Notes
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[1]
On reprend ici la défnition donnée dans M. Froment et J. Leber Marin, Analyser et favoriser la parole des petits, ESF, 2003, p 33. Le dispositif n’est pas seulement un mode de régulation et d’organisation de l’interaction pour un contenu donné, il est l’interprétation concrète du contenu. L’ interaction concrète constitue le seul observable. C’est là que peut se lire la circulation des attentes, des façons de répondre, des interprétations
-
[2]
D. Ottavi (2003 : 194) pense que « la fonction civique » de l’école s’en trouve renforcée : à la formation intellectuelle s’ajoute la tâche « d’instituer l’espace des références partagées au sein d’un monde social menacé d’éclatement ».
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[3]
Yves Lenoir (2006) analyse la crise de l’État Nation en évoquant outre la mise en cause et l’érosion des pouvoirs de l’État Nation, l’affrmation d’une citoyenneté particulariste, orientée vers le multiculturalisme et des droits individuels spécifques suscitant la primauté exclusive et totale du sujet, la judiciarisation des rapports sociaux.
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[4]
F. Jacques (1988) défnissant le dialogue écrit que « L’unité des hommes, précise-t-il, y surgit du partage des choses et de la parole » (1988 : 66). Du même point de vue, Habermas précise que l’éthique de la discussion suppose une communication « égale », une symétrie des places qui contraste avec les situations de communication ordinaires. Ce n’est pas le langage en tant que tel qui est alors considéré comme fondateur du social, mais le langage en tant que facteur de la communication et de l’intercompréhension dans l’argumentation et la discussion.
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[5]
Les conditions idéales seraient celles où les intervenants seraient dans une relation de coopération fondée sur l’intercompréhension afn de trouver un consensus.
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[6]
La classe compte 19 élèves, 8 en CM2, 3 en CM1, 8 en CE2,13 garçons pour 6 flles. Le conseil existe depuis presque deux années scolaires au moment où la séance étudiée (en date du 11 mai) est enregistrée. Cette mise en place est le fruit d’un tâtonnement. Une « boîte à idées », devenue, selon elle, une « boîte à… dénonciations » et un « cahier de contestations », vite devenu « cahier de… dénonciations » ont précédé la mise en œuvre du conseil.
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[7]
Leaple : Laboratoire d’Études sur l’Acquisition et la Pathologie du Langage chez l’Enfant, actuellement intégré au laboratoire MoDyCo, Paris Ouest-Nanterre-La Défense.
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[8]
Rosanvallon (2006 : 195 et svtes) évoque la « mise en jugement » (au sens large « d’appréciation instruite et argumentée ») comme étant une forme d’activité citoyenne, dont on trouve des exemples à des époques différentes, dans la Grèce antique, l’Angleterre du XVII° siècle, ou encore l’Amérique du début du XXe siècle.
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[9]
Retentissement renvoyant au travail de F. François qui s’intéresse à la réception dans les échanges ordinaires, au sens-affect, aux réactions qu’ils font naître en nous, qui ne peuvent se réduire à une réception intellectuelle.
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[10]
Est-ce trop s’avancer que de dire que l’école s’aligne sur une tendance forte de nos sociétés, la « judiciarisation » des rapports sociaux ?
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[11]
Conventions de transcription : Transcription orthographique, selon les conventions établies par le LEAPLE. Pour permettre un repérage rapide dans le corpus, les tours de parole sont numérotés, dans leur ordre de succession. Le signe + indique une pause, dont la longueur est proportionnelle au nombre de croix ; le soulignement indique un chevauchement ; entre parenthèses, les phonèmes non prononcés par les locuteurs ; entre crochets (<… >), des indications portant sur le non-verbal.
1 Du point de vue de l’institution, les conseils visent à mettre en actes des principes civiques, à éduquer au débat et à la prise de décision en commun. Ils s’inscrivent dans le cadre d’une éducation à la citoyenneté, avec la visée de faire de chacun un sujet responsable et autonome. Les élèves ayant à débattre d’engagements intellectuels et moraux seraient ainsi préparés à leur futur rôle d’adulte et de citoyen conscient de ses responsabilités.
2 Cependant, les textes officiels ne disent quasiment rien sur la conduite des débats. Aussi voit-on les enseignants « emprunter » à divers genres scolaires (la discussion à visée philosophique), ou à des pratiques non scolaires (celles, réelles ou imaginaires, de la justice) des modes de fonctionnement et les adapter aux objectifs assignés au conseil.
3 L’observation des pratiques dans les établissements et/ou les classes, selon le type de conseil mis en œuvre, montre qu’au-delà du commun des déclarations d’intentions, le déroulement concret des séances offre une grande diversité, tant au plan du mode de participation (délégués, classe entière, place du maître, rôles attribués…) qu’à celui de la construction du sens dans les échanges langagiers, ce qui conduit à poser clairement la question de la relation entre éducation à la citoyenneté et déroulement concret des échanges dans les séances, à se demander si, comme ils le prévoient, les débats dans les conseils contribuent à l’éducation à la citoyenneté et à quelles conditions.
Construire le lien entre éducation à la citoyenneté et pratiques langagières
4 Une analyse des échanges discursifs lors des séances de conseil se révèle indispensable pour construire ce lien. La visée éducative, en effet, s’appuie sur la mise en œuvre d’un espace spécifque de discussion (ou débat), piloté par un dispositif [1]que l’enseignant estime propre à favoriser une circulation démocratique de la parole, mais nous tenons compte du fait que la relation à l’autre n’est pas que langagière.
5 Le corpus sélectionné pour cet article est extrait d’un conseil dont la visée est de régler des différends entre enfants. Il se montre un excellent révélateur des tensions qui se manifestent entre d’une part les objectifs assignés au débat par l’enseignant et les signifcations qui se construisent dans le déroulement concret des échanges.
6 Dans le cadre de cet article, on adopte la position d’Audigier (2006) quant à l’éducation à la citoyenneté. Il considère les droits et devoirs, le pouvoir de délibération, le lien de solidarité comme les trois caractéristiques fondamentales du statut accordé à la personne dans un contexte démocratique. Ce besoin de redéfnir la citoyenneté est lié aux évolutions récentes de nos sociétés et du contexte scolaire.
7 Jusqu’à une période récente, l’école a pensé l’éducation à la citoyenneté comme une façon de subsumer le particulier (concret) des appartenances avec les valeurs et identités qui s’y rattachent sous un universalisme (abstrait) unifant et rassembleur. Actuellement, la montée des incivilités et de la violence, le risque de fracture sociale [2] sont des facteurs qui contribuent à l’ébranlement de cette conception. S’y ajoutent une crise de l’école, de ses valeurs et de sa capacité à construire une culture commune, une attention croissante portée à l’individuel [3] et l’émergence du multiculturalisme. Ce dernier point rend visible et prégnante la tension entre culture individuelle et culture collective et lui confère certaines spécifcités. Cependant, d’une part, la multi appartenance de chacun à divers groupes sociaux renforce l’hétérogénéité constitutive du sujet et d’autre part, la complexité des rapports entre école et culture est telle que l’école ne peut être considérée comme « passeur » d’une culture unifée.
8 Le débat, en tant que forme que prend la délibération des affaires publiques, apparaît aux yeux de beaucoup comme l’emblème des sociétés démocratiques. À ce titre, le conseil initiant au débat serait potentiellement une contribution au développement de l’esprit civique et préparation à la participation à la vie sociale. La discussion, le débat, la mise en commun… seraient des occasions de « dialoguer [4] », au sens spécifque d’échanger sur un mode consensuel, dans lequel les interlocuteurs sont en complète co-orientation et co-construction.
9 La relation à l’autre est prégnante, cependant on ne peut pas dire que les enfants apprennent la façon de se conduire à travers les seules paroles de leurs parents, ou l’inculcation de règles de conduite, mais aussi (et surtout ?) en observant leurs façons d’être et d’agir. Les relations interpersonnelles, les façons d’être, de dire et de faire ne sont pas dépendantes du seul langage. La relation à l’autre n’est pas que langagière, elle engage également l’affect, l’action et la pratique. Davantage même, on peut supposer, d’une part, que tous les confits ne peuvent se résoudre par la parole, d’autre part que la mise en mots peut être porteuse de violence… alors même que l’on parle pour chercher un consensus. Porteuse de violence, au sens décrit par C. Kerbrat-Orecchioni (2001) qui remarque que les conditions de l’échange ne sont pas toujours idéales [5]. Ajoutons encore que « l’autre » n’est pas réductible à une seule fgure. La diversité de nos groupes sociaux, de nos appartenances (réelles ou imaginaires), la diversité de nos plans de vie nous confrontent à l’hétérogénéité. Hétérogénéité des modes de relations à l’autre, de la présence de l’autre en nous, hétérogénéité des normes et des valeurs.
10 Divers travaux (Wertsch, 1991, Bakhtine, 1979-1984) développent l’idée qu’une même réalité peut se dire d’une multiplicité de points de vue. Qu’elle soit due au fait de la labilité de notre place discursive (sans que l’on puisse invoquer la seule intentionnalité) ou à l’appartenance à divers groupes de socialisation, comme le soulignent par exemple Wallon, Lahire, François, qui implique elle aussi la diversité des points de vue, des morales, des types de règles et des types de raison. Il s’agit, comme on l’a dit, de prendre en compte l’hétérogénéité constitutive de chacun et surtout de voir quel dialogue est instauré entre ces différents points de vue.
11 Dès lors, il ne s’agit pas de nier la rationalité argumentative mais de prendre en compte la situation (réelle et/ou telle qu’elle fait sens pour les participants) dans laquelle se déroulent les échanges, d’autant plus que, comme on l’a dit, les relations interpersonnelles ne sont pas dépendantes du seul langage.
12 Au cours des débats, dans les échanges concrets peuvent se manifester les divergences entre les points de vue, entre les divers groupes sociaux, entre enfants et adultes. Ceci entraîne la prise en compte du contenu propositionnel, mais aussi, celle des effets produits par tel discours sur tel récepteur. Nous devons ajouter que les participants d’un dialogue ne sont pas réductibles à des positions intellectuelles. De nombreux auteurs soulignent le poids de la composante émotionnelle dans le déroulement de l’interaction, (Dispaux, Plantin, Doury, Bertrand, Matsangos, Perrichon, Vion…). Dire le pathos n’est justement pas dissociable de sa mise en mots, qui le retravaille et le modife.
Une séance de conseil « ordinaire » en vue de régler des différends entre enfants
13 L’ étude porte sur un conseil en école primaire dans une classe à trois niveaux [6] (CE2, CM1, CM2), dont les séances ont été enregistrées au magnétophone et transcrites selon les conventions du Leaple [7]. Pour cet article, une séance a été sélectionnée comme étant particulièrement exemplaire de la position présentée. Ajoutons que du point de vue méthodologique, l’étude des mouvements du discours (étude de la façon dont les participants enchaînent sur ce qui vient d’être dit et dont le sens se construit dans le déroulement concret des échanges) s’accommode mal de prélèvements partiels dans un corpus. L’extraction d’un certain nombre d’échanges d’une part est toujours menacée par la recherche (même non intentionnelle) d’une adéquation entre point de vue théorique et analyse du discours concret, d’autre part et surtout, une approche langagière ne peut négliger l’ensemble du non verbal qui entoure les propos échangés et qui contribue à l’élaboration du sens, non pour le seul observateur mais pour les participants eux-mêmes. Le sens d’un discours, pour le récepteur, n’est pas que dans les mots, il est également dans ce qui se dessine dans le déroulement des échanges, (sans être dit explicitement) et dans l’atmosphère, le ressenti qui n’est pas de l’ordre du linguistique mais relève de la subjectivité des participants, de l’effet que les paroles, les façons d’agir de tel ou tel peuvent avoir sur eux.
14 Le conseil est, selon les objectifs dits de l’enseignante, une réponse aux nombreux confits au sein de la classe. Les élèves sont invités à s’inscrire sur un planning et à noter le nom de celui ou celle auquel (à laquelle) ils s’opposent. La maîtresse s’efforce de déplacer le point de vue en inscrivant les confits dans un autre cadre d’interprétation, selon elle, plus général.
15 L’élève « plaignant » présente sa « requête », ensuite, le « mis en cause » donne son point de vue, puis, l’ensemble des élèves (en tant que récepteurs actifs) recherche une solution visant sinon à résoudre le différend, du moins à le changer, à en diminuer la charge émotionnelle et à l’inscrire dans le cadre général des règles du groupe classe et de principes moraux qui régulent les relations interpersonnelles. Le mode d’interlocution est emprunté au monde de la justice [8] et adapté au monde scolaire. Outre l’apprentissage d’un mode de prise de parole, il s’agit de favoriser l’examen et la discussion de ce qui « va de soi » pour chacun, en débattant ensemble. Le principe sous-jacent est que les auditeurs peuvent avoir sur l’événement raconté une vision plus large que l’acteur et par là même être plus aptes à élaborer des valeurs communes. Cependant, un dispositif n’est pas un garant de la façon dont le dialogue se déroule effectivement. Dans ce conseil, les différentes étapes ont du mal à s’actualiser et les places attribuées sont inégalement assumées.
16 Cette séance est constituée de moments différents, moments de consensus, moments d’effervescence, porteurs du « retentissement » de la discussion sur les sujets [9].
17 On s’intéresse plus étroitement à la relation d’interlocution et à la diversité des voix des élèves, en tant que façon de dessiner des points de vue dans le discours. On se demande comment l’enseignant gère et fait « travailler » cette diversité, par quelles procédures discursives il cherche à induire chez les élèves un mouvement de restructuration des points de vue, et quels sont les effets produits et par ses mots et par sa façon de faire.
18 Dans cette séance, le différend porte sur la conduite de Stéphane que Xavier ne parvient ni à s’expliquer, ni à justifer.
Trois moments dans la discussion
19 La discussion se déroule en trois grandes étapes à la tonalité différente, induites par la maîtresse, à partir du thème présenté par les élèves. Elles sont liées aux déplacements de thème et de genre de la maîtresse.
La construction des rôles
20 Le dispositif prête au conseil une apparence de cour de justice [10]. Dans ce cadre chacune des parties doit rendre compte de ses actions, soutenir et justifer son point de vue sous le regard du groupe.
21 La première étape est celle de la construction des rôles, selon le dispositif. Les élèves sont interpellés en tant que « plaignant » pour Xavier, « mis en cause » pour Stéphane.
22 D’abord le rôle de « plaignant » :
23 Xavier, en 42 et 45, construit ce rôle à travers sa prise de parole.
24 Xavier « raconte » avec un affect fort, l’indignation [11].
42 – Xavier : Maîtresse parce que là on était dans + en train de jouer à la balle et Stéphane aussi et pis il a été le dire à Jean-Claude que je jouais à la balle avec Mari et pis que lui Stéphane il le faisait aussi + je ne vois pas en quoi ça sert qu’il le dise qu’i (l) quand il fait quelque chose et pis lui aussi parce quand
43 – Nicolas : ouais
44 – Maîtresse : chut
45 – Xavier : quand on fait quelque chose et que lui il ne le fait pas je veux bien qu’il aille le dire que c’est pas le droit mais là il le fait c’est lui qui a mis la balle chez le voisin avec Vincent et pis c’est lui qu’il faut qu’il aille le dire avec Sébastien + qu’i (ls) ont fait pareil
26 La mise en récit construit le sens de l’action (Bruner, Ricœur, Arendt) en lui attribuant des raisons, des justifcations… Le « dire », postérieur à l’action dans la cour de récréation, devant le groupe classe et la maîtresse, comporte une éventuelle part d’inavouable et de « gauchissement » lié au changement de situation.
27 Xavier se réfère au sens commun, à des valeurs supposées partagées dans un contexte social plus large que celui de l’école, et non aux règles élaborées par le groupe classe, pour donner son point de vue qui ne lui semble pas discutable. Le sens commun, en effet, n’a pas à être étayé par des « raisons » (Perelman, Grize).
28 Dans un second temps, la difficile justifcation du « mis en cause ». Malgré les interventions polémiques de Xavier et de quelques élèves rangés de son côté, qui tentent de « faire taire sa voix », Stéphane inscrit son action dans deux temporalités distinctes et opposées, d’abord en tant que celui qui a oublié la règle, puis en tant que sujet réfexif qui se souvient de la règle, et donc « va dire » au maître.
30 L’effet produit par sa prise de parole est un mouvement d’incrédulité porté par des prises de parole et des rires. Elle renforce la conviction du plaignant d’être dans son plein droit, si bien qu’il reformule sa plainte (57) en s’adressant directement à Stéphane et prend la posture du « donneur de leçon ».
57 – Xavier : Mais alors hein pourquoi tu l’as dit puisque tu t’es + hein + puisque tu as joué après tu t’es rappelé + fallait pas le dire hein
32 Les rôles attribués et l’égalité du droit à la parole n’entraînent pas automatiquement égalité des places et « dialogue » au sens d’échanges consensuels. Le plaignant maintient son point de vue, conforté par l’implicite de la place attribuée, le fait de parler en premier, et la force des valeurs qui pour lui « vont de soi ». Ce même sentiment « d’évidence » l’engage, ainsi que ses « partisans », dans une relation polémique et une caricature du point de vue du mis en cause. Le fait de réduire, dans son discours, le mis en cause à un point de vue est une violence.
L’intervention de la maîtresse pour inscrire l’activité de jugement dans un ensemble plus vaste
33 La maîtresse tente de dépasser le confit de personnes en introduisant le thème de la dénonciation, qu’implicitement ou explicitement, elle maintient tout au long du conseil. Cependant, les élèves maintiennent eux aussi leur point de vue dans le cadre des normes et valeurs du sens commun.
60-M : voilà la vraie question + en fait c’est quand faut-il dénoncer ?
35 Le générique de sa question est en affinité avec l’objectif d’élaborer un monde commun, à travers des règles communes. C’est en ce sens qu’il se différencie du générique des principes du plaignant qui eux se réfèrent à du déjà-là que la maîtresse a comme objectif d’interroger sinon de mettre en question.
36 Toutefois, cette tentative de faire taire les voix du plaignant et du mis en cause au proft de celle du pédagogue qui a un point de vue surplombant et qui recatégorise se heurte à la résistance des élèves.
37 À l’instar du juge, l’enseignant peut avoir/a un champ de vision plus large que l’acteur (ou position exotopique en termes bakhtinien). Cependant, à la différence du juge, il ne s’agit pas seulement de rendre un jugement, mais de favoriser la confrontation des points de vue pour faire évoluer des façons d’être, des modes relationnels dans le groupe de pairs en les référant explicitement aux règles du groupe classe.
38 Le plaignant, Xavier, relayé par quelques autres en revient aux faits et à l’expression de son indignation.
40 La maîtresse donne alors la parole à Stéphane :
69 – M : mais il a certainement une raison on va lui demander + Stéphane
70 – Stéphane : ben + après je + quand il est tard je me suis rappelé
71 – Xavier : oui mais maîtresse il a
72 – Maîtresse : tu écoutes ce qu’il dit
73 – Nicolas : tu n’as pas le droit à la parole
74 – Maîtresse : est-ce que + est-ce que + oui + tu veux dire tu t’es rappelé que dans le planning on n’en avait pas tenu compte on avait oublié et c’est pour ça qu’en fait tu as voulu demander son avis à Jean-Claude ?
75 – (collectif) : Stéphane tu as oublié que tu avais joué tu vas dire ça
76 – Nicolas : il a carrément dénoncé c’était de la dénonciation ce n’était pas une remarque
77 – Xavier : après il va dire + qu’il avait oublié
78 – Maîtresse : c’est toi qui penses que c’est une dénonciation c’est comme ça que tu le prends + c’est pas ce que Stéphane dit + c’est pas ce que j’entends
42 Chevauchements, anticipation ironique de la parole de Stéphane sont les manifestations du désaccord et de la disqualifcation de sa parole, en même temps que l’occasion d’introduire des distinguos relativement techniques.
43 À partir de 74-M, la maîtresse change de position dialogique (elle initie un nouveau thème et un nouveau genre), et de posture en introduisant-imposant un nouveau schème de pensée.
44 Elle construit le point de vue du « mis en cause » en replaçant les paroles de Stéphane dans un entour où elles feront sens autrement. Elle parle « à la place » du mis en cause, en proposant une reformulation.
45 Elle affirme sa différence avec les « plaignants », en « s’expliquant » la réponse de Stéphane. Elle fait entendre la voix de la justifcation dans la posture du défenseur.
46 En 78-M, la maîtresse franchit une nouvelle étape importante : elle construit l’opposition entre les deux points de vue. « C’est toi qui penses ça » est opposé à « c’est pas ce que Stéphane dit », « c’est pas ce que j’entends ».
47 On voit donc comment, par le jeu des sollicitations, elle attribue/sélectionne des places discursives et des voix.
48 Dans le même mouvement, elle ménage la face de Stéphane et empêche Xavier de maintenir trop longtemps et trop exclusivement son point de vue. Effectivement, la voix de celui-ci perd en véhémence (en confance en la force de ses évidences et leur partage).
93 – Xavier : ben oui maîtresse + mais il a quand même dénoncé + maîtresse + mais après il s’est souvenu mais i s’est + il a su quand même que + il a joué et que nous aussi on a joué
50 Les changements de position dialogique, le jeu de l’attribution des places discursives et les interventions de la maîtresse (ses reformulations, notamment) ont modifé le thème et le genre.
51 La maîtresse sort du confit de personnes en construisant la diversité des points de vue. Elle prend la posture du tiers capable de prendre ensemble les deux points de vue.
85 – M : mais non + tu ne comprends pas moi je crois comprendre
La mise en relation des principes et des situations
53 En 114-M, la maîtresse prend la parole, attribue des points de vue et construit une controverse :
114-M : c’est par rapport à la règle + toi ta position + c’est bon tant qu’ils nous disent rien + on continue + la position de Stéphane c’est de se dire + ah oui + tiens au fait on a un planning et c’est pas normal qu’on joue à la balle donc je vais demander aux maîtres et aux maîtresses ce qu’ils en pensent ++ personne n’a raison personne n’a tort parce que + effectivement + quand je vous ai autorisés à jouer à la balle + moi-même je ne me rappelais plus du tout du planning + et je n’en ai pas tenu compte ++ donc c’est des positions différentes
55 Elle va dans le sens d’une émancipation des circonstances de l’expérience évoquée et d’une généralisation : en mettant en cause des points de vue et non plus des individus isolés, en inscrivant le problème dans un autre entour plus ample : elle pose le problème de la règle et de son application.
56 Elle recatégorise « aller le dire » en « aller demander aux maîtres et aux maîtresses (ce qu’ils en pensent) ». Là encore, on peut souligner la distance entre les deux formulations et évoquer l’abrupt de l’enchaînement. Elle ne départage pas plaignants et mis en cause (elle refuse la dichotomie « avoir raison#avoir tort »), mais insiste sur la possibilité d’avoir des points de vue différents sur le même événement.
57 C’est ainsi qu’elle continue le thème de la dénonciation et fait retour à une position institutionnelle, qui a comme spécifcité de se dire en termes de principes. Elle pose un problème abstrait, générique :
120 – M : est-ce que chaque fois que vous venez dire quelque chose au maître ou aux maîtresses
c’est une dénonciation ?
59 La première réaction des élèves est de manifester leur résistance à l’égard du déplacement du point de vue :
125 – Mickaël : est-ce que par exemple tu joues à la balle + par exemple on joue à la balle + moi et Vincent + et pis Vincent i dit + ah j’arrête et pis il va le dire à la maîtresse + donc c’est là + c’est une dénon + c’est pas une dénonciation parce qu’il s’est rappelé du planning + mais que si + heu que + par exemple + heu + que Stéphane il est avec et pis il se rappelle du planning et qu’il va le dire + là ce sera une dénonciation + Vincent il dit la même chose il aura pas joué
61 La voix du sens commun n’est pas entendue, ce qui alimente le sentiment d’injustice. Mickaël construit un petit scénario semi générique mettant en scène le même jeu de balle dans la cour, avec d’autres acteurs, parodie de la place et des interventions de la maîtresse et de la place du mis en cause. La maîtresse (pas plus que Stéphane) ne peut dire « n’importe quoi ». La résistance des élèves atteste de la difficulté qu’ils ont à suivre ses mouvements discursifs.
62 Il serait donc faux de dire que les élèves (côté plaignant) reprennent toujours le même scénario, et restent « prisonniers » des faits. Le débat porte non sur l’événement en tant que singulier, mais sur l’événement en tant que façon de se conduire et sur la possibilité de la justifer.
63 La maîtresse prend acte et fait retour à sa place institutionnelle en 128 :
126 – hum : + ce que vous n’appréciez pas + c’est qu’il soit venu le dire
127 – Mickaël : oui parce qu’il a joué
128 – M : ça j’ai bien compris alors ça veut dire + que + quand est-ce qu’elles sont utiles quand est-ce vraiment utile de venir
129 – Christopher : quand il y a danger par rapport à la règle
130 – M : de venir voir les maîtres et les maîtresses dans la cour
131 – Christopher : quand il y a danger
132 – M : levez-la main là + Christopher ?
133-Christopher : quand il y a un danger
134 – Mari : un problème
136 – M : et Mari
137 – Mari : un problème
138 – M : là c’était un problème + parce que justement c’était un problème pour Stéphane
139 – Pierre : pour les autres + hein
140 – M : un moment ça lui a posé problème c’est pour ça qu’il est venu nous voir + moi c’est comme ça que je le comprends
141 – collectif : < rire général >
142 – Pierre : c’est juste quand il avait p (l) us la balle qu’il est parti + c’est comme une vengeance + hein +
143 – M : c’est comme ça que tu le vois + ah oui c’est… on en reste à utiliser des dénonciations il n’y a pas mieux que ce que nous a dit Christopher + quand il y a danger
144 – Sophie : c’est pas un danger + il y a un problème ou un danger
65 La maîtresse revient à du déjà formulé qui a fait consensus. Ce faisant elle reprend sa place institutionnelle. Elle modife une nouvelle fois l’entour, elle fait rappeler les principes établis dans la classe, et à partir de cette distinction « danger-problème » étiquette le différend Xavier-Stéphane comme « problème ».
66 Une dernière manifestation de la résistance des enfants est le rire général qui salue les propos de la maîtresse.
67 Les échanges qui suivent reprennent les règles déjà énoncées, reprennent un point de vue institutionnel abstrait :
145 – Christopher : par exemple il y en a un qui se coupe la tête l’autre il est en danger
146 – M : et quand il y a seulement un problème qu’est-ce qu’il faut faire + Mari ?
147 – Mari : on le règle entre nous + il y a des délégués et pis à la réunion les délégués règlent tout ça
148 – Sophie : il faut dénoncer quand il y a un danger
149 – M : on t’écoute
150 – Sophie : mais il n’y a rien il vaut mieux pas + c’est pas la peine d’aller dénoncer + quand c’est pas trop grave c’est pas grand-chose
151 – M : donc je crois que Sophie a bien résumé
Conclusion
69 Le dispositif de la séance étudiée, comme celui de beaucoup de conseils, rapproche le genre du débat de celui du jury dans le monde de la justice, mais le milieu scolaire ne dispose ni d’un corps de doctrines ni d’un répertoire de cas faisant jurisprudence. L’attribution des rôles de plaignant et de mis en cause, non soutenue par le statut fait courir au genre conseil le risque de la dégradation dans l’imposition et/ou la parodie.
70 Le dispositif, en tant qu’il attribue des rôles et organise le mode de circulation de la parole n’est pas un garant d’échanges sans heurts, ni malentendus, ni violence. Heurts des « évidences » propres aux locuteurs, heurts entre les catégorisations, violence de la réduction de l’autre à un seul point de vue. Le déroulement concret de la séance révèle quels sont les enchaînements ressentis comme des passages en force qui suscitent la résistance.
71 Ceci n’invalide pas la notion de dispositif, mais concentre l’attention sur les rôles, les procédures discursives et les effets produits.
72 Les conseils, à l’opposé des situations d’enseignement-apprentissage, ont la particularité de ne pas être soutenus par un contenu disciplinaire qu’une plus ou moins longue tradition scolaire a didactisé. Ce qui explique partiellement la labilité de la place de la maîtresse. Tout au long du déroulement de ce conseil, elle ne cesse de reformuler les paroles des enfants, de déplacer et modifer le cadre d’interprétation, d’orchestrer les voix. Les élèves résistent au changement de cadre interprétatif, manifestent leur incompréhension et éprouvent un sentiment d’injustice.
73 La résistance des enfants se manifeste essentiellement par la volonté de ne pas abandonner le lien avec les faits tandis que la maîtresse poursuit une réfexion qu’elle voudrait générique sur le thème de la dénonciation. Est-ce à dire qu’ils résistent à la généralisation, qu’ils restent « prisonniers » de l’expérience singulière ? Ils parlent au nom d’un principe qui régule une façon de se comporter et l’évaluent. Autrement dit, il y aurait un risque à considérer qu’il n’y a pour les principes qu’une seule et unique façon de s’y référer et de les rendre présents. La multi appartenance nous oblige à tenir compte de l’hétérogénéité constitutive du sujet, de la diversité des types de raisons convoqués. La question prégnante est celle de la gestion de cette hétérogénéité, en chacun et entre les participants au débat, dont l’observable est la variation des genres et des places. Cela suppose que dans l’espace de discussion soient explicités les niveaux de désaccord.
74 L’espace de discussion dans les conseils, vise à donner la possibilité de prise de décision collective et autonome, la possibilité de légiférer de façon juste, équitable et collective. Cette prise en compte d’une fnalité qui va bien au-delà de la recherche d’un consensus conforte l’attention portée à la mise en perspective des faits et expériences, c’est-à-dire leur interprétation dans un cadre de référence explicite, dans le cas des conseils, le cadre des règles et des lois collectivement élaborées valides pour tous. Les reformulations de l’adulte enseignant jouent un rôle décisif pour induire la construction d’une prise de distance par rapport à l’expérience d’un autre rapport à soi et aux autres. La position d’exotopie (ou prise de distance) favorise le questionnement. L’objet de pensée est l’expérience elle-même mais aussi les discours produits et les constants changements de cadre interprétatifs. La discussion autour des valeurs et des principes ne peut pas ne pas être composée de moments différents, entre moments d’accord et de convergence et moments de divergence faits de résistances, affrontements, sentiments d’injustice… de trajets entre des logiques et des raisons hétérogènes.
Il n’existe pas actuellement d’ouvrage qui retrace l’histoire de l’enseignement privé sous contrat en France. Cinquante ans après la loi Debré, il est possible d’abord de dessiner la genèse et les métamorphoses d’une loi qui a réorganisé les rapports de l’État et des établissements privés. L’histoire de l’enseignement privé sous contrat, c’est aussi l’histoire des structures qui ont été modifées, des personnels dont les statuts ont été transformés, des parents dont les exigences ont évolué, des élèves dont les besoins ont changé. C’est l’histoire d’une « institution » essentiellement catholique, bousculée par le Concile Vatican II et qui s’interroge sur sa signifcation et son rapport à la foi, à la laïcité. C’est l’histoire des rapports tumultueux d’une institution au service public d’enseignement : selon les périodes, elle s’en rapproche ou s’en éloigne, contribue à son essor ou le concurrence. C’est l’histoire enfn d’une institution qui apporte sa contribution au renouvellement des pratiques éducatives en puisant, parfois, à des traditions centenaires.
On l’aura compris, au-delà de l’histoire des débats politiques, l’histoire de l’enseignement associé est révélatrice des évolutions de la société en matière éducative, religieuse, et plus largement culturelle.
C’est un ouvrage de synthèse sur l’histoire de l’enseignement privé depuis la Seconde Guerre mondiale rédigé par un spécialiste des politiques éducatives. Il apporte un éclairage nouveau sur le débat scolaire autour de la loi Debré grâce à des sources d’archives inédites en le replaçant dans le contexte culturel.
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
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- ROSANVALLON P. La contre-démocratie. Seuil, 2006.
- WERTSCH V. J. Voices of the Mind Sociocultural Approach to Mediated Action. Harvard edition World, 1991.
Notes
-
[1]
On reprend ici la défnition donnée dans M. Froment et J. Leber Marin, Analyser et favoriser la parole des petits, ESF, 2003, p 33. Le dispositif n’est pas seulement un mode de régulation et d’organisation de l’interaction pour un contenu donné, il est l’interprétation concrète du contenu. L’ interaction concrète constitue le seul observable. C’est là que peut se lire la circulation des attentes, des façons de répondre, des interprétations
-
[2]
D. Ottavi (2003 : 194) pense que « la fonction civique » de l’école s’en trouve renforcée : à la formation intellectuelle s’ajoute la tâche « d’instituer l’espace des références partagées au sein d’un monde social menacé d’éclatement ».
-
[3]
Yves Lenoir (2006) analyse la crise de l’État Nation en évoquant outre la mise en cause et l’érosion des pouvoirs de l’État Nation, l’affrmation d’une citoyenneté particulariste, orientée vers le multiculturalisme et des droits individuels spécifques suscitant la primauté exclusive et totale du sujet, la judiciarisation des rapports sociaux.
-
[4]
F. Jacques (1988) défnissant le dialogue écrit que « L’unité des hommes, précise-t-il, y surgit du partage des choses et de la parole » (1988 : 66). Du même point de vue, Habermas précise que l’éthique de la discussion suppose une communication « égale », une symétrie des places qui contraste avec les situations de communication ordinaires. Ce n’est pas le langage en tant que tel qui est alors considéré comme fondateur du social, mais le langage en tant que facteur de la communication et de l’intercompréhension dans l’argumentation et la discussion.
-
[5]
Les conditions idéales seraient celles où les intervenants seraient dans une relation de coopération fondée sur l’intercompréhension afn de trouver un consensus.
-
[6]
La classe compte 19 élèves, 8 en CM2, 3 en CM1, 8 en CE2,13 garçons pour 6 flles. Le conseil existe depuis presque deux années scolaires au moment où la séance étudiée (en date du 11 mai) est enregistrée. Cette mise en place est le fruit d’un tâtonnement. Une « boîte à idées », devenue, selon elle, une « boîte à… dénonciations » et un « cahier de contestations », vite devenu « cahier de… dénonciations » ont précédé la mise en œuvre du conseil.
-
[7]
Leaple : Laboratoire d’Études sur l’Acquisition et la Pathologie du Langage chez l’Enfant, actuellement intégré au laboratoire MoDyCo, Paris Ouest-Nanterre-La Défense.
-
[8]
Rosanvallon (2006 : 195 et svtes) évoque la « mise en jugement » (au sens large « d’appréciation instruite et argumentée ») comme étant une forme d’activité citoyenne, dont on trouve des exemples à des époques différentes, dans la Grèce antique, l’Angleterre du XVII° siècle, ou encore l’Amérique du début du XXe siècle.
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[9]
Retentissement renvoyant au travail de F. François qui s’intéresse à la réception dans les échanges ordinaires, au sens-affect, aux réactions qu’ils font naître en nous, qui ne peuvent se réduire à une réception intellectuelle.
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[10]
Est-ce trop s’avancer que de dire que l’école s’aligne sur une tendance forte de nos sociétés, la « judiciarisation » des rapports sociaux ?
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[11]
Conventions de transcription : Transcription orthographique, selon les conventions établies par le LEAPLE. Pour permettre un repérage rapide dans le corpus, les tours de parole sont numérotés, dans leur ordre de succession. Le signe + indique une pause, dont la longueur est proportionnelle au nombre de croix ; le soulignement indique un chevauchement ; entre parenthèses, les phonèmes non prononcés par les locuteurs ; entre crochets (<… >), des indications portant sur le non-verbal.