inscrit dans le respect de la charte des Nations unies et de son article 51, en parfaite cohérence politique avec les résolutions du Conseil de sécurité. », JORF du 17 janvier 2013, p. 90), de même que É. GUIGOU, présidente de la commission des affaires étrangères (« La légalité de cette intervention est fondée. Le droit de légitime défense est reconnu par l’article 51 de la charte de l’ONU qui permet à un État confronté à une agression de demander l’assistance militaire d’un autre État », JORF du 17 janvier 2013, p. 99).
  • [60]
    Compte rendu intégral n° 39 de la séance du mercredi 16 janvier 2013 de la Commission de la défense nationale et des forces armées, lors de son audition, M. L. FABIUS, ministre des affaires étrangères déclare que la France « se fonde sur l’article 51 de la Charte des Nations unies, qui prévoit la possibilité d’une intervention militaire à l’appel d’un pays en situation de légitime défense (…). L’article 51 donne donc toute sa légalité à l’intervention de notre pays, ce que personne ne conteste », (p. 8).
  • [61]
    Conférence de presse du ministre des affaires étrangères, L. FABIUS, à Paris, le 11 janvier 2013 : « Mais depuis quelques jours, la situation s’est malheureusement détériorée très gravement et, profitant du délai entre les décisions internationales prises et le moment de leur application, les groupes terroristes et criminels du nord Mali ont décidé de descendre vers le sud. Leur objectif est, selon toute évidence, de contrôler la totalité du Mali pour y installer un État terroriste ».
  • [62]
    Dans le même sens v., Th. CHRISTAKIS et K. BANNELIER, « French Military Intervention in Mali : It’s Legal but… Why ? Part 1 : The Argument of Collective Self-Defense », article consultable sur le blog du European Journal of International Law à l’adresse suivante : (http://www.ejiltalk.org/french-military-intervention-in-mali-its-legal-but-why-part-i/#more-7483).
  • [63]
    J. ZOUREK, « La notion de légitime défense en droit international », AIDI, 1975, p. 46 ; A. von VERDROSS, « Idées directrices de l’ONU », RCADI, 1953-II, vol. 83, p. 62 ; H. KELSEN, The Law of the United Nations. A critical analysis of its fundamental problems, Stevens and Sons, London, 1951, pp. 791-792.
  • [64]
    Charte des Nations Unies, article 51 : « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée (…) ». La version anglaise utilise le terme de « inhérent right » et la version espagnole celle « derecho immanente ». Il est d’ailleurs déroutant de constater que, lors de leurs interventions officielles, les autorités françaises invoquent précisément « l’article 51 de la Charte » et non le droit coutumier de légitime défense de manière générale ; or, comme on le verra plus tard dans les développements qui suivent, l’article 51 en tant qu’acception codifiée de la légitime défense est plus restreint dans son champ d’application que le concept global de légitime défense tel qu’il émane de la norme coutumière. Le fait d’invoquer le droit coutumier plutôt que l’article qui codifie la coutume semble davantage laisser place à la discussion, mais les autorités françaises ont sans doute préféré se référer explicitement à la Charte pour se nimber de légitimité onusienne, quoiqu’elle ne soit pas opérante dans cette situation.
  • [65]
    L.-A. SICILIANOS, « L’invocation de la légitime défense face aux activités d’entités non étatiques », Hague Yearbook of International Law, 1989, p. 148.
  • [66]
    Y. DINSTEIN, War, Aggression and Self-Defence, 4th ed., Cambridge University Press, 2004, p. 196.
  • [67]
    A. RANDELZHOFER, « Article 51 », in B. SIMMA (dir.), The Charter of the United Nations. A commentary, 2e éd., 2002, p. 796. On peut préciser à cet égard que R. KOLB se situe au milieu du gué, entre ces deux courants doctrinaux, en estimant que l’attaque dont fait l’objet l’État qui souhaite invoquer la légitime défense doit être caractérisée par « un minimum de consistance et de dangerosité », Ius contra bellum, op. cit., p. 202.
  • [68]
    CIJ, Plates-formes pétrolières, République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique, arrêt, Rec., 2003, p. 161, spé. § 72, pp. 195-196.
  • [69]
    CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Rec., 1986, p. 103, § 193.
  • [70]
    Lors des travaux de la Commission du droit international relatifs au droit des traités, la CDI a présenté l’interdiction du recours à la force comme l’un « des exemples frappants d’une règle de droit international qui relève du jus cogens » (Ann. CDI, 1966-II, p. 270). La doctrine semble majoritairement accepter que ce principe relève du jus cogens, v. J. VERHOEVEN, Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 671 ; P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Droit international public, Paris, LGDJ, 8e éd., 2009, p. 967 ; N. SCHRIJVER, « Art. 2 § 4 », in J.-P. COT, A. PELLET et M. FORTEAU (dir.), La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Paris, Economica, 3e éd., 2005, vol. I, pp. 459 et s. ; cités in G. LE FLOCH, « Le principe de l’interdiction du recours à la force a-t-il encore valeur positive ? », Droit et Cultures, n° 57, 2009, pp. 49-76. Voir contra T. GARCIA, « Recours à la force et droit international », Perspectives internationales et européennes, n° 1, p. 29, qui, tout en reconnaissant que la majorité de la doctrine considère l’interdiction du recours à la force comme une règle de jus cogens, en constate la qualification en raison des exceptions qui y sont admises (légitime défense et Chapitre VII de la Charte des Nations Unies). La CIJ, dans l’affaire des Activités militaires, tout en reconnaissant que les États acceptent le caractère fondamental ou essentiel de cette interdiction coutumière, ne s’est pas prononcée sur le sujet, Rec., pp. 100-101, § 190. Plus généralement, sur le concept de jus cogens v. M. VIRALLY, « Réflexions sur le jus cogens », AFDI, 1966, pp. 5 et s.
  • [71]
    Pour une justification du caractère impératif de la règle prohibant le recours à la force v. O. CORTEN, Le droit contre la guerre. L’interdiction du recours à la force en droit international contemporain, Pedone, Paris, 2008, pp. 295-316.
  • [72]
    Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1974 portant Définition de l’agression, Article premier.
  • [73]
    Sur les différents critères de qualification du conflit, v. B. AURESCU, « Le conflit libanais de 2006. Une analyse juridique à la lumière de tendances contemporaines en matière de recours à la force », AFDI, 2006, pp. 141-144.
  • [74]
    Sur ce point, voir la communication de B. SIERPINSKI.
  • [75]
    É. DAVID, Principes de droit des conflits armés, 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 111, cité in B. AURESCU, op. cit., p. 142.
  • [76]
    Spécialement depuis les résolutions 1368 du 12 septembre 2001 et 1373 du 28 septembre 2001.
  • [77]
    S/RES/2085 (2012) précitée, avant-dernier considérant ; v. également les S/RES/2056 et 2071 qui réalise le même constat.
  • [78]
    La qualification d’actes de terrorisme est déjà présente dans la résolution du Conseil de sécurité S/RES/2056 (2012) du 5 juillet 2012, 11e considérant.
  • [79]
    Convention de Vienne sur le droit des traités du 1969, art. 62 : « Un changement fondamental de circonstances qui s’est produit par rapport à celles qui existaient au moment de la conclusion d’un traité et qui n’avait pas été prévu par les parties ne peut être invoqué comme motif pour mettre fin au traité ou pour s’en retirer, à moins que (…). b) Ce changement n’ait pour effet de transformer radicalement la portée des obligations qui restent à exécuter en vertu du traité ».
  • [80]
    Charte des Nations Unies, article 51 : « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, (…) jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales ».
  • [81]
    Déclaration du Conseil de sécurité des Nations Unies à la presse du 10 janvier 2013 (SC/10878 ; AFR/2502) : « Les membres du Conseil demandent à nouveau aux États membres d’accompagner le règlement de la crise au Mali et, en particulier, de fournir une assistance aux Forces de défense et de sécurité maliennes afin d’atténuer la menace que représentent les organisations terroristes et les groupes qui y sont affiliés ». C’est nous qui soulignons.
  • [82]
    Déclaration à la presse le 14 janvier 2013 du Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies, G. ARAUD, consultable à l’adresse suivante : (http://www.franceonu.org/la-france-a-l-onu/espace-presse/declarations-presse/points-de-presse/article/14-janvier-2013-mali-remarques-a-6794).
  • [83]
    Ibid.
  • [84]
    Ibid.
  • [85]
    CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, fond, Rec., 1986, § 176, p. 94 ; CIJ, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Rec., 1996, § 41, p. 245. V. aussi B. SIERPINSKI, « La légitime défense en droit international : quelques observations sur un concept juridique ambigu », Revue québécoise de droit international, 2006, p. 80. V. également le débat qui a eu lieu sur le site de la revue Actualité et droit international à la suite des attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis : (http://www.ridi.org/adi/debat/usalegdef.htm).
  • [86]
    Pour une présentation de l’argumentation qui défend la possibilité d’une autorisation implicite, v., M.-E. O’CONNELL, « La doctrine américaine et l’intervention en Iraq », AFDI, 2003, pp. 3-16, spé. pp. 5-8 ; M. IOVANE et F. DE VITTOR, « La doctrine européenne et l’intervention en Iraq », AFDI, 2003, pp. 17 et s., spé. pp. 23-25.
  • [87]
    Cette discussion doctrinale a notamment été ravivée à la suite des interventions militaires au Kosovo en 1999 et en Iraq en 2003. Sans prétendre à l’exhaustivité, étant donnée l’ampleur de la question, on peut notamment renvoyer à O. CORTEN et F. DUBUISSON, « L’hypothèse d’une règle émergente fondant une intervention militaire sur une autorisation implicite du Conseil de sécurité », RGDIP, 2000/4, pp. 873-918 ; O. CORTEN, « Opération Iraqi Freedom : Peut-on admettre l’argument de l’« autorisation implicite » du Conseil de sécurité ? », RBDI, 2003-1, pp. 205-247 ; S. SUR, « L’affaire du Kosovo et le droit international : points et contrepoints », AFDI, 1999, pp. 280-291, spé. pp. 286-287 ; Y. NOUVEL, « La position du Conseil de sécurité face à l’action militaire engagée par l’OTAN et ses États membres contre la République fédérale de Yougoslavie », AFDI, 1999, pp. 292-307 ; LOBEL et RATNER, « Bypassing the Security Council : Ambiguous authorizations to Use of Force, Ceasefires and the Iraqi Inspection Regime », AJIL, 1999, 93, pp. 124-154 ; L.-A. SICILIANOS, « L’autorisation par le Conseil de sécurité de recourir à la force : une tentative d’évaluation », RGDIP, 2002, p. 43.
  • [88]
    Une nouvelle fois, sans prétendre à l’exhaustivité, on peut notamment renvoyer à MG KOHEN, « L’emploi de la force et la crise du Kosovo : vers un nouveau désordre juridique mondial », RBDI, 1999, pp. 122-148 ; P. WECKEL, « L’emploi de la force contre la Yougoslavie ou la Charte fissurée », RGDIP, 2000, p. 19 ; O. CORTEN, Le droit contre la guerre, op. cit., pp. 561-568 ; Ch. GRAY, International Law and the Use of Force, 2e éd., O.U.P., 2004, pp. 267-270 ; R. KOLB, Ius contra bellum, op. cit., pp. 101-102 ; R. HIGGINS, « International Law in Changing International System », Cambridge Law Journal, 1999, vol. 58, pp. 78-95 ; B. SIMMA, « NATO, the UN and the Use of Force : Legal Aspects », EJIL, 1999, pp. 1-22, spé. p. 11 ; Y. DISTEIN, War, Agression and Self Defence, op. cit., p. 314 ; F. DUBUISSON, « La problématique de la légalité de l’opération “Force Alliée” contre la Yougoslavie : enjeux et questionnements », in O. CORTEN et B. DELCOURT, Droit, légitimation et politique extérieure : L’Europe et la guerre du Kosovo, coll. Droit international, Bruylant, Université de Bruxelles, 2001, p. 158 ; M. DUBUY, La « guerre préventive » et l’évolution du droit international public, Thèse, Nancy, 2008, p. 807.
  • [89]
    Ce terme est emprunté à l’article de B. AURESCU, « Le conflit libanais de 2006. Une analyse juridique à la lumière de tendances contemporaines en matière de recours à la force », op. cit.
  • [90]
    Dans le même sens, v. O. CORTEN, The Law Against War, Hart, 2010, p. 197, qui estime que « the inter-State character of [article 51] has been confirmed in practice since 11 September 2001 », cité in T. CHRISTAKIS et K. BANNELIER, « French Intervention in Mali : it’s Legal but…Why ? », op. cit.
  • [91]
    Sur ce point, voir la communication de M. DUBUY.
  • [92]
    CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis), fond, arrêt du 27 juin 1986, Rec., 1986, p. 14, spé §§ 75-125, pp. 45-70.
  • [93]
    CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, 9 juillet 2004, Rec., 2004, p. 136 ; confirmé par CIJ, Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), 19 décembre 2005, Rec., 2005, p. 168.
  • [94]
    CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur…, op. cit., opinion individuelle du Juge BUERGENTHAL, § 6 et opinion individuelle du juge Kooijmans, § 35.
  • [95]
    CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur…, op. cit., opinion individuelle du Juge HIGGINS, §§ 33-34.
  • [96]
    O. CORTEN, « L’interdiction du recours à la force dans les relations internationales est-elle opposable aux groupes terroristes ? » in R. BEN ACHOUR et S. LAGHMANI (dir.), Acteurs non étatiques et droit international, Colloque de Tunis des 6, 7 et 8 avril 2006, Paris, Pedone, 2007, p. 152 ; P. KLEIN, « Le droit international à l’épreuve du terrorisme », RCADI, vol. 321, 2006, p. 406 ; F. DUBUISSON, « La guerre du Liban de l’été 2006 et le droit de la légitime défense », RBDI, 2006/2, p. 543.
  • [97]
    L.-A. SICILIANOS, « L’invocation de la légitime défense face aux activités d’entités non étatiques », Hague Yearbook of International Law, 1989, p. 153 ; Ph. WECKEL, « Nouvelles pratiques américaines en matière de légitime défense ? » (http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/9_128-137.pdf).
  • [98]
    P.-M. EISEMANN, « Attaques du 11 septembre et exercice d’un droit naturel de légitime défense » in K. BANNELIER, TH. CHRISTAKIS, O. CORTEN et B. DELCOURT (dir.), Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Paris I, Cahiers internationaux n° 17, Pedone 2002, p. 243.
  • [99]
    L.-A. SICILIANOS, op. cit., pp. 153-155.
  • [100]
    Projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales, adopté par la Commission du droit international en 2011 lors de sa 63è session, Annuaire CDI, 2011, vol. II (2).
  • [101]
    Projet d’articles précité, Chapitre V – Circonstances excluant l’illicéité, article 21 : « L’illicéité du fait d’une organisation internationale est exclue si et dans la mesure où ce fait constitue une mesure licite de légitime défense en vertu du droit international ».
  • [102]
    B. AURESCU, op. cit., pp. 151-152.
  • [103]
    Th. FRANCK, « Terrorism and the Right of Self-Defence », AJIL, 2001, vol. 95, p. 840.
  • [104]
    P.-M. DUPUY, « L’unité de l’ordre juridique international – Cours général de droit international public », RCADI, vol. 297, 2002, pp. 109-114.
  • [105]
    CIJ, Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif du 11 avril 1949, Rec., p. 178.
  • [106]
    Compte rendu provisoire de la réunion du Conseil de sécurité du 22 janvier 2013, S/PV.6905, déclaration de M. BOUREIMA, p. 15.
  • [107]
    Compte rendu provisoire précité.
  • [108]
    Il faut également souligner que la déclaration à la presse du Conseil de sécurité sur le Mali du 10 janvier 2013 qui prend acte du lancement de l’opération Serval n’évoque même pas l’argument de légitime défense mis en avant par les autorités françaises, v. SC/10878 et AFR/2502.
  • [109]
    V. le Décret n° 2013-364 du 29 avril 2013 précité, note 57.
  • [110]
    On peut consulter ces différentes déclarations à l’adresse suivante : (http://basedoc.diplomatie.gouv.fr/vues/Kiosque/FranceDiplomatie/kiosque.php?fichier=bafr2013-01-17.html#Chapitre5).
  • [111]
    Ph. WECKEL, « Mali, l’intervention française et la gestion africaine de la crise », Sentinelle, bull. 331, 20 janvier 2013, (http://www.sentinelle-droit-international.fr/bulletins/a2013/20130120_bull_331/bulletin_sentinelle_331.php#408).
  • [112]
    Ph. WECKEL, « L’intervention militaire de la France au Mali », Sentinelle, bull. 330, 13 janvier 2013, consultable à l’adresse suivante : (http://www.sentinelle-droit-international.fr/bulletins/a2013/20130113_bull_330/bulletin_sentinelle_330.php#405).
  • [113]
    M. DUBUY, La « guerre préventive » et l’évolution du droit international public, thèse précitée, pp. 171-176.
  • [114]
    J. DELIVANIS, La légitime défense en droit international public moderne. Le droit international face à ses limites, op. cit., p. 3 et p. 18.
  • [115]
    R. De LACHARRIÈRE illustre ainsi une « absurdité» d’interprétation de l’article 51 en estimant que si cette disposition énonce que la légitime défense est permise « dans le cas où un membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée », cela ne signifie pas que ce droit est restreint à la seule agression armée, ni que ce droit n’est ouvert qu’aux seuls État membres des Nations Unies, Préface à la thèse de J. DELIVANIS, op. cit., p. XIII.
  • [116]
    Ph. WECKEL, « Mali, l’intervention française et la gestion africaine de la crise », op. cit.
  • [117]
    Th. CHRISTAKIS et K. BANNELIER, « French Military Intervention in Mali : It’s Legal but… Why ? », op. cit.
  • [118]
    CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, adopté par la Commission à sa 53e session en 2001, Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II (2), Chapitre V – Circonstances excluant l’illicéité, article 21 : « L’illicéité du fait de l’État est exclue si ce fait constitue une mesure licite de légitime défense prise en conformité avec la Charte des Nations Unies. ». V. également Th. CHRISTAKIS et K. MOLLARD-BANNELIER, « Volenti non fit injuria ? Les effets du consentement à l’intervention militaire », op. cit., p. 111.
  • [119]
    Th. CHRISTAKIS et K. BANNELIER, « French Military Intervention in Mali : It’s Legal but… Why ? », op. cit.

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