Pour mesurer, notamment depuis l’extérieur de la France, l’évènement majeur qu’a constitué le vote de la loi « relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion » par le parlement français en 2021, il est nécessaire d’envisager les principaux éléments, puissants et contradictoires, qui en constituent le contexte. Cette loi dite « Molac » du nom de son porteur principal, député breton, apparait en effet comme un cas d’espèce, rare et singulier. Elle s’inscrit à contrecourant de fortes orientations glottophobes qui structurent la question des langues dans la fabrique d’une certaine identité nationale par l’État. C’est à cette mise en perspective qu’est consacré cet article.
L’exploitation, pour ne pas dire l’instrumentalisation, de la question linguistique dans la construction d’une identité nationale française est un phénomène bien connu, bien étudié par de nombreux travaux dont j’ai déjà proposé des synthèses (Blanchet, 2018 et 2019). Il convient d’en rappeler rapidement ici les principaux éléments.
Depuis la Révolution de 1789, et surtout à partir de son tournant despotique jacobin en 1793, le français a été érigé en véritable religion d’État en France, totem central de la construction d’une unité nationale pensée comme une uniformisation autour d’une langue commune, unique et unifiée. Ce phénomène a été accentué à partir de la mise en œuvre d’une politique coloniale offensive aussi bien intérieure qu’extérieure, par la IIIe République…