Notes
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[1]
« Le genre est un élément constitutif de rapports sociaux fondé sur des différences perçues entre les sexes, et le genre est une façon première de signifier des rapports de pouvoir » (Scott 1988 : 141)
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[2]
Parmi les rares études, on pourra citer Colmellere 2017 qui porte sur la manière dont les élèves perçoivent la question des sexualités et des genres à Centrale Paris.
-
[3]
On s’appuiera sur les travaux fondateurs de J. Hanmer (1977) pour définir le terme : tous les actes de violence à l’égard des femmes en tant que femmes (et la menace de se livrer à de tels actes) avec pour objectif de les tenir sous contrôle, soit afin de les exclure de certains domaines ou de restreindre leur champ d’action, soit pour les obliger à un certain comportement.
-
[4]
Et dans le cadre d’une formation en études sur le genre, menée à distance avec l’université Rennes 2 et l’Université de Bretagne Occidentale.
-
[5]
Le présent article n’aborde pas en détail les résultats de cette première partie, mais se concentrera sur la seconde, propre aux violences sexistes et sexuelles.
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[6]
On doit admettre deux biais principaux. Premièrement, il faut souligner que le sondage était basé sur un échantillonnage à participation volontaire. Afin de limiter l’impact de ce biais, l’enquête n’a pas été présentée comme portant sur les violences, mais s’intéressant de manière générale aux conditions d’études. Les commentaires libres ont d’ailleurs montré que les éventuelles motivations des répondant-e-s étaient particulièrement variées (aussi bien volonté de promouvoir les écoles que dénoncer les excès). Deuxièmement, afin de libérer la parole autant que possible, il a été décidé de ne pas demander de données personnelles (nom, email, matricule étudiant), garantissant ainsi l’anonymat. Seul le sexe, le nom de l’établissement et la région de résidence ont été demandés afin de vérifier la représentativité de l’échantillonnage. Le nombre de questions (plus de 100) et leur formulation ont permis de déceler les éventuelles incohérences dans les réponses, et ainsi limiter les risques d’identité usurpée.
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[7]
Le questionnaire s’adressait aux élèves inscrits en école en 2016 ainsi que les diplômé·e·s depuis moins de deux ans.
-
[8]
Dans notre sondage, il a été demandé aux filles d’indiquer si elles avaient déjà subi des violences verbales ou physiques, sexistes ou sexuelles en choisissant parmi des listes d’exemples ou de cocher la case « Jamais ». Faisant écho à la méthodologie utilisée par l’Ined (2016), les termes « harcèlement », « agression » et « viol » n’ont pas été utilisés. La formulation des questions reposait sur les définitions ou la description de faits pouvant relever de ces catégories. Les répondantes n’ont pas eu à définir ou classer elles-mêmes les actes subis selon le cadre juridique français.
-
[9]
En droit français, « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » (art. 222.22 CP). Il peut s’agir par exemple de baisers, attouchements de nature sexuelle, masturbations, contacts oral-génital, pénétrations ou voyeurisme.
-
[10]
La cartographie des initiatives pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les établissements d'enseignement supérieur et de recherche est disponible sur le site https://data.enseignementsup-recherche.gouv.fr (dernière mise à jour du site : 01/12/2017)
-
[11]
Interrogés sur les différences qu’ils perçoivent entre filles et garçons, on constate qu’en moyenne, 82 % des garçons n’ont pas de préjugés négatifs sur les qualités et compétences des filles.
-
[12]
Depuis les années 1970, de nombreux auteur·e·s et mouvements féministes (N. Connell et C. Wilson 1974, S. Brownmiller 1975) ont contribué à définir le concept de « culture du viol » pour décrire nos sociétés par opposition à « culture du consentement ». Il existe de nombreuses définitions, nous avons choisi ici de reprendre celle de la Fédération des syndicats étudiants du Canada (CFS), « une culture du viol est une société où les institutions et les pratiques sociales et culturelles cautionnent, banalisent et normalisent la violence sexuelle. Dans une culture du viol […] cette violence est rendue invisible et perçue comme inévitable plutôt que comme un problème qui doit changer » (CFS, 2015).
-
[13]
La prévention et le traitement des violences sexistes et sexuelles, dont le harcèlement sexuel, ont notamment été mis en avant par la circulaire de 2012 actualisée en 2015 du MENESR, ainsi que les feuilles de route 2016 et 2017 du Ministère, et enfin dans la lettre de recommandations aux directeurs-trices d’établissements en 2016. Le Ministère a aussi apporté son soutien dans la diffusion du « Vade-mecum à l’usage des établissements sur le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur et la recherche » rédigé par le Clasches, l’ANEF et la CPED (2015, 2017).
1Les écoles d’ingénieur·e·s bénéficient d’un grand prestige en France. Seuls reproches que les autorités publiques et les médias leur adressent de temps en temps : le manque de diversité sociale (6 % d’enfants d’ouvriers contre 46 % d’enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures, Observatoire des inégalités 2016) et de féminisation (28 % de filles, CDEFI 2016 ). Au cours des 20 dernières années, de nombreuses études ont été consacrées à la sous-représentation numérique des filles dans les formations scientifiques et technologiques en France (Baudelot et Establet 1992, Duru-Bellat 2004, Stevanovic 2012 ou encore Vouillot 2007). Cependant ces travaux se concentrent principalement sur les mécanismes socio-culturels et psychologiques de l’orientation scolaire qui mènent à une ségrégation sexuée des trajectoires scolaires et professionnelles. Très peu d’études ont abordé le genre [1] ou les rapports sociaux de sexe entre élèves au sein des écoles d’ingénieur·e·s françaises [2], et encore moins le lien entre mixité et conditions d’études de ces élèves. Seules les conclusions du projet européen Womeng (Sagebiel, Dahmen 2005 ; Commission européenne 2006) dont l’objectif était de comprendre les raisons pour lesquelles les filles sont si peu nombreuses à choisir ces études et professions évoquaient la nécessité d’améliorer leurs conditions de formation. L’enquête présentait les écoles d’ingénieur·e·s comme un environnement potentiellement aliénant pour les filles, et identifiait aussi des cas de sexisme. Cependant elle soulignait que la situation des jeunes françaises était a priori meilleure que dans les autres pays européens.
2Travaillant moi-même depuis six ans en école ingénieur·e·s, j’avais eu l’occasion d’entendre deux types de témoignages de la part des élèves filles, aux antipodes l’un de l’autre : épanouissement et fierté pour certaines, déception et mal-être pour d’autres. Des cas de sexisme et de violences sexuelles m’avaient notamment été rapportés, mais je ne parvenais pas à savoir s’il s’agissait de situations isolées ou non. Je découvre alors qu’il n’existe pas d’enquête sur le sexisme en école d’ingénieur·e·s en France. Pour trouver des travaux de recherche sur les violences de genre [3] dans un milieu non mixte, il me faut sortir du cadre éducatif, et me projeter dans le monde du travail, notamment à l’étranger (Tougas et al. 1995 et 2005, Legault 2001, Cromer et Lemaire 2007). Ces travaux présentent des clés de lecture qui semblent correspondre à ce que j’observe dans certaines écoles d’ingénieur·e·s, mais il me manque alors des données quantitatives et qualitatives pour vérifier cette hypothèse.
3Au printemps 2016, je décide donc de commencer une enquête, en collaboration avec l’Association Femmes Ingénieurs [4], auprès d’élèves en école d’ingénieur·e·s sur les conditions d’études des filles. L’enquête est composée de deux parties : la première partie aborde le niveau de satisfaction générale des filles vis-à-vis de leur formation ainsi que leur état de bien-être et de santé. [5] La seconde partie explore plus spécifiquement la question du sexisme et des violences sexuelles. Les garçons ont-ils des représentations sexistes des filles ? Identifie-t-on des cas de violences sexistes et sexuelles ? Constate-t-on des différences de situation en fonction du niveau de mixité de l’établissement ?
4La méthode de recherche retenue est un questionnaire anonyme en ligne [6] composé de 150 questions pour les filles et 110 pour les garçons. L’invitation est transmise via le réseau de l’Association Femmes Ingénieurs, une vingtaine de BDE (Bureaux des élèves) et associations étudiantes. Au total, 1 554 élèves, dont 920 filles et 634 garçons ont répondu au sondage. Ce sont plus de 90 écoles représentées sur les 206 répertoriées par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Enseignement supérieur (MENESR) en 2016, venant de toutes régions de France métropolitaine. En complément des visées quantitatives du questionnaire, une dernière question sous forme de commentaire libre a permis de recueillir des témoignages individuels de 199 filles et 131 garçons.
5Les résultats de la première partie de l’enquête montrent que les études d’ingénieur·e·s représentent effectivement une chance formidable d’épanouissement personnel, académique et intellectuel, que cet article ne remet pas en cause [7]. Interrogées sur leur niveau de satisfaction générale, les filles dressent un bilan très positif de la qualité de l’enseignement et du cadre d’études. Ainsi, selon notre enquête, 99 % des filles recommanderaient les études d’ingénierie à des lycéennes.
6Cependant, les résultats de la seconde partie de l’enquête montrent que derrière cette prestigieuse image de « voie royale » se cache une banalisation des violences de genre entre élèves dans de nombreuses écoles. L’objectif de cet article est de présenter dans un premier temps un état des lieux des violences sexistes et sexuelles en détaillant les résultats de l’enquête, et dans un second temps, d’analyser ces données et témoignages, en s’interrogeant sur l’origine de ces violences et les raisons de ce silence.
Etat des lieux des violences sexistes et sexuelles
Violences verbales
7Selon notre sondage, 63 % des filles disent avoir subi directement, ou avoir été témoins de violences verbales sexistes ou sexuelles sur le campus. Dans les établissements comptant moins de 30 % de filles, ce chiffre monte à 71 % (et 57 % régulièrement).
Les blagues sexistes sont drôles pour 90 % de la promo (les mecs) donc la majorité gagne : « Les femmes sont des pièces de viande », « La bite est reine ». Les blagues à caractère sexuel directement tournées vers nous : « Tu aimes ça », « Je vais te faire ça » etc.) m’arrivent plusieurs fois par demi-heure ces derniers temps.
9À l’image de ces témoignages d’élèves filles, parmi celles qui ont été victimes de violences verbales, 82 % d’entre elles évoquent des blagues à caractère sexistes ou sexuelles. 39 % évoquent des insultes et propos humiliants et dégradants pour elle-même ou pour les femmes en général. Les mimes de gestes sexuels et le fait d’être sifflées sous un prétexte de drague sont aussi cités par plus d’un quart des répondantes ayant été victimes de violences verbales. De nombreux témoignages font état d’affiches ou vidéos à caractère sexiste ou sexuel pour la promotion des associations et de leurs activités.
10Les filles sont particulièrement la cible d’attaques sur leur apparence physique et sur leur vie affective et sexuelle. Plusieurs élèves évoquent l’existence de classements, remises de prix, sites internet, publications en format papier ou électronique, utilisés comme medium pour les juger et les comparer physiquement, ou encore exposer leur vie sexuelle (supposée ou avérée). Une élève fille témoigne ainsi :
À la fin de l’année, on désigne la fille qui est supposée avoir eu le plus de rapports sexuels. Elle devient « la salope de la promotion ».
12Plusieurs filles dénoncent les nombreuses injonctions paradoxales auxquelles elles doivent ainsi faire face : d’un côté maintenir un comportement exemplaire discret, ne pas être aguicheuse ou provoquante ; d’un autre côté accepter cette sur-sexualisation de la vie associative et étudiante, savoir mettre en valeur et de manière constante leur féminité et se soumettre aux jeux de séduction imposés par la majorité masculine. Par ailleurs, quelques élèves filles soulignent aussi les injonctions à l’hétéronormativité et des propos ou attitudes lesbophobes.
Violences physiques
13Selon le sondage [8], 10 % des filles déclarent avoir déjà subi une agression sexuelle [9] sur le campus (hors exhibition sexuelle). 5,7 % disent avoir été victimes d’une tentative de viol ou d’un viol. Par comparaison, selon l’enquête de l’Institut national d’études démographiques (Ined, 2016), parmi les femmes de 20 à 69 ans, la proportion de femmes victimes de violences sexuelles dans le cadre leurs études est de 1,38 % et celle victime de tentatives de viols et de viols est de 0,20 %.
14D’après notre sondage, dans la majorité des cas il s’agit de rapports sexuels « alors que la femme est inconsciente ou en état d’alcoolémie avancé ». Les rapports sexuels sous la contrainte physique, la menace ou la pression morale semblent minoritaires. Enfin 96 % des filles disent que ces violences physiques viennent principalement ou uniquement des garçons. 18 % témoignent de cas d’exhibition sexuelle, même si cela ne semble pas considéré comme une forme de violence par de nombreuses filles. En revanche, elles admettent que cette pratique tend à être réservée aux garçons, et que les filles qui le font s’exposent ensuite à des représailles.
Un mec qui se met à poil en soirée est super cool, une fille qui se met en soutien-gorge est une chaudasse qui cherche à se faire tripoter/baiser (je l'ai fait une fois, je me suis faite harceler pendant des mois et tagger ma porte de chambre).
16Enfin, on note que parmi les filles ayant déjà été agressées sexuellement, 34 % disent subir ces violences physiques régulièrement.
Quant au fait de se faire toucher les fesses (rien qu’hier 3 garçons différents m’ont touché les fesses en plaisantant, malgré mes protestations ; pour autant j’ai fini par m’y résigner […] à l'insistance des garçons devant un refus sexuel, cela n'a pas simplement lieu plusieurs fois par semaine, mais tous les jours.
Banalisation par les élèves
18Cependant, il est important de souligner que le point de vue des élèves semble très divisé sur le degré de gravité de ces propos et comportements. De nombreux témoignages collectés lors de l’enquête indiquent une forte tolérance face au sexisme comme le montre cette remarque d’un élève garçon :
Sur les affiches pour les soirées étudiantes, avec un pourcentage élevé de garçons en école d’ingénieurs on ne peut pas mettre un garçon en slip pour attirer les étudiants [garçons donc] à venir. Il est vrai que c'est une image dégradante pour les femmes mais c’est ce qui fonctionne.
20La majorité des filles semblent elles aussi qualifier ces propos de simple humour et optent pour des stratégies d’évitement ou d’euphémisation, et rarement de contestation. Certaines filles avouent participer elles-mêmes activement à cette ambiance sexiste :
J’ai fait des affiches avec des femmes en décolleté, des clips sexistes, sûrement fait un paquet de blagues sexistes ou au moins ri à celles des autres […] J’ai organisé un défilé avec une fille qui était en sous-vêtements à la fin […] Je faisais ça juste pour attirer du monde à mes événements. C’était dans la même logique que mettre de la bouffe gratuite.
22Au-delà du sexisme, les violences sexuelles sont elles aussi banalisées, comme l’explique cette élève fille :
Une main aux fesses – un camarade qui, ayant bu, nous empêche de rentrer chez nous sans que nous l’ayons embrassé – un autre qui, une nuit, entre sans autorisation puis refuse de sortir de notre chambre – ce sont des situations que nous avons vécues personnellement et qui sont banalisées. Nous ressentons parfois de la gêne sans nous dire que c’est réellement problématique, nous le voyons comme faisant partie intégrante de la vie sur le campus.
24Enfin, on observe que la minimisation de la gravité des faits est d’autant plus marquée que la victime est alcoolisée.
Un soir à la résidence, j’ai retrouvé une fille en larmes parce qu’elle avait été violée la veille […] Elle n’a pas voulu porter plainte […] Elle était saoule [ce soir-là]. C’était quelqu’un qu’elle connaissait et le type est venu s’excuser le lendemain. Du coup elle se disait « c'est pas grave, il voulait pas être méchant » témoigne une élève fille.
Tabou des agressions sexuelles
26Il semble qu’un tabou général couvre ces agressions sexuelles. Seules 12 % des filles victimes de violences sexuelles ou sexistes disent en avoir parlé à l’administration, aux représentants des élèves ou aux professeurs. Seules 24 % des élèves ayant subi des violences physiques sexuelles disent avoir reçu de l’aide de proches (soutien moral ou conseils juridiques) permettant d’améliorer la situation.
27On note aussi que les initiatives mises en œuvre par l’administration ou encore le tissu associatif sur les questions de prévention et d’aide aux victimes demeurent quasiment inexistantes. D’après les dernières données du MENESR (2017) [10], moins de 10 écoles d’ingénieur-e-s déclarent avoir commencé à mettre en place un dispositif de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. De même, des élèves filles expliquent :
La plupart des étudiants ne comprennent pas l’utilité de créer une association pour sensibiliser les étudiants […] (« il n'y a pas de viol sur le campus », « l'égalité des sexes est déjà atteinte », « vous cherchez la merde car vous êtes des hystériques mal baisées »).
29Alors que le besoin est bien réel :
J’aurais aimé être plus sensibilisée à cette question à l’époque, et surtout j’aurais aimé qu’on soit nombreux et nombreuses à avoir une prise de conscience et à lutter contre le sexisme.
31Plus grave encore, certains témoignages font remonter que l’administration reste parfois silencieuse face à des cas concrets d’agressions sexuelles :
L’administration était au courant des agissements pervers poussant à m’harceler sexuellement de la part d’une personne de ma classe, ils l’ont laissé être dans les mêmes groupes de TD et TP que moi jusqu'à ce que j’entre en dépression nerveuse.
Prise de conscience tardive des conséquences néfastes
33Les élèves ne semblent pas du tout sensibilisés aux conséquences du sexisme sur l’environnement de travail et de vie. Pourtant de nombreuses études ont montré les conséquences néfastes du sexisme sur la confiance en soi, le bien-être et la santé des personnes ciblées (Sojo et Wood, 2012). Une élève fille diplômée raconte :
Le sentiment dominant de cette période a été la honte : j’avais horriblement honte et j’avais réussi à intégrer à cœur que mon attitude méritait le label de « pute » qu’on a vite collé. J’ai eu beaucoup de mal à me défaire de ce sentiment et je sais que ce processus est toujours en cours, cinq ans après.
35Selon notre sondage, on note ainsi que les filles qui ont répondu être souvent ou en permanence stressées sont plus nombreuses par ailleurs à se dire témoins ou victimes de violences verbales sexistes ou sexuelles. Plusieurs élèves filles expliquent comment leur comportement a ensuite évolué après avoir quitté l’école :
Clairement aujourd’hui je suis choquée de ce comportement que j’ai eu. J’aimerais bien pouvoir dire que je n’ai pas participé à l’ambiance sexiste […] Ce sexisme, qui finalement me minait de l’intérieur, me faisait me sentir plus bas que terre.
37Une autre élève fille, a priori consciente de l’ambiance sexiste d’autres écoles, explique d’ailleurs :
Quasiment tous les garçons sauf un ou deux étaient très respectueux envers les filles et les traitaient d’égal à égal, ce qui a fortement contribué au bien-être dans mes études de par l’absence de remarques sexistes récurrentes.
39On observe de nombreux mécanismes à l’œuvre qui permettent à ces violences de perdurer en école d’ingénieur·e·s, et qui conduisent les filles à ne pas entrer en contestation, voire à participer elles-aussi à ce sexisme ambiant.
Comprendre l’origine de ces violences et les raisons du silence
Féminisation et résistance au changement
40Il est important de rappeler que même si la proportion d’élèves filles en école d’ingénieur·e·s augmente progressivement depuis 25 ans, celles-ci demeurent toujours en sous-représentation numérique. Les écoles comptaient 19,9 % de filles en 1990, contre 28,4 % en 2015. Les cinq meilleures écoles culminent quant à elles à seulement 21 %.
41Or, plusieurs études (Fielden et al. 2000, Legault 2001) ont mis en exergue la nécessité de respecter un seuil minimal de représentation des femmes pour prévenir les attitudes sexistes dans des secteurs non traditionnellement féminins. On observe d’ailleurs selon notre sondage que dans les établissements comptant moins de 30 % de filles, 57 % des filles disent subir des violences verbales sexistes et sexuelles régulièrement contre 29 % dans les établissements comptant 50 % de filles ou plus. Dans les établissements comptant moins de 10 % de filles, 64 % disent avoir déjà pensé arrêter leur formation, contre 27 % dans les établissements comptant 50 % de filles ou plus. Une élève fille analyse ainsi cette situation :
La mixité n’est pas vécue de façon naturelle : c’est comme si on avait « ajouté » des filles dans un espace réservé aux garçons plutôt qu’une cohabitation dans un espace commun. Je pense que cette ambiance est l’une des raisons pour lesquelles certains garçons se permettent des comportements déplacés qu’ils n’auraient souvent pas dans un cadre plus « normal ».
43Pourtant, les résultats du sondage révèlent que la majorité des garçons semblent considérer leurs camarades féminines comme leurs égales en termes de qualifications et légitimité à suivre des études et une carrière d’ingénieur [11]. Comment expliquer alors que la (lente) féminisation de la formation d’ingénieur ne permette toujours pas de réduire ce sexisme ambiant ?
44Les travaux de Tougas et al. (1995) à propos du concept de « néo-sexisme » nous éclairent sur ce qui pourrait apparaître comme un paradoxe. Les auteures expliquent que dans le monde du travail le sexisme traditionnel, fondé sur des croyances par rapport aux différences entre les sexes et l’infériorité des femmes, est devenu socialement inacceptable et a laissé sa place à une nouvelle forme plus subtile.
Le néo-sexisme se définit comme un conflit entre des valeurs d’égalité et des vestiges de croyances et de sentiments négatifs envers les femmes […] En d’autres mots, les individus souscrivent aux préjugés dénigrant subtilement ou ouvertement les femmes parce qu’ils croient que les intérêts de leur groupe sont menacés.
46L’étude de Cromer et Lemaire (2007) en milieu de travail non mixte montre combien la sur-sexualisation du lieu de travail, manifestée surtout par les blagues sexistes et sexuelles et l’usage de la pornographie, a pour objectif de :
non seulement souder le groupe masculin face à un éventuel clivage du groupe […] mais aussi [de] tenter de contrôler le danger de l’intégration professionnelle féminine.
48Il semble que des mécanismes très similaires apparaissent en école d’ingénieur·e·s.
49Un élève garçon fait ainsi remarquer que « le machisme apparaît aujourd’hui logique car c’est une réaction au changement ». Ce témoignage nous amène à nous interroger sur le sens que les élèves donnent à ces manifestations du sexisme au sein du campus. Les perçoivent-ils réellement comme de l’humour de second degré (tout en sous-estimant les conséquences psychologiques dévastatrices) ou sont-elles révélatrices, pour certains élèves, d’une volonté d’établir un rapport de force, et de contrôler et dominer le groupe minoritaire des femmes jugé comme perturbateur ? Un élément de réponse nous est apporté par cette analyse de Tougas et al. : « certains hommes se sentent […] floués parce qu’ils ont l’impression que [les femmes] bénéficient de toutes sortes d’avantages non mérités » (2005 : 25). Il est intéressant de constater que selon notre sondage, entre 30 et 50 % des garçons ont identifié des formes de discrimination positive supposées ou avérées envers les filles (exemples : bourses d’études, plus d’écoute de la part de l’administration, indulgence en matière disciplinaire, favoritisme à l’oral du concours, facilité pour trouver un stage, etc.). Ce sentiment d’injustice est vécu de manière assez violente par certains garçons :
Étudions surtout pourquoi aujourd'hui c’est plus dur de trouver du travail lorsqu’on est ingénieur homme que femme. Et me dire à quoi sert ce test […] En aucun cas les filles ne subissent de sexisme en école d’ingé., au contraire les filles sont plutôt avantagées que les garçons.
51Sans suggérer qu’une majorité de garçons se positionneraient ainsi, on peut cependant imaginer l’influence et l’impact négatif que peut avoir même une minorité d’élèves, qui aurait ces préjugés sexistes sur les femmes. En effet, selon Parker et al. (2013) les émotions et actions négatives ont 4 à 7 fois plus d’impact que les relations positives. Un garçon du sondage observe lui-même l’effet de groupe :
La concentration d’hommes et le coté puéril de certains font que des comportements douteux apparaissent : plus par effet de groupe que par réelles convictions.
Mécanismes d’évitement pour se protéger et faciliter son intégration
53Brigitte Grésy (2015) rapporte que dans le monde du travail, la majorité des femmes exposées au sexisme, y compris le plus flagrant, n’y répondent pas et optent plutôt pour des stratégies de déni, d’évitement, et d’euphémisation. On observe des réactions similaires en école d’ingénieur·e·s.
54Premièrement les filles peuvent choisir de minimiser l’impact de ces propos (ou de ne pas les identifier comme du sexisme) afin de se protéger elles-mêmes. Comment pourraient-elles vivre sereinement si leur scolarité était rythmée continuellement par divers sentiments d’injustice ? Comment survivre psychologiquement pendant plusieurs années au sein de l’école si chaque propos sexiste ou sexuel est vécu comme une agression ? Considérer que ces remarques sont de l’ordre de l’acceptable et de la normalité permet de se protéger et de faciliter son adaptation à l’environnement.
55Deuxièmement, la volonté d’être intégrée et acceptée par le groupe est aussi l’une des raisons qui rend difficile la dénon-ciation du sexisme. Une élève fille évoque ainsi la question des classements sur le physique des filles :
Ça m’a beaucoup dérangée mais je n’ai pas osé trop agir, il arrive à un moment où nous sommes censées nous intégrer à la promo, moi je ne connaissais personne, je ne me voyais pas me faire remarquer en remettant en cause quelque chose que tout le monde avait l’air de trouver normal et hyper marrant […] on m’a répondu : « De toute façon si t’es contre c’est que t'es moche ou mal dans ta peau ».
57Marie-Josée Legault analyse ainsi la question des pratiques d’affichages pornographiques en milieu professionnel non mixte :
Les femmes semblent se donner pour mot d’ordre de passer outre, comme si […] cela risquait même de compromettre un équilibre fragile dans l’intégration […] Réagir spontanément est exclu pour elles, car elles ne sont pas chez elles.
59Comme dit précédemment la vie associative et étudiante est façonnée par une sur-sexualisation mêlée de traditions et normes sexistes. Les propos et comportements sexistes apparaissent donc comme faisant partie d’un mode de communication, d’un langage propre à la culture de nombreuses écoles. Dénoncer le sexisme revient ainsi à remettre en cause l’identité même de la communauté étudiante, et oser rendre public cette dénonciation est perçu comme une atteinte à la réputation et l’image de l’Ecole. Celles qui osent dénoncer le sexisme apparaissent comme fauteuses de trouble, désagréables et asociales, ce qui légitime qu’elles soient ensuite exclues ou isolées de la promotion. Toute résistance semble parti-culièrement risquée. Plusieurs témoignages évoquent le terme de « suicide social ». Comme dit précédemment, les filles auraient même tendance à se désolidariser de celles qui se positionnent en contestataires, notamment pour ne pas subir les mêmes représailles.
Je me voilais la face car tout ce que je voulais c’était bien m’intégrer. Je voyais bien que celles qui dénonçaient le sexisme n’étaient pas écoutées, voire étaient moquées ensuite pendant des mois.
Mécanismes de déni : maintenir l’illusion de l’égalité républicaine
61De nombreuses filles apparaissent convaincues que le sexisme n’existe pas vraiment en école d’ingénieur·e·s. « Les remarques et comportements sexuels sont plus à prendre à la rigolade que sérieusement ! » commente une élève fille. Toute la difficulté de lutter contre le sexisme en école d’ingénieur·e·s réside justement dans le fait qu’il se matérialise principalement sous la forme de blagues et n’apparaît donc pas comme un sujet sérieux ou dramatique. En raison de son caractère ambigu, l’humour sexiste bénéficie d’une forte indulgence. Or, comme analysée par Hanmer dans son article pionnier sur la violence comme contrôle social des femmes, « la plaisanterie, avec ses sous-entendus, représente la forme de pression la plus subtile et se situe à l’un des extrêmes du continuum de la violence » (1977 : 72). Comment expliquer que ces élèves ne perçoivent pas la portée de ce sexisme ambiant ?
62Il est intéressant de constater qu’une dizaine d’élèves filles ont réagi négativement à ce sondage, notamment parce qu’il pose la question sensible de savoir si les filles sont (ou plutôt ont enfin réussi à devenir) des élèves comme les autres en école d’ingénieur·e·s, ou si elles constituent encore un groupe à part, de surcroît dominé. Une élève fille témoigne :
Arrêtez avec tous ces sondages « filles ingénieures », plus vous le faites, plus on se sent différentes alors que ce n'est pas le cas.
64Reconnaître le sexisme, tel qu’il est, est particulièrement inconfortable et désagréable pour certaines filles parce qu’il suggère que malgré tous leurs efforts et leur mérite, elles n’ont pas encore une place légitime dans une formation d’excellence. C’est surtout admettre l’échec du système éducatif à gommer les inégalités entre femmes et hommes, aveu qui rentrerait en confrontation avec leurs convictions. En effet, les filles des grandes écoles ont largement intériorisé cet idéal démocratique d’un système éducatif basé uniquement sur la méritocratie et égalitaire en matière de genre. Or « l’universalisme n'existe pas encore ; c’est un projet. Et sa réalisation passe par la dénonciation du faux universalisme : le principal obstacle à la réalisation de l'universalisme est constitué par ceux qui prétendent qu’il existe déjà. » (Delphy 2008 : 73).
65Les filles sont tellement convaincues par cet idéal républicain qu’elles rejettent même toute initiative féministe :
Chercher à tout prix la parité c'est mettre en avant le sexe de la personne et non ses qualités et c’est encore pire. Tout ce que j'entends sur la parité m’énerve. Je dis non à la parité.
67Le projet de recherche Womeng (Commission européenne 2006) identifiait déjà que les élèves françaises étaient peu demandeuses de plus de mixité. Il est intéressant de constater que la majorité des filles ne voient pas de lien entre mixité et bien être, contrairement aux garçons. Ainsi selon notre sondage 75 % des garçons sont d’accord avec l’affirmation suivante « l’ambiance au sein de la promotion serait meilleure s’il y avait plus de mixité au niveau des élèves » contre 40 % des filles.
68Cette sur-valorisation du mérite et ce rejet de l’égalitarisme peuvent être reliés à l’origine sociale des élèves, majoritairement enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures (Kellerhals et Languin 2008 : 53). On y retrouve aussi ce préjugé positif, tel un axiome admis par la société, que ces jeunes garçons et filles très diplômé·e·s et ayant un capital économique et socio-culturel élevé seraient forcément préservé·e·s de ces violences. Or, dans les quartiers plus favorisés, on réussit surtout ce tour de force de rendre moins visible les rapports de domination sexués par rapport aux quartiers dits sensibles (Coutras 2002 : 305).
Mécanismes d’intériorisation des représentations sexistes
69On reconnaîtra bien sûr que les violences sexistes et sexuelles ne sont pas l’apanage des écoles d’ingénieur·e·s, et s’inscrivent plus globalement dans le cadre de la « culture du viol » [12] de nos sociétés. Il semble cependant que la sur-sexualisation de la vie étudiante et associative (elle-même générée par la mise en minorité des filles) en exacerbe encore plus les effets.
70Cette culture du viol avait déjà été mise en exergue en France par l’enquête IPSOS 2016 qui a démontré que, notamment chez les jeunes, les représentations sexistes sont particulièrement prégnantes. Cette culture du viol nous encourage à ne pas croire, à faire taire, à culpabiliser les victimes, et à minorer la responsabilité des agresseurs. Comme analysé par Pheterson « une femme victime d’agression sexuelle est tradition-nellement accusée de l’avoir provoquée, d’avoir fait des avances ou de n’avoir pas résisté sérieusement » (2001 : 118). L’enquête IPSOS souligne que la violence sexuelle apparaît sous l’angle de la sexualité et du désir voire comme un malentendu alors qu’il s’agit d’une volonté d’instrumentaliser et de soumettre (Salmona 2016 : 9). Enfin, le rapport d’enquête explique aussi que la force de diffusion de ces représentations sexistes a nécessairement un impact sur la capacité des victimes à se sentir légitimes pour porter plainte. Selon les données de l’Insee-ONDRP (2013), 11 % des victimes de viols et tentatives de viol seulement portent plainte.
71Les témoignages du sondage de victimes d’agressions sexuelles sur leur campus font tout à fait écho à cette analyse. Une élève fille écrit ainsi :
Une amie a été victime d'un double viol en soirée. Toute l'école a été au courant, et l'écrasante majorité est restée dubitative et passive (« elle l'avait cherché », « elle était consentante ») et témoignait plus de soutien pour les violeurs que pour la victime.
73Il semble aussi que les élèves filles victimes d’agressions sexuelles se sentent peu soutenues par l’administration. Une élève fille témoigne :
Cela peut être très difficile pour la victime de parler, surtout lorsque l'administration n'a rien fait lorsqu'on lui a demandé de l'aide. Cette inaction, sans sanction, pérennise les comportements sexistes car elle leur donne le moyen d'être effectués en toute impunité.
75Certaines filles semblent interpréter ce silence et tabou comme une volonté pour l’établissement de préserver sa réputation et de considérer que les agressions répertoriées ne sont que des cas isolés où la victime serait aussi responsable de ce qui lui est arrivé. « Les élèves se croient tout permis […] Cela ne va pas s'ébruiter parce que personne ne veut porter atteinte à l’image de l’école » constate une élève fille.
76La minimisation du sexisme et le tabou sur les violences sexuelles peuvent être aussi reliés à la manière dont les filles et garçons ont appris et intégré un certain nombre de normes en matière de sexualité sur leurs rôles respectifs. Ces jeunes femmes incarnent la modernité, la réussite scolaire et la méritocratie mais elles restent enfermées dans des codes très stricts en matière de sexualité (Duru-Bellat, 2013 : 95-97). La féminité est définie fondamentalement par rapport à l’homme, et la valeur d’une femme apparaît ainsi dans sa conformité au rôle féminin traditionnel soumis aux désirs masculins. De plus, on note que « de manière assez généralisée, le discours de la nature masculine sexuelle autorise la réinterprétation et la minimisation des comportements masculins, ainsi que la mise en place d’un seuil de tolérance élevé » (Cromer et Lemaire 2007 : 71). Les femmes intériorisent ainsi certaines injonctions paradoxales : ne pas être aguicheuse mais ne pas être prude, accepter les blagues sexuelles mais ne pas être vulgaire soi-même, accepter certains comportements masculins pourtant non autorisés pour les femmes, repousser des avances non désirées mais sans faire perdre la face, défendre ses droits de femme mais sans se revendiquer féministe, etc.
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Les écoles d’ingé, notamment les plus élitistes, sont des lieux où le sexisme règne en maître […] Si on refuse cette vie étudiante et associative, on est un paria. Ceci dit la plupart des filles n’y voient pas le sexisme (pourtant évident) ou le prennent avec fatalité.
79À l’image de ce témoignage d’une élève fille, les résultats de notre enquête montrent que dans de nombreuses écoles, le sexisme entre élèves est très présent, et largement banalisé par les filles et garçons. Les élèves ne semblent pas sensibilisés pour reconnaître des propos et comportements sexistes, ni informés sur les implications et risques pour le bien-être, la santé et confiance en soi des personnes ciblées. On comprend ainsi pourquoi il est si difficile de lutter contre le sexisme dans le monde du travail, et la société en général, puisque les jeunes générations apprennent malgré elles à intérioriser et banaliser le sexisme dès leur prime scolarité. Les chiffres en matière d’agressions sexuelles sont inquiétants tandis que le sujet demeure tabou. Les victimes semblent peu aidées et écoutées, qu’il s’agisse des autres élèves ou de l’administration. La mobilisation des élèves sur ce sujet est plutôt faible, et présente un coût social élevé pour les élèves qui osent dénoncer ces agissements. Enfin, on peut aussi avancer que si les violences sexistes et sexuelles sont aussi présentes et tolérées en école d’ingénieur·e·s, c’est parce que malgré les incitations du MENESR [13], peu d’établissements développent réellement des dispositifs et plans d’action pour prévenir et sensibiliser d’une part, protéger les victimes et sanctionner les agresseurs d’autre part.
Références
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Mots-clés éditeurs : Mixité, Sciences, Sexisme, Enseignement supérieur, Violences sexuelles, Ingénierie
Date de mise en ligne : 18/07/2019
https://doi.org/10.3917/cdge.066.0109Notes
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[1]
« Le genre est un élément constitutif de rapports sociaux fondé sur des différences perçues entre les sexes, et le genre est une façon première de signifier des rapports de pouvoir » (Scott 1988 : 141)
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[2]
Parmi les rares études, on pourra citer Colmellere 2017 qui porte sur la manière dont les élèves perçoivent la question des sexualités et des genres à Centrale Paris.
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[3]
On s’appuiera sur les travaux fondateurs de J. Hanmer (1977) pour définir le terme : tous les actes de violence à l’égard des femmes en tant que femmes (et la menace de se livrer à de tels actes) avec pour objectif de les tenir sous contrôle, soit afin de les exclure de certains domaines ou de restreindre leur champ d’action, soit pour les obliger à un certain comportement.
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[4]
Et dans le cadre d’une formation en études sur le genre, menée à distance avec l’université Rennes 2 et l’Université de Bretagne Occidentale.
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[5]
Le présent article n’aborde pas en détail les résultats de cette première partie, mais se concentrera sur la seconde, propre aux violences sexistes et sexuelles.
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[6]
On doit admettre deux biais principaux. Premièrement, il faut souligner que le sondage était basé sur un échantillonnage à participation volontaire. Afin de limiter l’impact de ce biais, l’enquête n’a pas été présentée comme portant sur les violences, mais s’intéressant de manière générale aux conditions d’études. Les commentaires libres ont d’ailleurs montré que les éventuelles motivations des répondant-e-s étaient particulièrement variées (aussi bien volonté de promouvoir les écoles que dénoncer les excès). Deuxièmement, afin de libérer la parole autant que possible, il a été décidé de ne pas demander de données personnelles (nom, email, matricule étudiant), garantissant ainsi l’anonymat. Seul le sexe, le nom de l’établissement et la région de résidence ont été demandés afin de vérifier la représentativité de l’échantillonnage. Le nombre de questions (plus de 100) et leur formulation ont permis de déceler les éventuelles incohérences dans les réponses, et ainsi limiter les risques d’identité usurpée.
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[7]
Le questionnaire s’adressait aux élèves inscrits en école en 2016 ainsi que les diplômé·e·s depuis moins de deux ans.
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[8]
Dans notre sondage, il a été demandé aux filles d’indiquer si elles avaient déjà subi des violences verbales ou physiques, sexistes ou sexuelles en choisissant parmi des listes d’exemples ou de cocher la case « Jamais ». Faisant écho à la méthodologie utilisée par l’Ined (2016), les termes « harcèlement », « agression » et « viol » n’ont pas été utilisés. La formulation des questions reposait sur les définitions ou la description de faits pouvant relever de ces catégories. Les répondantes n’ont pas eu à définir ou classer elles-mêmes les actes subis selon le cadre juridique français.
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[9]
En droit français, « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » (art. 222.22 CP). Il peut s’agir par exemple de baisers, attouchements de nature sexuelle, masturbations, contacts oral-génital, pénétrations ou voyeurisme.
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[10]
La cartographie des initiatives pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les établissements d'enseignement supérieur et de recherche est disponible sur le site https://data.enseignementsup-recherche.gouv.fr (dernière mise à jour du site : 01/12/2017)
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[11]
Interrogés sur les différences qu’ils perçoivent entre filles et garçons, on constate qu’en moyenne, 82 % des garçons n’ont pas de préjugés négatifs sur les qualités et compétences des filles.
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[12]
Depuis les années 1970, de nombreux auteur·e·s et mouvements féministes (N. Connell et C. Wilson 1974, S. Brownmiller 1975) ont contribué à définir le concept de « culture du viol » pour décrire nos sociétés par opposition à « culture du consentement ». Il existe de nombreuses définitions, nous avons choisi ici de reprendre celle de la Fédération des syndicats étudiants du Canada (CFS), « une culture du viol est une société où les institutions et les pratiques sociales et culturelles cautionnent, banalisent et normalisent la violence sexuelle. Dans une culture du viol […] cette violence est rendue invisible et perçue comme inévitable plutôt que comme un problème qui doit changer » (CFS, 2015).
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[13]
La prévention et le traitement des violences sexistes et sexuelles, dont le harcèlement sexuel, ont notamment été mis en avant par la circulaire de 2012 actualisée en 2015 du MENESR, ainsi que les feuilles de route 2016 et 2017 du Ministère, et enfin dans la lettre de recommandations aux directeurs-trices d’établissements en 2016. Le Ministère a aussi apporté son soutien dans la diffusion du « Vade-mecum à l’usage des établissements sur le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur et la recherche » rédigé par le Clasches, l’ANEF et la CPED (2015, 2017).