Notes
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[1]
Voir article dans ce numéro, p. 14.
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[2]
Voir article dans ce numéro, p. 52.
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[3]
Voir article dans ce numéro, p. 27.
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[4]
Voir article dans ce numéro, p. 70.
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[5]
Voir les travaux sur le leadership dans les groupes restreints de Kurt Lewin et de René Kaes. Lewin tient une place singulière dans l’animation puisqu’il travailla sur la question du leadership démocratique à partir d’un « summer home camp » au début des années 1940 : Bavelas A., Lewin K., 1942, « Training in democratic leadership », The Journal of Abnormal and Social Psychology, n° 1, vol. 37, p. 115-119.
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[6]
Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur•trice (BAFA).
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[7]
Brevet d’aptitude aux fonctions de direction (BAFD).
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[8]
Dans Enfants libres d’Evolène (1974, Lausanne, Éditions Rougemont), un collectif hétéroclite porté par des théories fumeuses raconte l’expérience de colonies de vacances qu’il a mis en place en 1973 à Evolène en Suisse.
Ce livre raconte une expérience pédagogique de non-intervention de l’adulte qui se terminera par la fermeture anticipée du séjour et le rapatriement des enfants.
Très impliqué dans les débats relatifs à l’éducation populaire et aux colonies de vacances, Jean-Michel Bocquet analyse les enjeux pédagogiques et éthiques qui sous-tendent la pratique d’animation. Il revient notamment sur l’importance historique de la « colo » comme espace d’expérimentation et sur la nécessité d’une pratique professionnelle réflexive pour l’accompagner.
1 Quelles sont les pratiques des animateur·trice·s en « colo » dont on parle dans ce numéro des Cahiers de l’action. Sur quoi se basent-elles ? Comment se construisent-elles ? L’animateur·trice est-il/elle uniquement un·e praticien·ne, est-il/elle un·e praticien·ne réflexif·ve ? Un·e pédagogue ? Bref, la pratique est-elle l’alpha et l’oméga de la fonction d’animateur·trice, laissant à d’autres le fait de réfléchir et de conceptualiser ?
2 Ces questions peuvent paraître théoriques et décalées dans le contexte actuel de tension dans les recrutements des animateur·trice·s, mais elles posent de manière différente la question de savoir pourquoi des animateur·trice·s acceptent de travailler 24 H/24, 6 jours sur 7 pendant leurs vacances pour des salaires dérisoires. Savoir ce qu’un animateur·trice vient pratiquer dans une colo permet ainsi de se poser la question du sens de l’action.
3 La spécificité des colonies de vacances est qu’il n’est pas possible de faire de la fonction d’animateur un métier et un emploi permanents. Il n’est possible d’être animateur·trice de colo seulement 80 jours par an et uniquement pendant les vacances scolaires. Il est nécessaire de se déplacer et de vivre sur place avec les jeunes et les enfants accueillis. Du fait de ces singularités, les colos peuvent constituer de petites sociétés temporaires, des lieux de pratiques permettant d’essayer de changer la société.
4 Je vais commencer par distinguer plusieurs termes souvent utilisés pour décrire des choses proches mais différentes : « pratique », « technique », « outil », puis dans un second temps « pédagogie ». Je vais montrer que dans l’actuel « marché » des colonies de vacances, les pratiques des animateur·trice·s ne sont pas limitées à la mise en application de quelques techniques d’animation connues, cette manière de « faire colo » étant dictée par des impératifs de satisfaction du client. Enfin, et en replongeant dans l’histoire, je montrerai que les pratiques innovantes existent toujours, qu’elles s’appuient sur une analyse de la société actuelle et de ce qu’il faudrait changer. La colo (re)devient alors un laboratoire pédagogique d’expérimentation de ce que pourrait être une autre forme de société.
Pratiques, techniques, outils et pédagogie
5 L’outil est un objet dont on se sert pour effectuer un travail manuel, une action. L’outil est la prolongement du bras afin de réussir à faire quelque chose qu’il est plus difficile d’accomplir sans cet outil.
6 La technique désigne les procédés utilisés pour la réalisation d’une activité ou d’une tâche particulière. C’est la manière d’utiliser les outils, l’enchainement (processus) des utilisations d’outils pour atteindre la finalité de la tâche.
7 La pratique est le savoir empirique résultant de l’exercice prolongé et renouvelé de l’expérience, mais aussi l’exercice volontaire visant à mettre en œuvre les principes et les lois d’une science, les procédés d’une technique, les règles d’une morale ou d’une religion.
8 Dans l’animation, les outils sont les règles des jeux, les matériels pour jouer ou fabriquer, les chaises, les tables où manger, les lits pour dormir, etc. Ils permettent aux animateur·trice·s de faire ce pour quoi ils agissent.
9 Les techniques sont les manières d’utiliser les matériels, tables, lits, etc. Il est possible pour l’animateur·trice d’utiliser des processus et procédés différents pour agir : il·elle peut faire jouer ou laisser jouer, organiser un coucher échelonné ou en groupe, il·elle peut proposer des repas en libre-service ou servis à la table, il·elle peut hurler ou encourager, il·elle peut endormir chaque enfant avec une histoire à la suite d’un processus long de retour au calme ou imposer le silence. La technique explique comment choisir ces outils.
10 La pratique est ambiguë. Elle signifie deux choses en même temps : un processus empirique qui fait qu’à force de faire toujours la même chose, on finit par savoir le faire et par développer ses propres outils et techniques adaptés à soi-même. Elle est aussi une mise en application de sciences et de techniques apprises ailleurs ou imposées.
11 Le même mot définit deux choses presque opposées : la première dit qu’avec l’habitude « le faire » aura raison, la seconde dit que la théorie ou technique apprise aura raison, dans la pratique, dans la réalité. La « pratique empirique », qui s’appuie sur la répétition et sur des outils, produit à la longue une forme d’automatisation des comportements et des manières d’être en relation avec les enfants de la colo ; la « pratique-application », qui s’appuie sur les sciences et les techniques apprises, se fracasse sur les enfants accueillis ; la théorie ne marche pas ou marche mal. En colo, la « pratique empirique » éloignée des théories serait-elle plus juste et plus « pratique » ? Pas si sûr.
Sur les colonies de vacances et les pédagogies
Mais le mouvement mondial de l’Éducation nouvelle va fortement influencer les colos. Gisèle de Failly, pédagogue et créatrice des CEMEA, participe dès 1921 aux rencontres de la Ligue de l’Éducation nouvelle. Les pédagogues des colos sont allés chercher dans les écrits, échanges et travaux de l’Éducation nouvelle et du scoutisme leur modèle pédagogique : critique des formes d’apprentissage (répétition, élèves passifs), de l’autorité forte et descendante, des enseignements coupés du réel, etc. Ce modèle évoluera avec les innovations du mouvement, les livres d’Élise et de Célestin Freinet, de Maria Montessori ou de John Dewey – qui n’ont jamais fait de colo, mais aussi avec Janusz Korczak et Fernand Oury qui, eux, ont débuté leurs recherches pédagogiques dans des colonies de vacances.
Janusz Korczak et les mouvements socialistes du début du xxe siècle vont porter une forme pédagogique singulière et avant-gardiste, les Républiques d’enfants (Faucons rouges ou Corvol). Ce modèle pédagogique qui permet aux enfants de construire les règles vie de la collectivité de vie va s’étendre aux maisons d’enfants à caractère social et devenir le modèle majoritaire pour la rééducation des enfants. Il disparaitra presque complètement dans les années 1950 mais restera présent dans les courants libertaires (AS Neil et l’école de Summerhill) et dans la pédagogie institutionnelle (colonie de Lancieux par J. Houssaye).
Les années 1970 formeront une période contradictoire. D’un côté elles verront émerger des expérimentations pédagogiques importantes qui se structureront dans les années 1980 : pédagogies de la décision, Maison de Courcelles, séjour autogéré, approche non directive et colo parfois folkorique et/ou dangereuse (colonie d’Evolène), mais elles marqueront aussi l’apparition des pédagogies par objectifs et des projets qui permettront de construire la forme actuelle des colos adossées à une pédagogie dont les finalités sont éducatives, basée sur la notion de besoin, centrée sur l’adulte où l’activité de loisirs est le cœur de l’action. Ce modèle traduit l’évolution touristique des colos dans les années 1980. Ce modèle est ultramajoritaire aujourd’hui et s’est renforcé par la vente directe des colos auprès des parents et « enfants consommateurs ».
La pédagogie
12 Distinguons d’abord pratique et pédagogie. La pédagogie est la mise au travail concomitante des valeurs, des savoirs et des pratiques par les mêmes personnes dans un même lieu.
13 À l’origine, le moniteur – qu’on appellera par la suite l’animateur·trice – de colo était un·e praticien·ne qui s’appuyait sur des savoirs théoriques et des valeurs, il agissait en essayant de mettre tout cela en cohérence. S’il lui arrivait d’écrire et de réfléchir à son action, il devenait pédagogue. Les organisateurs de colos s’inscrivaient dans des grands courants de pensées politiques, philosophiques ou religieuses : catholiques (UFCV), socialiste (Léo Lagrange), laïque (Ligue de l’enseignement). Ils développaient des formes pédagogiques en cohérence avec leurs courants de pensées : le personnalisme (UFCV), les colos éducatives (Ligue de l’enseignement) ou les « Républiques d’enfants » (pour les ancêtres de Léo Lagrange) ou l’Éducation nouvelle (Centres d’entrainement aux méthodes d’éducation active [CEMEA]). Chacun choisissait ou, plus exactement, chaque enfant dépendait du choix de ses parents pour aller dans telle ou telle colonie.
14 De l’origine des colos aux années 1980, chaque mouvement, chaque organisateur ayant ancré son action dans la littérature pédagogique, a été remis en question par les nouvelles générations qui voulaient renverser la table ; les innovations plus ou moins idéologiques sont venues secouer les colos : Éducation nouvelle, pédagogie Freinet ou institutionnelle, non-directivité, pensée antiautoritaire, etc. Les colos n’étaient jamais coupées du monde ni des débats de société ni des courants de pensées (voir encadré) : on verra des colos libres « Summerhill », des colos « pèlerinage », des colos institutionnelles, des colos paramilitaires, etc. À chaque fois, ces colos reprennent le même modèle pédagogique mais construisent des outils et techniques différents, des outils et techniques singuliers et en cohérence avec leurs finalités. En pédagogie, la pratique questionne la théorie, la théorie alimente les valeurs, les valeurs se confrontent à la pratique, et inversement.
15 Pour construire valeurs et finalités, les organisateurs de colos apportaient une analyse du monde s’appuyant sur différentes théories, produisaient des textes politiques et philosophiques sur un lendemain meilleur, regardaient avec force les enjeux du moment, les choix de société à faire et en débattaient collectivement pour construire des colos à l’image d’une société future et meilleure. Aujourd’hui, cette approche demeure, minoritaire mais elle existe. Comment ne pas voir la Maison de Courcelles [1] comme une fille du personnalisme communautaire, Toustes en colos [2] comme successeur des pédagogies institutionnelles, Des camps sur la comète [3] comme petits-enfants des CEMEA et des terrains d’aventure, ou les travaux des Éclaireuses et éclaireurs de France sur l’accueil de tous dans la suite des pédagogies libertaires [4] ? On pourrait trouver des filiations aux pédagogies de la décision dans les Républiques d’enfants ou les travaux de John Dewey, mais aussi une prolongation des pédagogies traditionnelles et autoritaires dans le Service national universel (SNU).
16 Il n’existe pas de pédagogies qui ne portent pas en elles une dimension politique et philosophique, même (et surtout) la pédagogie traditionnelle véhicule des valeurs fortes – le SNU en est la démonstration. Cette pédagogie est pourtant la forme la plus utilisée dans les colos, elle utilise comme outils : le choix, les thèmes, les dominantes, l’autorité descendante, les groupes d’âge, les règles de vie, etc., et s’appuie sur une seule théorie : celle des besoins. Elle demande aux animateur·trice·s de gérer et d’être efficaces. Gestion et efficacité seraient-elles les seules finalités des colos ?
L’animateur·trice efficace qui gère
17 Dans la grande majorité des colos, les animateur·trice·s ont un rôle pratique de gestionnaire de la vie quotidienne, de mise en musique des animations dites « payantes » ou « dominantes », et d’animation des temps de jeux en dehors de ces activités spécifiques. Les colos sont choisies par les enfants, les ados et leurs parents sur des catalogues numériques qui mettent en valeur les activités que l’enfant/ado va faire. Les catalogues sont triés par âge et par thème : sports, découvertes, jeux, voyages à l’étranger, linguistique, sciences, animaux, etc. Bon nombre de ces activités thématiques demandent des animateur·trice·s spécialisé·e·s voire diplômé·e·s de brevets spécifiques. Il reste à l’animateur·trice la gestion : les horaires, les levers et couchers, les transports, les repas, les temps de jeux plus ou moins libres et la sécurité générale. Il devient une sorte de manageur de groupes d’enfants. Sa marge de manœuvre est limitée, sa créativité peu stimulée, il a des taches à accomplir, avec des outils qu’il doit maitriser. Les programmes sont faits pour être présentés sur les sites Internet et pour répondre aux obligations du client : comité d’entreprise et/ou parent. À tel point que les parents absents doivent pouvoir voir leur enfant en colo via, notamment, des dispositifs de blogs ou d’appels en visio. Dans ce type d’organisation, pas besoin de théories ou de finalités philosophiques, quelques outils suffisent pour exécuter les tâches attendues, peut-être quelques techniques pour obtenir le calme, la discipline et un coucher pas trop tardif ; la colo devient un produit standardisé qui se déroule pendant sept semaines l’été : chaque semaine la même colo recommence, la même mais avec d’autres enfants, et le processus se répète.
18 La pratique des animateur·trice·s mobilise peu de sciences ou de techniques complexes, les théories mobilisées sont celles des dynamiques de groupe, de l’autorité [5] et surtout la théorie des besoins. Les outils sont traditionnels : grands jeux, activités manuelles et veillées que l’on trouve dans les carnets de jeux, fichiers ou Internet. Le droit est mobilisé pour interdire et sécuriser via la réglementation.
19 L’animateur·trice est le personnel de base d’une structure hiérarchisée, construite pour vendre du séjour à des clients. Le produit vendu doit répondre aux normes du commerce et à la satisfaction du client qui n’est pas l’enfant mais si l’enfant n’aime pas, le client ne sera pas satisfait. Les organisateurs de colos appliquent les principes de marketing commercial, la séparation des fonctions « pensantes » et « exécutantes », décrivent des process standardisés et programmatiques pour les équipes de terrain : les colos sont une industrie commerciale. Comme dans n’importe quel secteur d’activité, le.la praticien.ne n’est plus le.la concepteur·trice. Dit autrement, il devient un·e ouvrier·e d’exécution, là où, avant, il pouvait être contremaitre. Comme dans toute industrie, un outil est mobilisé pour faire croire aux praticien.ne.s qu’ils et elles peuvent encore agir sur la conception : la méthodologie de projet. Les animateur·trice·s y sont formé·e·s (et les directeur·trice·s encore plus) dès les stages théoriques BAFA [6] (et BAFD [7]).
20 Ce puissant outil de gestion issu de l’industrie a inondé l’animation depuis la fin des années 1970. Le projet est partout, il est pédagogique, éducatif, d’animation, d’activité, personnel de formation, individualisé… Il se veut efficace et pragmatique, alors que la méthodologie de projet est bien politique : elle permet d’appliquer les méthodes de l’industrie aux colos.
La colo : un laboratoire d’expérimentation pratique pour changer la société
21 Si les organisateurs de colos à finalité politique, religieuse ou philosophique se font beaucoup plus rares ou ne s’affichent plus réellement comme tels, il en reste toujours, par exemple les scouts. Les pédagogies construites avec le temps par leurs militants restent vivantes. Les anciens militant·e·s ont écrit et produit des textes revendicatifs, politiques, critiques ou pédagogiques. Les jeunes générations formées aux sciences humaines et sociales portent un regard sur le monde bien différent de leurs ainé·e·s. La rencontre de ces vieux textes et des analyses critiques des jeunes générations produit un renouveau des pratiques pédagogiques. Les vieux textes relus et retravaillés par les jeunes animateur·trice·s permettent de rendre vivantes et actuelles les réflexions de l’Éducation nouvelle, de Célestin Freinet, d’Ivan Illich, de Fernand Oury, de Janusz Korczak ou de John Dewey. Les pédagogies se (re)construisent dans un dialogue entre vieux pédagogues, passeurs (Philippe Meirieu, Jean Houssaye, Alain Vulbeau) et praticiens d’aujourd’hui.
22 Trois enjeux majeurs de nos sociétés viennent percuter les pratiques des animateur·trice·s : les mixités, le devenir de notre planète, donc de nous-mêmes, et les violences sexuelles et sexistes. Les travaux de recherche sur le care, le genre, le racisme systémique, la finitude de notre monde, les traumas chez les victimes de violences, la disparition du vivant, les fragilités de nos démocraties et l’inclusion viennent remettre en question des pratiques d’animation devenues empiriques et répétitives, souvent inadaptées aux attentes des enfants et des adolescents, construites sur un modèle pédagogique né dans les années 1950 et dont les dernières évolutions, qui datent des années 1990, ne sont qu’une adaptation aux logiques commerciales. Les animateur·trice·s ne veulent plus travailler en colo sans pouvoir reprendre en main la dimension pédagogique des séjours, donc politique ou philosophique. Ils et elles ne veulent plus être les petites mains d’un système qui ne répond plus aux enjeux de notre monde. Certain·e·s parlent de crise de vocation. Si être animateur·trice de colo n’est pas entrer en religion, il n’est plus possible aujourd’hui de travailler en étant autant exploité et sans pouvoir changer le monde.
23 Les questions qui se posent aux organisateurs, mais aussi et surtout aux animateur·trice·s de colos, sont : comment accueillir des enfants en situation de handicap sans ajouter une ou deux personnes en plus pour compenser mais pour que ces enfants puissent vivre des vacances comme les autres, pour qu’ils puissent jouer à « poules, renards, vipères » avec les autres enfants ? Comment organiser des colos zéro carbone ? Comment construire des colos où les processus de domination ne se reproduisent pas ? Comment faire en sorte que l’animateur homme sportif, drôle, motivé, motivant et charmeur ne soit plus le modèle de référence des pratiques d’animation ? Comment éviter que les personnels de direction et animateurs abusent de leur position pour violenter voire violer les animatrices ?
24 En répondant à ces questions, de manière inévitable, les pratiques changent. En se replongeant dans les textes pédagogiques anciens, on peut y lire des pistes de réflexion et des trouvailles : outils et techniques. On peut même y trouver des choses à ne plus jamais faire (voir la colo d’Evolène [8]).
25 On peut trouver des textes théoriques qui poussent à la réflexion, les textes de philosophie sociale sur la parole et la coconstruction avec les concernés et les éprouvés, les textes des politistes du care qui critiquent avec force la théorie des besoins pourtant la base depuis les années 1930 du modèle pédagogique des colos.
26 On trouve aussi des acteurs pédagogiques actuels, des associations organisatrices de colos qui tentent de répondre aujourd’hui à ces questions. Leurs propositions sont imparfaites, insatisfaisantes ou incomplètes, mais les pédagogues savent que :
- la pédagogie qui marche toujours n’existe pas, il faut toujours recommencer ;
- la théorie n’a pas raison mais guide l’action ;
- la pratique empirique fonctionne tant qu’elle n’a pas croisé le chemin d’un enfant qui ne comprend pas ;
- la méthodologie de projet n’est pas un outil pédagogique mais de gestion ;
- une pratique sans finalité, c’est comme chercher le pôle Nord sans boussole ;
- ce n’est jamais l’enfant le problème mais la pratique du praticien.
28 Les organisateurs de colonies de vacances gagneraient à (re)trouver ce qui a construit leur histoire depuis plus d’un siècle : faire des colos un espace, un lieu qui répond par le loisir aux enjeux de la société. Pas un lieu scolaire, social ou sanitaire (d’autres institutions le font) mais un espace où les enfants éloignés de leur milieu habituel de vie, sans leurs parents et encadrés par des pairs juste plus vieux, peuvent vivre un temps de vacances et peuvent expérimenter des manières singulières de vivre ensemble. Le défi des colos de demain est de (re)venir à la pédagogie et de (re)mettre en adéquation enjeux futurs, finalités et pratiques d’aujourd’hui.
En savoir plus
→ Bocquet J.-M., 2021, « Qu’apprendre des colos apprenantes », AOC [en ligne]
→ David R., Besse-Patin B., 2013, « Pour une critique radicale des impensés de l’animation », HAL [en ligne]
→ Julien Fuchs, Le temps des jolies colonies de vacances, Les Éditions du Septentrion, 2020 [en ligne]
→ Houssaye J., 2002, « Les centres de vacances. La fin des finalités », Éducation et francophonie, n° 1, vol. 30 [en ligne]
→ Palluau N., 2013, La fabrique des pédagogues, Rennes, PUR [en ligne]
Notes
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[1]
Voir article dans ce numéro, p. 14.
-
[2]
Voir article dans ce numéro, p. 52.
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[3]
Voir article dans ce numéro, p. 27.
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[4]
Voir article dans ce numéro, p. 70.
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[5]
Voir les travaux sur le leadership dans les groupes restreints de Kurt Lewin et de René Kaes. Lewin tient une place singulière dans l’animation puisqu’il travailla sur la question du leadership démocratique à partir d’un « summer home camp » au début des années 1940 : Bavelas A., Lewin K., 1942, « Training in democratic leadership », The Journal of Abnormal and Social Psychology, n° 1, vol. 37, p. 115-119.
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[6]
Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur•trice (BAFA).
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[7]
Brevet d’aptitude aux fonctions de direction (BAFD).
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[8]
Dans Enfants libres d’Evolène (1974, Lausanne, Éditions Rougemont), un collectif hétéroclite porté par des théories fumeuses raconte l’expérience de colonies de vacances qu’il a mis en place en 1973 à Evolène en Suisse.
Ce livre raconte une expérience pédagogique de non-intervention de l’adulte qui se terminera par la fermeture anticipée du séjour et le rapatriement des enfants.