Notes
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[1]
. Michel Husson, Un capitalisme pur, Lausanne, éd. Pages deux, 2008.
-
[2]
. Karl Marx, Le Capital, livre I, Paris, PUF, « Quadrige », 2003, p. 693.
-
[3]
. Michel Foucault, Naissance de la biopolitique, Paris, Gallimard/Le Seuil, 2004, p. 136.
-
[4]
. Karl Marx, Le Capital, op. cit., p. 663-664.
-
[5]
. Karl Marx, Misère de la philosophie, Paris, Éditions sociales, 1968, p. 152.
-
[6]
. Voir Saskia Sassen, La Globalisation. Une sociologie, Paris, Gallimard, « NRF Essais », 2009.
-
[7]
. El Mouhoub Mouhoud et Dominique Plihon, Le Savoir et la Finance, Paris, La Découverte, 2009, p. 63-70.
-
[8]
. Ibid. Les auteurs montrent que cette hybridation vaut également pour les activités bancaires elles-mêmes.
-
[9]
. Voir sur ce point Vincent de Gaulejac, La Société malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social, nouv. éd. Paris, Le Seuil, « Points », 2009.
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[10]
. L’expression éloquente de « chaîne managériale » est reprise d’un récent rapport de J.-L. Silicani sur la réforme de la fonction publique.
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[11]
. Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale, Paris, Mille et une nuits, 2009, p. 426-427.
1Selon une acception très répandue, le terme de néolibéralisme désigne tout à la fois une idéologie prônant un « retour » au libéralisme des origines et une politique économique consistant à retirer à l’État pour donner toujours plus au marché. En somme, la caution d’Adam Smith venant légitimer une marchandisation impitoyable de la société. Ainsi, après la parenthèse de l’État providence, le capitalisme néolibéral donnerait à voir un capitalisme pleinement adéquat à son essence, ou encore un « capitalisme pur. » [1]
2On est alors en droit de se poser la question : en quoi cette phase se distingue-t-elle des périodes précédentes ? Le capitalisme n’est-il pas d’emblée animé d’une propension à substituer aux relations sociales traditionnelles la froide logique du calcul d’intérêt ? Ne se définit-il pas dès l’origine par l’irrésistibilité de son mouvement d’expansion ? Ne repousse-t-il pas toujours plus ses propres « limites immanentes » ? Marx n’a-t-il pas en un sens déjà tout dit en faisant de l’exigence d’une production toujours croissante de survaleur (ou plus-value) la différentia specifica du système capitaliste ? « Produire de la survaleur, faire du plus et du plus (Plusmacherei), telle est la loi absolue de ce mode de production [2]. » Il n'y aurait donc rien de nouveau sous le soleil de l’accumulation capitaliste, ou plutôt, comme le dit plaisamment Michel Foucault, c’est « toujours la même chose et toujours la même chose en pire [3] ».
L’EXTENSION DE LA LOGIQUE DU MARCHÉ PAR LA TRANSFORMATION DE L’ÉTAT
3Afin de trancher cette question, il convient tout d’abord de prêter attention aux particularités de l’aire d’implantation du néolibéralisme : elle a fini par s’imposer dans des sociétés durablement marquées par une large régulation administrative dans de multiples champs d’activité due à la place occupée par l’État « social » et « éducateur ». Ce mode de régulation était fondé sur la centralité fictionnelle de « l’intérêt général » dans la définition des politiques menées, sur la prévalence du droit public dans l’organisation de l’action publique, sur la diffusion de normes et de formes organisationnelles de type bureaucratique dans les secteurs les plus divers, y compris dans la production de biens et services marchands, sur le compromis salarial entre classes sociales en matière de répartition des gains de productivité. Pour miner, puis supplanter, cette puissante rationalité administrative et bureaucratique, le néolibéralisme a dû se constituer comme forme « totale » ou « transversale », à partir d’un modèle de relation transposable à toutes les activités. Tout s’est un peu passé comme si le glissement d’une rationalité à l’autre avait, en vertu d’une logique qui n’est pas celle d’une simple confrontation intellectuelle, imposé à la nouvelle rationalité de l’emporter à la fois en extension et en simplicité sur sa devancière. En effet, ce qui est en cause, bien davantage qu’une idéologie ou une politique économique, c’est l’efficace d’un système de normes opérant d’emblée au plan des pratiques et des conduites.
4C’est précisément déjà en quoi nous avons affaire à un phénomène pleinement nouveau. Le capitalisme ne croît pas seulement parce qu’il gagne des territoires nouveaux, se soumet des populations de plus en plus nombreuses, transforme en marchandises tous les fruits de l’activité humaine. Assurément, c’est là la voie classique de l’accumulation capitaliste telle qu’elle a été analysée par Marx, Hilferding ou Rosa Luxemburg. Mais le capitalisme croît également par une autre voie, qui, pour être le plus souvent inaperçue, n’en est pas moins puissante : celle de la diffusion sociale d’un système de normes d’action. Ce système de normes déborde largement le seul cadre de l’entreprise pour gagner, par un processus de réticulation, de multiples institutions et relations sociales. Loin d’être l’obstacle que l’on croit à cette extension de la logique du marché, l’État en est vite devenu l’un des principaux agents, sinon le vecteur essentiel. Entre ses mains, les instruments de l’action publique légués par la gestion sociale-démocrate et keynésienne sont paradoxalement devenus des leviers pour transformer de l’intérieur la logique de fonctionnement de l’action publique et la mettre au service d’une mutation profonde de la société. Aussi est-il parfaitement inepte de chercher à penser cette transformation dans les termes classiques d’une limitation de l’intervention gouvernementale : il ne s’agit pas de limiter, mais en un certain sens d’étendre, ou plutôt de transformer (l’État) pour étendre (la logique du marché).
5On peut alors se demander quels rapports l’on peut établir entre cette extension de la « logique du marché », c’est-à-dire de la concurrence, à des institutions qui ne produisent pas de « marchandises » au sens strict du terme, qui ne sont donc pas des entreprises capitalistes, et la logique de l’accumulation du capital, qui suppose, elle, la production en quantité croissante de marchandises. Il faut alors faire l’hypothèse que la rationalité néolibérale se caractérise précisément par l’autonomisation et l’extension de la « logique de marché » en dehors de la sphère marchande. Ce qui revient à dire que le néolibéralisme se caractérise par la transformation de la concurrence en forme générale des activités de production, en particulier celles qui produisent des services non marchands, et des relations sociales hors même de la sphère productive. Mais, telle est du moins la thèse de cette contribution, cette autonomisation et cette extension ne procèdent pas de l’action souterraine de supposées « lois immanentes de la production capitaliste », que la concurrence se chargerait d’imposer à chaque capitaliste individuel sous la forme d’une dure « contrainte extérieure [4] ». Bien plutôt sont-elles l’effet de pratiques, de techniques, de discours qui généralisent ce que le jargon managérial appelle les « bonnes pratiques » et qui, partant, homogénéisent à l’échelle de la société les manières de faire et d’être.
DE L’EXTENSION UNIVERSELLE DU « DOMAINE DE LA CONCURRENCE »
6Le capitalisme connaît de profondes mutations, dont aucune n’est irréductible au jeu des apparences que ferait miroiter une inaltérable identité à soi-même. Le trait le plus caractéristique du capitalisme néolibéral est, insistons-y, l’élargissement et l’intensification de la concurrence par la mondialisation. Un retour sur la notion même de concurrence nous permettra de mieux le comprendre.
7Si nous savons la concurrence essentielle au fonctionnement du capitalisme comme système, nous le devons tout particulièrement à deux auteurs, Marx et Schumpeter, qui ont eu le mérite de l’avoir établi, respectivement contre l’économie classique et contre l’orthodoxie néoclassique.
8Les économistes classiques (Smith, Ricardo) considèrent la concurrence comme une simple condition de la marche harmonieuse des échanges marchands. L’essentiel est pour eux ailleurs : dans la complémentarité qu’impliquent aussi bien la spécialisation des tâches qui est au cœur de la division du travail que l’équivalence qui règle l’échange lui-même. Marx perçoit très vite la logique propre que la concurrence imprime à tout le système capitaliste. Loin d’être garante d’une coordination spontanée des activités qui bénéficierait à tous, cette logique est à ses yeux porteuse d’une instabilité chronique et de crises à répétition. Dans un passage saisissant de Misère de la philosophie (1847), il réplique en ces termes à Proudhon qui définissait la concurrence comme « l’émulation pour l’industrie » : « La concurrence n’est pas l’émulation industrielle, c’est l’émulation commerciale. De nos jours, l’émulation industrielle n’existe qu’en vue du commerce. Il y a même des phases dans la vie économique des peuples modernes où tout le monde est saisi d’une espèce de vertige pour faire du profit sans produire. Ce vertige de la spéculation, qui revient périodiquement, met à nu le véritable caractère de la concurrence qui cherche à échapper à la nécessité de l’émulation industrielle [5]. » Dans cette première perspective, le « vertige de la spéculation » apparaît ainsi comme la manifestation spectaculaire de la subordination de l’industrie au commerce que la « contrainte » de la concurrence impose à tous les agents de la production : on produit pour vendre à meilleur prix que ses concurrents, donc en vue d’extorquer le plus grand profit possible, non pour développer l’industrie. Pour le dire dans le langage du Capital, on dira que le problème est celui de la « réalisation » par la vente du surcroît de valeur produit par le producteur immédiat (le travailleur).
9L’orthodoxie néoclassique (Walras, Pareto) comprend de son côté la concurrence comme un cadre permettant à l’action rationnelle des agents économiques de conduire à un état idéal d’équilibre : toute situation non conforme aux conditions de la concurrence pure et parfaite est ainsi regardée comme une anomalie qui fait obstacle à la réalisation d’une harmonie postulée entre tous ces agents. Schumpeter remet précisément en question cette primauté de l’état d’équilibre et, par voie de conséquence, le privilège de la statique sur la dynamique : l’évolution économique, explique-t-il dans sa Théorie de l’évolution économique (1911), est essentiellement faite de ruptures et de discontinuités liées à des innovations multiples, depuis la création de nouveaux produits jusqu’à l’ouverture de nouveaux marchés en passant par la mise au point de nouveaux procédés et l’utilisation de matières premières nouvelles. Dans cette seconde perspective, la figure centrale est celle de l’entrepreneur. Ce dernier est avant tout un innovateur, qui n’hésite pas à briser le cours ordinaire des choses en s’opposant à la routine dont sont prisonniers ceux qui se contentent d’exploiter les méthodes traditionnelles, il est l’homme de la « destruction créatrice ». Ce que Schumpeter met ainsi en évidence, c’est que l’innovation constitue la forme majeure de la concurrence : davantage que sur les prix, la concurrence porte sur les stratégies, les procédés et les produits.
10Cette double référence a l’avantage de mettre en lumière les deux grandes formes que peut prendre la concurrence dans le système capitaliste. D’une part, la concurrence par les prix, de l’autre la concurrence par l’innovation. Le capitalisme néolibéral ne met bien évidemment pas fin à la concurrence par les prix, mais, en donnant une place nouvelle à la concurrence par l’innovation, il se donne les moyens de jouer sur la complémentarité de ces deux modes de la concurrence de manière tout à la fois à en étendre le champ et à en intensifier le jeu.
11Ce tournant survient à la fin des années 1970 et au début des années 1980, non pas du fait d’un quelconque « complot », mais par l’effet de processus multiples et convergents qui ont du même pas « globalisé » les marchés et généralisé la concurrence. Par enchaînements et phénomènes de boucle, l’accumulation du capital s’en est trouvée considérablement accélérée. L’influence grandissante des oligopoles transnationaux auprès des autorités étatiques comme l’expansion des circuits financiers off-shore ont favorisé la multiplication des « microdécisions » politiques favorables à leur expansion [6]. Alors que le « fordisme » national épuisait ses ressorts, les entreprises transnationales sont apparues comme des « modèles » de performance, capables de maintenir de hauts niveaux de productivité et de rentabilité du fait même de l’extension planétaire de leurs activités. La politique des gouvernements connut dans ces conditions une réorientation significative : l’État s’engagea dans un soutien logistique, fiscal, diplomatique de plus en plus actif aux oligopoles, devenant ainsi leur partenaire dans la guerre économique mondiale. Par là s’explique que l’État se soit fait le relais de la pression concurrentielle mondiale, notamment en conduisant directement la « reforme » des institutions publiques et des organismes de protection sociale au nom de la compétitivité « nationale ». Cependant, ce qui est en jeu, au-delà de la transformation de l’État, c’est la gestion des populations, au sens même où l’entendait Michel Foucault, c’est-à-dire en tant qu’elle cible les individus eux-mêmes jusque dans leur manière de vivre.
12Si l’on s’interroge maintenant sur le sens précis dans lequel s’est exercée cette pression, il faut alors revenir à la combinaison des deux modes de concurrence dont nous avons parlé précédemment : c’est en effet cette combinaison inédite qui donne à la logique néolibérale de la concurrence son visage si particulier. À s’en tenir au plan strictement économique, on peut en effet faire procéder de ces deux modes deux logiques productives différentes et cependant profondément imbriquées [7]. La première est la logique de la « division cognitive » du travail, celle qui prédomine dans les secteurs de pointe (biotechnologie, pharmacie, électronique, informatique, etc.) : il s’agit alors d’organiser la production en fonction du découpage de blocs de savoirs relativement homogènes (par exemple, la recherche-développement ou le marketing), de sorte que c’est la nature des connaissances et des compétences dont il faut tirer parti qui commande la répartition des activités. On entend ainsi encourager la course à l’innovation. La seconde est la « division taylorienne » du travail, que la première a non pas abolie, mais réactivée. Il s’agit cette fois de fragmenter le processus de production selon une logique de minimisation des coûts et des délais, de manière à faire face à la concurrence par les prix. L’essentiel est qu’un nombre croissant d’activités soient soumises à la fois à la concurrence par l’innovation et à la concurrence par les prix, au point que l’on peut parler d’une véritable « hybridation » des deux logiques [8].
13L’extension de la logique du marché au-delà de la sphère du marché, celle des biens et des services et des « facteurs de production », requiert en un certain sens que l’on fasse droit à cette double dimension de la concurrence. Toute la difficulté de cette entreprise est que l’on ne saurait procéder à une exportation pure et simple de la double logique qui structure le champ économique. Car celle-ci ne régit que l’organisation du travail à l’intérieur des secteurs directement marchands. Or, la grande question pratique du néolibéralisme est : comment plier les sujets à cette norme, tous les sujets, y compris ceux qui ne subissent pas directement la pression du marché dans leur travail ? Comment faire intérioriser aux individus la pression externe de la concurrence de manière à faire de celle-ci la norme même de la subjectivité ?
14La nouveauté du néolibéralisme tient précisément au travail d’homogénéisation qu’il opère au-delà de la partition entre marché et non-marché, en imposant une norme de rapport social à tous les niveaux de l’existence collective et individuelle. De la relation entre les économies au rapport à soi, du plus global au plus intime, une même forme relationnelle tend désormais à prévaloir.
LA CONSTRUCTION POLITIQUE DES SITUATIONS DE MARCHÉ
15L’imposition de cette forme de la concurrence n’a rien de naturel. Elle n’est pas le résultat de processus spontanés. Elle n’est pas non plus l’effet d’une sorte de « cannibalisation » inhérente à la dynamique du capitalisme. Elle résulte d’une construction politique.
16Contrairement à ce que prétend la critique marxiste traditionnelle, elle ne se réduit pas à la « marchandisation ». Pour cette dernière, le grand automate du capital ne peut s’arrêter de coloniser de nouveaux territoires pour accroître directement la production de survaleur. C’est ainsi qu’a été souvent analysée la « privatisation » des services publics, assimilée à la privatisation des entreprises publiques. L’école, l’hôpital, la justice relèveraient du même traitement que Renault, France Télécom, et demain sans doute La Poste : l’essentiel consisterait dans l’élargissement du champ d’accumulation du capital, c’est-à-dire dans la reconquête de domaines et d’entreprises qui ont été momentanément nationalisés, ou dans la transformation d’administrations en entreprises privées. Cette critique, qui s’appuie sur des phénomènes aussi massifs qu’incontestables, reste cependant partielle, voire, dans bien des cas, superficielle. Elle voit mal que, par l’exacerbation de la mise en concurrence des économies et des entreprises, c’est tout le « social » et tout le « politique » qui peu à peu finissent par relever de la logique néolibérale. Encore faut-il préciser que la concurrence dans le capitalisme mondialisé n’est pas seulement ce qui commande la transformation des fins et des modalités de l’action publique, elle est aussi le moyen par lequel l’action publique peut parvenir à augmenter ses performances dans tous les secteurs. Il faut encore ajouter que, dès lors que le facteur de compétitivité le plus important est aujourd’hui le « capital humain », la formation de l’individu, son « développement personnel » dans et hors l’entreprise, sa subjectivité au travail comme dans la vie privée, doivent également être remodelés selon le principe de la concurrence. C’est même d’ailleurs le point sur lequel les discours néolibéraux insistent le plus, bien que la mise en pratique s’avère difficile : fournir à l’économie les individus les mieux adaptés à la guerre commerciale généralisée, c’est-à-dire les plus performants. La formation de ces individus et l’entretien « tout au long de la vie » de leur capacité à affronter la compétition trouvent un véhicule privilégié dans la mise en concurrence des travailleurs entre eux. Les vertus d’un management à tendance psychologique et comptable ont montré en ce domaine leur efficacité, non sans entraîner des ravages humains dont nous découvrons l’ampleur [9].
17Mais si tout doit concourir d’une manière ou d’une autre à la compétitivité économique, tout relève alors du même « traitement humain » que l’on connaît dans les entreprises les plus directement exposées à la concurrence. C’est justement par là que la « concurrence » devient une norme générale susceptible d’être transposée à n’importe quelle activité concrète. Ce ne sont pas telles ou telles activités concrètes qui se réalisent dans des conditions de concurrence données, ce sont toutes les activités humaines, jusqu’aux plus éloignées du marché mondial, qui sont requises de fonctionner de façon homogène selon la logique de la concurrence.
18Ce qui est nouveau, c’est cette indifférence à la nature particulière des activités concrètes qui permet la transposition de la norme à toutes les activités et à toutes les professions, transposition présentée alors comme la « solution » universelle pour diminuer les coûts de fonctionnement des services publics et augmenter la productivité des salariés. Mais cette transposition hors marché de la concurrence qui est la norme du marché n’est en rien l’effet automatique des « lois immanentes » du capitalisme. La relation entre l’intérieur et l’extérieur est exactement l’inverse de celle que Marx avait en vue : la « contrainte extérieure » de la concurrence ne manifeste pas à la surface le jeu implacable des lois immanentes qui opèrent dans les profondeurs de la production, mais elle doit conquérir l’intériorité des sujets. Une telle intériorisation suppose une politique active, une institutionnalisation de la concurrence. Quand la situation n’est pas « naturellement » marchande, il convient de créer une situation concurrentielle à l’extérieur et à l’intérieur des services, c’est-à-dire une situation de marché sans marchandises, soit ce que nous proposons d’appeler un quasi-marché. Cela vaut tout particulièrement pour les secteurs d’activité où la marchandisation pure et simple, c’est-à-dire la transformation en marchandise, donc en produit directement échangeable contre monnaie, n’est pas réalisable. L’évaluation quantitative est l’élément décisif de cette construction des quasi-marchés, donc l’opérateur de la transposition de la norme concurrentielle.
LE FÉTICHISME DE LA QUANTITÉ
19Pour mettre en concurrence les individus, pour les pousser à la performance maximale, il faut pouvoir donner un prix à ce qu’ils font et à ce qu’ils sont. Évaluer signifie donner une valeur, ce qui, dans les conditions spécifiques d’un marché, signifie donner un prix. Construire un quasi-marché implique par conséquent de définir une quasi-monnaie. Il faut disposer d’un système d’information qui soit l’analogue de ce qu’est un système de prix pour un marché. Un système de marché concurrentiel requiert un dispositif de fabrication de la valeur. L’évaluation quantitative sera le mode par lequel on peut guider les individus, les contraindre à se contrôler eux-mêmes, les transformer en sujets du calcul constitués de telle sorte qu’ils poursuivent les objectifs qui leur ont été assignés comme s’il en allait de leur propre désir. Cette évaluation est l’une des pièces fondamentales de la construction d’un marché. Celle-ci suppose un travail de normalisation qui porte autant sur les productions que sur les producteurs. Il n’est pas en effet de marché sans un instrument qui soit à la fois un instrument de mesure des valeurs, un instrument de transaction des produits et un instrument de valorisation de l’activité.
20Le problème n’est pas de savoir si ce qui est mesuré par le système de prix renvoie à une « utilité sociale », mais s’il est susceptible de transformer la conduite des individus en les faisant entrer dans une logique d’autocontrôle et de performance. Lorsqu’on s’interroge sur le « sens de l’évaluation », il faut veiller à ne pas se satisfaire d’une critique dénonçant l’absurdité de la mesure ou le caractère réducteur du « chiffre ». Le système de prix peut être parfaitement absurde, comme dans le cas de la recherche scientifique, où la mesure de la valeur d’une recherche est censée se faire par le nombre d’articles placés dans des revues à comité de lecture et par le nombre de citations qu’ils suscitent, il peut être parfaitement odieux et dangereux comme dans l’évaluation de l’activité policière par le nombre de reconductions à la frontière, ce n’est pas tant la signification « substantielle » de la mesure chiffrée qui importe que la simplicité de l’usage qui est fait du chiffre. La qualité d’un système de prix est son caractère autoréférentiel. Un prix ne se rapporte qu’à un autre prix. Un nombre d’articles, de contraventions, de gardes à vue n’est comparable qu’à un autre nombre d’articles, de contraventions ou de gardes à vue. La principale « qualité » de la quantification, c’est précisément de faire l’économie de toute référence encombrante à un autre système de valeur, à une autre forme d’appréciation et de jugement qui serait coûteuse en temps. Le système de prix permet de se passer d’une délibération plus complexe et plus longue, il permet de réduire les « coûts » de la production d’un jugement à critères multiples et hétérogènes.
21L’un des principaux théoriciens du néolibéralisme, Friedrich Hayek, a particulièrement bien compris l’intérêt économique de disposer d’un système de prix. Dans un article remarquable,« L’usage de la connaissance dans la société », Hayek explique que la réussite de la société capitaliste tient à la mise en place d’un système d’information par les prix qui procure la connaissance la plus importante du point de vue économique, commercial et financier : la connaissance de ce qu’il faut apporter sur le marché, en quelle quantité, à quel moment. Ce qui importe à cet égard n’est pas la connaissance des règles générales, la connaissance scientifique des causes et des effets, c’est la connaissance des circonstances qui permettront de maximiser les gains. Cette connaissance des opportunités à saisir est donnée par la variation des prix. Agir efficacement, c’est agir grâce au seul système d’information des prix. La quantité, selon Hayek, devient ainsi la seule « connaissance pertinente » pour l’action : « Cette économie de marché fonctionne en affectant à chaque type de ressource rare un index numérique qui n'a aucun lien avec une quelconque caractéristique de ce bien particulier, mais qui reflète, ou dans laquelle est résumée, sa signification au regard de la structure de production. »
22Pour Hayek, ce gain peut être étendu partout où l’on peut créer un tel système d’information. Il pense surtout à l’époque aux transactions à l’intérieur de l’entreprise susceptibles de remplacer avantageusement les formes de planification qui règlent les approvisionnements. Les échanges entre ateliers, entre départements, entre filiales gagneraient ainsi à se laisser guider « en interne » par un tel système de prix.
23Codifier et quantifier une activité ont précisément pour vertu de la réduire à une donnée d’information simple qui peut conduire à une décision rapide et à une sanction sans discussion sur le marché. C’est bien cette logique qui s’est étendue grâce à la diffusion des outils du management à la gestion des services et des hommes dans les entreprises et, maintenant, dans les domaines d’activité les plus divers. Par ces procédés et ces techniques, toute une discipline comptable des individus se met en place.
FABRIQUER LA SUBJECTIVITÉ COMPTABLE
24Comme le soulignait déjà Bentham à la fin du XVIIIe siècle, le grand art de la direction des hommes est de faire se rejoindre intérêt privé et efficacité professionnelle afin de briser net toutes les incitations à l’oisiveté, à la paresse et au vice. Tout est dirigé, dans le « management de la performance », vers un objectif économique d’efficacité. Cet objectif est atteint par une modification de la subjectivité qui consiste à constituer les salariés en sujets de la valeur.
25En quoi consiste cette subjectivité comptable et financière ? Il s’agit de gouverner plus efficacement les individus, de les faire produire plus, en abandonnant les anciennes procédures administratives de pouvoir jugées inefficaces. Le nouveau mode de gouverner consiste à passer d’un commandement juridico-administratif, soupçonné de rendre les individus passifs et dépendants, à une logique économique fondée sur la compétition et l’incitation matérielle, qui est censée rendre les sujets plus actifs, plus autonomes dans la recherche des meilleures solutions, plus responsables des résultats de leur travail.
26La subjectivation comptable des salariés passe par l’emploi de méthodes standardisées de management, consistant à codifier l’activité, à en quantifier les résultats, à fixer des scores ou objectifs quantifiés à atteindre durant l’exercice en faisant appel à des techniques d’étalonnage (benchmarking), à évaluer l’activité réalisée et à la comparer aux objectifs fixés, à sanctionner matériellement et symboliquement la réalisation effective, à déterminer de nouveaux scores et objectifs à atteindre. Il s’agit de gouverner les individus grâce au ressort de l’intérêt personnel, en les faisant entrer subjectivement dans une logique comptable qui mette en rapport les objectifs quantifiables qu’ils parviennent à atteindre et les sanctions qui leur seront distribuées.
27La construction d’un tel univers codifié et quantifié, ainsi que toutes les relations standardisées entre les niveaux de la chaîne d’objectivation et d’évaluation qui construisent la « responsabilisation comptable » de chaque salarié (accountability) sont des techniques de pouvoir dont le principe pourrait s’énoncer ainsi : « Surveiller mieux pour produire plus. » Mieux surveiller, c’est-à-dire plus efficacement, ne consiste pas à alourdir le commandement autoritaire et à resserrer les mailles de la règle bureaucratique. Cela consiste à mettre en place un dispositif par lequel l’individu se verra contraint de se surveiller constamment lui-même, de s’autocontrôler et, mieux encore, de se sentir obligé de dépasser sans cesse les résultats calculables pour ne pas subir les sanctions liées au manque d’efficacité et pour bénéficier au contraire des récompenses attribuées à la performance. Il s’agit de soumettre des salariés à un dispositif managérial qui reconstruit à leur échelle un quasi-marché et fait fonctionner à leur usage une loi de la valeur interne à l’entreprise ou à l’administration qui les emploie. Cette entrée dans la subjectivité comptable requiert de construire partout des systèmes d’information et d’incitation qui seront autant de dispositifs analogues à ceux du marché, qui fonctionneront sur le modèle du marché, et qui forceront ceux qui y seront pris à jouer sur le marché comme s’ils étaient des entreprises, donc à « gérer » leurs efforts pour maximiser leurs gains. Les sociologues du travail appellent ce type de relation « l’autonomie contrôlée ». On la qualifierait sans doute mieux en parlant d’hétéronomie individualisée ou de contrainte intériorisée.
28Dans le jargon managérial, on dit des salariés soumis à ce système de fixation d’objectifs qu’ils sont « objectivés ». Travailler constamment selon un tel régime de contrôle de soi-même et de pression auto-imposée pour atteindre les objectifs est présenté comme une condition de l’engagement maximal dans l’activité. Le salarié est obligé de « donner tout ce qu’il a », de mobiliser sa subjectivité tout entière. On voudrait qu’il fasse de son « plein gré », en « pleine liberté », ce que l’on attend de lui sans avoir à lui rappeler tout le temps ce qu’il doit faire et comment il doit le faire.
29À cette fin, on agit sur deux ressorts fondamentaux. Le premier est la rivalité. On met les salariés en compétition pour les inciter à se montrer les plus performants. Il s’agit de contraindre les individus à « agir librement » sur le marché ainsi construit, de les guider vers des conduites « rationnelles » de maximisation de leur intérêt, de leur faire adopter des stratégies efficaces. Le second ressort est la peur. Cette peur est d’abord celle d’être mal évalué par ses supérieurs hiérarchiques. Ce mode de gouvernement donne en effet à la hiérarchie des instruments de contrôle plus précis et des moyens disciplinaires plus individualisés. Se met ainsi en place une « chaîne managériale » qui va du chef jusqu’au plus humble des subordonnés et le long de laquelle chaque maillon est évalué par celui qui le précède selon le principe, ou plus exactement, le fantasme d’une continuité absolue [10]. Ce qu’il faut bien voir, c’est que cette double exigence réalise la transposition de la norme de la concurrence à la conduite de sujets qui n’ont pas d’activité directement marchande : de la concurrence par les prix (logique taylorienne), on retient l’impératif de la flexibilité, l’obsession du rendement à court terme, l’exigence d’une évaluation de tous les instants ; de la concurrence par l’innovation (logique cognitive), on retient l’exaltation de l’autonomie sans limite, l’exhortation à se choisir soi-même en permanence. Mais on se tromperait lourdement en rapportant chacune de ces deux exigences à deux destinataires bien différents : la valorisation de l’autonomie ne vaut pas seulement pour les cadres supérieurs voués à la conception et à la recherche, elle s’impose également aux salariés astreints à la logique taylorienne la plus implacable. Ce sont donc les mêmes sujets qui sont requis d’intérioriser les deux exigences à la fois. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que se produisent de véritables situations de « rupture subjective » chez certains cadres contraints du jour au lendemain de travailler sur des plates-formes d’appel (ce qu’illustre exemplairement le cas de France Télécom). C’est dire à quel point la concurrence par l’innovation imprime profondément sa marque au modèle de subjectivation qui fait la spécificité du néolibéralisme.
30Toutes ces techniques de pouvoir ne produisent rien de matériel par elles-mêmes. Elles produisent mieux : une subjectivité nouvelle, une subjectivité comptable, vouée à sa propre exténuation. Tout l’art de persuasion du management consiste à faire croire que ce nouveau régime est voulu par les salariés, qu’il leur est favorable, qu’il reflète au mieux une « société d’individus ». Mais, contrairement à ce que prétendent les apologues de la concurrence, cette dernière ne s’identifie pas à l’illimitation d’un choix de soi-même, elle est d’abord la contrainte d’avoir à choisir dans une situation que l’on n’a pas choisie. Dans une situation de marché imposée, on est obligé de jouer. « Publish or perish » : la maxime qui vaut pour les chercheurs n’est que la traduction sectorielle de « vendre ou mourir », du « se vendre ou mourir » sur le marché du travail. En d’autres termes, la logique de la situation consiste à naturaliser ce qui est politiquement construit, à faire que les sujets finissent par trouver naturel de fonctionner dans le régime de la concurrence. Ces techniques de codification et de comptabilisation permettent ainsi d’étendre, en l’intégrant au fonctionnement interne des entreprises et des institutions, l’une des caractéristiques du capitalisme : la concurrence entre travailleurs. Les mots avec lesquels Friedrich Engels décrivait dans La Situation de la classe laborieuse en Angleterre la mise en concurrence des travailleurs retrouvent une actualité cruelle : « La concurrence est l’expression la plus parfaite de la guerre de tous contre tous qui fait rage dans la société bourgeoise moderne. Cette guerre, guerre pour la vie, pour l’existence, pour tout, et qui peut donc être, le cas échéant, une guerre à mort, met aux prises non seulement les différentes classes de la société, mais encore les différents membres de ces classes ; chacun barre la route à autrui ; et c’est pourquoi chacun cherche à évincer tous ceux qui se dressent sur son chemin et à prendre leur place. Les travailleurs se font concurrence tout comme les bourgeois se font concurrence. »
LE TRAVAIL ABSTRAIT
31Cette forme générale de la concurrence construite par transposition a les plus grands rapports avec le « travail abstrait » tel qu’il est analysé par Marx, alors même qu’elle ne relève plus de la logique purement immanente du développement du capital. On sait que par « travail abstrait » il faut entendre une forme de travail qui fait abstraction des formes concrètes de l’activité de production, c’est un « travail indifférencié », ou une dépense de temps de travail quantifiable. La dimension de la quantité est ici centrale. Le travail concret est différent qualitativement d’un autre travail concret. Il lui est incommensurable. Seule la quantité de travail permettra de les comparer. Le travail abstrait est la forme sociale que prend la multiplicité différenciée des travaux concrets lorsque l’échange marchand se généralise. Cette forme abstraite du travail comme quantité de temps dépensé dans le travail règle de facto les échanges, puisqu’elle seule permet de déterminer la valeur relative des marchandises en les « habillant » toutes d’une forme abstraite qui n’existe que dans les cerveaux, la forme valeur des marchandises. L’analyse de la vie économique réclame que l’on fasse appel à une forme abstraite du travail sans laquelle on ne peut comprendre « la substance » économique elle-même, c’est-à-dire la valeur. Cette abstraction est mystérieuse parce qu’elle est sociale, et ce qui est social est regardé par les hommes comme naturel. Elle est sociale parce que c’est la confrontation sur le marché des marchandises et la concurrence à laquelle se livrent les producteurs qui donnent naissance à la substance de la valeur, à cette « quantité moyenne de travail socialement nécessaire » pour produire une marchandise.
32La loi de la valeur ne régit pas seulement la circulation par la comparaison qu’elle permet entre marchandises ayant réclamé une même dépense de travail, elle régit aussi la production. Elle n’est pas seulement en effet une loi d’équivalence entre les marchandises, c’est une loi qui distingue et sanctionne les producteurs selon leur productivité. Pour Marx, la valeur est donnée par la quantité moyenne de travail « socialement nécessaire ». Par là il introduit la dimension de la concurrence à laquelle se livrent les producteurs entre eux. La loi de la valeur est telle que celui qui met plus de temps à produire une marchandise que la moyenne sociale est puni. La concurrence économique pousse à la lutte pour baisser le temps de travail socialement nécessaire, pour diminuer le « travail abstrait ». C’est ce que Moishe Postone désigne par l’expression « effet de moulin de discipline » : par la « contrainte externe » de la concurrence, les conditions moyennes de productivité socialement nécessaire s’imposent aux producteurs, de sorte que les déterminations du « travail abstrait » s’en trouvent modifiées [11].
33La concurrence, plus que l’équivalence entre produits réalisée par le marché, est ainsi l’opérateur d’une homogénéisation sociale des conditions de production. Elle prend elle-même un caractère abstrait à partir du moment où le principe de concurrence est érigé en facteur principal de performance économique, non seulement entre entreprises, mais à l’intérieur des entreprises comme moyen de stimulation et de contrôle des travailleurs. Elle devient une sorte de « loi de la vie » qui s’impose à tous et en toutes circonstances. L’abstraction quantitative vit alors de sa propre vie, elle devient – comme dit Marx – naturelle et mystérieuse à la fois, elle s’impose aux métiers, elle fait fi du sens que les travailleurs donnent à leur tâche, elle plie toutes les relations sociales à sa règle, jusqu’à se soumettre les élites politiques et les forces sociales qui œuvrent à étendre son champ d’application. Que cette extension imprévue de la « loi » de la valeur procède de part en part d’une construction politique, et non d’un procès spontané d’auto-valorisation du capital, n’autorise donc pas à y voir le résultat d’une machination : parler d’une activité de construction n’implique nullement que ce qui est construit le soit en vertu d’un plan élaboré par avance et maîtrisé dans chacune des étapes de son application. Nous l’avons appris de Marx : le produit de l’activité des hommes n’est pas le produit de leur conscience ou de leur volonté. N’est-ce pas ce qui rend possible que le produit de leur activité échappe à leur propre contrôle au point de dominer leur activité elle-même ?
Notes
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[1]
. Michel Husson, Un capitalisme pur, Lausanne, éd. Pages deux, 2008.
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[2]
. Karl Marx, Le Capital, livre I, Paris, PUF, « Quadrige », 2003, p. 693.
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[3]
. Michel Foucault, Naissance de la biopolitique, Paris, Gallimard/Le Seuil, 2004, p. 136.
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[4]
. Karl Marx, Le Capital, op. cit., p. 663-664.
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[5]
. Karl Marx, Misère de la philosophie, Paris, Éditions sociales, 1968, p. 152.
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[6]
. Voir Saskia Sassen, La Globalisation. Une sociologie, Paris, Gallimard, « NRF Essais », 2009.
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[7]
. El Mouhoub Mouhoud et Dominique Plihon, Le Savoir et la Finance, Paris, La Découverte, 2009, p. 63-70.
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[8]
. Ibid. Les auteurs montrent que cette hybridation vaut également pour les activités bancaires elles-mêmes.
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[9]
. Voir sur ce point Vincent de Gaulejac, La Société malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social, nouv. éd. Paris, Le Seuil, « Points », 2009.
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[10]
. L’expression éloquente de « chaîne managériale » est reprise d’un récent rapport de J.-L. Silicani sur la réforme de la fonction publique.
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[11]
. Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale, Paris, Mille et une nuits, 2009, p. 426-427.