Notes
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[1]
Plus largement, sur l’analyse sociologique des institutions – au prisme de la manière dont les pratiques en son sein sont structurées par des attentes et investies par ses membres – à laquelle nous nous référons, voir (Lagroye, Offerlé, 2010).
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[2]
Je remercie Flora Bajard, Anne Barrère et Marianne Blanchard pour la relecture d’une première version de ce texte, ainsi que les experts et rédacteurs de la revue pour leurs précieuses suggestions.
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[3]
Dans les lycées professionnels, il s’agit donc d’enseignants de lettres-histoire-géographie.
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[4]
Si les enseignants évoquent ici leurs cours d’histoire-géographie, l’enquête prolongée dans des classes d’EMC a été l’occasion de constater l’existence de ce phénomène de questionnement spontané des élèves au moment de passer la porte pour rejoindre un autre cours.
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[5]
Recueil d’informations et de propositions pédagogiques pour accompagner les enseignants dans leur travail. Voir http://eduscol.education.fr/
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[6]
L’enquêté exerce en lycée mais évoque indirectement son potentiel passage en collège à la suite de sa première année (durant laquelle nous l’avons rencontré).
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[7]
Ce cas illustre la difficile quantification horaire du travail des enseignants. Pour reprendre les catégories de l’enquête Emploi du temps 2010 Insee, alors que ces moments de lecture ont une utilité professionnelle – qu’elle soit directe ou indirecte –, tout laisse penser que les enseignants ne les comptabilisent pas dans leurs temps de « documentation, formation et recherches personnelles » – qui avoisineraient, dans le secondaire, les deux heures hebdomadaires. À ce sujet, voir les études de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP, 2013).
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[8]
Comme lorsque que, traditionnellement, les enseignants créent des supports de cours en piochant personnellement dans des manuels qui restent les mêmes pour tous.
1Dans le contenu et l’organisation des dispositifs éducatifs, les remises en cause de la double coupure sociale et cognitive de la forme scolaire traditionnelle accentuent aujourd’hui les liens entre l’institution scolaire et le reste de la société (Pirone, Rayou, 2012). La relation entre ce qu’il se passe à l’extérieur et ce qu’il se joue à l’intérieur des établissements interroge la façon dont l’actualité, comme ensemble de faits visibles médiatiquement et socialement perçus comme ce qui fait l’actualité voire l’« événement » (Champagne, 2000), passe les portes de l’École. En considérant « l’enseignement sous l’angle du travail » (Tardif, Lessard, 1999, p. 27), il est possible d’analyser son intégration dans le « faisceau de tâches » (Hughes, 1996) des enseignants d’histoire-géographie de lycée. Nous proposons de le faire en décalant le regard de la mise en œuvre des dispositifs généralement considérés comme plus explicitement dédiés aux questions d’actualité, comme l’EMI (Éducation aux Médias et à l’Information) ou l’EMC (Enseignement Moral et Civique) – bien que ces sujets y soient en réalité peu présents, voire, comme peuvent l’expliquer les enquêtés, volontairement évités.
2Les tâches dont il est question ne sont ni prévues ni formalisées par le curriculum formel et les attentes institutionnelles officielles. Parties prenantes des dimensions cachées du travail enseignant (Lantheaume, 2014), le traitement de l’actualité avec les élèves et son suivi personnel renvoient à des activités de l’ombre que les enseignants ne citent pas au premier abord pour décrire leur « boulot » – que ce soit celui réalisé dans ou en dehors des établissements. Ces pratiques se caractérisent ainsi par un double état d’informalité et de secondarité, cette dernière ne renvoyant cependant pas à l’infériorité du « sale boulot » (Hughes, 1996, p. 72). Elles illustrent les prérogatives informelles qui façonnent la division du travail éducatif (Tardif, Levasseur, 2010) et s’inscrivent dans le quotidien des professeurs d’histoire-géographie selon l’ambivalence entre contrainte et ressource du travail non prescrit (Avril, Serre, Cartier, 2010).
3Au croisement de la sociologie de l’éducation, de l’institution et du travail, ces tâches peuvent être envisagées non pour elles-mêmes mais au prisme des processus socialisateurs qui les génèrent, les rendent possibles et acceptables. En restituant l’importance de la perception des enquêtés dans le vécu et la mise en sens des expériences professionnelles, l’enquête éclaire à sa manière la construction relationnelle et informelle de la codification du travail enseignant. Si elle se réalise principalement dans l’objectivation scripturale d’attentes relatives à la façon de remplir sa mission, la codification des conduites institutionnelles se forme également dans une socialisation professionnelle informelle (Darmon, 2011) qui participe à dessiner les contours des rôles au sein de l’institution (Lagroye, 1997) [1]. Au contact des autres acteurs éducatifs mais aussi des élèves, émergent des attentes diffuses qui construisent la division du travail ainsi que les manières de « tenir son rôle », dans les établissements et dans le « travail à la maison ». Comme les textes officiels, elles contribuent à codifier l’action des membres de l’institution, c’est-à-dire à stabiliser des manières de faire et à (re) produire des façons institutionnellement légitimes de leur donner du sens.
4Entendue au sens réaliste, l’objectivité de ces attentes n’est pas ici ce qui retiendra prioritairement l’attention. En dialoguant en particulier avec l’analyse dispositionnelle du travail (Pichonnaz, Toffel, 2018), nous voudrions contribuer à l’explicitation des intérêts de la sociologie de l’institution dans l’investigation des espaces professionnels à partir d’une perspective compréhensive sur les attentes institutionnelles qui en est une des approches possibles. S’efforçant de se « porter en pensée » au niveau des enseignants (Bourdieu, 1993, p. 1424), l’analyse éclaire la perception qu’en ont les enquêtés et ses ressorts. C’est à travers la perception d’attentes différenciées et la volonté de s’y montrer à la hauteur que les tâches concernées se routinisent dans leur travail. Mais la compréhension de ce double processus nécessite de ne pas l’autonomiser pour le réinscrire dans ses conditions de possibilité. La vision des attentes et la « conformation » qu’elle suscite (Lefebvre, 2010) se comprennent à l’aune de la médiation de schèmes de vision où agissent plusieurs éléments comme la construction collective d’une identification professionnelle, les dispositions disciplinaires qui en découlent (Audigier, 1997) ou encore les intérêts de légitimation professionnelle. Au-delà d’un éclairage sur les effets dispositionnels de l’expérience professionnelle, l’analyse participe au travers d’une étude de cas à l’éclairage des processus dialectiques entre « dispositions primaires » et « dispositions spécifiques » intériorisées depuis l’entrée dans le métier (Bourdieu, 1997). Car la conformation peut relever de la confirmation, lorsque par exemple les attentes perçues actualisent des dispositions familiales. Chemin faisant, l’enquête montre comment, aux marges des principales activités professorales, peuvent se déployer des tâches indissociables de l’intériorisation d’une représentation légitime du « bon » enseignant d’histoire-géographie [2].
L’enquête
Des passeurs du temps présent : édification et intériorisation d’une figure professionnelle
5Les dispositions disciplinaires des enseignants d’histoire-géographie les amènent à endosser une définition du métier où ils auraient à jouer un rôle particulier dans la formation civique des élèves et la compréhension des enjeux socio-politiques extérieurs à l’École. Cette vision n’implique pas une approche fixiste de l’identité professionnelle, mais permet au contraire de mieux comprendre les processus collectifs d’« identification » (Brubaker, 2001) qui sont en jeu. En effet, ces dispositions sont le support de la perception d’attentes différenciées, qui leur attribuent la responsabilité du traitement de l’actualité avec les élèves, et en facilitent l’acceptation.
Des dispositions disciplinaires favorables
6Loin du nominalisme institutionnel, qui en donne l’image de catégories désincarnées, les disciplines peuvent être envisagées, dans leurs manifestations empiriques, comme renvoyant à des expériences socialisatrices et à un ensemble de dispositions et croyances incorporées caractérisant l’investissement dans le métier et le regard porté sur lui. Si les liens entre le passé et le présent que les élèves sont invités à tisser en classe constituent « l’éducation civique intrinsèque à l’enseignement historique » (Héry, 2009, p. 64), la géographie amène également les élèves à s’interroger sur des thèmes qui font écho aux thématiques traitées dans le débat public. Sur le terrain, la fin civique de l’histoire-géographie est le vecteur d’une mise en sens du métier qui en décloisonne les finalités par rapport à la logique auto-référentielle de la scolarité. Une bivalence des objectifs apparaît. À côté d’un travail de transmission dédié aux échéances scolaires du dedans, l’enseignement est également abordé au travers des fins extra-scolaires du dehors.
« Moi vraiment ma mission c’est, outre partager la discipline, la volonté que peut-être parmi les élèves que j’ai, certains j’aurais réussi à ce qu’ils s’investissent un peu plus que les autres dans notre société, que ce soit dans le social, l’aspect associatif, ou, plus, moi ce qui m’intéresse c’est plus politique (…), mais qu’ils s’engagent, qu’ils participent ! »
8L’insistance sur les finalités extra-scolaires de l’histoire-géographie fonctionne comme une double ressource de légitimation, à la fois de soi quand le statut d’enseignant est déprécié (Farges, 2011) mais aussi de la discipline elle-même dans l’espace scolaire (Chervel, 1988). Cette vision façonne l’identification professionnelle de ces professeurs (Audigier, 1997). À l’image de la formation, cette représentation de l’enseignement s’incorpore par expériences successives au sein de l’institution. Interrogés sur leur passage au sein de l’ESPE, les néo-enseignants disent combien les formateurs insistent sur la portée civique de l’histoire-géographie. « On nous dit bien qu’on forme des futurs citoyens, on insiste beaucoup sur ça » (Adèle, 35 ans, enseignante stagiaire depuis deux ans en lycée polyvalent). Un formateur d’ESPE explique « rappeler quotidiennement » cette dimension pour « faire disparaître l’idée que le métier c’est débiter des savoirs pour passer les épreuves scolaires ».
9Les enseignants rencontrés formulent l’idéal d’aider les élèves à comprendre le monde qui les entoure, dans une perspective qui permet peut-être de saisir les effets concrets du travail ministériel de qualification de l’histoire-géographie comme pierre angulaire de la formation civique à l’École (Legris, 2010). La « contextualisation disciplinaire » (Deauvieau, 2009, p. 225) éclaire en tout cas la définition institutionnellement légitime du rôle d’enseignant d’histoire-géographie qui caractérise leurs catégories d’entendement. Être enseignant d’histoire-géographie, ce serait ne pas se cantonner à ses savoirs scolaires mais être capable d’en montrer l’intérêt pour saisir le présent. Plus largement, ce serait savoir se soucier de la capacité des élèves à avoir une compréhension des enjeux socio-politiques contemporains. Cette mise en récit des finalités de l’enseignement dessine les contours d’une professionnalité qui, de par sa double nature symbolique et pratique (Perez-Roux, 2012), est au principe de l’intériorisation de dispositions disciplinaires qui inclinent ces enseignants à croire en un devoir spécifique dans l’éducation aux enjeux du temps présent.
La production collective d’une identification professionnelle
10L’identification à un savoir-faire et un devoir quant à la compréhension et l’explication des enjeux socio-politiques ne provient pas seulement d’une socialisation disciplinaire autonome. La distribution officielle des activités peut jouer un rôle, comme l’attribution à ces enseignants d’un EMC marqué d’un objectif affirmé de formation à la citoyenneté (Douniès, 2018b). Elle se construit également relationnellement, sur les attentes différenciées qui émergent dans les établissements. S’il est permis de penser qu’elles fonctionnent le plus souvent sur le mode du « cela va de soi », elles transparaissent lorsque des situations extra-ordinaires en bousculent l’évidence et imposent dans l’enceinte scolaire une actualité extérieure susceptible de pénétrer toutes les interactions. Nombreux sont les enquêtés se remémorant la période des attentats de 2015 comme un moment de pression de la part de leurs collègues d’autres disciplines.
« J’ai un nombre très important de collègues qui m’ont dit “moi je l’ai pas traité, je te le laisse, c’est le prof d’histoire-géo qui traite le sujet”. Et je leur disais : “mais attendez ! Vous êtes aussi citoyens engagés dans la République que moi !” “Ah non c’est le prof d’histoire-géo !”. Donc déjà les enseignants des autres matières se retournent vers le prof d’histoire-géo pour traiter de ces sujets… »
12Ces anecdotes sont récurrentes, quel que soit le type de lycée. Elles ont fait l’objet de nombreuses remontées du côté du Rectorat, où les inspecteurs disciplinaires parlent d’un « envoi en première ligne ». Cela rend compte d’une attente perçue comme un rappel à l’ordre symbolique (« c’est le prof d’histoire-géo qui le traite »). Se construit une division implicite du travail (Demazière, 2016) où, tel qu’ils le perçoivent, les enseignants d’histoire-géographie sont assignés au rôle de dépositaires de l’explication de l’actualité devant les élèves. En janvier comme en novembre, dans les jours suivants les événements, Jean-Luc (47 ans, lycée polyvalent) a été « choqué » par « le côté “moi je sais pas parler de la laïcité, c’est à vous d’en parler les profs d’histoire-géo” », en particulier de la part de professeurs « des matières scientifiques et les matières technologiques, genre éco droit gestion et compagnie ». Plusieurs expliquent qu’il leur a également été demandé, avec leurs collègues d’histoire-géographie, de faire « un cours express » à tous les enseignants, notamment pour expliquer la situation en Syrie et les ressorts des actes terroristes que les élèves risquaient d’évoquer. Ils se sentent ainsi à la fois sommés de, et autorisés à maîtriser l’actualité. Surtout, cette identification est acceptée comme telle parce qu’elle corrobore leurs dispositions disciplinaires. C’est à travers elles qu’ils lui donnent du sens. La valorisation des fins civiques du métier est le support de perception de cette délégation informelle et s’en trouve en retour confortée.
13L’assignation d’expertise sur l’actualité n’est pas uniquement passive. Les enquêtés en usent aussi comme d’une ressource active de valorisation. Interrogés sur leurs relations avec leurs collègues d’autres disciplines, beaucoup se gratifient d’être, selon eux, plus au fait de ce qu’il se passe en France et dans le monde. Béatrice (50 ans, lycée polyvalent) n’hésite pas à moquer ses collègues de mathématiques, parce « qu’ils sont un peu dans leur bulle ». La relation d’enquête n’est d’ailleurs pas non plus innocente, la mise en avant d’une telle expertise étant une manière de se valoriser soi et sa discipline face à l’enquêteur.
14Le rapport de proximité à l’actualité résulte également de micro-incitations qui apparaissent lors des conversations avec les élèves. Les enseignants disent être régulièrement sollicités. La demande d’avis est une première forme de sollicitation : « sur l’actualité, souvent ils viennent me voir et ils me demandent “et alors, vous, vous en pensez quoi ?” » (Isabelle, 42 ans, lycée polyvalent). Plus souvent néanmoins, cette démarche s’accompagne d’une demande d’explication. Sur les événements mondiaux et la politique nationale notamment, il s’agit alors de connaître le sujet concerné et d’être capable d’en éclaircir les enjeux pour les élèves demandeurs. Les interrogations peuvent émerger dans les temps d’enseignement, bien que de manière indirecte sous la forme d’une parenthèse. L’introduction de « questions vives » du temps présent dans les programmes (Tutiaux-Guillon, 2015) est une condition favorable à l’éclosion de tels questionnements, par association d’idées plus que par traitement spécifique. Ces conversations n’ont cependant pas toujours lieu dans le moment ritualisé de la classe. Elles sont courantes dans les couloirs, ou en petit comité à la fin d’un cours.
« Depuis deux ou trois ans moi j’ai plus d’inter-cours. J’ai quasiment pas de récré, j’ai des questions tout le temps sur l’actualité, le terrorisme et sur l’environnement beaucoup. C’est à nous qu’on vient les poser. »
16La réponse aux questions spontanées apparaît couramment dans les interstices des tâches programmées qui forment le gros du travail au sein des établissements, mais elle n’en constitue pas moins une activité conséquente de par sa répétition [4]. En effet, les élèves n’iraient pas poser ces questions aux professeurs d’autres disciplines. Souvent, ils diraient même que c’est un autre enseignant qui les a dirigés vers eux pour répondre. « Ça c’est du classique » assure Jean. S’il est permis de douter de l’objectivité de cette exclusivité – en songeant par exemple aux enseignants de SES (Sciences économiques et sociales) –, il importe de voir qu’elle est perçue comme telle et qu’elle fonde une identification professionnelle qui nourrit la croyance en des attentes implicites, par rapport auxquelles les enseignants d’histoire-géographie ajustent leurs conduites.
Le suivi de l’actualité, norme et outil de travail
17Au milieu des frontières poreuses entre le travail et le hors-travail, le suivi de l’actualité est perçu comme une nécessité pragmatique et un devoir professionnel. Il procède le plus souvent d’une requalification professionnelle de dispositions formées avant l’entrée dans le métier. C’est notamment pour cela qu’entre loisir et travail, se développe un sens pratique professionnel où l’actualité constitue une ressource extra-institutionnelle dans la préparation des cours.
Déconnecter de l’actualité, une déviance professionnelle ?
Arthur : « On parle de beaucoup de choses. (…) [Les élèves] font des liens avec l’actualité. On a étudié les villes, y’a par exemple la pollution, et “Monsieur il paraît que les bidonvilles ça réapparaît en France et que y’a de la misère sociale”. Tu vois ils peuvent rebondir sur ces sujets (…). »
Enquêteur : « Du coup, comment tu fais pour leur répondre ? »
Arthur : « Si j’ai la réponse je leur explique ce que je sais dessus, sinon parfois il m’arrive de leur dire “je sais pas, je vais me renseigner et on en parle la prochaine fois si tu veux” (…). En général quand je travaille une séquence de cours, j’essaie, déjà, de m’informer sur ce que je vais leur apprendre mais d’élargir pour anticiper un peu est-ce qu’il y a des sujets dans l’actualité en rapport avec ce qu’on va étudier, parce qu’ils vont sûrement me poser à un moment la question. Donc j’essaie d’anticiper, pour pouvoir répondre à leurs attentes et à leurs questions à ce niveau-là. »
19Arthur (27 ans, lycée général) présente ici le suivi des informations comme un acte de prévention. Pragmatiquement, se tenir au courant de l’actualité relève d’abord d’une « stratégie de survie » (Woods, 1997) visant à réduire l’effet de surprise. Dans des situations au surgissement indéterminé, la maîtrise d’un savoir outrepassant la seule discipline est la condition pour « faire face ». Car au-delà de la capacité de réponse, il s’agit bien de « garder la face » (Goffman, 1974, p. 10), c’est-à-dire d’agir d’une manière conforme à ce que l’on pense être l’attente des co-interactants.
« Pour le coup, je le vois par le prisme des élèves, ils nous renvoient vers l’actualité. “Vous avez vu ce qui s’est passé ?”, etc. Alors bien sûr à leur niveau, mais je pense qu’ils attendent de nous des explications. Moi il m’est arrivé parfois de décrocher de l’actualité pendant deux-trois jours, ils me sortent un événement, d’abord je le connaissais pas – j’avais pas fait gaffe – et donc je suis incapable de le mettre en perspective. Or, ils attendent ça de nous je pense. C’est ce que je perçois. C’est important de se tenir au courant, c’est même indispensable de se tenir au courant de l’actualité. Un enseignant d’histoire-géo à mon avis qui se tiendrait pas au courant de l’actualité… ce serait problématique… »
21Loin des attentes institutionnelles formelles, cet extrait montre le rôle des relations interpersonnelles dans la codification des conduites professionnelles : d’interactions concrètes, Robert déduit un devoir professionnel vers lequel il estime avoir à tendre. Cherchant à disposer d’une ligne d’action leur évitant de faire « piètre figure » (Goffman, 1974, p. 11), les enseignants d’histoire-géographie intègrent le suivi de l’actualité dans leur faisceau de tâches pour se conformer aux attentes implicites qu’ils estiment constitutives de leur mission. « Tenir son rôle » (Lagroye, 1997), c’est se montrer à la hauteur de ce qu’ils pensent être ce que l’on attend d’eux en tant qu’enseignants d’histoire-géographie : se tenir au courant de l’actualité est une mesure pragmatique (« je suis incapable de le mettre en perspective ») ; mais c’est aussi un acte de conformation au devoir-être légitime de l’enseignant d’histoire-géographie que leur renvoie l’attitude des élèves et de leurs collègues d’autres disciplines – celui d’un « expert » de l’actualité (« ils attendent ça de nous je pense »). Son suivi se transforme ainsi en une norme de conduite professionnelle. La prise de distance à son égard, au-delà de ses conséquences immédiates, est perçue comme une déviance professionnelle. « Ne pas le faire c’est pas être dans son boulot à mon avis en étant professeur d’histoire-géographie » (Benoît, 27 ans, lycée polyvalent). Entendue au sens sociologique, la déviance est produite par une hétéro-identification qui la crée en la nommant (Becker, 1985). Mais l’étiquetage compte autant que les effets de l’anticipation d’une potentielle attribution du stigmate. La conformation des enquêtés à un suivi de l’actualité est un contournement, rarement pensé comme tel, d’une potentielle dénonciation du manquement à leurs prérogatives informelles. C’est, de plus, jusqu’à la légitimité de la profession qui serait en jeu. Il s’agit de prouver la différence, et la supériorité, de l’éclairage que les enseignants peuvent faire des faits socio-politiques vis-à-vis de celui d’autres acteurs, tels que les commentateurs privilégiés de l’actualité dont les discours ont toutes les chances d’être entendus par les élèves.
« Si on n’est pas au courant des enjeux de société, comment on peut répondre aux questions des élèves ? “Eh Monsieur c’est quoi le lien entre le burkini et le voile ?” Alors oui on peut leur répondre comme sur France 2 ou BFM, faire le chroniqueur de comptoir, ou faire différemment (…) [donc] je pense que c’est notre rôle à nous enseignants, et encore plus d’histoire-géographie, de rester connectés, de suivre l’actualité tu vois, même si elle nous plaît pas ! Même si elle nous plaît pas, on se doit de le faire tu vois. »
23Logiques corporatiste et disciplinaire s’entremêlent pour que, de manière périphérique aux activités relatives à l’enseignement proprement dit, le suivi de l’actualité s’intègre aux tâches des enseignants d’histoire-géographie. S’observe une conversion d’attentes perçues en un modèle prescrit de « bon » comportement professionnel. Cet effet de socialisation professionnelle s’exprime avec acuité chez les enseignants pour qui de telles pratiques informationnelles étaient étrangères avant l’entrée dans le métier. Damien (27 ans) exerce depuis quatre ans, dans un lycée général de ville moyenne. Élevé par une mère seule secrétaire médicale, il obtient au milieu des années 2000 un BTS Négociation et relations client, puis trouve un emploi à durée indéterminée de commercial. Pour diverses raisons, il décide de reprendre ses études dans la perspective de passer le CAPES d’histoire-géographie, qu’il obtient en 2012. Lui qui vit chez sa mère explique que, depuis l’entrée dans le professorat, il a installé de nouvelles habitudes domestiques, sa mère ne suivant pas les informations : « je suis beaucoup branché sur les infos, je lui dis “écoute je suis obligé, c’est mon boulot, je suis obligé d’être branché sur les infos parce qu’il faut que je puisse réagir avec les élèves” ».
La conformation comme confirmation : l’actualisation de dispositions pré-professionnelles
24Le cas de Damien n’est néanmoins pas des plus répandus. En effet, l’attribution d’un tel processus à la socialisation professionnelle est en partie trompeuse, car il résulte le plus souvent d’une requalification professionnelle de dispositions acquises avant et à l’extérieur. Cause et conséquence ne doivent pas être trop facilement inversées : pour beaucoup, l’effet identifié de la socialisation professionnelle sur le suivi de l’actualité est tout autant la conséquence – et l’expression actualisée – d’une appétence préexistante pour ce type de pratiques que la cause de son apparition. La familiarisation avec les réflexes informationnels qui précède l’entrée dans le métier facilite, parce que « naturalise » et rend acceptable, l’intériorisation d’un devoir d’intérêt pour l’actualité.
25Chez les enseignants rencontrés, le cercle familial fut la plupart du temps générateur d’une accoutumance aux pratiques culturelles permettant de suivre l’actualité locale, nationale et internationale. Ils se souviennent de voir leurs parents lire les journaux, écouter la radio et regarder les journaux télévisés. Par exemple, Marie, enseignante de 41 ans dans un lycée polyvalent de zone rurale, se souvient qu’elle regardait tous les soirs le journal de 20h avec ses parents et que tous les matins ces derniers lisaient les pages politiques du journal régional. En grandissant, elle dit avoir repris ce type de pratiques. Elle dit écouter quotidiennement France Inter et lire plusieurs fois par semaine les pages des journaux Le Monde et Le Midi Libre. La perpétuation de ces pratiques n’est pas évidente, mais doit beaucoup à l’appartenance à une profession qui valorise encore intensément le capital culturel (Farges, 2017) et qui transforme en le renforçant le sens de ces pratiques culturelles.
26Beaucoup se souviennent également des années universitaires comme d’une période d’intense attention pour « ce qui se passe ». Ce phénomène peut s’appréhender sous un double effet de situation et de spécialisation. L’exposition et la participation à des mobilisations étudiantes furent pour certains le vecteur d’une politisation et d’une ouverture nouvelle sur le monde. Samuel (34 ans, lycée professionnel) dit lire quotidiennement Le Monde et La Dépêche du Midi, journaux auxquels il est abonné. Il explique avoir commencé à prendre ces habitudes à l’université, car « les débats de société » et les manifestations y étaient « permanents ». Au-delà du statut d’étudiant, l’appartenance disciplinaire – l’histoire pour la plupart – a également pu inciter certains à s’intéresser au présent, afin notamment de mieux comprendre les effets du passé. C’est pourquoi cette période – parfois traversée sous le mode de la socialisation pré-professionnelle, l’enseignement étant l’aboutissement souhaité des études –, a pu être le précurseur d’une habitude de suivi de l’actualité (géo) politique. Par exemple, bien qu’il fût abonné à 16 ans au Canard Enchaîné (par « une grand-mère engagée »), c’est durant sa licence d’histoire qu’Arthur dit avoir commencé à s’intéresser à l’actualité, faire de l’histoire requérant selon lui d’être « attentif à ce qui se passe ».
27Le détour par les expériences précédant l’entrée dans le métier montre que la dialectique entre la socialisation pré-professionnelle et la socialisation institutionnelle conditionne l’intégration du suivi de l’actualité dans le faisceau de tâches de ces enseignants. Beaucoup importent dans le métier des dispositions personnelles qui sont reformulées en des termes professionnels. La conformation est une confirmation : pour reprendre la distinction proposée par Pierre Bourdieu (1997), s’opère un ajustement, et souvent un auto-renforcement, entre les « dispositions primaires » des enseignants et les « dispositions spécifiques » que requiert l’investissement dans l’espace professionnel. Cette ambivalence des registres, entre le personnel et le professionnel, trouve une traduction dans les usages concrets que les enseignants d’histoire-géographie font de l’actualité.
Entre loisir et travail, un sens (du) pratique professionnel
28Dans l’« artisanat intellectuel » (Barrère, 2017, p. 28) de préparation des cours, les enseignants disposent de ressources conventionnelles et officielles comme les manuels ou les fiches Eduscol [5]. Ils peuvent cependant recourir à des ressources extérieures à l’institution. Les sources tirées des moyens d’information sont l’une d’entre elles. La presse, quel que soit son format, peut ainsi être transformée en une banque de ressources utiles. Bien que la « transposition » (Chevallard, 1985) de ce type de sources en supports pédagogiques soit tournée vers le travail, elle ne s’y résume pas. La veille informationnelle ne coïncide pas nécessairement avec les temps de « recherche du bon support » (Barrère, 2002, p. 62). Plus souvent, l’idée de recyclage pédagogique d’un bien symbolique non produit à cette fin émerge dans un temps de loisir, un moment non vécu comme dédié au travail :
« Moi ça me passionne, je suis assez curieux de ça, l’actualité. Et maintenant y’a aussi le côté déformation professionnelle que du coup je vais stocker : “Ah telle thématique je sais que je vais devoir la voir un jour, si j’ai des Cinquième par exemple, hop je le mets de côté” tu vois [6]. Du coup je sais que cet article-là ça va être une ressource à moi. Maintenant c’est vrai que j’ai ça. Depuis un an là que j’ai passé le CAPES, j’ai cette démarche aussi de… de vu comment c’est long de faire des cours… c’est utile. »
30Ces propos montrent l’existence d’une frontière poreuse entre le travail et le hors-travail, entre la curiosité personnelle et l’utilitarisme professionnel. Décrivant des pratiques identiques, Robert parle d’un « réflexe » : « je vais dire “ah tiens ça je vais me le garder pour les élèves”. C’est devenu un réflexe ». Ce sens (du) pratique professionnel révèle l’existence d’usages différenciés de sources non scolaires, et illustre la possibilité d’investir les acquis de la sociologie de la réception dans la compréhension du travail enseignant. La lecture d’articles étant appréhendée comme un plaisir, elle est une forme de « lecture de divertissement » (Mauger, Poliak, 1998, p. 3). Elle l’est d’autant plus qu’elle se fait majoritairement hors des murs du lycée. Mais elle fait également l’objet d’un usage pratique, les enseignants mêlant l’utile à l’agréable [7]. Il s’agit d’anticiper les questions des élèves mais également, quelques fois, de faire de l’actualité un outil, une ressource de travail.
31Les professeurs d’histoire-géographie sont en cela encouragés par les formateurs et les inspecteurs pédagogiques. Un des IPR d’histoire-géographie rencontrés revient sur les questions qu’il pose aux enseignants dans l’heure qui suit l’observation de la classe, que ce soit en histoire, en géographie ou en EMC :
IPR : « Une de mes questions c’est aussi “sur quoi vous vous êtes appuyé pour préparer votre cours ? C’est-à-dire qu’est-ce que vous avez lu ?” Et là on voit des différences (…) entre ceux qui vont faire une veille scientifique et… On demande pas une bibliographie mais rien qu’une revue. Par exemple, ça peut être une photographie, un article de presse dans Courrier International, y’a de superbes dossiers (…). Je veux dire dans la presse… [On voit] s’ils sont allés chercher des choses ou s’ils ont plus ou moins digéré un manuel. Très simplement je demande “comment vous avez fait pour préparer ce cours ?” »
Enquêteur : « Et si on vous dit que c’est avec des sources qui datent ou qui sont des manuels comme vous disiez, qu’est-ce que vous leur dites ? »
IPR : « Je les blâme pas mais ils se rendent compte d’eux-mêmes. “Bon bah j’ai pris les manuels”. “Oui, mais encore, c’est tout ?” »
33Face aux enseignants, les prescripteurs intermédiaires que sont les inspecteurs dessinent un champ du souhaitable pédagogique qui encourage à sortir des sources proprement scolaires pour trouver ailleurs de quoi alimenter la préparation des cours. Tout en restant de l’ordre du conseil, l’incitation à l’usage de l’actualité se « durcit » par ce biais, dans un entre-deux entre codification formelle et informelle du travail des enseignants. L’usage de la presse varie bien sûr en fonction des enseignements – et ne concerne sans doute pas que l’histoire-géographie. Par rapport à l’histoire, la géographie est plus propice à la mobilisation de documents du temps présent. Avec plus de trente ans d’expérience en lycée professionnel, Christiane (54 ans) juge les manuels « tristounets ». Dans une approche où il s’agit d’allier l’« intéressant » au « ludique » (Jellab 2005, p. 306), elle préfère aller chiner « sur le net », à la recherche d’une trouvaille qui, de par ses liens « avec notre temps », soit capable de susciter la curiosité des élèves. Au détour de ses lectures personnelles quotidiennes, elle trouve quelques fois sur Mediapart ou dans Le Monde Diplomatique et Le Monde des idées pour construire ses cours. Elle confectionne des « amorces » ou des supports uniques, et se conforme ainsi à l’idéal d’un artisanat enseignant qui plus que personnel doit devenir personnalisé : le recours à la presse et à l’actualité caractérise l’incitation à s’extraire des moyens standardisés, conventionnels et impersonnels mis à disposition [8] ; il est partie prenante de l’« exigence d’innovation » qu’un formateur dit « marteler » à ses étudiants et à ses stagiaires. S’agissant non pas de faire mieux que ses collègues, mais autrement, il peut être lu comme la manifestation d’une injonction à la singularité créatrice devenue le rapport légitime au travail (Boltanski, Chiapello, 1999).
Conclusion
34« L’enseignement, demandait Émile Durkheim, n’a-t-il pas pour objet de faire de nos élèves des hommes de leur temps » (1990, p. 18). C’est à une forme de contribution à cette mission que donne accès l’analyse du rapport à l’actualité des enseignants, dans la mesure où elle éclaire des canaux largement invisibles qui amènent les professeurs à traiter d’enjeux socio-politiques contemporains au sein des établissements. Cette perspective, qui serait utilement à compléter par des comparaisons inter-disciplinaires est une contribution décalée à l’étude de la socialisation civique, politique et médiatique en contexte scolaire : elle en décloisonne l’analyse des contenus d’enseignement ou des discours ministériels, pour en questionner les conditions de possibilité à l’aune de la structuration des conduites professionnelles.
35Cette enquête éclaire en effet certaines modalités par lesquelles s’opère une codification informelle des activités dans les angles morts du travail enseignant – dans et hors des établissements. Par la médiation enchevêtrée de dispositions professionnelles, disciplinaires et personnelles, les enseignants d’histoire-géographie perçoivent et endossent une définition légitime de leur mission qui les amène à intégrer à leur travail différentes tâches relatives à l’actualité. Aussi s’éclairent la genèse de ce « travail flou » (Tardif, Lessard, 1999, p. 30), ses conditions de possibilité ainsi que le sens que lui attribuent les enseignants. In fine, il apparaît l’intérêt d’une approche dispositionnaliste du rôle institutionnel des enseignants, qui ne saurait d’ailleurs être résumée à la perspective compréhensive que cet article a spécifiquement choisi d’éclairer. En les important dans la sociologie de l’éducation et du travail, les lunettes de la sociologie de l’institution permettent de mettre au jour la réciprocité des conditions de réalisation de leur mission. Quel que soit leur degré de formalisation, les attentes institutionnelles génèrent des effets dispositionnels avec la volonté de s’y montrer à la hauteur. Mais inversement, cet acte de conformation est souvent rendu possible par l’actualisation de dispositions incorporées avant l’entrée dans le métier. La pratique professionnelle apparaît dès lors comme le lieu où s’exprime la dialectique entre la personne et son rôle. L’invitation est tout à la fois théorique et méthodologique, car il s’agit, d’un même mouvement, de comprendre ce que les enseignants sont par ce qu’ils font et ce qu’ils font par ce qu’ils sont.
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Notes
-
[1]
Plus largement, sur l’analyse sociologique des institutions – au prisme de la manière dont les pratiques en son sein sont structurées par des attentes et investies par ses membres – à laquelle nous nous référons, voir (Lagroye, Offerlé, 2010).
-
[2]
Je remercie Flora Bajard, Anne Barrère et Marianne Blanchard pour la relecture d’une première version de ce texte, ainsi que les experts et rédacteurs de la revue pour leurs précieuses suggestions.
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[3]
Dans les lycées professionnels, il s’agit donc d’enseignants de lettres-histoire-géographie.
-
[4]
Si les enseignants évoquent ici leurs cours d’histoire-géographie, l’enquête prolongée dans des classes d’EMC a été l’occasion de constater l’existence de ce phénomène de questionnement spontané des élèves au moment de passer la porte pour rejoindre un autre cours.
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[5]
Recueil d’informations et de propositions pédagogiques pour accompagner les enseignants dans leur travail. Voir http://eduscol.education.fr/
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[6]
L’enquêté exerce en lycée mais évoque indirectement son potentiel passage en collège à la suite de sa première année (durant laquelle nous l’avons rencontré).
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[7]
Ce cas illustre la difficile quantification horaire du travail des enseignants. Pour reprendre les catégories de l’enquête Emploi du temps 2010 Insee, alors que ces moments de lecture ont une utilité professionnelle – qu’elle soit directe ou indirecte –, tout laisse penser que les enseignants ne les comptabilisent pas dans leurs temps de « documentation, formation et recherches personnelles » – qui avoisineraient, dans le secondaire, les deux heures hebdomadaires. À ce sujet, voir les études de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP, 2013).
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[8]
Comme lorsque que, traditionnellement, les enseignants créent des supports de cours en piochant personnellement dans des manuels qui restent les mêmes pour tous.