Notes
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Troubles par excès de nourriture, ou hyperphagie compulsionnelle [NDLR].
Introduction
1Une inquiétude existe aujourd’hui, à l’échelle mondiale, quant à l’augmentation du taux d’obésité. Les publications scientifiques, les instances nationales ou internationales, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ainsi que la presse à grande diffusion, font écho à ce qui est, désormais, qualifié d’« épidémie », non en raison de son mode viral de diffusion, mais de ses conséquences, à savoir une mortalité accrue. En France, d’après l’étude Constances, la prévalence de l’obésité est respectivement de 15,8 % pour les hommes et de 15,6 % chez les femmes, c’est-à-dire que près de 6,9 millions de personnes seraient concernées (Matta et coll., 2016). Dans le monde, 42 millions d’enfants seraient en excès de poids (Lemelin, Gallagher, Haggerty, 2013, p. 59) et, au total, pas moins de 400 millions de sujets entreraient dans la catégorie médicale des « obèses » (Vandebroeck, 2015, p. 16). Des pays jusque-là relativement préservés, comme la Chine, tirent le signal d’alarme (Conrath, Goetgheluck, 2013, p. 3). Ce problème grandissant conduit les chercheurs du monde entier, toutes disciplines confondues, à faire avancer les connaissances sur l’obésité : on observe une recrudescence du nombre de recherches et de rassemblements scientifiques sur cette thématique de santé publique. Maladie de la modernité ou effet secondaire de l’entrée dans une ère de consommation de masse ? L’OMS a récemment déclaré que la malnutrition concernait une personne sur trois dans le monde et précisé que l’obésité tue trois fois plus aujourd’hui que la sous-alimentation (OMS, 2017).
2D’un point de vue scientifique, l’outil d’évaluation et de diagnostic, qui constitue la valeur de référence de l’OMS est l’indice de masse corporel (IMC), déterminé par le poids divisé par la taille au carré (kg/m2). Cet outil est valide pour la femme comme pour l’homme (Mariage, Cuynet, Godard, 2008). On parlera de surpoids pour un IMC compris entre 25 et 29,9, d’obésité modérée pour un IMC compris entre 30 et 34,9, d’obésité sévère pour un IMC compris entre 35 et 39,9 et, enfin, d’obésité morbide pour un IMC supérieur à 40 (Berdah, 2010).
3La littérature internationale met en cause de multiples déterminants de cette maladie chronique. Il est admis que les facteurs de prédispositions biologiques, génétiques et épigénétiques interagissent avec de nombreux facteurs liés à l’environnement (abondance alimentaire, sédentarité, stress psychosocial, etc. (Quilliot et coll., 2010). Le rôle des facteurs génétiques est probablement plus important dans les formes sévères (formes monogéniques représentant jusqu’à 5 %), ainsi que dans les formes précoces de l’enfant. De façon intéressante, le phénotype d’obésité est hétérogène dans de nombreuses formes monogéniques ou oligogéniques ; on parle alors de pénétrance variable. D’autres facteurs sont également mis en cause, comme les déterminants psychologiques, qui jouent vraisemblablement un rôle majeur dans cette problématique.
4Afin d’approfondir un aspect bien spécifique de ce vaste champ de recherches, les auteurs du présent travail proposent de faire le point sur un abord clinique de l’obésité, qui reste encore aujourd’hui assez peu approfondi, à savoir son lien avec le vécu traumatique. L’idée selon laquelle l’obésité serait une réponse compensatrice à un événement de vie difficile ou traumatique (Bruch, 1973 ; Sanahuja, Houari, 2012 ; Driffield, 2013, p. 39) sera développée selon une méthodologie théorico-clinique, permettant de relier les hypothèses présentées à des récits de cas singuliers. L’apparition de l’obésité serait, en effet, favorisée par l’exposition répétée du sujet à des excitations internes et externes non psychisées (Brusset, 1991 ; Corcos, 2000 ; Diener et coll., 2016). Nous tenterons d’établir, sur la base d’une introduction théorique et d’observations cliniques, la manière dont s’articule ce possible vécu traumatique, l’apparition des symptômes addictifs et l’obésité proprement dite. Il s’agira, également, d’en décrire les contrecoups au plan psychosomatique : quelle dynamique pulsionnelle se trouve impliquée (Smadja, 2010, 2014) ? Comment les affects et leur expression se trouvent-ils infléchis (Mariage, Cuynet, Godard, 2008) ? Enfin, de quel mode de somatisation l’obésité semble-t-elle être le signe le plus visible ?
5La première partie de ce texte sera consacrée aux travaux témoignant d’un lien entre l’obésité et le traumatisme. Nous nous attacherons, ensuite, à établir une transition vers la question de l’expression pulsionnelle (pulsion orale), afin de mieux définir en quoi l’obésité peut constituer l’aspect le plus visible d’un trouble du comportement alimentaire (Berdah, 2010, p. 186). Pour ce faire, nous aborderons la question des affects et leur modalité d’expression révélatrice d’une dépendance à l’objet oral. Un troisième et dernier volet sera constitué de vignettes cliniques. Elles illustreront le propos et montreront comment le dispositif thérapeutique contribue à modifier les relations que le sujet entretient, aussi bien à l’objet oral qu’à son propre corps.
L’obésité comme conséquence d’un traumatisme : introduction théorique
6Il est admis que les antécédents de traumatismes ou d’événements de vie difficiles sont souvent à l’origine de maladies psychosomatiques et de troubles psychiatriques (Green et coll., 2010). Nous résumons ici les conclusions de plusieurs travaux récents, qui font le lien entre ces antécédents et l’obésité. La présence d’événements traumatiques antérieurs est, en effet, un constat de plus en plus souvent avancé dans les études scientifiques internationales. Une méta-analyse récente, menée sur 41 études (190 285 participants), souligne une association forte entre l’existence de maltraitances infantiles et le développement d’une obésité la vie durant, avec une augmentation du risque d’1,36 (Danese, Tan, 2014). De nombreuses autres études lient obésité et troubles des conduites alimentaires avec le vécu d’un ou de plusieurs événements de vie difficiles ou traumatiques (Gustafson, Sarwer, 2004 ; Imperatori et coll., 2016 ; Perrin et coll., 2016 ; Rayworth, Wise, Harlow, 2004 ; Sanahuja, Houari, 2012). Une méta-analyse, réalisée en 2016 et portant sur 14 169 personnes, identifie les maltraitances infantiles comme l’une des causes des troubles du comportement alimentaire de type boulimique, anorexique et Binge Eating Disorder [1] (BED) (Caslini et coll., 2016). La qualité du lien mère-enfant aurait une influence notable sur le développement d’une obésité (Diener et coll., 2016) et les difficultés à se confronter à une source de stress faciliteraient la survenue du surpoids chez les jeunes âgés de 3 à 12 ans (Francis, Susman, 2009). Une très récente étude (Palmisano et coll., 2017) confirme l’existence d’une corrélation entre la présence d’événements de vie difficiles dans l’enfance et le diagnostic de BED. De plus, comparé au groupe témoin, cette population montre des scores supérieurs, à deux questionnaires, l’un sur l’intensité des phénomènes dissociatifs somatoformes (SDQ-20) et l’autre sur ceux psychologiques (DES-II). Le Samedi, Brécho, Réveillère et Guérin (2013) avaient déjà indiqué que l’emploi coordonné du Thematic Apperception Test (TAT) et du Family Apperception Test (FAT) permettait de mettre en évidence une corrélation entre traumatisme familial, pathologie du deuil et émergence de troubles des conduites alimentaires. Ils concluaient (p. 470) : « la globalité des protocoles présente un tableau clinique révélant l’impact du traumatisme psychique (précarité des processus de symbolisation, débordement des défenses), repérable par l’insistance sur l’impulsivité comportementale, à la base de la problématique addictive (type hyperphagie boulimique ».
7Cette introduction théorique amène toutefois à différencier plusieurs types de traumatismes prédisposant au développement d’une obésité : les traumatismes directs (tels que les violences physiques, verbales ou sexuelles), les traumatismes indirects (tels que le fait d’être le témoin de violences directes), mais aussi les traumatismes liés aux vécus de carences affectives majeures (tels qu’un environnement insécure, l’abandon, ou la parentisation), ainsi que les vécus de deuils difficiles. Les deux vignettes cliniques présentées plus loin tendent effectivement à montrer que des traumatismes d’ordres très différents peuvent contribuer à engendrer des troubles du comportement alimentaire prédisposant au développement d’une obésité.
8Aubry et Vercruysse (2009) définissent l’ensemble de ces traumatismes selon trois types de pertes qu’ils provoquent et auxquelles le sujet doit faire face. Selon eux, la première dynamique de perte est de type relationnel, elle caractérise les traumatismes liés aux carences affectives et représente une expérience subjective de perte réelle (exemple : séparation) ou fantasmée (exemple : sentiment de rejet). Cette perte peut être en rapport avec une relation significative dans son entièreté (exemple : rupture de la relation) ou certains éléments de celle-ci (exemple : la perte de confiance accompagnée du sentiment d’avoir été trahi) (Briand-Malenfant, Lecours, Deschenaux, 2010, p. 192). Le deuxième type de perte identifié résulte d’un décès, lorsqu’il confronte le sujet à un deuil pathologique. Cette perte, liée à la disparition d’un être proche (exemple : parents, grands-parents, enfants) confronte le sujet aux complications du deuil, « c’est-à-dire que la souffrance est augmentée en intensité et en temps, nuisant aux possibilités du travail de deuil de s’engager ou de parvenir à son terme » (Philippin, 2006, p. 164). Enfin, le troisième type de perte est d’ordre narcissique, c’est-à-dire qu’il implique un deuil de soi résultant du vécu d’un événement traumatique, comme les violences directes ou indirectes. En raison de cet événement et « pour survivre narcissiquement, le patient se retire de son expérience subjective, se coupe de l’introjection pulsionnelle en cours et, pour ce faire, se clive lui-même afin de séparer la partie survivante de la partie affectée par le traumatisme » (Bokanowski, 2002, p. 756).
9Nous avançons l’hypothèse que ces événements, de par leur influence sur la dynamique pulsionnelle, viennent déborder ou fragiliser la capacité du sujet à mentaliser la surcharge d’affects et le rendent ainsi vulnérable. Afin de gérer cette surcharge et cette vulnérabilité, le sujet n’a parfois d’autre solution que de s’orienter vers des voies plus régressives, les voies comportementales et somatiques (Smadja, 2010, 2014).
Corps, affects, nourriture et pulsions
10Nous avons souligné, en première partie, les liens avancés par plusieurs auteurs entre l’obésité et les difficultés du sujet à surmonter un vécu difficile ou traumatique. Dans cette deuxième partie, nous nous attacherons à en étudier les contrecoups, tels qu’ils se profilent aux plans comportemental et somatique. Nous aborderons la prévalence de la répétition pulsionnelle dans la vie du sujet et la culpabilité qu’elle génère au niveau du vécu subjectif. Nous nous pencherons ensuite sur la difficile symbolisation des affects rencontrée chez les sujets obèses. Enfin, nous nous interrogerons sur la terminologie de « trouble des conduites alimentaires » (TCA) et soulignerons leurs conséquences au plan de la somatisation.
Une prévalence de la répétition pulsionnelle
11Les apports, dans les champs neurocognitif et neurobiologique, permettent d’établir un lien entre impulsivité, compulsivité et apparition de troubles du comportement alimentaire (TCA). Des recherches récentes ont montré que l’impulsivité pouvait être l’élément déclencheur de ces TCA et que la compulsivité jouait un rôle dans leur persistance ou dans leur disparition (Kessler, Hutson, Herman, Potenza, 2016, p. 234-235). Il apparaît que ces manifestations sont régulièrement accompagnées d’autres troubles, comme les troubles du déficit de l’attention, l’addiction à une substance psychoactive ou les troubles obsessionnels compulsifs (Robbins, Gillan, Smith, de Wit, Ersche, 2012). Des travaux ont été entrepris pour déterminer s’il existe un ancrage neurobiologique favorisant leur survenue, notamment sur la base de déficits discrets dans le système nerveux (Robbins et coll., 2012). Pour le développement de BED (Binge Eating Disorders) chez l’adulte, les études ont porté sur le rôle d’une altération du fonctionnement des neuro-transmetteurs. Bien que des liens aient été établis entre le vécu de stress, les troubles de la régulation émotionnelle, l’impulsivité-compulsivité et l’apparition de BED, la corrélation entre ces phénomènes et l’altération de fonctions cérébrales n’a cependant pas été clairement établie (Kessler et coll., 2016, p. 234-235).
12D’un autre côté, les causes des TCA ont été l’objet d’hypothèses nouvelles, grâce au recours à une théorisation de l’alimentation émotionnelle. Celle-ci considère l’émotion, comme déclencheur des troubles des conduites alimentaires, au sens où l’ensemble des émotions vécues par un individu, à travers des conflits, des affects négatifs, le sentiment de solitude ou l’ennui, peut causer des excès alimentaires (Vargioni, 2013 ; Leehr, et coll, 2015). Cette théorisation de l’agir alimentaire comme mécanisme de « faire face » implique l’idée que les troubles des conduites alimentaires ont un effet anxiolytique, voire antidépresseur, sur l’individu (Smadja, 1993 ; Zijlstra et coll., 2012 ; Diener et coll., 2016, p. 256). Cette perspective permet de développer l’idée d’un spectre des troubles des conduites alimentaires allant du TCA le plus mineur au BED le plus majeur, avec, comme point central, le déficit de la gestion émotionnelle.
13Notons que ces données, issues du domaine de la neurobiologie, de la neurocognition et des sciences comportementales, ne sont pas sans rejoindre d’autres approches, comme celle développée ici, dans une perspective psychodynamique : en effet, lorsque le sujet semble manquer de mots, son malaise s’exprime volontiers par le biais d’une pulsionnalité orale qui, sans cesse, vient le « déborder » (Lauru, 2013, p. 23). Tous les auteurs ayant écrit sur le sujet soulignent la prégnance de cette pulsionnalité, qui est ressentie au quotidien, de manière répétitive. Pour Grangeard, ce phénomène se traduit par des envies de s’alimenter « irrépressibles » (Grangeard, 2010, p. 141) et « impossibles à maîtriser » (Grangeard, 2008, p. 143). La « seule bonne volonté » ne suffit pas à « dompter » les fringales, ajoute Bulat-Manenti (2013, p. 142). Lauru (2013, p. 26), enfin, parle d’« hyperphagie frénétique » difficile, voire impossible à « réfréner ».
14Le plaisir passe au second plan, entre autres parce que l’expression crue de la pulsion l’occulte. Cette dernière est source d’une honte intense, qui porte tout d’abord sur l’incapacité supposée du sujet à maîtriser ses propres élans pulsionnels (Vargioni, 2013). Elle le plonge dans le désarroi, le fait se sentir inférieur à ses semblables, qu’il suppose plus à même de se contrôler que lui. D’emblée, la comparaison à l’autre est mise en jeu. Ce n’est que dans un second temps que le vécu de honte passe au corps tout entier, d’autant plus que la société valorise les images de corps fins, sveltes, auxquels s’oppose l’image de la personne obèse ou en surpoids (Vandebroeck, 2015, p. 28 et p. 35). La honte, dérivée de l’incapacité à se contrôler, devient honte d’offrir « au regard des autres » une image de soi « exécrée » (Lauru, 2013, p. 24).
15Envers subjectif de la honte, une intense culpabilité, consciente et inconsciente, sous-tend la compulsion et, par suite, la prise de poids. Elle n’est pas liée à la seule transgression d’une règle implicite énonçant que chacun devrait se contraindre à ne pas « trop » manger. La culpabilité, qui habite les personnes obèses ou en surpoids, constitue plutôt la traduction psychique d’une insatisfaction devant le sexuel. Cette insatisfaction concernerait 94 % des femmes en situation d’obésité sévère (Berdah, 2010, p. 188). Notre première vignette clinique montrera, en effet, que certaines personnes obèses décrivent leur vie sexuelle comme pauvre, insatisfaisante, frustrante, et elles s’en plaignent amèrement. Nous aurons l’occasion de décrire la manière dont une « pulsion sexuelle impérieuse, que rien ne pouvait assouvir jusque-là » (Lauru, 2013, p. 26), se trouve déplacée sur le registre alimentaire et entraîne la prise de poids.
16La culpabilité, la honte, le vécu de malaise, qui se dégagent de l’incapacité à s’extraire de la répétition pulsionnelle, renforcent le tropisme du sujet vers l’objet oral : s’alimenter paraît devenir l’unique source de soulagement et de satisfaction vis-à-vis d’un monde vécu comme hostile par des sujets qui, de plus, semblent fréquemment atteints d’anhédonie (Berdah, 2010, p. 188-189). Un cercle vicieux s’installe. Comme le soulignent plusieurs auteurs, l’échec des « régimes à répétition » (Bulat-Manenti, 2013, p. 42 ; Driffield, 2013, p. 38) est dû au manque de prise en compte du caractère pulsionnel et de l’origine sexuelle de ce qui se présente comme une régression vers l’objet oral. Tant que le sujet reste sous son emprise, il n’a aucune chance de ne pas rechuter. La grande difficulté, pour le clinicien, est de soutenir le sujet dans sa quête d’une « raison de renoncer à la satisfaction pulsionnelle », qui s’exprime dans le registre oral (Bulat-Manenti, 2013, p. 46). Autrement dit, il s’agit de contribuer à remodeler l’entière dynamique des pulsions, en tenant compte de leur point d’origine traumatique et en favorisant la mentalisation des affects, plutôt que la régression. Un projet alternatif, qui s’installe sur le long terme, est susceptible d’être élaboré à cette seule condition.
La difficile symbolisation des affects
17Corrélativement au mode d’expression très « cru » et répétitif de la pulsion, les affects, chez les personnes obèses, paraissent s’exprimer d’une manière extrêmement directe, au sens où ils font rarement l’objet d’une élaboration. La pensée, de manière générale, semble pauvre, avec un assèchement de l’imaginaire, qui se replie tout entier sur l’image d’un corps violenté par l’excès. Certains auteurs avancent qu’environ 20 % des obèses utiliseraient le registre de la pensée opératoire (Waysfeld, 2000), au sens où Pierre Marty et Michel de M’Uzan définissent cette expression (1963). Bien que de tels chiffres fassent l’objet de controverses (Dumet, 1994, 1996), il semble assez nettement établi que les personnes obèses éprouvent souvent des « difficultés de mentalisation », au sens où ils peinent à symboliser « certains événements générateurs d’angoisse, d’agressivité » (Mariage, Cuynet, Carvelli-Roussel, 2005, p. 208). On parlera alors d’alexithymie, c’est-à-dire d’une « incapacité à exprimer ses émotions par des mots », dont témoignent les résultats aux tests de Rorschach de personnes obèses ou en surpoids (Mariage, Cuynet, Godard, 2008). Ces sujets évitent d’aborder la dimension affective des épreuves auxquelles ils sont confrontés, mais s’épanchent volontiers sur des questions factuelles et matérielles, c’est-à-dire sur certains « problèmes concrets », qui paraissent occuper le « champ de [leur] conscience » (Mariage, Cuynet, Godard, 2008) La prise alimentaire traduirait ainsi « une forme de passage à l’acte » qui permettrait de « court-circuiter la vie mentale et de décharger les affects non reconnus » (Mariage, Cuynet, Godard, 2008).
18Lorsqu’ils sont dans l’impossibilité de recourir au passage à l’acte, les patients ont tendance à exprimer leurs affects par une voie émotionnelle exacerbée (soit du rire, soit des larmes), sans qu’existent des solutions intermédiaires entre l’un et l’autre extrême. Comme dans la première vignette clinique que nous présentons, ils se montrent alors « hyperémotifs », ne peuvent s’empêcher de « beaucoup pleurer » ou, au contraire, de relativiser leurs problèmes d’une manière qui s’apparente au déni (Gougoulis, 2013, p. 33). Le versant somatique semble remplacer l’affect, s’y substituer. Ainsi de cette patiente de Katryn Driffield, qui ne se sentait exister « qu’à travers les régimes » ou, à défaut, à travers la compulsion à se suralimenter (2013, p. 38).
19La place qu’occupe, en temps normal, l’affect, est déjà comblée par un corps directement branché – accroché – à l’objet oral (Vargioni, 2013). Le prototype de cet objet étant le sein maternel, il est, somme toute, peu étonnant que de nombreux sujets obèses ou en surpoids témoignent de leurs grandes difficultés à « se détacher » de leur mère (Gougoulis, 2013, p. 33). Les patients viennent « se remplir », comme pour satisfaire l’imago de cette mère toute-puissante, dont la survie ne tient qu’à son rôle de nourricière. Ils paraissent prisonniers d’une « organisation fantasmatique », où ils se réduisent eux-mêmes à des contenants, des réceptacles pour l’angoisse maternelle (Driffield, 2013, p. 40). Il en va d’un véritable « gavage psychique » (Driffield, 2013, p. 38). Le « plein » de la nourriture pallie l’angoisse, qui est essentiellement angoisse devant le manque. Le lieu du manque oral, espace où se constitue le « lien entre demande et besoin (…) essentiel à la structuration du sujet » (Lauru, 2013, p. 23) n’a pas pu être constitué comme tel. La crise boulimique survient en suite de la difficile confrontation à ce manque non symbolisé, qui génère une angoisse sans nom (Driffield, 2013, p. 39). La suralimentation, là encore, paraît donc fonctionner comme « réponse compensatrice à un traumatisme » (Driffield, 2013, p. 39) ; elle est à considérer comme un « mode d’expression choisi [pour] éponger l’angoisse » (Grangeard, 2010, p. 142). Faute de ce que le manque de nourriture fasse l’objet d’une mentalisation, il conduit au passage à l’acte répétitif. La personne « disparaît derrière » (Driffield, 2013, p. 38) l’acte, lorsqu’elle ne cherche pas à masquer l’expression de sa pulsionnalité par un altruisme dévorant.
20Cet enchâssement du sujet dans la boucle pulsionnelle est directement lié à l’absence de mise en mot du traumatisme, qui demeure dénué de sens. L’inscription du sujet dans une répétition comportementale, liée à l’objet oral, le lance dans une voie régressive, qui entrave la symbolisation (Marty, M’Uzan, 1963). Une fois le bol alimentaire digéré, il lui faut recommencer, pour essayer de donner du sens par une nouvelle compulsion, sans qu’aucun autre horizon ne paraisse susceptible de s’ouvrir. Tout se passe comme si le sujet était condamné à nourrir éternellement un autre en soi, c’est-à-dire un objet oral incorporé, qui finit par prendre sa place (Vargioni, 2011, 2013).
Le trouble du comportement alimentaire
21Les propos précédents permettent de mieux cerner dans quelle mesure une régression vers l’objet oral détermine l’apparition d’un trouble du comportement alimentaire. Les études montrent qu’environ 62 % des personnes obèses seraient atteintes de troubles de l’alimentation à proprement parler (Segura-Garcia et coll., 2016). « L’impératif » qui ordonne de « se gaver soi-même » pour « combler une faim jamais rassasiée » (Bulat-Manenti, 2013, p. 42) témoigne du rôle de suppléance joué par l’aliment. Son ingestion se substitue à la symbolisation des affects. Comme l’écrit Chauvet (2004, p. 610) : « les conduites addictives à un produit comme à une situation ou à un objet constituent la voie la plus courte pour éteindre toute douleur psychique et sont l’expression d’un défaut de symbolisation lié à une faillite traumatique de l’environnement premier. Cela se traduira par une dépendance à la réalité de l’objet externe ».
22La prégnance de l’hyperphagie, des crises de boulimie ou simplement la suralimentation systématique lors des repas, renvoient vers ce que Pedinielli et Bonnet (2008, p. 47-48) proposent de nommer « l’économie de décharge ». Ce mode de fonctionnement permet d’évacuer « vers l’extérieur de l’énergie apportée à l’appareil psychique par les excitations, qu’elles soient d’origine interne ou externe » (Laplanche, Pontalis, 2007, p. 108). Un lien peut être fait ici avec le modèle de l’alimentation émotionnelle (Leehr et coll., 2015), que nous avons exposé plus en amont. Il se développe alors une véritable « économie [libidinale] parallèle », caractérisée par un mode particulier de stimulations et d’apaisements (Pedinielli, Bonnet, 2008, p. 49). On la retrouve dans les rapports à l’objet alimentaire qu’entretiennent les personnes en surpoids ou obèses.
23Plusieurs auteurs avancent donc – ce qui peut sembler logique – que l’hypothèse addictive serait opérante dans le suivi de ces patients (Bulat-Manenti, 2013, p. 42 ; Grangeard, 2008, p. 137). Si la compréhension de l’addiction se révèle une aide, c’est en tant qu’elle soutient l’accompagnement d’un processus de séparation d’avec le produit – ici l’objet alimentaire – dont ils se révèlent « accros ». Encore faut-il souligner la rareté des corrélations, dans un cadre institutionnel, entre addictologie et clinique des obésités. Ceci est d’autant plus regrettable que les familles de patients en surpoids comportent souvent un ou plusieurs membres présentant des problèmes d’alcoolisme (Driffield, 2013, p. 38 ; Grangeard, 2008, p. 139). Il serait intéressant de songer à associer les efforts des spécialistes de l’obésité à ceux des addictologues.
Illustrations cliniques
Nathalie ou la séduction paternelle
24Nathalie vient consulter sur avis médical en suite de la pose d’un anneau gastrique. Elle se présente en forte surcharge pondérale. Le médecin-chirurgien viscéral ayant assuré sa gastroplastie semble craindre aussi bien les conséquences d’une perte de poids trop rapide que celles, également possibles, d’un échec de la démarche entamée pour se défaire des kilos superflus. La pose d’un anneau gastrique, en tant que telle, constitue une première source de questionnements. Elle n’a pas fait l’objet au préalable d’un accompagnement et elle reste liée, pour Nathalie, à des attentes très importantes en matière de résultat.
25La perte de poids, tout comme le rapport au corps, semblent tout d’abord être transposés dans le registre du chiffre. Pour Nathalie, il s’agit de savoir combien de kilos auront été perdus (ou pas) en combien de semaines. Le rapport à son corps est mis à distance ; il est l’objet d’un discours relativement atone. Les paroles de cette patiente témoignent ainsi d’une partielle réification du corps propre. Elle s’en détache, semble l’observer de l’extérieur plutôt que prêter attention aux signaux qu’il lui lance.
26Plus que les commentaires portant sur la perte de poids, l’élément le plus marquant des premières séances est la manière très directe dont Nathalie extériorise ses affects. Elle arrive dans un état de nervosité extrême et, immanquablement, lorsque des sujets personnels menacent d’être abordés, c’est la crise de larmes. « Je m’étais pourtant juré de ne pas pleurer, cette fois », ajoute-t-elle, comme si sa tristesse était une source de honte. Elle semble vouloir cacher ses pleurs comme elle aimerait cacher son corps et son visage sous un voile de chair et de maquillage que les larmes viennent défaire. Il arrive que ces larmes soient mêlées de rire, en un mélange détonnant qui crée un léger malaise, aussi bien de son côté que de celui du thérapeute. Ce rire nerveux, de quoi témoigne-t-il ?
27De même que l’expression des affects paraît peu travaillée, de même le plaisir pris dans l’activité de se nourrir ne sera l’objet d’aucun commentaire ou presque. En revanche, les rivalités et les jalousies sur le lieu de travail seront l’objet de multiples propos. Nathalie aime et défend son travail, quand bien même il la force à répéter des activités mentales très routinières. Peu stimulée intellectuellement, elle semble néanmoins y trouver un cadre qui contraste avec les débordements pulsionnels dans le rapport à l’objet oral.
28Au fil des séances, une esquisse de discours se précise au sujet de la vie personnelle de Nathalie. Âgée d’environ 50 ans, elle s’est mariée relativement jeune et a eu un enfant. Avant la rencontre avec l’homme qui deviendra son mari, elle déclare avoir enchaîné les aventures. Elle était alors, déclare-t-elle, mince et séduisante. C’est l’installation dans le cadre conjugal et l’arrivée d’un enfant qui semblent avoir eu pour double effet de tarir sa sexualité et d’apporter une prise de poids importante.
29L’installation dans la vie conjugale se solda donc par un remodelage de l’entière dynamique pulsionnelle animant Nathalie. Avec l’arrivée d’un enfant, la pulsion orale se substitua à la pulsion génitale : une cessation quasi-totale des rapports sexuels avec son mari s’ensuivit. La sexualité fut littéralement remplacée par l’investissement d’objets substitutifs, à commencer par l’alimentation. C’est ainsi que se développa une tendance à l’ingestion de quantité d’aliments excessive au cours des repas (hyperphagie prandiale), mais aussi entre les repas (grignotage intense) et, enfin, de manière désordonnée, pendant la nuit (Night Eating Syndrome de gravité « modérée » selon le DSM-5 [APA, 2013]). Chez cette patiente, le fait de se nourrir n’était corrélé ni à l’éprouvé d’un signal de faim ni à la satisfaction d’un désir clairement exprimable. Le produit alimentaire semblait combler un vide, qui n’était nommable que par le biais de plaintes touchant l’appauvrissement de la vie sexuelle. D’autres objets substitutifs furent, en outre, chargés de remplir l’espace laissé libre par le désinvestissement de la libido génitale : l’animal de compagnie, l’instrument de musique et, bien sûr, l’enfant constituèrent autant d’étayages par défaut. Lors de certaines séances, Nathalie n’en émettait pas moins de vives plaintes quant à l’appauvrissement de sa vie sexuelle conjugale.
30Comment expliquer une telle situation ? Au cours des séances se dessina, en arrière-plan du discours de Nathalie, la figure obsédante d’un père séducteur. Parmi ses multiples souvenirs à ce sujet, une scène se détachait : elle aurait fait l’objet, un soir qu’elle s’apprêtait à rejoindre ses amies, d’une remarque de son père sur le caractère particulièrement aguicheur de ses vêtements. Tout indique qu’elle ait retenu cet épisode qui, dans d’autres circonstances, eût pu rester anodin, comme une véritable scène de séduction venue réactiver le fantasme d’un père violeur, effractant. Du fait que ce père était, dans les grandes lignes, décrit comme un homme autoritaire, inflexible, voire tyrannique, l’anecdote, à elle seule, représentait tout ce qui semblait relier Nathalie à ce personnage, qui restait, pour elle, à tous les autres égards, inaccessible.
31Pour expliquer la prise de poids soudaine après l’installation dans la vie conjugale et la naissance d’un enfant, nous avançons l’hypothèse que le souvenir traumatique fut réactivé lorsque le mari de Nathalie fut lui-même placé en position de père. Il serait alors devenu impossible, pour elle, d’avoir des rapports sexuels avec lui, sous peine de réactiver le fantasme incestueux. La naissance de l’enfant aurait installé l’interdit de l’inceste et le souvenir traumatique de la scène de séduction au cœur de la relation entre Nathalie et son mari. Il s’ensuivit le désinvestissement de la pulsion génitale au profit du surinvestissement de l’objet oral. Tout l’enjeu de la cure devait être de permettre la symbolisation, par Nathalie, du versant traumatique de ce qu’elle avait perçu comme le désir de son propre père à son endroit. C’est en revenant dans le passé, nettement en arrière, que pourraient être défaites les inhibitions ayant conduit à la quasi-cessation de sa vie sexuelle, doublée du développement d’une compulsion à se suralimenter, ayant causé une prise de poids importante.
Quentin ou l’explosion de l’agressivité
32Tandis que la première vignette clinique tendait à illustrer l’existence de liens entre l’émergence de troubles du comportement alimentaire et la présence d’un traumatisme antérieur, directement lié à la question sexuelle, notre seconde vignette tentera d’élargir le propos : nous y montrons qu’un vécu traumatique n’a pas besoin d’être lié à une thématique sexuelle explicite pour, d’une part, contribuer à causer des troubles du comportement alimentaires et, d’autre part, affecter durablement la vie affective, sentimentale et sexuelle d’un sujet.
33Le suivi de Quentin est effectué dans le cadre d’un parcours de chirurgie bariatrique, au cours duquel nous le rencontrerons à trois reprises, les deux premières séances étant dédiées à un bilan préchirurgical. La dernière rencontre fit suite à une demande médicale postchirurgicale.
Les deux premières rencontres préchirurgicales
34Nous rencontrons Quentin pour la première fois lors d’une hospitalisation d’une journée, ayant pour but de réaliser un bilan d’obésité sur les plans médical, alimentaire et psychologique. Notre deuxième rencontre a lieu pendant une hospitalisation de trois jours. Elle avait pour visée d’approfondir le premier bilan. Nous résumons ici la teneur de ces entretiens.
35Quentin est âgé de 31 ans. Il est en situation d’obésité massive avec un IMC de 43,4 kg/m², ce qui représente un poids de 150 kg pour une taille de 1,86 m. Célibataire depuis toujours et sans enfant, il est actuellement au chômage, entre deux périodes d’intérim dans le domaine de la chaudronnerie.
36Lors des deux premiers entretiens, Quentin fait état d’une enfance, qu’il caractérise de « très confortable », dans une famille unie. Il est le deuxième d’une fratrie de trois garçons. Le bonheur familial prend fin au divorce de ses parents, alors qu’il avait 17 ans. Il décrit la situation comme très conflictuelle entre ses parents. L’épisode fut difficile à vivre pour lui, car, au-delà de l’explosion du couple parental, il dut apporter une attention particulière à son père. Ce dernier se renfermait sur lui-même, présentant par moment des sautes d’humeur importantes, qui le faisaient passer du repli total à l’explosion d’agressivité. Voici maintenant 14 ans que Quentin doit faire face à cette dépression paternelle, accompagnée de nombreuses tentatives de suicide. Durant l’entretien, il qualifiera la situation de « pesante », notamment à travers « cette attention perpétuelle » à « ce père qu’il faut encadrer ». Il décrit ensuite le rôle protecteur qu’il a joué auprès des membres de sa fratrie restés avec sa mère, en particulier avec son petit frère, qui était alors devenu incontrôlable et qui s’autorisait à porter des coups à leur mère. Quentin mentionne l’impact de ces événements sur le plan scolaire et, notamment, l’échec à son bac professionnel faisant naître aujourd’hui « quelques regrets ».
37En dehors du cercle familial, Quentin dit être confronté, depuis maintenant dix ans, à une incapacité à « s’autoriser une vie sentimentale ». Il précise ressentir un vide affectif important qu’il attribue totalement à sa prise de poids. Elle l’empêche de rencontrer quelqu’un, dit-il, malgré le fait qu’il soit « une personne agréable à vivre » et « toujours de bonne compagnie ».
38Lorsque nous parlons avec lui sa prise pondérale, Quentin n’explique d’aucune manière sa survenue à partir de ses 7 à 8 ans. Pour lui, son enfance « heureuse » ne peut en être à l’origine. Il met, néanmoins, en avant, le rôle du divorce parental, qui lui aurait fait gagner une vingtaine de kilos en quelques mois et établit ainsi des liens entre certains de ses événements de vie et leur impact sur son corps. Cependant, lors de l’entretien, nous constatons chez lui de réelles difficultés à exprimer des émotions ; son discours est factuel. Cette difficulté l’empêche surtout d’établir un rapport entre ses émotions propres et un mode d’alimentation pathologique : Quentin perd le contrôle de son alimentation de façon quasi journalière lors des repas. Nous pouvons qualifier ce comportement de BED prandial (APA, 2013). Il mentionne des antécédents addictifs avec le tabac et l’alcool cinq ans auparavant. Il aurait décidé, à cette époque où il pesait 135 kg, de se reprendre en main, arrêtant le tabac et l’alcool et entamant un régime sévère pour perdre 20 kg en deux mois. Malheureusement, cette restriction importante ne tint que quelque temps. Il reprit l’ensemble de son poids aussi rapidement qu’il s’en était séparé, jusqu’à parvenir à son poids maximum de 150 kg. Dans ce contexte, Quentin attend de la chirurgie une amélioration de ses conditions de vie, afin de « se sentir plus léger » et pour lui permettre de reprendre le sport, éviter d’éventuels problèmes de santé et, enfin, s’autoriser à reprendre une vie sentimentale. Il présente une certaine idéalisation de l’acte chirurgical qu’il considère comme une « renaissance ». La proposition de mettre en place un accompagnement psychologique se heurte à sa totale absence d’intérêt. Il ne pense pas avoir besoin d’une aide psychologique, car « maintenant tout va bien ».
39Lors de nos deux premiers entretiens, nous remarquons ainsi que le discours de Quentin est empreint de dynamiques défensives importantes. Ce fonctionnement défensif particulier, caractéristique d’une partie non négligeable des patients en situation d’obésité, suscite un discours factuel, dans un déni presque total des émotions. Nous avions pu faire l’hypothèse, à l’époque, déjà, que son absence de mentalisation des affects constituait le ciment des répétitions comportementales avec le tabac, l’alcool, la nourriture, puis les hyperphagies quotidiennes. Ces répétitions lui permettaient d’intérioriser son agressivité. Nous pouvions, alors, soulever quelques questions : pour quelles raisons avait-il mis en place des défenses l’empêchant d’exprimer ses émotions ? Que s’était-il passé dans son enfance pour qu’il en soit venu à combler son agressivité par la nourriture dès l’âge de 7 à 8 ans ? Qu’adviendrait-il de son agressivité, une fois que sa gestion des affects par l’alimentation serait bloquée physiquement par l’acte chirurgical ?
40À travers ces questions, c’est la stabilité psychologique de Quentin que nous voulions interroger. Toutefois, cette thématique n’étant pas encore un élément central dans la discussion pour l’indication à une chirurgie bariatrique, le corps médical a finalement pris la décision d’opérer Quentin par by-pass, malgré l’absence de compliance chez lui pour une prise en charge d’ordre psychologique.
La troisième rencontre
41Nous rencontrons Quentin une troisième fois, dans un contexte où lui-même ne déclare pas en éprouver le besoin. Nous sommes deux mois après sa chirurgie bariatrique. Il s’agit d’une visite de routine à l’hôpital où, théoriquement, le psychologue ne rencontre pas les patients. Cependant, le médecin sollicite notre avis en urgence.
42Quentin débute l’entretien de manière quelque peu défensive, en relatant le déroulement de la chirurgie de manière très euphorique et totalement banalisante. Au fil des minutes, ses défenses maniaques s’estompent et laissent place aux difficultés importantes qu’il rencontre à la suite de cette opération. Il exprime notamment sa difficulté à réduire son alimentation, ainsi que sa consommation de soda qu’il n’avait pas encore mentionnée. Pourtant, nous pouvons qualifier cette consommation de soda comme excessive, puisqu’il en ingurgitait de 4 à 6 litres par jour. Face à ce constat, que Quentin réalise durant ce troisième entretien, il semble soudain prendre conscience qu’il a réellement un problème bien plus profond qu’il ne le pensait. Nous gardons pourtant l’impression inconfortable que Quentin reste évitant, qu’il tourne autour d’un élément effrayant. Soutenu par nos relances, il en vient à confier qu’il a peur de lui-même, qu’il n’arrive plus à « se contrôler comme avant ». Il a, dit-il, « l’impression de ne plus être lui-même ». C’est ainsi que, pour la première fois, nous sentons chez lui poindre une émotion et il en vient, hésitant, fébrile, à révéler qu’une semaine auparavant, il aurait pu tuer quelqu’un, un ami de longue date.
43Cet épisode s’est passé dans son garage. Alors que cet ami commençait, dit-il, à l’énerver, il eut l’impression de sortir de lui-même et se voit, encore au moment de l’entretien, saisir un marteau de charpentier qui traînait sur l’établi. Tandis que Quentin décrit ses gestes, nous sentons sa peur s’exprimer à travers ses yeux et son corps. Il raconte avoir jeté son marteau « de toutes ses forces » sur cet ami et mentionne la chance qu’il eut que celui-ci ne passe qu’à une dizaine de centimètres de la tête. Terrorisé par cette situation, il n’arrive pas à dormir correctement depuis une semaine. Il ne comprend pas pourquoi il a réagi de la sorte, lui qui a toujours été « quelqu’un de gentil et qui ne s’énerve jamais ».
44Dans la suite de l’entretien, nous reprenons l’ensemble de cette situation et tentons de décrypter le ressenti de Quentin pour ébaucher des liens avec son passé. Nous avons ensemble reparlé du divorce de ses parents et les difficultés qui pouvaient en ressortir, sans qu’il exprime d’éléments tangibles. Mais, alors que nous échangions sur son enfance, vécue comme « très confortable » selon ses termes, il nous confie des souvenirs passés, longtemps refoulés au plus profond : des violences scolaires importantes qu’il avait vécues en primaire et au collège, où régulièrement il subissait des insultes et des violences physiques. Il réalise alors qu’elles n’ont pas été aussi anodines qu’il le pensait. Cette révélation d’un traumatisme dans l’enfance le fait associer longuement sur le lien entre son alimentation et l’agressivité qu’il essayait de contenir. Il commence à élaborer l’impact déstabilisant de la chirurgie sur son symptôme-obésité et sur son comportement, aboutissant au débordement de ses affects vers le passage à l’acte hétéro-agressif.
45Le troisième entretien avec Quentin le conduit donc à projeter une nouvelle lumière sur ses difficultés. La nécessité s’impose à lui de mettre en place rapidement un suivi psychothérapeutique, afin de s’approprier une autre voie d’expression de ses affects, plus symboligène, par la parole. Contrairement aux premières rencontres, il semble convaincu d’avoir besoin de ce soutien afin d’éviter de sombrer dans l’instabilité.
46Ce cas clinique illustre pleinement notre propos, considérant certains patients en situation d’obésité comme des sujets acculés au comportement alimentaire régressif. Considérer ce symptôme pour ce qu’il est, c’est-à-dire comme l’expression d’un défaut d’élaboration mentale, nous amène à la nécessité de mettre en place un soutien. Il ne s’agit certes pas de souhaiter détruire le symptôme à travers les régimes ou la chirurgie par exemple, mais bien d’analyser son essence même, c’est-à-dire l’absence de mentalisation due à une histoire difficile ou traumatique. Le cas de Quentin nous montre que le défaut d’une prise en charge adéquate laisse place à une autre expression de la vie pulsionnelle, qui risque de transformer une auto-agressivité problématique en une hétéro-agressivité désastreuse.
Conclusion
47Le but de cet article était de faire le point sur les liens entre traumatisme et obésité, rejoignant en cela un nombre croissant d’études récentes. Il apporte un éclairage plus complet que d’autres publications déjà existantes, grâce à sa méthodologie théorico-clinique qui permet de relier, de manière fine, les hypothèses présentées au contexte clinique qui en a permis l’émergence. Antérieurement à la prise de poids, il existe souvent un vécu traumatique qui, par son influence sur la dynamique pulsionnelle du sujet, déborde ou fragilise ses capacités à mentaliser une charge d’affects et le rend ainsi vulnérable. Ces données sont confirmées par les approches neurocognitives et neurobiologiques, qui soulignent l’existence de liens entre impulsivité, compulsivité et apparition de TCA (notamment de type BED), qu’ils soient ou non corrélés avec d’autres troubles (obsessionnels-compulsifs, déficit de l’attention, dépendance à des substances psychoactives notamment). En aval, ce mode de fonctionnement se traduit par la prévalence de la répétition pulsionnelle, qui génère culpabilité, mal-être et honte, tout en asséchant la sexualité génitale. Cette pulsionnalité, qui vise l’objet oral, oriente le sujet vers des voies régressives comportementales et somatiques ; elle s’accompagne de difficultés à éprouver des affects sur un autre mode que celui de l’économie de décharge, qui met en péril les capacités à la symbolisation.
48L’articulation théorico-clinique d’inspiration psychanalytique adoptée ici apporte, selon nous, des éléments de compréhension sur la genèse de l’obésité sévère, selon un point de vue subjectif. Il nous paraîtrait intéressant que ces apports soient mieux pris en compte dans les dispositifs thérapeutiques actuels, qui sont plus tournés vers une approche médicale et cognitivo-comportementale. À l’avenir, l’enjeu sera de réunir l’ensemble des connaissances issues des différentes perspectives pour identifier leurs convergences et divergences, afin d’aboutir à un modèle psychologique intégratif de l’obésité. La perspective psychanalytique pourrait ainsi devenir elle-même un sujet de débat, comparée à d’autres abords théorico-cliniques des troubles du comportement alimentaire et de l’obésité.
49Pour faciliter le suivi des personnes obèses désireuses de s’extraire d’une problématique pulsionnelle, les exemples donnés de ces deux patients, Nathalie et Quentin, montrent qu’une approche inspirée de l’addictologie se révèle opérante. En complément d’un abord médico-chirurgical (anneau gastrique ou by-pass), il apparaît indispensable de proposer des consultations psychologiques, même pour des patients qui, au premier abord, n’en sont pas demandeurs. La résurgence d’une agressivité jusqu’alors contenue par l’objet oral est susceptible d’entraîner, en suite de l’opération, des passages à l’acte désastreux. Lorsqu’ils ne surviennent pas, la stabilisation du sujet et l’inauguration d’un nouveau rapport à son corps comme à ses affects ne sont, pour autant, assurées que par la mise à jour de traumatismes, dont le refoulement avait conduit à une régression comportementale et somatique.
50Il est donc souhaitable que se généralisent des modes de prise en charge favorisant la réanimation psychique du sujet par « la prise en compte du “signifiant perte” » (Aubry, Vercruysse, 2009). Cette prise en compte privilégiera la mentalisation des affects plutôt que le recours à l’alimentation émotionnelle. Dans cette problématique, l’éclairage du concept de résilience (Davydov, Stewart, Ritchie, Chaudieu, 2010 ; Lighezzolo, Tychey, 2004) permettrait de favoriser une étude pluridisciplinaire – à la fois médico-chirurgicale et psychologique. Par ce concept, nous comprendrions l’importance d’une prise en charge prenant en compte la fragilité du patient, qu’il conviendrait d’accompagner, à la manière d’un tuteur de résilience. Lighezzolo et Tychey (2004) caractérisent le tuteur de résilience comme une personne étayante, aussi bien matériellement que psychologiquement et qui fait preuve de disponibilité et de respect vis-à-vis de l’autre. Elle doit pouvoir offrir une écoute empathique et « un contre modèle suffisamment éloigné du modèle parental pathogène pour devenir une “cible” identificatoire attractive » (Lighezzolo, Tychey, 2004). Du point de vue des psychologues et dans le cadre du suivi en service bariatrique, l’objectif de la prise en charge serait de permettre au patient de retrouver une capacité à élaborer ses émotions et de redonner, grâce à ses paroles, du sens à certaines expériences qui n’en avaient pas reçu. Il importerait alors de prendre en compte, aussi bien les facteurs facilitateurs que les facteurs inhibiteurs de la résilience, au cas par cas, en tenant compte de la situation familiale (Delage, 2004) et culturelle (Ionescu, Rutembesa, Boucon, 2010) de chaque sujet, pour envisager des solutions adaptées à sa situation. Comme le rappellent Dubé et ses collègues (2010), les capacités de résilience peuvent être stimulées par la réalisation de projets personnels, ce qui pourrait représenter un mode d’accompagnement possible pour les sujets en postopératoire. Rappelons, toutefois, que la résilience est un processus multifactoriel (Anaut, 2005, p. 7) et que, si elle existe potentiellement en chaque individu, elle n’est jamais acquise une fois pour toute (Anaut, 2005, p. 10) : il importe donc d’envisager un suivi au long cours plutôt que de s’en tenir à des interventions ponctuelles.
51Des recherches à venir (thèse en cours) mettront en valeur les avantages importants des dispositifs de fonctionnement en équipe pluridisciplinaire pour accueillir les patients et leur permettre de s’engager dans un travail psychique approfondi. Il s’agira de montrer que la mise en place de groupes de préparation à la chirurgie et la systématisation du suivi psychothérapeutique favoriseraient le développement de politiques de santé publique adaptées à la prise en charge des personnes obèses ou atteintes de TCA.
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Notes
-
[1]
Troubles par excès de nourriture, ou hyperphagie compulsionnelle [NDLR].