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Article de revue

Péguy-Jaurès : bref essai de synthèse

Pages 51 à 64

Notes

  • [1]
    Rappelons que la rupture est définitivement consommée en février 1906 quand Jaurès répond par une simple carte de visite à un rappel pour le règlement de son abonnement aux Cahiers de la Quinzaine.
  • [2]
    Charles Péguy, Œuvres en prose complètes, édition présentée, établie et annotée par Robert Burac, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, tome I, 1987, p. 372. Cet ouvrage sera désigné ci-dessous par Pl. I.
  • [3]
    Pl. I, p. 359.
  • [4]
    Pl. I, p. 540.
  • [5]
    Géraldi Leroy, « Péguy et la question arménienne », L’Amitié Charles Péguy, n° 63, juillet-septembre 1993, pp. 136-147.
  • [6]
    Pl. I, p. 1947.
  • [7]
    Charles Péguy, Œuvres en prose complètes, édition présentée, établie et annotée par Robert Burac, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, tome II, 1988, p. 74. Cet ouvrage sera désigné ci-dessous par Pl. II.
  • [8]
    Pl. II, p. 76.
  • [9]
    Pl. II, p. 452.
  • [10]
    Pl. I, p. 833.
  • [11]
    Cette déception avait été précédée par une autre au début du congrès quand les guesdistes voulurent s’opposer à l’admission de la presse. « Quel discours de fougueuse loyauté le grand Jaurès allait prononcer là contre. Ils voulaient se battre ! On se battrait donc. Vive la guerre. Et ce serait tant mieux. » (Œuvres posthumes de Charles Péguy, éd. Jacques Viard, Paris, Cahier de l’Amitié Charles Péguy, n° 29, 1969, p. 55). Or, Jaurès n’avait pas jugé opportun d’engager la bataille sur ce point.
  • [12]
    Pl. I, p. 359.
  • [13]
    Cf. La Loi et les congrégations (Cahiers de la Quinzaine, III-21) in Pl. I, p. 1003.
  • [14]
    Cf. [Nous devons nous préparer aux élections] (Cahiers de la Quinzaine, III-14) in Pl. I, pp. 938-946.
  • [15]
    Pl. I, p. 1147.
  • [16]
    Pl. I, p. 1364.
  • [17]
    Pl. I, pp. 544, 713, 717.
  • [18]
    Pl. I, p. 1373.
  • [19]
    Pl. I, pp. 707-708.
  • [20]
    Pl. I, p. 711.
  • [21]
    Pl. I, p. 715.
  • [22]
    De la réalité du monde sensible, in Œuvres de Jean Jaurès, tome 3, édition établie par Annick Taburet-Wajngart, Paris, Fayard, 2000, p. 178.
  • [23]
    Pl. I, p. 690.
  • [24]
    Curieusement, une hypothèse analogue à celle évoquée par le Péguy de Notre jeunesse (les positions de Jaurès dans L’Armée nouvelle l’auraient exposé à l’échafaud révolutionnaire), n’ont suscité qu’hilarité à la séance de l’Assemblée nationale du 20 novembre 1912. Joseph Reinach y déclara : « Sa politique de paix, la Révolution la défend par une stratégie offensive. Et que M. Jaurès me permette de lui dire, si quelqu’un à cette époque était venu proposer sa stratégie défensive, la retraite sur le triangle de concentration nationale, le repliement sur la ligne Montereau-Moret-Fontainebleau, une telle proposition, la Convention l’aurait tenue, dans le vocabulaire du temps, comme une idée contre-révolutionnaire, et vous savez, Monsieur Jaurès, où conduisaient sous la Révolution les idées contre-révolutionnaires. » Selon le compte rendu, « rires et applaudissements au centre et divers bancs » ponctuèrent ces paroles. (Joseph Reinach, « La Loi militaire », Cahiers de la Quinzaine, 9 décembre 1913, pp. 172-173.)
  • [25]
    Sur ce point, voir Jean Rabaut, Jaurès et son assassin, Paris, Éditions du Centurion, 1967.
  • [26]
    Pl. I, p. 392.
  • [27]
    L’Armée nouvelle, présentation par Madeleine Rebérioux, Paris, 10/18, 1969, p. 254.
  • [28]
    Cité in Pl. I, p. 1005.
  • [29]
    Voir la mise au point de Gérard Baal, « Jaurès et la laïcité », Jean Jaurès cahiers trimestriels, n° 150, octobre-décembre 1998, pp. 19-32.
  • [30]
    « Pour la laïque », dans Jaurès. L’Esprit du socialisme, Éditions Gonthier, 1964, p. 162.
  • [31]
    Pl. I, p. 389.
  • [32]
    Pl. II, p. 76.
  • [33]
    Gilles Candar, « Jaurès parlementaire », Jean Jaurès cahiers trimestriels, n° 150, octobre-décembre 1998, pp. 22-43.
  • [34]
    De la réalité du monde sensible, op. cit., p. 182.
  • [35]
    Pl. II, p. 699.
  • [36]
    Pl. I, p. 1272.
  • [37]
    Pl. II, p. 77.
  • [38]
    Péguy n’a pu apporter la touche finale au portrait de Jaurès qui paraîtra inachevé dans le troisième Cahier : « plus j’allais, plus je me rendais compte que mon portrait devenait infidèle. […] Le réel est plus fort que nous, et pendant que je dessinais, le modèle évoluait rapidement. » (Pl. I, pp. 390 et 392).
  • [39]
    Ce texte est une version augmentée d’un article paru dans L’Amitié Charles Péguy, n° 114, avril-juin 2006, pp. 175-188.
English version

1Le rapport de Péguy à Jaurès a toujours été passionnel. Commencé dans un climat de véritable adoration, il s’achève en exécration dans les années précédant l’éclatement de la Grande Guerre [1]. Bien souvent, les exégètes de l’un et de l’autre ont sans recul repris à leur compte les éléments du débat. Une telle démarche interdit à mon sens toute pertinence dans l’approche de la question. Il faut au contraire que le commentateur se désimplique, écarte les positions de principe, s’oblige à ressaisir les données concrètes de la conjoncture caractérisant la période, à mettre en perspective les références idéologiques en présence (sans pour autant négliger les particularités individuelles). Ce type de questionnement ne revient pas à adopter le point de vue de Sirius et à poser que tout est équivalent. Cela désigne simplement l’effort pour rendre intelligibles les termes du problème, pour restituer les enjeux politiques et philosophiques qui étaient en cause et que justement la simplification polémique a contribué à rendre inaudibles.

2Afin de bien appréhender le différend, il convient d’abord d’en replacer les éléments dans la durée. Ainsi, il apparaîtra qu’il ne repose pas sur une foucade ou des caprices, mais qu’il s’est constitué peu à peu à partir d’événements parfaitement repérables. On ne mesure pas toujours, ou pas suffisamment, la profondeur de l’attachement que Péguy jeune normalien a voué, jusqu’à la fin de 1899, à un aîné qui avait déjà acquis un prestige considérable dans le milieu politique. On en trouve l’expression dans le troisième Cahier de la première série qui célèbre les qualités intellectuelles et humaines de Jaurès dans un panégyrique resté peut-être inégalé tant il est vrai que les formules laudatives y abondent. L’orateur (et le penseur) y est célébré comme un « dialecticien merveilleux », « un impeccable logicien » [2]. Il apparaît comme l’incarnation anticipée de la future humanité socialiste. « Nourri de tout le vin de la générosité humaine », « il ignorait totalement la haine », représentant « un vivant exemple » d’un socialisme humanisé « par la considération respectueuse de l’humanité passée, de toute l’humanité présente et future » [3]. On discerne ici un rapport intensément affectif qui ne s’affirme jamais tant qu’au spectacle du tribun en action qui suscite chez son admirateur et disciple des applaudissements intérieurs « jusqu’à en pleurer, car cet orateur, cet homme est irrésistible » [4]. À cette date, les contacts sont nombreux et les conversations sont des plus confiantes et cordiales.

3Péguy approuve alors les grands combats de Jaurès de même qu’il en partage la philosophie générale du socialisme. Il milite et organise des souscriptions en faveur des mineurs (1892) puis des verriers de Carmaux (1895-1896) pour lesquels Jaurès s’est tant investi. Il est soulevé d’horreur par les massacres systématiques perpétrés par les Turcs contre les Arméniens et s’empressera de recueillir dans L’Action socialiste le « discours formidable » prononcé à la Chambre contre une majorité hostile [5] le 3 novembre 1896 par le député de Carmaux. Il est inutile de rappeler que dans l’Affaire, l’engagement a été conduit sur des principes également partagés. En particulier les deux hommes ont été solidaires dans les controverses avec les guesdistes : le cas Dreyfus ne saurait être ramené à une simple illustration de la lutte des classes ; tous deux s’accordent pour considérer que l’entrée de Millerand dans le ministère Waldeck-Rousseau répond à l’intérêt supérieur de la République qui doit prévaloir contre le dogmatisme doctrinaire des guesdistes. Sur la question cruciale de l’Alsace-Lorraine, même convergence : la solution véritable est attendue du développement du socialisme en Europe, non d’une hypothétique guerre de revanche. D’une façon générale, Péguy colle étroitement aux positions de Jaurès auquel il se réfère constamment quand il s’agit de définir globalement la nature du socialisme. Pour l’un et pour l’autre, l’idée socialiste consiste à donner enfin toute leur portée aux idéaux de la Révolution française confisqués par la pensée et les intérêts bourgeois. Ce but sera atteint par le développement de l’éducation dans le peuple, non par le recours à la violence dont l’usage sans être absolument exclu ne pouvait être qu’exceptionnel et ponctuel. Enfin, maître et disciple, frappés par la crise du libéralisme et les progrès rapides des mouvements se réclamant du socialisme dans les années 1890, s’accordent pour prévoir l’instauration très prochaine du régime qu’ils appellent de leurs vœux. On ne s’étonne donc pas que Péguy se soit fait l’éditeur de Jaurès. À la librairie Bellais, il publie un recueil de ses articles sous le titre d’Action socialiste (1899) où, dira-t-il, il engagea ses « dernières finances ».

4L’opération sera répétée avec Études socialistes (décembre 1901) qui paraîtront aux Cahiers. Il regretta que la Société nouvelle de librairie et d’édition n’ait pas prolongé cette initiative. « Les articles que Jaurès avait publiés sur l’action politique, sur la politique intérieure, sur le jeu des partis, sur les grèves et l’action syndicale, sur le socialisme en théorie et en idée, sur l’action coopérative, méritaient qu’on les réunît en plusieurs volumes. » [6]

5Puis est venu, à partir de 1900, le temps du désenchantement. Loin de témoigner d’une malveillance de principe, il faut insister sur le fait qu’il a été vécu par Péguy comme un arrachement des plus douloureux. Tout en marquant des réserves de plus en plus graves, il ne se résignait pas à prendre congé. Même au moment où les divergences s’étaient creusées au point de devenir déjà irréversibles, l’auteur de la Réponse brève à Jaurès conservait une nostalgie poignante de leur ancienne entente. Dans Courrier de Russie qui consomme la rupture, il reconnaît qu’ « un assez grand nombre de personnes me reprochent d’avoir gardé pour Jaurès une tendresse secrète » [7]. Aussi se croit-il en mesure d’assurer : « S’il faut dire du bien de Herr et de Jaurès, nul ne le fera mieux que moi » [8]. Un inédit de janvier 1906 admet encore que si l’un des abonnés des Cahiers voulait prendre la défense de l’orateur, « il se ferait un devoir et peut-être même un secret plaisir de publier cette protestation » [9]. Il faut donc croire que la brisure de l’admiration ancienne découlait à ses yeux de raisons fondamentales qu’il convient ici de récapituler. Il mettra d’ailleurs une sourdine à ses critiques quand la communion de sa fille Madeleine vaudra de virulentes attaques à l’orateur. Péguy volera alors à son secours, s’élevant contre « les gueulements de tous les chiens de toutes les meutes ». « J’attends pour dire tout ce que je crois avoir à dire sur et contre la politique de Jaurès, la tactique de Jaurès, l’action de Jaurès, la philosophie de Jaurès, la théorie et la pratique de Jaurès, que la ruée odieuse des barbares et des ingrats, des mufles et des envieux, des nationalistes et des antisémites, et des militaristes, des brutes et des rageurs, des ennemis et des faux amis se soit un peu apaisée » [10].

6Les premières divergences sont nées de la question de l’unité socialiste. Considérant primordiale l’unité du mouvement, Jaurès était soucieux de ménager la fraction guesdiste dont les positions sous l’Affaire, la raideur doctrinale, la rigidité de l’organisation révulsaient littéralement Péguy. On sait que la fondation des Cahiers de la Quinzaine découle directement de la révolte de leur futur gérant contre la motion inspirée par les guesdistes et adoptée par le congrès des organisations socialistes françaises (décembre 1899) visant à instaurer une discipline dans les organes de presse socialistes. Grande fut la déception de Péguy à la constatation que Jaurès ne s’y était pas radicalement opposé [11].

7Un autre point de friction porte sur la question de l’amnistie débattue au cours de l’année 1900. Dans un but d’apaisement, le gouvernement Waldeck-Rousseau avait décidé l’amnistie pour tous les faits relatifs à l’Affaire. Jaurès s’y était rallié, soulevant la réprobation de Péguy qui s’indignait de voir ainsi renvoyés dos à dos les victimes et les bourreaux [12].

8Le troisième grief s’articule sur l’appui résolu apporté à la politique combiste. Péguy a toujours éprouvé une forte allergie au radicalisme coupable à ses yeux d’avoir profité du combat pour Dreyfus alors qu’il avait été si étranger à son esprit, sauf notables exceptions (Clemenceau). Or, en soutenant des mesures antireligieuses mettant les congrégations hors du droit commun, le tribun démentait les principes sur lesquels avait reposé le dreyfusisme [13]. De même en volant au secours de Combes dans l’affaire des fiches secrètes établies sur les officiers catholiques puis qu’il s’agissait là d’une reprise des comportements dénoncés par les dreyfusards quand ils en étaient les victimes. En alliant le socialisme au radicalisme, Jaurès se voyait surtout reprocher d’avoir stérilisé le premier en l’enlisant dans l’anticléricalisme aux dépens de la lutte pour l’amélioration de la condition ouvrière. Plus gravement encore, il l’avait dévoyé en l’engageant dans les combinaisons parlementaires de la IIIe République alors même que l’exercice politicien de la démocratie par les radicaux la rapprochait d’une simple démagogie, d’où les critiques acer bes à l’égard du régime démocratique lui-même qui se multiplient sous la plume de Péguy à partir de 1902 [14]. Jaurès apparaît ici comme un mani pulateur, évoluant habilement dans les arcanes du système. L’opération qu’il a menée sur l’affaire Dreyfus à la Chambre, sans aucune consulta tion de « tous les anciens et véritables dreyfusistes », en est aux yeux de Péguy une illustration significative. Elle lui procure l’occasion de la vive prise à partie de Reprise politique parlementaire (16 juin 1903). Le génie oratoire du tribun est lui-même mis en cause car il lui sert à susciter chez ses auditeurs des réactions émotionnelles aux dépens de leur réflexion. Le voilà qui exerce cette « autorité de commandement » si honnie du fonda teur des Cahiers. Bref, « toute son action politique est peu à peu devenue gouvernementale, étatiste, jacobine, autoritaire » [15]. En 1904, cette criti que franchit une nouvelle et importante étape. Extrapolant sur une me sure apparemment mineure, mais qui lui paraissait hautement symboli que, l’auteur d’Un essai de monopole (dans l’enseignement primaire à Madagascar) accuse le « jaurésisme d’État » [16] de préparer ce que nous appellerions un État totalitaire caractérisé par une idéologie officielle, le culte de la personnalité, la délation institutionnalisée, la répression des intellectuels non-conformistes. Dans Casse-cou et dans la Réponse brève à Jaurès figure au contraire une critique sans concession des notions d’art socialiste, de philosophie socialiste, d’histoire socialiste, de science socia liste considérées comme incompatibles avec la liberté [17].

9Quatrième divergence de fond : l’attitude à l’égard de la socialdémocratie allemande. Bien avant 1905, Péguy a cessé de croire à son ressort révolutionnaire alors même qu’elle se donne pour le parti socialiste le plus avancé et qu’à ce titre elle domine l’Internationale. Il avait déjà vivement réprouvé les prises de position de Liebknecht sur l’Affaire et sur les massacres en Arménie. Avec le temps, cette distance s’accentuera. Nullement impressionné par le score électoral du parti allemand, il le caractérise par son verbalisme et sa complaisance de fait envers les grands objectifs de la politique impériale : « avant toute numération, il faut savoir en quelles unités on compte ; plus de trois millions peuvent ne pas valoir moins de trois cent mille » [18]. Aussi fut-il extrêmement contrarié que Jaurès, en dépit de fortes réserves, ait finalement souscrit aux conclusions du congrès d’Amsterdam qui enjoignait aux socialistes français de s’unifier sur le plan doctrinal (marxiste) et organisationnel selon le modèle social-démocrate.

10Il est inutile d’insister, tant le sujet a été souvent exposé, sur l’objet des plus grandes colères de Péguy après l’épisode de Tanger : la question de la défense nationale. En bref, il jugeait que l’alliance avec la socialdémocratie, pièce essentielle de la stratégie jaurésienne, était inopérante du fait des réticences opposées par cette dernière à l’idée d’une action commune de part et d’autre du Rhin. L’idée d’une grève générale simultanée dans les deux pays pour paralyser les forces de guerre soulevait en effet les plus fortes réserves en Allemagne. En conséquence, l’asymétrie des positions rendait une telle position fort dangereuse pour le salut de la France.

11Au terme de cette critique multiforme, « l’ancien Jaurès » est devenu l’incarnation même des catégories d’« intellectuel » et de « moderne » qui concentrent après 1905 toutes les fureurs de Péguy. L’opposition ne serait pas si totale si elle ne renvoyait pas en définitive à un différend philosophique fondamental. « Vous êtes moniste en métaphysique parce que vous êtes et comme vous êtes unitaire en politique. […] Je crois que de là viennent les hésitations et les inconstances, les déviations et les faillites et les amnisties récentes. […] Vous croyez profondément que l’unité est la condition de tout, qu’il faut faire l’unité avant tout, que de l’unité tout viendra. » [19]

12Dans sa thèse principale, l’auteur de De la réalité du monde sensible développe une métaphysique de l’unité de l’être. Dans le monde, cette unité a été historiquement compromise par la division sociale en deux classes, par les conflits sociaux et internationaux générés par le capitalisme. Par le socialisme, l’humanité est appelée à parcourir le chemin du retour à l’un. Pour Péguy, une telle vision procède d’une opération artificielle et réductrice. « Je n’éprouve aucun besoin d’unifier le monde. »

13L’observation concrète met au contraire le divers en évidence. « Plus je vais, plus je découvre que les hommes libres et les événements libres sont variés » [20]. L’histoire n’avance pas selon un processus linéaire et orienté qui constituerait la marche irrépressible du progrès, mais elle se développe au prix de ruptures continuelles comme le montre clairement la succession des grandes philosophies. « La plupart négligeaient de fabriquer cette singulière unité de la pensée humaine à laquelle vous tenez tant, parce que vous voulez préposer l’unité historique à l’unité socialiste et à l’unité métaphysique. Les grands philosophes n’ont pas pensé à continuer et à compléter leurs prédécesseurs, mais bien plutôt à les rafraîchir et à les renouveler » [21].

14La récupération escomptée de l’unité dans une humanité réconciliée engendre l’optimisme chez Jaurès. Il n’ignore certes pas les drames de l’histoire et cette conscience est attestée par tous ses engagements pour en supprimer ou en atténuer les occurrences. La lutte pour le progrès traverse et traversera des moments difficiles, mais à terme « il n’y rien dans la nature des choses qui s’oppose à ce que la joie résorbe la douleur » [22]. Pour sa part, Péguy a très tôt été hanté par la présence du mal dans le monde, par le caractère irrécupérable des pertes et des morts qu’il provoque, par l’immense difficulté de son éradication. Aussi souligne-t-il avec une ironie amère le décalage entre la phraséologie triomphaliste des congrès et « tant de guerres et tant d’épouvantes où le socialisme universel n’a rien tenté d’efficace ni d’effectif […]. Le monde se fout de nous » [23]. Monisme contre pluralisme, optimisme contre pessimisme : de tels écarts dans la vision même du monde rendaient la mésentente inévitable et très difficilement surmontable.

15Dans la dimension passionnelle qu’a revêtue l’affrontement chez Péguy, il faut évidemment faire la part des habitudes d’époque qui conféraient au débat politique une violence verbale dont on n’a pas idée aujourd’hui [24]. Il faut aussi rappeler que Raoul Villain, l’assassin de Jaurès, n’avait jamais lu Péguy [25]. On souffre cependant des redoutables excès auxquels l’auteur de L’Argent suite s’est livré. L’accusation de mauvaise foi, pire encore de trahison, est une attitude qui bloque toute discussion d’idées et rend l’échange impossible. La contradiction est ici grande chez un Péguy qui s’est tant de fois prononcé pour l’expression libre des divergences. Le rejet sans nuances de l’action jaurésienne est d’autant plus surprenant que sur bien des sujets l’examen serein des positions de l’un et de l’autre met en évidence des points d’accord qui sont restés permanents. Par exemple, ils partageaient l’idée de la nation comme support de toute culture et, s’agissant de la nation française, de la France comme modèle. Rien ne permet de dire que le Péguy de la fin avait renié les textes où, disait-il en 1900, il avait trouvé « une expression admirable de plusieurs idées qui nous sont demeurées chères » [26]. Certes Péguy a eu raison de considérer que la social-démocratie n’était pas un allié fiable dans la conduite de la guerre ; certes, il est permis de faire des réserves sur le réalisme de la conception des milices par le théoricien de L’Armée nouvelle car elle impliquait une profonde réorganisation de notre organisation militaire assurément peu compatible avec l’urgence de la conjoncture. Mais en mettant en cause le patriotisme de Jaurès, Péguy s’est laissé emporter par le ressentiment. Même s’il répugnait à l’exclusion de Gustave Hervé du parti socialiste, le tribun n’a cessé d’en condamner les théories qu’il jugeait à la fois puériles et outrancières. À ses yeux, la fameuse phrase du Manifeste communiste : « les prolétaires n’ont pas de patrie » n’était qu’une « boutade passionnée » [27]. Les propositions de L’Armée nouvelle, bien loin de négliger les nécessités de la défense nationale débouchaient en fait sur une véritable militarisation de la nation que ne supporteraient assurément pas nos contemporains, même les plus disposés au service militaire. Jaurès prévoyait en effet une formation paramilitaire dès l’âge de dix ans. En outre, après une période d’instruction de six mois, chaque citoyen aurait dû satisfaire à un total de huit périodes réparties dans les treize années suivantes. Et il est de fait qu’en cas d’attaque par une armée étrangère, Jaurès se prononçait sans ambiguïté pour une défense résolue. Le 18 juillet 1914, il écrivait encore dans L’Humanité : « il n’y aucune contradiction à faire l’effort maximum pour assurer la paix et si cette guerre éclate malgré nous, à faire l’effort maximum pour assurer l’indépendance et l’intégrité de la nation. »

16Sur la question de l’État, la polémique péguyste a aussi durci les oppositions beaucoup plus qu’il ne conviendrait. Jaurès s’est nettement prononcé contre la dictature du prolétariat. Il a récusé l’idée d’un Étatpatron en insistant sur la nécessité d’associer les syndicats et les coopératives ouvrières à la gestion. Quant à l’idée d’un monopole culturel, elle ne répond aucunement à sa pensée profonde, même si, dans un moment d’exaspération, il lui est arrivé de tenir des propos excessifs. Dans La Petite République du 3 août 1901, il traitait en effet de « légistes ahuris, devenus des paladins ridicules » les personnalités qui s’étaient élevées contre l’interprétation très restrictive, contraire à l’inspiration de son auteur, de la loi Waldeck-Rousseau du 1er juillet précédent. Il laissait entendre que l’antidreyfusisme et l’antirépublicanisme virulent de l’Église catholique légitimaient les mesures prises à son encontre. « Il y a des crimes politiques et sociaux qui se payent, et le grand crime collectif commis par l’Église contre la vérité, contre l’humanité, contre le droit et contre la République, va recevoir enfin son juste salaire. Ce n’est pas en vain qu’elle a révolté les intelligences par sa complicité avec la sottise la plus épaisse et la plus bestiale. » En fin de compte, c’est la religion ellemême qui était visée dans la mesure où la politique anticléricale menée par Combes était censée conduire « à la libération de toutes les consciences et de tous les esprits appelés à se diriger eux-mêmes » [28].

17Mais Jaurès est revenu par la suite à plus de sérénité. On trouvera dans le grand discours prononcé à la Chambre en janvier 1910 « Pour la laïque » une synthèse nuancée de ses idées sur la question [29]. Il comptait sur les progrès de la raison, non sur l’oppression des consciences pour développer la laïcité. On se souvient qu’il a figuré parmi ceux qui ont le plus combattu pour rendre acceptable aux catholiques la loi de séparation des Églises et de l’État. (Il est l’inspirateur, sinon l’auteur, de l’article 4 qui écartait le risque de schisme au sein de l’Église). Au demeurant, il a souvent témoigné de son intérêt pour la Bible et il inscrivait la tradition chrétienne à côté de la tradition hellénique et de la pensée juive parmi les éléments primordiaux de l’identité française. Rappelons-nous qu’il s’excluait de « ceux que le mot Dieu effraie », ajoutant en 1910 : « j’ai, il y a vingt ans, écrit sur la nature et Dieu et sur leurs rapports, et sur le sens religieux du monde et de la vie, un livre dont je ne désavoue pas une ligne, et qui est resté la substance de ma pensée » [30].

18Au-delà de la personnalisation des propos et des simplifications politiques, le différend entre Péguy et Jaurès renvoie à deux conceptions de la vie politique et, finalement, à deux visions du monde. Le premier campe sur des principes qui se doivent d’être observés en tant que tels. Toute considération tactique est ressentie comme indigne des grands enjeux et prête à l’accusation de défaillance d’ordre éthique. Les luttes des mineurs de Carmaux, le combat dreyfusiste lui sont apparus avec le recul comme des temps bénis, exemplaires, justement parce qu’au terme d’une généralisation (sans doute idéalisée) l’action reposait sur la seule évidence de la justice et de la vérité. Alors s’accomplissait une communion spontanée et heureuse que ne contaminait aucune arrière-pensée intéressée, où l’on pouvait voir « toute la France ouvrière, toute la France révolutionnaire debout, marchant comme un seul homme, animée d’une seule volonté, unie d’une intérieure unité, sans compromis, sans règle et sans Directoire » [31]. Jaurès avait bien perçu cette tendance chez son cadet qui a rapporté les propos de son interlocuteur : « Vous Péguy, vous avez un vice. Vous vous représentez, vous avez la manie d’imaginer la vie de tout le monde autrement que les titulaires eux-mêmes n’en disposent. Et d’en disposer à leur place, pour eux » [32]. Au contraire, le député de Carmaux croit fondamentalement à la démocratie parlementaire et assume parfaitement les compromis qu’elle implique. Fort à l’aise dans les procédures parlementaires, il se montre un député particulièrement zélé par son assiduité aux séances, son active contribution aux commissions dont il est membre, par son dévouement à l’égard de ses électeurs, sa réflexion sur les institutions [33].

19Toute son action s’inscrit dans ce cadre et se détermine dans le court terme en fonction des données conjoncturelles. Si, par exemple, il renonce à combattre l’amnistie en 1900, c’est qu’il considère qu’un tel combat n’a aucune chance d’aboutir au Parlement. De nombreux textes prouvent qu’il ne nourrissait aucune illusion sur la capacité des radicaux à impulser des réformes sociales profondes, mais il pensait qu’il fallait d’abord épuiser le programme radical dans ses points de contact avec le programme socialiste (ainsi la séparation des Églises et de l’État) avant de pouvoir aborder les solutions spécifiquement socialistes. On retrouve ici la méthode gradualiste qui caractérise la pensée jaurésienne et qu’il ne faut pas interpréter comme un manque de courage. Ses reculs sont tactiques et n’impliquent aucunement l’abandon définitif d’un but considéré comme bon. Sur le processus de l’unité du socialisme, sur la lutte contre la guerre au sein de l’Internationale, il souscrit dans les congrès à des motions qui sont loin de recueillir son entière adhésion, mais il nourrit toujours l’espoir de rallier à terme la majorité à ses vues. Ainsi, après avoir développé une critique incisive, analogue à celle de Péguy, de la mentalité et des pratiques de la social-démocratie, il se rallie finalement au congrès d’Amsterdam à la résolution finale appelant à l’unité du socialisme français sur des bases qu’il n’aurait pas souhaitées car il tient depuis longtemps l’unité pour absolument indispensable à l’efficacité de l’action socialiste. Il compte alors sur son talent et l’évolution des esprits pour ramener le parti sur la ligne qu’il appelle de ses vœux. De fait, à la veille de la guerre, la SFIO suivait Jaurès et non pas Guesde. Le tribun plaidait constamment pour ne jamais « insulter l’avenir ». En ce sens, l’optimisme qui lui a tant été reproché par Péguy n’est pas aveuglement, mais nécessité de l’action. Il n’est pas non plus indifférence au mal chez un homme hanté par les malheurs de la guerre menaçante et qui était pénétré de « cette immense et divine mélancolie [qui] flotte sur le monde comme un air bleu imperceptiblement flétri, triste et doux » [34].

20Verra-t-on dans la controverse entre Péguy et Jaurès une expression de l’antagonisme entre mystique et politique ? Cette assimilation qui a été souvent opérée est beaucoup trop rapide et doit être sérieusement nuancée. Si les principaux attributs de la mystique sont le désintéressement personnel et l’engagement vital pour des buts ressentis comme essentiels, Jaurès entre sans aucun doute dans cette catégorie. Resté obstinément fidèle à ses convictions, le tribun n’a pas tiré de la politique les bénéfices qu’auraient pu lui valoir ses talents parlementaires. Avec quelle satisfaction les républicains modérés au pouvoir ne l’auraient-ils pas accueilli dans leurs rangs ! Tout au contraire, Jaurès s’est exposé à la nécessité de soutenir d’incessants et épuisants combats tant au sein du courant socialiste que contre la majorité conservatrice de l’Assemblée. Son intégrité physique a été maintes fois menacée (dans ses campagnes électorales par exemple) avant même qu’il ne soit assassiné. Cette fin tragique, il l’avait inscrite de longue date comme une éventualité plausible. Elle ne l’a pas détourné de la mission qu’il s’était assigné et qu’il jugeait digne de son sacrifice.

21À y regarder de près, les relations Péguy-Jaurès ont reposé sur un malentendu initial. Répétons-le : Jaurès n’a cessé de se référer à la démocratie parlementaire et à son organisation en partis. Or, l’inspiration première de la pensée politique de Péguy est l’anarchisme libertaire, d’où un clivage qui ne pouvait que se creuser avec le temps. Le tribun ne s’y était pas trompé en cernant de façon très pertinente au début de 1901 les termes du désaccord. « Je ne crois pas, malgré les trésors de talent et de sincérité passionnée que Péguy dépense à sa thèse dans les Cahiers de la Quinzaine, qu’il nous suffise, en une sorte d’anarchisme moraliste, de susciter, de conscience individuelle à conscience individuelle, la fierté du juste et du vrai. Il faut forger encore, à l’usage du prolétariat, l’outil de gouvernement et de législation. Il se peut très bien d’ailleurs que le premier outil sorti de la forge soit élémentaire et maladroit, souvent réfractaire à notre vouloir. En connaissez-vous, maintenant, un meilleur ? » [35].

22Avançons ici une date qui paraît bien capitale avec le recul : celle de 1896 où se tint à Londres le congrès de l’Internationale socialiste ouvrière. Jaurès s’y dépensa avec succès pour que fût reconnue comme l’une des voies d’accession au socialisme l’action législative et parlementaire. La conséquence en fut l’exclusion des anarchistes de l’Internationale. Péguy, tout à son admiration pour Jaurès, ne voulut pas sur le moment en mesurer la portée pourtant lourde des dissensions futures. Avant d’être submergé par les emportements d’un amour déçu, il lui est arrivé d’admettre que le désaccord était ancien. Dans un écrit posthume de 1903, on lit : « Nous ne pouvons pas reprocher à Jaurès, nous n’avons pas le droit de lui imputer la confiance et l’espoir qu’il nous avait donné en lui […] et nous n’avons pas à lui en vouloir de l’espérance qu’il nous avait donnée qu’il ne serait jamais un politique parlementaire ; notons qu’il n’avait jamais fait de promesse formelle ; c’est nous qui prolongions son action morale d’alors, son ascendant moral en action morale imaginaire » [36].

23Dans Courrier de Russie, il est encore tout aussi lucide, en évoquant « une séparation dont le point d’origine se perdait dans les établissements de nos plus anciennes relations » [37].

24L’examen des étapes et du contenu de la controverse entre Péguy et Jaurès, même borné à ses très grandes lignes, constitue une approche qui a déjà l’avantage de préciser la spécificité des positions de l’un et de l’autre. Certaines critiques du premier dépassent leur objet, non qu’elles soient vides de contenu, mais elles renvoient plutôt à la dimension « prophétique » de son discours et ne s’appliquent pas, ou pas vraiment, à Jaurès lui-même. On mesure en tout cas que les désaccords sont très anciens [38] et qu’ils peuvent être repérés très tôt chez un disciple si enthousiaste qu’il les a méconnus sur le moment. Ils n’ont assurément rien de mesquin et renvoient à des interrogations essentielles sur la nature du socialisme, sur la philosophie de l’histoire, sur le rôle des intellectuels, sur l’engagement politique en général. Au-delà de leurs cas respectifs, leur opposition illustre globalement (avec les nuances que nous avons formulées) le dilemme récurrent entre mystique et politique ou entre éthique de conviction ou éthique de responsabilité pour parler comme Max Weber. En cela, il nous concerne au premier chef. Nous sommes en effet constamment confrontés à la nécessité de trouver, sous peine d’être hors du temps et de l’action, l’articulation difficile entre l’impératif catégorique et l’impératif pratique : comment faire pour que l’engagement politique soit compatible avec la mystique, pour que la mystique ne s’enferme pas dans la tour d’ivoire en ignorant la politique ? Tout individu responsable ne cessera donc pas de réfléchir sur les termes de ce débat fondamental [39].

Notes

  • [1]
    Rappelons que la rupture est définitivement consommée en février 1906 quand Jaurès répond par une simple carte de visite à un rappel pour le règlement de son abonnement aux Cahiers de la Quinzaine.
  • [2]
    Charles Péguy, Œuvres en prose complètes, édition présentée, établie et annotée par Robert Burac, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, tome I, 1987, p. 372. Cet ouvrage sera désigné ci-dessous par Pl. I.
  • [3]
    Pl. I, p. 359.
  • [4]
    Pl. I, p. 540.
  • [5]
    Géraldi Leroy, « Péguy et la question arménienne », L’Amitié Charles Péguy, n° 63, juillet-septembre 1993, pp. 136-147.
  • [6]
    Pl. I, p. 1947.
  • [7]
    Charles Péguy, Œuvres en prose complètes, édition présentée, établie et annotée par Robert Burac, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, tome II, 1988, p. 74. Cet ouvrage sera désigné ci-dessous par Pl. II.
  • [8]
    Pl. II, p. 76.
  • [9]
    Pl. II, p. 452.
  • [10]
    Pl. I, p. 833.
  • [11]
    Cette déception avait été précédée par une autre au début du congrès quand les guesdistes voulurent s’opposer à l’admission de la presse. « Quel discours de fougueuse loyauté le grand Jaurès allait prononcer là contre. Ils voulaient se battre ! On se battrait donc. Vive la guerre. Et ce serait tant mieux. » (Œuvres posthumes de Charles Péguy, éd. Jacques Viard, Paris, Cahier de l’Amitié Charles Péguy, n° 29, 1969, p. 55). Or, Jaurès n’avait pas jugé opportun d’engager la bataille sur ce point.
  • [12]
    Pl. I, p. 359.
  • [13]
    Cf. La Loi et les congrégations (Cahiers de la Quinzaine, III-21) in Pl. I, p. 1003.
  • [14]
    Cf. [Nous devons nous préparer aux élections] (Cahiers de la Quinzaine, III-14) in Pl. I, pp. 938-946.
  • [15]
    Pl. I, p. 1147.
  • [16]
    Pl. I, p. 1364.
  • [17]
    Pl. I, pp. 544, 713, 717.
  • [18]
    Pl. I, p. 1373.
  • [19]
    Pl. I, pp. 707-708.
  • [20]
    Pl. I, p. 711.
  • [21]
    Pl. I, p. 715.
  • [22]
    De la réalité du monde sensible, in Œuvres de Jean Jaurès, tome 3, édition établie par Annick Taburet-Wajngart, Paris, Fayard, 2000, p. 178.
  • [23]
    Pl. I, p. 690.
  • [24]
    Curieusement, une hypothèse analogue à celle évoquée par le Péguy de Notre jeunesse (les positions de Jaurès dans L’Armée nouvelle l’auraient exposé à l’échafaud révolutionnaire), n’ont suscité qu’hilarité à la séance de l’Assemblée nationale du 20 novembre 1912. Joseph Reinach y déclara : « Sa politique de paix, la Révolution la défend par une stratégie offensive. Et que M. Jaurès me permette de lui dire, si quelqu’un à cette époque était venu proposer sa stratégie défensive, la retraite sur le triangle de concentration nationale, le repliement sur la ligne Montereau-Moret-Fontainebleau, une telle proposition, la Convention l’aurait tenue, dans le vocabulaire du temps, comme une idée contre-révolutionnaire, et vous savez, Monsieur Jaurès, où conduisaient sous la Révolution les idées contre-révolutionnaires. » Selon le compte rendu, « rires et applaudissements au centre et divers bancs » ponctuèrent ces paroles. (Joseph Reinach, « La Loi militaire », Cahiers de la Quinzaine, 9 décembre 1913, pp. 172-173.)
  • [25]
    Sur ce point, voir Jean Rabaut, Jaurès et son assassin, Paris, Éditions du Centurion, 1967.
  • [26]
    Pl. I, p. 392.
  • [27]
    L’Armée nouvelle, présentation par Madeleine Rebérioux, Paris, 10/18, 1969, p. 254.
  • [28]
    Cité in Pl. I, p. 1005.
  • [29]
    Voir la mise au point de Gérard Baal, « Jaurès et la laïcité », Jean Jaurès cahiers trimestriels, n° 150, octobre-décembre 1998, pp. 19-32.
  • [30]
    « Pour la laïque », dans Jaurès. L’Esprit du socialisme, Éditions Gonthier, 1964, p. 162.
  • [31]
    Pl. I, p. 389.
  • [32]
    Pl. II, p. 76.
  • [33]
    Gilles Candar, « Jaurès parlementaire », Jean Jaurès cahiers trimestriels, n° 150, octobre-décembre 1998, pp. 22-43.
  • [34]
    De la réalité du monde sensible, op. cit., p. 182.
  • [35]
    Pl. II, p. 699.
  • [36]
    Pl. I, p. 1272.
  • [37]
    Pl. II, p. 77.
  • [38]
    Péguy n’a pu apporter la touche finale au portrait de Jaurès qui paraîtra inachevé dans le troisième Cahier : « plus j’allais, plus je me rendais compte que mon portrait devenait infidèle. […] Le réel est plus fort que nous, et pendant que je dessinais, le modèle évoluait rapidement. » (Pl. I, pp. 390 et 392).
  • [39]
    Ce texte est une version augmentée d’un article paru dans L’Amitié Charles Péguy, n° 114, avril-juin 2006, pp. 175-188.
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