Couverture de CDGE_072

Article de revue

Notes de lecture

Pages 251 à 286

Notes

  • [1]
    On notera que les suites de l’histoire ne seront pas très favorables à Psyché exposée à la colère de Vénus dans une succession d’épreuves pour finalement succomber et être ramenée à la vie par un baiser d’Eros – en somme elle préfigure aussi la passivité de Blanche-Neige dans l’éveil sexuel.
  • [2]
    Stanley Cavell (1981). Pursuits of Happiness : The Hollywood Comedy of Remarriage. Cambridge, Harvard University Press. Traduction française de Sandra Laugier ; et Christian Fournier (2017). À la recherche du bonheur - Hollywood et la comédie du remariage. Paris, Vrin ; Sandra Laugier (2014). Recommencer la philosophie : Stanley Cavell et la philosophie en Amérique. Paris, Vrin.
  • [3]
    Nash Kate (ed.) (2014). Transnationalizing the Public Sphere. Cambridge Polity Press, p. 43-59
  • [4]
    Bereni Laure, Chauvin Sébastien, Jaunet Alexandre, Révillard Anne (2008, pour la première édition). Introduction aux gender studies. Louvain-La-Neuve, De Boeck.
  • [5]
    Nathalie Lapeyre (2006). Les professions face aux enjeux de la professionnalisation. Toulouse, Octarès éditions.
  • [6]
    En référence à la notion de « triangle de velours » développée dans Alison Woodward (2004). « Building Velvet Triangles: Gender and Informal Governance ». In Piattoni Simona, Christiansen Thomas (ed.), Informal Governance and the European Union. Cheltenham, Edward Elgar : 76-93.
  • [7]
    Clair Isabelle (2008). Les jeunes et l’amour dans les cités. Paris, Armand Colin.
  • [8]
    Lachance Jocelyn (2013). Photos d’ados. À l’ère numérique. Québec, Presses de l’Université Laval.
  • [9]
    Balleys Claire (2016). « Gestion de l’intimité et affichage d’un territoire sentimental entre adolescents sur Internet ». Agora débats/jeunesses, 72 : 7-19 ; Balleys Claire, Coll Sami (2015). « La mise en scène de la vie privée en ligne par les adolescents ». RESET, 4 (http://reset.revues.org/547).
  • [10]
    Pochic Sophie (2018). « Féminisme de marché et égalité élitiste ? ». In Margaret Maruani (éd.), Je travaille, donc je suis. Perspectives féministes. Paris, La Découverte : 42-52.
English version

Carol Gilligan et Naomi Snider, Pourquoi le patriarcat ? Traduction Cécile Roche, 2021 [2018], Paris, Flammarion, 240 p.

1 Avec In a different voice. Psychological Theory and Women’s Development, la psychologue Carol Gilligan a connu un succès planétaire dans les années 1980. Ce livre a initié les études de care tout en faisant l’objet de nombreuses critiques sur son prétendu essentialisme, tandis que personne ne relevait la finesse de ses analyses sur les dilemmes soulevés par l’interruption volontaire de grossesse. Aucun de ses livres depuis n’a bénéficié d’une telle audience et aucun n’avait été traduit en français, jusqu’à la parution de Why Does Patriarchy Persist ? qui a renoué avec le succès outre-Atlantique. Cet essai, en forme de dialogue cosigné avec Naomi Snider, interroge la persistance du patriarcat, une question brûlante dans les États-Unis de Trump dont il ne semble pas qu’elle ait rencontré le même écho médiatique en France, et pourtant...

2 L’une des difficultés de la réception française de Carol Gilligan vient d’abord de sa spécialité, la psychologie : elle étudie le développement moral des enfants, ce qui ne se fait plus en France depuis Piaget. Ensuite, elle utilise des alliages théoriques inhabituels, établissant des connexions entre la théorie attachementiste de Bowlby et l’évolutionnisme féministe de Sarah Blaffer Hrdy. Dans cette perspective, c’est la capacité à capter l’attention des autres et l’empathie qui ont permis la survie de l’espèce (care), et non le patriarcat et son cortège de violences et d’oppression qui représenterait au contraire une menace contre l’évolution. Carol Gilligan s’inspire aussi de Freud à l’occasion, mais sans lui accorder un privilège supérieur à d’autres psychologues. Aussi son design théorique peut-il paraître manquer de sophistication au regard des psychologies continentales. Il demeure qu’elle pose d’excellentes questions qui savent rencontrer des préoc-cupations partagées par de nombreuses personnes et lui valent d’être aussi considérée comme une philosophe.

3 Les relations entre Carol Gilligan et la France ont également été perturbées par des erreurs de traductions. In a different voice paraît tout d’abord sous le titre Une si grande différence (sous- entendu : entre les hommes et les femmes en morale). Dans un pays où le féminisme est majoritairement constructiviste, les consonances essentialistes du titre suffisaient à en prohiber la lecture. Le livre a raté son public. Dans l’essor des études de care françaises, il est ressorti en poche chez Flammarion sous une nouvelle traduction Une voix différente. Pour une éthique du care. Mais c’est la politiste Joan Tronto et son Moral Boundaries (lui aussi improprement titré en français : Un monde vulnérable) qui a eu la faveur des intellectuel·les français·es.

4 Avec Pourquoi le patriarcat ?, la maison d’édition se trompe à nouveau de titre et gâche les chances du livre. Alors que le titre anglais insiste sur la persistance du patriarcat en dépit des décennies de luttes féministes et LGBTQI, c’est-à-dire pointe un paradoxe, celui en français se contente de demander platement pourquoi le patriarcat. Mais il y a plus grave. Alors que le livre est cosigné avec Naomi Snider, le nom de cette dernière ne figure pas sur la couverture de la première édition, mais seulement sur la quatrième et sans notice biographique. Si ce n’est pas du mépris pour une autrice beaucoup plus jeune et moins connue ! Exactement le contraire de la démarche de Carol Gilligan qui prône l’alliance entre les femmes et le dialogue, forme sous laquelle le livre est construit entre les deux autrices.

5 Pour Carol Gilligan et Naomi Snider, le goût du pouvoir et les avantages acquis par le truchement des positions hiérar-chiques ne suffisent pas à expliquer pourquoi le patriarcat persiste comme « une force », non pas à l’extérieur de nous, mais à l’intérieur de nous. Le patriarcat aurait une fonction psychologique qui nous protègerait de ce que nous savons ou de ce que nous ressentons comme dangereux dans les attachements. Aimer comporte le risque de perdre l’être aimé. Se protéger des ravages psychiques de la perte expliquerait que, outrepassant la voix du désir et de l’expérience, les hommes acceptent de se comporter comme s’ils n’avaient pas besoin de rapport avec autrui, et les femmes, comme si elles n’avaient pas d’identité (et de désir) propre. Ainsi, déconstruire le patriarcat serait toucher à nos défenses les plus archaïques : les défenses genrées contre la perte. Et lutter contre lui serait prendre le risque de la perte. Dans l’un des chapitres, Snider développe à partir de sa propre histoire les effets d’une perte réelle, la mort précoce de son père.

6 À propos du complexe d’Œdipe, dont la plupart des psychanalystes font la pierre angulaire du développement de l’enfant, Carol Gilligan souligne que le mythe dont Freud s’inspire prend ses racines dans la violence patriarcale. Le roi Laïos ayant agressé sexuellement un garçon, l’oracle lui fait savoir qu’il connaîtra son châtiment des mains de son fils : le père est alors prêt à sacrifier son fils (Œdipe) pour sauver sa peau. La mère (Jocaste) est complice, elle blesse puis abandonne l’enfant. Jocaste garde le silence jusqu’au bout et Œdipe, qui aura commis l’inceste et le parricide, aveuglé par lui-même, entraîne dans son aveuglement ses propres filles. Raconté ainsi, on voit mal comment ce mythe a pu servir de support à la famille idéale, ou même à la famille névrosée de base. En considérant ce mythe androcentré – désirer la mère, tuer le père – comme représentatif de la condition humaine, en le ré-agençant pour en euphémiser les dimensions les plus compromettantes pour les patriarches et pour les femmes qui seraient leurs complices, on court le danger, selon Carol Gilligan et Naomi Snider, « de tenir pour naturelle – et à tort – cette culture de la violence masculine et du silence féminin ».

7 Ce qui défait le patriarcat n’est pas de la violence, mais la voix, thème récurrent dans la pensée de Gilligan. La fin de la violence masculine serait tributaire de l’émergence de la voix féminine dans une revendication démocratique de justice et d’égalité. Mais surtout, et c’est l’originalité du propos, cette revendication serait indissociable de la révélation de la vulnérabilité masculine par la voix féminine. L’égalité, chez Gilligan, se fait dans la reconnaissance d’une commune vulnérabilité. Ce qui entraîne une interdépendance de tous avec toutes. Carol Gilligan propose donc de s’intéresser à un autre mythe, celui de Psyché et Eros, qui était déjà le thème de son livre précédent The Birth of Pleasure. Psyché, en tant qu’adolescente, se montre réticente à jouer le rôle du silence et de la passivité féminines. Elle enfreint l’interdiction que lui a faite le jeune dieu de le voir ou de parler de leur amour. Ainsi, en éclairant son amant endormi, elle rompt le pacte qui condamnait leur intimité à l’obscurité et au silence. [1]

8 Selon Gilligan, Psyché est un mythe hétérosexuel qui nous apprend que le secret de la vulnérabilité des hommes, cachée sous le manteau de l’ombre, peut être connu des femmes, et elle prétend que cette connaissance pourrait renverser le patriarcat, surtout si les femmes font alliance entre elles, ce qu’elle illustre par le récit de sa participation à une marche pour la paix entre Israéliennes et Palestiniennes.

9 L’hétérosexualité n’est pas en soi oppressive et patriarcale, le livre donne même à une certaine hétérosexualité une dimension émancipatrice. Le problème est que l’hétérosexualité est à la fois le verrou et la clef. Certes, Gilligan ne nie pas que l’on puisse attaquer le patriarcat par d’autres formes de sexualité – mais ce thème, en réalité, n’est pas le sien. Cela aurait pu largement être compensé par une référence aux savoirs situés, puisqu’ici la perspective est clairement celle de femmes hétérosexuelles de milieu privilégié. Il faut, quoi qu’il en soit, un certain toupet pour faire aujourd’hui de l’hétérosexualité une force subversive ! Questionnée sur ce thème lors de sa venue à la Sorbonne en décembre 2019, Gilligan répondait que oui, bien sûr, elle savait que c’était une lutte au quotidien de faire du couple hétérosexuel un espace d’émancipation. Mais son dispositif implique que les défenses genrées contre la perte d’amour se défassent simultanément et réciproquement. On pense aussi à la manière dont Sandra Laugier réinterprète, avec Stanley Cavell, le couple dans les comédies de remariage comme une expression de la démocratie [2].

10 « Quel sera notre chemin désormais ? » est la phrase conclusive du livre. Ce chemin qui reste à faire implique de ne pas sous-estimer la force de l’amour, ce qui est l’une des propositions fortes de Gilligan et Snider. Tout discours de rabaissement ou de mépris envers l’amour relève du patriarcat et de son apologie de la violence. Les autrices s’adressent alors à toustes et nous invitent à mesurer dans nos vies la puissance de « nos » attachements et des risques de passer à côté de soi-même et des autres liés à la peur de la perte d’amour. Ainsi ne proposent-elles pas une théorie sociale ou politique du patriarcat, mais explorent nos zones de silence dans une réflexion subtile et dérangeante sur ce qui le fait persister en nous, malgré nous.

11 Pascale Molinier
Psychologie, Université Sorbonne Paris Nord
Unité transversale de psychogénèse et psychopathologie (UTRPP)

Ioana Cîrstocea, Delphine Lacombe et Elisabeth Marteu (dir.) – La globalisation du genre. Mobilisations, cadres d’actions, savoirs, 2018, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 290 p.

12 Issu du programme globalgender  soutenu par l’Agence nationale de la recherche entre 2013 et 2016, l’ouvrage explore les dynamiques de globalisation de la thématique du genre à partir d’une diversité de contextes géographiques et sociohistoriques. Les autrices interrogent l’appropriation du concept à l’échelle locale ou nationale, qui découle de son institutionnalisation internationale. Elles adoptent une approche compréhensive qui retrace la trajectoire d’acteurs·trices connectant les trois niveaux (local, national, international). L’hypothèse de départ, confirmée à la lecture, était en effet que la plasticité du concept de genre donnerait lieu à des appropriations multiples.

13 L’ouvrage se découpe en 11 chapitres correspondant chacun à un terrain spécifique. Le caractère intrinsèquement pluri- et interdisciplinaire des épistémologies féministes qui traversent l’ensemble des contributions s’associe à l’approche socio-anthropologique, la science politique et l’économie, autour d’un objet commun : « Les rapports entre groupes militants, insti-tutions étatiques et agents internationaux […] engagés dans la production et la diffusion de normes de genre » (p. 18).

14 En introduction, les autrices énumèrent les principaux jalons de l’internationalisation du genre, qui s’inscrit dans le sillage de l’évolution de la place des femmes dans les instances et les politiques internationales. Elles rappellent que si le concept de genre se diffuse dans les milieux académiques et féministes états-uniens à partir des années 1960-1970, l’histoire de l’agenda international dans lequel son internationalisation s’inscrit puise sa source dans le contexte de l’après-Seconde Guerre mondiale. Progressivement, l’ONU s’impose comme un acteur majeur de cette internationalisation, encourageant l’intensification des mouvements féministes transnationaux par l’organisation de conférences mondiales. Un nouvel instrument voit le jour à la conférence de Pékin (1995) : le gender mainstreaming, qui « vise à inclure le principe d’égalité entre les sexes dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques » (p. 10). Le glissement sémantique de « femmes » à « genre » permet d’inclure les hommes et la diversité de genre et sexuelle dans l’agenda des politiques publiques.

15 Pour autant, les autrices notent que cette institutionnalisation a fait l’objet de controverses au sein des mouvements fémi-nistes, qui ont pu lui reprocher de s’inscrire dans le paradigme néolibéral ou de dépolitiser le concept. L’ouvrage apporte une réponse contrastée à cette question. Le chapitre de Saba A. Le Renard sur le « Women’s Rights Washing » en Arabie Saoudite montre par exemple que la question du droit des femmes peut être mobilisée dans le but de redorer l’image d’un pays à l’international. Le texte de Monique Selim révèle quant à lui les effets émancipateurs du soutien apporté par des organisations internationales à de jeunes lesbiennes chinoises, dans le contexte de répression politique du gouvernement de Xi Jingping.

16 Les recherches présentées se répartissent en trois grandes parties : 1. Le développement d’une expertise sur le genre ; 2. Les mobilisations et les politisations d’enjeux sociaux ; 3. Les déclinaisons bureaucratiques et marchandes – à chaque fois en lien avec la globalisation des questions de genre. La première partie de l’ouvrage retrace ainsi les trajectoires d’expertes en genre dans différents contextes géographiques et socio-historiques, que ce soit en Europe de l’Est après la fin de la guerre froide (Ioana Cîrstocea), au Tadjikistan entre 1995 et 2015 (Lucia Direnberger) ou à partir d’une étude de « Genève internationale » (Isabelle Giraud). Ces recherches montrent comment l’internationalisation du genre s’est constituée au croisement de l’expérience militante, de la professionnalisation associative et du développement de savoirs académiques. Elles révèlent les hiérarchies observables entre les différentes expertes interrogées et les difficultés propres auxquelles elles font face, selon que leur action s’exerce à l’échelle locale ou internationale. Les expertes tadjikistanaises impliquées dans des organisations internationales ont ainsi des salaires plus élevés que celles qui œuvrent pour la prise en compte des questions de genre au niveau national, mais elles y occupent une position minoritaire liée au fait qu’elles sont catégorisées comme musulmanes.

17 La seconde partie explore des contextes dans lesquels la globalisation du genre a donné lieu à des mobilisations ou à la politisation de questions sociales. Aux côtés du terrain mené par Monique Selim en Chine, deux chapitres sont consacrés à l’Amérique centrale. Jules Falquet étudie la politisation des crimes sexuels commis durant la guerre des années 1980 au Guatemala et Delphine Lacombe revient sur la politisation des violences intrafamiliales au Nicaragua, entre 1979 et 1996. Au Moyen-Orient, l’enquête d’Azadeh Kian analyse la réap-propriation des normes internationales par des militantes issues des classes populaires en Turquie et le travail d’Elisabeth Marteu s’intéresse à l’appropriation stratégique de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU « Femmes, paix et sécurité » en Israël-Palestine. Ces terrains donnent à voir comment la mise à l’agenda des questions de genre au niveau international s’articule à un cadrage spécifique à chaque contexte. Au Guatemala, les crimes sexuels commis durant la guerre ont été dénoncés par les membres de différents groupes féministes, dont le parcours politique s’inscrit au croisement des échelles régionale, nationale et internationale. Ces violences sont politisées au prisme d’une approche féministe décoloniale mettant en parallèle les territoires et les corps des femmes, pour dénoncer de concert les féminicides et les crimes liés à l’extractivisme minier. En Turquie, les militantes qui se regroupent au sein de « La Plateforme des femmes de la capitale » adaptent les discours vecteurs d’une internatio-nalisation du concept de genre, en interrogeant la place de l’islam dans les mouvements féministes et les limites de l’universalisme occidental.

18 La dernière partie de l’ouvrage, dédiée aux déclinaisons bureaucratiques et marchandes du genre globalisé, comprend deux textes en plus du chapitre de Saba A. Le Renard. La contribution de Jane Freedman explore les limites des programmes internationaux de soutien aux femmes victimes de viol en République démocratique du Congo et le texte d’Isabelle Guérin montre comment les femmes deviennent des « sujets financiers » par l’intermédiaire des programmes de micro-crédit en Inde. Dans leur ensemble, ces recherches s’attardent sur les effets pervers de l’internationalisation des questions de genre à des fins diplomatiques, stratégiques ou financières. Les programmes de microcrédit destinés aux femmes en Inde leur ont certes permis d’accéder à des biens de consommation qui améliorent leur niveau de vie, mais ces avantages s’accompagnent d’une nouvelle forme de dépendance vis-à-vis du capitalisme financier et des hommes détenteurs de ces crédits. Les programmes internationaux peuvent également distordre une réalité nationale et aggraver certaines situations locales. L’ultra-visibilisation des violences sexuelles survenues dans le cadre du conflit armé au Congo a ainsi pour corollaire l’invisibilisation des violences de genre qui adviennent dans un cadre quotidien au sein de la société civile. Elle contribue également à reconduire une représentation réductrice de la condition des femmes congolaises, assimilées au statut de victime.

19 La multiplicité des contextes abordés dans l’ouvrage constitue sa principale force pour saisir la circulation des personnes, des idées ou des pratiques impliquées dans la globalisation du genre. L’appropriation locale ou nationale d’influences inter- ou transnationales qui est mise en exergue fait écho aux débats théoriques et méthodologiques sur la transnationalisation de l’espace public. Dans son texte « What and Where is the Transnationalized Public Sphere? », Nick Couldry (in Nash ed. 2014 [3]) discute ainsi l’idée de sphère publique transnationale développée par Nancy Fraser, en proposant justement d’investiguer les effets des dynamiques transnationales à différentes échelles (incluant les sphères publiques locales et nationales).

20 En complément du travail remarquable de décentrement géographique effectué dans le cadre du projet globalgender, il aurait été intéressant de développer davantage de terrains dont « les femmes » ne seraient pas le principal sujet. La définition du genre retenue dans l’ouvrage, empruntée au manuel d’Introduction aux Gender Studies écrit par Laure Bereni et al. (2008 [4]), associée au féminisme déconstructiviste des théoriciennes queer comme Judith Butler et Teresa de Lauretis (citées par Azadeh Kian) permet en effet d’envisager le caractère restrictif de l’institutionnalisation globalisée du genre sous sa forme binaire et hétéronormative. L’approche compréhensive qui traverse les contributions serait par exemple un formidable outil pour documenter l’internationalisation et les appropriations variées du transféminisme, de même que les diverses résistances à la globalisation du genre brièvement évoquées en introduction, émanant d’une riposte religieuse et des mouvements masculinistes.

21 Mélanie Lallet
Sociologie des médias, UCO Nantes Centre Humanités et Sociétés (CHS) et Laboratoire Arènes

Nathalie Lapeyre – Le nouvel âge des femmes au travail, 2019, Paris, Les Presses de Sciences Po, 207 p.

22 L’entrée des femmes en nombre croissant dans des espaces professionnels masculins et, en particulier, dans les plus hauts échelons de la hiérarchie des entreprises reconfigure-t-elle les rapports de genre ? Quelles politiques d’égalité peuvent agir, et comment, sur les mécanismes de (re)-production des inégalités de genre ?

23 Après Les professions face aux enjeux de la féminisation, paru en 2006, Nathalie Lapeyre [5] explore à nouveau frais la question à partir de l'étude du cas d’Airbus. Formant un monde social complexe, cette grande entreprise d’aéronautique implantée internationalement offre un observatoire privilégié des liens entre marchés du travail et rapports de genre. L’autrice y poursuit son exploration des transformations et des résistances du genre – envisagé comme système social – en s’appuyant sur les travaux qui renouvellent depuis une trentaine d’années la sociologie du travail et des organisations dans une perspective féministe. Questionnant les mécanismes à l’œuvre dans les entreprises, l’approche de l’autrice présente des points originaux. D’une part, elle réalise une monographie de type ethnographique de longue durée dans une entreprise observée de façon non participante entre 2012 et 2016, articulant des interactions informelles, de nombreux entretiens biographiques et des focus groups. D’autre part, elle analyse des entités diversement situées dans la division du travail de production aéronautique et appréhende ainsi plusieurs formes d’emploi, de carrière et de pratiques en matière de politique d’égalité.

24 Cette monographie concerne un environnement très qualifié, hautement technologique et dont la direction reste essentiellement masculine. Le premier chapitre (« Dynamiques de féminisation dans l’industrie aéronautique ») revient sur une question présente dans beaucoup de travaux croisant genre et organisation : comment chaque organisation produit-elle un certain régime de genre, c’est-à-dire un ordre genré inégalitaire présent dans l’ensemble des mondes du travail, mais selon des déclinaisons variées ? En dépit d’un processus de féminisation touchant de façon variable les différents métiers, la ségrégation sexuée verticale et horizontale des emplois se reconfigure plutôt qu’elle ne disparaît, dans un contexte de transformation de la fabrique des carrières des cadres. Analysant ces trans-formations, le chapitre pointe la place prise par les assessment centers, centres de validation des compétences devenus passages obligés pour devenir cadre supérieur. Valorisant certaines dispositions genrées comme l’agressivité verbale et l’aplomb, ils constituent de nouveaux obstacles symboliques et pratiques pour les femmes cadres. En outre, le capital social (mieux entretenu par les compétiteurs masculins, en raison d’une division inégalitaire du travail domestique) donne aux hommes un plus grand capital d’informations générales et stratégiques sur l’entreprise, très valorisé dans ce type d’épreuves.

25 L’autrice dégage par ailleurs sept « lois de la féminisation » chez Airbus au cours des 20 dernières années, dont le potentiel de transformation des rapports de genre apparaît limité, bien qu’elles soient structurées autour d’une « politique volon-tariste » en matière d’égalité : cette politique contribue à « accroître la ségrégation sexuée interne tout en cherchant foncièrement à la combattre » (p. 37). Elle montre (loi 1) que la féminisation concerne principalement les métiers déjà féminisés, (2) au détriment des « bastions masculins » des métiers les plus techniques et les plus valorisés, (3) avec des cheminements de carrières atypiques, (4) et des processus irréguliers et réversibles. La féminisation s'inscrit dans des pratiques organisationnelles apparemment neutres, mais reproduisant des stéréotypes et des hiérarchies de genre, qu’il s’agisse de la gestion de la mobilité (5) ou de référentiels de compétence (7). La féminisation rime aussi avec un encouragement insidieux au temps partiel féminin alors que celui-ci donne lieu à une réelle sanction professionnelle (loi 6). Cette « loi de féminisation » connaît des reconfigurations récentes, en raison de certains changements organisationnels et sous l’influence de politiques d’égalité sur lesquelles revient le chapitre 2.

26 Après une synthèse très éclairante de 40 ans d’histoire des politiques françaises d’égalité professionnelle, ce deuxième chapitre montre que celles de l’entreprise sont façonnées par quatre grandes catégories d’acteurs et d’actrices, formant un « quatuor de velours » [6] aux logiques d’action parfois divergentes : la direction et ses professionnel·les de l’égalité et de la diversité, les réseaux de femmes cadres, les syndicats, et certain·es partenaires externes (tels les réseaux visant à encourager les carrières dans l’aéronautique) interviennent différemment dans la « politique du genre ». Malgré la variété des mesures visant à encourager l’empowerment et les carrières féminines, le but des changements en cours « est avant tout d’adapter les femmes cadres au fonctionnement organisationnel et au système existant […] Cette vision ne comporte pas de réelle ambition de modifier les règles du jeu et les normes androcentriques dominantes » (p. 118).

27 Le chapitre 3 analyse la fabrique de cette politique du genre, volontariste et empreinte de contradictions, à l’aune des biographies de plusieurs enquêtées. En s’intéressant notamment aux parcours des femmes cadres bénéficiaires d’un dispositif d’empowerment – le dispositif de formation et de mentoring grow –, l’autrice démontre qu’en dépit de ses apories, la politique du genre produit de nouvelles marges de manœuvre et formes d’agentivité pour ces femmes. L’entre-soi des groupes de femmes peut notamment produire du partage de savoir et l’acquisition de certaines dispositions (affirmation de soi, capacité de confrontation). Les effets de ces dispositifs sont resitués dans une analyse longitudinale des trajectoires des enquêtées. Celle-ci intègre la socialisation primaire et les modèles de genre hérités, ainsi que les configurations conjugales et familiales dans lesquelles se négocient la division sexuée du travail domestique et parentale, ainsi que les investissements professionnels respectifs des conjoints. Ces récits de vie soulignent comment ces « coureuses de fond » (p. 147) négocient activement sur le plan conjugal et familial, de même que sur le plan professionnel, pour obtenir des changements concrets, quoiqu’incrémentaux, dans les pratiques des conjoints et dans celles des organisations. Ce chapitre confirme toutefois, par un éclairage complémentaire, les conclusions du chapitre 2 : les initiatives destinées à favoriser un plus grand « leadership féminin » adressent pour l’essentiel aux femmes des injonctions « à se fondre dans un existant » (p. 178).

28 Cet ouvrage apporte une contribution intéressante et stimulante à trois niveaux. Tout d’abord, dans le sillage des travaux états-uniens de Rosabeth Moss Kanter des années 1970, ou des recherches de Cécile Guillaume et Sophie Pochic en France au tournant des années 2000, le format monographique éclaire en profondeur un contexte organisationnel, ses transformations et la manière dont les femmes s’en saisissent. Il met aussi au jour une diversification du champ des possibles pour les femmes, même si les inégalités subsistent ou se reconfigurent sans disparaître. Il porte enfin un diagnostic nuancé sur les politiques du genre. Si elles suscitent des résistances et portent des objectifs contradictoires, elles peuvent contribuer à des changements : modification durable de certaines pratiques organisationnelles, acquisition par les femmes de savoirs et dispositions nouvelles susceptibles de reconfigurer leurs trajectoires.

29 Centré sur les expériences des femmes et les mécanismes organisationnels, l’ouvrage laisse en revanche de côté certains aspects. Sans s’en désintéresser totalement, il explore peu la façon dont les hommes contribuent ou s’opposent plus ou moins activement aux remaniements des rapports de genre. En particulier, il n’éclaire pas la façon dont les normes de masculinité sont potentiellement affectées, non seulement par les politiques du genre au sein de l’entreprise, mais aussi par les changements des règles du jeu organisationnelles et par certaines reconfigurations des rapports de genre à l’échelle macro-sociale. Par exemple, Nathalie Lapeyre constate des pratiques d’intensification du temps de travail chez les femmes enquêtées, afin de répondre à des exigences organisationnelles accrues sans trop restreindre le temps consacré au travail parental. Une vue comparative des régimes temporels masculins permettrait de mesurer à quel point et chez quels hommes les normes androcentrées de disponibilité extensive perdurent ou sont modifiées.

30 De même, le couple apparaît comme un lieu de résistance masculine et d’âpres négociations, et les rapports conjugaux comme une charge mentale à part entière très présente dans les récits de vie recueillis. Or, si elle est évoquée à l’occasion de certains portraits, la fabrique conjugale et domestique du genre n’est pas réellement intégrée à l’analyse qui laisse dans l’ombre la façon dont les négociations intimes et organisationnelles du genre interagissent.

31 Enfin, fondé sur une enquête effectuée avant le mouvement #MeToo, l’ouvrage n’aborde par la question des violences sexistes et sexuelles dont les formes structurelles et les effets discriminatoires sont de plus en plus documentés, en particulier dans les bastions masculins.

32 Pour autant, cette contribution apporte une ample matière à réflexion à partir d’une étude de cas qui offre des éclairages empiriques sur les modes de fonctionnement contemporains et la transformation des emplois et trajectoires du salariat qualifié dans les grandes entreprises globalisées. En montrant la reconfiguration des inégalités qui s’y joue, elle invite à poursuivre les travaux sur les rapports entre genre, pouvoir économique et nouvelles pratiques du capitalisme.

33 Isabel Boni-Le Goff
Sociologie, université Paris 8 Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (CRESPPA-CSU)

Julie Landour – Sociologie des Mompreneurs. Entreprendre pour concilier travail et famille ?, 2019, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 184 p.

34 Dans le contexte où l’auto-entreprenariat est présenté par les pouvoirs publics comme un moyen permettant aux femmes de mieux articuler engagements professionnels et familiaux, Julie Landour propose d’interroger la bifurcation des femmes du salariat vers l’indépendance. Son analyse de la « pluralité des engagements féminins » (p. 11) vise à comprendre le contenu de l’articulation travail-famille des femmes qui quittent le salariat pour devenir entrepreneuses. Cette recherche s’appuie sur des matériaux divers. D’une part, des récits de vie et des observations menés auprès d’un collectif de Mompreneurs, à savoir une organisation de femmes indépendantes apparue en 2008. L’enquête ethnographique auprès des femmes se réclamant « Mompreneurs » a pour objectif de saisir leur adhésion au collectif ainsi que leur parcours de vie. La recherche s’appuie d’autre part sur une enquête quantitative réalisée auprès des femmes rencontrées lors de l’enquête ethnographique ainsi que sur des observations menées auprès d’une partie d’entre elles sur Facebook, dans le but d’obtenir des données complémentaires aux informations socio-démographiques.

35 L’ouvrage s’organise en trois parties. La première s’intéresse à l’émergence des Mompreneurs et à ses caractéristiques, et analyse plusieurs parcours de femmes. Le chapitre 1 reprend les différentes législations qui encouragent la création d’entreprise. Les premières politiques publiques mises en place en la matière ne font aucune allusion au genre, pas plus que la création d’entreprise n’est envisagée comme un moyen pour les femmes de leur permettre d’articuler aisément vie familiale et professionnelle. Dès lors, l’autrice propose d’expliquer le développement du collectif des Mompreneurs à partir des propriétés sociales des femmes qui vont s’en réclamer. Celles-ci appartiennent en effet aux classes moyennes et supérieures, et cherchent à faire de « leur grossesse et maternité une opportunité économique et professionnelle » (p. 39). La socio-logue rend tout de même compte de la diversité du groupe par le biais d’une typologie qui permet d’identifier les quatre types de Mompreneurs qu’elle a rencontrées sur son terrain, et qui se différencient par leurs manières d’articuler maternité et indépendance économique (p. 47) : les dames patronnesses du néo-libéralisme (engagement parental fort, maintien d’une façade d’autonomie fondée sur l’activité professionnelle indépendante) ; les nouvelles « Bovary » (engagement parental qui compense l’échec dans le salariat, auto-entrepreneuses) ; les entrepreneuses démultipliées (double engagement parental et professionnel, capital entrepreneurial fort) ; les petites indépen-dantes intéressées (engagement Mompreneur plus par oppor-tunité économique que par engagement parental). Le chapitre 2 cherche à élucider les ressorts du passage du salariat vers l’indépendance. Ainsi, on comprend que le désir de conciliation entre vie professionnelle et parentalité ne constitue pas le moteur de cette bifurcation. À l’inverse, ce mouvement résulte plutôt d’un rapport altéré au salariat (activité professionnelle peu épanouissante, difficultés d’insertion sur le marché du travail). L’indépendance est en effet perçue comme un horizon d’activité offrant aux femmes des possibilités pour se réaliser subjectivement, pour valoriser leurs compétences (profession-nelles, éthiques) et leur « Soi » (p. 66). Dans cette bifurcation, elles bénéficient de ressources diverses qui émanent de leur statut salarial révolu (formation professionnelle, réseau profes-sionnel, dispositif d’accompagnement à la création d’entreprise) ainsi que du soutien familial (par exemple, l’héritage).

36 Dans la deuxième partie, la sociologue revient sur l’enga-gement parental comme ingrédient présent, malgré tout, dans la bifurcation des femmes vers l’indépendance. Le chapitre 3 montre que le projet parental porté par les Mompreneurs se compose de la « disponibilité à l’égard de l’enfant » (p. 89) qui se décline au féminin, ce qui permet d’expliquer l’abandon du salariat au profit de l’indépendance. En effet, le discours des enquêtées, porteuses d’un projet parental dense où la figure de la mère est centrale, rend compte des difficultés rencontrées à concilier vie professionnelle et engagements auprès de l’enfant dans le cadre de l’emploi salarié. Car en même temps que leur engagement parental les expose aux sanctions professionnelles, notamment au licenciement et au « plafond de verre », son cumul avec le travail salarié se révèle épuisant physiquement, au point d’apparaître incompatible avec une activité professionnelle. Le chapitre 4 rend compte des pratiques à travers lesquelles est mis en forme le projet parental des Mompreneurs. L’indépendance est aussi plus compatible que le salariat avec le travail reproductif assuré par les femmes qui ont recours à la PMA et, ainsi, avec le projet parental envisagé par les Mompreneurs. L’engagement parental des Mompreneurs prend aussi forme par le biais des pratiques telles que l’allaitement, qui permet aux femmes d’exprimer leur enga-gement « par corps » à l’enfant (p. 106). Or, pour celles qui deviennent indépendantes à l’issue d’un parcours dans le salariat peu gratifiant, un tel engagement auprès de l’enfant participe notamment à la réhabilitation de leur identité, cette fois-ci en tant que mère. Par ailleurs, c’est à partir de leur engagement parental que certaines Mompreneurs vont concevoir leur entreprise. En effet, certaines des activités de soins prodiguées à leurs enfants sont converties en activité économique comme c’est le cas, par exemple, de la confection de vêtements (p. 114).

37 La troisième partie restitue enfin le bilan socio-économique de ce que la sociologue désigne comme une « entreprise parentale » (p. 21) qui participe, par ailleurs, à la production des inégalités sociales. Le chapitre 5 s’intéresse aux arrangements entre travail et famille mis en œuvre par les Mompreneurs et à leurs conséquences. Julie Landour montre que l’indépendance ne pose guère les conditions pour une meilleure articulation des temps de vie des femmes. Au contraire, en installant leur activité indépendante à domicile, certaines Mompreneurs sont toujours contraintes d’endosser leur rôle domestique en plus de leur engagement parental, voire subissent une assignation accrue aux responsabilités liées au fonctionnement de la sphère familiale, d’autant plus qu’elles peinent à se faire accompagner par leur conjoint dans la prise en charge de ces activités. Or, leur engagement domestique et notamment parental contraint leur temps professionnel et, dès lors, leur capacité à en tirer des revenus. Par ce biais, c’est toute leur « protection individuelle à long terme » (p. 146) qui est également pénalisée. Le chapitre 6, centré sur les ruptures conjugales, éclaire la fragilité qui caractérise la situation socio-économique des Mompreneurs. Dans le cadre de son enquête, Julie Landour a rencontré cinq femmes « en instance de séparation » (p. 148) qui appartiennent à différents types de Mompreneurs (entrepreneuses démul-tipliées, nouvelles « Bovary », entrepreneuses intéressées), et pour lesquelles l’expérience de la fin du couple est assez variable : alors que les entrepreneuses démultipliées et intéres-sées sont plus armées pour y faire face compte tenu de leur engagement professionnel, les nouvelles « Bovary », qui connaissent un succès professionnel moindre, subissent davantage la rupture conjugale. Enfin, la fin du couple témoigne de la fragilité de la situation des Mompreneurs, car elle se traduit parfois par un retour des femmes au salariat. En effet, la rupture conjugale entérine la fin du soutien économique du conjoint et ouvre sur une quête de « sécurisation » des revenus (p. 156).

38 En employant la notion « d’engagement », la recherche de Julie Landour réinvestit la problématique de la « conciliation » tout en soulignant la dimension réflexive, les ressources, les contraintes et les variations des engagements des femmes dans l’indépendance. L’ouvrage montre que la diversité des motivations des femmes ainsi que l’expérience et l’issue de l’indépendance s’inscrivent dans des rapports de classe et de genre. Toutefois, la référence qui est parfois faite au « patriarcat » pourrait être nuancée. Car si les mompreneuses sont « perdantes » à plus d’un égard, notamment en ce qui concerne la façon dont la prise en charge du travail domestique et parental va d’autant plus grever leurs temps professionnels qu’elle est rarement partagée avec le conjoint, c’est autant, semble-t-il, en raison des rapports de domination entre deux « classes de sexes » que des ambiguïtés du système social français qui, en même temps qu’il fabrique des dispositifs publics encourageant la vie professionnelle des femmes, reconduit en leur sein les normes de genre qui assignent principalement aux femmes les activités reproductives.

39 Sebastián Pizarro Erazo
Sociologie, Conservatoire national des arts et métiers Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (LISE)

Yaëlle Amsellem-Mainguy et Arthur Vuattoux – Les jeunes, la sexualité et Internet, 2020, Paris, Editions François Bourin, 224 p.

40 Cet ouvrage présente les résultats d’une recherche sociologique sur les usages d’Internet des jeunes adultes, entre 18 et 25 ans, en lien avec la sexualité. La problématique de recherche s’intéresse au sens que prennent ces pratiques pour les participantes et participants à l’enquête, et à la manière dont les usages d’Internet s’inscrivent dans différents contextes de l’expérience de la sexualité. En effet, un souci majeur de l’autrice et de l’auteur est de ne pas circonscrire ce qui se passe en ligne aux différentes plateformes numériques explorées par les jeunes, mais bien d’investiguer l’articulation entre des pratiques numériques et des pratiques en présentiel. Ainsi, les propos des jeunes sont systématiquement reliés aux contextes sociaux, relationnels et identitaires dans lesquels elles et ils vivent, tenant compte des appartenances sociales de classe et de genre. L’objectif de l’ouvrage est de dénoncer certaines croyances, véhiculées notamment par les médias traditionnels, en des pratiques sexuelles juvéniles totalement modifiées par les usages d’Internet, dérivant vers un rapport à la sexualité déviant voire dangereux.

41 Partant du constat d’un défaut de documentation scientifique (en France du moins) sur les pratiques des jeunes sur Internet, en lien avec la sexualité, et sur le sens de ces pratiques, les sociologues se sont intéressé·es à la parole des jeunes, à leurs expériences et à leurs représentations. Le cadrage théorique est à la croisée de la sociologie de la jeunesse et de la sociologie du genre et de la sexualité. La sociologie des usages d’Internet est mobilisée lorsque l’enquête citée traite spécifiquement de socialisation juvénile ou de socialisation sexuelle.

42 66 jeunes ont participé à des entretiens, individuels ou collectifs, sur leurs usages sexuels d’Internet. Composée de cinq chapitres, la présentation des résultats démontre une pluralité d’activités en ligne, de la recherche d’information sur l’anatomie ou la santé, à la stimulation masturbatoire, en passant par la drague. Les impulsions sont diverses puisque les jeunes sont en quête d’elles-mêmes et d’eux-mêmes, ayant besoin à la fois de se rassurer, de connaître les normes sociales et de les contourner. Un résultat fondamental est, à notre sens, la fine articulation qui est démontrée entre les appartenances sociales et les ressources dont les jeunes disposent pour s’approprier les usages sexuels d’Internet et les transformer en ressources. Il y a premièrement certaines « conditions qui permettent le développement d’usages intimes d’internet » (p. 22). En effet, les conditions de la vie familiale, la surveillance parentale et l’espace individuel à disposition rendent plus ou moins accessibles les pratiques sexuelles sur ou avec Internet. Dans les faits, les activités en ligne viennent parfois pallier un manque d’information ou d’interaction disponibles dans l’environnement proche de la jeune ou du jeune. En particulier pour les personnes dont la sexualité ne correspond pas aux normes hétérosexuelles et cisgenre, Internet représente un espace de connaissance et de reconnaissance sociale et identitaire salvateur. L’anonymat qu’il permet représente, aux yeux de plusieurs personnes interrogées, une alternative bienveillante et sécurisante à la sociabilité présen-tielle (familiale et juvénile).

43 L’autrice et l’auteur montrent en effet, de manière très convaincante, que les usages d’Internet sont inscrits « dans des rapports de pouvoir que l’on sait être au cœur de l’expérience de la sexualité […]. Le fait de s’exposer sur Internet, le fait d’échanger des photos et des vidéos, de pouvoir ou non en discuter avec d’autres constituent autant d’expériences influencées par le genre, l’orientation sexuelle ou la classe sociale » (p. 119). C’est ainsi que les filles courent plus de risques que les garçons à s’adonner à certaines pratiques comme le partage de photos intimes sur Internet. Face aux sollicitations le plus souvent masculines, leur choix ne peut être serein : « si celles-ci n’acceptent pas de se plier au jeu de ces images et de leur mise en scène, elles risquent de se voir bannies du groupe de pairs, associées à une réputation de “coincées”. Si les filles acceptent, elles sont soumises ensuite au risque de la diffusion de ces images intimes, qui deviennent pour les garçons un moyen de contrôler la relation » (p. 137).

44 Les injonctions hétéronormatives n’épargnent pas les garçons, très préoccupés par une entrée dans la sexualité marquée par le sceau de la performance et soumis à une attente normative de consommation de pornographie, notamment de la part de leurs pairs masculins. En résumé, les filles sont garantes de respectabilité et de santé sexuelles, devant veiller à ne pas tomber enceintes et à préserver le cadre intime de la relation, alors que les garçons sont en charge du « bon déroulement » du rapport sexuel (p. 53). On constate par conséquent encore un « ancrage fort dans la socialisation de genre » hétéronormative.

45 Le croisement des vulnérabilités, de classe, d’âge et de genre, engendre un risque accru de situations de domination pour les jeunes de l’enquête, ce qui achève de démontrer à quel points les usages d’Internet sont articulés aux rapports sociaux globaux : « Les filles les plus jeunes et des milieux les plus précaires comptent parmi celles qui disposent le moins de ressources pour faire face à ces rapports de pouvoir : elles sont davantage exposées à des formes de contraintes et de violence sur Internet » (p. 143).

46 Pour autant, l’autrice et l’auteur insistent sur le constat que les jeunes ne sont absolument pas passives et passifs dans leurs usages sexuels d’Internet. Contrairement à une croyance socialement répandue, les modes d’appropriation des pratiques numériques sont multiples et démontrent une réflexivité assez partagée au sein de la population juvénile. Premièrement, « tous les jeunes rencontrés s’accordent sur le fait que les contenus pornographiques qu’ils visionnent sont des mises en scène et ne révèlent pas la réalité des rapports sexuels » (p. 83). Les jeunes ne naviguent par sur Internet de manière apathique ou naïve. Les représentations de la sexualité sont considérées comme telles et distinguées de leur sexualité relationnelle. La pornographie est mobilisée dans un cadre dans lequel elle est pensée et produite : la masturbation et la stimulation sexuelle. Deuxièmement, les pratiques numériques liées à la sexualité sont étroitement articulées à d’autres pratiques sociales et culturelles. Il existe une « grande porosité entre leurs usages sexuels d’Internet et d’autres activités culturelles qui ne relèvent pas, a priori, de la sexualité » (p. 103). C’est donc bien l’univers identitaire, social et culturel dans toute sa richesse et sa complexité qu’il faut considérer quand on parle d’usages juvéniles d’Internet. Les jeunes accordent leurs usages à leurs besoins d’explorer, d’apprendre et de se construire une identité et une expérience sexuelles, au sein du processus pluriel de leur socialisation.

47 La parole des jeunes est finement restituée et valorisée, mais on peut regretter que la plupart des personnes rencontrées s’exprime de manière rétrospective lorsqu’il s’agit d’évoquer la découverte de la sexualité et le rôle d’Internet dans celle-ci. En effet, elles sont toutes majeures et si la tranche d’âge énoncée en introduction est de 18-25 ans, force est de constater que certaines sont plus âgées, notamment Mélanie et Camille qui ont 26 ans, et Julien qui en a 27. Il y a une certaine discordance entre la mise en avant des propos de quelques enquêtées, notamment Camille dont la parole est très présente, et la fréquente référence à la période de l’adolescence. On pourrait d’ailleurs présupposer que l’avènement de la démocratisation des smartphones a apporté quelques changements aux résultats énoncés.

48 Si les qualités de l’ouvrage sont indéniables du point de vue de l’analyse et de la restitution de la parole des jeunes, le cadrage théorique nous semble présenter plusieurs faiblesses. Premièrement, certains travaux essentiels sur la jeunesse et le genre sont absents, en particulier ceux d’Isabelle Clair. La notion d’« ordre du genre » [7] (2008) aurait été nécessaire à inclure dans la présentation des résultats, afin d’éviter des constats ayant été déjà démontrés. Plus largement, toute la sociologie d’Internet et en particulier la sociologie des usages est absente tant de la problématisation de l’objet que de l’analyse des résultats. Ainsi la revue de littérature intitulée « Socialisation adolescente et usages du numérique », financée par l’Institut national de la jeunesse populaire (INJEP) en 2017, dans laquelle figurent de nombreuses références, aurait-elle pu constituer des ressources utiles pour cet ouvrage. Certaines notions présentées ici, comme celle de « pacte de confiance » (p. 125), mobilisée pour qualifier le partage de photos intimes entre jeunes, sont mentionnées dans la revue de littérature, en l’occurrence en référence aux travaux de Jocelyn Lachance [8] (2013). La question des « frontières de l’intime » (p. 165) dans les usages juvéniles d’Internet est également largement problématisée dans la revue de littérature, en référence à de nombreux travaux ayant spécifiquement traité cette question (Balleys 2016 ; Balleys et Coll 2015) [9]. Enfin, l’on peut regretter que l’ouvrage ne soit pas rédigé dans un langage plus inclusif du point de vue du genre, puisque la formulation au masculin domine toute la restitution et l’argumentation.

49 Claire Balleys
Sociologie
Haute école de travail social de Genève (HES-SO)

Élodie Serna – Faire et défaire la virilité. Les stérilisations masculines volontaires en Europe (1919-1939), 2021, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 308 p.

50 Au croisement de l’histoire des masculinités, de l’eugénisme, de l’anarchisme et de la médecine, cet ouvrage explore l’histoire des stérilisations masculines volontaires en Europe dans l’entre-deux-guerres. Il s’ouvre sur une affaire singulière : celle de l’incarcération d’un coiffeur et d’un couple d’em-ployé·es des postes à Bordeaux en 1935 pour avoir organisé des vasectomies clandestines. En partant du parcours transnational de l’opérateur clandestin et libertaire au cœur de l’affaire (l’Autrichien Norbert Bartosek), l’autrice, docteure en histoire contemporaine, propose d’explorer l’histoire des « stérilisations volontaires » dans neuf pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne, la Roumanie, la Russie et la Suisse. Les sources rassemblées constituent un large et divers corpus, inégal selon les espaces géographiques, allant de sources imprimées issues de la production scientifique et médicale à des archives produites par les mouvements militants et les organisations eugénistes, des archives de presse, judiciaires ou encore des témoignages personnels.

51 La première partie de l’ouvrage s’intéresse aux différentes formes d’interventions sur le corps des hommes durant l’entre-deux-guerres : castrations thérapeutiques, greffes de tissu testiculaire, vasectomie pour le « rajeunissement » et la « revitalisation », ou encore greffe testiculaire employée pour « traiter » l’homosexualité et le « transvestisme ». Le lien existant entre ces différentes opérations n’est en revanche pas toujours clairement établi. Reconnaissant que certaines de ces pratiques (telles que les transplantations testiculaires ou la vasectomie unilatérale pratiquée par le physiologiste Eugen Steinach) n’aboutissent pas à la stérilisation, l’autrice considère que « c’est en tant que techniques de modification corporelle que ces opérations nous intéressent et non en tant que moyen de contrôle de la fertilité » (p. 19).

52 Cette première partie débute avec l’étude des différentes formes de castration pratiquées dans l’entre-deux-guerres. En s’intéressant à la production de connaissances autour du corps des eunuques qui vivent encore en Chine ou dans l’Empire Ottoman au début du xxe siècle, Élodie Serna interroge tout d’abord les régimes de sexuation des corps masculins. Pour les médecins européens qui les étudient, les eunuques servent de modèle expliquant les effets de la castration sur les corps. On peut regretter cependant que la dimension racialisante de ces sources – des récits d’Européens au sujet des eunuques – ne soit pas davantage analysée. S’intéressant ensuite aux hommes qui « volontairement, choisissent de modifier leur corps en se soumettant à la castration » (p. 28) dans la secte soviétique des Skoptzy, connue pour pratiquer la castration rituelle, l’historienne montre que si cette opération est d’abord pratiquée pour des raisons religieuses (s’éloigner de la tentation sexuelle), elle est progressivement associée à une méthode anti-conceptionnelle justifiée par la doctrine néomalthusienne et par le contrôle des méfaits associés à la sexualité masculine. La castration « volontaire » est aussi présente en Europe occidentale, où elle est étudiée par des psychiatres français qui tentent de comprendre les hommes qui souhaitent procéder à une automutilation mais aussi par certains psychiatres suisses comme méthode « thérapeutique » pour soigner les « perversions sexuelles ». Le lien qui relie ces différents usages de la castration n’est pas toujours clair et le fait que l’autrice passe d’un contexte géographique à un autre sans beaucoup de justification (URSS, France, Suisse ou Autriche) participe d’autant plus à cet effet d’éclatement.

53 Élodie Serna revient ensuite sur un épisode bien connu de l’histoire de la médecine : celui des « thérapies de rajeunissement » développées par des figures telles que le chirurgien franco-russe Serge Voronoff et le physiologiste autrichien Eugen Steinach. Ces traitements à base de produits testiculaires et d’une forme renouvelée de vasectomie appelée « opération de Steinach » « visent à restituer la pleine puissance d’une virilité dont on pense avoir déterminé la source physiologique » (p. 47). Ils attirent une clientèle fortunée à la recherche d’une revitalisation physique et psychique. À l’appui d’une littérature secondaire étoffée, l’autrice rappelle que ces traitements auxquels se soumettent certaines personnalités influentes – telles que Sigmund Freud – sont aussi employés pour « soigner » l’homosexualité et pour justifier des chirurgies de réassignation sexuelle.

54 La seconde partie de l’ouvrage porte sur les débats autour de la stérilisation dans les milieux eugénistes. Elle débute avec une campagne en faveur de la légalisation de la stérilisation eugénique en Grande-Bretagne, entre 1928 et 1938, puis évoque les débats autour de la vasectomie au sein de la Ligue mondiale pour la réforme sexuelle (LMRS) ainsi qu’en France et en Espagne. Le deuxième chapitre s’attarde plus particulièrement sur l’un des congrès de la LMRS organisé à Vienne en septembre 1930, où « les trois aspects de la vasectomie, thérapeutique, eugénique et anticonceptionnel, se trouvent discutés dans un même temps, un même espace » (p. 135). C’est d’ailleurs là que se justifie la mise en commun de ces diverses histoires nationales, puisque l’évènement « prouve que le transfert des connaissances sur les différents usages de la stérilisation masculine se fait au niveau international » (p. 135). La perspective transnationale permet en effet de mettre en évidence la circulation des personnes et des idées autour de la vasectomie, comme le montrent bien les exemples jusqu’alors relativement méconnus de la section française de la LMRS et de la Ligue espagnole de la réforme sexuelle.

55 Mais cette approche a aussi certaines limites, notamment géographiques : l’analyse porte principalement sur les cas de la France, de l’Autriche, de l’Espagne et de la Grande-Bretagne. Il faut d’ailleurs attendre la conclusion du livre pour que soient données des informations au sujet du statut légal de la vasectomie (à visée contraceptive et non pas seulement eugénique) dans certains des contextes étudiés. Il aurait été pourtant utile de comprendre comment les différentes législations permettent aux médecins de pratiquer la vasectomie anticonceptionnelle dans la confidentialité de leur cabinet. En Suisse par exemple, l’historienne Caroline Rusterholz a montré que les médecins étaient plus disposés à pratiquer des stérilisations masculines dans les cantons où se pratiquait déjà la stérilisation eugéniste dans les années 1950 : était-ce déjà le cas dans l’entre-deux-guerres en-dehors des réseaux libertaires ?

56 L’un des principaux apports de l’ouvrage consiste à croiser l’histoire du néomalthusianisme et celle des milieux libertaires. En France, l’autrice met ainsi en évidence l’existence d’un « eugénisme antiautoritaire » qui élabore un discours radical sur la stérilisation eugénique disqualifiant « certaines catégories de population considérées comme nuisibles au développement d’une conscience et d’une vitalité révolutionnaires » (p. 180). Ainsi, la troisième partie de l’ouvrage, portant sur les stéri-lisations à visée contraceptive pratiquées dans des réseaux anarchistes en Europe entre 1928 et 1938, est sans nul doute la plus inédite et stimulante. Jusqu’alors pratiquée dans un cadre thérapeutique ou eugéniste, la vasectomie se répand comme une méthode de contrôle des naissances au sein de la classe ouvrière. L’autrice dévoile ainsi un pan jusqu’ici inexploré de l’histoire de la contraception masculine – car principalement reléguée à la technique du retrait ou à celle de la « pilule masculine ». Celle-là débute en Autriche, en 1928, avec l’arrestation d’Hermann Schermz, un chirurgien soupçonné d’avoir pratiqué des vasectomies de « convenance » sur des prolétaires. Contrairement à ceux qui recourent à l’opération de Steinach, les hommes qui ont recours à la stérilisation à visée contraceptive sont, lors du procès, « qualifiés de sous-hommes […] et la stérilisation est dénoncée comme un amoindrissement de la virilité, un acte immoral et une atteinte aux forces vives de la nation » (p. 195). En suivant la trace d’affaires judiciaires similaires, Élodie Serna met en évidence l’existence de réseaux clandestins de vasectomie, effectuées au domicile d’ouvriers par des médecins proches de Schmerz mais aussi par des non-médecins formés à la technique opératoire. En opposition à celle « thérapeutique » ou « eugéniste », la stérilisation à visée contraceptive rencontre pourtant une plus grande résistance, tant de l’État que du corps médical, car « le fait que l’anticonception puisse échapper au contrôle des autorités morales et médicales passe pour être un vecteur de chaos » (p. 248).

57 La constitution d’un réseau clandestin de vasectomie témoigne autant de la demande des hommes que de la transformation de la stérilisation masculine comme acte politique revendiqué par les milieux anarchistes et libertaires. Réprimés en Autriche, les « vasectomistes » se réfugient en Espagne et en France, où ils continuent à opérer et à promouvoir la stérilisation. Élodie Serna montre les traces laissées par ces réseaux clandestins dans les sources juidiciaires, les articles de presse et les témoignages d’anciens militants libertaires. Le livre se termine sur la fameuse « affaire de Bordeaux » de 1935 qui fit grand bruit dans la presse et qui aboutit à la condamnation de Bartosek et de ses camarades pour avoir procédé à une quinzaine de stérilisations de convenance. Au moment où éclate la Seconde Guerre mondiale, la plupart des vasectomistes se sont réfugiés à l’étranger – notamment à Genève – où ils continuent la pratique en toute discrétion sans laisser de traces cependant. Une nouvelle page de l’histoire de la vasectomie demeure ainsi à écrire.

58 Camille Bajeux 
Histoire, université de Genève
Études genre

Arthur Vuattoux, Adolescences sous contrôle. Genre, race, classe et âge au tribunal pour enfants, 2021, Paris, Presses de Sciences Po, 192 p.

59 Adolescences sous contrôle décrit le fonctionnement d’une justice des mineur·es démunie dans un contexte sécuritaire où la protection de la jeunesse passe après la lutte contre la délinquance et où l’État se désinvestit des quartiers populaires. Si l’auteur souligne le décalage entre l’intérêt proclamé pour les jeunes « vulnérables » ou « délinquants » et la faiblesse des moyens déployés par l’État, il saisit aussi le contrôle des adolescent·es sous l’angle du genre. Pour ce faire, Arthur Vuattoux étudie conjointement justice pénale (répressions d’actes judiciarisés) et assistance éducative (suivi au long cours des jeunes et de leur famille). En effet, dans ces deux institutions, les garçons sont majoritaires, mais ils ne le sont pas dans les mêmes proportions : les filles représentent 24,1 % des personnes prises en charge par la Protection judiciaire de la jeunesse et 39,6 % de celles suivies par l’Assistance sociale éducative. L’étude des cas minoritaires des filles, relativement aux garçons, permet de saisir les stéréotypes de genre inhérents au fonctionnement de la justice des mineur·es (partie 1) et sous-jacents au traitement différentiel de ces déviances (partie 2). Alliant sociologie du droit et études intersectionnelles, Arthur Vuattoux s’inscrit dans la lignée des travaux sur les formes genrées du contrôle social (tels ceux, séminaux, de Coline Cardi) pour analyser les trajectoires des jeunes filles et garçons confronté·es à l’institution judiciaire. Pour ce faire, il réalise une analyse quantitative et qualitative de dossiers judiciaires de mineur·es au pénal et en assistance éducative, observe les audiences d’un tribunal pour enfants et un service éducatif d’un tribunal.

60 Dans la première partie, l’auteur s’appuie sur plusieurs études de cas pour comprendre le lien entre l’acte de juger et la production de normes genrées. Il montre qu’en dépit de la similarité des profils pénaux des adolescents et adolescentes, les réponses pénales diffèrent. Il met en lumière la tendance à réduire les parcours masculins aux seuls actes déviants commis quand les jeunes filles sont soumises à un contrôle social plus intrusif, à la fois sur leur corps et sur leur personnalité. Du côté des adolescentes déviantes, ce contrôle étendu se décline sous deux modalités. D’une part, elles se voient systématiquement sexualisées : la sexualité est présente dans presque tous les dossiers, y compris lorsqu’ils n’engagent pas celle-ci, fait incomparable avec les dossiers des garçons.

61 D’autre part, leur personnalité est explorée plus finement, l’accent est mis sur les problématiques de relations familiales difficiles, de souffrance psychique ou de relations intimes. S’appuyant sur l’idée de déterminants spécifiques de la déviance féminine qui justifieraient un surcroît de protection, l’institution a davantage recours aux soins les concernant. La déviance des jeunes filles fait l’objet d’un processus de sanitarisation, le plus souvent sous la forme d’une psychiatrisation ou d’une psychologisation. Du côté des garçons déviants, « symboles de la masculinité hégémonique et […] de la pauvreté ou de la marginalisation au sein de la société » (Alan Reich, cité p. 67), les dossiers soulignent l’omni-présence de la violence dans les affaires, ce qui souvent oblitère la vulnérabilité de certains garçons. « La scolarité ou la formation paraissent centrales dans l’analyse des situations des garçons, tout comme leur inscription dans une dynamique de responsabilisation (professionnelle, personnelle, sociale) » (p. 82) ; leur intimité comme leur personnalité ne sont pas explorées. Les garçons sont soumis à un contrôle avant tout disciplinaire (la restriction de liberté). L’inquiétude diffé-rentielle envers les filles et les garçons est reconnue par une partie des professionnel·les, qui souvent voient dans l’attitude des mineur·es face aux magistrat·es et aux éducateur·rices la source de cette différence. Cette grille de lecture genrée conduit l’institution à occulter son propre travail de production de normes de genre. Cela a pour fonction de solidifier la croyance commune en une différence des sexes fondamentale, fondée en nature.

62 Dans la seconde partie, Arthur Vuattoux s’intéresse aux effets de cette grille de lecture genrée, c’est-à-dire à la manière dont certain·es adolescent·es se voient surcontrôlé·es ou sous-contrôlé·es en fonction de critères de genre, de classe, de race et d’âge, reprenant le diptyque « privilège/oppression » forgé par les féministes. Le chapitre 4 porte sur une affaire atypique concernant des adolescentes des beaux quartiers poursuivies pour infraction à la législation sur les stupéfiants, bénéficiant d’un traitement favorable par la justice. Cela pourrait être interprété comme une justice de classe, de race et de genre mais l’auteur va au-delà et y voit la manifestation d’un « privilège » blanc, de classe et de genre qui excède le cadre spécifique de l’exercice du droit mais qui s’y trouve parachevé (p. 117). En miroir, le chapitre 5 développe des situations où les propriétés sociales des adolescent·es concourent à des formes d’oppres-sion sociale. Par exemple, quand des adolescent·es sont jugé·es, « tout se passe comme si [leur] socialisation dans un milieu familial violent expliquait per se leurs éventuels comportements déviants, et légitimait par ailleurs une faible protection par l’institution qui se positionne comme impuissante face à des configurations familiales considérées comme trop instables, inintelligibles » (p. 125).

63 Le chapitre 6, certainement le plus original et stimulant de l’ouvrage, se focalise sur un cas spécifique d’oppression : les jeunes filles roumaines. Certes, les garçons roms sont aussi traités plus sévèrement que les autres garçons, mais c’est pour les filles que l’écart se creuse : poursuivies pour des vols à la tire ou devant des distributeurs bancaires, elles se retrouvent condamnées à la prison ferme, traitement exceptionnel au regard des autres jeunes filles. Vuattoux distingue deux figures (dans les dossiers et les repré-sentations des professionnel·les) : d’un côté, les « jeunes filles domiciliées » issues des quartiers populaires qui agissent d’une manière interprétable à travers les scripts du genre et dont la déviance sera avant tout pathologisée (cf. supra) ; de l’autre les jeunes filles roumaines. Ces dernières sont appréhendées comme des victimes de réseaux mafieux ou des figures hors-cadre de l’adolescence déviante. « L’absence de scripts de genre ou de classe communément partagés au profit d’une assignation raciale stigmatisante se traduit par un rejet symbolique hors du groupe des filles tant la distance établie dans l’institution judiciaire entre ces jeunes filles roumaines et les autres jeunes filles est abyssale » (p. 156). Prises dans ces représentations culturalistes, elles sont envisagées à travers leur seule fonction reproductrice (ce sont les seules mineures pour lesquelles on renseigne l’état de grossesse) ou à travers leurs stigmates (maladie, blessures, carences). Rejetées hors de la féminité du fait d’un usage raciste des attributs du genre, elles seront soumises comme les garçons adultes à un traitement disciplinaire. Plus encore, les adolescent·es roms ne sont jamais renvoyé·es à l’imaginaire de l’adolescence, proche de l’école et des relations sentimentales fugaces : elles sont soumises à un « processus d’adultification ». L’institution judiciaire les rattache à la délinquance adulte, les traite comme telles et les prive d’une tempérance qui devrait être accordée dans le traitement des déviances adolescentes.

64 À travers ce cas, Arthur Vuattoux éclaire « la manière dont l’État agit face à une entité minoritaire qu’il a contribué à minoriser » et se demande si « la justice rééquilibre […] les discriminations subies par les populations roms dans la société quand bien même celles-ci se présenteraient à elle sous les traits de la délinquance adolescente, ou [si elle] entérine […] au contraire les discriminations en les reproduisant entre les murs des tribunaux puis par extension entre ceux des prisons ? » (p. 145). Question qui laisse la lectrice songeuse, car si tant est que l’on puisse décrire le caractère discriminatoire des pratiques judiciaires envers les populations roms, il semble délicat d’imputer en sociologue à la justice un rôle de « rééquilibrage » face à des inégalités qui préexistent largement au traitement par la justice et qui s’inscrivent dans des représentations stigmatisantes plus largement partagées.

65 Plus généralement, l’ouvrage est d’une remarquable pédagogie et d’une grande clarté dans l’explicitation des concepts, même si cela se fait parfois au détriment de l’usage des matériaux empiriques, qui prennent à certains moments une tonalité plus illustrative qu’analytique. Il n’en demeure pas moins une contribution importante et éclairante à l’appréhension des formes genrées du contrôle social.

66 Gwénaëlle Mainsant
Sociologie, CNRS
Institut de recherche interdisciplinaire
en sciences sociales (IRISSO)

Soline Blanchard et Sophie Pochic (dir.), Quantifier l’égalité au travail. Outils politiques et enjeux scientifiques, 2021, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 395 p., Postface Emmanuel Didier.

67 Coordonné par Soline Blanchard et Sophie Pochic, cet ouvrage collectif rassemble 14 contributions autour d’un double objectif : enrichir les travaux sur la quantification à partir d’une réflexion sur l’égalité professionnelle et salariale ; inciter les acteur·ices des politiques d’égalité à se saisir de la quantification de manière stratégique (p. 33). Quatre auteurs et treize autrices : la proportion de femmes prenant part à cet ouvrage nous permet-elle de jauger de l’égalité femmes-hommes dans le champ académique ? L’équation est plus complexe, il en est de même concernant l’égalité profes-sionnelle et salariale. Définie en sociologie comme une activité sociale prise dans des rapports de pouvoir (p. 12), la quantification ne constitue pas une garantie de rationalité et de neutralité, notamment du point de vue du genre. C’est à cet exercice de déconstruction que se sont attelé·es ces actrices et acteurs de terrain et universitaires inscrit·es dans divers champs disciplinaires (science politique, sociologie, économie, droit, sciences de gestion).

68 Les trois parties de cet ouvrage font entièrement écho aux partis pris scientifiques et méthodologiques exposés par leurs coordinatrices : il s’agit moins d’évaluer les instruments de quantification que d’ouvrir « la boîte noire de leur fabrique » (p. 27). La première partie présente la construction des indicateurs de l’égalité et leur mobilisation se joue à l’intersection de rapports de pouvoir complexes entre pouvoirs publics et représentant·es des entreprises et des salarié·es. La promotion d’indicateurs sexués par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail a justement permis la légitimation d’une perspective de genre auprès des entreprises et des pouvoirs publics (Chappert et Blanchard). La production de chiffres peut donc contribuer à faire exister un problème public (p. 12), mais les outils sélectionnés dépendent des acteurs et actrices mobilisé·es, de leurs intérêts et de leurs représentations. À ce titre, la promotion d’un palmarès par le ministère des Droits des femmes s’inscrit dans la logique suivante : produire les dispositifs les plus ajustés possibles aux discours et pratiques en vigueur dans le monde économique (Blanchard, p. 134).

69 Situer ces rapports de force dans le temps long permet de mieux comprendre les enjeux politiques de la quantification des inégalités entre femmes et hommes. C’est ce que montre le sociologue Vincent-Arnaud Chappe à propos du Rapport de situation comparée (RSC) : si sa consolidation a été portée par les syndicats depuis la loi Roudy en 1983, en dépit des oppositions patronales, la montée d’un discours en faveur de la « simplification » des obligations pour les entreprises a constitué une fenêtre d’opportunité pour la remise en cause de cet instrument d’objectivation des inégalités de genre. L’articulation entre négociation collective et contrôle effectif des résultats par les pouvoirs publics semble primordiale pour pallier cette tendance à la « simplification au détriment de l’égalité femmes-hommes » (Binet, p. 76).

70 Les contributions de la seconde partie proposent un tour d’horizon des enjeux de quantification de l’égalité salariale à l’échelle internationale. Valérie Tanguay appuie l’idée que la transposition précoce et extensive du cadre juridique inter-national en matière d’égalité de rémunération au Québec a été favorisée par une « culture nationale » favorable à l’égalité (p. 146). Séverine Lemière et Rachel Silvera identifient, quant à elles, trois facteurs nécessaires à la prise en compte de la sous-valorisation des emplois à prédominance féminine dans la quantification des inégalités salariales (p. 191) : une volonté politique forte, la production et la légitimité de travaux en économie du genre, l’existence d’une véritable négociation collective de l’égalité salariale. À partir des cas suédois et danois, Susan Milner montre également que la mise en place d’un système d’équité salariale dépend toutefois des contrôles et dispositifs coercitifs favorisant le respect de la loi. Si les négociations collectives constituent l’une des voies pour impulser une approche collective de garantie de l’équité salariale, Hazel Conley illustre l’intérêt d’un outil garanti par la législation. Dans l’ensemble de cette première partie, les autrices soulignent l’importance d’évaluer ce que signifie un « travail de valeur égale » (p. 150) pour ne pas reproduire des inégalités salariales entre les emplois à prédominance masculine et d’autres largement féminisés.

71 Après la comparaison de plusieurs contextes nationaux, la troisième partie de l’ouvrage se focalise sur les usages des indicateurs à l’échelle des entreprises et des institutions. Si les données quantitatives peuvent être mobilisées dans le cadre de contentieux juridiques pour attester de discriminations directes ou indirectes entre femmes et hommes au travail, la technicisation des contentieux peut nuire à la mise au jour effective des inégalités (Michel Miné). La contribution de Vincent-Arnaud Chappe et Sophie Pochic fait écho à ce point de vigilance. En effet, la technicisation des négociations collectives n’est pas synonyme de dépolitisation (p. 282), à condition que les syndicats disposent de compétences techniques et puissent participer à l’ensemble du processus de quantification. Hédia Zannad et Annie Cornet soulignent quant à elles les enjeux en termes de collecte de données au sein des organisations ainsi que l’intérêt d’intégrer des données qualitatives pour comprendre plus finement le sentiment de discrimination et la réception des politiques d’égalité. Dans leur contribution, Pierre Lescoat et Claire Dambrin montrent, d’ailleurs, que malgré un sentiment de discrimination éclipsé par une représentation des indicateurs chiffrés comme justes et objectifs, l’évaluation des professionnel·les des salles de marché est indexée à une représentation masculine de la performance. Enfin, Anne-François Bender souligne la réception plutôt favorable des mesures en faveur de la parité dans les instances dirigeantes par les acteur·ices de la vie économique. Le contexte d’adoption de la loi française sur les quotas dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises (2011) contraste ainsi avec les réticences des organisations patronales sur la question de réduction des inégalités salariales qui implique de « mettre de l’argent sur la table » (p. 71).

72 Des travaux ont souligné les écueils des discours et instruments focalisés sur la mixité de genre au sein des instances de gouvernance et des postes de cadres. Sophie Pochic a notamment questionné l’émergence d’une « égalité élitiste », qui participerait à une dualisation du marché du travail féminin [10]. Si elle est au cœur de ces politiques d’égalité professionnelle, la question de la quantification des inégalités est peu traitée comme objet à part entière dans la littérature scientifique. Cet ouvrage propose d’enrichir cette perspective critique à partir des principaux apports de la sociologie de la quantification.

73 L’intérêt de l’ensemble de ces contributions est bien de dévoiler les rapports de pouvoir qui traversent la quantification de l’égalité au travail. Surtout, cet ouvrage collectif propose aux actrices et acteurs des politiques d’égalité femmes-hommes des pistes de réflexion et modalités d’action d’un bout à l’autre du processus de quantification. L’intérêt de prendre en compte la sous-valorisation des emplois à prédominance féminine dans le calcul des inégalités salariales (Lemière et Silvera) suppose ainsi une vigilance dès l’élaboration des conventions de mesure. Au-delà, le « pouvoir émancipateur des nombres » (p. 26) dépend de la capacité des syndicats et organisations féministes à mobiliser des compétences techniques lors des négociations avec les entreprises et l’État. Surtout, l’ensemble des contributions souligne une condition indispensable à l’articu-lation entre la mesure des inégalités et leur réduction : l’effecti-vité de dispositifs de contrôle et de mesures coercitives garantie par les pouvoirs publics.

74 À ce titre, on regrettera que Valérie Tanguay ne discute pas davantage les travaux de sciences de gestion qui accordent un rôle central à la « culture nationale » dans l’atteinte de l’équité salariale. Notre lecture nous amène plutôt à constater que la mise en place de sanctions monétaires importantes a été décisive dans la mise en conformité des entreprises québécoises à la législation. De manière générale, les lecteur·ices auraient certainement attendu qu’une grille de lecture commune serve de fil rouge aux contributions de cette partie consacrée aux « leçons d’expériences étrangères ». Elles et ils apprécieront néanmoins la richesse de ces apports empiriques pour penser la quantification de l’égalité au travail comme un véritable enjeu politique.

75 Axelle Peltier
Science politique, université Paris-Saclay
Laboratoire Professions, Institutions, Temporalités (Printemps)


Date de mise en ligne : 15/09/2022

https://doi.org/10.3917/cdge.072.0251

Notes

  • [1]
    On notera que les suites de l’histoire ne seront pas très favorables à Psyché exposée à la colère de Vénus dans une succession d’épreuves pour finalement succomber et être ramenée à la vie par un baiser d’Eros – en somme elle préfigure aussi la passivité de Blanche-Neige dans l’éveil sexuel.
  • [2]
    Stanley Cavell (1981). Pursuits of Happiness : The Hollywood Comedy of Remarriage. Cambridge, Harvard University Press. Traduction française de Sandra Laugier ; et Christian Fournier (2017). À la recherche du bonheur - Hollywood et la comédie du remariage. Paris, Vrin ; Sandra Laugier (2014). Recommencer la philosophie : Stanley Cavell et la philosophie en Amérique. Paris, Vrin.
  • [3]
    Nash Kate (ed.) (2014). Transnationalizing the Public Sphere. Cambridge Polity Press, p. 43-59
  • [4]
    Bereni Laure, Chauvin Sébastien, Jaunet Alexandre, Révillard Anne (2008, pour la première édition). Introduction aux gender studies. Louvain-La-Neuve, De Boeck.
  • [5]
    Nathalie Lapeyre (2006). Les professions face aux enjeux de la professionnalisation. Toulouse, Octarès éditions.
  • [6]
    En référence à la notion de « triangle de velours » développée dans Alison Woodward (2004). « Building Velvet Triangles: Gender and Informal Governance ». In Piattoni Simona, Christiansen Thomas (ed.), Informal Governance and the European Union. Cheltenham, Edward Elgar : 76-93.
  • [7]
    Clair Isabelle (2008). Les jeunes et l’amour dans les cités. Paris, Armand Colin.
  • [8]
    Lachance Jocelyn (2013). Photos d’ados. À l’ère numérique. Québec, Presses de l’Université Laval.
  • [9]
    Balleys Claire (2016). « Gestion de l’intimité et affichage d’un territoire sentimental entre adolescents sur Internet ». Agora débats/jeunesses, 72 : 7-19 ; Balleys Claire, Coll Sami (2015). « La mise en scène de la vie privée en ligne par les adolescents ». RESET, 4 (http://reset.revues.org/547).
  • [10]
    Pochic Sophie (2018). « Féminisme de marché et égalité élitiste ? ». In Margaret Maruani (éd.), Je travaille, donc je suis. Perspectives féministes. Paris, La Découverte : 42-52.

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