Notes
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Psychologue, thérapeute familiale, praticienne et superviseur EMDR Europe. Unité de recherche APEMAC UE 4360, Approches Psychologiques et Epidémiologiques des Maladies Chroniques, Equipe Psychologie de la Santé, Université de Lorraine, Centre Pierre Janet.
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Professeur des Universités, Unité de recherche APEMAC UE 4360, Approches Psychologiques et Epidémiologiques des Maladies Chroniques, Equipe Psychologie de la Santé, Université de Lorraine, Centre Pierre Janet, praticien et superviseur EMDR Europe.
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Technique développée par Wolpe, notamment utilisée dans le cadre de stratégies de résolution de l’anxiété, du trac, etc. La première étape est l’apprentissage par le patient d’une technique de relaxation (Shultz, Jacobson, sophrologie etc.), la deuxième étape consiste pour le patient à réaliser une hiérarchisation des situations problèmes à régler, par exemple la peur de paraître en public, cette hiérarchie se fait selon le degré d’anxiété du patient. Ensuite, le patient va imaginer étape après étape l’objet de sa crainte, alors qu’il est dans un état de relaxation. Le thérapeute va en général associer des techniques cognitives à ce travail. Dans un second temps, le patient, en présence ou non du thérapeute, pourra aborder (toujours en respectant la progressivité de l’exposition) la situation problème dans sa réalité. Il est important que le patient, à chaque étape, ait obtenu une bonne maîtrise de son anxiété avant de passer à un degré supérieur de la hiérarchie. Il s’agit là de l’application de l’inhibition réciproque, le fait d’être relaxé, détendu, en maîtrise de la situation inhibe les réactions d’anxiété.
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[4]
Malgré le fait que l’EMDR ait été découvert et nommé en faisant référence aux mouvements oculaires, et même si ceux-ci restent privilégiés dans cette approche, toute autre forme de stimulation bilatérale peut être utile : des stimulations tactiles, faites par la personne elle-même ou par le thérapeute, sur les genoux, les mains, les épaules, des stimulations auditives. Le plus important est qu’elles se fassent de manière alternée des deux côtés du corps, par opposition aux mouvements simultanés. Le terme générique utilisé est SBA (stimulations bilatérales alternées).
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Sur une échelle entre 1 (lorsque la thérapie a débuté) et 10 (lorsque la personne aura suffisamment avancé pour ne plus avoir besoin de venir en thérapie), où la personne se situe-t-elle aujourd’hui ? La réponse intuitive est toujours considérée juste. La personne est ensuite invitée à décrire ce qui, dans sa vie, correspond au chiffre choisi.
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Etat de Stress Post-traumatique.
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Ce procédé, développé en hypnothérapie par Kluft (1998), consiste à mettre toute mémoire traumatique du passé, tout contenu difficile du présent et toute peur éventuelle du futur dans un contenant imaginé concrètement. Cet exercice fait alliance avec la tendance à l’évitement de la personne, et permet de lui laisser la décision du moment d’exposition tout en lui donnant l’assurance que les choses évolueront à son rythme. Par ailleurs, cet outil va permettre un travail fractionné sur les mémoires du passé, si cela s’avère nécessaire.
Introduction
1En tant que thérapeute familial ou individuel, systémique, centré compétences, ou utilisant une approche stratégique, nous avons appris à conjuguer les processus de communication, à agir sur les sous-groupes, à observer les règles familiales, la fonctionnalité de frontières saines, à mesurer et expliciter les loyautés à l’œuvre, à entendre des dimensions non dites. Néanmoins, il arrive régulièrement de nous trouver démunis par rapport à l’émergence d’émotions débordantes, de voir des blocages qui persistent malgré la compréhension de tous et des avancées certaines. Même si les personnes ont regagné un accès à leurs ressources, il se peut que celles-ci fassent soudain défaut lors de l’évocation de certains événements du passé. Le corps agit alors comme si le temps n’avait évolué, montrant une souffrance toujours présente, pour laquelle les personnes ne trouvent pas d’explication, sauf à s’auto-disqualifier ou à agresser l’autre.
2Nous avons ajouté à notre travail de thérapeutes systémiques une dimension psychotraumatologique par le biais de la thérapie EMDR, ce qui s’est avéré extrêmement efficace. Même si dans un premier temps la centration sur la dimension traumatique et notamment du passé est entrée en conflit avec notre travail orienté avant tout sur les ressources et le futur, l’intégration des deux approches vers une psychotraumatologie centrée compétences a été fructueuse (Dellucci, 2014).
De la découverte des mouvements oculaires à l’EMDR
3En mai 1987, Francine Shapiro, marchant dans un parc, en proie à des pensées négatives avec les émotions associées, a fait l’observation suivante : « J’ai remarqué que certaines pensées perturbantes avaient soudainement disparu. J’ai noté également que lorsque je ramenais ces pensées à la conscience, elles avaient perdu de leur force de persuasion et des émotions l’accompagnant, (…) et ce sans aucun effort conscient. Fascinée, j’ai commencé à porter attention à la manière dont cela se déroulait et j’ai remarqué que j’avais spontanément bougé mes yeux, horizontalement et en diagonale, le long du chemin. (…) En pensant alors délibérément à différentes pensées perturbantes, des souvenirs difficiles, et en bougeant les yeux, je me suis rendue compte que ces pensées disparaissaient également et que les souvenirs perdaient de leur charge émotionnelle. » (Shapiro, 1995).
4Cela a été le point de départ pour Francine Shapiro, en doctorat de psychologie, de faire un travail de recherche avec près de 70 personnes pour créer un protocole qui pourrait être utilisé dans la recherche sur la diminution de l’anxiété. Elle a appelé ce protocole « Désensibilisation par le mouvement des yeux » (Eye Movement Desensitization – EMD) dont le but premier était de diminuer l’anxiété.
5Francine Shapiro a publié une première étude en 1989, montrant sur un groupe de vétérans souffrant d’un état de stress post-traumatique (ESPT), une nette diminution de l’anxiété, après une intervention EMD, comparé à une liste d’attente, sans traitement. Cette étude inaugurale a cependant subi un biais lorsque l’auteur, voyant la persistance de la souffrance des participants du groupe contrôle par rapport à sa nette diminution dans le groupe expérimental, a décidé d’appliquer le traitement aussi au second groupe. De nombreuses recherches, répondant aux critères de rigueur scientifique ont répliqué ces résultats par la suite (Wilson et al., 1995 ; Wilson et al., 1996), jusqu’aux méta-analyses, qui reconnaissent aujourd’hui l’efficacité de l’EMDR (Bisson & Andrew, 2007 ; Van Etten & Taylor, 1998) parmi d’autres approches, même si l’EMDR se distingue à efficacité égale avec les thérapies cognitivo-comportementales, en demandant moins de travail entre les séances (Bradley et al., 2005 ; Davidson & Parker, 2001).
6Rapidement, Francine Shapiro a modifié son protocole en Eye Movement Desensitization and Reprocessing – EMDR (Shapiro, 1999), - Désensibilisation et Réintégration Neuro-émotionnelle par le mouvement des yeux - (Servan-Schreiber, 2003), se rendant compte après l’évaluation de centaines de cas cliniques, que : « si la procédure était effectuée correctement, il y avait simultanément une désensibilisation et une restructuration cognitive des souvenirs traités, et du sens donné à l’expérience » (Shapiro, 1995). Ce changement important a amené ainsi à la construction d’une approche à part entière, passant de la réduction de l’anxiété à un traitement complet de l’ESPT.
L’EMDR aujourd’hui
7C’est au début des années 90, que bien que sujette à de nombreuses controverses, la psychothérapie EMDR s’est beaucoup développée. Le soutien de Joseph Wolpe (Wolpe & Abrams, 1991), initiateur de la désensibilisation systématique [3], et la publication de plusieurs études présentant des conclusions positives (Marquis, 1991) indiquaient alors clairement que la psychothérapie EMDR était une forme prometteuse de psychothérapie. Grâce à l’accroissement des données empiriques, les formations à la psychothérapie EMDR vont peu à peu se structurer et se développer partout aux États-Unis, en Europe, en Australie, en Amérique Centrale et Amérique du Sud. Depuis 20 ans maintenant, la psychothérapie EMDR est reconnue par de nombreux services nationaux de santé mentale, ainsi que par les organisations professionnelles comme un traitement efficace dans la prise en charge des traumatismes.
8Notons encore que très récemment en 2013, l’OMS a envisagé la psychothérapie EMDR, tout comme les TCC comme des psychothérapies à préconiser dans le cadre d’une prise en charge des conséquences d’événements de nature psychotraumatique.
9À ce jour, la méthodologie EMDR a été étendue à un nombre important de problématiques, comme la prise en charge des phobies (de Jongh et al., 1999 ; Lohr et al., 1996), du trouble panique (Feske & Goldstein, 1997), du trouble anxieux généralisé (Gauvreau & Bouchard, 2008), de la dépression (Hofmann et al., 2014), des addictions (Hase et al., 2008), des troubles obsessionnels compulsifs (Böhm & Voderholzer, 2010), du deuil bloqué par le traumatisme (Tarquinio et al., 2009), des douleurs chroniques (Brennstuhl, 2013 ; Grant & Threlfo, 2002), notamment les douleurs du membre fantôme (Schneider et al., 2008), du sein fantôme (Brennstuhl et al., 2015), des migraines (Marcus, 2008) et en cas de dysfonctionnements sexuels (Tarquinio et al., 2012a).
10L’EMDR semble également être une approche efficace chez les personnes qui ont des troubles cognitifs légers (Mevissen et al., 2011), voire graves (Mevissen et al., 2012). L’EMDR est même utilisé avec succès chez des patients psychotiques (de Bont et al., 2013), chez les victimes de torture (de Fouchier, 2013), voire même si des troubles traumatiques ont été transmis sur le plan transgénérationnel (Dellucci, 2009a).
11Un ouvrage collectif (Shapiro et al., 2007/2012) récemment traduit en français est particulièrement dédié à l’interaction entre EMDR et thérapie familiale.
12L’EMDR est une approche également particulièrement efficace chez les enfants et les adolescents (Tinker & Wilson, 1999 ; Lovett, 1999 ; voir pour une revue Morris-Smith & Silvestre, 2015). Même les empreintes précoces, c’est-à-dire toute expérience traumatique avant l’âge de trois ans peut être retraitée efficacement avec l’EMDR (O’Shea, 2009 ; Dellucci, 2012).
EMDR et approche solutionniste
13Toutes ces perspectives montrent à plus ou moins grande échelle l’efficacité de la thérapie EMDR ajoutée au traitement mis en œuvre en général. L’application réussie à des tableaux cliniques aussi divers ne surprend pas le systémicien, qui, ayant recours aux principes d’équifinalité et de causalité circulaire, comprend qu’un traumatisme peut apparaître sous des formes diverses. Nous postulons ainsi que si la dimension traumatique a pu être résolue, tout tableau clinique, aussi bien construit qu’il soit, perd de sa consistance (Tarquinio & Montel, 2014 ; Dellucci, 2014). Ainsi les personnes retrouvent un accès à leurs ressources et leurs capacités d’apprentissage pour mettre en œuvre des solutions adaptatives aux défis que la vie leur présente.
14Le modèle de pensée qui guide le clinicien en EMDR est celui du Traitement Adaptatif de l’Information (TAI) (Salomon & Shapiro, 2008). Ce postulat se fonde sur les capacités naturelles d’autoguérison de l’organisme. Conformément à la métaphore d’une blessure légère, que le corps guérit sans mal pour ne laisser qu’une cicatrice, le psychisme aurait cette capacité de métaboliser les événements de la vie. Tant que la personne se trouve suffisamment en sécurité, que les conditions de l’environnement sont suffisamment bonnes pour ne pas avoir à déclencher des réactions de survie, le psychisme assimilerait ainsi les expériences du quotidien, pour en faire des apprentissages utiles. Tout comme une blessure qui, si elle est trop importante, ne guérit pas spontanément et mène à des complications ou laisse un dysfonctionnement, cette analogie se poursuit sur le plan psychique : si un événement dépasse les capacités d’intégration du psychisme, s’il est trop débordant sur le plan émotionnel et physiologique, pendant trop longtemps, alors le corps a recours à des réactions de survie, qui d’une part, empêchent cette métabolisation, d’autre part donnent lieu à des réactions non adaptatives, c’est-à-dire que la personne n’en ressort pas mieux armée pour le futur, mais au contraire blessée. Cette blessure se montre par une sensibilité exacerbée face à des éléments enregistrés le plus souvent de manière implicite (p.ex. un mot, une date, un claquement de porte), qui provoque une réaction corporelle irrépressible (p.ex. la fuite, la sidération), un évitement plus ou moins important, des pensées négatives (p.ex. je ne vaux rien, je ne peux rien faire), des reviviscences sous forme d’images, de sons, de cauchemars, de réactions corporelles (p.ex. le cœur qui s’emballe). Un état de stress post-traumatique peut provenir d’un événement unique (p. ex. un accident), mais nous savons aujourd’hui qu’il n’a pas été nécessaire de rencontrer le réel de la mort, pour qu’un réseau neuronal traumatique ne se forme. Des maltraitances répétées, des pertes importantes, un manque de protection sont autant de sources traumatiques qui, dans la plupart des cas, ne se résorbent pas spontanément. Une expérience vécue comme traumatique résiste au temps, c’est-à-dire que l’événement a beau dater de plusieurs années, voire de décennies, la réaction face au déclencheur met le corps et le psychisme de la personne dans un état comme s’il se passait au présent. Francine Shapiro ose le postulat de dire que tout symptôme provient d’un réseau de mémoire avec des informations stockées de manière dysfonctionnelle. L’EMDR se fonde donc sur l’hypothèse que tout dysfonctionnement psychologique ou psychosomatique qui provient d’expériences de vie peut être traité en abordant la mémoire à l’origine de cette expérience et les réseaux de mémoire associés, même si ces derniers ont émergé plus tard dans la vie (Shapiro, 1995).
15Devant la primauté de la réaction sous-corticale n’impliquant ni la raison ni les conditions d’un attachement sécure, le questionnement quant à la fonction d’un symptôme, comme nous en avons l’habitude dans la pensée systémique, devient secondaire. Le thérapeute s’étant doté de l’EMDR dans sa pratique va avoir tendance à d’abord proposer une désensibilisation de la charge émotionnelle datant de l’époque et influençant de manière négative ce qui se passe actuellement, et favoriser la remise en route des capacités d’autoguérison, de façon à permettre des conditions optimales pour qu’un changement puisse se faire et perdurer.
16Outre l’approche systémique, nous nous exprimerons ici à partir d’une perspective centrée solutions (De Shazer, 1982, 1985, 1988 ; Isebaert & Cabié, 1997 ; Isebaert et al., sous presse), qui d’un point de vue scientifique est validé également (Kim, 2008 ; Stams et al., 2006 ; Corcoran & Pillai, 2007 ; Gingerich & Eisengart, 2000). Les approches solutionnistes centrent l’attention sur l’importance d’une perspective du futur, sur l’espoir, et combien il incombe au professionnel de mettre les personnes en lien avec leur propre expertise.
17À première vue, les deux approches, l’EMDR et la thérapie centrée solutions paraissent contradictoires. La posture du thérapeute solutionniste “qui ne sait pas”, semble être en contradiction avec la posture du thérapeute EMDR “qui sait tout”, qui voit le mieux quand la personne est prête pour le travail sur le traumatisme, qui sait quel trauma doit être traité d’abord, et qui, si ça ne marche pas, est plus enclin à rechercher le protocole adéquat plutôt que de poser la question à la personne en thérapie.
18Dans notre pratique thérapeutique avec les personnes les plus sévèrement traumatisées, nous avons appris que la combinaison d’une attitude et des outils solutionnistes et les mécanismes à l’œuvre dans l’EMDR produisent les meilleurs résultats. Nous aimerions pouvoir présenter des résultats de recherche de façon à valider notre expérience clinique, mais à ce jour nous ne pouvons proposer que des observations.
Le protocole EMDR
19L’approche EMDR classique est un procédé qui se décline en 8 phases :
- Le recueil de l’histoire du patient et la planification du traitement.
- La stabilisation et la préparation au travail sur le traumatisme.
- L’évaluation du réseau traumatique abordé.
- La désensibilisation de l’événement choisi.
- L’installation d’une croyance positive à propos de soi.
- Le scanner du corps.
- La clôture de séance.
- La réévaluation à la prochaine séance.
20Les phases 1, 7 et 8 sont communes à toute thérapie, en principe. La phase 2 concernant la stabilisation est la pierre angulaire d’une thérapie psychotraumatologique réussie. Les phases 3 à 6 sont très spécifiques au protocole EMDR standard.
Phase 1 : Le recueil de l’histoire de la personne et la planification du traitement
21La plupart du temps, en EMDR comme en psychotraumatologie générale, il s’agit d’obtenir une histoire aussi détaillée que possible, ainsi que des informations sur la vie actuelle du patient, de façon à ce que le thérapeute puisse estimer l’état de stabilité de la personne, son fonctionnement, d’éventuelles défenses, ses souhaits et ses objectifs. Cette conceptualisation vise à mettre à jour, pour un problème donné, un ensemble de déclencheurs du quotidien, une croyance négative à propos de ce problème, et les situations du passé en lien avec celui-ci, jusqu’au souvenir source, c’est-à-dire le premier événement que l’on pense être à l’origine de ce dysfonctionnement. Ce plan de ciblage se termine par un scénario du futur, où le thérapeute échafaude avec la personne une situation future concrète où le problème aura disparu, et où des comportements plus adaptés peuvent avoir lieu.
22L’approche centrée compétences nous invite à nous intéresser aux ressources de la personne et d’explorer, explicitement et implicitement, ses capacités de survie, de résistance. Comment cet individu singulier a-t-il été capable de rebondir après un événement donné ? Comment a-t-il pu grandir malgré tout ce qui s’est passé, aller à l’école, réussir à apprendre un métier, avoir le courage de fonder une famille, de se mettre en couple, de faire ce à quoi il a abouti aujourd’hui ? Comment réussit-il à faire face à la vie de tous les jours, de façon à ce que les choses ne soient pas pires que ce qu’elles sont ? Comment une personne, restée pendant des années dans une relation d’emprise, une situation de violences, a-t-elle fait pour résister ?
23Il n’est pas question d’explorer des détails traumatiques dans un premier temps, car ceci impliquerait deux choses que nous souhaitons éviter : tout d’abord ce réseau neuronal traumatique serait activé, avec un risque que tout ce qu’il contient par ailleurs le soit aussi. La déstabilisation qui s’ensuivrait irait à l’encontre d’une relation thérapeutique soutenante. D’autre part, en s’intéressant trop tôt aux détails traumatiques, il se pourrait que le thérapeute laisse croire, sans le vouloir, que la seule chose qui l’intéresse vraiment, ce sont les détails sordides de ces expériences hors du commun. Alors que ce qui nous intéresse vraiment, ce sont les capacités de guérison, comment la personne peut faire face, ses dimensions d’apprentissage.
24Quels que soient les symptômes présentés, nous partons du principe que les personnes ont mis en œuvre ce qu’elles ont trouvé de moins pire pour faire face à ce qui leur est arrivé. Un deuxième axe à ne pas négliger est d’explorer comment les personnes se débrouillent au quotidien, leur sommeil, leur hygiène de vie, ce qui leur permet de se reposer, ce qui les anime. Comment font-elles pour arriver à faire ce qui est le plus “banal” comme prendre une douche le matin, aller au travail, faire des courses. Plutôt que de se dévaloriser par rapport à tout ce qu’elles n’arrivent pas à faire, cette exploration, avec un thérapeute qui prend soin d’expliciter en détail ce qui marche au quotidien, permet à ces personnes de comprendre que ce qu’elles arrivent à faire déjà n’est pas banal du tout. Cela leur permet de recevoir toute la reconnaissance qui leur fait défaut pour tous leurs efforts déjà mis en œuvre, avec l’espoir de construire, à petits pas, une conscience pour la résilience déjà acquise. Le modèle de Bruges (Isebaert & Cabié, 1997) pose comme première question celle de savoir si les personnes ont une demande d’aide travaillable. Nous postulons en Psychotraumatologie Centrée Compétences (Dellucci, 2014) qu’il s’agit ici d’une question de sécurité. Si la personne se sent suffisamment en sécurité dans l’ici et maintenant, avec les perspectives qu’offre l’EMDR, alors une demande d’aide émergera.
Phase 2 : La stabilisation et la préparation à l’EMDR
25Un consensus largement partagé par de nombreux experts en psychotraumatologie (Cloître et al., 2012) est de prescrire, avant de travailler directement sur les traumatismes, une phase de stabilisation. Son but est de permettre à la relation thérapeutique de se construire de manière sécure, d’apprendre à la personne à s’apaiser efficacement, à mieux maîtriser les émergences liées au traumatisme et d’en connaître un peu plus sur la thérapie afin de rendre cette dernière prédictible.
26Ici aussi, l’approche centrée compétences, guidée par la posture d’un thérapeute, uniquement expert en thérapie en général, qui ne sait pas a priori ce qui va être utile pour le patient, expert de sa vie dans son contexte, est primordiale. Un thérapeute en position haute, même si c’est pour convaincre les personnes qu’elles ont des ressources, risque de réduire ces dernières, soit à se comporter conformément à ce qui leur est appris, soit à faire l’expérience qu’elles ne sont pas faites pour ce type de thérapie. Cette dernière remarque fait partie de celles que nous entendons souvent de la part de personnes souffrant de traumatisations complexes et chroniques.
27Il est à notre sens important que le thérapeute, avant d’apprendre quoi que ce soit à la personne, la questionne sur “ce qui marche encore les jours où ça ne va vraiment pas ?” Cette question, inspirée d’Yvonne Dolan (1991), tout en ne refusant pas de parler des problèmes pour lesquels les personnes viennent consulter, permet de mettre à jour leurs stratégies particulières pour ne pas sombrer complètement, et de recadrer celles-ci comme autant de tentatives de maîtriser l’émergence émotionnelle, souvent intempestive.
28Au fur et à mesure d’une stabilisation réussie, la vie quotidienne s’améliore, les personnes sont davantage capables d’effectuer les tâches qui leur incombent, elles arrivent à s’apaiser efficacement, et sont en mesure de parler de ce qui leur est arrivé, sans être submergées. La deuxième question du modèle de Bruges (Isebaert & Cabié, 1997) est celle de savoir si les personnes se mettent au travail. Cela est une étape nécessaire, pour pouvoir se confronter aux expériences traumatiques. Nous postulons que la motivation de se mettre au travail se mesure à la qualité de la relation d’attachement avec le thérapeute (Dellucci, 2014). Si elle est suffisante, les personnes utilisent des exercices de stabilisation entre les séances et sont partantes pour se confronter aux expériences traumatiques.
29Il est évident qu’aucun travail de désensibilisation sur des souvenirs du passé ne pourra se faire si la personne est en crise, si elle vit dans un environnement où elle n’est pas en sécurité, ou s’il existe une motivation quelconque à ne pas s’affranchir des événements visés, comme une démarche judiciaire, une recherche de reconnaissance du statut de victime. Dans ces cas, nous continuerons le travail de stabilisation et de soutien.
Phase 3 : Évaluation du traumatisme
30Après que les deux premières phases du protocole EMDR ont été réalisées avec succès, si la personne en thérapie est d’accord d’aborder les expériences difficiles, alors le travail sur le traumatisme proprement dit à travers les phases 3 à 6 peut commencer. Celles-ci sont spécifiques au travail de confrontation à travers le protocole EMDR. Ici le réseau traumatique est ciblé directement. La spécificité des questions en phase 3 est d’aller réveiller les réseaux de mémoire dysfonctionnellement stockés. La reconsolidation thérapeutique de ces souvenirs n’est possible que si elles ont été activées au préalable dans un contexte qui permet leur association à des réseaux ressources. C’est la raison qui fait que le protocole EMDR cible l’expérience au cœur de la souffrance implicite, pour inviter la personne, par le biais des mouvements oculaires, à la traverser en accéléré, d’en évacuer l’émotion et les sensations désagréables qui sont stockées, pour permettre à ce réseau de se connecter aux ressources déjà existantes, et transformer ainsi une expérience bloquée en un apprentissage réussi.
31Le thérapeute aura expliqué au patient, qu’il lui posera des questions qui vont raviver le souvenir. Puis, des séquences de mouvements oculaires vont être faites, au cours desquelles la personne va être invitée à laisser venir ce qui lui vient sans effort particulier et sans juger le contenu. Le patient est ainsi placé dans une posture d’observateur actif.
32En phase 3, le thérapeute posera des questions précises sur l’événement ciblé, à savoir quel est encore aujourd’hui le moment le pire, quelle est l’image la plus perturbante ? À défaut d’image, il peut y avoir une autre entrée sensorielle comme un bruit, une odeur, une sensation physique. Ensuite, le thérapeute recherche avec la personne la croyance négative en lien avec cet événement.
33En EMDR, nous définissons quatre registres de cognitions négatives. Cette croyance peut être du registre de la sécurité, p.ex. « je vais mourir », ou bien de celui de la culpabilité, p.ex. « j’aurais du faire quelque chose », ou encore du registre de l’estime de Soi, p.ex. « je ne vaux rien » ou finalement celui de l’absence de choix, p.ex. « je suis impuissant ». La bonne définition d’une cognition négative va permettre de définir une cognition positive, c’est-à-dire un objectif à atteindre. Il s’agit d’une conviction positive à propos de soi, p.ex. « je suis quelqu’un de bien », dont le lieu de contrôle est interne, p.ex. « je peux agir », qui est en lien avec le désir de changement de la personne et qui peut être généralisable à d’autres situations. Le plus souvent, lorsqu’il y a traumatisme, la croyance positive, même si elle peut être formulée, n’est pas crue par le patient. Ensuite l’émotion émergeante est définie, p.ex. la peur, la honte, la tristesse, ainsi que le niveau de perturbation ressentie actuellement, qui est mesuré sur une échelle à 10 points, inspirée de Wolpe (1969), entre 0 « aucune perturbation » et 10 « le plus haut niveau de perturbation imaginable ». À ce stade, la perturbation ressentie est généralement élevée. Il ne reste plus qu’à définir l’endroit dans le corps où cette perturbation est ressentie, pour ensuite passer à la phase de désensibilisation.
34Une bonne activation du réseau neuronal traumatique permettra au cerveau d’en modifier la structure, pour n’en faire qu’une expérience d’apprentissage comme une autre.
35Chez des personnes pour lesquelles nous pourrions craindre une réaction en chaîne, nous choisirons de travailler dans un premier temps sans les croyances. Étant donné la fonction organisatrice des cognitions, celles-ci peuvent augmenter la probabilité associative. Une fois que l’émotion la plus vive est évacuée, avec moins de risque de débordement, l’inclusion des cognitions nous paraît incontournable.
Phase 4 : La désensibilisation de la cible traumatique
36La désensibilisation consiste à permettre à la personne, à l’aide des stimulations bilatérales alternées [4] (SBA) d’évacuer tout le matériel iconique lié au réseau traumatique (émotions, images, sensations diverses, réactions corporelles), à réguler l’activation physiologique et stimuler la connectivité cérébrale. Le matériel mnésique de l’époque du trauma, souvent stocké à l’identique n’est plus nécessaire pour intégrer l’expérience. Par la suite, la libre association chemine vers une connexion aux ressources, donnant lieu à des insight nouveaux, et à une vision de l’expérience plus adaptée.
37Le thérapeute ne fait aucune interprétation. Il se contente de soutenir la personne dans son cheminement en se montrant présent, attentif, et en veillant à la maintenir dans de bonnes conditions physiologiques pour faire son travail. Ainsi, le patient va cheminer au long des canaux associatifs jusqu’à ce que l’évocation de l’expérience difficile ne suscite plus aucune perturbation. Cela ne signifie pas que l’expérience n’est plus négative, certes, mais la personne peut maintenant situer l’événement dans le passé, et son corps dans l’ici et maintenant est tranquille.
38Techniquement, à la fin d’une chaîne associative, lorsque deux éléments positifs ou neutres émergent, il est demandé de ramener le patient à penser au souvenir traumatique initial. Sans être en désaccord avec cela, il nous arrive souvent de continuer les SBA pour laisser se faire les associations positives, tant que ce qui émerge se modifie. À notre avis, cela renforce le lien avec les ressources en cours de désensibilisation, avec l’espoir que cela diminue le temps passé sur des choses difficiles et voir ainsi le processus thérapeutique s’accélérer.
39Dans notre expérience, nous avons remarqué que les personnes présentant des troubles dissociatifs ont tendance à sous-évaluer le niveau de perturbation, et se distancient de leur corps, par habitude le plus souvent, ce qui les amène à ne rien ressentir. Nous veillons dès lors à maintenir une attention prononcée sur ce qui se passe dans le corps, en demandant à la personne de localiser ce qu’elle ressent, tant pour les ressentis négatifs que positifs.
40Un des ingrédients majeurs d’une désensibilisation réussie consiste en la capacité du patient à maintenir une attention double, c’est-à-dire d’être en lien avec le réseau contenant l’expérience passée, perturbante, et en même temps ne pas perdre la perspective de l’ici et maintenant sécurisé. Il revient au thérapeute de veiller et de guider ce processus de façon à maintenir de bonnes conditions de travail pour le patient et pour lui-même. Plus le thérapeute sera en capacité de bien évaluer l’état physiologique du patient, plus il sera en mesure d’agir et par ce biais constituer ce pôle sécure dans la relation.
41Lorsque le dynamisme du retraitement ralentit, le processus associatif peut se bloquer. Nous demandons alors aux personnes de quoi elles auraient eu besoin à l’époque, et nous continuons à partir de la réponse fournie. Si cette intervention ne suffit pas, nous poursuivons avec la question : “et de quoi auriez-vous besoin aujourd’hui”. Parfois cette pratique donne lieu à une installation de ressources (Korn & Leeds, 2002, Hofmann, 2008), ce qui nous distancie momentanément de la désensibilisation. Cela peut s’avérer utile, surtout pour les personnes qui manifestent un arrêt du processus de retraitement, soit en se retirant de la relation avec le thérapeute, ou en basculant dans de l’évitement s’ils n’arrivent pas à dire stop. Le signal stop, rappelons-le, permet au patient, à tout moment, d’arrêter le processus, et d’être ramené vers une pratique de stabilisation.
42La désensibilisation est terminée lorsque sur l’échelle de perturbation, la personne peut indiquer zéro perturbation. Le travail thérapeutique continue alors avec la phase d’installation de la cognition positive.
Phase 5 : Installation de la cognition positive
43Tout événement, aussi traumatique qu’il ait été, n’est rien d’autre qu’une expérience d’apprentissage non terminée. En installant une croyance positive après qu’un souvenir ait été retraité, nous invitons la personne à rendre explicite l’apprentissage précieux réalisé à travers ce travail.
44Une fois que le souvenir est devenu neutre, qu’il ne provoque plus du tout de perturbation, la phase 5 consiste à installer la croyance positive, préalablement souhaitée mais non crédible, en lieu et place de la croyance négative. Cette dernière n’est plus valide, ni pertinente. Le thérapeute demande à la personne, si la croyance positive choisie en phase 3 est toujours pertinente par rapport à l’événement travaillé, ou s’il y a d’autres mots qui conviennent mieux à ce qui est ressenti comme plus approprié maintenant. C’est ici que la personne peut réajuster avec ses mots, une croyance qui résume ce qui a été appris. Les séries de stimulations bilatérales accompagnent ce travail jusqu’à ce que cette croyance positive soit ressentie comme complètement vraie. Au travers de ce travail, la personne peut se rappeler d’autres situations et ressources qui renforcent encore la consolidation adaptative du souvenir ainsi transformé.
Phase 6 : Le scanner du corps
45Bessel van der Kolk (1994) indique que “c’est le corps qui donne le score”. Il est utile, dès lors, à la fin du travail sur un traumatisme, de vérifier qu’il n’y ait plus aucune perturbation corporelle. Le thérapeute invite la personne à repenser au souvenir initial et à la croyance positive, et à scanner son corps avec sa conscience du haut vers le bas, et à indiquer ce qu’il remarque. Le patient peut ainsi vérifier avec son corps s’il reste une quelconque dissonance ou une sensation corporelle qui aurait pu être oubliée auparavant, et ce jusqu’à ce que son corps soit complètement tranquille et détendu.
Phase 7 : Clôture de la séance
46En fin de séance thérapeutique, une procédure spécifique permet de terminer le travail dans de bonnes conditions et de rendre prédictible l’entre deux séances. Il est conseillé au thérapeute de réserver suffisamment de temps pour cette étape.
47Le thérapeute félicite la personne pour le travail accompli, car pour y arriver, le patient a du s’investir pleinement et accepter de traverser des moments intenses. Ensuite il est invité à réfléchir à une synthèse du travail effectué : « Y a-t-il un mot ou une expression qui pourrait exprimer ce que vous avez gagné ou appris aujourd’hui ? » Cela peut être de l’ordre d’un apprentissage, p.ex. « J’ai appris que je peux dire non », ou d’un ajustement relationnel plus adapté, p.ex. « C’est moi la victime ». Elle peut aussi orienter vers une action qui devient tangible, p.ex. « Je vais pouvoir parler à mon père », ou encore donner une orientation plus globale, p.ex. « J’ai le droit et le devoir de prendre soin de moi ».
48Le thérapeute explique à la personne que le cerveau peut continuer son activité de retraitement au-delà de la séance de travail. Ainsi peuvent émerger encore des images, des pensées, voire des émotions ou des sensations corporelles. La personne peut faire des rêves, ou même des cauchemars, cela est tout à fait normal. Il se peut aussi que rien ne vienne à la conscience, comme il est possible que la personne ait accès à des souvenirs oubliés. Le patient est invité à tenir un journal, ce qui lui permettra de noter brièvement ses observations, les changements qui seront discutés à la prochaine séance. Le thérapeute informe également la personne de sa disponibilité entre les séances, si nécessaire.
49Dans notre travail clinique, nous avons remarqué que plus la personne avance dans sa thérapie, plus le travail de retraitement se fait facilement et gagne en rapidité. Ainsi, en début de retraitement, il est normal qu’un souvenir du passé nécessite plusieurs séances avant d’être neutralisé.
50Nous insistons pour dire aux personnes que leur tâche sera de vivre le mieux possible entre les séances, d’observer ce qui se modifie, notamment leurs propres réactions et celles de leur entourage, et que revenir sur le travail effectué n’est pas forcément aidant. Pour davantage concrétiser cela, nous demandons aux personnes de formuler un micro-objectif, c’est-à-dire une petite chose qui ne soit pas coûteuse en énergie, qui irait dans le sens de ce qui est important pour eux, et que les personnes aimeraient voir se réaliser d’ici la prochaine séance.
Phase 8 : Réévaluation
51À la séance suivante, une réévaluation vient explorer les changements depuis la dernière fois, et s’il y en a, comment la personne s’y est prise concrètement pour les réaliser.
52Tous les trois mois, ou lors de périodes inter-séances allongées, nous proposons aux personnes de faire le point sur la totalité de leur travail. C’est l’occasion pour le thérapeute d’évaluer de ce qui a été abordé, et pour le patient de mesurer son avancée par rapport aux objectifs qu’il s’est donné en début de travail à l’aide d’une échelle de progression [5]. C’est par la prise de conscience de ses propres ressources que nous favorisons l’autonomie de la personne.
Vignette clinique : Nina et Thierry
53Nina et Thierry, 26 et 27 ans, tous deux ingénieurs, font une demande de thérapie de couple, à la suite d’une relation extra-conjugale de Thierry avec une collègue de travail. Celle-ci, terminée récemment, a été brève. Néanmoins, la crise provoquée par ce dérapage et sa découverte a fortement ébranlé le couple. Tous deux sont d’accord sur le souhait de dépasser cette crise ensemble, ils n’ont pas de projet de séparation.
54Au cours des premiers entretiens, Nina indique qu’elle souffre d’une blessure de trahison qu’elle qualifie d’inconsolable. Thierry se montre très coupable et indique avoir commis une faute impardonnable. Tous deux ont compris à quel point ils tiennent l’un à l’autre. Au delà de cette crise, Nina montre un ESPT [6] évident : son sommeil est perturbé par des cauchemars, elle a des flashback et des pensées intrusives pendant la journée, elle se montre par moments irascible, et décrit ne plus pouvoir sortir en ville, car elle a une crainte obsédante de rencontrer la collègue de Thierry « partout où je pourrais aller » dit-elle. Lorsque la thérapeute demande de préciser, Nina indique : « au travail, dans la rue, dans les transports en commun ».
55Le couple a l’air d’être d’accord sur la définition de la relation concernant cette crise. Thierry est en position basse, se montre effacé et passif, Nina apparaît en position haute, prend souvent la parole. Le couple semble avoir de bonnes relations par ailleurs, ils évoquent avec fierté qu’ils partagent les tâches du ménage. Thierry montre de la sollicitude envers Nina, mais cela ne la console pas, ni ne calme ses symptômes.
56La symptomatologie de l’ESPT pousse la thérapeute à proposer un travail en EMDR. Cette intervention, se pratiquant en individuel à l’époque, amène un cadre équilibré de cinq séances chacun, d’une part pour éviter une disqualification de la souffrance de Nina, ce qui lui permettra de se mettre au travail, d’autre part un espace d’individuation pour Thierry où il peut s’exprimer.
57Les séances en EMDR de Nina lui permettent d’aborder la découverte de l’infidélité, les déclencheurs (rencontrer la collègue au travail, dans le bus, lorsque Nina se promène en ville), ainsi que la crainte que l’infidélité ne se reproduise.
58Les séances individuelles avec Thierry font émerger une problématique d’intimité : leur couple, ensemble depuis huit ans, n’a pas encore vécu de relations sexuelles abouties à ce jour. Thierry semble se mettre une pression importante à vivre une chasteté que lui impose la souffrance de Nina, et n’entend pas le discours normalisant de la thérapeute. Par ailleurs, il évoque une tricotillomanie importante chez sa femme, qu’elle cache sous de grands bandeaux qui recouvrent la majeure partie de sa chevelure.
59La thérapeute fait l’hypothèse d’un trauma complexe chez Nina, et propose d’aborder ces éléments en séance commune. Thierry est d’accord.
60Une séance de couple à la suite du travail individuel parallèle permet de constater que l’anxiété de Nina a significativement baissé. Il n’y a plus de signes d’ESPT. Le couple est d’accord pour dire que leur objectif est atteint. La thérapeute évoque prudemment une souffrance sous-jacente, de part et d’autre, mais Nina éconduit toute velléité d’investigation en indiquant qu’elle n’a rien demandé à ce sujet. Thierry semble suivre sa femme en disant qu’ils vont mieux. Le couple décide d’arrêter la thérapie.
61Huit ans plus tard, Nina, 34 ans, fait une demande individuelle, en avançant l’efficacité de l’EMDR lors de la première tranche de thérapie et sa confiance en la thérapeute. Compte tenu des éléments ayant émergé en fin de thérapie de couple, la thérapeute accepte cette demande individuelle et suit Nina dans le projet d’une thérapie EMDR avec des rencontres bi-mensuelles.
62Les objectifs de Nina sont les suivants : 1) dépasser des séquelles d’attouchements de la part d’un cousin, vécus à l’âge de 6 ans, 2) pouvoir vivre une sexualité normale, non encore aboutie à ce jour, et 3) être soutenue dans une démarche de procréation médicalement assistée (PMA), vécue difficilement. Du bout des lèvres, Nina indique avoir pris beaucoup de poids suite à une médication visant à contrôler une endométriose. Elle espère, à la suite de la thérapie, 4) arriver à mieux contrôler son poids. Nina se montre très motivée. Elle a un bon fonctionnement au quotidien.
63Le recueil d’histoire montre un environnement immédiat stable et soutenant. Thierry et Nina s’entendent bien, sont heureux d’être ensemble, entourés d’amis. Quant à la famille d’origine, émergent des relations enchevêtrées et un attachement sur un mode anxieux-ambivalent. La famille, d’origine iranienne, a du fuir leur pays d’origine, ce qui a entraîné, parmi d’autres pertes, une déchéance professionnelle et sociale des parents. Aînée d’une fratrie de trois sœurs, Nina est parentalisée dans un soutien excessif envers ses parents : elle prend en charge leurs démarches administratives et pratiques et elle ne peut s’empêcher de téléphoner tous les jours à ses parents, malgré le fait que ces derniers se montrent très critiques à son égard. Nina rapporte aussi une grande différence de traitement entre elle et ses deux petites sœurs, dont l’une souffre d’épilepsie, l’autre de sclérose en plaque. A sa famille, elle cache sa maladie (endométriose) et la PMA. L’agression du cousin fait l’objet d’un déni dans la famille. La tricotillomanie chez Nina est toujours présente.
64La thérapeute propose le plan de traitement suivant, que Nina accepte volontiers : commencer par les souvenirs d’attouchements, vécus à 6 ans, car ceux-ci sont supposés constituer le socle traumatique. Ensuite seront abordés les questions d’intimité, puis la PMA. En phase 2 la stabilisation se fait rapidement en installant un exercice de confinement, le contenant [7] et un exercice d’auto-apaisement, le lieu sûr. Cette première séance se termine sur une tâche d’écrire une lettre au cousin, comme s’il pouvait tout entendre, tout comprendre, même si dans la réalité, ce n’est pas vrai.
65A la seconde séance, Nina se montre stable et motivée par son travail thérapeutique. La lettre est abordée avec des stimulations bilatérales à travers le protocole de la lettre (Dellucci, 2009b ; Dellucci, sous presse). Le processus de retraitement se déroule en douceur.
66A la séance suivante, Nina rapporte avoir été perturbée après la séance, mais elle a réussi à se restabiliser avec le lieu sûr. Elle indique des « accès de paranoïa » étant donné une période anniversaire de l’infidélité de son mari 8 ans auparavant. Nina souhaite avancer par rapport à son cousin et le travail EMDR sur la lettre continue. En fin de séance, lors de la synthèse, Nina fait le lien entre son infertilité et l’agression sexuelle vécue dans son enfance, mais elle ne fait pas le lien entre son impossibilité d’avoir des relations sexuelles abouties et son infertilité. La thérapeute suspecte un processus dissociatif à l’œuvre, fait sans doute d’amnésie, en tout cas d’évitement. La consigne donnée à Nina est de parler du contenu de cette séance avec Thierry.
67A la quatrième séance, Nina indique avoir été moins perturbée. Elle a pu parler de sa séance avec son mari, et entrevoit l’utilité de révéler les attouchements à sa famille, tout en indiquant qu’elle ne peut aborder le sujet avec ses parents, de peur de leur causer des soucis. La thérapeute saisit l’occasion pour aborder la notion de parentification. Emerge alors un épisode où, enfant, elle avait évoqué les faits d’attouchement à sa mère, qui avait réagi en culpabilisant Nina. Par la suite elle s’est tue. Nina comprend qu’elle a soutenu à sa façon ses parents souffrant des suites de l’immigration forcée et des difficultés familiales qui s’en sont suivies. Elle indique qu’aujourd’hui encore, elle n’a pas pu parler de son parcours du combattant sur le plan médical (endométriose, PMA), prenant sur elle, tout en s’épuisant à faire pour les parents ce que ces derniers ne se sentent pas en mesure d’assumer : elle organise le déménagement de la famille et assume une grande partie des travaux dans le nouvel appartement.
68Deux semaines plus tard, Nina, épuisée après avoir déménagé ses parents, se plaint du fait que ces derniers, très en demande d’aide, sont difficiles à satisfaire. Par ailleurs, elle décrit son appréhension devant un examen médical à venir. La thérapeute lui propose un travail en EMDR sur cette appréhension, ce que Nina accepte. Le travail sur la relation avec le cousin est mis entre parenthèses, c’est-à-dire dans le contenant. L’appréhension est complètement retraitée par un protocole EMDR standard. En fin de séance, la thérapeute lui enseigne des outils de stabilisation supplémentaires (la cohérence cardiaque, les auto-stimulations bilatérales) qu’elle pourra faire pendant l’examen, ce qui la sécurise. Lors de la synthèse, Nina exprime qu’elle commence à ne plus être d’accord pour assumer son rôle dans la parentification.
69A la sixième séance, Nina rapporte que son examen médical s’est bien passé. Elle a pu rester sereine. Elle souhaite travailler en EMDR pour préparer une FIV à venir car elle craint un mauvais réveil après l’anesthésie. A cette occasion, Nina évoque le souvenir d’un examen difficile dans le passé, où il y a eu un accident d’anesthésie. Ce dernier est abordé avec un protocole EMDR standard complet.
70Lors de la séance suivante, Nina indique que la FIV est ratée, et qu’il y a eu un nouvel incident d’anesthésie. Son médecin, inquiet, hésite à programmer les FIV suivantes. A cette séance, Nina se plaint d’être sollicitée par ses parents, auxquels elle donne l’information qu’elle est malade. Ses parents ne se montrent pas soutenants. Nina n’a jamais pu évoquer les démarches de PMA avec sa famille. La thérapeute fait un débriefing des derniers événements, avec la centration sur les besoins de Nina qui arrive à la synthèse suivante : « Il faut que je m’occupe de moi maintenant. Il faudrait que je me fasse passer avant mes parents, et les voir un peu moins. »
71Nina et Thierry ont le projet de partir en vacances, une activité particulièrement ressourçante.
72La huitième séance est consacrée à discuter des relations familiales. Nina apparaît reposée après avoir pris des vacances. Elle indique avoir pris de la distance par rapport à sa famille, même si cela l’amène à se culpabiliser. Nina se rend compte qu’une de ses sœurs tient à elle. La discussion porte sur une explication phénoménologique des relations constructives et non-constructives, ce qui amène Nina à faire le diagnostic que les relations avec ses parents ne sont pas constructives.
73Deux semaines plus tard, Nina rapporte qu’elle continue de garder ses distances avec ses parents, auxquels elle ne rend plus que des visites hebdomadaires, indiquant qu’elle arrive mieux à se protéger et observe que sa famille semble moins dysfonctionnelle en présence de Thierry. Devant le constat de ce changement qui se maintient, Nina indique que ses priorités ont changé. Elle rapporte aussi une observation de Thierry : elle a arrêté de s’arracher des plaques de cheveux. L’état de stabilité pousse la thérapeute à proposer la continuité du travail de désensibilisation. La lettre au cousin, restée en suspens est reprise en EMDR. Lors du processus émerge un Etat du Moi d’une petite fille de 6 ans, dont Nina arrive à prendre soin mentalement. Le processus de retraitement se déroule avec souplesse. Il n’y a pas d’évitement. En fin de séance, Nina fait la synthèse suivante : « c’est moi la victime. Je suis responsable de moi-même aujourd’hui ».
74Lors de la 10ième séance, Nina rapporte avoir révélé les attouchements à sa mère qui semble entendre, tout en lui demandant d’assister à une réunion familiale à laquelle le cousin a été convié. La mère de Nina lui dit qu’elle la croit à propos des attouchements, qu’elle en a parlé au père, et lui raconte que ce cousin a séjourné deux mois dans la famille, et qu’elle avait des doutes le concernant. Nina se dit positivement surprise d’avoir été entendue, mais montre des réactions physiques et des flashback suite à la révélation de sa mère. Ces éléments sont désensibilisés à l’aide d’un protocole EMDR sans cognitions. Le corps de Nina s’apaise, les images intrusives cessent. Cependant, elle se dit triste devant le fait que les parents ne souhaitent pas aborder le sujet avec les parents du cousin, de passage en France. La thérapeute donne les coordonnées d’une association d’aide aux victimes à la patiente, dans le but qu’elle soit entendue en tant que victime, et qu’elle puisse explorer de possibles pistes juridiques en vue d’agir face au cousin qui vit dans la même ville qu’elle et qui pourrait avoir fait d’autres victimes.
75Deux semaines plus tard, lors de la 11ème séance, Nina ressent de la colère à l’égard de sa mère qui y réagit très négativement. Nina décide de révéler les agressions à sa tante qui l’entend et accepte son souhait de ne pas voir son cousin. Elle se souvient avoir commencé sa tricotillomanie au moment où sa jeune sœur faisait des crises d’épilepsie.
76Une évaluation de la thérapie permet de mettre en exergue de nombreux changements. Nina se dit moins stressée, son sommeil s’améliore. Il reste difficile pour elle d’assumer la distance par rapport à sa famille car cela suscite de la culpabilité que Nina gère mal. Le bilan FIV est difficile. Le couple a décidé de mettre ce projet entre parenthèses.
77Deux semaines plus tard, Nina rapporte que les distances avec les parents se maintiennent. Elle arrive mieux à se protéger mais cela lui coûte : le sentiment de culpabilité ne s’apaise pas, Nina indique qu’elle a l’impression d’abandonner ses parents. Faisant l’hypothèse que la tolérance à l’affect semble limitée pour cette émotion, la thérapeute invite Nina à un travail EMDR sans cognitions sur ce circuit émotionnel. Cette séance se termine par la synthèse : « ce n’est pas de ma faute » et Nina repart apaisée.
78A la séance suivante, Nina rapporte être moins polluée par le sentiment de culpabilité, et ajoute que les relations sont devenues plus distantes et plus courtoises avec ses parents et ceux de son cousin. Nina indique aussi mieux connaître son corps et décide d’arrêter des médications prises depuis 5 ans dans le but de prévenir un nouvel accès d’endométriose. Elle souhaite avancer sur le plan de l’intimité. La thérapeute lui propose d’aborder cette question avec Thierry, étant donné que la sexualité est une affaire de couple. Pour l’heure, en séance individuelle, Nina se plaint d’un sentiment de vulnérabilité qu’elle ressent dans son travail. Sa pire crainte est abordée par le biais d’un protocole EMDR standard. En phase 3, la pire image qu’évoque Nina : « moi qui pète un plomb et qui fonds en larmes devant mes collègues ». La cognition négative en rapport avec cette situation est « je suis faible », la cognition positive : « je suis épanouie, tranquillement », mais sur l’échelle de validité entre 1 (c’est faux) et 7 (c’est tout à fait vrai) celle-ci est ressentie peu crédible. Nina lui donne une valeur de 3. L’émotion associée est un sentiment de gâchis, des doutes. Le niveau de perturbation est élevé, à 8, et celle-ci est ressentie au milieu du torse. Lors de la désensibilisation en phase 4, émerge un souvenir précédemment sous amnésie : le viol du cousin sur sa petite sœur de 4 ans, qui crie, le cousin tente de l’étouffer avec un coussin, Nina s’interpose et le cousin la viole aussi. Cette séance est éprouvante, mais le processus de désensibilisation avance bien. En fin de séance, ce souvenir fait l’objet d’une clôture de séance incomplète. Nina est invitée à confiner tout ce qui n’a pas encore été traité dans son contenant, et faire un tour dans son lieu sûr. L’Etat du Moi d’une petite fille est confiée à une figure symbolique sous forme d’une fée blonde. Nina repart de cette séance fatiguée mais apaisée.
79Deux semaines plus tard, Nina rapporte avoir craint d’être beaucoup plus affectée qu’elle ne l’a été réellement. Elle décrit avoir été calme. Elle a parlé de la séance à son mari, lui a exprimé son besoin de soutien, ce qu’elle a obtenu. Dans l’entre-deux séances, Nina rapporte avoir eu quelques visions fugaces, sans conséquences. Elle dit se sentir plus forte et que son sentiment de vulnérabilité évolue : elle prend soin d’elle en évitant les collègues qu’elle n’a pas envie de voir, et elle indique avoir pu prendre des mesures concrètes à l’égard d’un collègue qui avait multiplié des remarques et des blagues racistes à son encontre, et ce depuis 6 ans. Lorsque la thérapeute lui demande comment concrètement elle a réussi à mettre en œuvre un tel changement, Nina indique qu’elle sent avoir plus d’acuité pour ce qui la dérange, « Avant j’encaissais, j’étais moins sensible. Mais là, je me rends compte que ce collègue est vraiment vicieux, il n’arrêtera pas. » Par la suite, le réajustement face à la famille d’origine se maintient et semble maintenant accepté par tous. Après avoir terminé la lettre au cousin, cette problématique parait résolue. Nina souhaite maintenant aborder les questions d’intimité et de procréation assistée. La thérapeute évoque que ces thèmes concernent le couple et propose à Nina d’inviter Thierry dans l’espace thérapeutique et de continuer à travailler en couple, ce qu’elle accepte avec soulagement. Nina termine cette séance en exprimant son souhait de tomber enceinte sans FIV.
80La première séance avec le couple fait l’objet d’un bilan, incluant une description succincte du travail fait jusque-là, et une exploration des observations de Nina, mais surtout de celles Thierry. Thierry rejoint Nina pour les objectifs 2 et 3. Les outils de stabilisation sont installés pour Thierry et révisés pour Nina. La thérapeute explique le déroulement du travail EMDR avec le couple : si l’un des deux conjoints est porteur d’une activation physiologique/émotionnelle concernant un événement, alors le travail en EMDR se concentrera sur cette personne, tandis que le conjoint qui ne porte pas cette activation, a un rôle de soutien en tant que co-thérapeute. Si les deux conjoints montrent une activation émotionnelle, alors le travail en EMDR se fera avec les deux simultanément. Nina et Thierry acceptent ce cadre et semblent motivés. Le plan de travail se concentre dans un premier temps sur les événements ayant marqué la maladie de Nina (une endométriose) et la PMA.
81Lors de la séance suivante, Nina est partante pour travailler sur le souvenir d’un examen médical au cours duquel elle rapporte avoir été maltraitée. Thierry se montre compréhensif envers sa femme, mais précise que lui n’a pas souffert de cet examen, sauf de savoir que cela a été difficile pour Nina. La séance EMDR se déroule avec un protocole standard : Image : les remarques dévalorisantes du radiologue ; Cognition négative : je suis anormale ; Cognition positive : je peux être entendue ; VoC :2 ; Emotion : colère, angoisse ; SUD : 10 ; Localisation dans le corps : le ventre.
82Thierry soutient activement Nina : il approche son siège du sien, et pose une main dans son dos, ce qui semble faire du bien à Nina. Cette séance EMDR est achevée en 20 minutes et se déroule avec une facilité surprenante. Tous sont surpris devant la rapidité avec laquelle un événement au vécu aussi vif devient neutre. Il ne leur semble même plus d’actualité de l’évoquer, alors qu’auparavant, il prenait toute la place. Thierry indique qu’il a ressenti à quel point cela avait été difficile pour Nina, bien davantage que ce qu’il avait pensé.
83A la séance suivante, l’événement travaillé auparavant reste neutre. Nina et Thierry souhaitent continuer le travail EMDR et souhaitent cibler le thème de la PMA : tous deux ont un mauvais souvenir, différent certes, mais très chargé pour chacun. Un protocole standard est mis en œuvre parallèlement pour les deux. Comme dans la séance précédente, ce travail se termine sur un retraitement complet avec une rapidité et une facilité surprenantes.
84Lors de la 4ème séance de couple, Nina rapporte avoir commencé de la gymnastique et un régime, et qu’elle réussit à perdre du poids aisément. Le couple indique avec pudeur qu’ils avancent vers leur but d’avoir des relations sexuelles abouties. Nina semble avoir de grandes attentes envers Thierry. Outre les coordonnées d’un sexologue, plus spécialisé pour cette question, la thérapeute donne quelques explications sur le développement de la sexualité chez l’enfant, l’adolescent, que lorsqu’il y a trauma, ce développement est arrêté, et que ce dernier reprend dès que le blocage traumatique est levé. Cela implique, en dehors des tentatives de couple, une responsabilité dans le cheminement personnel de la découverte de son corps et de l’autosexualité, ce qui ne peut pas être porté par le partenaire. Nina semble très intéressée par ces explications, indique qu’elle comprend, mais qu’elle a besoin de temps. La séance suivante est programmée deux mois plus tard.
85Lors de la dernière séance, Nina rapporte avoir perdu beaucoup de poids (7 kg), elle semble rayonnante. Thierry indique qu’il est heureux et qu’ils vont bien tous les deux. Le couple évoque cheminer dans leur intimité, sans donner plus de précisions. Ils ont décidé de ne pas aller voir de sexologue, de se donner du temps, mais qu’ils souhaitent avoir des enfants sans PMA. La thérapie se termine ici.
Discussion
86Si nous faisons la synthèse de cette thérapie décrite minutieusement, il en émerge trois étapes : la première demande est faite pour le couple et concerne une crise déclenchée par une infidélité. Au cours du processus émerge un ESPT chez Nina, sans doute majoré par sa culture, mais surtout par son passé, qui faisait que le travail de couple habituel n’était pas suffisant pour s’apaiser et aller de l’avant. A cette époque, nous ne savions rien du passé traumatique de Nina. Ce sont les observations que Thierry a pu faire, en dehors de la présence de sa femme, qui nous ont permis de faire l’hypothèse d’un trauma complexe. Le travail en EMDR de Nina a été concluant, même si cette dernière a clairement indiqué une limite à toute invitation d’aller plus loin dans la thérapie. Le couple semble avoir retrouvé son homéostasie, et il nous a été impossible d’aller au delà de ce premier objectif, même si cela aurait été justifié. Nous avons été guidés par l’apaisement de Nina, ainsi que les relations constructives de l’un avec l’autre. Nous avons appris lors de cette première étape que c’est bel et bien le/les patient/s qui décide/nt. La thérapie s’arrête sur l’atteinte de l’objectif du couple qui avait été de sortir de la crise consécutive à l’infidélité de Thierry.
87C’est ce respect pour sa demande que Nina met en avant, outre l’efficacité de l’EMDR, lorsqu’elle revient 8 ans plus tard pour la seconde étape. Il a fallu le temps de ce cheminement pour que la thérapie soit vue comme moins pire que de continuer avec les symptômes présents. Etant donné que la seconde demande concerne d’abord le passé de Nina, que celle-ci porte les symptômes et qu’elle dit en souffrir, ces trois éléments se concentrant sur une seule personne suffisent à rendre pertinent un suivi individuel (Neuburger, 2003).
88Suivant l’hypothèse d’un trauma complexe, éclairé par l’anamnèse de Nina, tant individuelle que familiale, la thérapeute a choisi de travailler d’abord sur la dimension relationnelle de la blessure (Dellucci, 2009b ; Dellucci, sous presse), ayant pour but d’assainir les relations d’attachement, avant d’aborder la dimension individuelle du trauma. La relation d’attachement une fois restaurée facilite en général le retraitement par la suite et prévient les blocages dus à l’activation d’un trop grand nombre de blessures à la fois. A travers le travail sur la relation à son cousin, Nina a entamé une démarche d’individuation par rapport à sa famille d’origine. Ce changement passe par une crise familiale, dans laquelle les parents semblent avoir des difficultés, autant que Nina, pour le pérenniser.
89Le souvenir de l’agression sexuelle ne portait que sur des attouchements. Le viol, qui émerge au cours d’une désensibilisation, était complètement sous amnésie. La levée de celle-ci se fait à partir d’une situation concernant le travail, abusive certes, mais qui n’est exprimée que de manière vague sous forme d’un sentiment de vulnérabilité. Nous pouvons dès lors faire l’hypothèse que ce souvenir a émergé au moment où Nina a été en mesure de le retraiter.
90En psychotraumatologie, nous choisissons d’appliquer le protocole EMDR standard chaque fois que nous en avons la possibilité. Face à des traumatisations complexes et chroniques, nous avons appris qu’il était important de suivre le choix du patient, tout en restant dans une cohérence par rapport au plan de traitement négocié auparavant. Néanmoins, ni le thérapeute, ni le patient, ne peuvent prévoir ce qui va émerger au cours de ce périple : des craintes ou des émotions prenant toute la place, des déclencheurs devenant sensibles, des souvenirs oubliés. Nous pensons que ceux-ci doivent être entendus au moment où ils émergent. Dans le cas contraire le travail de retraitement risque de perdre en efficacité, la relation thérapeutique peut en souffrir, cela pouvant aller jusqu’au blocage. Chez Nina, les appréhensions ayant émergé concernaient des examens médicaux, et une fragilité ressentie au travail. Ceux-ci ont donné lieu à des retraitements efficaces. Dans le dernier cas, Nina a pu avoir accès à un souvenir sous amnésie, néanmoins en lien avec une situation d’agression de son intimité. Lorsque le sentiment de culpabilité devenait prépondérant, de façon à s’inviter régulièrement dans le discours de Nina, et ne régressant pas au cours des prises de conscience, nous l’avons également abordé en EMDR. Nous avons ainsi pu constater, au cours du travail, que ce à quoi Nina se donnait accès, elle pouvait l’intégrer : à aucun moment le processus de retraitement ne s’est bloqué, des changements ont pu être constatés à chaque séance.
91Lorsque le travail a continué sur des thématiques d’intimité et de procréation assistée, la thérapeute a fait le choix de proposer un dispositif de couple, ouvrant ainsi vers la troisième étape. Ces thèmes, s’ils avaient été abordés en thérapie individuelle, auraient renforcé Nina dans la nécessité de prendre sur elle ce qui appartient au couple, la désignant ainsi en plus des traumatisations subies. Thierry a été très volontaire pour rejoindre sa femme dans cette démarche. Ainsi, dans ce dispositif qui est resté bref, le couple a pu s’affranchir avec une rapidité et une facilité déconcertantes d’événements douloureux qui semblaient les bloquer dans le cheminement vers une sexualité aboutie. L’efficacité de ce travail a été facilitée par des relations constructives et soutenantes, et par l’absence de crise.
92Un thérapeute systémique pourrait se questionner sur l’absence d’une thérapie de famille, puisque la souffrance collective était bien présente au sein des relations enchevêtrées. Au vu de la parentification dont Nina faisait l’objet, on pourrait faire l’hypothèse que les uns et les autres n’étaient pas à leur place, autant dans les relations parents-enfants, que dans la fratrie. Nous avons choisi de suivre Nina dans sa demande individuelle. D’une part, sa famille ne connaissait ni l’agression, ni les démarches PMA du couple. La thématique de la sexualité appartient au couple, pas à la famille d’origine. Nina étant dans une démarche d’individuation, nous avons préféré œuvrer pour renforcer ses frontières individuelles.
93D’autre part, les relations familiales ne nous semblaient pas constructives. Ni les demandes des parents, ni la parentification de Nina ne lui permettaient de prendre soin d’elle efficacement. Les limites ont été génératrices de crises. Néanmoins, Nina a avancé dans son travail familial qui a été contextualisé à chaque séance.
94Nous pourrions aussi nous demander pourquoi ne pas avoir continué en thérapie de couple classiquement ? Essayer de comprendre le rôle d’une sexualité non encore aboutie après tant d’années. Nous savons que si une perturbation physiologique/émotionnelle passe au dessus de 5 sur une échelle entre 0 (aucune perturbation) et 10 (le plus haut niveau de perturbation), le contenu, aussi pertinent soit-il, n’est plus entendu. Ce qui est communiqué c’est l’émotion, l’impuissance face à cette réaction aussi intempestive, conduisant rapidement à la supposition que l’autre a un caractère impossible dont il va falloir s’accommoder ou qui mènerait à nourrir des projets pour mettre fin à cette relation ou s’en distancier pour se protéger. La thérapie EMDR permet de reconnaître et recadrer les événements traumatiques comme des blessures, suscitant des réactions de survie de l’organisme, et propose une démarche pragmatique et reconnue pour les transformer en des expériences d’apprentissage comme les autres, ainsi qu’à une meilleure capacité d’empathie à l’égard de soi-même et d’autrui. Laisser de fortes charges émotionnelles circuler dans une famille ou un couple équivaudrait dans notre lecture à un risque de retraumatisation, ce qui est ni souhaitable, ni nécessaire pour générer des changements plus adaptés. Dès que l’opportunité se présente, nous préférons dès lors adjoindre un dispositif EMDR, et une fois les réactions corporelles normalisées, le patient, le couple, la famille sont dans de meilleures dispositions pour la suite de leur travail thérapeutique. Ainsi, entre les démarches de désensibilisation et de retraitement, Nina n’a jamais cessé son cheminement thérapeutique, ni pendant la séance avec la thérapeute, ni dans l’entre-deux, dans son contexte. Ce qui nous semble intéressant de souligner est le fait que tout traumatisme retraité le reste, et ce de manière robuste. Outre l’espoir qu’une telle démarche suscite, nous avons constaté que le travail thérapeutique par ailleurs est facilité.
95Une dernière question serait de se demander s’il aurait fallu creuser davantage dans l’histoire de Thierry. Nous pourrions penser que Thierry, timide, observateur, aurait pu se cacher volontiers derrière les symptômes de Nina. Nous nous en sommes tenus aux symptômes et demandes présentés. Si cela n’avait pas été suffisant, au vu de la confiance que nous témoignait le couple et leur motivation d’aller de l’avant, une demande aurait émergé, nous invitant à poursuivre cette piste.
Conclusion
96Après cet aperçu de la thérapie EMDR et de la description concrète de son insertion dans une thérapie de couple, nous espérons avoir montré comment les thérapies systémiques ou autres peuvent s’enrichir d’un dispositif EMDR. La robustesse des résultats et la rapidité du retraitement donnent de la puissance au travail thérapeutique, rendant les traumatismes encore inguérissables à l’époque de nos grand parents, facilement abordables avec les moyens et la compréhension dont nous disposons aujourd’hui. Réactiver ainsi les capacités d’auto-guérison des personnes que nous suivons et les accompagner dans leur cheminement vers des changements et des choix plus adaptés n’entrave en rien le travail thérapeutique par ailleurs, au contraire.
97Néanmoins, quel que soit le protocole que nous choisissons, nous sommes convaincus de l’importance de l’attitude centrée compétences (Dellucci & Wolf, 2011), en accord avec Snyder & Stukas (1999), qui indiquent que la manière dont nous regardons la personne modifie la séquence communicationnelle et ainsi la relation. Cette recherche est cohérente avec ce que nous savons des approches corporelles et traditionnelles, comme l’haptonomie, concernant l’importance de l’intention pour guider notre pratique. L’approche centrée compétences, dans son attitude et son intention, utilisée comme métamodèle, et l’EMDR comme méthode d’intervention, pourraient ainsi se rapprocher des enseignements bouddhistes et humanistes, dont le but premier est de réduire la souffrance des personnes, de façon à ce qu’ils puissent se développer librement, en accord avec leurs valeurs existentielles et leurs choix de vie.
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Mots-clés éditeurs : EMDR, thérapie de couple, ESPT, trauma complexe
Date de mise en ligne : 18/12/2015
https://doi.org/10.3917/ctf.055.0059Notes
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[1]
Psychologue, thérapeute familiale, praticienne et superviseur EMDR Europe. Unité de recherche APEMAC UE 4360, Approches Psychologiques et Epidémiologiques des Maladies Chroniques, Equipe Psychologie de la Santé, Université de Lorraine, Centre Pierre Janet.
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[2]
Professeur des Universités, Unité de recherche APEMAC UE 4360, Approches Psychologiques et Epidémiologiques des Maladies Chroniques, Equipe Psychologie de la Santé, Université de Lorraine, Centre Pierre Janet, praticien et superviseur EMDR Europe.
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[3]
Technique développée par Wolpe, notamment utilisée dans le cadre de stratégies de résolution de l’anxiété, du trac, etc. La première étape est l’apprentissage par le patient d’une technique de relaxation (Shultz, Jacobson, sophrologie etc.), la deuxième étape consiste pour le patient à réaliser une hiérarchisation des situations problèmes à régler, par exemple la peur de paraître en public, cette hiérarchie se fait selon le degré d’anxiété du patient. Ensuite, le patient va imaginer étape après étape l’objet de sa crainte, alors qu’il est dans un état de relaxation. Le thérapeute va en général associer des techniques cognitives à ce travail. Dans un second temps, le patient, en présence ou non du thérapeute, pourra aborder (toujours en respectant la progressivité de l’exposition) la situation problème dans sa réalité. Il est important que le patient, à chaque étape, ait obtenu une bonne maîtrise de son anxiété avant de passer à un degré supérieur de la hiérarchie. Il s’agit là de l’application de l’inhibition réciproque, le fait d’être relaxé, détendu, en maîtrise de la situation inhibe les réactions d’anxiété.
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[4]
Malgré le fait que l’EMDR ait été découvert et nommé en faisant référence aux mouvements oculaires, et même si ceux-ci restent privilégiés dans cette approche, toute autre forme de stimulation bilatérale peut être utile : des stimulations tactiles, faites par la personne elle-même ou par le thérapeute, sur les genoux, les mains, les épaules, des stimulations auditives. Le plus important est qu’elles se fassent de manière alternée des deux côtés du corps, par opposition aux mouvements simultanés. Le terme générique utilisé est SBA (stimulations bilatérales alternées).
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[5]
Sur une échelle entre 1 (lorsque la thérapie a débuté) et 10 (lorsque la personne aura suffisamment avancé pour ne plus avoir besoin de venir en thérapie), où la personne se situe-t-elle aujourd’hui ? La réponse intuitive est toujours considérée juste. La personne est ensuite invitée à décrire ce qui, dans sa vie, correspond au chiffre choisi.
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[6]
Etat de Stress Post-traumatique.
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[7]
Ce procédé, développé en hypnothérapie par Kluft (1998), consiste à mettre toute mémoire traumatique du passé, tout contenu difficile du présent et toute peur éventuelle du futur dans un contenant imaginé concrètement. Cet exercice fait alliance avec la tendance à l’évitement de la personne, et permet de lui laisser la décision du moment d’exposition tout en lui donnant l’assurance que les choses évolueront à son rythme. Par ailleurs, cet outil va permettre un travail fractionné sur les mémoires du passé, si cela s’avère nécessaire.