Couverture de CPSY_029

Article de revue

Psychanalyse de la succion, clinique de la sucette

Pages 9 à 35

Notes

  • [1]
    Sucette, tétine, tototte, teuteute, tute, suçon en français; das lustscherli, pacifier, dummy, soother, choupeta, choupete, ciuccio, succhiotto dans d’autres langues européennes.
  • [2]
    hhttp :// www. maman. fr/maman/Online/sonda gejour.php3 ?action=2&I D=38
  • [3]
    Winnicott D.W., (1952), L’angoisse associée à l’insécurité in De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, 1969, p. 128.
  • [4]
    W.Hoffer (1959) cité par R.A. Spitz, (1955), « La cavité primitive », Revue française de psychanalyse, 1959; T. XXIII, 2 : 205-234.
  • [5]
    Lire à ce sujet l’articles de J.P. Lecanuet « Des rafales et des pause » in Missonnier S., Boige N., (2002), La sucette dans tous ses états, Spirale n°22, Érès.
  • [6]
    Deux exceptions toutefois : Delaisi de Parceval G., Lallemand S., (2001), L’art d’accommoder les bébés, Paris, Seuil, 1980, Nouvelle édition augmentée d’une post-face inédite, Paris, Poche Odile Jacob., 2001 et Guises É., (1999), La tototte in Enfance et Psy, n°7, p. 142-149.
  • [7]
    Missonnier S., Boige N., (2002), La sucette dans tous ses états, Spirale n°22 et n°23, Érès.
  • [8]
    Freud S., (1905), Trois essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Gallimard, Folio essais, 1985, p. 172.
  • [9]
    p. 16.
  • [10]
    p. 99.
  • [11]
    Jarbuch für Kinderheilkunde, XIV, 1879. Cette référence est donnée par Freud à la note 46, p. 171 de la traduction française du Dr Blanche Reverchon-Jouve revue par J. Laplanche et J.B. Pontalis, Folio/Essais, Gallimard, 1985.
  • [12]
    Une traduction française a été réalisée par la Documentation Psychanalytique de l’École Freudienne. Il est possible de se la procurer en s’adressant à Madame le Dr Solange Faladé, 1 rue Las Cases 75007 Paris. Les citations et les illustrations de cet article sont empruntées à ce précieux document. Nous remercions vivement Madame Faladé pour sa disponibilité. Notre reconnaissance va aussi à Christian Robineau qui nous a fait découvrir cette traduction.
  • [13]
    Observation pertinente pour une réflexion sur la trichotillomanie.
  • [14]
    Freud S., (1905), Trois essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Gallimard, Folio essais, 1985, p. 75.
  • [15]
    ibid. p. 75.
  • [16]
    ibid. p. 74.
  • [17]
    ibid. p. 74.
  • [18]
    Variété de contracture généralisée prédominant sur les muscles fléchisseurs et amenant le sujet en position fœtale.
  • [19]
    ibid. p. 75.
  • [20]
    ibid. p. 75,76.
  • [21]
    ibid. p. 76.
  • [22]
    ibid. p. 79.
  • [23]
    Missonnier S., Boige N., (2002), La sucette dans tous ses états, Spirale n°22, Érès.
  • [24]
    ibid. p. 76; c’est nous qui soulignons.
  • [25]
    ibid. p. 79; c’est nous qui soulignons.
  • [26]
    ibid. p. 75.
  • [27]
    Freud S., (1920), Au delà du principe de plaisir in Essais de Psychanalyse, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1982, p. 80. C’est nous qui soulignons.
  • [28]
    ibid. p. 95.
  • [29]
    Abraham K., (1924), Esquisse d’une histoire du développement de la libido basée sur la psychanalyse des troubles mentaux in Oeuvres complètes, TII, Payot, 1966, p. 276.
  • [30]
    Klein M., (1957), Envie et gratitude, Paris, Gallimard, Collection Tel, 1968, p. 11 et 12.
  • [31]
    ibid. p. 11.
  • [32]
    ibid. p. 32.
  • [33]
    GreenA., (1972), Destins du cannibalisme. Réalité ou fantasme agi in Nouvelle revue de psychanalyse, N°6, p. 27-52.
  • [34]
    p. 44.
  • [35]
    p. 45.
  • [36]
    p. 49.
  • [37]
    p. 50.
  • [38]
    p. 50.
  • [39]
    Wilgowicz P.,(2000), Le vampirisme, Meysieu, Césura.
  • [40]
    Soulé M., (1976), L’aire potentielle de jeu oral entre la mère et son nourrisson in Psychanalyse à l’université, I, 4.
  • [41]
    Winnicott D.W., (1971) Jeu et réalité, Paris, Gallimard, 1975.
  • [42]
    ; p. 5.
  • [43]
    ibid. p. 7.
  • [44]
    ibid. p. 11. C’est nous qui soulignons.
  • [45]
    ibid. p. 11.
  • [46]
    ibid. p. 14.
  • [47]
    ibid. p. 26.
  • [48]
    ibid. p. 19.
  • [49]
    ibid. p. 19.
  • [50]
    ibid., p. 23.
  • [51]
    ibid., p. 21.
  • [52]
    ibid., p. 19.
  • [53]
    ibid., p. 21.
  • [54]
    Diatkine R., (1995), La place de l’étude du langage dans l’examen psychiatrique de l’enfant in Lebovici S., Diatkine R., Soule M., Nouveau Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Paris, PUF, t. 1.
  • [55]
    Missonnier S., (2001), Anticipation et périnatalité : prolégomènes théoriques in Pratiques Psychologiques, n°1,17-30.
  • [56]
    Winnicott D.W., (1974), La crainte de l’effondrement in Nouvelle Revue de Psychanalyse, 1975,11, 35-44.
  • [57]
    Spitz R.A., (1955), « La cavité primitive », Revue française de psychanalyse, 1959; T. XXIII, 2 : 205-234.
  • [58]
    ibid., p. 221.
  • [59]
    ibid., p. 231.
  • [60]
    ibid., p. 211.
  • [61]
    ibid., p. 218.
  • [62]
    ibid., p. 212.
  • [63]
    Missonnier S., Boige N., (2002), La sucette dans tous ses états, Spirale n°22 et n°23, Érès.
  • [64]
    ibid., p. 229.
  • [65]
    Bowlby J., (1969), Attachement et perte, Vol 1 : L’attachement, Paris, PUF, 1978.
  • [66]
    Bowlby J., (1986), L’avènement de la psychiatrie développementale a sonné in Devenir, 4,4,7-31, 1992, p. 10.
  • [67]
    ibid.p. 10.
  • [68]
    Lebovici S., (1992), La théorie de l’attachement et la métapsychologie freudienne in Devenir, 4,4, p. 33.
  • [69]
    Bowlby J., (1969), Attachement et perte, Vol 1 : L’attachement, Paris, PUF, 1978, p. 335.
  • [70]
    ibid., p. 336.
  • [71]
    ibid., p. 411.
  • [72]
    ibid., p. 415.
  • [73]
    ibid., p. 416 et 417.
  • [74]
    On peut aussi citer W.R. Bion et D. Meltzer.
  • [75]
    Grumberger B., Le narcissisme, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1975.
  • [76]
    ibid., p. 25.
  • [77]
    ibid., p. 31.
  • [78]
    ibid., p. 38.
  • [79]
    ibid., p. 33.
  • [80]
    ibid., p. 38.
  • [81]
    ibid., p. 41.
  • [82]
    ibid., p. 147.
  • [83]
    ibid., p. 153.
  • [84]
    Soulé M., (1999), La vie du fœtus. Son étude pour comprendre la psychopathologie périnatale et les prémices de la psychosomatique in Psychiatrie de l’enfant, XLII, 1,26-69.
  • [85]
    Marty P., (1958), La relation d’objet allergique in Revue Française de Psychanalyse, T.XXII, N°1, p. 17.
  • [86]
    Kreisler L., (1991), Les bases originaires de l’organisation psychosomatique in Revue Française de Psychosomatique, 1, PUF, 169-184.
  • [87]
    Botella C., Botella S., Haag G., (1977), En deça du suçotement in Revue Française de psychanalyse, 57,5-6, p. 985-988.
  • [88]
    Lire à ce sujet l’article de Delion P., (2002), Le museau, l’autiste et la tétine in La sucette dans tous ses états, Spirale n°23, Érès.
  • [89]
    Soulé M., (1999), La vie du fœtus. Son étude pour comprendre la psychopathologie périnatale et les prélices de la psychosomatique in Psychiatrie de l’enfant, XLII, 1, p. 41.
  • [90]
    Marty P., (1976), Les mouvements individuels de vie et de mort, Payot, Paris.
  • [91]
    Fain M., (1992), La vie opératoire et les potentialiotés de la névrose traumatique in Revue française de psychosomatique, n°2.
  • [92]
    Szwec G., (1998), Les galériens volontaires, Paris, PUF. Ce livre reprend les articles récents essentiels de l’auteur.
  • [93]
    Smadja C., (1991), À propos d’un mode particuleir de maîtrise des excitations in Les textes du centre A. Binet, n°19 et Smadja C., (1993), À propos des procédés autocalmants du Moi in Revue française de psychosomatique, n°4.
  • [94]
    Fain M., (1992), La vie opératoire et les potentialiotés de la névrose traumatique in Revue française de psychosomatique, n°2.
  • [95]
    Szwec G., (1998), Les galériens volontaires, Paris, PUF, p. 20.
  • [96]
    p. 30 et 31.
  • [97]
    Freud S., (1920), Au delà du principe de plaisir in Essais de Psychanalyse, Paris, Petite bibliothèque Payot, Paris, Payot, 1982.
  • [98]
    p. 69.
  • [99]
    p. 41.
  • [100]
    p. 72.
  • [101]
    FreudA., (1968), Le normal et le pathologique chez l’enfant, Paris, Gallimard.
  • [102]
    Widlocher D., (1985), Les lignes de développement de l’enfant selonAnna Freud in Lebovici S., Diatkine R., Soulé M.,Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Paris, PUF, p. 23.
  • [103]
    Ibid.p. 30.
  • [104]
    Le reflux gastroœsophagien est un bon exemple de déséquilibre chez le bébé : Missonnier S., Boige N., (1999), Je reflue donc je suis, Vers une approche psychosomatique du reflux gastroœsophagien du nourrisson in Devenir, vol. 11, n°3,51-84.
  • [105]
    Missonnier S., Entre créativité et vulnérabilité : les métamorphoses de la parentalité, Psychiatrie Française, Vol. XXIX 3, septembre, 1998, p. 95-111.
  • [106]
    Mahler M., Pine F., BergmanA., (1975), La naissance psychologique de l’être humain. Symbiose et individuation, Payot, 1980.
  • [107]
    Marty P., (1976), Les mouvements individuels de vie et de mort, Payot, Paris, p.131.
  • [108]
    Bergeret J., (1984), La violence fondamentale, Dunod.
  • [109]
    La clinique du tabagique et de l’alcoolique permet, peut-être, d’illustrer les fixations vampiriques alors que celles de l’anorexiqueboulique rentrent en résonnance avec les cannibaliques.
  • [110]
    Abraham N., Torok M., (1987), L’écorce et le noyau, Paris, Flammarion.
  • [111]
    ibid. p. 261.
  • [112]
    ibid. p. 262.

1Sur le site Internet Maman.fr [2], le visiteur peut lire de précieux témoignages parentaux dans un forum dédié à la sucette. On relève quelques récurrences :

  • la succion est un besoin fondamental du bébé et il faut donc en tenir compte;
  • la sucette est « antistress », « antipleurs » et antidouleurs;
  • elle est souvent découverte par les (primi)parents à la maternité car préconisée par des soignants (puéricultrice, sagefemme, pédiatre…);
  • elle est plus maîtrisable que le pouce, les doigts… car « on peut la retirer quand on veut …» Mais c’est aussi un esclavage quand il faut « se lever 20 fois par nuit…», ne pas l’oublier quand on part en vacances, en voyage… la retrouver quand elle est perdue;
  • les inconvénients de la sucette : elle « musèle » l’enfant, l’empêche de parler; elle est sale (« un nid d’infection »; c’est une « drogue », elle induit une dépendance.

2Cette incursion dans l’agora cybernétique illustre bien les questions typiques chez les usager(es).

3Mais au fait, les usagers de la sucette, ce sont les bébés ou les parents ? « Mais un bébé (seul), cela n’existe pas [3] » nous répond Donald W. Winnicott : dés la naissance, sa majesté le bébé est entouré d’adultes qui ont souvent des idées très arrêtées sur ce sujet… et qui lui ne lui demande pas toujours son avis.

4Côté parents, la sucette est bel et bien devenue un banal objet quotidien proposée à l’envie par les insistantes propositions marchandes à la pharmacie et en grande surface. D’ailleurs, les incitations ne manquent pas non plus à la maternité où l’on trouve fréquemment sucette gratuite et publicités apologétiques dans le « paquet-cadeau naissance ».

5De toute façon, dès la grossesse, pères et mères ont quelquefois des a priori à ce sujet ou, déjà, de l’expérience avec un aîné. Les grands-parents ne sont pas en reste et peuvent être parfois prolixes en recommandations marquées du sceau du vécu.

6Côté soignants, la polémique est aussi à l’ordre du jour ! Quoi de plus vivant – quel doux euphémisme ! – qu’une réunion de professionnels de l’enfance négociant un consensus sur la pratique de la sucette. La passion est probablement d’autant plus vive chez eux, qu’elle se double d’un enjeux dans le domaine du savoir. Existe-t-il pour la sucette une vérité scientifique ou bien la puériculture est-elle un art du cas particulier ?

7Mais au fond, l’essentiel est ailleurs : parents et professionnels sont avant tout d’ex nourrisson confrontés aux us et coutumes de leur famille. Comme les bébés d’aujourd’hui, ils ont été, autrefois, des fœtus aquatiques entraînés à la succion, puis, des nouveau-nés aériens, déposés par les cigognes dans un nid où le culturel vient immédiatement habiller le « soibuccal [4] ».

8Pour devenir humain, bébé dispose et use avec talent de ses cinq sens mais la bouche, avec ses réflexe de succion et des points cardinaux, crèvent l’écran ! Quand tout va bien, il revendique avec une avidité égale à celle de sa succion son statut de personne s’investissant activement dans la complexité de l’échange cognitif, affectif, fantasmatique et social.

9Face à ce besoin sauvage de la succion nutritive et non nutritive de l’infans, la culture civilisatrice de la sucette est loquace et, selon, empiétante ou étayante. Dans chaque famille, issue de la rencontre de deux lignées, le déterminisme de cette enveloppe coutumière est aussi fort que singulier. Soumis à son influence, les décideurs seront dans la répétition filiale, l’orthodoxie professionnelle du moment, l’invention tolérable ou… la transgression. C’est certainement cette inertie intergénérationnelle qui donne à la question de la sucette, comme à celle de l’allaitement, ce pouvoir de réactualisation vertigineuse du bébé dans l’adulte : bébés dévorés/dévorants d’amour, d’ambivalence ou de haine, bébés vampires, bébés cannibales, ou, à l’inverse, bébé « cadum » idéalisé.

1 – LES ENJEUX DE LA POLÉMIQUE

10Peu ou prou, un certain consensus existe chez les parents et les professionnels pour affirmer que la succion du bébé est essentielle. À ce jour, les travaux sur la succion prénatale permettent de comprendre la succion postnatale dans un continuum périnatal [5].

11Par contre, les avis divergent rapidement quand il s’agit de distinguer chez le bébé succion nutritive et non nutritive et de savoir que sucer.

12La succion est-elle toujours au service du besoin et donc de l’alimentaire ? Le plaisir est-il réservé au repas ou un plaisir indépendant du nourrissage existe-t-il chez le nourrisson ?

13Est-il préférable de répondre à ce besoin/plaisir avec une partie de son corps (pouce, doigts, poings, revers de la main, langue, lèvres…) ou avec un objet non animé et distinct de soi (sucette, hochet, racine de pivoine et tous les objets non humain mis à disposition du bébé…)? La sucette est-elle un obstacle pour la bonne marche de l’allaitement. Une alliée pour le sevrage ? Les problèmes de « bilinguisme » évoqués pour l’allaitement mixte sein/biberon sont ils transposables à la rencontre sein/sucette ? Que dire d’un enfant denté et sevré qui continue d’utiliser la sucette ?

14Qu’en est-il de la déformation du palais après une pratique intensive de la sucette ? Le pouce est il plus ou moins délétère ? Y a-t-il plus de risque de dépendance à l’un qu’à l’autre quand l’enfant grandit ?

15Le risque infectieux est-il accru avec la sucette ? etc.

16Face à cette multitude d’interrogations, force est de constater combien la sucette est aussi intensément l’objet de vives polémiques que pratiquement passée sous silence par les spécialistes francophones de l’enfance. C’est cette carence [6] qui nous a conduit à organiser un débat pluridisciplinaire dans une publication collective [7] où sont travaillées – sans a priori – la plupart de ces questions.

17Notre présent propos est de mettre en exergue la richesse de l’épistémologie psychanalytique concernant la succion. De fait, le thème de la succion est un véritable sein nourricier en psychanalyse ! De cette corne d’abondance sont issues les théories de l’étayage, de l’auto-érotisme, de la naissance des représentations, des phénomènes transitionnels, de l’attachement… toutes « comestibles » pour fonder une authentique psycho(patho)logique de la sucette que nous appelons instamment de nos vœux.

2 – « TOUS LES BAISERS NE DONNENT PAS LA JOIE QUE DONNE LA SUCETTE. »

18Mais qui a bien pu se commettre dans un tel aveu ? Une « jeune fille », rencontrée par le docteur Galant qui a rapporté ses propos, en 1919, dans un article du Neurologiches Zentralblatt intitulé : «Das Lustscherli» (la sucette).

19Mais c’est bien Sigmund Freud qui a donné sa postérité à cet écrit en citant ce passage dans une note ajoutée en 1920 à la quatrième éditions de ses Trois essais sur la théorie de la sexualité[8]. L’affaire est sérieuse : Freud cherche à argumenter par l’observation son affirmation de la sexualité infantile, si scandaleusement accueillie dans la communauté médicale viennoise. Une sexualité précoce dont l’exemple prototypique est, justement, à ses yeux, le suçotement du nourrisson. On constate, à travers les différentes modifications de Freud au texte initial des Trois essais, combien ce comportement oral lui sert de fil rouge observable pour argumenter la pulsion sexuelle dés l’enfance en dépit de l’amnésie qui la recouvre.

20L’observation occupe dans cette plaidoirie une place décisive. Dans la préface de la quatrième édition, Freud affirme sans ambages à ce sujet : « Si les hommes savaient vraiment apprendre de l’observation directe des enfants, nous aurions pu nous épargner la peine d’écrire ce livre [9] ». Bien sur, il ne s’agit pas pour le père de la psychanalyse d’opposer l’observation directe aux données issues de la cure d’adulte mais bien, d’aiguiser l’acuité psychanalytique « en combinant les deux méthodes [10] ».

21C’est dans cet esprit qu’il se réfère aussi à la publication [11] de la conférence sur le suçotement du pédiatre hongrois Samuel Lindner. Le 29 mars 1879, devant les membres de la Société Royale de Budapest, Lindner donne une description naturaliste détaillée de toutes les formes de suçotement à partir de l’étude de soixante neuf observations d’enfants et de quelques adultes. La démarche du pédiatre est bien convergente avec celle de Freud car elle combine méticuleuses observations du suçotement et convictions théoriques suggérant la connotation sexuelle de cet acte.

22Dans la rarissime traduction française de ce texte [12], on apprend que le sens donné par Lindner au terme de suçotement (ludeln) ne correspond pas au sens étendu de ce mot « c’est-à-dire, l’aspiration de liquides nourrissants ». Il emploie ce vocable au sens restreint de « suçotement voluptueux (suctus voluptabilis)» qui veut dire : « suçoter lentement la bouche vide, ou suçoter des corps étrangers portés à la bouche ». Autrement dit, l’objet suçoté « ne rentre jamais dans l’intention du suçoteur de se l’incorporer en vue de le digérer ». Cette distinction est d’une grande portée épistémologique car elle fonde la possibilité d’opposer, ou de mettre dans un rapport dialectique, la succion nutritive et non nutritive du nourrisson.

23Lindner sait combien le nourrisson « a une disposition naturelle » pour suçoter et qu’il a l’habitude de porter à ses lèvres tout ce qu’il peut saisir pour l’examiner « car pendant les premiers mois de l’enfance les lèvres ont une plus grande sensibilité que les mains. »

24Pourtant, comme le montre son recueil de données, c’est à partir de sa pratique de pédiatre avec des suçoteurs âgés de plus de deux ans qu’il en propose une catégorisation. Il distingue les suçoteurs de lèvres, de la langue, des doigts dont le pouce, du dos de la main, du bras et de ce qu’il nomme des « corps étrangers ».

25C’est dans cette dernière rubrique que nous devons ranger les sucettes qui nous préoccupent. Le pédiatre hongrois n’évoque pas cet objet que nous connaissons aujourd’hui car il est inexistant à l’époque. Toutefois, il cite l’exemple d’un enfant de 20 mois qui suce une tétine au bout d’un tuyau souple désolidarisée de son récipient de lait. Ce descriptif est historiquement capital car il permet de comprendre la genèse de la sucette moderne : c’est certainement une tétine d’abord désolidarisée de son tuyau et de sa bouteille de lait avec les biberons « à long tuyau » puis, seulement, de la bouteille, avec les « biberons à tétine ». Cette tétine, isolée de son contexte technique nourricier, occupe la fonction traditionnellement dévolue au hochet de bois, suçons et autres bâtons de réglisse, racines de pivoines, morceaux de pain, de sucre, de pomme proposés à l’enfant, en particulier, lors de l’éruption des dents lactéales.

26Dans ce registre des « corps étrangers », Lindner accorde aussi son attention au « sac à suçoter » (schnuller, zulp ou saglappen). Il s’agit d’un mélange de biscottes sucrées, de lait et d’eau enveloppé d’un morceau de tissu de lin fermé par une ficelle, donné aux enfants pour les calmer mais dénoncé par le pédiatre pour les conséquences de sa fermentation acide sur la digestion.

27En convergence avec notre propos, c’est avec sa description des suçoteurs « combinés » et « exaltés » que le pédiatre hongrois souligne fortement la nature sexuelle du suçotement. Les premiers sont des suçoteurs qui allient au suçotement « simple » l’activation d’un « point de volupté » à la tête, au cou, à la poitrine, au ventre ou au bassin.

28Avec les « exaltés », il s’agit de « suçoteurs qui se provoquent eux-mêmes des douleurs ou qui augmentent l’intensité et la force de leur plaisir par des procédés qui paraîtraient désagréables ou déplaisants aux autres enfants ». Lindner précise en note : « Dans la vie érotique, nous trouvons également l’exaltation. Récemment, j’avais à soigner un mauvais abcès à la lèvre inférieure d’un fiancé, qui avait été provoqué par une morsure de la fiancée à l’occasion d’un baiser ». Il illustre pédiatriquement son propos en citant le cas d’un garçon de 6 ans qui suce son pouce en se mettant un doigt de la même main dans la narine jusqu’à obtenir un saignement. Il cite aussi le cas d’une enfant de 14 ans qui « trouve grand plaisir quand elle peut s’arracher un cheveux pendant l’acte de suçotement, cheveux avec lequel elle joue. [13] ».

29Ce détour par des formes extrêmes de l’exaltation, lui permet finalement de considérer que l’« extase » du « plaisir » du « stade de la volupté » est l’objectif ultime de tous les suçoteurs. Le pédiatre en arrive alors inévitablement dans sa conférence à discuter la frontière commune entre suçotement et masturbation. Certes, sa pensée devient plus sophistique et ses recommandations plus moralistes mais le rapprochement est suggéré explicitement.

30On mesure bien le scandale provoqué par Freud affirmant la sexualité infantile devant ses collègues offusqués, en lisant les prescriptions interdictrices de Lindner dans la conclusion de sa conférence : la mère doit « tout faire pour empêcher l’enfant de suçoter » (…) « Il ne faut jamais mettre dans la bouche d’un enfant l’objet à suçoter pour le calmer, quand il est en pleurs. » Certes, le pédiatre fait preuve d’une pertinence descriptive novatrice en mettant en exergue la frontière sexuelle commune entre suçotement et masturbation. Mais il paye, derechef, le prix de son acuité transgressive par une formation réactionnelle moraliste : le suçotement doit être combattu. Et comme dans un lapsus – adulte – qui révèle ce qui veut être caché, l’orateur, adultomorphise l’enjeu développemental infantile : « Nous devons conseiller les adultes suçoteurs de lèvres ou de la langue, qui viennent chercher de l’aide auprès de nous, pour combattre leur tendance; nous devons aider quand nous attrapons un masturbateur…». Lindner est bien là prisonnier de la « confusion entre le “sexuel” et le “génital” [14] », contradiction, que Freud établira dans sa contribution magistrale de 1905.

3 – « LE SUÇOTEMENT EST UN ACTE SEXUEL [15] »

31Avec les Trois essais, Freud inaugure une nouvelle étape dans son œuvre où, désormais, l’organisation sexuelle du psychisme humain sera centrale. C’est autour du concept nodal de pulsion que va s’organiser cette théorisation nouvelle. Mais c’est la théorie de l’étayage qui met spécifiquement en scène la succion dans son rôle principal : elle est le fleuron paradigmatique du développement des pulsions sexuelles. À cet égard, Freud exprime explicitement sa dette à Lindner qui « a clairement reconnu la nature sexuelle de cet acte [16] ». Les nombreux emprunts de Freud au hongrois attestent de sa lecture attentive. De la fameuse conférence, il reprend à son compte, l’existence du suçotement chez le nourrisson, une partie de la description très fine des catégorisations de suçoteurs et, surtout, « la volupté de sucer (qui) absorbe toute l’attention de l’enfant [17] ».

32Le contraste se fait pourtant sentir dans la façon dont Freud qualifie sans ambages les réactions motrices de certains suçotements « d’une espèce d’orgasme » là ou Lindner parlait doctement d’emprosthotonos [18] et d’exaltation.

33Ce qui constitue une avancée décisive dans la vision freudienne du suçotement du nourrisson, c’est sa compréhension en termes d’auto-érotisme, terme qu’il emprunte à Havelock Ellis. Cela signifie que « le caractère le plus frappant de cette activité sexuelle, c’est qu’elle n’est pas dirigée vers une autre personne. L’enfant se suffit de son propre corps [19] ». Remarquons ici que Freud, pour unifier sa théorie, va sélectionner les données de l’observation et délaisser ceux que Lindner range dans la catégorie des suçoteurs de corps étrangers.

34La fameuse théorie de l’étayage se constitue ici. « C’est l’activité initiale et essentielle à la vie de l’enfant qui le lui a appris, la succion du sein maternel, ou de ce qui le remplace. Nous dirons que les lèvres de l’enfant ont joué le rôle de zone érogène et que l’excitation causée par l’afflux du lait chaud a provoqué le plaisir. Au début, la satisfaction de la zone érogène fut étroitement liée à l’apaisement de la faim. L’activité sexuelle s’est tout d’abord étayée sur une fonction servant à conserver la vie, dont elle ne s’est rendue indépendante que plus tard. (…) Mais bientôt, le besoin de répéter la satisfaction sexuelle se séparera du besoin de nutrition, et la séparation sera devenue inévitable dès la période de dentition, lorsque la nourriture ne sera plus seulement tétée, mais mâchée. [20] »

35La séquence est donc la suivante pour le bébé freudien : succion d’une partie extérieure de son corps (mamelon maternel ou biberon) puis succion d’une partie de soi « plus accessible, par ce qu’il se rend ainsi indépendant du monde extérieur qu’il ne peut encore dominer. » Cette deuxième zone érogène est « de moindre valeur que la première » et cette insuffisance « sera une des raisons conduisant l’enfant à la recherche d’une partie de valeur équivalente : les lèvres d’une autre personne. [21] » Secondairement, à l’excitation interne de la zone érogène vient se substituer une excitation extérieure « qui l’apaise et crée un sentiment de satisfaction [22] ».

36Disposant d’informations dont Freud était privées, nous défendrons pour notre part que la succion non nutritive du nourrisson n’a pas pour origine la fonction alimentaire au sein ou au biberon mais bien la succion fœtale prénatale telle que la décrivent D. Ginisty et J.P. Lecanuet [23]. Il est d’ailleurs important de discerner dans le texte freudien lui même, une intuition convergente. Pour expliquer le fait que « tous les enfants ne suçotent pas », il évoque l’idée de pratiquants dont « la sensibilité érogène de la zone labiale est congénitalement fort développée. [24] »

37D’ailleurs, notre hypothèse n’enlève rien à la proposition freudienne sur le but de la sexualité infantile : la satisfaction par l’excitation appropriée auto-érotique de telle ou telle zone érogène. Simplement, lorsque Freud affirme qu’il faut que « l’enfant ait éprouvé la satisfaction auparavant pour qu’il désire la répéter [25] », notre proposition consiste à penser que cet « auparavant » ne se réfère pas uniquement à « l’état de besoin » de la succion nutritive ex nihilo mais bien à celui d’une succion nutritive s’étayant sur la succion fœtale. Ce que Freud pointe comme « activité initiale [26] » du nourrisson est dans notre optique périnatale, secondaire. Au fond, la théorie freudienne de l’étayage du sexuel sur le besoin chez le bébé est dans ce cas redoublé si l’on accepte la possibilité d’une synergie fonctionnelle de la succion prénatale et néonatale.

38L’autonomisation progressive de la satisfaction sexuelle à l’égard du besoin de nutrition sous la poussée de la compulsion de répétition soulignée pa r Freud est, elle a ussi, à revisiter à la lumière de ce double éta ya ge. Et on peut entendre comme un argument allant dans cette direction, la vision freudienne « d’un caractère général des pulsions et peut-être de la vie organique dans son ensemble » qui anime sa célèbre définition de 1920 [27] : « une pulsion sera it une poussée inhérente à l’organisme vivant vers le rétablissement d’un état antérieur que cet être vivant a du abandonner sous l’influence perturbatrice de forces extérieures; elle serait une sorte d’élasticité organique ou, si l’on veut, l’expression de l’inertie da ns la vie orga nique ». Ce débat sera bientôt poursuivi a vec l’étude du « protona rcissisme » et des « procédés autocalmants ».

4 – SUCCION CANNIBALE ET/OU VAMPIRE ?

39Dans l’approche freudienne de l’oralité, la succion jouit d’un statut privilégié. Toutefois, cette prééminence ne doit pas masquer sa constante frontière commune avec la morsure « cannibale ». Au-delà de cet enchevêtrement fondateur, les places respectives de la succion et de la mordication méritent d’être précisées en termes comportementaux et fantasmatiques au profit de notre thématique de la sucette. KarlAbraham, Mélanie Klein puis André Green seront nos guides.

40Avec « l’incorporation » proposée par Freud dans la section 6 rajoutée en 1915 dans les Trois essais, l’organisation prégénitale orale est, de fait, qualifiée de « cannibale [28] ». Cette incorporation, prototype de ce que sera plus tard l’identification, lie dans un même objet, ingestion des aliments et activité sexuelle. Abraham [29] va prolonger cette piste freudienne.

41À partir de l’étude de fixations et régressions prégénitales de mélancoliques, il montre qu’ils cherchent à échapper à leurs impulsions sadiques-orales qui sont sous-tendues « par le désir d’une activité de succion qui donne pleine satisfaction ». Sur cette base clinique, il met à jour une bipartition de la phase orale freudienne.

42« À l’étape primaire, la libido de l’enfant est liée à l’acte de la succion. C’est un acte d’incorporation qui ne porte cependant pas atteinte à l’existence de la personne nourricière. L’enfant ne distingue pas encore son moi d’un objet extérieur à lui. Les notions de moi et d’objet ne correspondent pas à cette étape. (…) Du côté de l’enfant, on ne retrouve aucun mouvement ni de haine, ni d’amour. L’état psychique de l’enfant ne comporte pas à cette étape de manifestation d’ambivalence. »

43« La seconde étape se différencie de la précédente par la modification de l’activité orale qui de succion devient mordication. (…) À l’étape de l’activité buccale de morsure, l’objet est incorporé et subit la destruction. Il n’est qu’à regarder un enfant pour mesurer l’intensité de son besoin de mordre où besoin alimentaire et libido sont mêlés. C’est le stade des impulsions cannibaliques. (…) À partir de là, l’ambivalence règne sur la relation du moi à l’objet. » Cette deuxième étape est située à l’âge de la formation des dents.

44En soulignant vivement sa dette à l’égard deAbraham, Klein [30], prolongera et radicalisera cette réflexion dans son ouvrage tardif Envie et gratitude. L’analysante de Sandor Ferenczi, défend l’existence chez le nouveau-né de pulsion destructrices innées, menaçant son rapport à l’objet dont il dépend. « Je considère, dit-elle, que l’envie est une manifestation sadique-orale et sadique-anale des pulsions destructrices, qu’elle intervient dés le commencement de la vie et qu’elle a une base constitutionnelle. [31] » L’envie du sein met en scène – dés la naissance – une avidité orale où la destruction orale de l’objet est prévalente. C’est sur cette chronologie seulement qu’elle est en désaccord avec Abraham qui, comme on l’a vu, réserve seulement au deuxième stade de l’oralité l’expression de ce sadisme oral. Cette envie, chez Klein primaire, suscite le clivage du bon sein à préserver et du mauvais sein à expulser. La différentiation « moi primitif [32] » néonatal/non moi est alors secondaire à celle du bon et du mauvais. L’intérieur se constitue via l’introjection du bon sein et, l’extérieur, via la projection du mauvais sein.

45Green [33] va poursuivre ce raisonnement et, en reprenant les propositions de Abraham et de Klein, il apporte une clarification conceptuelle très utile pour notre sujet.

46Si le cannibalisme du repas totémique freudien et l’incorporation sont bien des fantasmes archaïques princeps de l’appareil psychique, il faut néanmoins, selon lui, en graduer la genèse en suivant au plus près, la réalité du nourrissage. En effet, la pleine reconnaissance de la succion du nouveau-né conduit inévitablement à la démarquer du contexte de la morsure, plus tardive. « À la première phase orale, celle où le contenu, le lait, prime le contenant, les fantasmes activés sont des fantasmes de succion, d’aspiration, de pompage, de vidage, d’expression du sein. [34] » Plutôt qu’une forme cannibalique, le plaisir agressif de succion est pour Green, « vampirique ». Cette relation d’objet « parasitaire ou vampirique » correspond à la réalité d’une « transfusion liquidienne ». La mère « se laisse sucer, aspirer, vider, elle ne se laisse pas dévorer, quand l’enfant tente d’agir son désir. Elle l’en empêche préventivement lorsque le sevrage intervient avec la poussée dentaire. [35] » Dans la phase de succion, les fantasmes du nourrisson sont mis en relation avec le plaisir de succion contrairement à la phase cannibalique, où les fantasmes restent inaccomplis. Dans le premier cas, l’impact des fantasmes est atténué par le plaisir remarque Green, alors que le désir cannibalique reste, lui, frustré.

47Sur la base de ce rectificatif métapsychologique accordant la primauté à la relation d’objet vampirique, Green redéfinit le modèle oral originaire de l’appareil psychique en revenant, finalement, à la proposition deAbraham d’un dédoublement de la phase orale. « À la phase orale primitive où domine la relation vampirique doit correspondre la fusion primaire : l’objet n’est pas encore perdu parce qu’il n’est pas encore distingué comme tel. C’est précisément le clivage qui lui donne son individualité, ce qui a fait écrire à Freud que l’objet est connu dans la haine. Il nous semble que lors de la première phase orale marquée par la fusion, celle-ci permet de concevoir les rapports mère-enfant sur le modèle de la relation mutuelle vampirique. [36] »

48Quand les premières frustrations se font jour dans ce désir de succion du bébé, de deux choses l’une : « ou bien la frustration est tolérée, l’attente possible, le délai acceptable et accepté et c’est la voie ouverte à toutes les diversions symbolisantes ou bien la frustration est intolérable, l’attente impossible, le délai inacceptable et c’est l’apparition de l’angoisse persécutive, de l’accumulation de l’hostilité du sujet, des pulsions destructrices et de la haine de la réalité interne et externe [37] ». Green insiste sur la persistance rencontrée en clinique adulte de cette structure orale caractérisé par « un balancement entre une position agressive cannibalique avec identification primaire récupératrice d’un objet perdu et une position de dépendance fusionnelle sans manifestation agressive apparente autre que ce besoin d’absolue possession de l’objet. [38] » P. Wilgowicz [39] a donné de remarquables illustrations littéraires et cliniques de ce vampirisme psychique.

49Face à un utilisateur de sucette sevré et denté, l’exploration du cortège fantasmatique qui accompagne sa succion ouvre, par conséquent, sur un double questionnement. Pourquoi, chez lui, persiste la phase vampirique ? Trouve-t-il dans son environnement, des facteurs favorisants cette inertie ?

50De fait, dans une vision clinique intergénérationnelle du recours à la sucette, la réédition chez les parents, les éducateurs de ces rela tions d’objet va m pirique et ca nniba lique sera déterminante dans leur choix concernant son usage et sa durée d’utilisa tion. « L’a ire potentielle de jeu ora l [40] » entre les adultes et le nourrisson est donc, résolument, celle de la rencontre de leur mutualité vampirique et cannibalique.

5 – SUCETTE ET TRANSITIONNALITÉ

51Dans son Avant-propos de Jeu et réalité[41], Donald W. Winnicott défend l’intérêt de l’étude des « précurseurs » des phénomènes transitionnels initialement abordés dans son travail de 1951. Il cite une étude de Renata Gaddini qui observe avec la plus grande attention ces précurseurs : « la succion du poing, du doigt, du pouce, de la langue et de toutes les complications que ne manque pas d’entraîner l’utilisation d’une sucette ou d’une tétine. [42] » C’est la « passion » (addicted) qui caractérise bien, selon lui, cette « aire intermédiaire d’expérience qui se situe entre le pouce et l’ours en peluche, entre l’érotisme oral et la véritable relation d’objet, entre l’activité créatrice primaire et la projection de ce qui a déjà été introjecté, entre l’ignorance primaire de la dette et la reconnaissance de celle-ci. [43] » Winnicott, contrairement à Freud et en accord avec Lindner, ne délaisse pas dans son approche les « objets qui ne font pas partie du corps du nourrisson ». Il les nomme « objets non-moi ». Ceux-ci vont jouer un rôle capital en venant «compliquer l’activité auto-érotique comme la succion du pouce » [44]. Ces objets extérieurs accompagnent la succion ou les caresses d’une partie du corps propre. Couvertures, coin de draps, couches, mouchoirs, bouts de laine a portée de l’enfant font l’affaire. « L’objet transitionnel » élu, chemin faisant, sera un parmi d’autres de ces « phénomènes transitionnels » divers. Il me paraît ici primordial de bien comprendre en quoi l’apport de ces objets « non-moi » constitue une complication d’un auto-érotisme « pur » résolument centré sur le corps propre. Pour Winnicott, c’est la valeur ajoutée de « l’expérience fonctionnelle » de ces objets externes qui ouvre sur la fantasmatisation et la défense contre une « angoisse de type dépressif [45] ». Certes, au départ, ces objets sont utilisés dans un scénario auto-érotique mais c’est bien la complication qu’ils induisent qui desserre l’étau d’une autosuffisance omnipotente. La virtualité symbolique « du bout de couverture ou n’importe quoi d’autre [46] » de l’objet partiel sein n’advient que grâce à cette décentration du corps propre. C’est l’« existence effective » de cet objet qui en rend possible la potentialité symbolique et objectale.

52Si Winnicott ne souhaite pas utiliser l’opposition entre investissement narcissique et objectal pour qualifier cette transitionnalité [47], c’est certainement car il tient absolument à ce que l’objet transitionnel soit défini comme une « possession » non-moi, ni « objet interne » kleinien [48] introjecté, ni objet externe dont on dépend.

53Pourtant, c’est bien finalement la qualité de l’objet interne qui va surdéterminer le dynamisme transitionnel. « Le petit enfant peut employer un objet transitionnel quand l’objet interne est vivant, réel et suffisamment bon (pas trop persécuteur). Mais les qualités de cet objet interne dépendent de l’existence, du caractère vivant et du comportement de l’objet externe. Si celui-ci témoigne d’une carence quelconque relative à la fonction essentielle, cette carence conduit indirectement à un état de mort ou à une qualité persécutrice de l’objet interne. Si l’objet externe persiste à être inadéquat, l’objet interne n’a pas de signification pour le petit enfant et alors, mais alors seulement, l’objet transitionnel se trouve, lui aussi, dépourvu de toute signification. [49] » Nous voyons dans cette citation de Winnicott, un apport princeps en faveur d’une possible clinique de la sucette qui, pour chaque situation familiale singulière, sera source d’une signification évolutive spécifique : la sucette, objet externe, est un fidèle miroir qualitatif de l’objet interne.

54Pour approfondir cette clinique, le processus interactif d’« illusion-désillusionnement » mérite d’être aussi rappelé. Le sevrage du sein [50] en est l’emblème. Au départ, la « préoccupation maternelle primaire » donne au bébé l’illusion que le sein et les soins en général sont une partie de lui-même. Mais, « La tâche ultime de la mère est de désillusionner progressivement l’enfant [51] ». Ce passage « du principe de plaisir au du principe de réalité [52] » est inhérent à un développement harmonieux et nécessite la continuité de l’empathie de la mère. Avec une mère « suffisamment bonne », l’apprivoisement progressif de l’enfant à la « défaillance maternelle » succède à une période où la mère « s’est d’abord montrée capable de donner les possibilités suffisantes d’illusion [53]. » À cette condition, ce désillusionnement sera pour lui synonyme de constitution d’un espace psychique « qui se situe entre la créativité primaire et la perception objective ».

55Cet aspect maturatif de la dialectique illusion/désillusion est central. De fait, « l’illusion anticipatrice [54] » de la mère dédiée à son très jeune enfant lui permet que s’édifie peu à peu sa capacité de faire apparaître ce qui est, en fait, disponible. Autrement dit, par son anticipation [55], la mère permet à l’enfant de s’inscrire activement dans la relation d’objet en créant l’objet trouvé. Dans la terminologie de Winnicott on dira : l’intégration de cette transitionnalité anticipatrice du trouvé/créé favorise l’adaptation à la réalité; elle ne se fera qu’en présence d’un tempo maternel (plus globalement, une synchronie enfant/environnement) normalement dévoué à la continuité d’existence du soi du bébé. Quand cette illusion ne s’est pas encore produite (non-intégration) ou quand la mère (l’environnement) n’est pas suffisamment bonne illusionniste, « l’agonie primitive [56] » surviendra.

56Si la sucette est d’abord une source d’illusion créatrice, elle sera propice, secondairement, au désillusionnement inhérent à son sevrage et soutiendra l’apprivoisement de la réalité du jeune enfant dans la continuité et le dynamisme du paradoxe transitionnel. A contrario, si la sucette est porteuse d’éléments persécutifs dont l’enfant n’arrive pas à se débarrasser, elle maintiendra une discontinuité destructive addictive, source de clivage, d’envie, privée de la promesse de la gratitude.

6 – UNE SUCETTE DANS LA « CAVITÉ PRIMITIVE »

57René A. Spitz occupe une place de choix dans cette généalogie. Dans son célèbre article [57] de 1955, La cavité primitive, il met en scène les réflexes de succion, de déglutition et des points cardinaux du nouveau-né dans un contexte développemental bio-psychique original. Spitz allie culture psychanalytique et observation expérimentale avec un grand bonheur. Ce double ancrage, à l’époque très novateur, lui permet d’envisager l’ensemble langue, muqueuses buccales, (« cavité orale »), lèvres, joues, nez, menton (« museau »), voies nasales, pharynx dans l’unité fonctionnelle de la « cavité primitive ». Par ce que toutes ces parties du corps participent de « la perception selon le mode cavitaire [58] », elles occupent une place fondamentale dans développement psychomoteur du nourrisson. Notre approche de la sucette va donc trouver ici une précieuse description de son environnement fonctionnel. Selon Spitz, la cavité orale est le « berceau [59] » de toutes perceptions. Sa singularité, déterminante pour le développement, est d’agir « à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, c’est simultanément un intérocepteur et un extérocepteur. (…) la cavité orale remplit la fonction d’un pont entre la réception interne et la perception externe. [60] » Mais, plus encore, à partir des travaux de Isakover et de Lewin, Spitz va montrer, dans « l’expérience totale [61] » de nourrissage, l’étroite liaison de cette perception primaire de la cavité orale avec essentiellement la main, le système labyrinthique et la surface cutanée externe mais, aussi, avec les autres canaux sensoriels.

58Spitz retient aussi toute notre attention car il est un des premiers à accorder de l’intérêt au fœtus et aux modifications environnementales inhérentes à la naissance où les fonctions métaboliques et cataboliques sont redistribuées. Il insiste notamment sur un point qui complète utilement la théorie freudienne de l’étayage et s’impose comme essentiel dans notre optique. Pour lui, il y a beaucoup plus à dire sur la soif du bébé que sur sa faim. « Nous sommes trop pressés d’oublier qu’à la naissance l’enfant passe de la vie aquatique à la vie terrestre. Pendant la période intra-utérine sa cavité buccale, son larynx, etc., baignaient constamment dans le liquide amniotique. Après la naissance un flot continu d’air séchera la muqueuse très rapidement, en particulier par ce que les glandes salivaires ne commencent à fonctionner que des semaines plus tard. L’assèchement de la muqueuse entraînera toutes les sensations inconfortables de sécheresse de la bouche, de la gorge, des conduits nasaux, qui sont en rapport avec la soif; et non avec la faim. La soif, ou plutôt la sécheresse de cette aire corporelle, sera donc l’une des premières expériences de l’enfant. [62] » Si l’on croit D. Ginisty [63] quand elle écrit que « certains enfants ont un bavage entretenu par la tétine ou le pouce », cette proposition prend toute sa valeur clinique.

59Il est important de rapporter aussi pour notre propos que chez Spitz « le monde de la sécurité la plus profonde que l’homme puisse jamais éprouver après la naissance, un monde où il demeure entouré et calme. [64] », c’est celui de « la perception coenesthésique » qui n’est autre que l’expérience de la cavité primitive. L’adulte rejoint ce niveau quand il retrouve le « sein-écran » (Lewin) qui constitue la toile de fond de ses rêves mais, aussi, quand il se sent menacé par des conditions pathologiques. Cette évocation n’est pas sans rappeler celle, mise en exergue en tête de cet article, où le docteur Galant rapporte les propos d’une jeune fille célébrant les délices apaisants de la sucette. Spitz précise toutefois, à bon escient, le fait que ces traces mnésiques sont difficilement verbalisables et combien il est important dans un cadre thérapeutique, d’accéder néanmoins à ces éprouvés de l’oralité la plus précoce qui nous accompagnent toute la vie durant.

7 – LA SUCETTE DE L’ATTACHEMENT

60Avec John Bowlby et sa théorie de l’attachement, la succion conforte encore un peu plus sa place de choix dans l’épistémologie psychanalytique. Qu’il suffise, pour s’en convaincre, de se rapporter aux très nombreuses occurrences de « succion » et de « sucette », rapportées dans l’index du premier tome de L’attachement [65].

61Le cœur de la théorie de Bowlby peut se résumer ainsi : chez l’humain comme chez l’animal, l’attachement est un besoin primaire, inné, biologiquement déterminé de la même façon que tous les autres besoins fondamentaux liés à la survie de l’individu et de l’espèce.

62Bowlby raconte [66] qu’au départ, c’est sa confrontation avec les effets du placement de jeunes enfants confiés à des personnes étrangères qui l’avait amené à s’intéresser à leur détresse suite à la séparation de leur mère. Il écrit : « La seule théorie existant à cette époque était que l’enfant se lie à sa mère parce qu’elle le nourrit. » [67] Or, la théorie de la relation d’objet freudienne, visée ici, ne convient pas à Bowlby.

63Comme on l’a dit, Freud et ses héritiers orthodoxes décrivent la naissance de l’objet interne comme le produit de l’étayage du désir sur les expériences engrammées de satisfaction des besoins et postulent l’unité des soins maternels et du nouveau-né, totalement dépendant. Bowlby va critiquer ces propositions et remettre en cause les théories de l’étayage et de la naissance de la représentation (satisfaction hallucinatoire du désir s’appuyant sur la réactivation des traces mémorisées d’expériences de plaisir, en particulier nourricier). Pour qualifier cette rébellion épistémologique, Serge Lebovici parle de « révision déchirante » [68] de certaines hypothèses freudiennes. Notre sucette ne peut rester étrangère à la discussion de cette révision.

64La vision de Bowlby de la succion est d’ailleurs typique de ses positions. La succion non nutritive se rattache dans cette logique à l’ensemble des comportements qui médiatisent l’attachement et qu’ils organisent en deux catégories : les comportements de signal (pleurs, sourire, babils, gestuelle…) et les comportements d’approche dont l’effet es d’amener l’enfant à la mère (suivi de la mère, l’agrippement et, justement, la succion non nutritive).

65C’est bien sur à l’éthologie qu’il se réfère pour engager le débat. Or, chez les bébés primates, la succion dépasse largement, selon lui, le cadre du nourrissage. L’agrippement et la succion non nutritive sont quotidiennes. Elevés sans mère, le recours a la sucette est chez eux « universel [69] ».

66« Chez les primates, agripper la mamelle et la sucer ont deux fonctions séparées, l’une pour la nutrition et la seconde pour l’attachement. Chacune de ces fonctions a sa propre importance, et supposer que la nutrition a, d’une certaine façon, une signification primaire, et que l’attachement n’a qu’une signification secondaire, serait une erreur. En fait, il y a beaucoup plus de temps passé à la succion non nutritionnelle que le contraire. Bowlby insiste sur l’expérience de Rowell qui a montré que chez le bébé babouin qu’elle a élevé, la succion nutritive et non nutritive étaient clairement distinguables : quand il avait faim, il tétait le biberon; quand il était alarmé, la « succion d’attachement » le dirigeait vers la sucette qui l’apaisait avec efficacité à l’inverse de la source de nourriture sans grande valeur de sécurité.

67Chez les humains, Bowlby observe que « dans les communautés primitives, la succion non nutritionnelle d’un bébé est habituellement dirigée vers le sein de sa mère » alors que dans les autres « elle est habituellement dirigée vers un substitut du mamelon, le pouce ou la tétine. [70] » De ce faisceau de convergence, il en conclut que « la succion non nutritive des enfants humains est une activité en soi, distincte de la succion nutritionnelle; que dans l’environnement d’adaptétude évolutionniste de l’homme, la succion non nutritionnelle fait partie intégrante du comportement d’attachement et que son résultat prévisible est la proximité avec la mère. »

68Dans son exploration du rôle des « objets inanimés [71] » Bowlby procède à une lecture critique des objets transitionnels de Winnicott. Pouce, sucette et, plus tard, objets divers, sont présentés comme trouvant leur véritable sens à la lumière de la théorie de l’attachement. À l’expression d’objets transitionnels, il préfère celle de « substituts objectaux [72] ». En effet, Bowlby trouve « discutable » la fonction de transition vers le symbolisme de ces objets et considère plus adéquat de croire, qu’avant tout, ils sont des substituts de la figure d’attachement à « chaque fois que l’objet « naturel » de l’objet du comportement d’attachement n’est pas accessible (…). Comme la figure d’attachement principale, la figure inanimée substitut est recherchée surtout lorsque l’enfant est fatigué, malade ou en détresse. [73] »

8 – SUCCION FŒTALE ET PALÉONARCISSISME

69Les psychanalystes Bela Grumberger et Michel Soulé rendent pleinement – deux fois n’est pas coutume [74] – au fœtus, ce qui lui appartient. Le premier le fait dans les années soixante en l’absence relative de connaissances objectives sur la vie prénatale du fœtus, le second bénéficie de données récentes cliniques et expérimentales à ce sujet. Pour notre thématique, leur apport est essentiel.

70La magistrale étude de Grumberger du narcissisme [75] comprend un examen théorico-clinique d’une grande finesse des stades oral et anal. C’est le premier qui nous intéresse ici et nous nous limiterons à l’évocation de quelques points pertinents dans notre optique.

71À la base de la conception du narcissisme, Grumberger postule le séjour prénatal que l’homme désire constamment retrouver. Ce désir intensément vécu, concerne la vie « même si pratiquement quelquefois ce désir de régression profonde aboutit à la mort [76] ». L’état élationnel prénatal est la source de toutes les variantes du narcissisme; « le fœtus est réellement tout puissant et souverain [77] ». Le sentiment d’unicité, l’amour de soi, la mégalomanie, la toute puissance, l’immortalité, l’omniscience, l’invulnérabilité, l’autonomie s’enracinent dans ce « protonarcissisme [78] ». Ce fond, anobjectal et aconflictuel « contient cependant en germe les pulsions telles qu’elles apparaîtront par la suite et que nous pouvons, sans risque de nous tromper, identifier (avec Freud) comme la sexualité d’une part et l’agressivité, ou instinct du moi, d’autre part. [79] ». Le fœtus est biologiquement un parasite et ses instincts bruts fonctionnent dans le cadre d’une économie qui n’est pas la sienne mais celle de son hôte, sa mère.

72Mais, après la naissance, « l’existence de ce leurre est limitée, car les frustrations survenant obligatoirement, ne manquent pas de précipiter l’enfant dans un trauma double : d’une part, son univers élationnel est perturbé, et, d’autre part, il se trouve devant la tache d’avoir à restructurer son économie sur une base objectale et pulsionnelle. [80] » Pour aménager ce passage, Grumberger souligne l’importance de l’apport narcissique externe des éducateurs envers le nourrisson. Toutefois, c’est bien tout au long de la vie que ce soubassement narcissique est vital comme le suggère si bien L.A. Salomé qu’il cite : « Le narcissisme accompagne toutes les couches de notre expérience et indépendamment d’elles; ce n’est pas seulement un stade qu’il s’agit de surmonter, mais aussi un compagnon de vie et qui se renouvelle toujours. [81] » Pour le nouveau-né, « l’avidité » de la « réceptivité orale [82] » est la matrice de sa relation objectale. « Dans la relation objectale orale, telle que nous l’envisageons ici, il s’agit en somme d’une relation virtuelle contenant en germe toute l’évolution ultérieure du sujet, mais en germe seulement. Cette phase à l’état pur embrasse potentiellement le premier temps seul de cette évolution, même si cette séquence – par fixation ou régression – se met à se survivre, voire à se renforcer sur un mode pathologique. En d’autres termes, l’oralité comprend le mouvement vers la satisfaction pulsionnelle quelle qu’elle soit et la disposition à la recevoir, mouvement qui débouche sur la phase suivante, à moins que cette évolution ne soit retardée et que l’élan reste ainsi fixé au stade même du désir. Ce n’est qu’en tant que composante structurale que cette position subsistera normalement et gardera son activité, qui est capitale, la vie durant. [83] » C’est dans la virtualité de ce cadre structural et sur fond de cette vision périnatale qu’une clinique de la sucette peut émerger. Pour appréhender la complexité des fixations ou régressions en présence avec la sucette, les vues de Grumberger sur la fondation paléonarcissique de l’avidité de la réceptivité orale sont très pertinentes. Elles le seront d’autant plus que le clinicien se souviendra, sur un mode métaphorique, que les relations mère/enfant postnatales sont « la répétition d’un processus plus archaïque » où la relation orale commémore et met en déséquilibre la toute puissance fœtale d’une succion sans limite, non liée au nourrissage et, par conséquent, à la butée de la réplétion.

73Soulé est un autre pionnier de la périnatalité biopsychique. En point d’orgue à de nombreux travaux précédents, son article récent, La vie du fœtus. Son étude pour comprendre la psychopathologie périnatale et les prémices de la psychosomatiques [84], est un plaidoyer très convaincant. Il répertorie avec une grande perspicacité les motifs historiques, cliniques et préventifs en faveur d’une psychiatrie fœtale.

74Ce que nous retiendrons plus spécifiquement pour notre propos, c’est la jonction épistémologique qu’il développe entre la vie fœtale et les travaux de l’École de Psychosomatique de Paris. Le fondateur de ce courant, Pierre Marty, avait, le premier, fa it référence à un « nivea u de fixa tion très archaïque, (…) prénatal [85] » dans une de ces première publications de 1958 portant sur la relation d’objet allergique. Mais depuis, force est de constater, que cette voie a été peu explorée par les membres de l’École de Paris alors que leurs riches tra va ux, peuvent être interprétés comme une invita tion constante à s’y engager. Or, justement, c’est ce que propose Soulé, en définissant la triade biologique fœtus-placenta-mère comme le socle des « noyaux psychosomatiques originaires [86] » évoqués par Léon Kreisler. Avec une originalité prometteuse pour des recherches à venir, Soulé envisage de nombreux exemples de (dys)fonctionnements de cette triade biologique prénatale.

75En convergence avec notre sujet, il est très sensible aux mouvements de la bouche et « au carrefour du pharynx » à travers la description prémonitoire de la cavité primitive de Spitz mais aussi des récentes observations des expérimentalistes travaillant sur le fœtus ainsi que les observations des échographistes. Il cite, en complément, les travaux peu connus de César et Sarah Botella et Geneviève Haag [87] qui ont exploré « l’en deçà du suçotement » chez l’enfant psychotique [88]. Il aboutit logiquement à l’idée que la succion et la déglutition prénatale sont une condition sine qua non de l’efficience de la tétée en postnatal et de la compréhension clinique de ses avatars.

76Ce que nous retenons surtout de cet article pour notre thématique, c’est la proposition de considérer de nombreux comportement fœtaux comme des « prémices des procédés autocalmants [89] s’inscrivant dans un « système de décharge pendant la vie fœtale. » Il pointe, notamment, dans cette catégorie « les mouvements de la bouche en bâillement de carpe, en happage ». Nous proposons de compléter cette liste en y ajoutant les activités de succion, machâge et déglutition prénatales.

9 – SUCETTE AUTO-ÉROTIQUE ET AUTOCALMANTE

77Dans le droit fil de la réflexion initiée par Marty [90] sur la « pensée opératoire » et de la distinction de Michel Fain entre ce qui calme et apporte la satisfaction [91], Claude Smadja et Gérard Szwec [92] ont proposé la notion de procédés autocalmants.

78Smadja [93] a montré l’existence banale et normale de ces procédés qui font partie de la psychologie de la vie quotidienne. Ce sont « des moyens utilisés par le Moi pour s’adapter à une certaine conjecture ». Ils rentrent « dans le cadre général des défenses qui assurent la protection du Moi contre un danger qui menace son intégrité ». Ici, le Moi est à la fois sujet et objet de ces procédés qui visent à restaurer le calme par le recours à la motricité, à la perception afin d’obtenir une réalité dépouillée de ses affects et de sa charge symbolique.

79La répétition, partie visible de la pulsion de mort visant le retour au calme, en est la variable essentielle qui marque le pa ssa ge de la psychologie à la psychopa thologie. S i elle a boutit, à m oindre fra is, à une m a îtrise des excita tions pulsionnelles et externes, les procédures a utoca lm a ntes seront « sa tisfa isa ntes ». A contra rio, elles seront « ca lmantes », si la compulsion de répétition prend le pouvoir en exprim a nt pa r son insa tia bilité la com m ém ora tion d’une inertie traumatique.

80C’est l’exemple paradigmatique du bercement maternel évoqué par Fain [94] qui est le plus parlant. Dans un bercement satisfaisant, le corps biologique du bébé est libidinalisé par des soins maternels où une « censure de l’amante » tempérée permet une liaison des excitations pulsionnelles. À l’opposé, un bercement calmant ne sera pas efficace contre le débordement du système pare-excitant immature du bébé. La sidération de ses fonctions psychiques et la majoration de son angoisse mettent en péril l’intégrité de son Moi dans cette situation.

81Il n’y a qu’un pas, facile à franchir, entre bercement satisfaisant ou calmant et, sucette, satisfaisante ou calmante.

82C’est vers Szwec qu’il faut se tourner pour trouver d’autres indications cliniques précieuses sur les dérives pathologiques parents/bébé de ces procédés autocalmants et, en particulier, sur la transmission générationnelle adultes/bébé de cet « autobercement agi [95] ».

83Pour cet auteur, tous les auto-érotismes ne sont pas autocalmants. Les auto-érotismes sont autant satisfaction, qu’excitation. Les procédés autocalmants, par contre, procurent une décharge, mais pas une satisfaction. Ils sont l’héritage « de la nécessité d’éviter la résurgence de l’événement ayant eu initialement des effets traumatiques. Ces procédés sont donc à comprendre comme un arrêt dans et par la répétition (…) Se substituant aux auto-érotismes, ils réalisent une forme d’attachement à l’objet externe par ce que l’objet interne n’arrive pas à être représenté. Ils maintiennent donc la perception de l’objet externe par ce que l’objet interne n’arrive pas à être représenté. Tout le jeu sur les limites interne et externe, sur la différentiation du moi et de l’objet est remplacé par un jeu figé portant sur la distance à l’objet externe indéfiniment rapproché et éloigné. Le procédé est un substitut nécessaire et révélant une grande dépendance à l’objet externe. [96] » La description de cette perception compulsive va comme un gant à l’usage forcené de certains pratiquants de la sucette. Leur jeu de la sucette se répétant en boucle évoque (et peut-être précède) le célèbre jeu de la bobine freudien [97] devenu compulsif et privé de sa promesse maturative.

84Dans son ouvrage, Szwec fait le récit détaillé d’un cas clinique qui représente un contre exemple où le sein est l’objet calmant alors que la sucette reste peu efficace. Pedro est un petit garçon de un an qui se réveille jusqu’à sept fois par nuit. La seule façon de le calmer, très transitoirement, c’est de lui donner le sein, parfois en le berçant. « La tétée est devenue un procédé calmant pour la mère et un néo-besoin pour l’enfant [98] ». Il est facile de transposer cette histoire en imaginant qu’une mère sevrant son enfant puisse transposer sur la sucette cette fonction « calmante », sans fin, car incapable d’apporter la satisfaction. On peut comprendre aussi à partir de là, comment une mère, non dépendante elle-même de procédés autocalmants, peut offrir une sucette auto-érotique « satisfaisante » à son enfant au moment du sevrage. La sucette sera alors agrippée puis lâchée comme un sein donnant la plénitude de la réplétion concluant la tétée et non compulsivement dans une succion insatiable.

85Il faut enfin dire un mot de ce que Szwec nomme dans la filiation de Fain « comportement auto-aidant prématurément développé [99] » ou « conduite d’indépendance prématurée [100] ». Dans la spirale interactive, ces comportements sont la traduction infantile de « l’investissement mortifère » adulte. Ils visent à donner à l’enfant une autonomie trop précoce et, à ce titre, ils sont souvent des « préformes des procédés autocalmants par la recherche de l’excitation. » Ils excluent la mère ou ses substituts et transforment l’enfant en galériens de l’autocalmant. La succion non-nutritive est certainement un substrat électif pour ce comportement précocement autodestructeur. La sucette en sera potentiellement l’outil, favorisant la mécanisation opératoire des fonctions de succion, machâge et déglutition.

10 – POUR UNE CLINIQUE PSYCHANALYTIQUE DE LA SUCETTE

86Fort de l’ensemble très opulent d’informations réunies à travers ce parcours généalogique de la succion en psychanalyse, il est maintenant temps de les organiser et de les synthétiser au profit d’une clinique psycho(patho)logique de l’usage de la sucette chez le nourrisson et l’enfant.

87Première proposition : la succion (indissociable de la cavité primitive et du développement psychomoteur dans son ensemble) est une véritable diagonale dans l’histoire de l’individu, tour à tour, fœtus, nourrisson, enfant, adolescent, adulte, vieillard. À ce titre, nous proposons de concevoir la succion comme une véritable « ligne de développement » au sens donnée par Anna Freud [101] a cette notion.

88Daniel Widlöcher [102], en exégète attentif aux données développementales récentes, la définit comme « un type d’activité qui se poursuit au long des années, évolue selon des modalités assez régulières d’une étape à l’autre et laisse voir, à chaque étape, un nouvel équilibre pulsionnel et structural. L’interaction pulsionnelle et intersystémique peut donc être décrite, non dans la généralité des activités de l’enfant, mais dans des situations précises ». Ces lignes complémentaires et interactives participent au mouvement global de l’autonomisation de l’enfant qui s’enracine conjointement dans la maturation interpersonnelle et intrapsychique. Au fil de ces lignes, le développement n’est pas linéaire : dans le cadre du « normal », il existe une naturelle dysharmonie, des régressions partielles qui s’opposent à la menace pathologique des régressions massives.

89Ce champ d’investigation est celui de l’observation et « la priorité accordée à la description concrète des activités de l’enfant sur les cadres théoriques [103] » lui donne une grande force dynamique absente des descriptions statiques de la nosographie psychiatrique et quelquefois de l’approche structurale psychanalytique.

90C’est donc avec enthousiasme que nous répondons à l’appel de A. Freud de poursuivre la liste de lignes de développement qu’elle a initié en proposant celle De la succion autocalmante à la succion libidinale qui, nous l’espérons, nous aidera à donner une image convaincante de la conquête personnelle d’un enfant ou de ses échecs dans le développement de sa personnalité.

91Deuxième proposition : il est possible d’ordonner et de regrouper l’ensemble des qualificatifs psychodynamiques de la succion humaine selon la bi-polarité autocalmante/libidinale. En soi, la succion est et reste inscrite dans la lignée génétique du besoin d’attachement que nous assimilons à la matrice autocalmante primaire. Sa destinée libidinale, hypothétique, dépend de l’issue de ce que nous avons intitulé le double étayage : étayage de la succion nutritive et non nutritive postnatales sur la succion prénatale; étayage de la succion non nutritive post sevrage (sein et/ou biberon) sur la succion nutritive et non nutritive postnatales. Le premier étayage correspond au passage de l’autocalmant (protonarcissique prénatal) à l’auto-érotique (narcissique postnatal). Le second étayage, au passage de l’auto-érotique à l’objectal. L’équilibre bipolaire autocalmant/libidinal de la succion a une homéostase variable et évolutive tout au long de la vie [104]. Comme l’adolescence, le segment périnatal et postnatal du processus de parentalité [105] est, pour l’adulte, source d’une réactivation de la créativité et de la vulnérabilité de cet équilibre.

92Troisième proposition : Le destin libidinal et objectal de la succion évolue dans le sens d’un processus de transitionnalité (ou encore de séparation-individuation [106] ). Ce cheminement est virtuellement ouvert aux fixations, aux régressions et aux crises maturatives. Un retour régressif peut s’opérer jusqu’à des point de fixations libidinaux, autocalmants secondaires (survenant après une libidinisation initiale de la fonction) ou autocalmants primaires (succion prénatale et/ou néonatale). Face à un mouvement contre évolutif, une distinction [107] entre « régression » constructive et « désorganisation » pathologique s’impose.

93Quatrième proposition : la succion nutritive liquidienne est un tremplin transitoire vers la mastication de nourritures solides logiquement après un sevrage sanctionnant l’apparition de la dentition. Cette transition équivaut – a priori – à la mutation d’une relation d’objet vampirique en relation d’objet cannibalique. Le vampire incorpore le pseudo objet. Il est dans la fusion d’une relation anaclitique et addictive sans fin; le cannibale introjecte l’objet. Il accède, si sa violence fondamentale [108] ne se transforme pas en agressivité, à la réplétion et au deuil [109].

94Cinquième proposition : la formalisation évolutive de la ligne de développement de la succion est un processus interrelationnel entre l’enfant et son environnement humain et non humain. Dans cette spirale interactive de l’aire potentielle de jeu oral adultes/enfant, la relation met en scène une mutualité vampirique et cannibalique. Elle confronte la relation d’objet naissante de l’infans avec celle – archaïque – de l’adulte parlant. Pour comprendre la passion des parents et des éducateurs en ce domaine, il est nécessaire de ne pas sous estimer la force conflictuelle de cette oralité inconsciente refoulée mais toujours, potentiellement, réactualisable face à l’enfant. Or, la mutualité vampirique et cannibalique est parfois « encryptée [110] » chez l’adulte. Elle s’exprime alors secrètement à travers le recours à la « guérison magique de l’incorporation [111] » compulsive en lieu et place d’une introjection maturante absente où les expériences de la « bouche vide » aboutissent à « la bouche remplie de mots à l’adresse du sujet [112] ».

95Ces propositions, concernant la ligne de développement de la succion, constituent une esquisse introductive à la clinique de la sucette. Nous aimerions qu’elles tiennent compagnie au clinicien dans sa vie quotidienne et dans son cabinet. Nous souhaiterions qu’elles soient présentes quand il interrogera la spécificité – toujours unique – des transformations induites par l’usage de la sucette chez un enfant, indissociable de son environnement, irréductiblement singulier. Face à ce corps étranger à demeure, si il explore son équilibre autocalmant/libidinal et sa virtualité transitionnelle, si il l’envisage comme un ambassadeur de l’objet interne, s’il se demande pourquoi les parents sont, parfois, nostalgiques du vampirique et phobiques du cannibalique, alors, notre contribution prendra tout son sens.


Mots-clés éditeurs : Auto-érotisme, Sucette, Autocalmant, Succion, Relation d'objet oral

https://doi.org/10.3917/cpsy.029.0009

Notes

  • [1]
    Sucette, tétine, tototte, teuteute, tute, suçon en français; das lustscherli, pacifier, dummy, soother, choupeta, choupete, ciuccio, succhiotto dans d’autres langues européennes.
  • [2]
    hhttp :// www. maman. fr/maman/Online/sonda gejour.php3 ?action=2&I D=38
  • [3]
    Winnicott D.W., (1952), L’angoisse associée à l’insécurité in De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, 1969, p. 128.
  • [4]
    W.Hoffer (1959) cité par R.A. Spitz, (1955), « La cavité primitive », Revue française de psychanalyse, 1959; T. XXIII, 2 : 205-234.
  • [5]
    Lire à ce sujet l’articles de J.P. Lecanuet « Des rafales et des pause » in Missonnier S., Boige N., (2002), La sucette dans tous ses états, Spirale n°22, Érès.
  • [6]
    Deux exceptions toutefois : Delaisi de Parceval G., Lallemand S., (2001), L’art d’accommoder les bébés, Paris, Seuil, 1980, Nouvelle édition augmentée d’une post-face inédite, Paris, Poche Odile Jacob., 2001 et Guises É., (1999), La tototte in Enfance et Psy, n°7, p. 142-149.
  • [7]
    Missonnier S., Boige N., (2002), La sucette dans tous ses états, Spirale n°22 et n°23, Érès.
  • [8]
    Freud S., (1905), Trois essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Gallimard, Folio essais, 1985, p. 172.
  • [9]
    p. 16.
  • [10]
    p. 99.
  • [11]
    Jarbuch für Kinderheilkunde, XIV, 1879. Cette référence est donnée par Freud à la note 46, p. 171 de la traduction française du Dr Blanche Reverchon-Jouve revue par J. Laplanche et J.B. Pontalis, Folio/Essais, Gallimard, 1985.
  • [12]
    Une traduction française a été réalisée par la Documentation Psychanalytique de l’École Freudienne. Il est possible de se la procurer en s’adressant à Madame le Dr Solange Faladé, 1 rue Las Cases 75007 Paris. Les citations et les illustrations de cet article sont empruntées à ce précieux document. Nous remercions vivement Madame Faladé pour sa disponibilité. Notre reconnaissance va aussi à Christian Robineau qui nous a fait découvrir cette traduction.
  • [13]
    Observation pertinente pour une réflexion sur la trichotillomanie.
  • [14]
    Freud S., (1905), Trois essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Gallimard, Folio essais, 1985, p. 75.
  • [15]
    ibid. p. 75.
  • [16]
    ibid. p. 74.
  • [17]
    ibid. p. 74.
  • [18]
    Variété de contracture généralisée prédominant sur les muscles fléchisseurs et amenant le sujet en position fœtale.
  • [19]
    ibid. p. 75.
  • [20]
    ibid. p. 75,76.
  • [21]
    ibid. p. 76.
  • [22]
    ibid. p. 79.
  • [23]
    Missonnier S., Boige N., (2002), La sucette dans tous ses états, Spirale n°22, Érès.
  • [24]
    ibid. p. 76; c’est nous qui soulignons.
  • [25]
    ibid. p. 79; c’est nous qui soulignons.
  • [26]
    ibid. p. 75.
  • [27]
    Freud S., (1920), Au delà du principe de plaisir in Essais de Psychanalyse, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1982, p. 80. C’est nous qui soulignons.
  • [28]
    ibid. p. 95.
  • [29]
    Abraham K., (1924), Esquisse d’une histoire du développement de la libido basée sur la psychanalyse des troubles mentaux in Oeuvres complètes, TII, Payot, 1966, p. 276.
  • [30]
    Klein M., (1957), Envie et gratitude, Paris, Gallimard, Collection Tel, 1968, p. 11 et 12.
  • [31]
    ibid. p. 11.
  • [32]
    ibid. p. 32.
  • [33]
    GreenA., (1972), Destins du cannibalisme. Réalité ou fantasme agi in Nouvelle revue de psychanalyse, N°6, p. 27-52.
  • [34]
    p. 44.
  • [35]
    p. 45.
  • [36]
    p. 49.
  • [37]
    p. 50.
  • [38]
    p. 50.
  • [39]
    Wilgowicz P.,(2000), Le vampirisme, Meysieu, Césura.
  • [40]
    Soulé M., (1976), L’aire potentielle de jeu oral entre la mère et son nourrisson in Psychanalyse à l’université, I, 4.
  • [41]
    Winnicott D.W., (1971) Jeu et réalité, Paris, Gallimard, 1975.
  • [42]
    ; p. 5.
  • [43]
    ibid. p. 7.
  • [44]
    ibid. p. 11. C’est nous qui soulignons.
  • [45]
    ibid. p. 11.
  • [46]
    ibid. p. 14.
  • [47]
    ibid. p. 26.
  • [48]
    ibid. p. 19.
  • [49]
    ibid. p. 19.
  • [50]
    ibid., p. 23.
  • [51]
    ibid., p. 21.
  • [52]
    ibid., p. 19.
  • [53]
    ibid., p. 21.
  • [54]
    Diatkine R., (1995), La place de l’étude du langage dans l’examen psychiatrique de l’enfant in Lebovici S., Diatkine R., Soule M., Nouveau Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Paris, PUF, t. 1.
  • [55]
    Missonnier S., (2001), Anticipation et périnatalité : prolégomènes théoriques in Pratiques Psychologiques, n°1,17-30.
  • [56]
    Winnicott D.W., (1974), La crainte de l’effondrement in Nouvelle Revue de Psychanalyse, 1975,11, 35-44.
  • [57]
    Spitz R.A., (1955), « La cavité primitive », Revue française de psychanalyse, 1959; T. XXIII, 2 : 205-234.
  • [58]
    ibid., p. 221.
  • [59]
    ibid., p. 231.
  • [60]
    ibid., p. 211.
  • [61]
    ibid., p. 218.
  • [62]
    ibid., p. 212.
  • [63]
    Missonnier S., Boige N., (2002), La sucette dans tous ses états, Spirale n°22 et n°23, Érès.
  • [64]
    ibid., p. 229.
  • [65]
    Bowlby J., (1969), Attachement et perte, Vol 1 : L’attachement, Paris, PUF, 1978.
  • [66]
    Bowlby J., (1986), L’avènement de la psychiatrie développementale a sonné in Devenir, 4,4,7-31, 1992, p. 10.
  • [67]
    ibid.p. 10.
  • [68]
    Lebovici S., (1992), La théorie de l’attachement et la métapsychologie freudienne in Devenir, 4,4, p. 33.
  • [69]
    Bowlby J., (1969), Attachement et perte, Vol 1 : L’attachement, Paris, PUF, 1978, p. 335.
  • [70]
    ibid., p. 336.
  • [71]
    ibid., p. 411.
  • [72]
    ibid., p. 415.
  • [73]
    ibid., p. 416 et 417.
  • [74]
    On peut aussi citer W.R. Bion et D. Meltzer.
  • [75]
    Grumberger B., Le narcissisme, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1975.
  • [76]
    ibid., p. 25.
  • [77]
    ibid., p. 31.
  • [78]
    ibid., p. 38.
  • [79]
    ibid., p. 33.
  • [80]
    ibid., p. 38.
  • [81]
    ibid., p. 41.
  • [82]
    ibid., p. 147.
  • [83]
    ibid., p. 153.
  • [84]
    Soulé M., (1999), La vie du fœtus. Son étude pour comprendre la psychopathologie périnatale et les prémices de la psychosomatique in Psychiatrie de l’enfant, XLII, 1,26-69.
  • [85]
    Marty P., (1958), La relation d’objet allergique in Revue Française de Psychanalyse, T.XXII, N°1, p. 17.
  • [86]
    Kreisler L., (1991), Les bases originaires de l’organisation psychosomatique in Revue Française de Psychosomatique, 1, PUF, 169-184.
  • [87]
    Botella C., Botella S., Haag G., (1977), En deça du suçotement in Revue Française de psychanalyse, 57,5-6, p. 985-988.
  • [88]
    Lire à ce sujet l’article de Delion P., (2002), Le museau, l’autiste et la tétine in La sucette dans tous ses états, Spirale n°23, Érès.
  • [89]
    Soulé M., (1999), La vie du fœtus. Son étude pour comprendre la psychopathologie périnatale et les prélices de la psychosomatique in Psychiatrie de l’enfant, XLII, 1, p. 41.
  • [90]
    Marty P., (1976), Les mouvements individuels de vie et de mort, Payot, Paris.
  • [91]
    Fain M., (1992), La vie opératoire et les potentialiotés de la névrose traumatique in Revue française de psychosomatique, n°2.
  • [92]
    Szwec G., (1998), Les galériens volontaires, Paris, PUF. Ce livre reprend les articles récents essentiels de l’auteur.
  • [93]
    Smadja C., (1991), À propos d’un mode particuleir de maîtrise des excitations in Les textes du centre A. Binet, n°19 et Smadja C., (1993), À propos des procédés autocalmants du Moi in Revue française de psychosomatique, n°4.
  • [94]
    Fain M., (1992), La vie opératoire et les potentialiotés de la névrose traumatique in Revue française de psychosomatique, n°2.
  • [95]
    Szwec G., (1998), Les galériens volontaires, Paris, PUF, p. 20.
  • [96]
    p. 30 et 31.
  • [97]
    Freud S., (1920), Au delà du principe de plaisir in Essais de Psychanalyse, Paris, Petite bibliothèque Payot, Paris, Payot, 1982.
  • [98]
    p. 69.
  • [99]
    p. 41.
  • [100]
    p. 72.
  • [101]
    FreudA., (1968), Le normal et le pathologique chez l’enfant, Paris, Gallimard.
  • [102]
    Widlocher D., (1985), Les lignes de développement de l’enfant selonAnna Freud in Lebovici S., Diatkine R., Soulé M.,Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Paris, PUF, p. 23.
  • [103]
    Ibid.p. 30.
  • [104]
    Le reflux gastroœsophagien est un bon exemple de déséquilibre chez le bébé : Missonnier S., Boige N., (1999), Je reflue donc je suis, Vers une approche psychosomatique du reflux gastroœsophagien du nourrisson in Devenir, vol. 11, n°3,51-84.
  • [105]
    Missonnier S., Entre créativité et vulnérabilité : les métamorphoses de la parentalité, Psychiatrie Française, Vol. XXIX 3, septembre, 1998, p. 95-111.
  • [106]
    Mahler M., Pine F., BergmanA., (1975), La naissance psychologique de l’être humain. Symbiose et individuation, Payot, 1980.
  • [107]
    Marty P., (1976), Les mouvements individuels de vie et de mort, Payot, Paris, p.131.
  • [108]
    Bergeret J., (1984), La violence fondamentale, Dunod.
  • [109]
    La clinique du tabagique et de l’alcoolique permet, peut-être, d’illustrer les fixations vampiriques alors que celles de l’anorexiqueboulique rentrent en résonnance avec les cannibaliques.
  • [110]
    Abraham N., Torok M., (1987), L’écorce et le noyau, Paris, Flammarion.
  • [111]
    ibid. p. 261.
  • [112]
    ibid. p. 262.
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