Notes
-
[1]
Jean-François Lyotard, Des dispositifs pulsionnels, Paris, uge, 1973, rééd. Galilée, 1994.
-
[2]
J.-F. Lyotard, Chambre sourde. L’antiesthétique de Malraux, Paris, Galilée, 1998, p. 41 ; sur la dénonciation de l’ailleurs : J.-F. Lyotard, Économie libidinale, Paris, Minuit, 1974, p.65, p. 85, p. 101, p. 131, p. 162-165, p. 178 ; sur le refus de la position critique : ibid., p. 14, p. 117, p. 123, p. 126, etc.
-
[3]
C’est-à-dire le refus de Derrida « d’adhérer à des idées absolues de la fuite ou du dépassement, son rappel entêté de ce qui est indépassable, et de la moitié des dichotomies dont on ne se débarrasse pas », Jean-Michel Salanskis, Derrida, Paris, Les Belles Lettres, 2010, p. 143. Le jugement sur ce « radical-socialisme » intervient dans la « considération finale » où Salanskis justifie Derrida.
-
[4]
J.-F. Lyotard, Pérégrinations, « Mémorial pour un marxisme : à Pierre Souyri », Paris, Galilée, 1990.
-
[5]
« Les Lumières. Le sublime. Un échange de paroles entre Jean-François Lyotard, Willem Van Reijen et Dick Veerman », Cahiers de philosophie, no 5, « Jean-François Lyotard », printemps 1988, p. 90.
-
[6]
Lyotard, Économie libidinale, op. cit., p. 262, p. 270.
-
[7]
J.-F. Lyotard, Le Différend, § 245-252, Paris, Minuit, 1983, p. 251-255.
-
[8]
Pour cette acception du « nihilisme » : Lyotard, Des dispositifs pulsionnels, op. cit., p. 35-36 ; Économie libidinale, op. cit., p. 64, p. 88, p. 165, p. 197 ; Chambre sourde, op. cit., p. 63.
-
[9]
Lyotard, Économie libidinale, op. cit., p. 159.
-
[10]
J.-F. Lyotard, La Guerre des Algériens. Écrits 1956-1963, Paris, Galilée, 1989, p. 36.
-
[11]
Reinhart Koselleck, Le Règne de la critique, Paris, Minuit, 1979.
-
[12]
Lyotard, Chambre sourde, op. cit., p. 38.
-
[13]
Lyotard, Le Différend, op. cit., § 256-260, p. 257-259 ; J.-F. Lyotard, Le Postmoderne expliqué aux enfants, Paris, Galilée, 1986, p. 50, p. 149.
-
[14]
Lyotard, p. 18., Moralités postmodernes, Paris, Galilée, 1993, p. 68-69 et Chambre sourde, op. cit.
-
[15]
Lyotard, Le Postmoderne expliqué aux enfants, op. cit., p. 88.
-
[16]
Lyotard, Moralités postmodernes, p. 207.
-
[17]
Ibid., p. 200.
-
[18]
Voir Walter Benjamin, Œuvres, t. II, « Expérience et pauvreté », Paris, Gallimard, 2000.
-
[19]
Lyotard, Économie libidinale, op. cit., p. 63 ; Lyotard, Le Différend, § 71, op. cit., p. 75-76.
-
[20]
Rappelons que le tort est un dommage inarticulable dans le genre de discours qui le cause (ibid., § 7, § 9, p. 18-19, p. 22-23). Sur les différents types de torts et de différends qui y sont impliqués, cf. Gérald Sfez, Lyotard, la partie civile, Paris, Michalon, 2007 et Gaëlle Bernard, « Lyotard : politique, éthique. La justice improbable », thèse de doctorat de philosophie, université Charles-de-Gaulle Lille-III, décembre 2010, inédite.
-
[21]
Lyotard, Moralités postmodernes, op. cit., p. 33.
-
[22]
J.-F. Lyotard, Discours, Figure, Paris, Klincksieck, 1971, p. 151.
-
[23]
Hannah Arendt, « Compréhension et politique », in La Nature du totalitarisme, Paris, Payot, 1990, p. 54-57.
-
[24]
Lyotard, Moralités postmodernes, op. cit., p. 204.
-
[25]
Lyotard, Le Différend, § 63, § 67, op. cit., p. 69-70, p. 72-73.
-
[26]
Cf. Agnès Oppenheimer, « La “solution” narrative », Revue française de psychanalyse, 1988/1, p. 17-35.
-
[27]
J.-F. Lyotard, « Devant la loi, après la loi », entretien avec Elisabeth Weber in E. Weber, Questions au judaïsme, Desclée de Brouwer, « Midrash », 1996, p. 205-206.
-
[28]
J.-F. Lyotard, « L’extrême réel », entretien avec Gérald Sfez, Rue Descartes, no 12-13, Paris, Albin Michel, mai 1995, p. 200-204.
-
[29]
Lyotard, Le Différend, op. cit., p. 187-217.
-
[30]
Élisabeth de Fontenay, Une tout autre histoire. Questions à Jean-François Lyotard, Paris, Fayard, 2006.
-
[31]
J.-F. Lyotard, « À propos du Différend. Entretien avec Jean François Lyotard », Cahiers de philosophie, no 5, Lille, 1988 p. 42-43.
-
[32]
Lyotard, Moralités postmodernes, op. cit., p. 29 : « Y a-t-il, avant Adorno, un seul philosophe en Occident pour porter la pensée à la hauteur nihiliste de cette écriture et de cet art ? », l’écriture de Max Jacob en l’occurrence.
-
[33]
Lyotard, Le différend, § 57-60, op. cit., p. 65-68.
Lyotard, Le Postmoderne expliqué aux enfants, op. cit., p. 49-51, p. 81-83.
1Dans « Capitalisme énergumène [1] », compte-rendu de L’Anti-Œdipe, Lyotard fait en 1972 d’une pierre trois coups. D’abord, il se cherche d’autres interlocuteurs en dissidence que ceux de Socialisme ou Barbarie, groupe dont il a partagé la critique marxiste des stalinisme, trotskisme et maoïsme, comme l’engagement militant, durant la guerre d’Algérie en particulier. Ensuite, il veut rappeler la radicalité de Deleuze et Guattari à une conception moins sommaire des institutions (famille, État, argent) censées immobiliser le nomadisme des flux. Enfin, Lyotard commence à suspecter la position « critique » qui avait été la sienne. L’histoire des révolutions et des guerres d’indépendance dément le départage entre un monde libre et éclairé et son envers asservi et aliéné. En 1974, Économie libidinale récusera avec une extrémité rageuse l’illusion d’un ailleurs indemne du mal dénoncé. Chambre sourde répétera en 1998 (année de sa mort) que le mal, c’est d’abord la confusion du bien et du mal, l’intrication de deux voix contraires venues se signifier en un même énoncé. L’injustice est pour lui un fait politique bien réel, mais le mal se redouble si « c’est le peuple qui élit librement ses tyrans, l’exploiteur [qui s’habille] en habit de civilisateur, l’avenir radieux qui déporte et assassine ses supporters [2] ». Entendons, dans l’ordre : nazisme, capitalisme, stalinisme.
2Oublions le vœu de compagnonnage signifié dans « Capitalisme énergumène ». Il n’est pas dans l’habitus de Deleuze, pour qui toute discussion (sur Marx et Freud aussi bien) est vaine au regard de la création de concepts. C’est avec Baudrillard que Lyotard discutera un moment de la société marchande avant que le premier perde dans le jeu du « spéculaire » le souci de l’injustice. Plus tard, un lien se nouera avec Derrida, d’abord dans l’association Jan-Hus en 1981, puis dans la discussion sur l’extermination au colloque sur « Les Fins de l’homme » et lors de création du Collège international de philosophie. Le lien se fait alors amitié, même si la radicalité politique de Lyotard et le « radical-socialisme » de Derrida (au sens proposé par Jean-Michel Salanskis [3]) leur interdit une amitié politique comme celle vécue avec Pierre Souyri pendant quinze ans [4].
3Revenons donc à ce double geste de faire fond sur l’économie politique marxiste en refusant le manichéisme de la position « critique ». Peut-on récuser « la tentative de moralisation de la politique […] incarnée par le marxisme [5] » et soutenir une résistance à l’inhumanité marchande ? Double contrainte si inconfortable qu’il serait plus simple d’abandonner l’une des deux, ce qui fut précisément l’enjeu de la scission de Socialisme ou Barbarie en 1964 et du malentendu où Lyotard fut pris. En demandant de supporter le paradoxe, Lyotard complique la conception de la « politique » et obscurcit sa position, le camp où le ranger. On retient alors son « nihilisme », brouillard d’irrationalité où l’on veut noyer les penseurs des années 1960, de Deleuze à Derrida, voire Foucault dans une moindre mesure.
4Tentons d’éclaircir ledit nihilisme. Lyotard répète qu’il est le fait du capitalisme lui-même, de sa parfaite indifférence à toute matière produite, qu’elle soit physique ou mentale, du moment qu’elle peut prendre une forme comptable, échangeable et être occasion de profit. Ce fait n’est pas une coordonnée anecdotique de notre monde, il se donne aujourd’hui comme « mondialisation » et semble offrir, en guise d’histoire, le « développement ». Comme l’axiome du capital et le succès de la « croissance » sont pour l’heure la prédonnée de tout arbitrage politique, rien ne se décide, en matière sociale, éducative, culturelle, ou écologique, qui ne convienne à la performativité mercantile. Voilà le fait. Il est « économique » si l’on veut, pour autant que les produits échangeables font le tout du réel. Il est « existentiel » – si le mot n’était si peu lyotardien – puisqu’il absorbe tous les registres de l’existence (discours et affects inclus) dans une déplaçabilité accélérée du placement profitable. La circulation d’unités numériques sans autre limite que l’axiome de commutativité gagnante est aujourd’hui, dit Lyotard, la seule instance « réaliste [6] ». La « perte de l’objet » et la « perte de réalité » veulent dire que l’échange seul importe, non les choses échangées, et qu’il faut s’acquitter de la transaction, être quitte d’autant plus vite que cela accroît la rentabilité. Le « nihilisme » du capitalisme est le réalisme du marché : sa négation des valeurs hormis le gain, l’argent étant à cet égard la meilleure marchandise si l’on peut vendre l’avance temporelle qu’on a misée en lui [7]. Mais on aurait tort, selon Lyotard, d’inférer de ce « néant » à une plénitude perdue ou promise. C’est là un autre nihilisme, non plus celui du capitalisme, mais de sa « critique ». Il postule le manque du « propre », d’une existence appropriée à elle-même, il est la plainte sur le sens perdu [8].
5Le nihilisme a d’abord été, aux yeux de Lyotard, cette lecture du réel apprise dans le marxisme mais le débordant par son présupposé religieux, qui consiste à faire du donné un ensemble de signes valant pour un autre ordre que lui-même. Ce signifiant absent est aussi bien le « Dieu caché » du christianisme que le « corps inorganique » invoqué par les Grundrisse de Marx [9]. Lyotard nomme « nihiliste » dans les années 1970 cette structure de renvoi où le réel vaut par ce qui lui manque, par un rien qui est tout. La difficulté est pour lui de se déprendre de ce nihilisme qui déjuge le réel à l’aune d’une autorité absente, sans retomber sous sa coupe « critique » en en faisant l’adversaire à abattre. Mais sans non plus s’enfermer dans un monisme célébrant l’amor fati. On nomme parfois « nihilisme », dans une équivocité sémantique accrue, le nietzschéisme qui séduisait Économie libidinale, parce qu’il semble dévaluer toute valeur. Mais outre que l’appellation contredit la lettre et l’esprit de la pensée nietzschéenne, Lyotard a dénoncé dès 1979 (dans Au juste) l’autosuffisance du réel qu’il avait affirmée, cinq ans plus tôt, contre la pensée du manque. Car s’il est vrai que la réalité humaine ne souffre pas d’une dépropriation, d’un manque ontologique censé l’affecter, elle souffre pourtant d’un défaut de justice qu’un sens déontologique lui fait sentir et condamner. L’aptitude à être violemment affecté par une injustice, à éprouver le devoir de lui faire droit, avait conduit Lyotard à l’engagement syndical et militant dès le début des années 1950. Il a pu comme l’oublier durant le moment « païen » de sa réflexion théorique, entre 1974 et 1979. Mais une fois revenu à cette pierre de touche initiale, il ne l’a plus délaissée. Aussi est-ce entretenir la confusion que de parler de son « nihilisme ». Sans doute veut-on dire par là que prendre acte de l’enlacement du bien et du mal en un même fait, c’est renoncer à juger de leur différence comme à agir. Erreur. Lyotard a pu « porter les valises » des Algériens tout en dénonçant la bureaucratie politique qui se dessinait dans leur « révolution » et la nouvelle exploitation, non coloniale, qu’elle présageait [10].
6Le capitalisme est pour Lyotard, le fait mondialement équivoque. L’humaniste cultivé juge la loi de l’équivaloir désolante, en ce qu’elle ne connaît des activités que leur traduction en « A-M-A’ ». Il a raison. Mais loin de prêter au monde le silence d’un cimetière, cette loi économique l’emplit au contraire d’une intense activité. Elle produit et fait circuler quantité de « biens » dont chacun souhaite jouir. Elle mobilise, pour accomplir ses performances, un exercice intellectuel qui, en dépit des conditions le contraignant, est en lui-même un plaisir. Que la société marchande tisse ensemble aisance et misère, intelligence et inculture, licence et servitude, excitation et dépression, tel est bien le paradoxe importun que dénie la critique politique. Car cette duplicité interdit un départage du bien et du mal qu’une politique de l’émancipation veut pourtant supposer. L’équivocité du fait marchand affecte aussi bien la décision des autorités politiques instituées que son évaluation par ceux qui en dépendent (nous y reviendrons). Si l’on ajoute que tout pays est virtuellement inclus dans le « développement » et susceptible d’une « émergence » dont on ne peut tout uniment se lamenter, alors la pensée critique semble perdre les critères idéologiques qui la légitiment.
7La politique peut-elle pourtant travailler à une justice dont elle ignorerait critères et teneur ? C’est l’objection que Lyotard doit contrer, sauf à être accusé de nihilisme en s’interdisant de juger de l’injuste pour finalement le tolérer. La passe est donc étroite puisque la modernité fait preuve, selon lui, d’un tout autre nihilisme : postuler une dépropriation des hommes (nommée aliénation par Marx) que l’histoire aurait pour fin d’abolir. La modernité est volontariste : il faut conduire les hommes à une possession d’eux-mêmes qui s’appelle liberté.
8L’utopie de la liberté politique s’est paradoxalement élaborée selon Reinhardt Koselleck [11] à l’abri d’un État absolutiste qui, meurtri par les guerres de religion, imposait la dissociation entre bien public et salut personnel. La tolérance a d’abord été ce geste d’enfermer l’accomplissement de soi et le salut dans l’intériorité subjective, sans objectivation sociale autorisée. Dans cette retraite, des sociétés secrètes ont conçu l’idée d’un État libre que la Révolution Française a mise en acte. Par là, l’ambition politique renouait avec le vœu d’un salut public que la Chrétienté avait abandonné.
9Le récit chrétien a été le premier, selon Lyotard, à faire de la réalité narrée l’histoire de la voix narrative elle-même. Récit qui déclare : « Le drame que je raconte est le mien [12] », celui de ma servitude et de ma libération. L’irruption de cette voix dans le récit marque le temps zéro où l’on change d’histoire, où la chose racontée (substance) s’identifie à celui qui la raconte (sujet), temps zéro qui fait commencer l’accomplissement promis. Sans cette conversion de l’histoire en historicité, du devenir substantiel en devenir subjectif, le cours du temps ne pourrait pas prendre pour départ la naissance du Christ. Sans la Révolution française sonnant l’an I de la République, jamais l’histoire (re)commencée du salut collectif n’aurait reçu de « preuve », ni la promesse d’émancipation terrestre acquis sa fortune. La Révolution serait cet événement d’une conscience morale se donnant objectivité et universalité, en se constituant comme un sujet collectif autonome nommé « volonté générale ».
10La révolution est l’objet d’une fidélité mélancolique. La fidélité est bonne, dit Lyotard, elle dit notre dette à l’égard des souffrances, le devoir de réparer les injustices, ce que les révolutions s’étaient proposé de faire. La mélancolie tient au deuil de ce sujet impossible qu’est l’humanité libre, au chagrin devant l’incommensurabilité de cette Idée à la réalité [13]. Mais fidélité et chagrin n’invitent nullement à recommencer la révolution [14], parce que la déroute est inscrite dans son projet. Vouloir réaliser une Idée dépassant toute expérience possible, une liberté absolue soustraite à tous les jougs, c’est se vouer, dit Lyotard, à accuser la réalité humaine de ne jamais égaler cette Idée, de n’être jamais assez émancipée [15], et la persécuter pour ce défaut. Dans la terreur exercée par la liberté universelle, les révolutions mangent leurs propres enfants. L’espoir de recommencer le temps se nourrit, selon Lyotard, de la confusion entre la substance (racontée) et le sujet (racontant), l’agir politique et l’accomplissement moral, le devenir historique et la promesse eschatologique.
11Difficile de dire où est aujourd’hui le nihilisme : dans le zéro du commencement où l’espoir émancipateur veut échanger l’histoire des sociétés contre une téléologie de la liberté ; dans le zéro comptable où le capitalisme commute et « développe » activités, biens et personnes ; dans le zéro de l’indifférence où plonge l’union désespérée entre l’émancipation humaine et la licence marchande ? Lyotard ne veut pas plus de ce dernier nihilisme que des deux autres. Il s’agit de faire front aux trois, en cherchant déjà comment ils se répondent les uns aux autres.
12Le capital ne dilue pas seulement les Idées (liberté, création) en les vendant comme marchandises, « il jette [aussi] le soupçon sur la donnée esthétique [16] ». La perte de l’objet au profit de son signe consommable ôte aux corps la brutalité de leur matière. Ils sont remodelés dans un filtre « esthétique » qui est aussi bien une « soupe ». La culture dissipe ce qu’il y a de destin, de douleur et de finitude dans l’existence des corps, individuels ou collectifs. Elle est « une esthétique sans corps [17] », une « niaiserie » où la matière perd son pouvoir d’effraction et la force d’un événement sensible. Cette désensibilisation s’est préparée dans la science contemporaine, dans une crise des fondements bouleversant les coordonnées spatio-temporelles qui configuraient le sensible. L’art – que Lyotard oppose toujours à la culture – est d’abord le témoin de cette insensibilité postmoderne. C’est un art déceptif qui fait sentir la déréalisation du monde en l’aggravant et refuse de la consoler par la jouissance du beau et l’apaisement narratif. Il fait plus encore : en redoublant la désaffection, il porte le manque à une intensité qui affecte la sensibilité, dans une désertion de l’événement qui est elle-même l’événement (pensons à Beckett). Les constructions de l’avant-garde artistique, aussi froides et inhumaines que le monde qu’elles commentent, révèlent selon Benjamin [18] une nouvelle barbarie. Mais cette perte du Heim, d’un espace-temps habitable, est pour Lyotard un désaveu de l’expérience qui ne peut s’imputer au seul capitalisme. L’art creuse le désert marchand d’une autre pauvreté, structurelle, que l’idée d’« homme » propre à l’anthropologie éclairée ou marxiste ignore. C’est cela l’anti- humanisme de Lyotard, c’est lui qu’on taxe (encore) de nihilisme.
13La difficulté à lier le divers sensible en une réalité spatiale sujette à intrigue temporelle est celle du sujet à se constituer lui-même comme foyer du sens, à rassembler les moments du monde en une expérience de soi maîtrisée et orientée [19]. Que cette synthèse du divers n’ait rien d’évident, la clinique et la métapsychologie freudiennes l’ont enseigné à Lyotard aux dépens d’une dialectique ou d’une phénoménologie qui postulent un « soi-même » ou un selbst ouvrant l’aventure du monde. La déliaison qui défait l’expérience est toujours cruelle mais, selon Lyotard, elle dit quelque chose de notre condition inhumaine. L’« enfance » nomme pour lui cette inhumanité qui, par-delà les âges de la vie, livre la sensibilité à la violence d’événements l’affectant, sans possibilité de les articuler en mots et de les coordonner en une histoire. Le tort [20] subi est ici structurel, irréparable ; d’autres torts, conjoncturels, viennent l’aiguiser ; le récit les accroît en voulant les lier en expérience. L’art et l’écriture travaillent à rebours et donnent réalité à ce fait sensible rebelle à sa liaison, cette frappe d’une « matière » tombée d’on ne sait où, qu’aucun mot n’identifie. L’œuvre de Schönberg, Duchamp ou Joyce réfléchit peut-être la barbarie du siècle, mais elle avive une défection de l’expérience dont le monde marchand – qui n’est justement pas un monde – donne seulement la version sociale désolée. L’humanisme moderne avait fait de l’homme un sujet recueillant l’espace et le temps en un foyer nommé conscience. C’était là « le dernier “objet” épargné par [un] nihilisme [21] » issu de la crise scientifique des fondements et de la déréalisation technique et mercantile. La postmodernité attaque ce dernier bastion en ébranlant le continuum temporel où toute expérience se lie comme vécu (Erlebnis) et se transmet comme héritage (Erfahrung). Fait désastreux sans doute, mais qui met l’anthropologie au défi en désarticulant l’idée d’homme et la temporalité qui la soutient. Aussi est-ce sur le temps et l’histoire que se joue le nihilisme politique.
14En procédant dès Discours, Figure à une coupe réglée de l’expérience, Lyotard s’en prend au sujet, à sa constitution du temps, au « projet » donnant préséance à l’avenir. La volonté d’émancipation croit d’ailleurs faire fond sur ce temps linéaire, parce que l’eschatologie enchaîne sur un même fil le temps de la réalité sociale et le hors-temps de la communauté idéale. De l’un à l’autre, il y a pourtant le « saut mortel », comme dirait Kant, de l’expérience à l’Idée. Quant à la réalité empirique elle-même, la continuité temporelle en recouvre les césures, les traumas individuels et catastrophes collectives où l’expérience s’effondre et l’histoire se suspend. Bref, comme l’écrit Lyotard, « le temps refoule [22] ». C’est la vertu ou le vice du récit – grand ou petit, lettré ou niais – que de mettre ces ruptures au passé, de leur ôter l’actualité d’un événement qui ne passe pas, en les insérant dans la chaîne des antécédents et conséquents. Le « devoir de mémoire » participe de cet oubli feutré où le fait s’annule dans son signe et perd son pouvoir d’affecter. À bien suivre Lyotard, la téléologie qui fourvoie la politique serait comme inhérente au récit, au déroulé de l’expérience qu’est la narration, à la fin qui l’aimante. On peut alors se demander ce que le philosophe attend de la science historique si l’événement se méconnaît dans la trame narrative qui l’intègre.
De Discours, Figure à Que peindre ?, Lyotard fait de l’intrigue narrative le lieu d’un forfait : elle jugule la charge sensible de l’événement en l’insérant dans un déroulement qui lui donne sens, l’orientation valant signification. L’intrigue (historique, romanesque, philosophique) synthétise les événements et dissout la force d’occurrence qui les fait tomber au présent du hic et nunc. Dire que le récit de l’historien rationalise et justifie – reproche que lui fait Arendt [23] – ne suffit pas. Le point est que le récit unifie l’hétérogène dans l’unique dimension du temps, qu’il ignore la césure d’un événement s’abattant sur « la pensée-corps [24] », et l’élude dans la liaison narrative. L’événement dépossède, le récit prend possession. Là est le tort que la science historique fait aux torts, à des faits laissant leurs victimes sans voix, comme déliées du monde habité, jetées dans un monde parallèle, un désert côtoyant à jamais la vie ordinaire retrouvée. Une catastrophe ne se raconte pas parce qu’elle a coupé le fil du temps et qu’à simplement le renouer, on commet une injustice. Celle que les victimes connaissent à entendre leur histoire racontée par d’autres, mais aussi à devoir la raconter elles-mêmes. L’injustice serait pourtant plus grande, Lyotard le sait, à murer l’événement dans le silence. La passe est de nouveau étroite entre l’exigence de dire l’événement sidérant et la faute de toute histoire qui le raconte. Un idiome qui ne raconterait pas ferait sentir que l’histoire a perdu le fil et que la politique y perd l’évidence de ses constats et de son projet.
D’histoire, il devrait en vérité n’y en avoir qu’une seule, celle que la science construit à partir de données factuelles. Cette science interprète la succession de faits dûment attestés, en dressant les raisons objectives et subjectives qui justifient leur enchaînement. Comme toute réalité positive, le fait historique a besoin selon Lyotard, de trois énoncés pour s’établir : l’un qui le signifie (le décrit, l’explique), l’autre qui le montre, le troisième qui le nomme (nom propre) et fait cheville entre les deux autres [25]. Ne vaut ainsi comme réalité que la réalité référentielle. Lyotard ne discute nullement le besoin qu’on a d’elle ni la procédure qui l’installe, mais seulement qu’elle résume ce que le « réel » enveloppe. Le réel scientifique souffre d’être fixé dans une signification (l’énoncé descriptif, explicatif) qui élude sa matière sensible et sa charge affective. C’est déjà vrai d’une lumière éclatante ou d’une violente tempête, mais plus encore d’une émeute ou d’un massacre. On objectera que, depuis Dilthey, la science historique sait bien qu’elle n’« explique » qu’en « comprenant », que son travail herméneutique renvoie l’objectivité sociale aux subjectivités qui l’appréhendent et s’y expriment, qu’elle est donc une compréhension de la compréhension que les hommes ont d’eux-mêmes et de ce qui leur arrive. Mais justement, c’est supposer que tout événement est objet d’« expérience » et à ce titre compréhensible. Des sujets le vivraient comme un moment (serait-il désastreux) de leur traversée de l’existence, moment dont l’historien, après recollection, dégagerait le sens. Autant dire que c’est plutôt le récit qui traverse et ajointe ces sujets, enfermant dans sa mise en sens tout ce qui peut jamais leur « arriver ». Ce postulat narratif – qui, soit dit en incise, mine aujourd’hui la psychanalyse anglo-saxonne [26] – est le grief que Lyotard fait à toute histoire. Le postulat positiviste est celui qu’il fait à la science historique, comme l’atteste sa controverse avec Vidal-Naquet.
Que la destruction des Juifs d’Europe soit au centre de ce débat n’est certes pas indifférent, tant elle mobilise de « nihil ». Elle a fait du nom « Aryen » une « raison » de dénier au nom « Juif » d’être celui de « vrais hommes » et exterminé ceux qui le portaient. Le négationnisme redouble cet anéantissement en en déniant l’effectivité. Vidal-Naquet qui conteste à Faurisson le pouvoir de nier l’existence des chambres à gaz commet l’erreur, selon Lyotard, de croire que son adversaire veut des preuves. Car l’objectivité scientifique prétendument réclamée concerne le seul point où le négationniste la sait impossible : avoir le témoignage vivant de qui aurait été envoyé à la chambre à gaz. Ce qui inquiète ici Lyotard est que l’historien veuille attester la destruction de la réalité dans la réalité, alors qu’elle est en son principe une métaréalité (le néant de l’anéantissement) qui a pour trace, mais non pour preuve, l’effroi et le silence laissés derrière elle. À se battre sur le terrain des preuves, Vidal-Naquet oublie que la réalité de l’extermination n’est pas seulement référentielle, ce qu’elle est aussi [27]. La science qui a autorité pour établir l’existence du référent tient à tort celui-ci pour le tout du réel. Elle ignore ainsi la stupeur esthésique qui est pourtant le seul reste « réel » du référent détruit [28]. Pour le dire brutalement, Lyotard reproche à l’historien de n’être pas philosophe, de ne pas s’inquiéter de la multiplicité des genres de discours (cognitif, éthique, économique, technique [29]), de croire que le réel est unique comme le serait le discours qui en parle. On aura pourtant raison de blâmer le philosophe d’être si peu historien [30], d’ignorer que les victoires de la preuve sont celles des victimes, que les dommages reconnus recevront réparations, quand bien même la catastrophe en resterait comme absente. Inutile d’espérer qu’historien et philosophe combinent leurs efforts en se répartissant le « réel ». Car les discours qui divisent la réalité ne se la partagent pas, ils se l’arrachent tout entière, chacun demandant priorité sur les autres. Si la philosophie, qui est l’un d’eux, a pour tâche d’établir leur incommensurabilité dans une ontologie des phrases [31], elle ne pourra faire sentir (et non pas signifier) les césures où expérience et histoire s’effondrent que dans une « écriture » dépossédant le concept par la matière des mots, dans un art. Quand l’histoire travaille à établir et lier l’expérience, l’art travaille pour Lyotard à la déréaliser et la délier, et la philosophie à réfléchir cette dispute qu’elle sait irréconciliable. Par cette analyse du « réel », Lyotard veut faire gagner à la politique quelque lucidité sur les « nihil » qui la grèvent.
Récapitulons. Au premier nihilisme de l’Idéal manquant, au deuxième de l’équivalence marchande, au troisième se désespérant de l’alliance des deux autres, au quatrième déniant le fait de l’anéantissement, Lyotard répond en faisant d’abord éclater les promesses de l’expérience et des « histoires » la soutenant. Si toute politique commence par « une analyse de la situation », Lyotard propose un tableau du présent miné par des destructions sociopolitiques (nazisme et capitalisme), une dépossession structurelle (« l’enfance ») et un différend ontologique (l’incommensurabilité des discours). Tableau nihiliste si l’on veut, à ceci près qu’il serait un état des lieux induisant non le défaitisme, mais la dette à une injustice elle-même plurielle. De cette dette, la philosophie et l’art porteraient témoignage en dépliant les différends et torts que l’expérience enferme. Mais en plaçant la résistance dans un travail de l’écriture et de l’art, Lyotard semble aggraver son cas : ne renonce-t-il pas, à la suite d’Adorno [32], à toute intervention sur le théâtre social ? La résistance politique dans ce qu’elle exige ordinairement d’espoir et d’action pour briser l’injustice veut que l’homme renoue le fil de l’expérience et monte sur la scène de l’histoire. On peut certes chercher dans l’art des (non-)formes interdisant au temps de tisser son intrigue, et « réfléchir » ainsi une déliaison qui hante l’expérience. Mais l’œuvre aura beau faire résonner entre elles la dépossession structurelle du soi et la « vie mutilée » de la marchandisation, elle reste un témoignage et ne transforme pas le réel. Une « vraie » résistance veut mettre fin à l’insupportable. Elle se scandalise qu’on suspecte l’émancipation et qu’on fasse buter la critique sociale sur un différend langagier et temporel dont l’action n’a que faire.
Rappelons pourtant l’enjeu des luttes sociales actuelles. Le capitalisme a dans sa victoire anéanti l’alternative communiste. Son néolibéralisme ébranle maintenant la victoire républicaine : l’État-nation est un frein à la mondialisation, son cadre juridico-politique toujours trop singulier et trop rigide pour le capital, pour la circulation métamorphique de l’argent. Le travailleur occidental est devenu la marchandise la plus encombrante, en ce qu’il ne se dissipe pas au gré des fluctuations du marché et qu’il dit sa dignité d’homme bafouée. Lyotard le répète, résister consiste d’abord à faire droit aux injustices, à user des tribunaux républicains pour faire respecter la législation sur le travail ou le statut des réfugiés, à s’insurger dans l’espace public contre ce qui accroît l’exploitation, la déculturation et la ségrégation. L’action ici requise n’engage nulle promesse de libération ni croyance en un monde alternatif, mais le seul souci de tempérer l’injustice en réparant des dommages et en réglant des litiges. Probité nécessaire mais impuissante à donner voix à ce tort absolu que le capital porte à la force de travail en en faisant une marchandise, un avoir échangeable, alors qu’elle est un être. Tort qui ne relève, lui, d’aucune négociation (sur le salaire ou l’emploi), ni désormais d’une révolution prolétarienne. Il est le « reste » encombrant de toute action de résistance juridique ou sociale.
La question n’est donc pas selon Lyotard de ne « rien faire » contre l’injustice. Elle tient plutôt aux contradictions qui s’abattent aussitôt sur ce faire, à l’équivocité qui le grève. Parce que « le marché » n’a pas la même échelle que l’État-nation, le travailleur mondial n’est pas un citoyen du monde. Défendre le salarié français, c’est devoir ignorer le moldave ou le chinois. Mais défendre l’homme universel dans sa liberté, c’est contester un « développement » que les trois salariés désirent pourtant comme consommateurs. Quand les deux étrangers se résignent à acheter de l’aisance au prix d’un travail sous-payé, le Français s’en déclare lésé, sans bien savoir lequel en lui subit le préjudice : le travailleur, le citoyen ou l’homme. Et qui le lui dira ? Encore faudrait-il juger laquelle de ces trois histoires est la bonne : l’histoire universelle de l’humanité, l’histoire de la nation française ou l’histoire simulée qu’est la croissance mondiale. L’illusion est de croire (ou faire croire) qu’elles peuvent marcher du même pas quand elles sont inconciliables. Il n’y a d’histoire que des noms propres (Bonaparte, Auschwitz), « désignateurs rigides » auxquels des peuples s’identifient. L’histoire universelle ne peut pas en être une parce qu’elle a pour objet une humanité anonyme que « le marché » singe en se voulant son corps total. Lorsque ce marché vient surimposer sa « mondialisation » à l’universel humain, le salarié français peut se faire xénophobe ou protectionniste, mais plus sûrement empiriste, jugeant selon son malaise des priorités à retenir dans ce désordre. On l’accuse de manquer de volonté politique, mais que doit-il vouloir « au juste » ? L’ambiguïté actuelle des luttes sociales comme des politiques nationales en Occident dit la pluralité de « mondes » incompatibles qui disloque le projet collectif : autorité singulière de la nation, droits universels de l’homme, circulation mondiale de marchandises.
La science historique analysera sans doute les hésitations de la vieille Europe en ce moment du siècle, mais dira-t-elle que le « nous [33] (voir note bas de page) » y perd toujours plus de sa consistance ? Dira-t-elle que dans la concurrence entre l’universel, le mondial et le particulier, elle-même perd son allié le plus sûr : le sujet de l’expérience, cette expérience collective attachée à un nom que la tradition recueille et transmet ? Le nihilisme n’est pas la posture désabusée du sceptique, mais un non catégorique à toute dénégation des différends : le réel est – de soi et par ruptures ajoutées – désaccordé. On ne lui rendra pas, par narration historique et volonté politique, une unité qu’il n’a jamais eue. La politique peut résister à l’injustice, à l’hégémonie d’un ordre du sens sur d’autres qui lui sont incommensurables. Elle le peut, si elle sait que cette injustice se déplace et se reforme, qu’elle reste ainsi irréparable.
Notes
-
[1]
Jean-François Lyotard, Des dispositifs pulsionnels, Paris, uge, 1973, rééd. Galilée, 1994.
-
[2]
J.-F. Lyotard, Chambre sourde. L’antiesthétique de Malraux, Paris, Galilée, 1998, p. 41 ; sur la dénonciation de l’ailleurs : J.-F. Lyotard, Économie libidinale, Paris, Minuit, 1974, p.65, p. 85, p. 101, p. 131, p. 162-165, p. 178 ; sur le refus de la position critique : ibid., p. 14, p. 117, p. 123, p. 126, etc.
-
[3]
C’est-à-dire le refus de Derrida « d’adhérer à des idées absolues de la fuite ou du dépassement, son rappel entêté de ce qui est indépassable, et de la moitié des dichotomies dont on ne se débarrasse pas », Jean-Michel Salanskis, Derrida, Paris, Les Belles Lettres, 2010, p. 143. Le jugement sur ce « radical-socialisme » intervient dans la « considération finale » où Salanskis justifie Derrida.
-
[4]
J.-F. Lyotard, Pérégrinations, « Mémorial pour un marxisme : à Pierre Souyri », Paris, Galilée, 1990.
-
[5]
« Les Lumières. Le sublime. Un échange de paroles entre Jean-François Lyotard, Willem Van Reijen et Dick Veerman », Cahiers de philosophie, no 5, « Jean-François Lyotard », printemps 1988, p. 90.
-
[6]
Lyotard, Économie libidinale, op. cit., p. 262, p. 270.
-
[7]
J.-F. Lyotard, Le Différend, § 245-252, Paris, Minuit, 1983, p. 251-255.
-
[8]
Pour cette acception du « nihilisme » : Lyotard, Des dispositifs pulsionnels, op. cit., p. 35-36 ; Économie libidinale, op. cit., p. 64, p. 88, p. 165, p. 197 ; Chambre sourde, op. cit., p. 63.
-
[9]
Lyotard, Économie libidinale, op. cit., p. 159.
-
[10]
J.-F. Lyotard, La Guerre des Algériens. Écrits 1956-1963, Paris, Galilée, 1989, p. 36.
-
[11]
Reinhart Koselleck, Le Règne de la critique, Paris, Minuit, 1979.
-
[12]
Lyotard, Chambre sourde, op. cit., p. 38.
-
[13]
Lyotard, Le Différend, op. cit., § 256-260, p. 257-259 ; J.-F. Lyotard, Le Postmoderne expliqué aux enfants, Paris, Galilée, 1986, p. 50, p. 149.
-
[14]
Lyotard, p. 18., Moralités postmodernes, Paris, Galilée, 1993, p. 68-69 et Chambre sourde, op. cit.
-
[15]
Lyotard, Le Postmoderne expliqué aux enfants, op. cit., p. 88.
-
[16]
Lyotard, Moralités postmodernes, p. 207.
-
[17]
Ibid., p. 200.
-
[18]
Voir Walter Benjamin, Œuvres, t. II, « Expérience et pauvreté », Paris, Gallimard, 2000.
-
[19]
Lyotard, Économie libidinale, op. cit., p. 63 ; Lyotard, Le Différend, § 71, op. cit., p. 75-76.
-
[20]
Rappelons que le tort est un dommage inarticulable dans le genre de discours qui le cause (ibid., § 7, § 9, p. 18-19, p. 22-23). Sur les différents types de torts et de différends qui y sont impliqués, cf. Gérald Sfez, Lyotard, la partie civile, Paris, Michalon, 2007 et Gaëlle Bernard, « Lyotard : politique, éthique. La justice improbable », thèse de doctorat de philosophie, université Charles-de-Gaulle Lille-III, décembre 2010, inédite.
-
[21]
Lyotard, Moralités postmodernes, op. cit., p. 33.
-
[22]
J.-F. Lyotard, Discours, Figure, Paris, Klincksieck, 1971, p. 151.
-
[23]
Hannah Arendt, « Compréhension et politique », in La Nature du totalitarisme, Paris, Payot, 1990, p. 54-57.
-
[24]
Lyotard, Moralités postmodernes, op. cit., p. 204.
-
[25]
Lyotard, Le Différend, § 63, § 67, op. cit., p. 69-70, p. 72-73.
-
[26]
Cf. Agnès Oppenheimer, « La “solution” narrative », Revue française de psychanalyse, 1988/1, p. 17-35.
-
[27]
J.-F. Lyotard, « Devant la loi, après la loi », entretien avec Elisabeth Weber in E. Weber, Questions au judaïsme, Desclée de Brouwer, « Midrash », 1996, p. 205-206.
-
[28]
J.-F. Lyotard, « L’extrême réel », entretien avec Gérald Sfez, Rue Descartes, no 12-13, Paris, Albin Michel, mai 1995, p. 200-204.
-
[29]
Lyotard, Le Différend, op. cit., p. 187-217.
-
[30]
Élisabeth de Fontenay, Une tout autre histoire. Questions à Jean-François Lyotard, Paris, Fayard, 2006.
-
[31]
J.-F. Lyotard, « À propos du Différend. Entretien avec Jean François Lyotard », Cahiers de philosophie, no 5, Lille, 1988 p. 42-43.
-
[32]
Lyotard, Moralités postmodernes, op. cit., p. 29 : « Y a-t-il, avant Adorno, un seul philosophe en Occident pour porter la pensée à la hauteur nihiliste de cette écriture et de cet art ? », l’écriture de Max Jacob en l’occurrence.
-
[33]
Lyotard, Le différend, § 57-60, op. cit., p. 65-68.
Lyotard, Le Postmoderne expliqué aux enfants, op. cit., p. 49-51, p. 81-83.