Notes
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[1]
Équipe de recherche en didactiques des disciplines dirigée par Bertrand Daunay. Cette équipe est une des trois composantes du laboratoire CIREL (Centre Interuniversitaire de Recherche en Éducation de Lille). Les deux autres composantes de ce laboratoire sont l’équipe Profeor (Lille 3) et l’équipe Trigone (Lille 1).
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[2]
Équipe de Recherche en Didactiques et en Épistémologies des Sciences Sociales dirigée par François Audigier.
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[3]
Voir à ce propos : Rosanvallon P. (2008). La légitimité démocratique. Paris : Seuil et Blondiaux L. (2008). Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative. Paris : Seuil.
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[4]
Les conférences de consensus lancées par les autorités danoises dans les années 1970, représentent une illustration de cette volonté de créer des espaces où sont confrontées, sur des questions sociales vives, les opinions des citoyens à l’expertise scientifque.
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[5]
Plusieurs enquêtes sur les jeunes européens montrent l’ambivalence de ceux-ci pour les valeurs collectives : Mousseau M.-J. & Tutiaux-Guillon N. (1998). Les jeunes et l’histoire. Identités, valeurs et conscience historique. Paris : INRP ; Galland O. & Roudet B. (dir.) (2005). Les jeunes Européens et leurs valeurs. Europe occidentale, Europe centrale et orientale. Paris : La Découverte.
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[6]
Audigier, F. (2000). Concept de base et compétences-clés pour l’éducation à la citoyenneté démocratique. Strasbourg : Conseil de l’Europe.
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[7]
Alain Supiot différencie la loi et le droit ainsi : « l’univers de la loi est infniment plus grand que celui du Droit. Le Droit est la manière dont l’Occident ordonne les règles qui s’imposent à l’homme ». Supiot, A. (2005). La fonction anthropologique du droit. Paris : PUF, p. 85 et ss.
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[8]
Cette question de l’autorité, et sa place au sein de l’éducation contemporaine, est aussi abordée par des travaux récents de la philosophie politique. Voir par exemple à ce propos l’ouvrage d’Alain Renaut (2002) La libération des enfants. Contribution philosophique à une histoire de l’enfance, Paris : Calmann-Lévy-Bayard ; ainsi que la table ronde organisée autour de ses travaux dans : Jacquet-Francillon F., Kambouchner D. éd. (2006), La crise de la culture scolaire, PUF, colloque tenu à la Sorbonne-université Paris 1, les 4, 5, 6 septembre 2003, INRP-École doctorale de philosophie de Paris-1.
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[9]
Formalisé par le philosophe américain Michaël Walzer, le concept d’égalité complexe repose sur la nécessaire distinction de sphères de justice dans le monde. (cf. Sphères de Justice. Défense du pluralisme et de l’égalité. Paris : Seuil, 1997.)
1 Ce numéro 28 de Carrefours de l’éducation comprend un dossier coordonné par Maria Pagoni (université Lille III – équipe Théodile-CIREL EA 4354) et Philippe Haeberli (université de Genève – équipe ERDESS). Il comprend par ailleurs, comme à l’accoutumée, un certain nombre d’articles qui ne répondent pas à la thématique retenue mais que l’on a reçus spontanément. Que les auteurs en soient remerciés.
2 Les articles qui sont réunis dans ce numéro autour du thème de la participation des élèves dans les établissements scolaires sont issus d’un séminaire de recherche qui a eu lieu en janvier 2007 à l’université Lille III. Il était co-organisé par l’équipe Théodile – CIREL [1] (université Lille III) et l’équipe ERDESS [2] (université de Genève). Cette collaboration s’inscrit dans le cadre des travaux de recherche des deux équipes dans le champ des didactiques des disciplines et de l’éducation à la citoyenneté. Elle vise à interroger les savoirs et compétences construits par les élèves au sein des différents dispositifs de participation à l’école, les savoirs et compétences convoqués par l’enseignant pour accompagner les élèves dans cette construction ainsi que les méthodologies et cadres de références dont a besoin le chercheur pour décrire ces pratiques.
3 Le thème de la participation puise ses racines dans deux types de questionnements en lien étroit l’un avec l’autre : un questionnement politique et un questionnement éducatif. Du point de vue politique, plusieurs travaux de sciences politiques récents [3] questionnent la mutation du rapport au politique que vivent depuis quelques années nos sociétés occidentales. Parmi les facteurs explicatifs avancés, les pratiques participatives indirectes y sont présentées comme les prémisses d’un « nouvel esprit démocratique ». Pour ces auteurs, les outils de la participation indirecte, en particulier la procédure du vote, ne sont plus à même d’organiser la décision de manière satisfaisante dans nos sociétés complexes. Des modes plus directes de participation impliquant notamment la création de véritables espaces de délibération sont, selon ces auteurs, nécessaires pour revivifer la vie des démocraties occidentales [4].
4 De plus en plus présentes dans nos sociétés, les formes de la participation indirecte au politique impliquent un brouillage de la notion même de politique et une dissémination de la notion de citoyenneté dans l’espace social. Cette dissémination a un double effet paradoxal : elle multiplie les formes de l’implication citoyenne dans la vie de la cité et de l’intérêt pour la chose publique ; elle multiplie la fragmentation de la vie politique et le sentiment que les projets et les valeurs collectives s’estompent [5]. Ces évolutions démontrent un paradoxe démocratique résumé de la sorte par Pierre Rosanvallon : « plus de démocratie sociale tend à obscurcir la vie politique ».
5 Ce paradoxe rend la tâche de l’éducation à la citoyenneté d’autant plus difficile qu’elle nécessite une action de celle-ci autant sur le versant social que sur le versant politique de la citoyenneté. L’éducation à la citoyenneté se trouve ainsi interrogée sous deux aspects : comme processus de préparation des futurs citoyens à cette forme de démocratie « participative » ; comme accompagnement de la citoyenneté scolaire incarnée par la participation même des élèves dans la gestion de la vie scolaire. Les propositions faites par François Audigier au Conseil de l’Europe concernant l’éducation à la citoyenneté démocratique [6] peuvent nous éclairer. Il s’agit d’étudier les concepts de base et les compétences-clés de l’éducation à la citoyenneté par référence au domaine du droit. Ce dernier est privilégié dans son double aspect d’articulation entre l’individuel et le collectif. Sous son aspect de garde-fous des droits individuels et des libertés fondamentales, il est à la source de la construction d’une personne libre et autonome. Dans une société démocratique, le droit est le domaine chargé d’organiser les rapports entre personnes d’une part et entre personnes et pouvoir d’autre part. En quoi ce cadre théorique aide-t-il à mieux comprendre et interroger les compétences à construire dans les dispositifs de participation des élèves dans la vie scolaire ? Quels sont les objets de recherches et les questions liés au thème de la participation des élèves à la vie scolaire ?
6 Un premier groupe de questionnements renvoie à l’analyse des relations établies entre ce qui relève de l’ordre scolaire, des procédures de vote, de représentation et de prise de décision, du règlement de confits et de l’élaboration et application de la loi au sens large [7]. La convocation du droit exige un travail de conceptualisation et de choix pour rendre possible une « transposition » à l’école. Parmi ces questions : à quels principes du droit recourir ? Comment ceux-ci sont-ils liés aux valeurs démocratiques ?
7 Ces questions renvoient à l’analyse du contexte et, plus largement, de la « forme scolaire » dans lequel s’inscrivent ces pratiques. Les dispositifs de participation impliquent la négociation de l’autorité enseignante et la réorganisation de la relation pédagogique [8]. Le développement de ces dispositifs traverse toute l’école obligatoire et, même, au-delà. En fligrane apparaît ici la question des progressions et du curriculum ainsi que le thème plus général du développement socio-moral de l’élève.
8 Se posent ainsi des questions éducatives telles que l’analyse de « l’intention didactique » qui sous-tend ces pratiques, ainsi que des moyens de formalisation des acquis qui en résultent. La relation entre savoir et expérience demande par exemple à être posée, discutée et clarifée. Pourquoi parle-t-on de « compétences citoyennes » et qu’est-ce que cela implique du point de vue didactique ? Comment le rapport entre connaissance et action s’articule-t-il dans ces dispositifs ? Quelles fonctions les représentants d’élèves sont-ils invités à remplir au sein des conseils d’élèves dans le primaire ou dans le secondaire ? Quels objets sont abordés dans ces lieux de discussion ? Quelle est leur fréquence, quelle est leur nature et comment s’intègrent-ils dans les interactions entre les acteurs éducatifs ?
9 Pour aborder ces questions, les articles de ce numéro s’organisent en deux temps.
10 Un premier temps réunit des articles présentant des recherches sur les conseils de classe et les situations de débat à l’école primaire.
11 Un deuxième temps réunit des recherches qui portent sur la participation des lycéens dans des dispositifs de représentants d’élèves au sein de l’établissement scolaire ou des parlements des jeunes à l’extérieur de l’école. Ce regroupement renvoie également de manière intéressante à la distinction entre primaire et secondaire, comme si la participation directe, pensée comme plus simple, était faite avec les élèves plus jeunes et la délégation, pensée comme plus compliquée, se pratiquait essentiellement avec les plus grands.
12 Le premier groupe d’articles réunit ceux de Richard Étienne, Mireille Froment, Line Numa-Bocage, Martine Raimondi-Janner et Philippe Haeberli qui portent sur les conseils de classe à l’école primaire tout en s’inscrivant dans des cadres théoriques différents. Dans une perspective qui se trouve au croisement d’une approche didactique (dévolution d’une situation abordée en classe) et d’une approche théorique des classes multi-âges, l’article de Richard Étienne analyse une séance de conseil de classe dans une « classe unique urbaine ». Il montre comment le maître établit une distinction entre une excuse qui se situe au niveau interpersonnel et un avertissement qui renvoie à un engagement de l’élève envers la classe. Inscrit plutôt dans une perspective des sciences du langage l’article de Mireille Froment concentre l’attention sur les rôles et les procédures discursives mis en place par les acteurs éducatifs lors d’une séance de conseil de classe dans une classe à trois niveaux (CE2, CM1, CM2) et sur l’hétérogénéité constitutive de chacun. Il s’attache à interpréter la façon dont l’enseignant orchestre ces différentes « voix » du dialogue pour thématiser une notion qui apparaît importante pour la compréhension de la situation, celle de la dénonciation. Sans examiner des situations de prise de décision, l’article de Line Numa-Bocage peut s’attacher à ce premier regroupement d’articles parce qu’il analyse le débat comme outil didactique pour le développement du jugement moral des élèves du CP à partir du cadre de la didactique professionnelle.
13 Les deux articles de Martine Raimondi-Janner et de Philippe Haeberli s’inscrivent dans un questionnement sur la justice, notion centrale de la philosophie politique et du droit. Dans son enquête menée dans des classes de cycle 3 du cours moyen de deuxième année, Martine Raimondi-Janner axe plus particulièrement sa réfexion autour des principes d’équité, d’égalité et de la notion de précédent dans la manière dont les compétences de justice des élèves s’exercent. L’enquête de Philippe Haeberli porte sur la pratique à l’école primaire genevoise ; il y met, en particulier, en évidence une forte scolarisation de la justice mais relève également que les élèves, éloignés quelque peu du contexte coutumier du conseil de classe, manient le concept d’égalité complexe [9] dans leur sentiment et jugement de justice.
14 Le deuxième groupe d’articles réunit ceux de Valérie Becquet, de Sylvie Condette et de Francisco García et ses collaborateurs. La contribution de Valérie Becquet présente les résultats d’une recherche sur le fonctionnement du conseil de la vie lycéenne, dont la mise en place a été généralisée à l’ensemble des lycées publics en juillet 2000. À partir d’une enquête par entretiens semi-directifs auprès des membres du conseil de la vie lycéenne l’article montre que les lycéens ont du mal à saisir leur droit à la parole au sein de ces instances et que leur participation reste limitée par l’intériorisation du rôle d’élève et de sa position de faiblesse par rapport aux adultes. Situé plutôt du côté de ces derniers, l’article de Sylvie Condette montre la diversité qui caractérise l’opinion des enseignants, des chefs d’établissement et des conseillers principaux d’éducation quant aux droits de participation des élèves dans les différentes instances de représentation au lycée. L’article questionne l’absence d’un cadre de référence commun susceptible de clarifer le fonctionnement de ces institutions et intervenir sur les représentations et les pratiques des acteurs à leur égard.
15 Enfn, le texte de Francisco García, Nicolás de Alba, Pilar Estada et Trinidad Herrero examine deux dispositifs, le « Parlement des Jeunes » et les « Budgets Participatifs » à Séville. L’article discute les compétences et savoirs dont les élèves ont besoin pour participer à ces dispositifs ainsi que le statut de ces savoirs et compétences au sein du curriculum formel. Il pose aussi des questions sur les conditions (éthiques, politiques, éducatives) qui déterminent la légitimité de ces pratiques et leur accompagnement par les enseignants et les hommes politiques.
16 Les questions soulevées par ces articles sont enfn intégrées et mises en perspective dans la note de synthèse de Maria Pagoni qui, suite à une revue des recherches qui ont lieu dans le monde francophone et anglophone, examine les fnalités, les limites et les conditions d’engagement des élèves dans les pratiques de participation à la fois formelles et informelles.
17 Le témoignage de François Audigier vient couronner cette thématique en l’intégrant dans un parcours personnalisé qui est marqué par la recherche du sens de l’éducation à la citoyenneté démocratique, l’investissement dans un projet d’éducation aux droits de l’Homme et l’investigation de la théorie et de la pratique du droit comme cadre de référence de l’éducation à la citoyenneté. Des chantiers de recherche et d’intervention qui restent à poursuivre après le départ à la retraite d’un de leur principal initiateur.
18 Les autres articles abordent des domaines variés pas totalement indifférents au thème du dossier puisque deux articles – celui de François Baluteau et celui d’Anne Barrère – sont consacrés à la direction des établissements secondaires, tandis que l’article de Frédéric Caumont pose la question de l’éthique éducative de la relation éducative. Un article, celui d’Agnès Musquer renvoie à des questions de didactique tandis que Claude Lelièvre nous convie à une réfexion sur une question vive des mois en cours, à savoir la formation des enseignants. Enfn, la revue ne perd jamais son objectif de faire circuler le travail de recherche d’un point de vue comparatif au niveau international, c’est la raison pour laquelle la comparaison s’organise autour de l’université chilienne, aujourd’hui. Comme à l’accoutumée, des notes de lecture accompagneront la réfexion qu’il vous sera loisible de poursuivre.
Notes
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[1]
Équipe de recherche en didactiques des disciplines dirigée par Bertrand Daunay. Cette équipe est une des trois composantes du laboratoire CIREL (Centre Interuniversitaire de Recherche en Éducation de Lille). Les deux autres composantes de ce laboratoire sont l’équipe Profeor (Lille 3) et l’équipe Trigone (Lille 1).
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Équipe de Recherche en Didactiques et en Épistémologies des Sciences Sociales dirigée par François Audigier.
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[3]
Voir à ce propos : Rosanvallon P. (2008). La légitimité démocratique. Paris : Seuil et Blondiaux L. (2008). Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative. Paris : Seuil.
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[4]
Les conférences de consensus lancées par les autorités danoises dans les années 1970, représentent une illustration de cette volonté de créer des espaces où sont confrontées, sur des questions sociales vives, les opinions des citoyens à l’expertise scientifque.
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[5]
Plusieurs enquêtes sur les jeunes européens montrent l’ambivalence de ceux-ci pour les valeurs collectives : Mousseau M.-J. & Tutiaux-Guillon N. (1998). Les jeunes et l’histoire. Identités, valeurs et conscience historique. Paris : INRP ; Galland O. & Roudet B. (dir.) (2005). Les jeunes Européens et leurs valeurs. Europe occidentale, Europe centrale et orientale. Paris : La Découverte.
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[6]
Audigier, F. (2000). Concept de base et compétences-clés pour l’éducation à la citoyenneté démocratique. Strasbourg : Conseil de l’Europe.
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[7]
Alain Supiot différencie la loi et le droit ainsi : « l’univers de la loi est infniment plus grand que celui du Droit. Le Droit est la manière dont l’Occident ordonne les règles qui s’imposent à l’homme ». Supiot, A. (2005). La fonction anthropologique du droit. Paris : PUF, p. 85 et ss.
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[8]
Cette question de l’autorité, et sa place au sein de l’éducation contemporaine, est aussi abordée par des travaux récents de la philosophie politique. Voir par exemple à ce propos l’ouvrage d’Alain Renaut (2002) La libération des enfants. Contribution philosophique à une histoire de l’enfance, Paris : Calmann-Lévy-Bayard ; ainsi que la table ronde organisée autour de ses travaux dans : Jacquet-Francillon F., Kambouchner D. éd. (2006), La crise de la culture scolaire, PUF, colloque tenu à la Sorbonne-université Paris 1, les 4, 5, 6 septembre 2003, INRP-École doctorale de philosophie de Paris-1.
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[9]
Formalisé par le philosophe américain Michaël Walzer, le concept d’égalité complexe repose sur la nécessaire distinction de sphères de justice dans le monde. (cf. Sphères de Justice. Défense du pluralisme et de l’égalité. Paris : Seuil, 1997.)