Notes
-
[1]
Texte revu et corrigé par Christine Vander Borght et Édith Goldbeter.
-
[2]
Psychothérapeute et directeur de l’Istituto EMMECI de Turin.
Le thérapeute comme outil
1Faut-il encore s’étonner que Carl Rogers, placé au sommet du « top ten » des psychothérapeutes par le psychotherapy networker, présente la relation empathique comme la première condition d’un travail possible entre le thérapeute et son client (Rogers, 1971) ? En effet, des recherches récentes sur la validité de la psychothérapie soulignent que, outre la motivation et la résilience qui relèvent des changements spontanés des clients (40 %), le second facteur d’efficacité est lié à la relation thérapeute/patient (30 %), celle-ci s’avérant étroitement dépendante de la personne même du thérapeute (Lévesque, 2011).
2L’instrument par excellence du psychothérapeute est sa propre personne. Je mesure combien cette déclaration est très éloignée des objectifs du groupe de Palo Alto (Watzlawick, 1974), à la recherche d’outils et de techniques utilisables par n’importe quel professionnel et reproductible dans des situations similaires. Le point focal de la professionnalité du psychothérapeute devient la célèbre boîte noire.
3Pendant les 20 dernières années, le but principal de mon travail professionnel a été centré sur la formation des jeunes collègues ; il serait encore plus correct de dire des « jeunes femmes collègues » qui se préparaient à l’exercice de la psychothérapie systémico-relationnelle.
4Au cours des années, l’accent sur la personne du thérapeute comme « outil professionnel » s’est progressivement amplifié jusqu’à créer un système de formation isomorphe à la thérapie, la formation individuelle, la supervision et la formation du groupe. Une bonne formation réussit dans la mesure où ces quatre réalités (la famille/client, le thérapeute, le superviseur, le groupe), interagissent en se modifiant les unes les autres dans un circuit « vertueux ». Dans notre Institut, au cours des trois phases de la formation (4 ans au total), la deuxième phase, celle de la supervision directe, est celle dans laquelle cette interaction entre les quatre réalités s’intensifie : le thérapeute/stagiaire entrant dans le système de la famille, le déstabilise et le modifie ; à son tour la famille réveille chez le thérapeute stagiaire de vives résonances qui peuvent déstabiliser le récit de sa propre histoire familiale (Elkaïm, 2004 ; Goldbeter, 2005). Le superviseur interagit avec le stagiaire et le tout prend l’allure d’une danse. Cette danse implique non seulement la famille, mais aussi le groupe qui vibre derrière le miroir, et résonne comme un esprit collectif, une sorte de mémoire extra cérébrale, qui renvoie à des vécus divers en référence à des histoires différentes. Ce système implique directement le superviseur qui est constamment aux prises avec sa propre histoire et avec celle des collègues plus jeunes, ce qui lui évite la chronicisation du « déjà vu » et le protège du burn-out, quand plus rien ne se passe, ou presque, en le sollicitant à la narration de nouvelles histoires à l’instar du jeu mélodique du Boléro de Ravel. Il arrive que le même groupe puisse venir rejoindre la famille et le superviseur dans une farandole dans laquelle la thérapie, la formation, la supervision s’entrelacent avec continuité dans un processus générateur. Selon moi, la psychothérapie est un processus générateur tel qu’il a été décrit par Maturana et Varela (Maturana, 1988). C’est de cette façon que je préfère travailler pour former l’outil « personne-du-thérapeute ».
5De manière plus analytique, je pourrais diviser le processus en quatre étapes :
- Déconstruire, à savoir « décoiffer » les stagiaires psychothérapeutes. On entend par là les rendre plus flexibles, prêts à se confronter aux stress de la souffrance et à accueillir de nouvelles réalités différentes.
- S’exercer dans la pratique et le perfectionnement pour atteindre la maîtrise parfaite des langages et des stratégies de la psychothérapie. Ils découvrent ainsi que leur propre histoire peut être racontée d’une manière nouvelle. L’histoire personnelle n’est pas vraie ou fausse, ou devant être définitivement scellée, mais elle devient vraie en se racontant au présent.
- Prendre de conscience des changements que le thérapeute produit à l’aide de son propre style dans les systèmes (familles, couples, personnes) demandeurs de l’aide ou de soutien.
- S’envoler. Devenir soi-même le conducteur de la danse.
6Comment cela peut-il se produire ?
7A. Au départ les formateurs vont à la rencontre du groupe des stagiaires en exploitant deux actions simultanées :
8– La mise en cause des certitudes. Il doit y avoir de la place en la personne du thérapeute pour accueillir les futures demandes d’aides de ceux qui viennent nous rencontrer. Les certitudes rendent l’autre inaccessible et figent le thérapeute. Pour pouvoir accueillir, il faut être perméable et curieux. Le formateur vient vers le stagiaire pour attendrir sa carapace défensive externe qui le rend monadique ; de cette manière, il rend possible le processus d’échange entre le monde du thérapeute et celui des personnes qui se tournent vers lui. La métaphore de « gâcher les cheveux » prend cette signification : mettre dans le placard le mannequin et faire démarrer le processus de changement ou, mieux encore, l’ouverture au changement. La formation se fait au sein du système formateurs/stagiaires. Elle n’implique pas seulement les étudiants en formation, mais aussi les formateurs.
9– La narration de leur histoire. Puisque l’histoire personnelle ne peut être que ce qui se raconte au moment présent, la formation permet au stagiaire de construire un nouveau récit de lui-même, ou tout au moins de jeter les bases de ce récit qui se poursuivra pendant toute sa vie professionnelle. Dans le même temps, les formateurs eux-mêmes ne peuvent être trop « remplis » ou déjà fossilisés ; le contact de jeunes professionnels leur permet de se revitaliser grâce aux feed-back constants qu’ils reçoivent. La relation entre les formateurs et les thérapeutes stagiaires lors de la première phase de la formation met en mouvement le « Boléro de la formation » avant de monter sur scène avec les familles, les couples, les individus qui viennent demander de l’aide. Le superviseur donne le rythme avec divers instruments musicaux qui reproduisent la mélodie dans ses diverses nuances, en harmonie avec les solistes et l’orchestre, pour enfin, en crescendo, ajouter les voix du choeur comme dans certaines orchestrations prestigieuses (les familles exactement). Chaque changement est le résultat de la co-évolution entre les personnes qui interagissent. L’interaction au sein du système thérapeutique commence à partir de la co-évolution entre les formateurs et les stagiaires.
10En quoi consiste, pendant la première année de formation, la préparation de l’outil par excellence, à savoir la personne du thérapeute ? Principalement au moyen de la participation des collègues de formation et des formateurs qui entrent dans le récit de la famille d’origine des stagiaires (grâce à l’utilisation du génogramme, cf. Montagano, 1989 ; McGoldrick, 2008), ce qui permet d’initier une évolution dans l’histoire du stagiaire concerné, à travers des résonances et des recadrages. Le formateur, lui-même, est renvoyé à son histoire et aux résonances qui en résultent. Sans ce processus de résonance, la relation dynamique qui produit un changement ne peut pas s’instaurer. Ce travail de formation à la relation peut être comparé à ce qui se développe entre deux danseurs de tango : il y a un « conducador » qui donne le rythme, et il y a la réponse active du partenaire. Ceci se produit non seulement par l’exercice, lequel est indispensable, mais en même temps, l’exercice est le tango lui-même et donc il est producteur de changement. Chaque rencontre avec un nouveau stagiaire ainsi qu’avec un nouveau groupe est différente de la précédente et elle nécessite que les formateurs écoutent leurs résonances et encouragent les vibrations positives. L’entrée dans l’histoire et le récit du stagiaire étudiant est complétée par l’utilisation d’outils thérapeutiques tels que les objets flottants, les « classiques » de Caillé et de Rey (2004), ou d’autres. Ceci permet non seulement la communication verbale, mais développe également la communication analogique et métaphorique, la création d’une juste distance qui bloque les processus de type fusion ou siamois, tout en soulignant une forte valence émotionnelle. Le langage du changement ne peut pas être seulement une connaissance verbale (Watzlawick, 1971) ; il a un grand impact émotionnel tout en restant dans le cadre de la différenciation, ce qui évite le marécage de la masse amorphe indifférenciée. Sans le développement d’un processus empathique entre le superviseur et le thérapeute, aucune formation psychothérapeutique ne peut exister, nous semble-t-il, de la même manière que le processus thérapeutique ne pourra se développer qu’avec l’empathie qui se crée dans l’interaction entre un thérapeute et une famille. En outre, la relation entre le formateur et le thérapeute stagiaire est caractérisée par un autre élément clé de la relation formative : la demande de formation. De même que sans une demande de thérapie, il n’existe aucun réel traitement possible, sans une demande de formation, un psychothérapeute ne pourra se développer. Il est vrai que dans ma perspective, la thérapie peut parfois être vécue comme une sorte de « maltraitance psychologique ». Car de la même manière qu’un viol peut ne pas empêcher l’éclosion d’un génie, pour qu’il y ait « formation-viol » et qu’elle puisse réussir sans provoquer de répercussions négatives sur les demandeurs d’aide qui se trouvent face à un thérapeute ayant été victime d’une telle « maltraitance pédagogique », il faut avoir beaucoup de chance ! Sans doute peut-il arriver qu’un remarquable processus de résilience se développe, mais combien de personnes ne subissent-elles pas des effets post-traumatiques après un viol ? Les formations contraintes à la psychothérapie sont comme les thérapies sous contrainte : si l’on ne parvient pas à instaurer un recadrage qui transforme une participation contrainte en une participation libre, elles ne peuvent pas réussir. Thérapie et formation en psychothérapie ne sont pas du même ordre, mais elles sont isomorphes et, suivant l’enseignement de Bateson, le fait d’être en mesure d’émettre des hypothèses à partir de l’analogie entre deux réalités nous permet de travailler dans un mouvement circulaire.
11B. La deuxième étape de la formation prévoit l’intégration des familles. Le système formatif se complexifie et intègre quatre sous-systèmes : la famille, le thérapeute stagiaire, le groupe en formation et le superviseur. C’est la phase de la supervision directe. Le jeune thérapeute s’investit complètement en se mettant en jeu avec la famille. Cette implication avec la famille devrait être de nature à débloquer la situation. Dans la mesure où le thérapeute devient partie intégrante du système, celui-ci commence à changer ; von Foerster (1981) a très bien décrit ce processus à l’aide d’une célèbre parabole : "Je vais te raconter une histoire. Un mollah est en train chevaucher sur son chameau dans le désert quand il voit trois hommes et des chameaux au loin. Il les rejoint et les salue en leur demandant la raison de leur grande tristesse : « Notre père est mort. » « Ceci est très triste, mais Allah l’a sûrement accepté. Il doit vous avoir laissé quelque chose. » « Il nous a laissé ce qu’il possédait, ces 17 chameaux, et il nous a demandé de les répartir entre nous. Le frère aîné devrait avoir la moitié des chameaux, le second un tiers, et le dernier un neuvième. Nous avons essayé de les diviser entre nous, mais c’est impossible avec 17 chameaux ! » Le prêtre comprend le problème, il ajoute son chameau et il refait la division : la moitié de 18 est égale à 9 ; le tiers vaut 6 et un neuvième de 18 équivaut à 2. L’addition donne la somme de 9+6+2 = 17. Alors, il saute en croupe sur son chameau et s’éloigne, ayant résolu le problème ».
12De son côté, le superviseur interagit à la fois avec le thérapeute et avec la famille, et à la fois à l’entraînement avec le groupe. Cela se déroule selon quatre modalités différentes :
131. Au début, le superviseur est le modèle, il intervient directement dans le cabinet de thérapie. Le stagiaire, vivant son envol professionnel, s’identifie au formateur et se calque sur lui. Le contexte favorise l’activation des « neurones miroirs » et l’apprentissage par imitation. Je me souviens de l’enthousiasme avec lequel, en tant que jeunes thérapeutes, nous préparions des interventions copiant celles de Minuchin, après avoir assisté à ses interventions durant des stages de formation avec lui. Ceci se passait non seulement pour le thérapeute étudiant qui voyait directement la famille avec lui, mais aussi pour l’ensemble du groupe qui se montrait désireux d’utiliser les outils structuraux. Le désir de se développer professionnellement pousse les jeunes professionnels à apprendre par imitation.
142. Ensuite, le superviseur devient un entraîneur. Pour devenir un samouraï, on doit s’entraîner et pratiquer les techniques, acquérir leur maîtrise complète avant de les oublier et d’agir naturellement comme un « maître » samouraï ! Dans cette phase, on apprend surtout à utiliser les outils et les objets qui font partie du répertoire personnel du thérapeute. Le superviseur, pour paraphraser Erickson, est la voix qui va accompagner le professionnel tout au long de sa carrière. Chaque psychothérapeute intègre des références très spécifiques de ses maîtres, de leurs suggestions via l’interphone, de leurs commentaires avant et après la séance de thérapie, y compris de leurs inflexions verbales, postures et manières spécifiques de s’exprimer.
153. Le troisième effet de la supervision directe est celui qui réveille un souvenir d’enfance et d’adolescence : j’ai pris des leçons de piano sans avoir la moindre capacité pour jouer de cet instrument, mais j’ai bien aimé m’y essayer. Je me souviens de l’excitation que je ressentais quand le maître mettait sur le pupitre du piano une partition à jouer à quatre mains. Il s’asseyait à ma gauche, marquait les temps et fournissait des arrangements qui m’enchantaient. En utilisant la métaphore que j’ai mentionnée auparavant, c’est une supervision comme une danse où le formateur et le stagiaire, comme dans un tango, dansent ensemble. Il y a un conducteur, mais l’élève a un rôle actif et créatif. La thérapie commence avec cette danse et s’étend à la famille de façon contagieuse. La thérapie est un processus contagieux qui va et vient entre le formateur, le stagiaire, la famille et le groupe.
164. Les membres du groupe, comme une équipe réfléchissante, reprennent le motif de la thérapie, tel un chœur grec, avec des dramatisations et des témoignages. Pour rester dans la métaphore orchestrale, le superviseur comme est le tambourin qui marque le rythme, le thérapeute est l’instrument soliste, la famille représente la succession des instruments différents, pour enfin en arriver aux cuivres et à l’orchestration la plus complexe donnée par le groupe en formation.
Exemple clinique
17Métaphores mises à part, un exemple clinique permettra de mieux clarifier ces concepts : nous concentrerons notre attention principalement sur la manière dont le thérapeute va pouvoir s’utiliser comme outil. Avant de commencer l’exposé, il me paraît utile de poser une question à laquelle vous n’êtes pas nécessairement obligés de répondre maintenant : la psychothérapie est-elle une technique, un art ou un acte éthique ?
18Voici le cas : une jeune stagiaire psychologue, en deuxième année de formation, entrait pour la première fois dans la salle de thérapie. Elle décrivit sa situation et ce que cette thérapie représentait pour elle : « Il s’agissait de ma première séance supervisée en direct ; je la considérais comme un moment important pour moi parce que ce n’était pas seulement une occasion de croissance professionnelle, mais c’était aussi une occasion de croissance personnelle.
19Avant le début de cette thérapie, je me souvenais d’avoir suivi le travail thérapeutique de mes collègues ; je m’étais demandé comment j’aurais pu me débrouiller si j’avais été mise à leur place, et il y avait en moi le désir de commencer et d’oser me montrer en tant que thérapeute tout en craignant en même temps de ne pas être encore prête à le faire. Particulièrement s’il s’agissait d’une nouvelle demande de thérapie. Il était temps que je me propose, et en plein milieu de la deuxième année de formation, je me suis lancée. J’ai commencé une thérapie avec la famille Rosa, ma première prise en charges avec une supervision en direct. »
20Il s’agissait d’un envoi à moitié contraint : la fille adolescente avait participé à des actes d’intimidation à l’école, au détriment d’un garçon handicapé. Les faits saillants avaient été filmés et elle avait mis le film sur You tube. La découverte de l’incident diffusé par la presse et la télévision l’avait rendu public. Les jeunes concernés furent suspendus de l’école et contraints à suivre un programme de réadaptation avant d’être réadmis dans une autre école. En fin de ce programme, ils ont été mis à l’épreuve durant une période de temps et fortement sollicités à se faire aider. C’est à ce moment-là que la famille, composée du père, de la mère et de la fille âgée maintenant de presque dix-huit ans, vient en thérapie. Voici comment la jeune thérapeute décrit en quoi cette thérapie l’a aidée : "En travaillant avec la famille, j’ai souvent constaté des similitudes avec ma vie ; en particulier, la question de quitter la famille et la difficulté d’exprimer ses émotions suscitait en moi des réflexions sur mon histoire personnelle. " Le couple parental se présentait comme plus âgé qu’il ne l’était vraiment. Le mari était sous antidépresseurs et était obsédé par l’idée de porter la poisse. Quiconque s’approchant trop près de lui ou le touchant, risquait d’être victime d’un malheur ou de mourir soudainement. Sa femme, bénévole dans une association qui s’occupait de patients psychiatriques, avait rencontré son mari dans ce contexte. Elle avait une allure modeste, la tête couverte d’un bonnet et vêtue d’une veste assez épaisse alors qu’il faisait beau en cette fin de printemps. Durant de nombreuses séances, elle n’enleva pas son manteau et ne se découvrit pas la tête, jusqu’à ce que le groupe derrière le miroir sans tain suggéra de faire une intervention qui lui permettrait de se sentir plus à l’aise. La jeune fille, au contraire, semblait plus soignée bien qu’elle manifestât un certain malaise. Elle restait boutonnée. Le père se mettait et voulait rester à l’écart, il se mésestimait. Il passait son temps dans la maison de campagne de ses parents. Sa mère était désignée à l’unanimité comme la cause de tous les maux et elle était définie comme le vrai problème de la famille. Les parents avaient tendance à minimiser l’infraction commise par leur fille et sa responsabilité ; ils trouvaient que les instances avaient exagéré les mesures prises. Bientôt la situation apparut bloquée dans la salle de thérapie ; la jeune thérapeute se sentait dans l’impossibilité de changer le climat. Le superviseur entra dans la salle et s’assit à côté du père en lui prenant le bras et en affichant une forme de solidarité masculine : il fit remarquer l’importance pour cette famille d’avoir un père qui soit le chef de famille. Il se créa alors une scène tragi-comique : le monsieur déclara qu’il était inquiet pour le superviseur qui l’avait touché et qu’il se demandait quels malheurs pourraient l’atteindre. Puisque maintenant, « l’omelette était faite » – comme on dit chez moi – on aurait pu tout aussi bien continuer à faire preuve d’amabilité. Le formateur, après avoir demandé l’accord de la stagiaire, commença à utiliser une ironie bienveillante. À ce stade, le superviseur est le modèle qui montre comment faire pour modifier le climat dans la salle de thérapie. Il est aussi le modèle que les stagiaires et les familles retiendront le plus longtemps. Des follow-up faits après plusieurs années indiquent que les familles tout comme les stagiaires se souviennent des interventions du superviseur dans les moments clés de la thérapie. Dans le cas présent, le rôle d’entraîneur du superviseur s’est marqué en particulier au moment où la stagiaire se montrait indécise dans ses interventions et avait tendance à introduire des prémisses qui expliquaient à l’avance ce qu’elle allait faire ou dire. Ceci vidait évidemment l’intervention de son pouvoir de changement. Dans de tels cas, l’interphone peut aider le thérapeute à utiliser un langage plus direct, et contribuer à le rendre plus assuré pour gérer le cadre thérapeutique et pour se mouvoir dans le cabinet. Voici comment la thérapeute décrivit cette phase du travail du superviseur : « En me rappelant mon entrée dans la salle de thérapie, je me souviens d’un sentiment de malaise que je pensais être capable de masquer, mais qui envahissait les premiers enregistrements de séances : j’ai constaté mon comportement non-verbal (des changements fréquents de position dans le fauteuil, je gesticulais trop). La gêne ressentie était principalement due à la pensée de ne pas être « à la hauteur » et à la crainte du jugement de la famille. Ces sentiments étaient indépendants des personnes en face de moi et avaient leur origine en moi en tant que personne et en tant que thérapeute, par rapport la place que je devais occuper. Le superviseur m’a aidé à surmonter cet obstacle en me donnant confiance en mes capacités, mais aussi à l’aide des interventions qui amélioraient mes capacités aux yeux de la famille. J’ai commencé à avoir la tête plus claire pour réellement "voir" la famille Rosa ; à partir de ce moment-là, les personnes me sont apparues comme des gens simples avec lesquels je me suis sentie à l’aise et en harmonie. Dans la suite des séances, les incertitudes et les craintes initiales qui m’avaient empêchée de me « plonger » pleinement, ont cédé la place à un désir de « rencontrer » de vraies personnes en face de moi. »
21Ce travail s’effectue à la fois avant et après les séances, ou en temps supplémentaire, comme lors de séminaires résidentiels, mais aussi au cours des séances en direct avec un usage prudent de l’interphone.
224. À ce stade, le tango entre le superviseur et le stagiaire peut commencer. Le rapport entre eux ne se limite plus à des instructions ou à des suggestions données par l’un à l’autre, mais l’intervention thérapeutique est jouée en duo ; le thème et le rythme sont proposés par le formateur, mais le thérapeute les adapte de façon créative. En se référant à une autre métaphore musicale souvent utilisée en thérapie familiale, on pourrait dire que le jeune thérapeute commence à reprendre les thèmes proposés sur le mode du jazz. Le superviseur se montre pessimiste et moins confiant dans le changement devant la famille Rosa ; il souligne la difficulté qu’ils ont à mesurer la gravité des faits reprochés, la jeune thérapeute, au contraire, exprime sa confiance envers la famille et sa capacité de changer, et elle cherche à impliquer le superviseur dans cette vision optimiste. Le dialogue thérapeutique s’élargit à trois éléments : le thérapeute, le superviseur derrière le miroir sans tain et la famille. C’est la thérapeute elle-même qui rapporte les opinions du superviseur à la famille, en espérant que cette dernière démente son collègue senior. Elle lance un défi au père : il doit organiser à la maison de campagne où il avait l’habitude de passer beaucoup de temps, un barbecue festif avec des amis de sa fille et en présence de sa femme. Elle veut en fait démystifier sa prétention d’être un porteur de mauvais sort, quelqu’un qui attire les malheurs, particulièrement dans cette maison qui appartient à sa mère, laquelle est perçue par cette famille comme étant à l’origine de tous leurs maux. Par contre, la position du superviseur repose sur le fait qu’en faisant une telle chose, on ne sait prévoir les malheurs qui vont advenir : il pourrait se produire un massacre comme ceux du samedi soir ; la mère de Monsieur pourrait aussi prendre conscience de ce qui s’est passé avec sa petite-fille, etc. La stagiaire propose au père de reprendre à cette occasion son habitude de raconter des blagues, ce qui, auparavant, le distinguait devant ses amis. L’épouse aurait à accueillir les hôtes, vêtue d’une robe traditionnelle locale très colorée, à l’opposé de ses vêtements gris. Ici encore, le superviseur a fait remarquer que Madame n’accepterait jamais de porter une robe aussi futile. La thérapeute a insisté aussi pour que l’épouse se sente non seulement la bienvenue, mais n’aille surtout pas jusqu’à l’arrêt de bus pour vérifier que son mari est bien rentré et n’a eu aucun accident, ni surtout pour se rassurer que le bus n’avait pas de retard, ce qui suscitait de véritables crises d’anxiété. Cette figure de tango a eu un effet important : il y eu d’abord une amélioration des relations entre la belle-mère et la mère ; le mari est venu à la séance suivante avec tout un répertoire de blagues qu’il n’avait plus racontées depuis des années. L’épouse semblait rajeunie d’au moins 10 ans, étant plus jolie et présentant un look plus soigné.
23Une fois sortis de cette impasse, nous nous sommes penchés sur le problème qui constituait le motif principal de la demande d’aide : la reconstitution de l’épisode de l’intimidation. Il était frappant que cette famille, et particulièrement la fille, n’aient manifesté aucune solidarité ni empathie à l’égard de la victime. En fait, l’adolescente a fait remarquer que la victime de l’intimidation avait bénéficié d’un ensemble de privilèges alors que les autres garçons avaient été punis et rejetés malgré qu’ils avaient eux-mêmes besoin de plus d’attention et de respect ; l’élève handicapé avait reçu l’attention de tout le monde, et même plus encore lorsque la presse et la télévision ont diffusé la nouvelle de ce qui s’était passé.
24Il a été décidé de faire une dramatisation de la scène en y impliquant le groupe de formation. Elena, la jeune fille, a œuvré d’abord comme directrice, et ensuite en tant que spectatrice. Après avoir distribué aux acteurs différents rôles d’animaux, elle a organisé la scène de l’intimidation. Dans cette phase du travail thérapeutique, Elena a montré sa capacité de remaniement vis-à-vis d’elle-même. Elle s’est définie sous la forme d’un lion lors de l’épisode de l’intimidation : elle se sentait alors forte parce qu’elle était stimulée par ses camarades qui normalement ne la percevaient pas comme telle ; maintenant, elle se voit comme un petit lionceau qui est « de plus en plus conscient et moins présomptueux », et est en train de grandir par petites étapes. La scène est bien mise en œuvre par le lion, le taureau gifle le moineau et dit : « Salope Madonna ! » Le serpent l’encourage : « Olé, continue comme ça ! ». Le Vautour dit : « Fais ce que je dis ! » le Lion (Elena) cherche un abri : « C’est leur affaire ». Le moineau supplie : « Laissez-moi tranquille ».
25La scène à laquelle nous assistons est émotionnellement très forte et la répétition de la séquence en intensifie l’impact. Au départ, Elena ne semblait pas affectée par la scène, mais progressivement, ses paupières ont commencé à battre.
26Dans la suite de la session, Elena commença à exprimer de l’empathie pour la victime. Le changement est déclenché. La thérapeute elle-même le ressent. Elle déclare : « En ce qui concerne mon chemin de croissance personnelle et professionnelle, au cours de cette prise en charges, j’ai été confrontée à des similitudes avec ma propre histoire, en particulier en ce qui concerne la question de l’autonomie. Quand j’ai rencontré la famille Rosa, j’étais en train de vivre une phase de ma vie où je sentais que je devais “trouver la bonne distance” vis-à-vis de ma famille d’origine, en particulier de ma mère, mais j’ai eu des problèmes et je retardais sans cesse ce moment. Je me suis retrouvée dans les mots de Carlo (le père) : sa mère, comme la mienne, n’était bonne qu’à le/me faire sentir coupable. Mon processus de libération a été lancé au cours de cette thérapie, grâce aux réflexions qui, séances après séances, m’ont permis de me différencier, et maintenant, je suis physiquement en mesure de rentrer à la maison et de renégocier la relation avec ma mère. »
Le style est le thérapeute
27Pour paraphraser Buffon, dans ce paragraphe, je tiens à souligner l’importance du style du thérapeute en présence de ses clients. Ce style nécessite un ajustement personnalisé avec chaque patient, qu’il soit un individu, un couple ou une famille. J’ai insisté sur l’importance du thérapeute comme instrument clé du traitement thérapeutique, car tout outil employé en thérapie apportera des résultats qui varieront en fonction de la personne qui s’en sert et de la manière dont elle le fait.
28Ceci s’applique également à la demande de l’aide. Il y a longtemps, j’ai suivi une femme dans un service de Planning Familial, Mademoiselle Nuccia (malheur à nous si nous l’appelions Madame !) âgée de 52 ans ; elle avait tendance à s’alcooliser. Son problème s’était récemment accentué à la suite du décès de son unique sœur, laquelle souffrait de troubles mentaux graves et avait été placée en maison d’accueil. Dans le passé, Nuccia avait été la secrétaire particulière d’un personnage devenu célèbre internationalement, dans une grande entreprise informatique. Mais comme elle n’avait pas un diplôme approprié, alors que son supérieur montait dans la hiérarchie, elle avait été progressivement reléguée à des responsabilités secondaires. Après un épisode dépressif, la direction de la société l’inséra dans un autre service et elle entreprit une thérapie individuelle avec un psychiatre d’origine sarde. Malheureusement, celui-ci décéda subitement d’une crise cardiaque et Nuccia se trouva mise de côté avec une modeste pension d’invalidité. La solitude et les relations conflictuelles avec sa mère l’entraînèrent vers l’alcoolisme. Son existence se dégrada, au point que les voisins en avaient informé les services sociaux après une querelle qui avait eu lieu dans la maison et qui avait gravement perturbé des résidents. Compte tenu de l’aspect misérable du logement, les services sociaux ont organisé un service de soins à domicile trois fois par semaine. Bien que sa maison soit dans un chaos et une saleté indescriptibles, elle permit avec beaucoup de réticence à l’aide familiale d’entrer et d’effectuer des travaux domestiques. Elle était très critique vis-à-vis de la façon dont cette aide accomplissait sa besogne, au point de relaver les verres parce qu’ils n’avaient pas été traités avec délicatesse, et de les sécher avec un chiffon doux. Nuccia fut également invitée à contacter le service psychiatrique local. En colère, la « demoiselle » déclina l’offre, car une personne « raffinée et élégante » comme elle ne pouvait accepter une telle proposition. Grâce à l’une de ses connaissances, la veuve d’un médecin de famille « estimé », Nuccia arriva à la clinique pour les couples où, à l’époque, je faisais mes consultations. La femme du médecin me connaissait et m’a présenté à Nuccia comme quelqu’un qui avait vécu à Paris et en Belgique, comme une personne cultivée et renommée, etc. À la première consultation, je me suis trouvé devant une femme dont les vêtements étaient en désordre, qui portait un foulard sur la tête et avait les jambes abimées. Pour me tester, elle commença par dire quelques phrases en français. Comme je lui répondis dans la même langue, elle réalisa qu’elle ne pouvait pas continuer la conversation ainsi, mais j’avais gagné beaucoup de considération à ses yeux. Je n’étais pas comme son ancien psychiatre, qui selon elle, était dépourvu de tout raffinement : il la considérait tout simplement comme une patiente « alcoolique » vivant aux crochets de sa vieille mère et ne sachant même pas faire le ménage alors qu’elle avait re-essuyé les verres avec le chiffon doux pour éviter les halos, alors que les « mercenaires » de l’aide à domicile s’étaient contentés de rincer la vaisselle et de la déposer ensuite sur le séchoir. Elle dormait sur un canapé parce que sur le lit étaient étalées un certain nombre de factures et de recettes datant d’au moins deux ans… qu’elle devait soigneusement mettre en ordre. Elle ne sortait de la maison que quelques fois par mois, mais quand elle le faisait, elle prenait le taxi ; elle laissait alors un pourboire correct pour le chauffeur, comme le font les femmes de sa classe. Je ne sais pas comment elle réussit à découvrir que ma femme donnait naissance à notre quatrième enfant, mais elle prit soin d’envoyer une orchidée à l’hôpital ! L’engagement thérapeutique se déroula selon un jeu tout en finesse. Sa consommation d’alcool représentait un rituel quasi liturgique, célébré en souvenir du psychiatre sarde qui l’avait traitée. On décida alors qu’elle ne pourrait boire que du vin sarde « Vernaccia » (un vin difficile à obtenir et coûteux, alors que ses ressources financières étaient limitées), après avoir disposé sur une table basse un verre en cristal. Bien sûr, elle ne pouvait pas, par respect pour elle-même, abandonner la liqueur plébéienne « grise », mais si elle voulait vraiment un whisky, elle devait en choisir un de la qualité du cognac Napoléon. Le traitement fut poursuivi avec succès, en jouant sur l’élégance et la classe, qualités qu’elle appréciait beaucoup et qu’elle souhaitait voir reconnues chez elle. Il fut interrompu après la mort de sa vieille mère. Après m’avoir consulté, un travailleur social qui était responsable de son suivi, lui trouva une place de « Dame de compagnie » auprès d’un général à la retraite qui vivait sur la Côte d’Azur, loin de la ville où je travaillais. Je suis sûr que des collègues d’orientations thérapeutiques différentes, auraient de nombreuses critiques à me faire, mais je peux vous assurer qu’après deux ans de traitement, elle était devenue une autre personne. Je crois avoir utilisé dans cette thérapie un style que j’aime bien, composé d’ironie subtile et d’un soupçon de transgression recherchée, qui ont permis à la cliente de se sentir valorisée et motivée à retrouver la satisfaction qu’elle avait connue dans son « âge d’or », aux côtés d’un personnage qui allait devenir très célèbre. Milton Erikson nous a appris que le déplacement du symptôme est souvent le meilleur résultat que nous puissions obtenir. Il est donc préférable d’avoir peur de quelque chose qu’on a peu de chance de rencontrer, plutôt que d’avoir peur de n’importe quel animal qu’on risque de trouver facilement sur son chemin (la peur des kangourous si on vit en Europe crée moins d’inconfort que la peur des souris ou des araignées… bien sûr, s’il est utile de cultiver une certaine crainte !). Avec Nuccia, l’instrument thérapeutique gagnant a été le style de la relation à laquelle la cliente portait une grande part de son attention. J’ai intitulé cette thérapie dans mes notes : « Une fleur unique, mais une orchidée ». Je dirais d’ailleurs que c’est le seul cas d’alcoolisme que j’ai traité de cette façon : la thérapie s’y est déroulée autour du problème dépressif lié à l’échec professionnel et affectif.
Introduction d’une forme d’évaluation thérapeutique dans la thérapie systémique
29En conclusion, je voudrais présenter un autre outil dont je commence à me servir en thérapie. Pour cela, je me sers de quelques notes volées à Stephen Finn (2009) à propos de ce qu’il appelle l’évaluation concernant l’utilisation thérapeutique « non scientifique » de tests en psychothérapie. Finn écrit : « Cette approche contraste avec l’accent porté sur la recherche évaluative traditionnelle. Celui qui utilise les outils thérapeutiques est également en possession de l’étude de validation et en général, il fournit les critères et les consignes pour leur application. Au contraire, l’accent est mis ici sur la relation avec le client/les familles/les couples et sur les questions qu’ils posent. » Que fait le clinicien qui utilise d’une façon « non scientifique » les instruments psychodiagnostiques ? À l’intérieur du Centro Studi di terapia familiare e relazionale, lors d’une recherche menée sous la direction du Professeur Marisa Malagoli Togliatti (il y a 20 ans), au titre évocateur : « Un couple centenaire… », une passation du test de Rorschach est ainsi décrite : « nous expliquons que nous allons les tester pour voir s’ils peuvent ou non être aptes à entreprendre une thérapie de couple ; nous mettrons l’accent sur trois choses : ce type de thérapie obtient un nombre élevé de réussites ; nous pratiquons ces interventions avec succès depuis de nombreuses années et nous voulons voir s’ils y « travailleront » librement, car la recherche scientifique a montré qu’un traitement psychothérapeutique doit être payé par ceux qui l’utilisent pour être efficace. En créant un contexte de collaboration, nous avons tendance à transmettre la confiance et à proposer une sorte d’alliance entre eux et nous contre les incroyants. » (Malagoli Togliatti, 1992, p. 64). En retour, « nous avons tendance à leur offrir une vision de leur situation personnelle et relationnelle tout à fait nouvelle à partir des éléments provenant d’enquêtes réalisées, mais avec une lecture très particulière pour ce qui concerne la création d’un contexte thérapeutique. » (Idem, p. 65). Même Mara Selvini, avant de devenir une pionnière de l’approche systémique en Italie, avait traduit et utilisé le scénario-test qui sera ensuite utilisé comme un outil thérapeutique, presque un objet flottant ante litteram (Selvini Palazzoli, 1954-1971). Je suis allé glaner dans les premiers jours de la thérapie systémique pour voir si les pionniers avaient montré un intérêt même passager pour l’évaluation et surtout pour les effets du recadrage thérapeutique ; aujourd’hui, nous pensons qu’en vue d’améliorer la clarté et la transparence dans les contrats thérapeutiques, la communication des résultats doit pouvoir y être intégrée tout comme elle constitue une partie importante d’un protocole de traitement. Notre tâche pourrait être d’introduire une évaluation des thérapies qui s’inspirerait du travail de Lorna Smith Benjamin sur le diagnostic interpersonnel et le traitement des troubles de la personnalité, (Benjamin Smith, 1996). Le modèle SASB, permet de réfléchir à la pathogenèse sociale des troubles de la personnalité et suscite d’intéressantes hypothèses thérapeutiques. Un travail de ce genre permet d’approcher le diagnostic dans une optique systémique, en dépassant un étiquetage figeant et en favorisant un dialogue empathique au sein même du processus thérapeutique. L’introduction de l’évaluation permet de rester proche et attentif à la question ou aux questions amenée(s) en traitement. Cependant, cette démarche exige que le thérapeute soit très prudent quant à la façon dont la réponse sera donnée : il se conformera à la position de la psychologie humaniste, laquelle souligne que la réponse doit être respectueuse et tendre à favoriser l’autodétermination. Souvent, les personnes qui demandent de l’aide, voire une psychothérapie, posent des questions et émettent des doutes que les thérapeutes contournent. Ces derniers vont tout droit vers des reformulations de ces questions, laissant les clients perplexes, apeurés et avec la conviction de ne pas avoir été compris ou d’avoir obtenu des réponses à des points qu’ils n’ont pas soulevés. Pour qu’une thérapie puisse réussir, il est indispensable de pouvoir aborder une question avec la sensation de se sentir accepté, avec la garantie du maintien de l’autodétermination, sur base d’une possibilité de résilience.
30Dans un groupe de formation, l’évaluation thérapeutique est réalisée comme suit : deux professionnels accueillent la famille (un seul s’il s’agit d’une thérapie individuelle). Une séance préliminaire a lieu dans l’objectif d’évaluer la situation et de programmer l’évaluation. Après cette évaluation, on peut envoyer la famille ou le couple en thérapie avec un contrat écrit décrivant les honoraires, le nombre de séances et les objectifs proposés. La thérapie sera menée par un autre membre de l’équipe des stagiaires. Les professionnels qui ont effectué l’évaluation préliminaire seront ceux qui évalueront ultérieurement si les objectifs ont été atteints. À ce propos, nous avons mis au point une méthode d’évaluation des résultats à partir des échelles Beavers (Beavers, 1992 ; Bruni, 2005).
31L’évaluation, mais surtout le dialogue qui va suivre avec les clients, doit avoir une valeur thérapeutique : ainsi le thérapeute et la famille se retrouveront à propos de la demande et ils pourront s’engager dans un contrat thérapeutique clair et bien défini tant en ce qui concerne les objectifs que la durée du traitement (Finn, 2009). Le thérapeute systémique inscrira dans un recadrage, une redéfinition des résultats fruits de son évaluation, en évitant ainsi le risque d’étiquetage et de désignation.
Bibliographie
Références
- BATESON G. (1972): Step to an ecology of mind. University of Chicago press, Chicago. Trad. fr. (1977): Vers une écologie de l’esprit. Seuil, Paris.
- BEAVERS W. R. & HAMPSON R.B. (1990): Successfull families: assessment and intervention, Norton, New York.
- BRUNI F. & DEFILIPPI P.G. (2005) : Memoria e valutazione dell’esperienza clinica. Ecologia della Mente 2 : 235-269.
- CAILLÉ PH. & REY Y. (2004) : Les objets flottants. Ed. Fabert, Paris.
- CASADIO L. (2010): Tra Bateson e Bion. Alle radici del pensiero relazionale. Antigone edizioni, Torino.
- CASINI C. & DEFILIPPI P.G. (2011): La supervisione diretta in terapia sistemico-relazionale. Ecologia della mente 34(1):18-27.
- ELKAÏM M. (2004): L’expérience personnelle du psychothérapeute: approche systémique et résonance. Psychothérapies 24(3):145-150.
- ERICKSON MILTON H. (1981): La mia voce ti accompagnerà. I racconti didattici (Psiche e coscienza). Astrolabio Ubaldini, Roma.
- FINN S.E. (2007): In Our Clients’ Shoes: Theory and Techniques of Therapeutic Assessment (Counseling and Psychotherapy: Investigating Practice from Scientific, Historical, and Cultural Perspectives). Routledge, London.
- GOLDBETER E. (2005) : Le deuil impossible. Familles et tiers pesants. DeBoeck, Bruxelles.
- LÉVESQUE M. (2011): À partir de combien de séances ressent-on un soulagement? Clinique Altermed, bolg.altermedclinique.com
- MALAGOLI TOGLIATTI M., HARRISON L., CANCRINI M.G., COTUGNO A., CONSEGNATI M.R., CHIEPPA S. & TOMAI M. (1992) : Una coppia con più di cento anni: una ipotesi di lavoro sistemico-relazionale. Attraverso lo specchio 32-33-34(10): 61-87.
- MATURANA H. & VARELA F. (1988): The tree of knowledge, Shambhala, Boston and London. Trad. Fr. (1994): L’arbre de la connaissance. Addison-Wesley, Paris.
- MCGOLDRICK M., SCHELLENBERGER S. & GERSON R. (2008) : Genograms: assessment and intervention, W.W.Norton & Company, N.Y., third ed.
- MONTAGANO S. & PAZZAGLI A. (1989) : Il genogramma: teatro di alchimie famigliari, Franco Angeli editore, Milano.
- ROGERS C. (1971) : La relation d’aide et la psychothérapie. ESF, Paris.
- SELVINI PALAZZOLI M. (1971): Préface de l’ouvrage de STAABS VON G.: Lo Sceno test. Edizioni O.S., Firenze.
- SMITH BENJAMIN L. (1996) : Interpersonal diagnosis and treatment of personality disorder. Guilford, New York.
- VON FOERSTER H. (1981): Observing systems, Intersystems pubblications, Seaside, CA.
- WATZLAWICK P. & WEAKLAND J. H. (1974): La prospettiva relazionale, Astrolabio Ubaldini, Roma.
Mots-clés éditeurs : evaluation, psychothérapie systémique, style, thérapeute comme outil
Mise en ligne 14/08/2012
https://doi.org/10.3917/ctf.048.0167Notes
-
[1]
Texte revu et corrigé par Christine Vander Borght et Édith Goldbeter.
-
[2]
Psychothérapeute et directeur de l’Istituto EMMECI de Turin.