1La Société anonyme des bauxites et alumines de Provence (Sabap) a été fondée en 1915, pour assurer la production de la bauxite à Combecave dans le Var. En 1916, la Sabap s’est établie aussi à Rousset pour y produire de l’alumine. La Sabap comptait exporter de la bauxite et des alumines en Norvège, à partir du port de Toulon. En Norvège, la compagnie norvégienne d’aluminium, Naco (Norwegian Aluminium Company), actionnaire majoritaire de la Sabap, avait établi à Høyanger une usine d’aluminium qui serait approvisionnée par la Sabap.
2La Sabap fut un fiasco. En 1921, date à laquelle elle fut fermée, elle n’avait pu fournir que quelques centaines de tonnes à la Naco. Non seulement la Sabap n’était pas satisfaisante du point de vue technologique, de surcroît la Naco s’est sentie discriminée par l’industrie et les autorités françaises. Les investisseurs norvégiens et français ont alors envisagé de transformer la Sabap en une société majoritairement française. Ce projet ne put aboutir car, en raison de la conjoncture économique et financière, le capital nécessaire ne put être réuni. Les investisseurs français se sont dès lors désengagés et la Naco a dû fermer l’usine à Rousset. Les mines ont aussi été mises en attente, car la bauxite ne convenait pas au procédé Pedersen, qui était au cœur de la technologie d’alumines de la Naco. La solution fut alors l’achat par Alcoa, puis Alcan, de 50 % des actions de Naco en 1923, devenant en même temps le principal fournisseur de Naco en bauxite. à partir des années 1930, la bauxite provenait de Delphie Bauxite, la société grecque d’Alcan.
3Le destin de la Sabap illustre bien un problème fondamental au centre de la stratégie norvégienne de modernisation de son industrie, basée sur une énergie hydraulique à bon marché pour le développement de l’industrie électrométallurgique. Puisque l’on y privilégiait la production d’aluminium, le manque de bauxite devenait un problème majeur. Les industries norvégiennes étaient dépendantes des acteurs étrangers, qui en devenaient soit propriétaires, soit fournisseurs de bauxite et alumine. Hydro Aluminium fut bien la première société qui put assurer le contrôle de l’importation de matières premières grâce à l’achat de compagnies étrangères.
4Qu’advint-il donc à la Sabap ? Ce qui ne put être vendu par la Naco fut rapatrié à Høyanger. Les mines de bauxites ont étés louées à la Société des bauxites du Midi, dont Alcan était propriétaire. En 1940, Naco voulut reprendre la production de bauxite, dans le contexte de l’occupation allemande de la France. En 1943, l’administration allemande de l’occupation cherchait à reprendre l’initiative, mais le débarquement allié en Provence de juin 1944, a coupé court à un quelconque projet. Le directeur de Bauxites du Midi, André Henry-Coüannier, s’opposa à l’initiative norvégienne de 1940 et à l’initiative allemande de 1943. Naco se montra elle-même réticente à cette dernière.
5Après la guerre, Alcan faillit perdre la concession de Delphie Bauxite. Dans le cadre de son ambition d’investir dans l’Afrique française, Alcan chercha à acquérir une société en France possédant des concessions minières en Afrique. Alcan prit ainsi l’initiative d’un échange avec Naco. AIAG prendrait le contrôle de Delphie Bauxite en Grèce ; en contrepartie, Naco obtenait un contrat favorable à long terme avec AIAG pour la fourniture de bauxite. Cette solution ne sera jamais réalisée, même si les pourparlers se sont prolongés jusqu’en 1953. Alcan a fini donc par racheter à Naco la Sabap en 1954. En 1995, la Sabap a perdu ses concessions minières.