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Article de revue

6. Écodéveloppement et socio-économie écologique : congruences et complémentarités

Pages 153 à 190

Notes

  • [1]
    Les auteurs saluent le travail exigeant et bienveillant réalisé par les rapporteurs qui a permis à ce texte d’évoluer considérablement.
  • [2]
    Founex (1971) en préparation de la conférence.
  • [3]
    Figuière C. (2019) Ecodéveloppement : le développement durable autrement, The Conversation, en ligne.
  • [4]
    Inge Røpke a d’ailleurs reçu le Boulding Award de l’ISEE (International Society of Ecological Economics) en 2018 pour ses travaux sur l’HPEE.
  • [5]
    Les propositions des économistes (en général et donc également dans les modalités de prise en compte de l’environnement) s’organisent autour de deux pôles : l’économie standard et l’économie politique hétérodoxe (ou institutionnaliste). La littérature révèle que, plus ou moins explicitement, cette dichotomie se décline en matière de conception de la durabilité : faible pour les premiers, forte pour les seconds. Les trois principaux axes de clivage sont les suivants : substituabilité entre capital/patrimoine naturel et capital créé par les hommes, commensurabilité des valeurs et monétarisation, confiance dans les capacités auto-régulatrices du marché (Figuière et al. 2018).
  • [6]
    L’immense bibliographie de Sachs est disponible en deux pdf sur le site du Centre de recherche sur le Brésil colonial et contemporain de l’Ehess. http://crbc.ehess.fr/index.php?1357
  • [7]
    Le terme « lois naturelles » renvoie ici à l’idée que l’économie dépend de phénomènes biophysiques qui lui sont extérieurs et la conditionnent. Il n’y a donc pas de loi économique autonome vis-à-vis de l’environnement naturel. Le positionnement épistémologique est donc très différent de celui qui préside à l’avènement de la révolution marginaliste.
  • [8]
    Pour une version publiée, voir The Declaration of Cocoyoc (1975) World Development, vol. 3, no 2, p. 141-148.
  • [9]
    Le rapport du séminaire de Founex est publié dans : UNEP (1981) In defence of the earth. The basic texts on environment: Founex – Stockholm – Cocoyoc. Executive Series 1, Nairobi. p. 1-38
  • [10]
    Communication orale lors du workshop Economics and the Environment since the 1950s. Verbatim original : « The institutionalised power of mainstream economic therory is playing a central role in delimiting the field of environmental research ».
  • [11]
    Si un positionnement en durabilité forte constitue une ligne de partage fondatrice de l’EE vis-à-vis de l’économie standard (Froger et alii, 2016), cette posture s’étiole dès lors que le recours aux méthodes de celle-ci conduit notamment à réduire l’ensemble des valeurs pouvant être attribuées à la nature à un unique étalon monétaire.
  • [12]
    Sachs est l’auteur en 1976 de la préface de l’édition française de l’ouvrage de Kapp The Social Costs of Private Enterprise, dont la première édition (Harvard University Press) fut publiée en 1950.
  • [13]
    La version originale en anglais de ce texte fut publiée par Sachs en 1971.
  • [14]
    Si son ouvrage de 1977, qui rassemble différents textes rédigés entre 1964 et 1971, s’intitule Pour une économie politique du développement, le contenu intègre systématiquement la question environnementale.
  • [15]
    La revue Développement durable et territoires a publié en avril 2019 un excellent dossier « Regards disciplinaires et perspectives critiques sur la durabilité forte en SHS », dont est extrait l’entretien avec Valérie Boisvert.
  • [16]
    Sachs introduit d’ailleurs sont ouvrage critique du développement (1977, p. 10) en insistant sur la pluralité des développements. Il convient de parler des développements « car la diversité des contextes écologiques, historiques, culturels et socio-politiques doit se traduire par une pluralité des stratégies ».
  • [17]
    Martínez-Alier et Sachs ont tous deux reçu le Boulding Award en 2010.
  • [18]
    On peut souligner ici la persistance d’un certain nombre d’angles morts. Il conviendrait par exemple d’intégrer la question des modalités de financement des activités en tant qu’objet d’analyse, le système financier constituant l’un des grands impensés de l’EE et de la SEE comme le soulignent utilement Douai et Plumecocq (2017, p. 103) : « Très peu de travaux en EE proposent des analyses globales des manières dont le financement de l’économie, le phénomène de bancarisation, le système assurantiel ou le fonctionnement du marché financier verrouillent l’économie globale dans des schémas qui maintiennent la pression sur les écosystèmes naturels ».
  • [19]
    Bien que cet article soit antérieur aux publications de Max-Neef dans lesquelles il expose la matrice des besoins et la distinction entre différentes catégories de « satisfacteurs » de ces besoins, on trouve ici déjà l’idée d’une approche systémique des moyens de statisfaction, impliquant de veiller à ce que la modalité choisie de satisfaction d’un besoin soit adaptée et ne compromette ni sa propore reproductibilité ni la reproductibilité des modalités de satisfaction d’autres besoins.

Introduction [1]

1La prise en compte progressive de la question environnementale s’institutionnalise à partir de la conférence de Stockholm en 1972 (United Nations Conference on the Human Environment) et la création du PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) qui en découle en 1973. Sous l’égide de Maurice Strong (Secrétaire-général de la Conférence de Stockholm puis premier Directeur exécutif (1973-1975) du PNUE), de Marx Nerfin (chef de cabinet de Strong pour la Conférence) et d’Ignacy Sachs (Conseiller spécial de Strong), ce processus s’organise autour de la mise en relation des problématiques du développement [2] et de la montée de la conscientisation des problèmes environnementaux. Il aboutira à Rio, deux décennies plus tard, à l’institutionnalisation d’une version du développement durable (DD) fondée sur une lecture néo-libérale du rapport Brundtland comme cadre très consensuel pour l’orientation générale des politiques environnementales [3].

2Au cours de cette période, et avant son éviction au profit du DD, le projet d’écodéveloppement (ED), porté principalement par I. Sachs, a constitué une tentative plus radicale pour penser ensemble l’humain, l’économie et les réalités biophysiques. Comme le montre la littérature sur l’histoire de la pensée en économie écologique qui permet de situer sa genèse au cours des décennies 1960 et 1970 (Røpke, 2004 ; 2005) [4], l’économie écologique moderne (EE) va également se structurer en faisant apparaître des tensions, voire des antagonismes forts entre les projets et les différentes représentations du monde et de l’économie (Passet, 2010) qui progressivement se réclament de ce champ. L’EE va ainsi connaître elle aussi une partition de ses projets, notamment avec la création de la Société européenne pour une économie écologique en 1996, quatre ans après le Sommet de Rio. Cette dernière va développer des propositions plus radicales, qualifiées désormais de socio-économie écologique (SEE).

3L’objectif de ce papier est de montrer que le projet d’écodéveloppement [Sachs, 1980 ; 1993] explicitement ancré en économie politique du développement (Sachs, 1971 ; 1977 ; Leff, 1975 ; 1976) constitue une proposition normative, anthropocentrée, en durabilité forte [5], complémentaire des propositions de la socio-économie-écologique (Spash, 2012b; 2013 ; Petit, 2018). La combinaison de ces deux projets permet alors d’envisager un appareillage complet constitutif d’une socio-économie écologique du développement.

4Après un bref retour sur les deux projets, le deuxième point souligne le parallélisme de leurs trajectoires historiques, puis le troisième explicite leur positionnement commun en économie politique. Cette double congruence autorise enfin une réflexion sur leur complémentarité dans le champ du développement et une proposition de combinaison pour une SEE du développement.

1. Écodéveloppement et socio-économie écologique : brefs rappels

1.1. Du développement à l’écodéveloppement

5C’est à la suite du premier Sommet de la Terre que l’écodéveloppement voit le jour. Il est d’emblée conçu comme un projet heuristique permettant d’intégrer la dimension environnementale et le temps long des grands cycles écologiques à un projet de développement visant l’équité sociale, d’abord entre pays du Nord et pays du Sud, puis à l’intérieur de chaque pays qu’il soit du Sud (sous-développement) ou du Nord (mal-développement ou surdéveloppement). Dans son article séminal de 1974, Sachs propose une première définition en huit points, reprise dans son ouvrage de 1993 (réédité en 1997), autour de cinq dimensions déclinées sur le thème de la durabilité : sociale, économique, écologique, spatiale, puis une dernière dimension qui fusionne « la durabilité et la culture ». Toutes les définitions formulées par Sachs sont compatibles. Celle de 1994, apparaît comme la plus représentative. Elle s’organise autour de 5 dimensions hiérarchisées et fonctionnalisées qui constituent les fondamentaux du projet (Sachs, 1994, p. 54) :

6

1. « La première est la plus importante : elle combine la pertinence sociale et l’équité des solutions proposées puisque la finalité du développement est toujours éthique et sociale. »
2. « La seconde concerne la prudence écologique : […] la survie de l’espèce humaine est en jeu et, par conséquent, il n’est plus possible d’externaliser les effets environnementaux de nos actions sans s’en préoccuper aucunement. »
3. « La troisième dimension vise l’efficacité économique qui n’est qu’instrumentale. […] Il s’agit de mieux situer l’économie et de mesurer son efficacité à l’aune des critères macrosociaux et non simplement de rentabilité microéconomique. »
4. « Une quatrième dimension est d’ordre culturel. Les solutions proposées doivent être culturellement acceptables, ce qui renvoie à l’un des problèmes les plus difficiles pour le “développeur” : celui de proposer le changement dans la continuité culturelle en évitant d’imposer des modèles exogènes mais, en même temps, en refusant de s’enfermer dans le traditionalisme immobile. »
5. « Finalement, il y a la dimension de territorialité, la nécessité de rechercher de nouveaux équilibres spatiaux, les mêmes activités humaines ayant des impacts écologiques et sociaux différents selon leur localisation. La planification socio-économique et l’aménagement du territoire doivent être pensés conjointement. »

Figure 1

Représentation schématique de l’écodéveloppement à partir de Sachs (1994)

Figure 1 : Représentation schématique de l’écodéveloppement à partir de Sachs (1994)

Représentation schématique de l’écodéveloppement à partir de Sachs (1994)

Source : les auteurs

7En 2002, dix ans après le Sommet de Rio qui entérine la bascule néo-libérale en matière de prise en compte de l’environnement (cf. infra), Sachs proposera une reformulation nettement plus radicale de l’ED, explicitement en opposition avec les approches standards, qui met davantage en lumière les proximités avec la SEE.

1.2. De l’économie écologique à la socio-économie écologique

8Le projet d’ED émerge dans une période où les contributions à la critique socio-environnementale foisonnent et constituent finalement un ensemble de travaux précurseurs du champ de l’EE. Les décennies 1960 et 1970 voient l’affirmation progressive et concrète de contradictions entre progrès et croissance, d’une part et maintien de bonnes conditions de vie sur terre, d’autre part. Ce contexte est favorable à une réflexion critique sur le mode de développement des pays industrialisés (Kapp, 1950 ; Georgesçu-Roegen, 1971 ; Sachs, 1971 ; 1974 ; Illich, 1973 ; Schumacher, 1973) ainsi que sur le bien-fondé d’une science économique prescriptive et autonome, tant vis-à-vis des autres sciences sociales que vis-à-vis des sciences biophysiques. Les prémisses de la structuration du champ de recherche de l’EE deviennent donc visibles principalement à partir des années 1970 (Røpke, 2004 ; 2005) bien que les fondations soient plus anciennes (Franco, 2018). Il s’agit en premier lieu d’un champ par essence interdisciplinaire, au sein duquel s’organise d’abord le dialogue entre économistes et écologues. Ce croisement disciplinaire initialement restreint, s’élargit ensuite rapidement en situant et appréhendant l’économie au sein des sciences sociales et l’écologie au sein des sciences de la nature (Froger et al., 2016). Cette interdisciplinarité vise à construire des représentations et des analyses plus satisfaisantes de la relation société-nature. L’objectif central de la recherche se situe donc dans l’articulation des dimensions socio-économiques et biophysiques des activités humaines de production et de distribution/répartition. Fondée sur l’idée partagée de reconnecter l’analyse socio-économique avec les limites intrinsèques de la biosphère (Spash, 2017), l’EE ne se construit néanmoins pas sur des fondations ontologiques, épistémologiques et méthodologiques afin d’organiser dans un cadre cohérent le foisonnement des travaux et des expériences interdisciplinaires se réclamant du champ. L’EE apparaît donc dans un second temps comme un espace de disputes, de tensions et in fine de structuration de différents courants de pensées. C’est Spash (2012b ; 2013) qui rend compte de la façon à la fois la plus tranchée mais également la plus claire du résultat du processus de ramification de l’EE (Petit, 2018) en cours depuis la fondation de l’ISEE (International Society for Ecological Economics) en 1988 et la création de la revue Ecological Economics en 1989.

9Trois courants de l’EE peuvent désormais être distingués :

10Les nouveaux économistes des ressources (Turner et al. 1997 ; van den Bergh 2010) se contentent d’adapter les modèles de l’économie standard pour y intégrer un certain nombre de critiques visant par exemple l’hypothèse de parfaite substituabilité des formes de capitaux (naturel, produit par l’homme) ou la reconnaissance de seuil d’irréversibilité.

11Les nouveaux pragmatistes de l’environnement (Costanza et al. 1997 ; Daily 1997) privilégient quant à eux un objectif normatif et politique à la construction d’une théorie et d’une idéologie hétérodoxe radicale, cohérente, et opposable à l’édifice standard. Pour que le message environnementaliste soit audible dans un contexte institutionnel donné, celui du capitalisme néolibéral, ces nouveaux pragmatistes s’accommodent en particulier de l’évaluation monétaire de la nature et des « services » rendus par cette dernière.

12Les socio-économistes écologiques s’attachent pour leur part à ce qu’ils considèrent comme le projet originel de l’EE en construisant une alternative radicale à l’approche standard :

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They recognise the importance of political economy, social ecology and the role of institutions for understanding the economic system and its interactions with Nature. They practice serious interdisciplinary knowledge integration across social and natural sciences. They realise the need for a radical social ecological transformation based on their (natural and social) scientific knowledge.
(Spash, 2017, p. 3)

14La suite de cet article va mettre en regard les trajectoires, les démarches et les complémentarités des projets d’ED et de SEE. Mais ce travail de rapprochement nécessite préalablement de prendre (au moins) deux précautions :

15

La première porte sur les temporalités : les travaux sur l’ED débutent dans l’immédiat après Stockholm, alors que, l’EE ne s’affirme en tant que telle qu’au cours de la seconde moitié de la décennie suivante.
(cf. frise infra)

16

La seconde concerne les porteurs, et par suite la nature des projets : l’ED a été pensé principalement par I. Sachs [6], même s’il n’est pas le seul à y avoir contribué au cours des premières années. Par suite, il s’apparente à un concept. La SEE, considérée désormais comme un courant reconnu de l’EE, est par contre animée par un grand nombre de chercheurs, bien que Spash fasse figure d’auteur emblématique de l’effort visant à stabiliser un certain nombre de repères communs.

17Une fois ces précautions énoncées, ils n’en reste pas moins que les congruences entre les deux projets méritent d’être analysées, à commencer par le parallélisme de leurs trajectoires historiques respectives.

2. Écodéveloppement versus Économie Écologique : parallélisme des trajectoires historiques

18Les paragraphes ci-dessous visent à souligner le parallélisme des processus de construction des deux projets qui se développent au gré des mêmes impulsions sans jamais se croiser. Si l’on considère la proposition de Sachs comme fondatrice en matière de durabilité du développement, alors on peut dire que ce dernier a vu le jour sous des auspices critiques radicales, tout comme les premiers travaux opérant le rapprochement entre économie et écologie. Après une première période d’effervescence en matière d’intégration de la préoccupation environnementale, marquée par la remise en cause des fondements standards de l’analyse économique, des tensions se manifestent dès le milieu des années 1980. Dès lors, les approches standards vont réaffirmer leur emprise sur la problématique.

2.1. Effervescence autour de la préoccupation environnementale

19S’intéressant au contexte ayant conduit à la structuration de l’EE, Røpke (2004) fait référence à la double conditionnalité, cognitive et sociale de l’émergence d’un champ (Lemaine et al., 1976). Au tournant du xixe et du xxe siècle, les approches biophysiques des systèmes sociaux établissent les représentations qui constituent la base de l’EE (Martínez-Alier, 1987 ; Franco, 2018) : les processus socio-économiques sont sujets à des lois naturelles [7] – principalement les lois de la thermodynamique – et la compréhension des processus de satisfaction des besoins sociaux ne peut être atteinte que par une approche biophysique des structures socio-économiques. Ce sont là les premiers éléments d’une genèse cognitive, qui apparaissent dans le milieu scientifique et qui permettent d’entrevoir l’émergence du champ qui ne se concrétisera que quatre décennies plus tard.

20La figure 2 ci-dessous synthétise les événements marquants de la période qui s’ouvre avec les années 1950 à la fois dans le monde académique et dans les institutions internationales.

21À partir des années 1950, ce sont donc les conditions sociales de la formation du champ qui se révèlent peu à peu à l’aune de la montée d’un ensemble de préoccupations nouvelles liées aux limites intrinsèques de la biosphère, dans un contexte d’affirmation des positions des pays du tiers monde (UNEP/UNCTAD, 1974 ; Røpke, 2004) [8] : la prise de conscience des problèmes environnementaux par un large public ; l’accroissement de la population mondiale ; la question alimentaire et plus largement l’accès aux ressources, notamment énergétiques.

22Les conditions de soutenabilité environnementale de la croissance et du développement deviennent dès lors un objet de débat public et commencent à être interrogées par les mouvements sociaux (Zaccai et Orban, 2017), par des institutions nationales (en France, un ministère de l’environnement et de la protection de la nature est créé en 1971) et internationales (Luria et al., 1971 ; Kiss et Sicault, 1972 ; Meadows et al., 1972), ainsi que par le monde académique.

Figure 2

Écodéveloppement et socio-économie écologique : parallélisme des trajectoires

Figure 2. Écodéveloppement et socio-économie écologique : parallélisme des trajectoires

Écodéveloppement et socio-économie écologique : parallélisme des trajectoires

Source : auteurs

23Les approches biophysiques des formes d’organisation sociale sont réactualisées et enrichies, notamment par la diffusion des approches systémiques en écologie (Odum, 1953) puis par une série de travaux qui contribuent à affiner l’appréhension des interactions biophysiques entre activités économiques, sociétés et nature (Daly, 1968 ; Kneese et al., 1970 ; Georgesçu-Roegen, 1971).

24Dès 1972, le projet d’ED est fondé sur les mêmes bases cognitives et sociales. Kapp, promoteur de l’éco-socio-économie, que Sachs rencontre à Tokyo, en 1970, a une influence décisive sur l’orientation que prendront les travaux sur l’ED :

25

Comment réintégrer dans le champ du socio-économiste le substrat physique des processus sociaux, les flux de l’énergie et de la matière, alors que Marx et Durkheim nous invitaient à s’en abstraire ?
(Sachs, 2007, p. 251)

26Sachs soumet la question du développement aux limites intrinsèques de la biosphère, érigeant les cycles écologiques comme fondements d’un « paradigme de planification » (Sachs, 1980, p. 35), et intègre à ses raisonnements opérationnels une approche systémique des relations société-nature.

27Un an après l’exposition universelle de Tokyo, Sachs participe au séminaire de Founex [9] en Suisse pour préparer la première conférence des Nations Unies sur l’environnement qui se tiendra à Stockholm en 1972. Les désaccords entre participants vont être parfois profonds mais il écrira quelques quarante ans plus tard :

28

En regardant en arrière, je dirais que, pratiquement, nous sommes sortis de Founex avec les idées claires sur l’articulation du social, de l’environnemental et de l’économique. Les objectifs du développement sont toujours sociaux, il existe une conditionnalité environnementale qu’il faut respecter et enfin, pour que les choses se fassent, il faut que les solutions envisagées soient économiquement viables. Cette position a été reprise à Stockholm en 1972.
(Sachs, 2007, p. 252)

29Entre 1971 et 1973, la communauté scientifique a vu paraître successivement les ouvrages de Georgescu-Roegen, Daly, Schumacher ainsi que le rapport Meadows. En 1974, dans la série Économies, Sociétés, Civilisations des Annales, I. Sachs publie son premier texte sur l’éco-développement (le tiret disparaîtra ultérieurement) intitulé Environnement et styles de développement, considéré comme fondateur par Sachs lui-même (Sachs, 1994).

30Cette temporalité révèle la genèse commune du projet d’ED et de l’EE. Cette concomitance associée à la proximité des enjeux structurant les deux « projets », à l’interface entre démarche scientifique et positionnement politique, explique également une forme de « communauté de destin » vis-à-vis des tensions qui vont jalonner leur cheminement.

2.2. Rupture et résilience : la mise en tension des alternatives face au néo-libéralisme

31Après le choc de la prise en compte de la dimension environnementale et l’effervescence critique qui a suivi, la réalité des rapports de force et des intérêts à l’échelle internationale ne va pas tarder à s’imposer. Dans le monde académique, l’économie standard se montre une fois de plus résiliente en réaffirmant son influence sur les modalités d’intégration des préoccupations environnementales (Leroy et Lauriol, 2011). La concrétisation de la rupture paradigmatique, tant dans le champ scientifique que dans celui des relations internationales, se voit alors empêchée.

32Les deux projets – EE et ED – se retrouvent effectivement confrontés au même moment à la même adversité : la résistance conjointe des intérêts dominants et du cadre de pensée structurant l’économie.

33Dès les années 1970, le processus d’intégration de la question des limites de la biosphère se joue dans le champ institutionnel de la gouvernance du développement et de l’environnement. Suite aux rendez-vous successifs de Founex et de Stockholm se tient en 1974, au Mexique, le sommet de Cocoyoc organisé sous l’égide de l’ONU et auquel participent Strong et Sachs. Les germes d’une polarisation entre les intérêts « tiers-mondistes » et ceux des États-Unis et de l’URSS (Weber, 1994) vont se révéler. La liste des participants au sommet de Cocoyoc laisse supposer un déséquilibre favorable aux pays du Sud qui se traduit effectivement par le vote d’une résolution peu compatible avec les intérêts du Nord :

34

Je pense que la résolution de Cocoyoc est le document le plus radical qui ait jamais été fait au sein des Nations Unies, puisqu’il parle de sous-développement et de sur-développement – nous sommes en 1974 – et énonce clairement un programme d’écodéveloppement.
(Sachs in Weber, 1994, p. 260)

35Le document traduit en effet une remise en cause frontale de « l’ordre international » en pointant directement la responsabilité des puissances coloniales dans l’incapacité de l’humanité à se mettre en conformité à la fois avec les « limites internes de la satisfaction des besoins humains fondamentaux » et avec les « limites externes de l’intégrité physique de la planète » :

36

Much of the world has not yet emerged from the particular historical consequences of almost five centuries of colonial control which concentrated economic power so overwhelmingly in the hands of small group of nations.
(UNEP/UNCTAD, 1974)

37Ces positions, évidemment inacceptables du point de vue des principaux tenants de cet « ordre mondial » seront très vite désapprouvées, en premier lieu par le chef de la diplomatie Nord-américaine. De fait, cette déclaration marque le début d’une forme de « contre-offensive » qui affirmera la volonté de la part des pays du Nord de reprendre le contrôle sur l’agenda et la sémantique de la gouvernance internationale pour le développement et l’environnement.

38Dans un article traitant de l’économie politique de la résolution de problèmes agri-environnementaux au Costa Rica, Carrière illustre la manière dont l’asymétrie des rapports de forces s’exprime également à l’intérieur des États en défaveur de l’ED :

39

The disparity in power and influence between the ecodevelopment and the capitalist accumulation alliances is such that the latter can ignore these demands without incurring significant political costs.
(Carrière, 1991, p. 26)

40La remise en question de la domination des pays du Nord étant une condition de la réalisation de l’ED dont la philosophie « s’applique de façon égale au pays du tiers-monde et aux pays opulents du Nord » (Raffestin, 1981 ; Glaeser, 1984) l’éviction du projet (Godard, 1998 ; Berr, 2009) est programmée avec la commande du rapport Brundtland à la CMED (Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement) dès 1983. Le basculement sémantique vers le développement soutenable ou durable dont le contenu normatif est beaucoup plus souple et consensuel se fera progressivement au cours des années 1980 (Hatem, 1990 ; Godard, 1994 ; Figuière, 2006)Figuière, 2006 ; Godard, 1994 ; Hatem, 1990 ; Söderbaum, 1992. Cette approche qui autorise la confusion entre développement et croissance durable, sera consacrée par le rapport Brundtland (CMED, 1987) dont la lecture libérale en durabilité faible sera entérinée à Rio en 1992 (Figuière et al., 2018), au détriment de l’ED, ce dont Sachs, pourtant présent à Rio, prendra conscience qu’avec un certain décalage.

41Cette période charnière qui voit l’affirmation du développement durable comme référentiel international est aussi celle de l’institutionnalisation du champ disciplinaire de l’EE. La mise en tension d’intérêts contradictoires autour des enjeux socio-écologiques se décline alors dans le champ académique. Tandis que le sort de l’ED est déjà scellé, la structuration d’une EE fidèle aux fondements hétérodoxes radicaux posés notamment par Kapp, est à son tour menacée. À mesure que l’EE s’établit comme un champ de recherche porteur – autant sur le plan de la carrière académique, qu’à l’interface avec la décision politique ou encore au regard des préoccupations et des contestations sociales – les défenseurs de l’orthodoxie en sciences économiques la préemptent peu à peu, lui donnant progressivement pour ambition l’extension du champ d’application des outils standards pour répondre aux enjeux de politique publique en terme de soutenabilité, plutôt que la formation d’un nouveau paradigme (Spash, 1999).

42Les tensions inhérentes à la structuration du corpus de l’EE, de ses prémices à son institutionnalisation à partir de la fin des années 1980, sont largement documentées (Spash, 1999 ; Røpke, 2004; 2005)Røpke, 2004, 2005 ; Spash, 1999. En mettant en regard ce processus d’institutionnalisation et le processus d’éviction de l’ED au profit du développement durable, on remarque une confrontation comparable à la résilience des approches standards.

43Les tensions se cristallisent autour de l’institutionnalisation scientifique des champs. Sachs, en fondant le Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement (CIRED) en 1973, avait posé les bases de la construction d’un projet scientifique ouvertement pluridisciplinaire permettant l’articulation des enjeux environnementaux et de développement. Bien qu’elle ait durant un temps été prolifique et qu’elle ait bénéficié de nombreux soutiens nationaux et internationaux, cette initiative « hors-cadre » amorcera rapidement un processus de « normalisation » scientifique et institutionnelle.

44

Apparait ainsi à la fin des années 1970 une volonté affichée de placer le CIRED au sein de l’économie de l’environnement et de l’énergie, champ en cours de constitution dans le monde académique français, au-delà de l’expertise développement et Tiers Monde pour laquelle l’équipe est la plus connue. […] Il y a là un intérêt scientifique manifeste de certains membres de l’équipe […] Mais l’enjeu est aussi disciplinaire, pour renforcer la légitimité du CIRED comme centre de recherche économique.
(Cassen et Missemer, 2020, p. 44)

45Le même type de tensions relative à la manifestation concrète du « pouvoir institutionnalisé de la théorie économique standard » (Spash, 2019) [10] interfère avec le processus d’institutionnalisation du champ de l’EE. Dès 1991, l’ouvrage édité par Costanza à l’issue de la première conférence de l’ISEE fraîchement créée, positionne d’emblée l’EE à l’interface entre science et politique (au sens de politique publique) en matière de durabilité (Costanza, 1991). Dès lors, les acceptions hétérogènes [11] de la durabilité (Godard, 1994) peuvent coexister au sein de l’EE envisagée comme « une sorte de forum » (Douai et Vivien, 2009, p. 136). Cette posture est autorisée par l’idée d’un rapprochement entre les cadres méthodologiques restreints de certains économistes standards et de certains écologues (Spash, 1999), il s’agit alors d’étendre « les zones de chevauchement » (Costanza, 1989, p. 1). Ainsi certains débats théoriques qui exigeraient a minima de réexaminer ces rapprochements sont relégués au second plan. Cette stratégie d’évitement est rendue possible par le recours à une forme de pluralisme méthodologique (Norgaard, 1989) effective en termes d’ouverture et de productions scientifiques. La relative ignorance des différents courants théoriques en économie de la part des écologues qui ont joué un rôle clé dans la constitution de l’ISEE et la création du journal (Spash, 2011) ont semble-t-il également favorisé à ce moment-là, une acceptation « naïve » de la « néolibéralisation de l’environnementalisme » (Spash, 2017, p. 4). Facilitant le travail interdisciplinaire entre économistes standards et écologues, le formalisme mathématique apparaît alors comme l’étalon d’une rigueur scientifique faisant abstraction de certaines contradictions ou incohérences en amont des aspects méthodologiques (Baumgärtner et al., 2008 ; Spash, 2012a). Il devient alors plus difficile à des approches hétérodoxes d’exister dans un flot important de contributions standards au journal Ecological Economics. Cet afflux résultant largement de l’injonction de publication (Røpke, 2005), renforce la domination des discours méthodologiques associés (Anderson et M’Gonigle, 2012 ; Plumecocq, 2014).

46

The ISEE’s journal, originally controlled by Costanza, had mainstream economists placed on its board and increasingly published much falling well within neoclassical thought, including the mechanistic equilibrium models and preference utilitarianism that so constrained the earlier endeavours of the more heterodox environmental economists.
(Spash, 2011, p. 352)

47Alors que l’EE avait émergé d’une remise en cause profonde du mode de développement dominant et des constructions cloisonnées des champs disciplinaires de l’écologie et l’économie à l’aune des « nouvelles » urgences socio-environnementales, son processus d’institutionnalisation se traduit par une relative mise à l’écart des approches les plus radicales, afin notamment de demeurer un interlocuteur « audible » au sein des institutions avec un potentiel d’influence sur la prise de décision. Cette forme de « pragmatisme » (Spash, 2009) qui « invisibilise » par diversion des démarches plus ambitieuses de renouveau paradigmatique, semble finalement produire le même type « d’éviction » qu’a pu générer au sein des instances internationales pour le développement et l’environnement (PNUE et PNUD), la commande du rapport Brundtland.

48C’est néanmoins cette dynamique qui conduit à la structuration d’un contre-mouvement dès le milieu des années 1990. Un groupe d’économistes écologiques, principalement européens, se fédère autour de la construction d’une cohérence ontologique et épistémologique (Petit, 2018) qui s’affirme plus clairement comme une alternative à l’économie de l’environnement et des ressources naturelles. Une nouvelle période s’ouvre donc et voit l’affirmation d’une approche hétérodoxe en EE, la socio-économie écologique (Douai et Plumecocq, 2017). C’est bien de ce courant-là que l’ED peut être rapproché.

3. Écodéveloppement : un positionnement radical proche de la socio-économie écologique

49Si Sachs manifeste à plusieurs reprises un rejet explicite de l’EE (Sachs, 1999), ce sont en fait des travaux les plus répandus, relevant de l’économie standard, dont il souhaite se démarquer. La différenciation préalablement établie des courants en EE va nous permettre de rapprocher l’ED d’un courant de l’EE en particulier : la socio-économie écologique. Sachs ouvre la voie malgré lui à ce rapprochement en se qualifiant lui-même d’ « éco-socio-économiste » sur la base des travaux de Kapp [12] dans la construction de son projet (Sachs, 2007 ; 2012).

50

Comme son nom l’indique, l’éco-socio-économie entend faire converger l’écologie et la socio-économie. Ce concept est dû à un économiste suisse d’origine allemande, William Kapp, un pionnier dans la réflexion sur les coûts sociaux et écologiques de la croissance économique. Avec l’éco-socio-économie, il s’agit d’aller bien au-delà du projet de l’économie écologique, qui tente d’intégrer les préoccupations environnementales dans l’économie néoclassique.
(Sachs, 1999, p. 15)

51Cette réticence explicite face à l’EE apparaît in fine comme la réponse de Sachs à une démarche, effectivement dominante, qui consiste à maintenir les fondements analytiques de l’économie standard tout en reconnaissant l’existence de limites intrinsèques à la biosphère. Dès lors, la tâche des économistes écologiques consisterait à internaliser les externalités environnementales (van den Bergh, 2010) ou au mieux, à esquisser une remise en cause partielle d’une posture en durabilité faible en tentant l’intégration de dimensions liées à l’incertitude ou à l’irréversibilité au sein de l’appareillage théorique et méthodologique standard par ailleurs inchangé (Froger et Plumecocq, 2018).

52Nous allons montrer par la suite que l’ED et la SEE, elle aussi fondée sur l’impulsion critique et pluraliste de Kapp (Spash, 2012b), se rejoignent à la fois par leur inscription en économie politique hétérodoxe et en durabilité forte.

3.1. Un socle en économie politique hétérodoxe

53La possibilité d’un rapprochement entre les processus de construction du projet d’ED et le courant de la SEE ne se limite pas au parallélisme de leurs trajectoires. Une convergence bien nette apparaît en effet autour d’un positionnement en économie politique hétérodoxe (EPH).

54En 1996, l’appel est lancé au sein de la Société Internationale pour une Économie Écologique (ISEE) en vue d’affirmer une approche en socio-économie écologique :

55

A new movement is growing within – and beyond – the field of ecological economics. This claims that economics must be more than ecological. It must be socio-ecological. That is, not only must the biophysical bases of economic activity be understood, but so must the sociological and political.
(Jacobs, 1996, p. 14)

56Suite à cet appel, la Société Européenne pour une Économie Écologique (ESEE) est créée la même année. Explicitement hétérodoxe, elle ouvre la voie à une lignée de travaux clairement inscrits en économie politique (O’Connor, 1994 ; O’Connor et al., 1996 ; Cameron, 1997 ; Froger, 1997 ; Martínez-Alier, 1997 ; Martínez-Alier et al., 1998 ; Spash, 1999).

57De son côté Sachs s’inscrit en économie politique dès ses premiers travaux. « Je dois à Kalecki d’avoir compris que l’économie ne peut être que politique » (Sachs dans Weber, 1994, p. 259). Il sera rejoint par Jacques Généreux:

58

L’économie est de nature politique. La rareté, que la plupart d’entre nous considèrent comme le phénomène fondateur du problème économique, se trouve être aussi fondateur du problème politique. La rareté pose à la fois la question de l’usage efficace des ressources et celui de leur répartition ; elle soulève donc à la fois la question de l’efficacité et celle de la justice. Nier cette interdépendance radicale du politique et de l’économique […] est une foutaise.
(2001, p. 19)

59Sachs souligne ailleurs qu’il « est possible d’élaborer une économie politique de l’environnement, distincte de l’économie de l’environnement, à condition d’admettre qu’une révision profonde de grosses tranches de la théorie s’impose » (Sachs, 1977) [13]. Afin de mesurer l’ampleur de la révision en question, il convient de repréciser brièvement quelques fondamentaux d’une démarche en EPH (à partir de Figuière et al., 2018) : 1/ le holisme comme fondement méthodologique, 2/ une démarche hypothético-déductive élargie, 3/ une approche compréhensive et normative, 4/ l’intégration de l’analyse du pouvoir et de ses asymétries dont découle une confiance mesurée dans la capacité du marché à s’autoréguler, 5/ une démarche contextualisée et située, 6/ une approche disciplinaire ouverte.

60La figure 3 montre en quoi les propositions qui structurent l’ED s’insèrent dans ces fondamentaux.

Figure 3

Écodéveloppement : un projet en économie politique hétérodoxe

Figure 3 : Écodéveloppement : un projet en économie politique hétérodoxe

Écodéveloppement : un projet en économie politique hétérodoxe

Source : les auteurs

61L’inspiration de Kapp, qui s’avère in fine commune à l’ED et à la SEE positionne d’emblée cette dernière dans une approche critique des institutions du capitalisme considérant les intérêts contradictoires et donc potentiellement conflictuels pour la résolution des problèmes socio-environnementaux :

62

Au lieu d’ignorer ou de dissimuler la possibilité de conflits entre les valeurs individuelles et sociales derrière un concept purement formel de bien-être général, conçu comme la somme des utilités de tous les individus, ou de se référer aux vagues notions de « volonté du peuple » ou de « gouvernement par et pour le peuple », il est plus réaliste de reconnaître la réalité des conflits et de les accepter.
(Kapp, 1976, p. 334)

63Rejetant le postulat de la possibilité d’une harmonisation (quasi) automatique des intérêts par le marché qui conduirait à un usage approprié des ressources (O’Connor, 1994), les socio-économistes écologiques mettent en perspective les points de tension entre croissance économique, distribution des richesses et justice environnementale, ainsi que les conflits potentiels qui en découlent au sein d’une économie capitaliste (Martínez-Alier, 2002). La question de la valorisation de la nature dans une perspective éthique (Jenkins, 1998 ; Spash, 2000) et socio-historique (Douai, 2009) acquiert une importance centrale. Elle est directement mise en lien avec une reconnaissance du rôle des institutions (Froger, 1997) et de l’existence de formes construites – procédurales – de rationalité qui conditionnent les rapports à la nature (O’Connor et al., 1996). À l’opposé d’une démarche monolithique de marchandisation de la nature appréhendée seulement comme un ensemble de ressources, extérieure au cadre d’analyse (Froger et al., 2016), les auteurs structurants de ce courant envisagent la coévolution des structures sociales et des relations société-nature (Gowdy, 1994). Autrement dit, la configuration des rapports entre humains et la configuration des rapports humains-nature sont intimement liées (Douai et Vivien, 2009). Ces points de départ installent la SEE dans une posture en tout point congruente avec celle de l’économie politique mobilisée par Sachs.

64Ce dernier ne s’intéresse que peu à la question de la valorisation de la nature dans une perspective d’aide à la décision répondant à une demande institutionnelle dans les pays du Nord (Faucheux et Froger, 1995 ; O’Neill et Spash, 2000). Il apparaît également distant vis-à-vis de la question liée de la justice environnementale chère à Martínez-Alier qui, comme lui, se préoccupe en premier lieu de réduction des inégalités, notamment en Amérique latine (Martínez-Alier, 1991). Si c’est bien la remise en cause des relations Nord-Sud qui conditionne la faisabilité d’un ED (Sachs, 1980), elle ne constitue pas pour autant l’objet du projet. L’ambition n’est pas de mettre en lumière le caractère socio-écologique des inégalités et des conflits de distribution, ni même de poser les conditions théoriques et pratiques de leur dépassement (Martínez-Alier, 2012). Si Sachs évoque régulièrement ces conditions, le cœur de son propos consiste en premier lieu à proposer des outils heuristiques et des principes opérationnels pour aménager des espaces concrets d’émancipation pour les zones rurales et urbaines pauvres des Suds. On ne retrouvera donc pas dans ses travaux de réflexions théoriques et approfondies, de références explicites à l’incommensurabilité des valeurs, ou bien à des formes de rationalité procédurale par exemple. En revanche, la prise en compte de l’incommensurabilité des valeurs, qui va de pair avec l’appui sur une démarche compréhensive et contextualisée, constitue un présupposé implicite à la démarche de Sachs.

65Les positionnements en EPH des deux projets marquent une volonté explicite de rupture radicale par rapport à l’économie standard.

66

Economics as a discipline has become a narrow prescriptive field which defines itself by its methodology rather than its content or object of study, namely the social economic system. To be an economist today means being able to abstract from reality using mathematical symbols to represent loosely defined concepts such as goods, services, labour, land, capital, prices, money, markets, trade, employment and utility.
(Spash, 2017, p. 5)

67Cette critique, associée aux tensions internes au champ de l’EE, amène les socio-économistes écologiques à s’inscrire dans une forme de lutte opposant plusieurs camps pour reprendre les termes de Spash. Les tenants de cette approche explicitent donc peu à peu les contours d’une typologie des tendances en EE, avec pour objectif de clarifier la position d’une EE hétérodoxe radicale (Spash, 2006) qui aurait « toujours quelque chose de pertinent à dire au xxie siècle » (Spash, 2013, p. 351).

68Pour Sachs, ce rejet se manifeste d’abord dans le champ de l’économie du développement puis dans les modalités de la prise en compte de la question environnementale. Il situe explicitement ses travaux dans une démarche d’économie politique [14] critique, radicale : « C’est le réductionnisme économique qui constitue la base même de l’approche néoclassique que nous refusons. » (Sachs, 1976, p. 190). Cette radicalité se manifeste également lorsqu’il insiste sur la nécessité de redonner à l’économie sa dimension politique, non pas par volonté de conseiller le prince, mais pour assumer la conscientisation des asymétries de pouvoir et se centrer sur leur correction :

69

La prise de conscience écologique stimule donc un effort de réflexion portant sur des approches nouvelles, sans doute moins élégantes et se prêtant moins bien à la formalisation mais, en revanche, restituant à l’économie son caractère politique et se démarquant ainsi de l’économie d’inspiration néo-classique.
(Sachs, 1976, p. 94)

70Cette démarche s’apparente (au sens strict du terme) avec ce qu’Alain Caillé (2007) qualifiera plus de trente ans plus tard d’économie politique institutionnaliste.

3.2. Des approches anthropocentrées, en durabilité forte

71Si Sachs publie sur l’écodéveloppement depuis 1974, la formulation du projet va s’enrichir et se préciser pour aller vers une proposition en cinq dimensions hiérarchisées et fonctionnalisées, présentées en partie 1. Les finalités du développement se situent toujours dans la sphère « éthique et sociale » (Sachs, 1994, p. 54), conformément à l’anthropocentrisme caractéristique de son approche en termes de « styles de développement » (Sachs, 1974). Cet anthropocentrisme s’accompagne d’un ancrage en durabilité forte (Figuière et Metereau, 2013, p. 62). Il s’agit de « tenir compte de l’environnement en tant que dimension de base de l’existence collective » (Sachs, 1980, p. 70) et de définir ce faisant, des stratégies d’ED qui permettent de répondre à la « demande sociale » sans mettre en péril les processus de renouvellement des ressources. La durabilité forte est également considérée comme marqueur de l’EE en général (Vivien, 2003 ; Boisvert et al., 2019 [15]), et de la SEE en particulier.

72La représentation fonctionnalisée de l’ED (cf. figure 1) révèle que ce dernier repose sur une hiérarchie ontologique comparable à celle proposée par Spash (2012a) comme présupposé fondamental de la SEE. En ED, l’économie est instrumentalisée, réduite au statut d’outil ou de moyen – parmi d’autres – pour la concrétisation de styles de vie définis sur la base de critères sociaux, culturels et politiques qui favorisent la qualité de vie en tenant compte des contraintes liées à la préservation du milieu. Il y a là une hiérarchisation de ces sphères qui renvoie à un double réencastrement de l’économique dans le social (au sens large, incluant les dimensions politiques et culturelles), et dans le biophysique. Un réencastrement simple de l’économie dans le biophysique correspond à la vision pré-analytique commune à l’EE (Maréchal, 2011). Cela induit l’intégration des contraintes biophysiques de l’activité économique mais ne remet pas nécessairement en cause ses représentations formalisées et réductionnistes. Un double réencastrement amène à dépasser les approches mécanicistes du rapprochement entre économie et écologie pour y intégrer une interface éthique, socio-culturelle et politique.

73Bien que le dialogue entre ED et SEE ne semble pas (encore) avoir eu lieu, leurs approches respectives apparaissent comme tout à fait congruentes, particulièrement dans le champ du développement. Sur cette base, le point suivant propose une réflexion sur les complémentarités entre ces deux projets.

4. Combiner ED et SEE pour un appareillage complet dans le champ du développement

74Le champ de la SEE s’inscrit dans une tradition critique du développement et porte prioritairement des réflexions sur la structure et la transition vers des sociétés « post-développement » et « post-croissance » (Martínez-Alier et al. 2010 ; Spash 2020). Néanmoins la question de la satisfaction des besoins et des modalités socio-écologiques de leur fourniture reste centrale (Cruz, Stahel, et Max-Neef, 2009), à la fois dans une posture européo-centrée (ce qui pourrait être admis comme un biais naturel compte-tenu de la réalité géographique et culturelle de l’ancrage historique de la SEE, cf. supra) et dans une posture plus sensible aux représentations et aux problématiques particulières des espaces périphériques, notamment dans les Suds.

75La mise en perspective du parallélisme de leurs trajectoires, puis la mise en lumière d’un positionnement commun à l’ED et à la SEE, permet désormais de se saisir plus spécifiquement de l’ancrage de l’ED en Économie Politique du Développement. Cet ancrage et la complémentarité des deux projets permet de réhabiliter la pertinence heuristique de l’ED pour renforcer aujourd’hui, la faculté de la SEE à accompagner des processus de transformation structurelle des systèmes socio-écologiques. Nous cherchons ici, d’abord à montrer en quoi le champ du développement constitue un point de jonction entre une partie des travaux en SEE et le cadre de l’ED, pour envisager ensuite le potentiel de leur complémentarité puis de leur combinaison en vue de constituer un appareillage complet dans le champ du développement.

4.1. Le champ du développement comme point de jonction

76Comme de nombreux contributeurs précurseurs du courant de la SEE – Georgescu-Roegen, Daly, Max-Neef, Martínez-Alier, pour ne citer qu’eux –, I. Sachs est lui aussi en premier chef un économiste – critique – du développement. Ce dernier, en tant qu’objet de recherche en sciences sociales, se construit dès le début de la décolonisation de l’Afrique à partir des années 1950. Par suite, c’est entre autres la remise en cause du modèle de développement occidental dont les effets socio-environnementaux négatifs commencent à être exposés, qui motive l’émergence de représentations alternatives du monde et de l’économie fondées sur le réencastrement des réalités sociales et biophysiques à partir de la fin des années 1960 (cf. déclarations de Stockholm en 1972 puis de Cocoyoc en 1974).

77En marge des approches standards qui envisagent la question du développement sous l’angle du « rattrapage » au sein de processus linéaires et transposables de transition entre des « sociétés traditionnelles » et des « sociétés modernes », les approches critiques du développement suscitent un ensemble de questions de recherche, à la croisée des problématiques de l’environnement et du développement :

78

– dans une perspective orientée vers les pays industrialisés, on questionne les limites de la croissance et du modèle de développement occidental, cela menant à des réflexions portant sur l’état stationnaire (Daly, 1977), la sobriété (Illich, 1973) et la décroissance (Gorz, 1975 ; Georgescu-Roegen, 1979) ou encore, de manière plus institutionnalisée, les modalités de la « transition socio-écologique » des économies développées ;
– dans une perspective centrée sur les Suds, ces mêmes analyses viennent compléter des travaux hétérodoxes ou marxistes sur le développement (Baran, 1957 ; Bettelheim, 1965 ; Amin, 1973). Ces derniers autorisent des approches intégrant les différentes sphères économique, sociale, politique et écologique aux problématiques désormais différenciables de croissance et de développement (Daly et Cobb, 1994). S’ajoutent à cela des travaux portant sur la pertinence même du « Développement » comme projet social dans le cadre de critiques fondées sur la reconnaissance de la diversité culturelle et de la pensée décoloniale.
(Escobar, 2015)

79D’abord dans cette seconde perspective, l’ED fixe effectivement un cadre général d’orientation de démarches de recherche et d’action. En explicitant ce cadre (cf. figure 1 supra), il facilite l’intégration des préoccupations en termes de satisfaction des besoins humains et d’équité intra-générationnelle, propres au champ de l’économie politique du développement, dans une perspective socio-écologique.

80Ce champ de recherche initialement institué autour des problématiques des pays du Sud puis des pays en transition, élargit son « terrain » d’analyse avec l’intégration des réalités biophysiques. De nouvelles problématiques émergent en lien avec la remise en cause du « modèle de développement » des « Sociétés Industrielles Modernes » (Kapp, 1950 ; Cloud, 1977). Les processus de développement n’apparaissent plus seulement comme des processus linéaires et irréversibles. L’articulation développement-environnement devient un enjeu de réflexion tant au Nord (Sachs, 1984), où la révélation des contradictions socio-écologiques du mode de développement adopté rend de plus en plus évident le caractère réversible de ce processus, qu’au Sud, avec un horizon commun de redéfinition des trajectoires d’émancipation, en pensant la définition des moyens de satisfaction des besoins et des conditions socio-écologiques de leur reproduction. Les processus de développement d’abord envisagés dans des logiques d’affranchissement vis à vis des « contraintes » environnementales, s’inscrivent désormais dans une perspective d’accommodation, associée à la reconnaissance d’une pluralité de conceptions de la nature et des rapports sociaux à cette dernière. De ce point de vue, le cadre de l’ED éclaire également les conditions de l’action pour la transition des pays industrialisés.

81Dès lors, le statut de la relation entre développement et croissance constitue un point de discussion que pourrait aviver la mobilisation de l’ED comme cadre heuristique. La critique post-développementaliste dont la proximité avec le champ de la SEE est avérée (Spash, 2020), s’attaque centralement à l’interventionnisme pro-croissance des puissances occidentales. Cela ne constitue cependant pas en soi, un rejet absolu de la croissance économique comme un instrument parmi d’autres pour sortir de la pauvreté dans des contextes bien définis, ni un rejet du développement en tant que processus de transformation structurelle des systèmes socio-écologiques qui soutiennent la vie humaine en réduisant les inégalités économiques et environnementales. Comme le soulignent Gerber et Raina (2018), d’une part la pensée post-croissance pour les Suds est relativement peu explorée dans le champ de la SEE ; d’autre part, une pensée post-développementaliste et post-croissance orientée vers les espaces périphériques, spécialement dans les Suds, devrait être centrée en priorité sur la satisfaction des besoins et la redistribution des richesses. De ce point de vue, la prise de distance de la part d’I. Sachs vis-à-vis des critiques de la croissance n’est en rien contradictoire. Il s’agit de permettre la satisfaction des besoins sociaux et la reproduction des moyens mis en œuvre pour assurer cette satisfaction. Dans le cadre posé par l’ED, « la croissance ne doit pas devenir un but premier mais rester un instrument au service de la solidarité entre les générations, présentes et celles à venir » (Sachs, 2002, p. 7). S’il s’agit de constituer une critique des visions essentialistes du développement fondée sur la croissance, le projet d’ED y contribue [16]. Si l’on considère la déclaration de Cocoyoc comme influente dans le champs de l’ED, la référence au « sur-développement » entérine cette posture critique du développement associé à l’idée d’un processus linéaire et illimité de croissance économique.

82Les débats autour du concept de développement durable, trop flou (Boisvert, 2017) pour pouvoir fonder une approche critique du développement, ont finalement concentré l’attention sur les questions de positionnement théorique (articulation, fonctionnalisation, hiérarchisation des trois dimensions – économique, sociale, environnementale –, durabilité faible ou forte, etc.) plutôt que sur les modalités concrètes de mise en œuvre d’un développement compatible avec les grands cycles écologiques.

83Bien qu’il ait très tôt été discrédité sur la base d’ « imprécisions conceptuelles » (Leff, 1978, p. 304) durant les premières années de sa construction, le projet de l’ED évite cet écueil en délimitant un positionnement heuristique clair, dans le champs de l’action, concernant les enjeux d’accommodation et de développement (Leff, 1976 ; Sachs, 1980).

84Ce cadre heuristique explicitement normatif permet de prévenir un second écueil attribué au concept de développement durable. En insistant sur la condition préalable d’une remise en cause des rapports de pouvoir à l’échelle internationale, sur le caractère approprié et diversifié des stratégies localisées de planification à élaborer, et enfin en introduisant une contrainte de participation dans les modalités de construction de ces stratégies, l’ED constitue davantage un cadre ouvrant de nouvelles perspectives en termes de développement qu’une nouvelle façon de « tirer l’échelle » (Chang, 2003 ; Figuière, 2006).

85Certaines contributions à la SEE peuvent dès lors être lues comme complémentaires de ce cadre heuristique : les travaux de Max-Neef précisant une approche systémique du développement centrée sur les besoins humains et délimitant les modalités de leur satisfaction (Max-Neef et al., 1986), les apports incontournables de Martínez-Alier [17] éclairant les conditions écologiquement inégales du commerce international et les problèmes de justice environnementale (Martínez-Alier, 2002). Ce dernier met ainsi en lumière une source de conflits socio-écologiques et établit un lien explicite avec les approches en écologie politique très présentes en Amérique latine. La reconnaissance et la compréhension d’éthos écologiques (Glaeser, 1984) alternatifs à celui de l’exploitation qui fonde le modèle d’accumulation capitaliste, offrent par ailleurs la possibilité de renforcer les démarches participatives de planification et de développement de technologies appropriées.

86Néanmoins, à notre connaissance, seul l’ED fournit un cadre heuristique complet, congruent avec un positionnement en SEE et qui de ce fait n’exige pas des chercheurs en sciences sociales de longs paragraphes pour justifier de leur posture. Ce type de cadre semble par ailleurs de plus en plus rarement développé, la recherche tendant à se spécialiser, avec des degrés de sophistication croissants, exacerbant l’incapacité à « prendre du recul » pour resituer la partie dans le tout. De ce point de vue, l’ED permet de ne pas perdre de vue la cohérence d’ensemble.

4.2. Les apports de l’ED pour une SEE du développement

87De façon un peu schématique, on peut finalement dire que la SEE correspond à une démarche intellectuelle qui vise en premier lieu à affirmer un positionnement en précisant ses postulats ontologiques, épistémologiques et méthodologiques (Spash, 2012b) ; une démarche portée par des chercheurs originaires du Nord dans l’objectif de faire évoluer les sociétés industrielles modernes. Pour cela, les contributions de la SEE à la compréhension des enjeux socio-écologiques et à la construction des politiques publiques s’articulent autour de quatre axes principaux (Petit, 2018) : le rôle des institutions [18] et la gouvernance environnementale, les approches critiques de l’évaluation des services écosystémiques, la construction d’outils conceptuels pour penser la transition vers des sociétés post-croissance, et la construction d’outils analytiques (indicateur de développement et macroéconomie écologique) pour faciliter l’intervention dans les orientations de politique publique.

88L’ED est explicitement conçu quant à lui comme un outil heuristique dans le champ du développement. La définition donnée par Leff fournit ici une idée précise du domaine d’action de l’ED (1978, p. 308) :

89

L’écodéveloppement est l’ensemble des pratiques conduisant à transformer l’organisation productive de la société, avec pour fondement la connaissance du fonctionnement des structures écologiques dont dépend la reproduction des ressources naturelles et, en dernière instance, la conservation de toute culture ou civilisation.
(Traduction des auteurs)

90Progressivement évincé au profit du développement durable durant la période 1970-1980 (cf. partie 2), ce projet conserve sa cohérence d’ensemble bien que ses mises en œuvre soient désormais datées. Néanmoins, bon nombre des initiatives de recherche et d’action à la fois foisonnantes et diffuses autour de l’idée de transition écologique pourraient trouver ici une référence partagée.

91Cette mise en perspective de la nature de la contribution de ces deux projets pour la compréhension et l’orientation des systèmes socio-écologiques laisse entrevoir le potentiel de complémentarité (figure 4).

Figure 4

Un appareillage ED-SEE : complémentarité dans le champ du développement

Figure 4 : Un appareillage ED-SEE : complémentarité dans le champ du développement

Un appareillage ED-SEE : complémentarité dans le champ du développement

Source : les auteurs

92La combinaison des deux projets pourrait s’avérer particulièrement fructueuse pour concevoir puis accompagner, par exemple, une nécessaire et radicale transformation des systèmes agroalimentaires. En effet ces derniers constituent à la fois une interface emblématique de la relation société/nature et de leur coévolution (Saifi et Drake, 2008), le résultat d’une structuration particulière des rapports sociaux de production pour la satifaction des besoins humains et in fine, la fondation conditionnelle de tout processus de développement. Leur évolution ayant provoqué des mises en tension croissantes entre le mode de développement qu’ils soutiennent et les structures écologiques dont ils dépendent, ils doivent être repensés en priorité à l’aune d’un objectif de réencastrement socio-écologique, et donc de réduction et de bouclage des flux de matières et d’énergie sur lesquels reposent leur fonctionnement et leur reproduction. Les travaux pionniers en EE se sont d’ailleurs largement construits sur l’analyse énergétique des systèmes et des sociétés agraires (Martínez-Alier, 1987).

93Les initiatives et les expérimentations concrètes, les processus de recherche action participative, la structuration de réseaux d’échanges, d’entraides et de plaidoyer fleurissent pour promouvoir et pérenniser des formes d’organisation alternatives des systèmes agroalimentaires. C’est autour de l’agroécologie politique ( Sevilla Guzmán et Woodgate, 2013 ; Molina, 2013) que se fédèrent ces initiatives, c’est-à-dire autour de l’agroécologie entendue comme un mouvement socio-politique promouvant la justice sociale et environnementale, la souveraineté alimentaire, l’autonomie technologique et énergétique, ou encore la reconnaissance de la pluralité des savoirs, des cultures et des valeurs autour d’un ancrage écologique fort (Altieri et Toledo, 2011 ; Gliessman, 2013 ; Metereau et Figuière, 2018). En ces termes, l’agroécologie entre en cohérence avec la SEE (Altieri et Masera, 1993 ; Martínez-Alier, 1997). Cependant, la portée de ces initiatives ainsi que leur capacité à nourrir le débat public et à faire évoluer l’agenda politique au xxie siècle – ce qui constitue l’objectif normatif explicite de la SEE – semble dépendre en partie de la capacité à réhabiliter le caractère fondamental de l’organisation des systèmes agroalimentaire pour la (re)structuration de toute société humaine. L’ED, en se basant sur « les connaissances scientifiques et les techniques nécessaires pour profiter de chaque écosystème dans le cadre de critères de rationalités écologiques qui garantissent leur reproduction, pour la production des satisfacteurs [19] sociaux » (Leff, 1978, p. 305), permet d’embrasser ce qui fait la substance d’un tel mouvement. Mais, il ouvre également la possibilité d’intégrer ce mouvement à un cadre d’orientation élargi et cohérent, qui articule l’organisation des agroécosystèmes avec un ensemble d’enjeux concrets pour la transformation structurelle des sociétés humaines, tels que la satifaction des besoins énergétiques, la production de fibres et de matériaux de construction, l’organisation des transports et des réseaux de distribution, l’usage du temps, l’accès à la santé, etc. (Sachs, 1980). Cet apport potentiel nous apparaît essentiel tant pour l’élaboration de stratégies décloisonnées de transformation structuelle que pour la planification à moyen et long terme d’une transition socio-écologique radicale.

94Evitant un niveau d’abstraction et de technicité qui distancie parfois les travaux théoriques en SEE et les expérimentations socio-écologiques concrètes, l’ED fournit cette pièce manquante, qui articule la rigueur d’un positionnement scientifique cohérent en SEE avec le foisonnement des inititatives de terrain et des démarches de recherche-action. L’adossement à un tel cadre peut notament pemettre de réduire la dispersion et faciliter des coalitions pour livrer la bataille théorique et pratique du changement de paradigme.

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Mots-clés éditeurs : Ignacy Sachs, économie politique, socio-économie écologique, trajectoires historiques, développement, écodéveloppement

Date de mise en ligne : 28/05/2021

https://doi.org/10.3917/cep1.079.0153

Notes

  • [1]
    Les auteurs saluent le travail exigeant et bienveillant réalisé par les rapporteurs qui a permis à ce texte d’évoluer considérablement.
  • [2]
    Founex (1971) en préparation de la conférence.
  • [3]
    Figuière C. (2019) Ecodéveloppement : le développement durable autrement, The Conversation, en ligne.
  • [4]
    Inge Røpke a d’ailleurs reçu le Boulding Award de l’ISEE (International Society of Ecological Economics) en 2018 pour ses travaux sur l’HPEE.
  • [5]
    Les propositions des économistes (en général et donc également dans les modalités de prise en compte de l’environnement) s’organisent autour de deux pôles : l’économie standard et l’économie politique hétérodoxe (ou institutionnaliste). La littérature révèle que, plus ou moins explicitement, cette dichotomie se décline en matière de conception de la durabilité : faible pour les premiers, forte pour les seconds. Les trois principaux axes de clivage sont les suivants : substituabilité entre capital/patrimoine naturel et capital créé par les hommes, commensurabilité des valeurs et monétarisation, confiance dans les capacités auto-régulatrices du marché (Figuière et al. 2018).
  • [6]
    L’immense bibliographie de Sachs est disponible en deux pdf sur le site du Centre de recherche sur le Brésil colonial et contemporain de l’Ehess. http://crbc.ehess.fr/index.php?1357
  • [7]
    Le terme « lois naturelles » renvoie ici à l’idée que l’économie dépend de phénomènes biophysiques qui lui sont extérieurs et la conditionnent. Il n’y a donc pas de loi économique autonome vis-à-vis de l’environnement naturel. Le positionnement épistémologique est donc très différent de celui qui préside à l’avènement de la révolution marginaliste.
  • [8]
    Pour une version publiée, voir The Declaration of Cocoyoc (1975) World Development, vol. 3, no 2, p. 141-148.
  • [9]
    Le rapport du séminaire de Founex est publié dans : UNEP (1981) In defence of the earth. The basic texts on environment: Founex – Stockholm – Cocoyoc. Executive Series 1, Nairobi. p. 1-38
  • [10]
    Communication orale lors du workshop Economics and the Environment since the 1950s. Verbatim original : « The institutionalised power of mainstream economic therory is playing a central role in delimiting the field of environmental research ».
  • [11]
    Si un positionnement en durabilité forte constitue une ligne de partage fondatrice de l’EE vis-à-vis de l’économie standard (Froger et alii, 2016), cette posture s’étiole dès lors que le recours aux méthodes de celle-ci conduit notamment à réduire l’ensemble des valeurs pouvant être attribuées à la nature à un unique étalon monétaire.
  • [12]
    Sachs est l’auteur en 1976 de la préface de l’édition française de l’ouvrage de Kapp The Social Costs of Private Enterprise, dont la première édition (Harvard University Press) fut publiée en 1950.
  • [13]
    La version originale en anglais de ce texte fut publiée par Sachs en 1971.
  • [14]
    Si son ouvrage de 1977, qui rassemble différents textes rédigés entre 1964 et 1971, s’intitule Pour une économie politique du développement, le contenu intègre systématiquement la question environnementale.
  • [15]
    La revue Développement durable et territoires a publié en avril 2019 un excellent dossier « Regards disciplinaires et perspectives critiques sur la durabilité forte en SHS », dont est extrait l’entretien avec Valérie Boisvert.
  • [16]
    Sachs introduit d’ailleurs sont ouvrage critique du développement (1977, p. 10) en insistant sur la pluralité des développements. Il convient de parler des développements « car la diversité des contextes écologiques, historiques, culturels et socio-politiques doit se traduire par une pluralité des stratégies ».
  • [17]
    Martínez-Alier et Sachs ont tous deux reçu le Boulding Award en 2010.
  • [18]
    On peut souligner ici la persistance d’un certain nombre d’angles morts. Il conviendrait par exemple d’intégrer la question des modalités de financement des activités en tant qu’objet d’analyse, le système financier constituant l’un des grands impensés de l’EE et de la SEE comme le soulignent utilement Douai et Plumecocq (2017, p. 103) : « Très peu de travaux en EE proposent des analyses globales des manières dont le financement de l’économie, le phénomène de bancarisation, le système assurantiel ou le fonctionnement du marché financier verrouillent l’économie globale dans des schémas qui maintiennent la pression sur les écosystèmes naturels ».
  • [19]
    Bien que cet article soit antérieur aux publications de Max-Neef dans lesquelles il expose la matrice des besoins et la distinction entre différentes catégories de « satisfacteurs » de ces besoins, on trouve ici déjà l’idée d’une approche systémique des moyens de statisfaction, impliquant de veiller à ce que la modalité choisie de satisfaction d’un besoin soit adaptée et ne compromette ni sa propore reproductibilité ni la reproductibilité des modalités de satisfaction d’autres besoins.

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