Couverture de CAPH1_164

Article de revue

La vérité

Pages 114 à 122

Notes

  • [1]
    [Note de l’éditeur : ces pages constituent le chapitre viii du livre de Maxime Chastaing, La philosophie de Virginia Woolf, Paris, P.U.F., 1951, p. 75-85. Nous indiquons entre crochets la pagination originale. Nous remercions Jacques et Luc Chastaing de nous avoir autorisé à reprendre ces pages. Toutes les œuvres pour lesquelles n’apparaît aucun nom d’auteur sont de Virginia Woolf.]
  • [2]
    « J’élimine le Dieu omnipotent, l’auteur parfaitement sage et prévoyant… Dans mon livre, il n’y a que Pierre Harden. Je ne suis pas plus sage que Pierre. Je ne vois pas plus loin qu’il ne voit. Je ne fais pas étalage d’un intellect supérieur. » Choses et personnages « sont ce qu’ils seraient dans un monde naturel réel, le monde d’une conscience quelconque » (M. Sinclair, Far End, [Leipzig], Tauchnitz, 926, p. 105-7).
  • [3]
    A haunted House (La maison hantée), trad. fr. H. Bokanowski, Paris, Charlot, 1945, p. 19.
  • [4]
    Ibid., p. 20.
  • [5]
    Ibid., p. 21.
  • [6]
    Ibid., p. 164.
  • [7]
    Ibid., p. 19.
  • [8]
    Ibid., p. 21.
  • [9]
    To the Lighthouse (La promenade au phare), trad. fr. M. Lanoire, Paris, Stock, 1929, p. 90.
  • [10]
    La maison hantée, op. cit., p. 138.
  • [11]
    La promenade au phare, op. cit., p. 237.
  • [12]
    The Waves (Les vagues), trad. fr. M. Yourcenar, Paris, Stock, 1937, p. 25, p. 32, p. 102.
  • [13]
    Ibid., p. 24-25.
  • [14]
    Ibid., p. 190.
  • [15]
    La maison hantée, op. cit., p. 16.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    R. Descartes, Méditations, Œuvres et lettres, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1937, p. 181.
  • [18]
    La promenade au phare, op. cit., p. 225.
  • [19]
    La maison hantée, op. cit., p. 99-100.
  • [20]
    Ibid., p. 265-266.
  • [21]
    Ibid., p. 263.
  • [22]
    Ibid., p. 264.
  • [23]
    Mrs. Dalloway (Mrs Dalloway), trad. fr. S. David, Paris, Stock, Le Cabinet cosmopolite, 1929, p. 68.
  • [24]
    Les vagues, op. cit., p. 232.
  • [25]
    Ibid., p. 104.
  • [26]
    Ibid., p. 197.
  • [27]
    Between the Acts (Entre les actes), trad. fr. Y. Genova, Alger, Charlot, 1944, p. 33.
  • [28]
    La maison hantée, op. cit., p. 164.
  • [29]
    La promenade au phare, p. 109. Cf. D. Fontaine, Les rivages du néant, [Paris], Rieder, 1943, p. 51, p. 102, p. 122.
  • [30]
    La promenade au phare, op. cit., p. 110.
  • [31]
    Ibid., p. 114.
  • [32]
    Ibid., p. 89.
  • [33]
    Ibid., p. 233.
  • [34]
    Mrs. Dalloway, p. 160 ; The Years (Années), trad. fr. G. Delamain, Paris, Stock, 1938, p. 215.
  • [35]
    La promenade au phare, op. cit., p. 99.
  • [36]
    Ibid., p. 113, 129.
  • [37]
    Cf. ibid., p. 224 ; Années, op. cit., p. 328.
  • [38]
    Entre les actes, op. cit., p. 180.
  • [39]
    La promenade au phare, op. cit., p. 38.
  • [40]
    Ibid., p. 33.
  • [41]
    Jacob’s Room (La chambre de Jacob), trad. fr. J. Talva, Paris, Stock, 1942, p. 49, p. 61.
  • [42]
    La maison hantée, op. cit., p. 109.
  • [43]
    La chambre de Jacob, op. cit., p. 97.
  • [44]
    La promenade au phare, op. cit., p. 63, p. 129 ; Orlando (Orlando), trad. fr. C. Mauron, Paris, Stock, 1931, p. 233.
  • [45]
    Cf. La promenade au phare, op. cit., p. 102, p. 108, p. 173, p. 203.
  • [46]
    Night and Day (Nuit et jour), trad. fr. M. Bec, Paris, Éditions du Siècle, 1933, p. 209 ; Entre les actes, op. cit, p. 62, p. 119, p. 122, p. 179.
  • [47]
    Cf. P. Ricœur, Le mystère mutuel ou le romancier humilié, Esprit, 1947.
  • [48]
    Cf. M. Chastaing, Estaunié et les littérateurs de la conscience solitaire, Vie intellectuelle, 1945.
  • [49]
    R. West, The harsh Voice, Paris, Albatros, 1935, p. 60.
  • [50]
    La promenade au phare, op. cit., p. 173.
  • [51]
    Les vagues, op. cit., p. 146.
  • [52]
    A Room of one’s own, London, Hogarth Press, 1930, p. 127, 191-192.
  • [53]
    Même image dans le poème de Matthew Arnold : Isolation.
  • [54]
    Mrs. Dalloway, op. cit., p. 147.
  • [55]
    Entre les actes, op. cit., p. 125.
  • [56]
    Années, op. cit., p. 394.
  • [57]
    Entre les actes, op. cit., p. 103-110.
  • [58]
    Mrs. Dalloway, op. cit., p. 120.
  • [59]
    Cf. The Voyage out (La traversée des apparences), trad. fr. L. Savitzky, Paris, Le Cahier gris, 1948, p. 434.
  • [60]
    Années, op. cit., p. 393-394.
  • [61]
    La traversée des apparences, op. cit., p. 443-444.
  • [62]
    Cf. Mrs Dalloway, op. cit., p. 113.
  • [63]
    Les vagues, op. cit., p. 241.
  • [64]
    Ou en tant qu’homme de théâtre, paraître rapporter les discours de différents personnages. Ainsi, Strindberg : « – Je sais être seul… – Moi aussi. » (La danse de mort, [tr. M. Rémon, ] [Paris], Stock, 1921, p. 17.) Mais Strindberg montre en même temps que la monadologie de ses créatures est contradictoire : elles parlent les unes avec les autres de l’inexistence des autres. Elles avouent elles-mêmes leur illusion : « Je ne sais rien de cet homme, si ce n’est que… » (ibid., p. 49). Cette illusion tombe, après la mort de l’adversaire : « C’était un homme plein de bonté… » (ibid., p. 227).
  • [65]
    Cf. A. Schwenninger, Der Sympathiebegriff bei David Hume, Munich, Diss, 1908, p. 5.
  • [66]
    « Avec Eliot, on est toujours deux pour voir les aventures des autres. » (R. Rolland, Tolstoï et Eliot, Nouvelles littéraires, 7 février 1946).
  • [67]
    La promenade au phare, op. cit., p. 18.
  • [68]
    The Moment, London, Hogarth Press, 1947, p. 68. Emerson l’a appris à Whitman et Whitman l’a appris aux lecteurs de A backward Glance : « Le liseur jouera son rôle comme j’ai joué le mien. Je cherche moins à définir un thème…, qu’à vous placer dans l’atmosphère du thème… – là, vous prendrez, vous-mêmes, votre vol. »
  • [69]
    Exemple : à la fin de Quarante-deuxième parallèle, Dos Passos annonce que Jack ne devait jamais revoir Ike. Son « introductrice » écrit pourtant qu’il conte chaque histoire « du point de vue du personnage dont elle porte le nom » et même qu’il installe sa caméra « dans la conscience » de chaque personnage (C.-E. Magny, Introduction à la lecture de Dos Passos, Poésie 46 31, p. 68, 73). Ce qui est vrai de Virginia Woolf, mais non de Dos Passos. Celui-ci multiplie les perspectives dans les 60 premières pages de la Grosse galette : 1) « behaviorist », a) du personnage, b) d’un observateur du personnage présent, c) d’un juge qui connaît le passé comme le présent du personnage ; 2) psychologiques, a) du personnage qui prend conscience de ses pensées, b) du personnage qui raconte ses pensées, c) d’un juge qui comprend les pensées présentes du personnage, d) d’un juge qui comprend les pensées passées et futures du personnage. Cette énumération incite à penser que les critiques littéraires, comme les philosophes, souffrent parfois d’une maladie de la simplification que Reid a bien diagnostiquée.
  • [70]
    S’il est facile d’ignorer ici l’art de Virginia Woolf, c’est parce qu’on tend à l’attribuer à d’autres romanciers et même à le trouver dans tout roman qui n’est pas « biographique ». Exemple de cette tendance dogmatique : « Les romans sont de deux espèces. Ou bien l’auteur survole ses créatures avec l’omniscience et l’omniprésence d’un dieu, ou bien, il nous invite à prendre la place d’un personnage central… » (A. Laffay, Le cinéma « subjectif », Temps modernes, 1948, p. 156.)
  • [71]
    Cf. M. Chastaing, « Note sur les illusions du pédologue », Journal de psychologie, 1946.
  • [72]
    La promenade au phare, op. cit., p. 29.
  • [73]
    Entre les actes, op. cit., p. 139.
  • [74]
    Années, op. cit., p. 83.
  • [75]
    Entre les actes, op. cit., p. 30.
  • [76]
    Opposer à l’objectivité de Selma Lagerlöf. Celle-ci décrit, « pour ceux qui ne les ont pas vus », les paysages de Jérusalem en Dalécarlie quand un personnage les voit ; mais elle ne les décrit pas comme il les voit : elle les décrit comme elle les voit. Elle présente ainsi un paysage commun. Exactement : un pays où nous communions. Le style de ses contes est celui de la communion : elle y invoque personnages et liseurs, elle les voussoie en tant que personnes humaines, non en tant que personnages ou liseurs : « Mes amis… Amis, enfants des hommes. »
  • [77]
    Les vagues, op. cit., p. 88.
  • [78]
    Ibid., op. cit., p. 120.
  • [79]
    Années, op. cit., p. 83.
  • [80]
    Les vagues, op. cit., p. 238.
  • [81]
    Cf. C. I. Lewis, « The pragmatic element in knowledge », Univ. Calif. Pub. Phi. VI, 1926, p. 213.
  • [82]
    Les vagues, op. cit., p. 103.
  • [83]
    Ibid., p. 158.
  • [84]
    Cf. La promenade au phare, op. cit., p. 65.
  • [85]
    Cf. The Death of the Moth, London, Hogarth Press, 1947, p. 128.

1Puisque le romancier n’entre pas dans son roman pour capter les acteurs et apprécier leurs perceptions [2], puisqu’il ne tente même pas de déprécier celles-ci par l’intermédiaire d’un style captieux, chaque perception vaut autant qu’une autre. Ma vision d’un lac dans le ciel qui se couvre et se découvre vaut celle d’une montagne dorée qui s’effondre [3]. Des omnibus agglomérés équivalent aux fusées des cris. Impressions égales : « Des sous pendent aux arbres ; la fumée des cheminées se traîne ; aboiement, hurlement, cri “Ferraille à vendre” – et la vérité ? » [4]. Souvenirs des mers indiennes, rêveries de minarets – « et la vérité ? » [5]. Celle-ci « doit exister » [6], nous en avons soif [7] ; nous la buvons avidement à l’intérieur des perceptions, nous n’avons pas pour nous désaltérer à compléter leurs offrandes, nous nous contentons de leur intimité [8]. À chaque objet sa vérité.

2Ne nous représentons-nous donc pas des objets factices ? Mais où commence et où finit la fiction ? On a conscience de transformer sur la plage une flaque d’eau en océan, on se dit qu’on rêve et soudain on voit un monstre « à franges et gantelets » disparaître dans les fissures de la montagne [9] ; on croit manger avec un vieux collectionneur et une vieille fille, et on se trouve en compagnie d’un braconnier et d’un furet [10]. On touche à une table « tout en sentant que c’est un miracle » [11] et on songe régulièrement à des navigations sur les mers lointaines [12] ; on reforme un pétale de fleur à l’image d’un navire [13] et on imagine des pétales de [76] fleur dans la lumière des vagues [14]. La compénétration de ce que nous sentons avec ce dont nous rêvons est telle que nous ne savons plus où poser les mots d’idées adventices et d’idées factices. Nous ne reconnaissons plus ces idées. Dans Une maison hantée, la même phrase contient le bruit du vent et « la lampe d’argent des fantômes » [15] ; une phrase où murmurent ceux-ci succède fraternellement à une phrase sur le silence ; la perspective d’une habitation vide se confond avec celle où des morts se penchent sur l’habitant endormi ; le trésor que cherche celui-ci se confond avec le trésor que cherchent ceux-là ; est-ce lors le dormeur qui hante sa propre demeure ? est-ce le couple disparu qui est vivant ? est-ce la maison au cœur battant qu’il faut nommer imaginaire ? est-ce la lumière des trépassés qui porte la marque de l’authenticité ? à quoi référer ce pronom « il » qui truffe notre discours [16] ? au réel ? à l’irréel ? Nous ne pouvons répondre : nous ne reconnaissons « aucune différence ou inégalité » [17] entre les présents d’Une maison hantée ; et nous disons que « tout nous est égal » dans l’univers offert par Virginia Woolf. Nous contredisons ainsi Hume, à cause de Hume ; car nous ne jugeons pas nécessairement que ce qu’on appelle « image » soit moins vif que ce qu’on nomme « sensation » : après un long voyage, les paysages familiers semblent éteints ; après maladie, ils paraissent « irréels » [18] ; mais une flamme substantielle anime, dans Les vagues, les songes de Rhoda. Si donc nous voulions qualifier d’illusoires des perceptions anémiées, nous ne placerions pas la pancarte de l’Imaginaire où on la place ordinairement : nous rêverions des ouvriers comme des nègres, nous traiterions parfois les femmes ainsi que des produits de fantaisie, nous ne croirions pas à ces passants défunts qui défilent dans les rues [19] ; mais nous croirions à des tonneaux d’or, à des arbres dorés [20], aux trésors des maisons [21] et à des personnes adorables [22], nous affirmerions, au moment que nous les concevrions, l’existence des sirènes et celle des déesses des forêts [23], nous appellerions les contes de fées romans réalistes.

3À chaque perception sa vérité ; à chacun partant ses vérités. Chaque homme ne joue-t-il pas une partie différente de celle que jouent les autres [24] ? Ne chante-t-il pas ses pensées « sans souci de l’âpre dissonance produite avec le chant » du voisin [25] ? Ce qui a pour toi « l’aspect brouillé des choses aperçues [77] à travers une vitre est pour moi substantiel et solide » [26] ; ce que je crois, tu ne le crois point. Ce que « la sœur voit, le frère ne le voit pas ; ce qu’il voit, elle ne le voit pas » [27]. Mais comment la sœur peut-elle savoir qu’elle voit ce que son frère ne voit pas ? Si elle le sait, elle voit ce que voit son frère ; si elle ne voit pas ce que voit ce dernier, elle ne sait rien de ce qu’il voit. Si donc mon expérience diffère réellement de la tienne, je suis incapable de le dire : j’énonce ma vérité à propos de toi, j’ignore ta vérité [28], je puis indifféremment imaginer nos vérités semblables ou dissemblables : je ne te connais pas, tu ne me connais pas [29], voilà la loi des relations humaines [30].

4Je ne me nourris alors que de questions : que sens-tu [31] ? Que veux-tu, quand tu retires la main [32] ? Que signifient pour toi ce jardin et ces vagues [33] ? Toujours, que penses-tu [34] ? Je vois tes sourcils froncés [35], tes rougeurs subites, tes tressaillements, tes gestes [36], ton costume neuf, tes livres... [37] ; je vois des fragments corporels et des mouvements, je me « promène sur la surface » [38] que mes perceptions dessinent, mais qu’y a-t-il derrière [39] ? Je saute d’une impression à une autre, mais comment tirer de mes impressions les tiennes [40] ? Par induction ? J’induis de mes pensées des pensées qui sont toujours les miennes. Comment inférer des pensées qui seraient les tiennes et dont tes comportements me paraîtraient l’indice ou le drapeau [41]? En découvrant le « code » de tes expressions et de tes actions ? Mais pour le découvrir, il faudrait que je t’« ouvre de force comme une huître » [42] et que je compare chacune de tes perles à chaque qualité de ta coquille, il faudrait donc que je perçoive déjà ce que je ne puis percevoir, et mon esprit tourne dans un cercle : accéder à tes pensées par déchiffrement de ta chair, déchiffrer ta chair par accès à tes pensées [43]. Ton esprit est un secret [44] ; le sens de tes gestes, de tes mimiques et même de ton langage [45] est enfermé en toi comme en un secrétaire. Puisque je ne puis te crocheter, je demeure seul avec mes pensées. Je chante la vérité désolée de ma solitude [46].

5Comment pouvons-nous parler sans nous contredire de la discordance des âmes [qui suppose la connaissance d’autrui] et du secret des cœurs [qui affirme l’ignorance d’autrui] ? Parce [78] que Virginia Woolf nous permet de sentir et la dissemblance et l’isolement des personnes humaines. Comment ? Parce qu’elle nous ouvre successivement les perspectives de ses personnages. Nous entrons dans la monade de Rhoda, nous en sortons brusquement pour recevoir la vérité de Bernard, nous abandonnons celle-ci et nous adoptons les sensations de Jinny... Nous empilons en nous des autobiographies différentes : chacune joue la partition de la solitude, l’ensemble produit une musique dissonante : avec Bernard, nous sommes séparés de Rhoda, avec Rhoda nous sommes séparés de Bernard ; mais parce que nous avons vécu avec Bernard et avec Rhoda, nous pouvons comparer les perceptions de l’un avec celles de l’autre et nous pouvons dire les vérités dissemblables de l’un et de l’autre. Nous pouvons donner à la solitude le double visage de la qualité et de la quantité : je ne suis pas toi, je ne pense pas comme toi. Nous donnons un sens à la sentence fameuse du « secret des cœurs » [47].

6Ainsi, Mrs. Dalloway ne propose pas l’image véridique d’un monde, mais juxtapose des mondes opposés : celui de Septimus, celui de Peter Walsh, celui de Sir William Bradshaw, celui de Miss Kilman, celui de Clarissa Dalloway elle-même... Le livre des Vagues superpose 6 mondes ; celui d’Années plus de 20 ; des monologues supportent ces piles de vérités individuelles : ils envahissent les romans, ils bousculent dès les premières œuvres les autres procédés de style et déchirent le costume des dialogues, ils occupent Les vagues, ils déteignent sur les entretiens d’Années, transforment ceux d’Entre les actes en récits parallèles et s’attribuent leurs privilèges typographiques. Avec des soliloques, Virginia Woolf construit ses romans de la solitude.

7Elle cause partant quelque trouble dans la foule des littérateurs [48] qui parlent d’une Séparation qu’exclut leur façon de parler : Rebecca West affirme, en conversant avec nous, qu’« il n’y a pas de conversation » [49] ; Estaunié juge impénétrable l’âme de ses personnages extérieure à la sienne et cependant pénètre en elle afin de prouver par analyse qu’elle est impénétrable à d’autres âmes impénétrables ; les romanciers qui disent la solitude humaine ordinairement se contredisent : ou ils sont des hommes, et leurs discours n’ont pas de sens ; ou leurs propositions ont une signification, et elles sont fausses parce que lors ils ne paraissent [79] plus des hommes. Non seulement ils manquent à leur parole, mais encore ils manquent leur roman puisqu’ils le fondent sur une communication première avec autrui. Virginia Woolf respecte le langage et la littérature en respectant notre expérience : elle ne crée point un univers fantastique où nous jouirions des droits d’Asmodée, elle nous offre les perceptions de Clarissa ou de Richard, de Jinny ou de Suzanne ; parce qu’elle nous offre ces perceptions séparément, elle nous donne conscience de perceptions séparées : nous passons sans transition de l’une à l’autre, nous sautons d’une vie dans une autre, comme nous sautons de pierre en pierre quand nous traversons un torrent ; nous pensons que ces vies n’ont pas de parties communes et nous les appelons privées [50], nous pensons qu’il n’y a pas de vie commune mais des impressions particulières [51] ; nous comparons les hommes à des îles, nous les voyons ainsi que des fragments [52] d’un continent disparu [53] séparés par des gouffres [54], morceaux éparpillés [55] dans l’espace [56]. En même temps que nous chantons le refrain « Nous sommes dispersés » [57] qui rythme notre voyage discontinu, nous comprenons donc la nature de cette solitude dont nous acquérons l’idée : je suis ici, tu es là ; l’étendue qui divise envahit nos pensées et sépare nos âmes ; l’isolement est un fruit de notre imagination de l’espace : nous plaçons notre esprit dans un désert [58] comme un meuble dans une chambre [59], nous l’étendons sur le sable, comme un corps à côté d’autres corps [60] et nous haïssons la terre immense, la mer, le ciel [61] où nous nous croyons abandonnés [62]. Nous entendons lors les monologues de ces âmes pétrifiées succéder aux monologues, nous écoutons la mélopée des perceptions insulaires, nous discernons dans sa monotonie l’équivalence de chaque chant désolé, comme nous discernâmes naguère l’équivalence de chaque phrase, nous croyons à la valeur de toutes les impressions et de toutes les pensées, nous concevons l’esprit de tout homme ainsi qu’« une cassette fermée » [63] que nul ne peut fracturer afin de confirmer ou d’infirmer son contenu, nous affirmons une multitude de vérités isolées après avoir affirmé la séparation de leurs propriétaires.

8Non seulement Virginia Woolf nous conduit à des « propositions empiriques » de la solitude, mais encore elle nous suggère une philosophie de celle-ci que ne peut exprimer qu’un littérateur. Si en effet ce dernier se doit, en tant qu’homme de [80] respecter notre vision humaine, il peut, en tant que romancier [64], créer différentes visions ; et c’est par participation à ces visions que nous comprenons que chaque esprit est enfermé dans son atome d’impressions ou d’idées. Le philosophe au contraire, quand il parle de l’expérience, se borne à son expérience ; il n’a partant aucune raison d’affirmer ou de nier qu’il connaît ses seuls états psychiques, puisqu’il devrait sortir de ses perceptions et les comparer avec celles des autres afin d’apprendre que leurs objets sont privés ou publics. Si donc Hume prétend que ma conscience contient comme un coffre les corps et les esprits [65], son jugement gratuit ne me semble ni vrai ni faux ; mais Virginia Woolf, quand elle m’engage dans les 6 perspectives des Vagues, vérifie la théorie des âmes sans portes ni fenêtres. La « monade » est un produit esthétique. Serait-elle un produit d’esthètes ?

9La forme littéraire qui fonde ici une philosophie de la solitude humaine, nous renvoie derechef au principe de Perspective et nous incite à l’éclairer de nouveau en considérant les rapports du liseur, des personnages et du littérateur. Nous savons déjà que celui-ci, selon une métaphore commode, ne se place ni entre les personnages et nous, ni au-dessus de nous et des personnages afin généralement de les juger et singulièrement de décréter leur isolement mental. Où donc paraît-il se placer ? Ni à côté des personnages ; ni à côté de nous, comme Eliot [66]. Ni derrière les personnages, à la manière d’un montreur de marionnettes ; ni même derrière nous, ainsi que Maupassant, qui dirige notre regard où il regarde. Devons-nous partant penser qu’il s’introduit simultanément en nous et dans les personnages ? Rappelons-nous le moment où Mrs. Ramsay regardait coller une affiche [67] : d’une part, Virginia Woolf ne semblait pas connaître cette affiche avant que Mrs. Ramsay ne la connût, elle ne se distinguait pas de cette dernière, elle était Mrs. Ramsay ; l’auteur de romans s’identifie ainsi dans ses romans à un simple narrateur et le narrateur s’identifie aux personnages. D’autre part, Virginia [81] Woolf ne se différenciait pas de nous en nous présentant l’affiche admirée par Mrs. Ramsay : sa conscience et partant la conscience de Mrs. Ramsay, c’était la nôtre ; le point de vue du narrateur ou du personnage, c’est le nôtre, c’est nous qui percevons les sensations de Jinny, qui embrassons les paysages imaginaires de Rhoda, c’est nous qui produisons le monde des Vagues ou d’Années. Nous avons appris naguère, en adoptant la perspective de la création romanesque, que le créateur faisait du liseur un second créateur [68] ; nous comprenons maintenant que la structure du roman se constitue par l’indifférenciation de ceux qu’on appelle, sur le plan précédent, les créateurs et les créatures. Ainsi, alors que le conte sépare le narrateur, l’auditeur et le personnage, le roman unit en un seul être ces 3 personnes.

10L’empirisme est le premier fils de cette union. Inversement, de la désunion sort une philosophie de l’intellect : que l’écrivain décrive l’affiche avant que nous ne la percevions et nous contemplons des idées avant de jouir de sensations, et nous croyons aux productions d’un entendement pur. Cette désunion fait obstacle à toute littérature et à toute doctrine de la solitude : si un prisonnier est véritablement seul dans sa cellule, il n’y a personne pour le regarder, il n’y a pas d’artiste invisible pour le peindre ; si un acteur de roman paraît véritablement seul dans sa monade, il n’y a pas d’autre spectateur de ses pensées que lui-même, il n’y a pas de place pour un écrivain et un lecteur qui le connaîtraient : sa conscience, c’est la mienne et c’est en même temps celle du littérateur. La technique de Virginia Woolf d’où procède une théorie générale de l’expérience convient à une théorie de l’expérience solitaire.

11Elle s’oppose ainsi à celle de romanciers qui semblent pourtant vouloir nouer des liens de parenté avec Les vagues, lorsqu’ils juxtaposent les perspectives de plusieurs individus et encadrent ces perspectives dans des chapitres ou paragraphes aux armes voire au nom de chaque individu. Que signifie en effet dans leurs œuvres le mot « perspective » ? Qu’un personnage sert de centre de référence. Que signifie toutefois cette référence ? Julien Green, par exemple, paraît se placer devant ou derrière un des principaux acteurs de Léviathan ou à côté de lui : il le vise au moyen de sa camera, il le suit s’il se déplace, il enregistre ses actions et ses paroles jusqu’au moment où il décide d’enregistrer celles d’un autre acteur, il n’opère pas différemment de ces auteurs de [82] romans policiers – Crofts ou Agatha Christie – qui épient successivement tous les témoins d’un crime ; il est par son espionnage cinématographique tellement extérieur à ses personnages qu’il ne craint pas de devenir parfois leur historien en disant, comme Dos Passos [69], leur passé voire leur avenir. Lors donc qu’il dirige l’axe de son appareil de prises de vues vers ce qu’ils perçoivent, il n’entend pas reproduire leur expérience mais la sienne à l’occasion de la leur ; et il nous représente ensuite, comme lui les a saisis, les objets qu’ils ont appréhendés ; il nous met ainsi à sa place, et c’est de sa place que nous les observons, eux et leurs satellites. Par là, d’une part, nous ajoutons à notre conscience celle des personnages et, corollairement, à celle-ci la nôtre, de telle sorte que, quand Guéret parcourt la nuit les rues d’une petite ville, nous ne pensons pas à une course solitaire mais à la fuite d’un homme que poursuit notre regard – comparable à celle d’un criminel pris dans le nœud coulant lumineux d’un projecteur de la police – et que nous imaginons en cet homme la passion dont Green est généralement le romancier : la peur. D’autre part, non seulement la vision unique que nous communique l’écrivain nous semble absolument vraie, mais encore sa vérité nous paraît s’imposer aux personnages : ils vivent dans le monde que Léviathan découvre, ils le perçoivent en même temps que nous, et nous croyons que leurs perceptions ou ressemblent aux nôtres ou complètent les nôtres.

12La cinématographie de Green qui met au centre de ma perspective 4 personnages, me suggère ainsi une théorie de la réalité qui m’enseigne simplement que nous sommes au monde ; celle de Virginia Woolf qui détermine au moyen des 6 personnages des Vagues mes centres de perspective [70], fonde une théorie de [83] la connaissance où nous crions ce slogan : le monde est « pour moi ». Là, une technique qui, en me dégageant des héros de Léviathan, reconduit jusqu’à une ontologie ; ici, une technique qui, parce qu’elle engage dans la vie des personnages, départ à chaque phénomène et aux phénomènes de chacun la vérité. Si nous confondons ces deux techniques, nous retrouvons le procédé d’Hergesheimer dans Tête de Java où le romancier prétend, lui aussi, additionner les visions d’acteurs différents, et perdons simultanément la réalité existante et la réalité empirique par l’invention d’une réalité « transcendantale ». Quand, par exemple, Hergesheimer présente Taou Yuen, il ne rapporte pas les pensées du personnage, il rapporte leur sens, il importe donc dans le livre sa propre compréhension ; mais celle-ci, il la traduit au moyen de phrases interrompues ou effilochées par des points de suspension, il la transcrit ainsi dans le ton de Taou Yuen qui agonise. Il tente donc de nous communiquer la perspective de son héros, une perspective toutefois qui représente ses intuitions d’écrivain, en sorte qu’il nous propose finalement l’apparence pour Taou Yuen des noumènes que saisit Hergesheimer. Cet idéalisme empirique dont il veut nous infecter, il le manifeste très clairement toutes les fois qu’il met en scène des enfants et que, partageant « les illusions du pédologue » [71], il nous transmet, non des représentations d’un monde puéril, mais les représentations que donnent les petits d’homme de son univers d’adulte. Sa vérité nous introduit, avec les personnages, dans l’illusion ; Virginia Woolf s’introduit, avec nous, dans les vérités de ses personnages.

13Sur l’écran d’une monade, des impressions défilent. L’une parfois passe qui ressemble à une image passée ; nous tendons à la confondre avec celle-ci ; et nous tendons à confondre avec elle une sensation semblable qui survient ; par cette confusion nous arrivons sans raison à croire à la persistance de ce que nous percevons, nous substituons à l’idée d’expériences toujours neuves celle d’expériences répétées [72], nous prétendons que la nature ne joue pas des thèmes assimilables les uns aux autres mais rejoue toujours les mêmes thèmes [73], nous parlons volontiers de la consistance et même de la subsistance d’une plume ou d’une pierre [74] : dans une ville déchirée par [84] les bombes, nous nous accoutumons aux ruines et nous finissons par les taxer de constance. Mais nous ne jugeons point que la musique des carillons de l’habitude [75] soit plus vraie que celle des instants qu’on ne voit pas deux fois : nous fabriquons simplement sur le champ de la vérité des phénomènes, avec des ressemblances familières et les impulsions de notre fantaisie, l’idée d’objectivité. En passant d’une perspective individuelle à une autre, grâce au roman, nous nous procurons quelques matériaux de cette fabrication : comme plusieurs expériences d’un même homme semblent confirmer un phénomène et affermir son contenu, les expériences de plusieurs paraissent affirmer par leur convergence une réalité substantielle [76] : regardons ensemble un arbre, et son feuillage prend la forme de cheveux bien peignés, alors qu’il avait figure floue dans nos perspectives isolées [77] ; regardons ensemble une fleur, et nous la constituons [78] ; rassemblons dans Les vagues 6 admirateurs de Perceval, et Perceval existe. Nous songeons lors que ce que nous percevons, d’autres le perçoivent, nous rêvons que ce porte-plume, d’autres le regarderont et peut-être l’utiliseront quand nous le jetterons [79] ; nous pensons même, si un ami meurt, que nous voyons le premier matin qu’il ne verra pas [80] : sur un champ de bataille, nous envions les cadavres qui ont la bonne chance de ne pas connaître leur laideur.

14Toutefois, mes incursions successives, au pays de Mrs. Dalloway ou des Vagues, dans les départements de plusieurs personnages, m’enseignent que les expériences ordinairement se suivent et ne se ressemblent pas. Mon inclination à construire l’idée d’objectivité sur les fondations de rares analogies sensibles est donc balayée par mon habitude de rencontrer, sous les noms de diverses personnes voire sous le nom d’une seule personne, sous les mêmes mots, des perceptions qui n’ont pas de liens de parenté. Non seulement je vérifie ainsi que la coutume gouverne mes croyances, qu’elle cause mes fugitives pensées de perceptions constantes comme ma vive imagination d’une expérience sensible incohérente ; mais encore je découvre que je donne au langage cette fidélité que je ne puis donner aux impressions. Si en effet tu ne vois [85] pas ce que je vois, tu le nommes pourtant comme moi, en même temps que moi : les 6 enfants des Vagues possèdent 6 jardins privés dans leurs consciences, mais, tous, ils parlent de jardin, de haie, de maison ou de forêt voisine... Si les sensations ne se répètent pas, les mots semblent se répéter. Et sans doute les mots correspondent à des sensations, mais ces sensations qui ont pour mission d’en indiquer d’autres me paraissent par leur constance tellement différentes de ces dernières que j’incline à leur octroyer un statut propre et que je crois à un univers du discours bien fait, dans le temps où je connais les défaites d’une imagination qui tente de lier des impressions. En sortant des romans, j’éprouve envie de dire : je ne sais si tu vois de la même façon que moi la mer et le bleu de la mer, je suppose même que probablement tu les vois de façon différente et que peut-être tu jouis de ce que j’appelle « rouge » quand tu regardes une étendue que nous nommons « bleue » [81] ; mais je sais que nous convenons d’employer les mots « mer » et « bleu », et cette harmonie de nos substantifs et de nos adjectifs contente mon esprit positif. Ajouterai-je que je me satisfais d’un langage qui ment [82], puisqu’il épouse des expériences vraisemblablement discordantes ? Mais je vis de son mensonge familier : je signe du même nom mes lettres d’amour comme les lettres d’affaire, ma jalousie comme mon indifférence [83]. Je n’ai besoin pratiquement que de paroles. La nature s’ulcère et s’infecte sous les coups des obus, les maisons s’effritent ou s’effondrent, des hommes vénérés se transforment dans des camps, comme dans des tableaux, en ombres de couleur violette [84], mais les mots de nature, de maison et d’hommes vivent toujours [85], cependant que leurs objets meurent.


Date de mise en ligne : 30/12/2021

https://doi.org/10.3917/caph1.164.0116

Notes

  • [1]
    [Note de l’éditeur : ces pages constituent le chapitre viii du livre de Maxime Chastaing, La philosophie de Virginia Woolf, Paris, P.U.F., 1951, p. 75-85. Nous indiquons entre crochets la pagination originale. Nous remercions Jacques et Luc Chastaing de nous avoir autorisé à reprendre ces pages. Toutes les œuvres pour lesquelles n’apparaît aucun nom d’auteur sont de Virginia Woolf.]
  • [2]
    « J’élimine le Dieu omnipotent, l’auteur parfaitement sage et prévoyant… Dans mon livre, il n’y a que Pierre Harden. Je ne suis pas plus sage que Pierre. Je ne vois pas plus loin qu’il ne voit. Je ne fais pas étalage d’un intellect supérieur. » Choses et personnages « sont ce qu’ils seraient dans un monde naturel réel, le monde d’une conscience quelconque » (M. Sinclair, Far End, [Leipzig], Tauchnitz, 926, p. 105-7).
  • [3]
    A haunted House (La maison hantée), trad. fr. H. Bokanowski, Paris, Charlot, 1945, p. 19.
  • [4]
    Ibid., p. 20.
  • [5]
    Ibid., p. 21.
  • [6]
    Ibid., p. 164.
  • [7]
    Ibid., p. 19.
  • [8]
    Ibid., p. 21.
  • [9]
    To the Lighthouse (La promenade au phare), trad. fr. M. Lanoire, Paris, Stock, 1929, p. 90.
  • [10]
    La maison hantée, op. cit., p. 138.
  • [11]
    La promenade au phare, op. cit., p. 237.
  • [12]
    The Waves (Les vagues), trad. fr. M. Yourcenar, Paris, Stock, 1937, p. 25, p. 32, p. 102.
  • [13]
    Ibid., p. 24-25.
  • [14]
    Ibid., p. 190.
  • [15]
    La maison hantée, op. cit., p. 16.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    R. Descartes, Méditations, Œuvres et lettres, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1937, p. 181.
  • [18]
    La promenade au phare, op. cit., p. 225.
  • [19]
    La maison hantée, op. cit., p. 99-100.
  • [20]
    Ibid., p. 265-266.
  • [21]
    Ibid., p. 263.
  • [22]
    Ibid., p. 264.
  • [23]
    Mrs. Dalloway (Mrs Dalloway), trad. fr. S. David, Paris, Stock, Le Cabinet cosmopolite, 1929, p. 68.
  • [24]
    Les vagues, op. cit., p. 232.
  • [25]
    Ibid., p. 104.
  • [26]
    Ibid., p. 197.
  • [27]
    Between the Acts (Entre les actes), trad. fr. Y. Genova, Alger, Charlot, 1944, p. 33.
  • [28]
    La maison hantée, op. cit., p. 164.
  • [29]
    La promenade au phare, p. 109. Cf. D. Fontaine, Les rivages du néant, [Paris], Rieder, 1943, p. 51, p. 102, p. 122.
  • [30]
    La promenade au phare, op. cit., p. 110.
  • [31]
    Ibid., p. 114.
  • [32]
    Ibid., p. 89.
  • [33]
    Ibid., p. 233.
  • [34]
    Mrs. Dalloway, p. 160 ; The Years (Années), trad. fr. G. Delamain, Paris, Stock, 1938, p. 215.
  • [35]
    La promenade au phare, op. cit., p. 99.
  • [36]
    Ibid., p. 113, 129.
  • [37]
    Cf. ibid., p. 224 ; Années, op. cit., p. 328.
  • [38]
    Entre les actes, op. cit., p. 180.
  • [39]
    La promenade au phare, op. cit., p. 38.
  • [40]
    Ibid., p. 33.
  • [41]
    Jacob’s Room (La chambre de Jacob), trad. fr. J. Talva, Paris, Stock, 1942, p. 49, p. 61.
  • [42]
    La maison hantée, op. cit., p. 109.
  • [43]
    La chambre de Jacob, op. cit., p. 97.
  • [44]
    La promenade au phare, op. cit., p. 63, p. 129 ; Orlando (Orlando), trad. fr. C. Mauron, Paris, Stock, 1931, p. 233.
  • [45]
    Cf. La promenade au phare, op. cit., p. 102, p. 108, p. 173, p. 203.
  • [46]
    Night and Day (Nuit et jour), trad. fr. M. Bec, Paris, Éditions du Siècle, 1933, p. 209 ; Entre les actes, op. cit, p. 62, p. 119, p. 122, p. 179.
  • [47]
    Cf. P. Ricœur, Le mystère mutuel ou le romancier humilié, Esprit, 1947.
  • [48]
    Cf. M. Chastaing, Estaunié et les littérateurs de la conscience solitaire, Vie intellectuelle, 1945.
  • [49]
    R. West, The harsh Voice, Paris, Albatros, 1935, p. 60.
  • [50]
    La promenade au phare, op. cit., p. 173.
  • [51]
    Les vagues, op. cit., p. 146.
  • [52]
    A Room of one’s own, London, Hogarth Press, 1930, p. 127, 191-192.
  • [53]
    Même image dans le poème de Matthew Arnold : Isolation.
  • [54]
    Mrs. Dalloway, op. cit., p. 147.
  • [55]
    Entre les actes, op. cit., p. 125.
  • [56]
    Années, op. cit., p. 394.
  • [57]
    Entre les actes, op. cit., p. 103-110.
  • [58]
    Mrs. Dalloway, op. cit., p. 120.
  • [59]
    Cf. The Voyage out (La traversée des apparences), trad. fr. L. Savitzky, Paris, Le Cahier gris, 1948, p. 434.
  • [60]
    Années, op. cit., p. 393-394.
  • [61]
    La traversée des apparences, op. cit., p. 443-444.
  • [62]
    Cf. Mrs Dalloway, op. cit., p. 113.
  • [63]
    Les vagues, op. cit., p. 241.
  • [64]
    Ou en tant qu’homme de théâtre, paraître rapporter les discours de différents personnages. Ainsi, Strindberg : « – Je sais être seul… – Moi aussi. » (La danse de mort, [tr. M. Rémon, ] [Paris], Stock, 1921, p. 17.) Mais Strindberg montre en même temps que la monadologie de ses créatures est contradictoire : elles parlent les unes avec les autres de l’inexistence des autres. Elles avouent elles-mêmes leur illusion : « Je ne sais rien de cet homme, si ce n’est que… » (ibid., p. 49). Cette illusion tombe, après la mort de l’adversaire : « C’était un homme plein de bonté… » (ibid., p. 227).
  • [65]
    Cf. A. Schwenninger, Der Sympathiebegriff bei David Hume, Munich, Diss, 1908, p. 5.
  • [66]
    « Avec Eliot, on est toujours deux pour voir les aventures des autres. » (R. Rolland, Tolstoï et Eliot, Nouvelles littéraires, 7 février 1946).
  • [67]
    La promenade au phare, op. cit., p. 18.
  • [68]
    The Moment, London, Hogarth Press, 1947, p. 68. Emerson l’a appris à Whitman et Whitman l’a appris aux lecteurs de A backward Glance : « Le liseur jouera son rôle comme j’ai joué le mien. Je cherche moins à définir un thème…, qu’à vous placer dans l’atmosphère du thème… – là, vous prendrez, vous-mêmes, votre vol. »
  • [69]
    Exemple : à la fin de Quarante-deuxième parallèle, Dos Passos annonce que Jack ne devait jamais revoir Ike. Son « introductrice » écrit pourtant qu’il conte chaque histoire « du point de vue du personnage dont elle porte le nom » et même qu’il installe sa caméra « dans la conscience » de chaque personnage (C.-E. Magny, Introduction à la lecture de Dos Passos, Poésie 46 31, p. 68, 73). Ce qui est vrai de Virginia Woolf, mais non de Dos Passos. Celui-ci multiplie les perspectives dans les 60 premières pages de la Grosse galette : 1) « behaviorist », a) du personnage, b) d’un observateur du personnage présent, c) d’un juge qui connaît le passé comme le présent du personnage ; 2) psychologiques, a) du personnage qui prend conscience de ses pensées, b) du personnage qui raconte ses pensées, c) d’un juge qui comprend les pensées présentes du personnage, d) d’un juge qui comprend les pensées passées et futures du personnage. Cette énumération incite à penser que les critiques littéraires, comme les philosophes, souffrent parfois d’une maladie de la simplification que Reid a bien diagnostiquée.
  • [70]
    S’il est facile d’ignorer ici l’art de Virginia Woolf, c’est parce qu’on tend à l’attribuer à d’autres romanciers et même à le trouver dans tout roman qui n’est pas « biographique ». Exemple de cette tendance dogmatique : « Les romans sont de deux espèces. Ou bien l’auteur survole ses créatures avec l’omniscience et l’omniprésence d’un dieu, ou bien, il nous invite à prendre la place d’un personnage central… » (A. Laffay, Le cinéma « subjectif », Temps modernes, 1948, p. 156.)
  • [71]
    Cf. M. Chastaing, « Note sur les illusions du pédologue », Journal de psychologie, 1946.
  • [72]
    La promenade au phare, op. cit., p. 29.
  • [73]
    Entre les actes, op. cit., p. 139.
  • [74]
    Années, op. cit., p. 83.
  • [75]
    Entre les actes, op. cit., p. 30.
  • [76]
    Opposer à l’objectivité de Selma Lagerlöf. Celle-ci décrit, « pour ceux qui ne les ont pas vus », les paysages de Jérusalem en Dalécarlie quand un personnage les voit ; mais elle ne les décrit pas comme il les voit : elle les décrit comme elle les voit. Elle présente ainsi un paysage commun. Exactement : un pays où nous communions. Le style de ses contes est celui de la communion : elle y invoque personnages et liseurs, elle les voussoie en tant que personnes humaines, non en tant que personnages ou liseurs : « Mes amis… Amis, enfants des hommes. »
  • [77]
    Les vagues, op. cit., p. 88.
  • [78]
    Ibid., op. cit., p. 120.
  • [79]
    Années, op. cit., p. 83.
  • [80]
    Les vagues, op. cit., p. 238.
  • [81]
    Cf. C. I. Lewis, « The pragmatic element in knowledge », Univ. Calif. Pub. Phi. VI, 1926, p. 213.
  • [82]
    Les vagues, op. cit., p. 103.
  • [83]
    Ibid., p. 158.
  • [84]
    Cf. La promenade au phare, op. cit., p. 65.
  • [85]
    Cf. The Death of the Moth, London, Hogarth Press, 1947, p. 128.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.9.168

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions