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Article de revue

À la recherche de la République sociale : René Goblet et Jean Jaurès

Pages 55 à 73

Notes

  • [*]
    Renaud Quillet, professeur agrégé et docteur en histoire contemporaine de l’université de Picardie Jules Verne avec une thèse : La gauche républicaine et révolutionnaire dans le département de la Somme de 1848 au début des années 1920, soutenue le 11 décembre 2003 sous la direction de Madame le Professeur Nadine-Josette Chaline, 3 volumes ; 920 p. Une version allégée de la thèse est en préparation pour les éditions Encrage d’Amiens.
  • [1]
    Cf. Jean Jaurès, « Souvenirs », L’Humanité, 17 septembre 1905.
  • [2]
    Les lignes qui suivent sont notamment issues de recherches menées dans le cadre de l’élaboration de ma thèse de doctorat, La Gauche républicaine et révolutionnaire dans le département de la Somme de 1848 au début des années vingt, consultable à la Bibliothèque de l’Université de Picardie Jules Verne ainsi qu’aux Archives de la Fondation nationale des Sciences politiques.
  • [3]
    Dans L’Humanité du 24 septembre 1910, cité par Gérard Baal, « La gauche du radicalisme à la veille de 1914 » in Jean Zay et la gauche du radicalisme, Antoine Prost (dir.), Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 2003, p. 17.
  • [4]
    Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.
  • [5]
    Archives départementales de la Somme (désormais A.D.S.), 1 M 772 : Boulangisme. Ce sont déjà « les mares stagnantes du scrutin d’arrondissement » dénoncées vingt ans plus tard par Aristide Briand.
  • [6]
    Jean Garrigues, Le Général Boulanger, Paris, Olivier Orban, 1991, p. 277.
  • [7]
    A.D.S., 1 M 772.
  • [8]
    Cf. Fresnette Ferry-Pisani, Le Général Boulanger, Paris, Flammarion, 1969, p. 212-213.
  • [9]
    Bibliothèque municipale d’Amiens (désormais B.M.A.), B 1909 : Lettres de René Goblet à Alphonse Delpech. Lettre du 23 juin 1891
  • [10]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 9 décembre 1892.
  • [11]
    Cf. Claude Bellanger et alii, Histoire générale de la Presse française. Tome III : De 1871à 1940, Paris, P.U.F., 1972, p. 373.
  • [12]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 8 juin 1896.
  • [13]
    Cf. Claude Nicolet, Le Radicalisme, Paris, P.U.F, « Que sais-je ? », 1957, rééd. 1983, p. 30-31.
  • [14]
    Ce raprochement croissant du radical avancé qu’est Goblet avec les socialistes indépendants à la Millerand est souligné par Jean-Marie Mayeur, La Vie politique sous la Troisième République, 1870-1940, Paris, Le Seuil, Coll. « Points Histoire », 1984, p. 157-158.
  • [15]
    Cf. Charles Seignobos, L’Évolution de la Troisième République (1875-1914), Tome VIII de l’Histoire de la France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la Paix de 1919, dir. Ernest Lavisse, Paris, Hachette, 1921, p. 169-170.
  • [16]
    Cf. Jean Jaurès, Œuvres. Tome I : Études socialistes (1888-1897), éd. Max Bonnafous, Paris, Rieder, 1932, p. 148-149.
  • [17]
    B.M.A., B 1909 : Lettres du 22 novembre et du 4 décembre 1896 et du 7 mars 1897.
  • [18]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 28 novembre 1893.
  • [19]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 28 novembre 1893.
  • [20]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 23 octobre 1895.
  • [21]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 4 décembre 1896.
  • [22]
    Cf. Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 167.
  • [23]
    Cf. Gérard Baal : Le Parti radical de 1901 à 1914, thèse sous la direction de Maurice Agulhon, Paris, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 1991, p. 38.
  • [24]
    Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.
  • [25]
    Jean Jaurès, « Le programme socialiste », discours à Marseille le 25 mai 1893, in Œuvres. Tome I, op. cit., éd. Bonnafous, p. 148-149.
  • [26]
    Jean Jaurès, « Propriété individuelle et collectivisme », La Dépêche, 3 octobre 1893, in Œuvres. Tome I, op. cit., éd. Bonnafous, p. 165 -168.
  • [27]
    Il fait ici allusion à l’Affaire Dreyfus.
  • [28]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 20 novembre 1897.
  • [29]
    Cf. Gérard Baal, op. cit., p. 40.
  • [30]
    Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.
  • [31]
    A.D.S., 1 M 772.
  • [32]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 28 novembre 1893.
  • [33]
    Il y aurait toute une généalogie à faire de la valeur et de la portée idéologiques de cette notion de nationalisation à travers les décennies, tantôt emblème du réformisme bourgeois, tantôt symbole – positif ou négatif – du collectivisme révolutionnaire.
  • [34]
    Cf. Georges Lefranc : Le Mouvement socialiste sous la Troisième République. Tome 2 : 1920-1940, Paris, Payot, 1963, rééd. 1977, p. 223(n).
  • [35]
    Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.
  • [36]
    Cf. Gérard Baal, op. cit., p. 40.
  • [37]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 23 janvier 1893.
  • [38]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 3 septembre 1895.
  • [39]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 15 octobre 1893.
  • [40]
    Jean Jaurès, « République et socialisme », Discours à la Chambre, 21 novembre 1893, in Œuvres. Tome I, op. cit., éd. Bonnafous, p. 234.
  • [41]
    Cf. Georges Lefranc, op. cit. Tome 1 : 1875-1920, p. 89.
  • [42]
    Cf. Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.
  • [43]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 12 décembre 1894.
  • [44]
    Cf. Gérard Baal, op. cit., p. 5.
  • [45]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 12 juin 1895.
  • [46]
    Cf. Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 163.
  • [47]
    Cf. Charles Seignobos, op. cit., p. 183 et 189.
  • [48]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 23 octobre 1895.
  • [49]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 8 juin 1896.
  • [50]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 19 mars 1896.
  • [51]
    Cf. Max Gallo, Le Grand Jaurès, Paris, Robert Laffont, 1984, p. 188-189, et Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 168.
  • [52]
    La Lanterne du 4 juin 1896.
  • [53]
    Cf. Gérard Baal, op. cit., p. 40.
  • [54]
    Ibidem, p. 29.
  • [55]
    Il est évident qu’il entend ici le terme « progressiste » en son sens premier, et non à celui qui est en vogue à l’époque.
  • [56]
    Cf. Gérard Baal, op. cit., p. 30.
  • [57]
    Ibidem, p. 44.
  • [58]
    Ibidem, p. 30.
  • [59]
    Ibidem, p. 41.
  • [60]
    Un des ouvrages préparatoires à L’Armée nouvelle. Cf. Jaurès et la défense nationale, Cahier 3, Jean Jaurès, bulletin de la SEJ, n? 130.
  • [61]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 12 janvier 1900.
  • [62]
    Cf. « Souvenirs », op. cit.
  • [63]
    Cité par Baal, op. cit., p. 111.
  • [64]
    Notamment dans sa profession de foi de 1910. Cf. Paul Baquiast : « Camille Pelletan » in Jean Zay et la gauche du radicalisme, op. cit., p. 47.
  • [65]
    Cf. Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 168.
  • [66]
    Encore que les relations qui ont existé entre Guesde et ses amis d’une part et Goblet d’autre part pourraient amener à relativiser cette réserve.
  • [67]
    Cf. Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 141-143.
  • [68]
    Cf. Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.
English version

1René Goblet (1828-1905) est aujourd’hui une figure assez oubliée des premières décennies de la Troisième République. On ne se souvient plus guère de lui que comme l’auteur de la loi qui porte son nom, et qui paracheva la rénovation laïque et républicaine de l’enseignement primaire par Jules Ferry. Paradoxe ironique de la mémoire quand on sait la détestation irrépressible qu’éprouvait Goblet à l’égard de l’homme d’État vosgien. Tout au plus, certains de nos contemporains, plus érudits que d’autres, se rappellent-ils parfois qu’il fut président du Conseil au moment de l’affaire Schnaebelé, puis qu’il présida à l’ouverture du congrès fondateur du parti radical en 1901.

2Goblet mérite pourtant l’attention. Au-delà d’une œuvre parlementaire et politique considérable, qu’à sa mort, en septembre 1905, Jaurès lui-même reconnaîtra comme « très importante [1] », il témoigne d’une pensée personnelle profonde et souvent hardie. À partir de 1889, celle-ci a conduit ce radical convaincu à côtoyer durablement quelques-unes des plus fortes personnalités du socialisme français, et tout spécialement Jean Jaurès, et à explorer parallèlement à eux, et plus d’une fois de concert avec eux, les voies d’une République sociale. À ce titre, l’itinéraire de Goblet en ces années peut fournir un éclairage sur une période décisive de la maturation de la personnalité et de la pensée de l’élu de Carmaux [2].

3Venu à Paris passer sa licence en droit, René Goblet se trouve ainsi par hasard dans la capitale lorsqu’éclate la révolution de février 1848 et reçoit alors son baptême de feu politique. Marqué par cet événement et par la question sociale (il lit Louis Blanc et aussi Proudhon, qui ne le convainc guère), il est cependant choqué par les débordements de violence et séduit par l’œuvre de Tocqueville. En conséquence, il préfère soutenir Cavaignac à l’élection présidentielle. Ayant achevé ses études de droit, il s’inscrit en décembre 1850 au barreau d’Amiens, ville où son père s’est installé peu de temps auparavant, et qui va devenir la sienne pendant près de quarante ans. Sa réussite professionnelle est assez rapide : il plaide aussi bien aux assises qu’au civil, pour des procès de presse ou de droit commun, pour des opposants républicains que pour des gens modestes.

4Sans militer, il ne fait cependant pas mystère de ses convictions républicaines, et refuse plusieurs postes dans la magistrature sous l’Empire, pour ne pas avoir à prêter serment à Napoléon III. À la fin des années 1860, il se lance véritablement dans l’action politique et concourt dans la Somme au regroupement du parti républicain. Après le 4-Septembre, il participe à l’instauration d’une administration républicaine en acceptant les fonctions de procureur général près la Cour d’Appel d’Amiens. Dans les années suivantes, il entre au conseil général de la Somme et au conseil municipal d’Amiens, dont il est maire entre 1876 et 1879. Cependant, il a été élu député de la Somme à l’Assemblée nationale dès le 2 juillet 1871, et privilégie désormais sa carrière nationale.

5À l’Assemblée nationale, puis à la Chambre des Députés, où il entre au renouvellement d’octobre 1877 et où il siège sans discontinuer jusqu’en 1889, il se comporte en républicain de stricte obédience, et par-dessus tout en défenseur résolu de la souveraineté populaire et des libertés publiques. Il entame une carrière ministérielle comme sous-secrétaire d’État à la Justice dans le ministère Waddington (4 février – 27 décembre 1879). Ce nouveau palier dans sa destinée publique n’altère en rien son tempérament et ses convictions, et, dans les années suivantes, il fait montre de son libéralisme récurrent en matière politique, par exemple en rapportant la loi d’amnistie des communards en 1880 ou en s’opposant à la suspension de l’inamovibilité des magistrats. Il manifeste aussi une réticence croissante vis-à-vis des deux hommes forts de l’opportunisme en boudant le « Grand Ministère » de Gambetta – sans toutefois voter contre lui –, et en mesurant son soutien à Ferry, avant de s’opposer à lui, allant jusqu’à contribuer activement à la chute du cabinet. Alors que, dès cette époque, se dessine la « dualité essentielle » du radicalisme entre radicaux portés à un jacobinisme intransigeant et radicaux de gouvernement que Jaurès évoquera en 1910 [3], Goblet récuse donc cette dichotomie et combine acceptation de la responsabilité gouvernementale et attachement résolu à ses convictions essentielles. Jaurès, d’ailleurs, ne se fera pas faute de rendre hommage à son « grand courage d’esprit. Quand il avait adopté une résolution, un système politique, aucun incident ne l’en détournait, et il engageait à fond sa responsabilité [4]. » Tout en affichant et en défendant fermement ses positions, il devient ainsi l’une des figures en vue du personnel ministériel des années 1880. Il est notamment ministre de l’Intérieur dans le second cabinet Freycinet (30 janvier – 6 août 1882), et dépose alors le projet de loi qui sera à l’origine de la grande réforme municipale de 1884, tout en esquissant diverses mesures visant à républicaniser l’organisation administrative du pays. Plus tard, il occupe le ministère de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes dans le premier cabinet Brisson et dans le troisième cabinet Freycinet, soit du 6 avril 1885 au 10 décembre 1886 sans interruption. Dans le cadre de ces fonctions, entre autres initiatives, et à défaut d’avoir pu convaincre le législateur de constituer de véritables universités, il dote les facultés du statut et de l’organisation qui resteront pour l’essentiel les leurs jusqu’en 1968. Mais son œuvre la plus importante au sein de ce département ministériel réside dans préparation et l’obtention du vote de la fameuse loi du 30 octobre 1886, à laquelle son nom restera attaché. Ce texte, qui précise les structures et les règles de fonctionnement de l’enseignement primaire, planifie et organise la laïcisation de son personnel et permet la véritable mise sur pied des premières écoles maternelles.

6Après la démission du troisième ministère Freycinet, Goblet est appelé par Grévy à la présidence du Conseil le 11 décembre 1886. Son gouvernement est qualifié de « ministère Freycinet sans Freycinet », bien qu’en réalité il ait été assez profondément remanié par rapport à celui de son prédécesseur. Sa déclaration ministérielle, prudente de ton, mais qui comporte un réel programme de réformes, promet notamment d’améliorer l’état des finances publiques. Il tombera précisément à l’issue d’un débat financier, les projets de réforme fiscale de son ministre des Finances, incluant un impôt sur le revenu, se heurtant à l’hostilité combinée de la droite, des ferrystes et de certains radicaux. En fait, le renversement du Cabinet Goblet, le 18 mai 1887, vise avant tout, en tout cas pour les amis de Jules Ferry, à écarter du ministère de la Guerre le général Boulanger, dont la popularité croissante les effraie, a fortiori depuis l’affaire Schnaebelé. Durant celle-ci et d’une manière générale, Goblet a, quant à lui, été solidaire de Boulanger, qu’il ne désavouera nettement qu’après que celui-ci aura pris la tête du mouvement qui porte son nom. L’année suivante, le député de la Somme accepte d’entrer dans le cabinet Floquet (3 avril 1888 – 21 février 1889) comme ministre des Affaires étrangères. Il s’associe aux projets de réforme constitutionnelle du ministère, qui provoquent la chute de celui-ci. Tout ministre qu’il est, il se dresse cependant résolument contre le retour au scrutin d’arrondissement et l’interdiction des candidatures multiples. Quelques mois plus tard, en pleine campagne électorale, il justifie ainsi sa position : « J’ai lutté contre le scrutin d’arrondissement car j’aurais voulu que le pays se livrât à une grande bataille électorale au lieu de se trouver enfermé dans les limites étroites des arrondissements [5]. » Et lors du vote à la Chambre de la loi proscrivant les candidatures multiples, il a déclaré : « C’est une loi de panique [6]. » Il y voit en effet une atteinte à la liberté électorale [7]. S’il s’avère rapidement que son point de vue n’est pas majoritaire sur ces deux points, il ne bataille pas seul, puisqu’il trouve à ses côtés son jeune collègue du Tarn, Jean Jaurès [8]. Est-ce un hasard si celui-ci, élu comme républicain de gouvernement en 1885, et qui va bientôt se découvrir socialiste, croisera souvent la route de Goblet à l’avenir ?

7Aux élections générales de 1889, Goblet, qui a discerné dans le boulangisme populaire l’expression d’une déception à l’égard d’une République ressentie comme socialement trop conservatrice, doit cependant s’incliner dès le premier tour devant le candidat local du parti révisionniste : abandonné par une fraction de l’électorat républicain modéré qui lui reproche précisément ses critiques contre l’ordre social, il voit symétriquement lui échapper une part du monde ouvrier, momentanément séduit par Boulanger, phénomène clairement mis en évidence par Jaurès dans La Dépêche de Toulouse du 27 octobre 1889. Abandonnant alors la Somme pour la Seine, il est élu sénateur en 1891, puis – marque de son attachement à la primauté du suffrage direct – député en 1893. Dès lors, solidement installé à l’aile gauche du radicalisme, il lance maintes passerelles vers la mouvance socialiste, nouant des liens durables avec certaines des figures les plus notables de sa représentation parlementaire.

8Dès juin 1891, il est ainsi en rapport régulier avec Alexandre Millerand [9], et, quelque temps plus tard, il évoque spontanément dans sa correspondance « notre ami Jaurès [10] ». Depuis novembre 1891, avec Millerand et son ancien ministre et ami radical Édouard Lockroy, il a, en outre, pris la direction de La Petite République, journal qu’il contribue à imposer comme un organe important de la gauche radicale et du socialisme indépendant [11]. Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir, dans les années suivantes, l’ancien président du Conseil tourner avec constance ses regards vers ses collègues socialistes de la Chambre. « Je ne me cache pas de les préférer à tant de traîtres ou de timides toujours prêts à nous lâcher et à qui incombe la responsabilité de ministères comme celui dont nous jouissons en ce moment », dira-t-il quelques années plus tard [12]. En novembre 1891 encore, il rédige au nom des radicaux-socialistes un manifeste ainsi formulé : « Nous sommes pour la politique d’évolution, contre la politique de résistance, pour accomplir les réformes sociales qui, de l’aveu de tous les partis, s’imposent à notre temps. Nous faisons plus qu’accepter, nous réclamons, le concours de tous les républicains, de tous les socialistes, si hardies que nous puissent paraître leurs théories, pourvu qu’ils ne demandent qu’à des moyens pacifiques et légaux le triomphe de leurs idées [13]. » Puis, les élections de 1893 approchant, il confirme très clairement son orientation : « [...] nous cherchons nos alliés à gauche [14]. » Et dans un discours à Bordeaux, le 22 mai 1893, il déclare que la concentration est dépassée et se prononce pour une majorité radicale incluant les socialistes [15], ce que Jaurès ne manque pas de saluer avec chaleur au cours d’une allocution à Marseille, le 25 mai [16]. De telles positions valent à Goblet, pendant la campagne législative de cette année 1893, d’être qualifié par son adversaire nationaliste d’« ami des révolutionnaires et des anarchistes, même des sans-patrie ». Si la formule est évidemment polémique, il n’en est pas moins vrai que les initiatives et les votes de Goblet au Parlement prennent bien souvent l’allure de ponts jetés à l’extrême gauche entre radicaux et socialistes : appel à une révision constitutionnelle pour assurer la prééminence de la Chambre sur le Sénat, volonté de dénoncer le Concordat et de réaliser la liberté d’association pour ouvrir la voie à la séparation des Églises et de l’État, etc. Par la suite, en décembre 1896 et durant toute l’année 1897, entraînant les radicaux les plus avancés, c’est en lien étroit avec les parlementaires socialistes, particulièrement Millerand et Jaurès, qu’il anime à la Chambre et dans la presse une campagne en faveur du scrutin de liste [17]. Goblet ne va cependant pas jusqu’à envisager d’intégrer le groupe socialiste qui s’est constitué à la Chambre : « Je n’ai jamais voulu faire partie du groupe socialiste à la Chambre. Je l’avais dit à Millerand avant l’élection ; je l’ai répété le lendemain dans mon interview du xixe Siècle et depuis, dans les trois ou quatre discours de banquets politiques que j’ai prononcés [18]. » Par attachement à la pérennité de l’étiquette républicaine radicale, certes. Mais aussi « pour une raison bien nette et bien claire, c’est que le groupe socialiste inscrit en tête sur son drapeau le collectivisme et l’internationalisme et que j’ai toujours réprouvé le collectivisme et refusé d’entendre l’internationalisme à leur façon [19] ». Il laisse ainsi entendre qu’il ne rejette pas toute idée d’internationalisme. C’est donc en fait le collectivisme qui constitue pour lui le principal obstacle, et il ne manque pas de rappeler, au long de ces années, qu’il l’a « toujours récusé très hautement [20] ». De fait, sans en faire son obsession, mais quand l’occasion s’en présente, invite-t-il ses nouveaux amis socialistes à se défaire explicitement de « leurs doctrines collectivistes qui n’ont guère de chance d’ailleurs de réunir jamais de majorité [21] ». Aussi, si lors du fameux banquet de Saint-Mandé, le 30 mai 1896, on peut entendre Millerand citer l’exemple des raffineries de sucre – fort importantes en Picardie – comme celui d’une industrie où l’on pourrait expérimenter « l’appropriation sociale [22] », il est permis de dire que l’orateur n’a en tout cas pas reçu cette suggestion de l’ancien député de la Somme. En effet, le 25 janvier 1897, dans un discours à la Chambre, celui-ci prend position contre le monopole d’État sur le raffinage du sucre dont Jaurès a repris entre-temps l’idée : « Je ne vois pas bien l’État vendeur et exportateur de sucre ni fixant le salaire des ouvriers producteurs de betterave. Ce serait un premier pas, que nous ne voulons pas faire, sur le terrain collectiviste [23]. » D’une manière plus générale, dans La Lanterne du 4 juin 1896, Goblet avait déjà dit refuser au nom des radicaux « l’expropriation par la collectivité de toutes les propriétés particulières » et vouloir au contraire « faire de l’ouvrier [...], par l’association et la participation aux bénéfices, un copropriétaire du capital et de l’industrie ». Et à la fin de 1897, il ne se fera pas faute de relever que Le Temps dit d’un de ses récents discours « qu’on ne pouvait faire une réfutation plus vigoureuse de l’utopie collectiviste. »

9Or, à cet égard, l’estime incontestable de Jaurès pour Goblet – il louera à sa mort, en dépit de « la vivacité de son tempérament et de ses colères soudaines », son « cœur affectueux » et son « exquise et bienveillante urbanité [24] » – et la propension à la synthèse du tribun socialiste ne conduiront jamais celui-ci aux concessions sollicitées par l’ancien président du Conseil sur le terrain du collectivisme. Dès 1893, l’élu du Tarn, notant que le « citoyen Goblet paraît croire que le collectivisme n’est qu’une conception individuelle ou qu’une opinion théorique qui, de longtemps, ne viendra pas même en discussion et qu’on peut traiter comme quantité négligeable », affirme sans ambages que « le collectivisme est le fonds, la substance même du socialisme. Il est peut-être plus près qu’on ne l’imagine d’entrer tout entier dans les faits. En tout cas, c’est parce qu’il y a un parti affirmant sans cesse le socialisme total et pesant sur la politique de tout le poids de son organisation et de toute la force de ses idées absolues, que le pays viendra peu à peu aux réformes partielles et préparatoires. Le socialisme collectiviste est le grand ressort de la politique réformatrice et nous ne pouvons ni l’affaiblir ni le briser [25]. » Cette question du collectivisme apparaît à Jaurès comme le nœud d’un malentendu entre Goblet et les socialistes. Relevant que, lors d’un banquet donné en son honneur à Saint-Mandé, le 24 septembre 1893, l’ancien parlementaire picard, récusant une nouvelle fois le collectivisme, avait proclamé que « bien loin de vouloir abolir la propriété individuelle, nous voulons l’étendre », le député de Carmaux conteste hautement qu’il y ait opposition entre la propriété collective et la propriété individuelle : « le droit de propriété souveraine que le collectivisme veut attribuer à la nation n’exclut en aucune manière la propriété des individus ou des associations particulières. Il n’a d’autre effet que de donner à la nation le pouvoir d’intervenir dans la constitution de l’exercice de la propriété individuelle, de telle façon que la possession effective du capital soit assurée toujours à ceux qui travaillent, à ceux qui produisent, et que l’homme ne puisse jamais exploiter l’homme. [...] Le collectivisme, bien loin de détruire la propriété individuelle en ce qu’elle a de légitime, est le seul moyen aujourd’hui non seulement de l’étendre, mais de l’universaliser [26]. » Subtilité et puissance de la dialectique jaurésienne, profondeur et souplesse de son génie synthétique, qui d’ailleurs ne font sans doute pas l’unanimité des socialistes et ne convaincront pas Goblet. Pour autant, « s’en déduit-il, écrira celui-ci en 1897, que nous ne devrions pas préférer les voix des collectivistes qui votent avec nous nos réformes, à celles des amis de M. Méline qui les combattent ? [...] il me semble qu’à le considérer toujours [le collectivisme] comme un péril sérieux on le crée à plaisir. C’est ce qu’on a fait jadis vis-à-vis du boulangisme. La leçon aurait dû nous profiter. Hélas nous avons de bien plus graves sujets [27] d’appréhension [28]. » Goblet, anticollectiviste, se refuse donc très nettement à récuser le socialisme en lui-même : bien plus, le 11 octobre 1896, à Limoges, tout en rejetant une fois de plus les thèses collectivistes comme « contraires aux instincts essentiels de la personne humaine », il va jusqu’à se qualifier lui-même de socialiste : « Être socialiste, c’est confesser l’injustice de l’état social actuel, et se déclarer résolu à en poursuivre sincèrement l’amélioration [29]. » Mais son « socialisme » se bornerait-il au sens qu’il avait souvent dans sa jeunesse : un intérêt mal défini pour la « question sociale » ? Non, semble-t-il, puisqu’il paraît impliquer une contestation globale de l’ordre social. À ce stade, il est cependant utile d’examiner les conceptions économiques et sociales de Goblet.

10À cet égard, celui-ci n’a jamais livré d’un bloc une théorie générale déduite d’une conception philosophique a priori de l’Homme et de la Société. Réalité qui conduira Jaurès à écrire, en 1905, que Goblet, au-delà « de vives et généreuses impulsions », était dépourvu « d’une pensée systématique. Au fond, cet homme qui passait pour un doctrinaire, et qui en avait parfois l’apparence, n’avait pas de doctrine [30]. » Ce jugement nous semble mésestimer la portée et la rigueur de la réflexion de l’intéressé, mais, de fait, si Goblet a produit un corps de doctrine en matière économique et sociale, ce fut à mesure, au fil de sa longue carrière d’homme public, au contact des enjeux concrets posés à qui voulait peser sur la conduite des affaires de la France. Dans sa jeunesse, on l’a dit, il a lu Proudhon, et probablement d’autres textes du socialisme « utopique », mais ne les a guère goûtés. Assez longtemps, sans sacrifier à un attachement dogmatique au libéralisme économique et sans être fermé aux récriminations et aux revendications des critiques et des laissés pour compte de l’ordre existant, il se montre assez prudent, et privilégie la recherche d’issues pragmatiques aux problèmes rencontrés çà et là. En 1888 encore, interpellé sur la grève des tisseurs de la région d’Amiens, il avoue ne rien connaître à la question. Il manifeste toutefois sa volonté d’aider à une solution équitable du conflit [31]. Déjà à l’époque, cependant, et notamment durant son passage à la tête du gouvernement, plus dans les orientations et les conséquences implicites de ses votes et de sa gestion que dans ses professions de foi publiques, il a commencé à marquer de plus en plus nettement ses distances avec l’orthodoxie libérale et à assigner un rôle important à l’État dans le fonctionnement de l’économie. Il ne faut bien entendu pas exagérer ses tendances et penser que, dans les faits mêmes, Goblet aurait devancé de cinquante ans la Théorie générale de Keynes ou le New Deal de Roosevelt. Il n’empêche qu’il ressent, certes sans doute un peu confusément, à partir de 1885, que les difficultés de la gauche peuvent venir pour partie de l’inadaptation du contenu de la politique que la majorité de ses dirigeants soutient alors.

11La tourmente boulangiste amène en tout cas l’ancien président du Conseil à préciser et à radicaliser ses positions en matière économique. Lorsqu’il se présente en 1891 à une élection sénatoriale dans la Seine, qu’il remportera, son programme évoque notamment un vigoureux effort d’équipement de la banlieue parisienne, une démocratisation de l’administration locale et la réforme de l’impôt en faveur des classes laborieuses. Pendant son séjour de deux ans sur les bancs de la Haute Assemblée, il milite en ce sens et défend des orientations nettement progressistes dans les débats en faveur d’une meilleure réglementation du travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans l’industrie, contre les atteintes au droit syndical et pour la conciliation et l’arbitrage facultatifs dans les conflits du travail. Plus encore, dès le début de ces années 1890, se prononce-t-il, et il n’en démordra plus, pour une nationalisation substantielle des secteurs bancaires et miniers. En ce qui concerne les banques, sans être nécessairement pour leur nationalisation totale, il souhaite qu’elles ne soient plus entre les mains d’un petit nombre de hauts financiers. À l’égard des mines, il prône une indemnisation modérée des propriétaires, ce qui est faire preuve d’une certaine audace à une époque où la propriété privée, hors des cercles collectivistes, et notamment dans son propre milieu, demeure fortement sacralisée. La nationalisation faite, il suggère que l’État exploite les mines ou les rétrocède, mais en ce cas avec des garanties pour aboutir à une rémunération accrue des travailleurs [32]. De telles prises de position le rapprochent fortement de socialistes comme Jaurès et Millerand. L’idée de nationalisation connaîtra des hauts et des bas chez les socialistes. Elle sera longtemps volontiers tenue en suspicion chez ceux d’entre eux qui seront les plus soucieux de récuser l’étiquette de réformiste, puisqu’elle est a priori réalisable dans le cadre de la légalité parlementaire, pour ainsi dire « bourgeoise ». Les positions et les interprétations sur cette question ont à vrai dire beaucoup et souvent fluctué [33]. Ainsi, dans son Dictionnaire du socialisme, paru en 1911, le guesdiste Charles Vérecque voit dans « nationalisation » un synonyme de « socialisation ». Pour Léon Blum, dans les années 1930, les nationalisations dont il est question ici ressortiront plus du radicalisme à la Pelletan – il aurait aussi bien pu dire à la Goblet – que du socialisme [34]. Ce qui ne l’empêchera pas de les pratiquer, de manière cependant plus timide que ce que prônait Goblet, en 1936, ni d’approuver celles de la Libération... Ainsi Jaurès, à la mort de Goblet, tout à la fois déprécie quelque peu l’ampleur de la pensée du défunt et exagère la limpidité et la cohérence de la doctrine socialiste, en déplorant que le vieux républicain n’ait « pas trouvé la conciliation théorique du libéralisme superficiel dont il avait reçu la tradition, et des nécessités nouvelles de la liberté démocratique », et que « sa vie si probe, si noble, si utile », présente « quelque chose d’incertain et d’inachevé [35]. » Goblet, cependant, malgré son refus du maximalisme collectiviste, a, le 11 octobre 1896, à Limoges, appelé à « l’union des radicaux et des socialistes pour la réalisation des réformes comprises dans notre commun programme », qui selon lui comporte notamment l’exploitation par l’État des grands services publics, des mines et du crédit, le monopole de l’alcool et peut-être celui du raffinage du pétrole [36]. Tout en récusant donc l’étatisation intégrale et l’extinction de la propriété privée, il n’en mise pas moins, sur le terrain économique, sur un État fort, appuyé sur un large secteur public.

12Dès janvier 1893, il justifiait auprès du républicain amiénois Delpech, que ses accointances socialistes inquiétaient un peu, les idées de Millerand qui « ne sont pas aussi déraisonnables mon cher ami, que vous paraissez le croire. Lorsqu’il parle de nationalisation des chemins de fer et des mines il n’entend nullement les remettre aux prolétaires, mais à l’État ce qui a lieu, comme vous le savez, en plus d’un pays étranger. Ce qui est certain c’est qu’il est devenu absolument nécessaire d’opposer des barrières à l’oligarchie financière et capitaliste sous peine de verser définitivement dans la corruption et de rendre une nouvelle révolution inévitable par l’excès d’écart entre la richesse de quelques-uns et la gêne du plus grand nombre. Il faut absolument songer à cela [37]. » Toujours scrupuleux quand il s’agit d’engager les travailleurs à se lancer dans la lutte sociale – en l895, il refuse « après réflexion » au député de Carmaux de venir soutenir les ouvriers verriers en grève (« Je n’ai jamais voulu prendre la responsabilité d’encourager des ouvriers à se mettre en grève ou à y persévérer, à leurs risques et périls ; je me suis borné à envoyer ma souscription à La Dépêche[38]. ») –, il n’en est pas moins sans complaisance à l’égard des insuffisances du régime vis-à-vis des milieux populaires : « Je m’efforcerai certainement, pour ma petite part, d’en finir avec le régime qui n’est qu’un misérable travestissement de la République [39]. » Aussi, quand, le 21 novembre 1893, à la Chambre, Jaurès dénonce l’« intolérable contradiction » existant entre « l’ordre politique » républicain et « l’ordre économique dans notre pays », Goblet salue son intervention d’un « Très bien ! » retentissant [40]. Et à la fin de cette même année, il laisse le socialiste Millerand lui succéder à la direction de La Petite République[41], ne s’étant, quant à lui, dans l’exercice de cette charge, jamais désolidarisé de ses partenaires révolutionnaires [42]. Dans les années suivantes, il ne dévie pas de sa ligne de conduite, distincte de celle des socialistes, mais soucieuse de toujours maintenir un contact étroit avec eux. Entre autres proximités avec ceux-ci, il prône non seulement l’impôt sur le revenu, mais aussi bientôt l’impôt progressif sur les successions, que refuse alors nettement la majorité [43]. C’est que la pointe avancée de la scène politique sur laquelle il se tient le met à l’écart de la masse des républicains de gouvernement de ces années 1890. Ainsi, quand il dépose, en 1894, un projet de loi sur la nationalisation des mines, il n’est suivi que par 44 de ses collègues. De même, il est contredit par Léon Bourgeois, pourtant grande figure radicale, au nom de la liberté économique quand il défend le conseil municipal de Roubaix, qui a voulu instituer une pharmacie municipale [44].

13Contrepartie de cette relégation relative, Goblet est devenu l’orateur parlementaire le plus sollicité parmi les radicaux de gauche avec Pelletan [45]. Et avec Brisson, il est l’un des parlementaires de gauche qui harcèle le plus le cabinet Dupuy pendant et après le débat sur les « lois scélérates [46] ». C’est qu’il a radicalisé, sans jeu de mots, et cependant sans solution de continuité avec sa posture des années 1880, son hostilité au modérantisme : à la formation du ministère Ribot, au début de 1895, il dit qu’il s’agit là purement et simplement d’une résistance à la démocratie, et il réitère ce jugement lors de la constitution du ministère Méline le 29 avril 1896 [47]. Loin du centre républicain converti à la concentration, il tient ferme sur sa position, méprisant les confusions entretenues d’après lui sur son compte par les partisans de la majorité gouvernementale : « [...] il faut faire un parti de réformes contre le parti de la résistance, et [...] puisque les opportunistes se sont rangés dans ce dernier, les socialistes sont un élément indispensable de l’autre. Quant au collectivisme, je l’ai toujours récusé très hautement et j’ai encore fait une allusion assez claire à ce sujet dans mon discours de Samedi. Cela n’empêche pas l’entente sur le reste. Jaurès qui assistait au banquet me faisait des signes d’adhésion et Millerand a tenu à s’en expliquer hier encore dans La Petite République[48]. » S’étant ainsi adressé à Alphonse Delpech, il regrette que celui-ci se soit « fait du collectivisme un monstre qui vous trouble singulièrement. Pour moi, je me contente de ne pas y croire et je reste persuadé que la grande masse du suffrage universel n’y croit pas plus que moi. En attendant les gens qui le professent, Millerand, Jaurès et même J. Guesde sont de fervents républicains sur le concours desquels je sais que l’on peut compter pour les réformes que je considère comme prochainement réalisables, et cela me suffit. [...] Je crois qu’on devient collectiviste à Paris comme on y était devenu boulangiste en 1889. À qui la faute ? À la politique éternellement décevante des soi-disant modérés qui nous tiennent. C’est toujours la même histoire, et probablement ils le paieront comme toujours. Je ne les plaindrai pas [49]. » Il reprend inlassablement cette argumentation dans les deux années suivantes. Au cœur des années 1890, Goblet peut d’ailleurs considérer que les faits concrets vérifient largement ses propres déductions. N’entretient-il pas des rapports réguliers, notamment à l’occasion de procès de presse, avec le très marxiste Jules Guesde lui-même [50] ? Et lors de ce que l’histoire retiendra comme le fameux banquet de Saint-Mandé, le 30 mai 1896, les principaux chefs de file du socialisme français, de Guesde à Brousse et de Vaillant à Jaurès, n’ont-ils pas donné leur approbation au discours de ce Millerand, qui, à plus d’un égard, n’est alors pas loin d’apparaître comme une manière de fils spirituel de l’ancien député de la Somme, et dont les propos du jour, loin de paraître tièdes, vont inquiéter au plus haut degré la bourgeoisie [51] ? Quelques mois auparavant, dans La Lanterne, il jugeait « aisée » l’entente avec « les membres du groupe voisin du nôtre [52] », et il songeait bien évidemment aux socialistes. Jaurès constate d’ailleurs alors un net clivage entre Bourgeois et Goblet : le premier cherche à se séparer le plus possible du « diable collectiviste » alors que le second juge le concours socialiste nécessaire à l’application d’une politique radicale [53]. Le 7 février 1897, de manière un peu plus mesurée qu’à Limoges en octobre précédent, lors d’un banquet réuni à Paris à l’hôtel Continental sous la présidence de Bourgeois pour fêter le succès radical aux élections sénatoriales, Goblet, en tant que président du groupe radical-socialiste de la Chambre, précise que celui-ci « s’est donné principalement pour but de servir de trait d’union entre les radicaux et les socialistes [54] ». Deux mois plus tard, lors d’un punch au Grand Orient offert au Comité d’action pour les réformes républicaines par le comité radical-socialiste du 1er arrondissement de Paris dont Goblet fait partie, celui-ci réitère son appel à l’union « de toutes les fractions de l’opinion républicaine », de « toutes les fractions progressistes [55] sur la base de la plateforme du Comité d’action [56] ». Il estime sa position d’autant plus justifiée que « jamais la situation n’a été aussi grave depuis le 16-Mai [57]. » En juillet suivant, il est cosignataire avec Mesureur et Dujardin-Beaumetz d’un manifeste préélectoral publié par le Comité d’action en vue des élections générales de l’année suivante : le texte est très dur envers Méline et prône la révision constitutionnelle et la réforme fiscale [58]. Toutefois, Bourgeois donne plus que Goblet le la de la campagne électorale radicale en vue du renouvellement de la Chambre en 1898 : on y pourfend avant tout le cléricalisme et le ralliement [59].

14Un peu plus tard, en janvier 1900, Goblet, dans une nouvelle lettre à son vieil ami Delpech, fait le point sur ses conceptions militaires générales. Confiant à celui-ci qu’il vient de lire L’Armée d’une Démocratie de Gaston Moch, qui préconise une armée de milice à la suisse [60], il lui précise penser que ce pourrait être la solution à la « si grave crise du militarisme qui [...] domine toute notre politique en ce moment [61]. » On découvre ici un Goblet ouvert, sous condition qu’elles n’altèrent pas l’efficacité de l’outil militaire, à des conceptions réformatrices, profondément imprégnées de civisme, nostalgiques peut-être de l’image d’Épinal des soldats de l’An II, mais aussi annonciatrices des vues jaurésiennes.

15Ainsi, au long des années 1890, Goblet, de manière plus ou moins consciente ou ouverte, s’est engagé, de concert avec quelques-unes des plus éminentes figures socialistes du temps, au premier rang desquelles Jaurès, dans un processus qui paraissait devoir mener à l’émergence d’une nouvelle organisation de la gauche, peut-être même d’un nouveau parti, amalgamant peu à peu les aspirations radicales et socialistes, produisant une nouvelle synthèse républicaine à vocation majoritaire, voire hégémonique, qui ferait coexister démocratie libérale et construction d’un ordre économique et social nouveau. Pourtant, ce processus n’aboutira finalement pas : le parti radical va se structurer, devenir durablement la première force de la gauche française ; il ne sera pas capable d’incarner un radicalisme où République et action économique et sociale volontaire marchent d’un même pas, d’ouvrir des perspectives pratiques de progrès social propres à garder à la République qu’il incarne une attraction sans pareille sur la société ; la République radicale vieillira insensiblement, tendra à se scléroser, ébranlée par la concurrence de la révolution socialiste, puis communiste ; le socialisme, de son côté, va développer sa propre organisation, élargir considérablement son audience, s’unifier même un temps. En sa maturité, Jaurès va sembler ressusciter les espoirs caressés naguère par Goblet : celui-ci avait appelé de ses vœux un parti républicain refondé, capable de reprendre à son compte ce que le socialisme avait de légitime et de réalisable. Le tribun de Carmaux va rêver, théoriser et même paraître commencer à édifier un socialisme qui assumerait pleinement tout l’héritage et tout l’avenir des gauches, accomplissant l’idéal de la République. Quand Goblet déduisait une active politique sociale de la République, Jaurès prétendra retrouver la République à travers le socialisme. Mais ce programme ne sera pas non plus tenu. Ni du vivant de Jaurès, ni après lui, le socialisme français ne réussira à incarner ni toute l’identité républicaine, ni même toute l’identité révolutionnaire. Peinant à supplanter le radicalisme, ce à quoi il ne parviendra que très tardivement et par des causes en bonne partie indépendantes de sa volonté, il devra bientôt affronter la rude concurrence du communisme, pour ne pas parler des gauchismes, cependant qu’il se verra également disputer la conquête des masses par d’autres courants comme la démocratie chrétienne et le gaullisme.

16Auparavant, les gauches s’étaient malgré tout rapprochées pour une période assez décisive à partir de 1898, et il y eut là, en dépit de tout, aux dires mêmes de Jaurès [62], une postérité de l’action passée de Goblet. Elles se rassembleront à nouveau dans l’avenir. Républicains et radicaux ne sont pas fermés à la question sociale, pas plus que beaucoup de socialistes n’ont jamais été étrangers à la tradition républicaine. Mais de la possibilité, jamais acquise, quoique nous semble-t-il entrevue, d’une unification organique entre les courants républicains et socialistes, il ne fut plus question après la fin des années 1890. La volonté et l’effort de Goblet pour transcender définitivement le clivage entre République et socialisme et résoudre les contradictions entre les institutions démocratiques et les espérances révolutionnaires ne l’emportent pas. On peut considérer qu’ils connaîtront bien plus tard une certaine – ultime ? – réincarnation avec la tentative de rénovation du parti radical entreprise par Pierre Mendès France et ses amis entre 1955 et 1957. Sans plus de lendemain. Exagérons-nous ici l’enjeu de ce dont René Goblet a été l’un des protagonistes entre 1890 et 1898 environ ? C’est possible. Mais il ne nous paraissait pas inutile de tenter cette mise en perspective. Si celle-ci est globalement exacte, c’est une assez grosse partie qui s’est jouée, et finalement perdue, au cours de cette décennie. Les causes de l’échec survenu in fine justifieraient à elles seules, nous semble-t-il, une étude spécifique. Sans nous engager dans de nouveaux développements sur ce point, il ne nous paraît pas impossible que, même si de nombreux obstacles structurels existaient, ces causes aient été assez largement contingentes, déterminées notamment par le calendrier électoral, les aléas de l’Affaire Dreyfus et les rapports de personnes. Il est vrai que Goblet lui-même, déjà âgé, éloigné dans ces années du centre de gravité des assemblées parlementaires – il est en outre, à l’instar de Jaurès, battu lors des élections législatives de 1898 –, étranger au fonctionnement des structures partisanes rigoureuses et disciplinées qui prévaudront plus tard, n’avait plus les meilleurs atouts en main pour contribuer efficacement au succès. Son rôle politique n’était pourtant pas achevé.

17Malgré l’éloignement de la perspective d’une union organique et définitive entre radicaux et socialistes, il ne renonce pas à tenter de marquer sur une ligne nettement progressiste sa propre famille politique, spécialement lorsque celle-ci, entreprenant de se constituer en un véritable parti, lui offre une prestigieuse tribune : par l’allocution qu’il prononce en tant que président de séance, Goblet donne ainsi à la première journée du congrès fondateur du Parti républicain radical et radical-socialiste, le 21 juin 1901, une tonalité nettement socialisante. Considérant que la République est « encore réduite à la défensive » parce qu’elle n’est pas encore « indestructiblement fondée dans le cœur de la grande majorité du pays », il affirme que « les réformes sociales doivent incontestablement prendre dans nos préoccupations la première place » : « Que serait en effet la République si elle se bornait à modifier les institutions politiques du pays, et si elle ne comprenait pas qu’en substituant à la suprématie d’une dynastie ou d’une caste la souveraineté du peuple s’exerçant par le suffrage universel, elle a contracté l’engagement d’être le gouvernement de tous, et en particulier des masses laborieuses qui après avoir été dominées et exploitées par les régimes antérieurs, ont droit enfin à l’amélioration réelle et progressive de leur sort ? Et c’est pourquoi un grand nombre de radicaux, dont je suis, ajoutent à leur titre celui de socialiste et, tout en repoussant formellement le collectivisme qui est la négation de la propriété individuelle, n’en sont pas moins les adversaires résolus des monopoles capitalistes et les partisans d’une meilleure organisation du travail [63]. » Dans la continuité de ses positions de la décennie antérieure, il est en harmonie avec les convictions d’un Camille Pelletan, qui aime à se définir ainsi : « Je suis républicain, je suis radical, je suis socialiste [64]. » Ces idées et leur traduction partisane, qui font d’eux des « radicaux-socialistes » au sens propre, clairement éloignés des modérés et soucieux de ne pas se couper des socialistes [65], ont peut-être plus de poids et de portée significative chez Goblet dans la mesure où elles émanent d’un homme qui n’a pas la personnalité brouillonne et romantique – au moins d’apparence – d’un Pelletan. Elles sont le produit des déductions raisonnables d’un esprit pétri de tradition républicaine et parlementaire et d’influence juridique et libérale. Si une fusion entre le radicalisme et le socialisme au sens strict n’est pas – plus ? – envisageable, le radicalisme socialisant dont Goblet persévère à être un promoteur est rendu d’autant plus possible qu’en miroir, le socialisme français est largement perméable à l’idée républicaine, sans pour autant pouvoir l’assumer à lui seul. Comme l’écrivait en 1984 Jean-Marie Mayeur : « Hormis le guesdisme, que son organisation et son dogmatisme mettent à part [66], il n’est pas toujours facile de distinguer entre des courants [socialistes] dont l’historien doit se garder de majorer les divergences. [...] Il n’est pas sûr [...] que les militants aient perçu toutes les nuances que l’historien qui fait l’inventaire des organisations se plaît à déceler. [...] En vérité, deux traditions historiques qui ne se recouvrent pas pèsent sur le socialisme français : la tradition révolutionnaire, de 1793 à la Commune ; la tradition républicaine, fondée sur l’union des classes moyennes et du peuple ouvrier contre la “réaction” [67]. » On pourrait au demeurant chercher à pousser encore la mise en regard de ces deux traditions en prenant en compte le fait que les héritages de 1793 et de la Commune ne sont pas totalement étrangers à la tradition républicaine.

18En ses toutes dernières années, René Goblet aura pris publiquement ses distances avec la majorité combiste, critiquant notamment avec alacrité les modalités de la politique anticongréganiste et ce qui lui est apparu comme une négligence de l’esprit et de la vigilance patriotiques. De cela, les conservateurs tireront argument pour lui rendre hommage à titre posthume et l’opposer à la République en place. Cependant, c’est sans doute à bon droit que Jaurès, en guise d’épitaphe, pourra revendiquer une large part de sa filiation politique et doctrinale et, quoi que l’intéressé ait pu en avoir, l’immortaliser en précurseur d’Émile Combes et du Bloc des Gauches [68].

19En tout état de cause, nous sommes induit à penser que, de l’entreprise de refondation de la démocratie française sur une base tout à la fois républicaine et socialisante que René Goblet avait contribué à esquisser et à impulser dans les années 1890, et malgré son caractère inachevé, Jaurès, dans sa volonté de construire une synthèse socialiste à vocation hégémonique, a sans doute gardé la nostalgie.


Date de mise en ligne : 01/01/2009

https://doi.org/10.3917/cj.174.0055

Notes

  • [*]
    Renaud Quillet, professeur agrégé et docteur en histoire contemporaine de l’université de Picardie Jules Verne avec une thèse : La gauche républicaine et révolutionnaire dans le département de la Somme de 1848 au début des années 1920, soutenue le 11 décembre 2003 sous la direction de Madame le Professeur Nadine-Josette Chaline, 3 volumes ; 920 p. Une version allégée de la thèse est en préparation pour les éditions Encrage d’Amiens.
  • [1]
    Cf. Jean Jaurès, « Souvenirs », L’Humanité, 17 septembre 1905.
  • [2]
    Les lignes qui suivent sont notamment issues de recherches menées dans le cadre de l’élaboration de ma thèse de doctorat, La Gauche républicaine et révolutionnaire dans le département de la Somme de 1848 au début des années vingt, consultable à la Bibliothèque de l’Université de Picardie Jules Verne ainsi qu’aux Archives de la Fondation nationale des Sciences politiques.
  • [3]
    Dans L’Humanité du 24 septembre 1910, cité par Gérard Baal, « La gauche du radicalisme à la veille de 1914 » in Jean Zay et la gauche du radicalisme, Antoine Prost (dir.), Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 2003, p. 17.
  • [4]
    Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.
  • [5]
    Archives départementales de la Somme (désormais A.D.S.), 1 M 772 : Boulangisme. Ce sont déjà « les mares stagnantes du scrutin d’arrondissement » dénoncées vingt ans plus tard par Aristide Briand.
  • [6]
    Jean Garrigues, Le Général Boulanger, Paris, Olivier Orban, 1991, p. 277.
  • [7]
    A.D.S., 1 M 772.
  • [8]
    Cf. Fresnette Ferry-Pisani, Le Général Boulanger, Paris, Flammarion, 1969, p. 212-213.
  • [9]
    Bibliothèque municipale d’Amiens (désormais B.M.A.), B 1909 : Lettres de René Goblet à Alphonse Delpech. Lettre du 23 juin 1891
  • [10]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 9 décembre 1892.
  • [11]
    Cf. Claude Bellanger et alii, Histoire générale de la Presse française. Tome III : De 1871à 1940, Paris, P.U.F., 1972, p. 373.
  • [12]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 8 juin 1896.
  • [13]
    Cf. Claude Nicolet, Le Radicalisme, Paris, P.U.F, « Que sais-je ? », 1957, rééd. 1983, p. 30-31.
  • [14]
    Ce raprochement croissant du radical avancé qu’est Goblet avec les socialistes indépendants à la Millerand est souligné par Jean-Marie Mayeur, La Vie politique sous la Troisième République, 1870-1940, Paris, Le Seuil, Coll. « Points Histoire », 1984, p. 157-158.
  • [15]
    Cf. Charles Seignobos, L’Évolution de la Troisième République (1875-1914), Tome VIII de l’Histoire de la France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la Paix de 1919, dir. Ernest Lavisse, Paris, Hachette, 1921, p. 169-170.
  • [16]
    Cf. Jean Jaurès, Œuvres. Tome I : Études socialistes (1888-1897), éd. Max Bonnafous, Paris, Rieder, 1932, p. 148-149.
  • [17]
    B.M.A., B 1909 : Lettres du 22 novembre et du 4 décembre 1896 et du 7 mars 1897.
  • [18]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 28 novembre 1893.
  • [19]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 28 novembre 1893.
  • [20]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 23 octobre 1895.
  • [21]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 4 décembre 1896.
  • [22]
    Cf. Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 167.
  • [23]
    Cf. Gérard Baal : Le Parti radical de 1901 à 1914, thèse sous la direction de Maurice Agulhon, Paris, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 1991, p. 38.
  • [24]
    Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.
  • [25]
    Jean Jaurès, « Le programme socialiste », discours à Marseille le 25 mai 1893, in Œuvres. Tome I, op. cit., éd. Bonnafous, p. 148-149.
  • [26]
    Jean Jaurès, « Propriété individuelle et collectivisme », La Dépêche, 3 octobre 1893, in Œuvres. Tome I, op. cit., éd. Bonnafous, p. 165 -168.
  • [27]
    Il fait ici allusion à l’Affaire Dreyfus.
  • [28]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 20 novembre 1897.
  • [29]
    Cf. Gérard Baal, op. cit., p. 40.
  • [30]
    Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.
  • [31]
    A.D.S., 1 M 772.
  • [32]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 28 novembre 1893.
  • [33]
    Il y aurait toute une généalogie à faire de la valeur et de la portée idéologiques de cette notion de nationalisation à travers les décennies, tantôt emblème du réformisme bourgeois, tantôt symbole – positif ou négatif – du collectivisme révolutionnaire.
  • [34]
    Cf. Georges Lefranc : Le Mouvement socialiste sous la Troisième République. Tome 2 : 1920-1940, Paris, Payot, 1963, rééd. 1977, p. 223(n).
  • [35]
    Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.
  • [36]
    Cf. Gérard Baal, op. cit., p. 40.
  • [37]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 23 janvier 1893.
  • [38]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 3 septembre 1895.
  • [39]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 15 octobre 1893.
  • [40]
    Jean Jaurès, « République et socialisme », Discours à la Chambre, 21 novembre 1893, in Œuvres. Tome I, op. cit., éd. Bonnafous, p. 234.
  • [41]
    Cf. Georges Lefranc, op. cit. Tome 1 : 1875-1920, p. 89.
  • [42]
    Cf. Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.
  • [43]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 12 décembre 1894.
  • [44]
    Cf. Gérard Baal, op. cit., p. 5.
  • [45]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 12 juin 1895.
  • [46]
    Cf. Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 163.
  • [47]
    Cf. Charles Seignobos, op. cit., p. 183 et 189.
  • [48]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 23 octobre 1895.
  • [49]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 8 juin 1896.
  • [50]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 19 mars 1896.
  • [51]
    Cf. Max Gallo, Le Grand Jaurès, Paris, Robert Laffont, 1984, p. 188-189, et Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 168.
  • [52]
    La Lanterne du 4 juin 1896.
  • [53]
    Cf. Gérard Baal, op. cit., p. 40.
  • [54]
    Ibidem, p. 29.
  • [55]
    Il est évident qu’il entend ici le terme « progressiste » en son sens premier, et non à celui qui est en vogue à l’époque.
  • [56]
    Cf. Gérard Baal, op. cit., p. 30.
  • [57]
    Ibidem, p. 44.
  • [58]
    Ibidem, p. 30.
  • [59]
    Ibidem, p. 41.
  • [60]
    Un des ouvrages préparatoires à L’Armée nouvelle. Cf. Jaurès et la défense nationale, Cahier 3, Jean Jaurès, bulletin de la SEJ, n? 130.
  • [61]
    B.M.A., B 1909 : Lettre du 12 janvier 1900.
  • [62]
    Cf. « Souvenirs », op. cit.
  • [63]
    Cité par Baal, op. cit., p. 111.
  • [64]
    Notamment dans sa profession de foi de 1910. Cf. Paul Baquiast : « Camille Pelletan » in Jean Zay et la gauche du radicalisme, op. cit., p. 47.
  • [65]
    Cf. Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 168.
  • [66]
    Encore que les relations qui ont existé entre Guesde et ses amis d’une part et Goblet d’autre part pourraient amener à relativiser cette réserve.
  • [67]
    Cf. Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 141-143.
  • [68]
    Cf. Jean Jaurès, « Souvenirs », op. cit.

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