Notes
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[1]
Je fais référence ici aux travaux de Marie-Agnès Barrère-Maurisson (2003), qui isole cette notion de temps parental du temps domestique ou temps libre dans lequel il était dilué et qui regroupe toutes les activités effectuées par les parents avec et pour les enfants.
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[2]
L’Instamatic devient avec la montre un cadeau courant de communion.
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[3]
Une enquête sur la participation culturelle et sportive, réalisée en 2003 par Olivier Donat (insee), montrait que dans le domaine de la pratique en amateur, les activités artistiques qui passent par un objet technique (instrument de musique, appareil photo ou caméscope) sont davantage investies par les hommes.
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[4]
On ne peut s’empêcher ici de penser aux travaux de Paola Tabet (1998) qui montrent comment ce n’est pas la chasse qui est interdite aux femmes, mais l’accès aux armes et comment les femmes doivent se contenter d’outils plus rudimentaires dans le cadre d’une activité demandant un outillage complexe et que les tâches les plus archaïques pour ce qui est de l’évolution technique leur incombent généralement.
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[5]
Judy Wajcman analyse comment, à travers une distinction classique des appareils électroniques entre produits ‘blancs’ (tels que réfrigérateurs, machines à laver, etc.) et produits ‘bruns’ (comme téléviseurs, lecteurs dvd, Hi-fi, etc.), se reflète une division sexuelle des activités domestiques opposant ceux qui ont affaire au travail domestique et ceux qui ont affaire aux loisirs.
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[6]
On retrouvait également cette distinction sexuée dans le choix des pellicules : la diapositive ou le noir et blanc étant majoritairement utilisés par les hommes alors que les négatifs couleurs le sont par les femmes.
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[7]
Les verbatim cité dans l’article sont extraits d’une trentaine d’entretiens issus d’une recherche menée auprès de femmes, mères de famille et de quelques couples avec enfants (classes moyennes et classes moyennes supérieures). Âgés de 30 à 55 ans, elles/ils ont pratiqué la photographie argentique avant de passer au numérique.
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[8]
Ou à déserter de façon totale ou partielle l’image fixe dès lors que la caméra (super 8, vidéo ou numérique) entre dans le foyer.
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[9]
L’observatoire des professions de l’image, « Le numérique redessine le marché de la photo ». In Les chiffres du marché de la photo et de l’image 2003, opi-2004.pdf, www.imagemarket.fr.
La photographie familiale : un loisir ou une activité domestique ?
1À l’image de nombreuses activités, culturelles ou sportives, la photographie s’est longtemps divisée en deux secteurs : la photographie professionnelle et la photographie d’amateur, la photographie de famille étant tout ‘naturellement’ assimilée à la photographie d’amateur. Toutefois, sans être fausse, cette évidence pose question et la première interrogation que je soulèverai ici, est de savoir dans quel champ s’inscrit véritablement la photographie de famille. Car si toute photographie familiale est une photographie d’amateur, toute photographie d’amateur ne relève pas forcément de la photographie familiale.
2La photographie de famille a une fonction familiale. Rite du culte domestique et thésaurisation de l’héritage familial, elle est une technique privée qui fabrique des images privées de la vie privée (Bourdieu et al. 1965). Elle fait le lien entre les générations en tant qu’instrument de la mémoire et de la cohésion familiale. Il ‘faut faire’ des photos pour qu’un jour les autres puissent ‘avoir des photos’, en ce sens la photographie familiale est non seulement un lieu de souvenirs mais aussi un devoir de mémoire. L’ensemble des recherches sur le sujet montre que la production importante de clichés et la constitution d’albums de photos de famille démarrent lorsque l’enfant paraît (Bourdieu et al. 1965 ; Belleau 1996 ; Le Pape 2005).
Si l’on reprend le découpage des cinq temps de la vie quotidienne [1] : temps physiologique, temps personnel, temps domestique, temps parental et temps de travail professionnel, il apparaît que la photographie d’amateur s’intègre dans le temps personnel ou temps libre alors que la photographie de famille relève davantage d’un travail situé à la charnière entre un temps domestique (entretenir l’album) et un temps parental (faire des photos de la famille). Je fais donc ici l’hypothèse que ces moments, pendant lesquels les parents se transforment en historiographes de l’enfance de leur progéniture pour leur préparer comme un legs l’image de ce qu’ils ont été, font l’objet d’une répartition des tâches entre conjoints. N’y aurait-il pas, alors, comme pour tout travail domestique ou parental, une volonté de rendre claire pour les femmes la nécessité de faire, et mieux encore, de transformer cette nécessité en plaisir ? Dans ce ‘devoir’, faire des photos, quelle serait alors la nature de la contrainte qui pèse sur les femmes et qu’en est-il aujourd’hui avec l’apparition du numérique ?
Quand innovation technique, commerce et stéréotype de genre font bon ménage
3À partir des années 1960-70, deux types d’appareil photo vont apparaître dans les foyers : le reflex 24x36, proche du matériel professionnel, symbolisant un élément de promotion et une réussite sociale qui est majoritairement introduit dans les familles pour et par les hommes, et l’Instamatic Kodak dont le nouveau modèle est qualifié de féminin. Pour attirer les femmes, ce dernier sera simplifié à l’extrême et fera disparaître, avec la complexité technique, tout le travail esthétique du photographe amateur.
Femmes et enfants, grand-mères et papis qui, jusque-là étaient les sujets passifs de la photographie souvenir ou les victimes dominicales des tyrannies et des caprices de l’esthète, devenaient soudain les artisans de l’album de famille, chacun jouant au photographe avec plus ou moins de bonheur artistique.
5Là où les Nikon, Canon, Olympus, etc., pourvus de leurs divers objectifs sont utilisés par ‘l’expert’, le père de famille, le fameux Instamatic s’adresse prioritairement aux femmes et aux enfants [2].
6Les techniques sont une manière parmi d’autres d’ordonner le monde et donc les cultures entre les sexes [3].
[Elles] nous apparaissent ordinairement comme des instruments, artefacts et systèmes dont l’évidence s’impose autant que leur neutralité. Pourquoi en effet prêter des intentions aux choses ? Elles participent de notre vie, pourvoient à certains de nos besoins, nous soulagent dans la réalisation de nombre de tâches.
8Dans le cas de l’Instamatic et des femmes, deux mouvements parallèles et évidemment liés sont observables : d’une part, un processus de sexuation de l’objet Instamatic et, d’autre part, un processus de construction de la féminité de la pratique photographique familiale. Tout dans l’évocation des attributs techniques de cette technologie ‘pour les femmes’ peut être confondu avec la définition des besoins de la mère de famille en matière d’électroménager : la simplicité, l’efficacité, l’absence de compétences utiles. Il est d’ailleurs frappant de constater que si les femmes apparaissent dans certaines campagnes publicitaires de Kodak des années 1960, seule la gent masculine y est représentée comme capable de tenir un appareil et d’avoir l’œil dans l’objectif ‘comme un professionnel’, les femmes, elles, ne perdant jamais ni leur féminité ni leur rôle maternel. Sur les publicités, les hommes, un œil fermé l’autre dans le viseur, photographient avec la même attention que s’ils tiraient au fusil tels des chasseurs traquant les scènes à photographier [4], alors que les femmes tiennent négligemment l’appareil dans leurs mains et reçoivent le spectacle familial les yeux grands ouverts (Germain 1999). Ces publicités dessinent ainsi une certaine cartographie de l’organisation sexuée de la photographie familiale et de l’usage des appareils photo (Instamatic ou reflex 24x36) suivant les polarités suivantes : la technique simplifiée à l’extrême, la passivité, la sédentarisation (la maison), les scènes familiales sont considérées comme convenant et convenables pour les femmes ; à l’inverse les techniques complexes, la mobilité, la capture de scènes extérieures sont constituées comme des caractéristiques masculines. Quant à l’objet appareil photo, il est également affecté par cette féminisation/simplification de la photographie puisque là où les zooms s’allongent démesurément pour le reflex 24x36, l’objet Instamatic ‘s’émascule’ avec un objectif placé à l’intérieur qui ne dépasse plus.
9L’arrivée de l’Instamatic en 1963, modèle standard tout automatique immortalisé par son slogan ‘clic-clac Kodak’ suivi de près par l’Instamatic Pocket en 1972, puis du Polaroïd vont ainsi placer les femmes en première ligne de la pratique photographie familiale. Si cette dernière est ‘révolutionnée’ par ces nouveaux appareils, tant pas le nombre de clichés que par le type de photos réalisées, le rôle donné à la femme reste extrêmement réducteur. Il se cantonne à la responsabilité d’une opération technique totalement automatisée qui va à l’encontre de tout ce qu’apprécient les photographes amateurs. Cette répartition sexuée du matériel photographique n’est pas sans répercussion sur la photographie familiale au sein de laquelle l’un des deux sexes détient la possibilité de dépasser le ‘clic-clac’ pour s’ouvrir au monde extérieur grâce à son matériel et l’autre, au contraire, se trouvant limité à son environnement immédiat (la famille). En ce sens, la distinction entre les appareils 24x36 (souvent de couleur noire) et les Instamatics ou compacts (gris clair) peut s’inscrire dans la distinction entre objets ‘bruns’ caractérisés comme techniques complexes et intelligentes dont la manipulation requiert des compétences et produits ‘blancs’ pratiques et d’usage facile [5] (Wajcman 2002). Ces différents appareils expriment une conception sexuée des fonctions de la pratique photographique au foyer et opposent ceux qui ont un rôle stratégique pour la production de belles images [6] et celles qui doivent assurer le suivi photographique de la vie familiale. En se féminisant, d’objet de prestige, l’appareil photo se transforme en un objet utilitaire et domestique.
10Les Instamatics ne sont pas ainsi sans dessiner une nouvelle distribution des rôles dans la sphère de la photographie de famille. Si dans un premier temps, simples à utiliser, ils peuvent constituer, pour les femmes, un instrument d’émancipation, une manière de se démarquer de leur famille d’origine ou seul le père faisait des photos, puis pour les épouses un accès à la modernité et une plus grande liberté pour réaliser les clichés de la famille qu’elles ont envie de faire, il semble qu’ils n’aient été émancipateurs que dans un contexte spécifique. Car, nous allons le voir, l’innovation que sont les appareils photographiques petits et complètement automatisés contribuent également à l’invention d’un nouveau rôle pour les femmes, tout en confirmant de vieilles idées sur leur rôle domestique et parental. L’Instamatic, les compacts et autofocus vont en effet progressivement et paradoxalement mobiliser, dans un processus qui contribue à assigner et délimiter au sens strict l’attention, la place et le rôle des femmes, et plus particulièrement des mères, dans le monde de la mémoire photographique familiale.
11Jusqu’aux années 1960-70, l’acte photographique fonctionne comme symbole du statut, ce qui est photographié et ce qu’appréhende le lecteur de la photographie, ce ne sont pas, à proprement parler, des individus dans leur particularité singulière, mais des rôles sociaux, le marié, le premier communiant, le militaire, ou des relations sociales (Bourdieu et al. 1965). Sont ainsi photographiés principalement les adultes, secondairement les groupes sociaux et exceptionnellement les enfants seuls. C’est au moment où le statut séculaire de l’institution matrimoniale comme clé de voûte de l’édifice juridique et symbolique de la parenté et de la famille s’effondre pour laisser place à une refondation de cet ordre sur l’enfant que la pratique photographique se centre sur ce dernier et s’attache à saisir des situations de plus en plus diversifiées, désacralisant progressivement son usage réservé jusque-là aux fêtes familiales et à des moments d’exception (Jonas 1991, 2008). Il nous semble ainsi pertinent de souligner qu’historiquement, c’est à l’heure où le mouvement qui identifie la famille à partir de l’enfant et non plus à partir du couple (Théry 2001) et où l’éthique de l’enfant-sujet émerge que les femmes vont tendre à devenir réalisatrices des photographies familiales au moins autant, et parfois davantage que les hommes.
Ne peut-on alors supposer que tant que la photographie consacrait le groupe familial et les grands moments ritualisés (baptêmes, mariages, communions…), elle était globalement une activité masculine et que depuis qu’elle vise à saisir des individus singuliers dans leur intimité et leur quotidienneté, elle se féminise ? Les femmes, en accédant à la photographie familiale, n’occuperaient pas ainsi une activité délaissée par les hommes : elles réaliseraient de nouvelles photos à l’aide de nouvelles techniques, comme leur étant ‘naturellement’ destinées.
À l’heure où le travail maternel se change en entreprise complexe d’éducation intensive, où le bébé est paré d’un apanage de compétences à éveiller et de dons à stimuler, et où l’affectif et l’émotif sont les priorités éducatives, tracer l’histoire photographique des enfants deviendrait un travail féminin conçu pour attester du devoir maternel bien rempli :
Mes craintes d’être une mauvaise mère disparaissent quand je le vois sur les photos en train de sourire [7].
La manière de photographier est-elle socialement sexuée ?
12Être dans l’espace amateur de la photographie demande à l’amateur·e de s’écarter de son positionnement de membre de la famille, d’abandonner le matériel automatique pour un matériel qui permette une plus grande maîtrise de ce que l’on souhaite réaliser et d’acquérir des savoir-faire dans des clubs photo : prise de vue, développement, tirage (Odin 1999). Dans les entretiens que nous avons réalisés, cette pratique d’amateur·e a pu être acquise aussi bien par des hommes que pas des femmes, souvent au moment de l’adolescence et donc antérieurement à la création d’une famille. Toutefois, à amateurisme égal, il est frappant d’observer qu’hommes et femmes ne pratiquent plus de la même façon dès lors qu’ils réalisent des photographies familiales, les femmes abandonnant bien souvent leur savoir-faire amateur pour réaliser les photos de famille comme elles pensent qu’elles doivent être réalisées.
Avant j’étais capable de m’allonger pour photographier une longue plage de sable blanc. Je ne fais plus les mêmes photos parce que je ne veux plus capturer les mêmes moments de vie, ce sont les enfants, ma famille, les moments de bonheur […]. Mais quand je photographie des monuments, des paysages, je retrouve la dimension je fais de la photo, je fais attention à la lumière, alors que des photos de famille c’est plutôt l’instant que je vais photographier.
14Dans leurs discours, les femmes disent faire peu de ‘belles photos’ au sens esthétique du terme (particulièrement quand il y a un homme pour les faire) et elles se centrent sur la dimension émotionnelle d’une image plutôt que sur sa dimension technique.
Luc, quand il regarde une photo, il regarde le côté technique de la photo, en fait lui il va me dire : « elle est ratée cette photo », pour moi elle est géniale parce que tout le monde sourit, parce qu’il y a vachement de couleur, parce qu’on voit un bras en mouvement, ce n’est pas grave si ça fait flou. En fait on n’a pas la même appréciation du tout.
16Aux hommes la recherche d’un beau cadrage, d’une esthétique de l’image, aux femmes la quotidienneté et la mémoire des moments-clés.
Patrick, raconte Gabrielle, ce sont des séances photos. Il en a fait des très jolies de Julie. Bonne recherche de cadrage, de couleur. Moi j’ai pris Julie malade et je les trouve réussies malgré tout, parce que c’est un bon reflet de la réalité aussi.
18Lorsque Michèle parle des voyages ou vacances en famille, d’emblée elle explique que son mari et elles ne prennent pas les mêmes photos :
Lui il est plutôt tourné paysage, alors que moi j’aime bien le « côté reportage » sur la famille. J’aime bien prendre des photos des enfants en activité. Je prends beaucoup la famille, ce qu’on fait au quotidien, alors que Christophe, c’est un peu l’inverse, il aime photographier ce qui se passe à l’extérieur.
20Cette distinction entre ‘photos de femmes’ tournées vers l’intérieur et ‘photos d’hommes’ tournées vers l’extérieur n’est pas sans s’inscrire dans la dichotomie féminin/privé masculin/public. Les femmes doivent photographier, non pas pour photographier, mais pour photographier un suivi régulier de l’évolution des enfants et les rencontres familiales. Il semble donc que se dessinent deux démarches dans l’acte de faire des photos de famille, l’une qui apparaît plus ‘féminine’ dont la visée essentielle est de faire des photos de la famille pour engranger des souvenirs et l’autre plus ‘masculine’ qui consiste à vouloir faire de belles photos avec la famille [8]. La revendication d’une certaine forme de ‘professionnalisme masculin’ et la distinction entre ‘photos de femmes’ tournées vers l’intérieur et ‘photos d’hommes’ tournées vers l’extérieur contribue par là à fixer des rapports sociaux de sexe au cours de l’activité photographique :
21femmes = automatique/intime/incompétence,
22hommes = technique/artistique/compétence.
On observe à travers la pratique photographique une opération de manipulation qui consiste, au nom de leur ‘qualités maternelles’, à conduire et maintenir les femmes sur la photographie de famille et sur le domaine de la photographie familiale le moins prestigieux. L’affectation des femmes au quotidien et à la mémoire sur des appareils automatiques étant justifiée par leur ‘qualité naturelle’. Faut-il alors opposer une manière féminine ‘naturelle’ à une manière masculine ‘naturelle’ de photographier la famille et voir une sorte de complémentarité entre les photos réalisées par les hommes et celles réalisées par les femmes ? Même s’il apparaît que les femmes ne photographient ni les mêmes scènes ni de la même façon que les hommes, la différence n’est pas imputable à la différence de sexe biologique. Les femmes sont attentives aux dates, à l’évolution des enfants, à la quotidienneté en famille parce que leur sphère sociale est celle de la reproduction familiale et de la production d’enfants (Bertaux-Wiame 1985). C’est seulement dans la mesure où cette assignation les amène à exercer des pratiques sociales différentes de celles des hommes qu’elles ont une manière de photographier différente et un rapport à la photographie de famille différent. Alors, peut-on se demander, le numérique va-t-il changer les choses ?
Le numérique entre en scène
23Il est probablement encore tôt pour distinguer les changements apportés par la photographie numérique dans la répartition sexuée des différentes tâches, mais quelques tendances se dessinent néanmoins. Si le numérique permet de supprimer l’auto-restriction dans le nombre de prises de vues, la gratuité de l’acte photographique semble ne pas avoir le même impact sur les deux sexes. Là où les hommes s’emparent de cette nouvelle technologie en jouant sur sa dimension expérimentale et ‘gadget’, les femmes y voient davantage l’opportunité de faire des clichés qu’elles n’auraient pas essayé de réaliser au vu du coût des pellicules et la possibilité de gagner du temps en éliminant directement les mauvaises photos, photos qu’elles n’auront pas à trier plus tard.
Moi le numérique en fait j’aime bien parce que je sais que si c’est raté je peux jeter, mais je ne vais pas pour ça faire des photos de n’importe quoi, en revanche mon mari il fait plein de séquences de photos très rapprochées, de gros plans, sur l’œil par exemple, ou le nez, et effectivement c’est entre guillemets des photos qui ne servent à rien, sauf s’il y en a une un peu artistique qu’on va faire développer, mais lui il adore le côté se servir de l’appareil et il peut passer du temps à faire des trucs comme ça.
25Quant à l’outil appareil photo, il semble qu’il s’inscrive dès ses débuts dans une sexuation. Pour une part, l’appareil numérique le plus performant revient généralement aux hommes :
Patrick fait peu de photos… Tant qu’on était à l’argentique, c’était plutôt moi […], il a acheté un numérique, lui c’était plutôt l’aspect technologie qui l’intéressait, avoir le meilleur appareil numérique.
27Pour une autre part, le marché du numérique fait la part belle au matériel spécifiquement féminin. Si dans les années 1960, Kodak vantait son nouveau projecteur Instamatic M70 en disant qu’il se transportait aussi facilement qu’une machine à écrire (Germain 1999, p. 177), les publicités actuelles en direction des femmes assimilent principalement le numérique à un produit de maquillage ou à un bijou, tant pour leur taille, que leur look ou leur simplicité d’utilisation. Les femmes ont ainsi à leur disposition toute une gamme d’appareils numériques ‘irrésistibles’ qui leur sont spécialement destinés, appareils colorés à l’image de produits de maquillage « rouge qui rappelle les rouges à lèvres » (Canon avec le Digital Ixus i5), appareils présentés comme un pendentif au bout d’un collier « Laissez-vous séduire par un nouveau bijou » (Casio avec l’Exilim S 770), appareils « capables de se glisser dans n’importe quelle poche ou sac à main » ou « aussi légers » qu’une « petite boîte de sucrettes » ou encore extra-plat « à peine plus grand qu’une carte de crédit » (Konica). La division sexuée qui séparait les utilisateurs des utilisatrices ne semble pas franchement s’être atténuée sinon qu’à la triade ‘automatique, incompétence, intime’ s’ajoute aujourd’hui la dimension esthétique de l’objet. En témoignent ces publicités pour un nouvel appareil Pentax :
Ou pour Canon qui crée un boîtier avec « poignée pour petite main » dont les mérites sont vantés par une blonde qui, plus sophistiquée que les mères de famille des anciennes publicités Kodak, n’en garde pas moins l’œil qui ne vise pas grand ouvert sur la scène. Il n’est donc pas question d’admettre que l’appareil photo numérique retire à la femme une once de féminité.Les appareils photo numériques sont boudés par une majorité de femmes qui les trouvent laids, encombrants et difficiles à manier. Avec sa propre parure blanche laquée, la nouvelle version du K-m donne un côté très féminin à ce reflex de format très ramassé.
Portraits de femmes avec numérique
28En ce qui concerne la prise de vues, on peut constater des attitudes différentes chez les femmes de la génération 35-55 ans. Certaines s’approprient assez rapidement l’appareil photo numérique en maîtrisant ou ne maîtrisant pas les différentes étapes postérieures à la prise de vues, mais d’autres, plus nombreuses, expriment une forme de ‘rejet’ dont les causes peuvent être de différents ordres.
29Il y a celles, très rares, qui maîtrisent le numérique comme l’informatique et qui abandonnent sans regret l’argentique. Dounia, par exemple, s’est résolument emparée du numérique, c’est elle qui conçoit pendant ses week-ends, parfois avec une participation ponctuelle de son conjoint pour des commentaires ou des musiques, ces ‘nouveaux albums’ sur cd.
J’ai les photos, je les rentre sur ordinateur, je les classe, j’ai des fichiers, ça aussi c’est pas mal parce qu’en termes de place, mes albums je ne sais plus où les mettre. Je ne fais plus du tout d’album, je fais des films et des cd, et je peux les visionner sur la télévision […] et puis je fais plein de copies que j’ai offertes aux personnes qui étaient là lors de l’événement.
31Édith, informaticienne de formation, avoue ne jamais avoir réalisé beaucoup de photos avec l’argentique alors que son père était un bon amateur et réalisait lui-même ses tirages noir et blanc. Lorsqu’elle parle numérique, elle sait de quoi elle parle, ayant fait une formation d’images de synthèse et de traitement d’images numériques.
Ma licence c’était ça et donc quand j’affichais l’histogramme de l’image, je savais ce que ça voulait dire, je savais pousser la luminosité, non pas en termes de photos mais en termes des algorithmes d’images qui mettaient ça à l’œuvre. Ça, ça me parlait plus et c’est là que j’ai fait des photos.
33Ce qui la passionne aujourd’hui, c’est de reprendre les photos, « de les recadrer mieux et puis éventuellement de les améliorer… ». Toutes deux passées au numérique de façon radicale, elles réalisent tout le travail photographique, de la prise de vue au traitement et à la conservation des images via l’ordinateur, abandonnant pratiquement tout traitement papier et albums de photos traditionnels.
Chez nous on a quatre ou cinq ordinateurs, dont un ordinateur de salon qui nous fait central images et sons, c’est un mac qui dispose d’un logiciel tout à fait agréable pour faire des diaporamas, donc maintenant quand on veut montrer nos photos de vacances à des gens, on l’injecte dans le diaporama du mac et on passe les photos sur la télé parce qu’on a une grande télé seize neuvième qui nous sert d’écran. Et puis moi sur mon portable, j’ai un truc plus rudimentaire mais tout à fait pratique pour faire ce genre de diaporamas, ce qui fait que comme j’emmène mon portable assez souvent partout, et bien je les ai et je peux les montrer.
35Puis il y a celles qui maîtrisent le numérique comme l’informatique mais qui refusent de l’associer à l’intime. Gabrielle, par exemple, se refuse à faire rentrer un numérique dans sa maison. Elle maîtrise pourtant parfaitement bien l’informatique et même le traitement d’images numériques puisqu’il relève d’une partie de son travail chez le médecin avec lequel elle travaille. Ses réticences ne viennent donc pas de là, au contraire, puisqu’elle fait partie de ces personnes suffisamment à l’aise avec l’ordinateur pour trier, classer, et corriger les photos numériques. Mais explique-t-elle :
Le numérique ce n’est pas du sentiment, pour moi le numérique c’est plat, donc pour du matériel, du boulot, pas pour des photos de famille. Je préfère le papier. Je préfère le palpable. Alors il y en a qui mettent ça sur ordinateur en disant, « c’est bien, c’est pratique, on peut les consulter, on en a tout un paquet ». Rien qu’à ranger, à trier, à renommer et tout… Je préfère passer du temps à faire les albums, je préfère manipuler et revivre les moments que de les revivre sur un ordinateur, c’est mécanique…
37Pour Gabrielle, ce n’est pas une question de compétence mais de choix, comme si l’outil ordinateur avec lequel elle travaille n’avait rien à faire dans le domaine de l’intime et de l’affectif.
38Ensuite, il y a celles qui maîtrisent à peu près le numérique mais délèguent une partie des opérations sur ordinateur. S’il n’est pas possible de généraliser le fait que le numérique soit une spécialité des hommes pour la prise de vues, la répartition sexuée de la pratique photographique devient nettement plus flagrante pour le stockage et le classement des photos dans l’ordinateur.
Tout ce qui est informatique, c’est plutôt lui. Je m’y suis moins mise et puis comme il adore ça, dira Christine pourtant mère au foyer.
Après il les met sur le pc, il les classe, il y a un dossier photo, il les date.
41Le ‘blocage’ ou ‘refus’ des femmes à l’égard du numérique s’observe en effet plus clairement dès que l’on aborde le travail sur l’ordinateur.
42D’autres enfin n’arrivent pas à s’emparer du numérique et mettent en avant soit un manque d’intérêt soit une incapacité personnelle à maîtriser ce nouvel outil.
Quand je prends l’appareil numérique, une fois sur deux, je ne me souviens plus à quoi correspondent les boutons… Je n’ose pas supprimer une photo parce que j’ai peur de supprimer tout le fichier, en fait je ne suis pas autonome sur le numérique…, dira Clémence, pourtant ancienne photographe amateure avertie en matière d’argentique.
44Ces femmes, qui se disent ‘à cheval entre deux mondes’, délèguent alors souvent à regret le numérique à leur conjoint en (re)devenant ‘prescriptrices’ en matière d’images.
C’est son appareil photo, donc j’ai peur de le faire tomber, de l’abîmer, alors de temps en temps je lui dit : « Fait une photo des enfants », il me répond : « Tu ne peux pas le faire ? », mais je n’ai pas la même rapidité que lui, donc je vais passer à côté de ces moments magiques… Du coup, je n’en fais plus. Maintenant c’est plutôt lui qui prend les photos…
46Il semble ainsi que les schémas culturels continuent de produire leurs effets d’assignation/exclusion par leur intériorisation comme par l’appréhension que suscitent les difficultés, souvent fantasmées, d’un apprentissage à un savoir-faire, renforcée par le manque de confiance en soi et la dénégation sociale des capacités des femmes face à la technicité (Brenac 1983). Pour certaines, c’est également le manque de temps qui est évoqué comme explication à leur non-pratique du numérique :
Mais quoi d’étonnant si cette notion de ‘manque de temps’ est évoquée par les femmes aussi bien en ce qui concerne le temps de se plonger dans les manuels de l’appareil photo numérique, que pour trier et nommer les photos sur ordinateur, que pour enfin sélectionner les images pour faire les tirages et concevoir les albums, puisque les femmes libèrent le temps de l’homme pour l’ordinateur en s’occupant des enfants, de la préparation des repas, etc., et que la priorité du travail domestique interdit à la plupart des femmes l’accès à des activités informatiques.Je ne prends pas le temps d’apprendre, je n’y arrive pas… Si j’avais deux heures à prendre pour me poser, lire le mode d’emploi, ça irait, je pourrais dans le métro, mais je suis fatiguée…
Femmes de papier - Femmes de mémoire
47Le numérique semble de prime abord devenir encore davantage un bien courant qu’un produit de luxe.
L’appareil photo, pour le coup, est complètement démystifié. Tu es moins dans un objet de vénération, c’est moins rare, avant c’était rare quand même les appareils photo. Il y a plein de trucs qui font que tu réussis les photos et que tu es autant qualifiée que le père de famille qui prenait ses photos.
49Mais cette possibilité de produire sans coût financier un nombre infini d’images, si elle libère dans une certaine mesure la photographie de son usage conventionnel, n’est pas sans soulever de nouveaux problèmes. Car la sélection, déjà difficile avec l’argentique, devient un véritable casse-tête avec le numérique et une opération bien plus ‘chronophage’, tant le nombre de prises de vues a augmenté (environ quatre fois plus qu’avec l’argentique). Certaines familles reviennent maintenant de vacances ou de voyages avec des centaines de photos.
À chaque situation, il y a quelque chose d’intéressant. La sélection n’est pas facile à faire.
51Or, sans cette sélection préalable, il est impossible de se décider pour des tirages papier, encore onéreux, et donc de continuer la réalisation de l’album. Le numérique pose ainsi la question nouvelle du « que faire et comment avec toutes ces images ? » « Avant j’apportais ma pellicule chez le photographe », raconte Valentine, « je râlais parce que ça coûtait cher, là-dessus est arrivé le numérique où tu peux en faire à volonté, mais du coup il n’y a plus d’albums ». Dans la mesure où faire l’album est une activité globalement féminine (Bourdieu et al. 1965 ; Belleau 1996 ; Garrigues 2000), ce sont bien les femmes, en premier lieu, qui vont être sensibilisées à la difficulté de le réaliser à partir du numérique et au temps que cela demande :
Je n’ai sorti aucune photo… Il faudrait que je prenne la puce, que j’aille les faire développer et je n’ai pas le temps… Porter sa pellicule chez le photographe en rentrant de vacances, c’était normal, c’était une bonne habitude…
53L’image numérique ne devient une photographie au sens habituel du terme que lorsqu’elle prend la forme d’une épreuve permanente et pour les femmes, la photo sur papier reste toujours à l’heure actuelle la forme idéale des images.
Moi ça ne m’intéresse pas d’avoir des photos sur l’ordinateur, l’intérêt d’une photo de famille c’est quand même de regarder, de partager, vous n’allez pas dire : « Tiens, viens voir les photos sur ordinateur ». Et pour moi le papier c’est important mais je pense que je suis encore d’une génération papier…
55L’image sur ordinateur reste ainsi pour beaucoup une image immatérielle :
Je n’aime pas regarder les images sur ordinateur, ça ne fait pas du tout la même chose… Je trouve ça vachement impersonnel, j’aime bien toucher, moi, le papier c’est important, c’est comme les lettres qu’on envoie, les cartes…
57Les usages affectifs, fantasmatiques ou symboliques de la photographie ne se détachent ainsi pas si facilement de la matière où ils prennent du corps. Pour la plupart d’entre nous, une image numérisée est encore une « image sans support » (Merzeau 1997).
58Si la dimension générationnelle n’est pas sans influer sur le désir d’avoir des tirages papiers, il n’en reste pas moins que c’est parce que les femmes reprennent à leur compte la nécessité de faire des albums que la question du tirage est un problème ‘féminin’.
Moi, à l’arrivée du numérique j’étais super contente, moins de tirages perdus, mais en fait je n’aime pas tant que ça… C’est bien mais elles sont où les photos ?… Dans l’ordinateur ! On n’a rien tiré, ça m’agace…
60Si un certain nombre de boutiques offrent aujourd’hui la possibilité de réaliser des tirages, la démarche de sélectionner ses photos, de comprendre comment marche les machines et de prendre le temps de se rendre à des bornes est loin d’être entrée dans les mœurs.
Il y avait un truc à côté mais c’est trop compliqué… Je ne sais pas encore comment gérer ce fichier.
62Une demande d’internalisation au sein du domicile d’une fonction jusqu’alors réalisée par des prestataires extérieurs est principalement portée par les femmes :
On vient d’en acheter une [imprimante]… Il y a quinze jours, j’ai craqué parce que je disais à Sylvain : « Ça ne sert à rien toutes ces photos, à part de s’amuser à prendre des photos, pour ne jamais les voir, ne jamais les imprimer. »
64La transmission de la mémoire familiale se fait généralement par les femmes qui en sont détentrices (Déchaux 1997). Ce sont elles qui restent en priorité vouées à la fonction d’expressivité, au maintien de la cohésion du groupe, en veillant notamment aux besoins émotionnels et de protection de la famille et en gardant le cap sur les valeurs et la culture familiales (Coenen-Huther 1994). La pérennité des photos réalisées et de la mémoire familiale est donc au cœur des préoccupations des femmes qui utilisent le numérique. En effet, pour la première fois dans l’histoire de la photographie, les actes de prise de vues et de sauvegarde se trouvent dissociés. La découverte des images, jusqu’au numérique, était toujours subordonnée à leur développement, c’est-à-dire à leur matérialisation sous forme de négatifs puis de tirages papier, garantissant ainsi une double sauvegarde aux clichés. Le numérique bouscule ce chemin particulièrement reposant pour le photographe qui est désormais obligé de penser au devenir des images dès leur inscription sur la carte mémoire, le tirage constituant encore aujourd’hui le seul gage de pérennité des images.
65* * *
66Être attiré par les technologies, s’en rendre familier, les maîtriser, sont des attitudes et comportements qui sont considérés comme les caractéristiques du genre masculin. La photographie de famille pour les femmes à l’heure du numérique se situe à ce que l’on pourrait appeler la frontière de l’incompatibilité et de la familiarité. La relative féminisation de la photographie familiale est ainsi résumée dans un article de l’observatoire des professions de l’image :
L’intérêt que les femmes portent à la photographie familiale peut, par certains aspects, être présenté comme une victoire des femmes sur la technique, mais l’inégalité des rôles dans la photographie familiale risque alors d’être occultée par ce discours. Si, depuis les années 1960, la photographie familiale s’est féminisée, elle ne s’accompagne pas pour cela d’une véritable mixité.Féminisation et pragmatisme : l’ouverture d’un public féminin à la photographie numérique annonce le retour probable du public vers des comportements photographiques plus traditionnels […]. Gardiennes de la mémoire familiale, moins technophiles, les mères de famille donnent l’impulsion pour que les photos souvenirs ne soient pas perdues à jamais, grâce au tirage [9].
Bibliographie
Références
- Barrère-Maurisson Marie-Agnès (2003). Travail, famille : le nouveau contrat. Paris, Gallimard « Folio ».
- Belleau Hélène (1996). Les représentations de l’enfant dans les albums de photographies de famille. Thèse présentée à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade Ph. D en sociologie, Université de Montréal, Département de sociologie, Faculté des arts et des sciences.
- Bertaux-Wiame Isabelle (1985). « Mémoire et récits de vie ». Pénélope, n° 12, printemps.
- Bourdieu Pierre, Boltanski Luc, Castel Robert et al. (ed) (1965). Un art moyen : essai sur les usages sociaux de la photographie. Paris, Minuit « Le sens commun ».
- Brenac Édith (1983). « Système S ou le bricolage au féminin ». Pénélope, n° 9, automne.
- Chabaud-Rychter Danielle, Gardey Delphine (eds) (2002). L’engendrement des choses. Des hommes, des femmes et des techniques. Paris, Éd. des archives contemporaines.
- Coenen-Huther Josette (1994). La mémoire familiale. Paris, L’Harmattan « Logiques Sociales ».
- Déchaux Jean-Hugues (1997). Le souvenir des morts : essai sur le lien de filiation. Paris, puf « Le lien social ».
- Garrigues Emmanuel (2000). L’écriture photographique : essai de sociologie visuelle. Paris, L’Harmattan « Champs visuels ».
- Germain Bernard (1999). « Madame Kodak contre l’amateur ou les conquêtes du super-8 ». Communications, vol. 68, n° 1.
- Jonas Irène (1991). « Mensonge et vérité de l’album de photos de famille ». Ethnologie française, vol. xxi, n° 2.
- — (2008). « Portrait de famille au naturel. Les mutations de la photographie de famille ». Études photographiques, n° 22, septembre.
- Le Pape Marie-Clémence (2005). « Mémoire familiale, filiation et parentalité en milieux populaires ». Recherches et prévisions, n° 82 « Enfance ».
- Merzeau Louise (1997). « Papiers sensibles ». Cahiers de médiologie, n° 4 « Pouvoirs du papier », 2e semestre.
- Odin Roger (1999). « La question de l’amateur ». Communications, vol. 68, n° 1.
- Tabet Paola (1998). La construction sociale de l’inégalité des sexes : des outils et des corps. Paris, L’Harmattan « Bibliothèque du féminisme ».
- Théry Irène (2001). Le démariage. Justice et vie privée. Paris, Odile Jacob « Poches » [1re éd. 1993].
- Wajcman Judy (2002). « La construction mutuelle des techniques et du genre : l’état des recherches en sociologie ». In Chabaud-Rychter Danielle, Gardey Delphine (eds).
Notes
-
[1]
Je fais référence ici aux travaux de Marie-Agnès Barrère-Maurisson (2003), qui isole cette notion de temps parental du temps domestique ou temps libre dans lequel il était dilué et qui regroupe toutes les activités effectuées par les parents avec et pour les enfants.
-
[2]
L’Instamatic devient avec la montre un cadeau courant de communion.
-
[3]
Une enquête sur la participation culturelle et sportive, réalisée en 2003 par Olivier Donat (insee), montrait que dans le domaine de la pratique en amateur, les activités artistiques qui passent par un objet technique (instrument de musique, appareil photo ou caméscope) sont davantage investies par les hommes.
-
[4]
On ne peut s’empêcher ici de penser aux travaux de Paola Tabet (1998) qui montrent comment ce n’est pas la chasse qui est interdite aux femmes, mais l’accès aux armes et comment les femmes doivent se contenter d’outils plus rudimentaires dans le cadre d’une activité demandant un outillage complexe et que les tâches les plus archaïques pour ce qui est de l’évolution technique leur incombent généralement.
-
[5]
Judy Wajcman analyse comment, à travers une distinction classique des appareils électroniques entre produits ‘blancs’ (tels que réfrigérateurs, machines à laver, etc.) et produits ‘bruns’ (comme téléviseurs, lecteurs dvd, Hi-fi, etc.), se reflète une division sexuelle des activités domestiques opposant ceux qui ont affaire au travail domestique et ceux qui ont affaire aux loisirs.
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[6]
On retrouvait également cette distinction sexuée dans le choix des pellicules : la diapositive ou le noir et blanc étant majoritairement utilisés par les hommes alors que les négatifs couleurs le sont par les femmes.
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[7]
Les verbatim cité dans l’article sont extraits d’une trentaine d’entretiens issus d’une recherche menée auprès de femmes, mères de famille et de quelques couples avec enfants (classes moyennes et classes moyennes supérieures). Âgés de 30 à 55 ans, elles/ils ont pratiqué la photographie argentique avant de passer au numérique.
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[8]
Ou à déserter de façon totale ou partielle l’image fixe dès lors que la caméra (super 8, vidéo ou numérique) entre dans le foyer.
-
[9]
L’observatoire des professions de l’image, « Le numérique redessine le marché de la photo ». In Les chiffres du marché de la photo et de l’image 2003, opi-2004.pdf, www.imagemarket.fr.