Autrepart 2006/1 n° 37

Couverture de AUTR_037

Article de revue

Les réseaux d'ONG et la gouvernance en Amazonie

Pages 93 à 110

Notes

  • [*]
    Docteur en socio-économie du développement (EHESS), chercheur associé IRD/Universidade Federal do Rio de Janeiro, bbuclet@ig.com.br.
  • [1]
    Le débat entre les ONG «?développementistes?» et «?préservationnistes?» semble aujourd’hui dépassé, chacun s’accordant sur la nécessité d’aborder la question environnementale en intégrant l’humain dans les écosystèmes. Comme le notent Weber et Lateltin [2004, p. 75]?: «?la perception de la place des humains dans la nature a évolué en profondeur. La division classique entre “nature” et “culture” est remise en cause?».
  • [2]
    Le Brésil couvre environ 68 % de la superficie totale, devant le Pérou (13 %), la Bolivie (11,2 %), la Colombie (5,5 %), l’Équateur (1,7 %), le Venezuela (0,7 %), le Surinam, la Guyane Française et la Guyana (0,1 %).
  • [3]
    Au Brésil, l’intégration de l’Amazonie était envisagée à travers une colonisation organisée et planifiée, représentative du «?capitalisme autoritaire?» [Velho, 1976] mis en œuvre par l’administration militaire. Dans ce cadre, le PIN était considéré comme «?la conquête d’un nouveau pays, à l’intérieur de la nation brésilienne… Nous allons repousser la frontière pour conquérir un nouveau pays?» [Delfim Netto, cité par Velho, 1976, p. 211]. Il était temps d’intégrer l’Amazonie pour ne pas la livrer aux étrangers (integrar para não entregar). Le projet de colonisation reposait principalement sur des incitations fiscales et sur la construction des «?routes d’intégration nationale?». Celles-ci furent prévues pour être parsemées d’«?agro-villages?» (tous les 5 à 10 km) et d’«?agrovilles?» (tous les 40 km) et ponctuées de «?ruropôles?» (centres industriels et commerciaux) destinés à accueillir les colons, arrivés du Nordeste, du Sud et du Sud-Est du pays, avides de bénéficier des promesses du gouvernement. Bien entendu, il faut voir derrière ce projet les dimensions géopolitiques et économiques?: l’entreprise était un moyen de montrer la souveraineté du Brésil sur son territoire d’Amazonie et, par ailleurs, permettait de répondre aux pressions des sociétés de travaux publics, «?les seules grandes firmes contrôlées uniquement par des capitaux nationaux, qui, après avoir construit Brasília et son réseau de déssertes, cherchaient de nouveaux marchés?» [Théry, 1995, p. 141].
  • [4]
    Cette dernière fut chargée de sept programmes sur les 52 définis en 1992?: zonification écologique et économique de l’Amazonie, écologie, biodiversité et populations, faune sylvestre, ressources hydrobiologiques, exploitation des ressources forestières, planification et gestion des espaces protégés, méthodologie d’évaluation des impacts écologiques et recherche appliquée à l’environnement.
  • [5]
    Pour plus de détails voir www.mma.gov.br.
  • [6]
    Le Groupe de Travail de l’Amazonie (GTA), créé en 1992, est un réseau d’organisations localisées dans l’Amazonie Légale qui regroupe aujourd’hui 430 membres?: ONG, syndicats de travailleurs ruraux, groupes communautaires, coopératives, organisations indigènes, mouvements sociaux de pêcheurs, collecteurs de latex, de noix et autres travailleurs extractivistes.
  • [7]
    Il existe un bureau Greenpeace Amazonie, basé à Manaus, dépendant de Greenpeace international et non du bureau de Greenpeace au Brésil.
  • [8]
    Cette ONG s’est constituée par la fusion entre le programme Povos indígenas do Brasil du Centro ecuménico de documentação e informação (CEDI), organisation montée en 1970 par des militants chrétiens alliés à des universitaires, notamment des anthropologues, soucieux de démarquer les terres indigènes, et du Núcleo de direitos indígenos (NDI), ONG montée en 1989 par un groupe d’avocats, anthropologues et leaders indiens qui avait accompagné la rédaction du chapitre de la constitution sur les droits indigènes.
  • [9]
    Notamment João Paulo Capobianco (qui a fondé la fondation SOS mata atlântica – dont il a été directeur exécutif – et a été coordinateur et membre du Conseil directeur de l’ISA) et Muriel Saragoussi (Fundação vitória amazônica).
  • [10]
    Associations représentant les intérêts de leurs membres, ceux-ci pouvant être unis par une même activité professionnelle, une identité sexuelle, ethnique ou raciale ou une appartenance géographique (région, quartier).
  • [11]
    Cela culmina avec le programme Comunidade Solidária du gouvernement Cardoso et la qualification d’«?organisation de la société civile d’intérêt public?» (OSCIP) en 1999 [Buclet, 2004, p. 154, 185-188].
  • [12]
    Cette tendance se renforce par la promotion, de la part de certains bailleurs de fonds présents dans plusieurs pays d’Amazonie, d’une approche pan-amazonienne du développement, dans l’espoir de renforcer, ou de faire naître, une identité culturelle liée à la région, qui permettrait de surmonter les différences nationales et ainsi faciliter la coopération régionale.

Introduction

1La question de la gouvernance pour les pays du bassin amazonien est particulièrement complexe. Loin de l’image d’une forêt vierge et largement inexplorée que véhiculent les médias, cet espace géographique se caractérise par une grande diversité sociale, politique et économique [TCA, 1991 ; Aramburú, Bedoya Garland, 2003]. De fait, des préoccupations et intérêts très différents coexistent dans les arènes où se discutent les politiques publiques, qui intéressent autant les populations indigènes ou « traditionnelles » que les associations corporatives, les grandes entreprises et les organisations non gouvernementales (ONG).

2En Amazonie, c’est dans les années 1990 que les ONG ont véritablement pris de l’importance en participant aux programmes de développement régionaux. Il s’agissait davantage, dans un premier temps, d’une reconnaissance politique que d’une consolidation économique. Les organisations nées dans le contexte d’opposition aux dictatures militaires se trouvèrent en effet dans une situation financière difficile une fois la démocratie retrouvée (assèchement des sources de financements). Pour la plupart, elles durent redéfinir leur raison d’être dans la situation politique nouvelle. Ce ne fut qu’après une série de transformations que ces ONG trouvèrent un second souffle. Une plus grande professionnalisation, la technicisation de leurs activités, l’homogénéisation des thématiques de travail et une certaine prise de distance par rapport à leur insertion historique auprès des mouvements populaires leur ont permis de répondre aux exigences des organismes de financement et d’accéder au marché international du développement [Buclet, Leroy, 2002]. Cette dynamique a eu l’effet d’effacer en partie leur dimension politique?: en devenant «?partenaires?» des pouvoirs publics, les ONG ont assumé une logique de tertiarisation des services collectifs. Cela leur est aujourd’hui largement reproché par les tenants d’une posture politique plus contestataire. Au sein même des ONG, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer l’asservissement de la «?société civile organisée?» par les gouvernements et les grandes entreprises, masqué par la rhétorique du «?partenariat?» et la promotion généralisée du concept, pourtant fort discutable, de «?tiers-secteur?» [Montaño, 2002?; Buclet, 2004, p. 175-182]. Alors que les ONG les plus anciennes se sont, non sans difficultés idéologiques, converties au «?tiers-secteur?», l’apparition des plus récentes s’explique en grande partie par un effet d’opportunité lié à la naissance d’un marché en pleine expansion.

3C’est également dans les années 1990 qu’apparut une nouvelle génération d’ONG, que l’on peut aujourd’hui raisonnablement qualifier de socio-environnementale [1]. Souvent nées au sein des universités ou des institutions publiques, les activités de ces ONG tournent autour de l’évaluation scientifique et la proposition de modèles de gestion durable des ressources naturelles tout en intégrant la dimension humaine du développement. Elles ont des liens forts avec le marché de l’expertise et des technologies «?propres?». Elles sont proches des bureaux d’études internationaux, spécialisées dans des domaines d’expertise bien spécifiques et ont des liens avec les agences de coopération et les ONG nord-américaines. Au Brésil, elles sont parfois considérées comme les concurrentes déloyales des organismes publics de recherche?: avec beaucoup de moyens, une taille réduite et des capacités de divulgation facilitées par leurs liens internationaux, elles ont acquis un prestige médiatique qui dépasse celui des institutions publiques de recherche, souvent considérées comme lourdes et inefficaces [Araújo, 2001].

4Plusieurs éléments expliquent l’apparition de ces ONG. En particulier, les initiatives qui ont suivi le sommet de la terre de 1992 (Fonds pour l’environnement mondial – FEM et sa version française, le Fonds français pour l’environnement mondial – FFEM, conventions sur le changement climatique, la biodiversité et la désertification, Agenda 21) et le programme pilote du G7 pour la protection des forêts tropicales brésiliennes (PPG7) ont entraîné, outre une prise de conscience mondiale de l’importance des questions environnementales, un afflux de ressources humaines et financières vers la région amazonienne. On note également, en particulier pour le Brésil, le retour en force de la coopération bilatérale nord-américaine, à travers USAID et diverses fondations (comme Ford ou McAthur), dans le financement de ce nouveau type d’ONG. Par ailleurs, la promotion généralisée du «?partenariat?» entre les gouvernements et la société civile par les organisations multilatérales du développement a contribué à renforcer la place des ONG dans les processus de décisions collectifs.

5Car c’est précisément cela qui nous intéresse au sujet de la gouvernance. Le fonctionnement de la société ne pouvant plus être envisagé à travers la dichotomie État-marché, il semble essentiel de réfléchir à la façon dont se forment les choix collectifs [Linck, 2005]. En ce sens, la notion de gouvernance, entendue comme «?une diversité possible de mécanismes de régulation des rapports entre acteurs pour mettre en œuvre le développement?» [Piveteau, 2004, p. 2] est pertinente comme outil d’analyse. Étudier la gouvernance d’un espace géographique signifie comprendre le fonctionnement du champ du pouvoir, c’est-à-dire l’espace dans lequel se définissent les règles du jeu et le partage des capitaux entre les différents acteurs.

6Partant du constat que «?le bouleversement des représentations de la nature et de la place qu’y occupent les humains s’accompagne d’une évolution profonde de la division du travail de connaissance, entre scientifiques «?académiques?», militants d’ONG, politiques?» [Weber, Lateltin, 2004, p. 76], il semble opportun d’analyser l’interaction entre les acteurs sociaux et l’environnement à travers la gouvernance. Plus précisément, on cherchera à comprendre les conséquences de l’existence des réseaux d’ONG sur la gouvernance. La première partie de l’article expose les dynamiques de la gouvernance en Amazonie. L’étude du contexte d’action et des organisations et institutions impliquées dans la gestion des questions socio-environnementales permet d’éclairer les récentes transformations des processus de définition des politiques publiques régionales. La deuxième partie montre le difficile positionnement des réseaux d’ONG, en accordant une attention particulière à leur organisation interne et à leur participation au marché du développement.

Contexte et enjeux de la gouvernance en Amazonie

7L’Amazonie est une région du monde où se concentrent des enjeux économiques, sociaux, environnementaux et géopolitiques de premier plan. Avec 1/5e des ressources terrestres en eau douce et 1/3 des forêts tropicales, une socio- et biodiversité sans égale, un potentiel économique énorme et une position géographique stratégique, cette région est, depuis un demi-siècle, l’objet de nombreux projets de développement. Entre l’approche productiviste de l’actuel gouvernement brésilien, les projets d’intégration de la Banque interaméricaine de développement (BID) et le processus de construction politique de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (OTCA), la gouvernance régionale est en pleine transformation.

8L’attraction qu’exerce l’Amazonie, espace de 7,3 millions de km2 [Fontaine, 2004] répartis entre neuf pays [2], n’est pas nouvelle. Ce territoire a longtemps encouragé explorateurs et aventuriers du monde entier, relayés (ou précédés) par les Églises et les agents économiques européens, à entreprendre toutes sortes d’affaires. À tel point que la thématique d’une «?convoitise internationale?» [Ferreira Reis, 1982] revient régulièrement dans les médias et les débats politiques et universitaires portant sur l’Amazonie, sous une forme ou une autre (actuellement, la bio-piraterie).

9C’est au moment de la République (première constitution en 1891) que le Brésil a pris conscience de l’importance géopolitique de la région. Le processus d’intégration au reste du pays se fit autour de l’extraction du latex et du développement des activités tertiaires, principalement d’importation et d’exportation. À l’apogée du cycle du caoutchouc, on se trouvait «?dans une situation où les élites régionales, noyées sous les richesses tirées de l’extraction du latex et de sa commercialisation au niveau international, investirent dans le faste et le luxe, désireuses d’atteindre le niveau de vie de la civilisation européenne?» [Maués, 1999, p. 90]. On parlait même de «?Belle Époque?» [Daou, 2000]. Mais l’extraction du latex, de faible productivité, était incapable de garantir une quelconque continuité du processus de croissance?: la vulnérabilité relative à l’extérieur, l’instabilité du revenu, la dépendance vis-à-vis de l’économie mondiale et la concentration spatiale constituaient les caractéristiques classiques d’un modèle exportateur primaire. Entre 1911 et 1914, le système révéla ses faiblesses. Avec l’entrée sur le marché mondial du caoutchouc des pays d’Asie du Sud-est (en particulier d’Indonésie), l’Amazonie perdit son monopole, ce qui entraîna la fermeture des seringais (exploitations de latex) ainsi que de nombreuses faillites commerciales. Néanmoins, le boom du caoutchouc transforma le regard que l’on portait sur la région et marqua le début de la recherche des ressources agricoles et minières [Collin-Delavaud, 1988, p. 33].

10L’intégration régionale de l’Amazonie s’accéléra considérablement dans la deuxième moitié du xxe siècle, avec la mise en œuvre de grands projets de colonisation. Suivant une logique développementiste, l’idée générale était d’investir des espaces considérés comme inoccupés et caractérisés par un potentiel économique sans limite et, surtout, inexploité. Cela passait par le déplacement de populations et la promotion de l’agriculture et de l’élevage extensif. La Carretera marginal de la selva au Pérou [Gomez, 1988, p. 53-61], la construction des routes transamazoniennes au Brésil et le Plano de integração nacional (PIN) de 1970 furent probablement les initiatives les plus spectaculaires [3]. En outre, dès la fin des années 1960, les gisements pétrolifères du bassin amazonien, en particulier en Équateur, attirèrent de nouveau les multinationales américaines et européennes, qui les avaient délaissés dans les années 1950 pour ceux du Moyen Orient et de la Mer du Nord. Les deux chocs pétroliers des années 1970 facilitèrent le financement de la politique de colonisation de terres jusqu’alors peu accessibles.

11L’accès aux marchés mondiaux des matières premières eut l’effet de renforcer la présence étrangère en Amazonie tout en consolidant les institutions publiques nationales chargées de l’administration régionale. Dans le contexte des gouvernements militaires, la crainte d’une internationalisation de l’Amazonie encouragea les pays de la région à signer le Traité de Coopération Amazonienne (TCA), en juillet 1978 à Brasilia, avec l’objectif déclaré de promouvoir le développement harmonieux de la région à travers des actions conjointes respectant la souveraineté nationale [Carrera de la Torre, 1993, p. 253-254]. La coopération régionale resta pourtant insignifiante, faute d’un cadre défini pour l’harmonisation des plans de développement et des conditions de cette coopération. Le TCA, qui ne disposait ni d’un budget opérationnel ni d’un secrétariat permanent, faisait face à la réaffirmation péremptoire de la souveraineté nationale des pays membres et à l’hégémonie du Brésil. De plus, la rivalité entre le Pérou (en guerre avec l’Équateur) et le Vénézuela, ou encore le conflit interne en Colombie se posèrent comme autant d’obstacles à l’intégration des politiques des pays du TCA [Kremling, 1997, p. 21-22, 26?; De Onis, 1992, p. 57].

12La situation changea dans la deuxième moitié des années 1980, lorsque la BID et la Banque mondiale commencèrent à soumettre leurs prêts aux critères du développement durable, obligeant notamment le Brésil à reconsidérer sa politique de lutte contre la déforestation. En 1989, le Président Sarney organisa un sommet présidentiel à Manaus, où l’on discuta de l’institution de commissions permanentes spéciales, pour les ressources naturelles, l’environnement et les affaires indigènes. Cette proposition fut suivie d’effet et, simultanément, le rôle du secrétariat pro tempore et le poids de la Commission spéciale de l’environnement furent renforcés [4] [Castaño Uribe, 1993, p. 15]. Parallèlement, les pays du TCA intensifièrent leurs efforts pour adopter une position commune face aux organismes internationaux, jusqu’au Sommet de la Terre, mettant l’accent sur la «?dette écologique des pays industrialisés?» et la nécessité d’être soutenu financièrement par les pays riches dans leur politique de préservation de l’environnement.

13La structure du TCA exclut toute participation significative de la «?société civile?», alors que les organismes financiers internationaux et quelques agences de développement et ONG internationales y jouissent d’un statut d’observateur et de coopérant dans l’élaboration des programmes d’action. L’influence de ces organismes, qui repose essentiellement sur leur capacité de financement, se traduit par une présence accrue dans les prises de décisions depuis 1990, alors que la participation des ONG régionales reste symbolique [Kremling, 1997, p. 81-83]. La création de l’OTCA (effective depuis mars 2003), dotée d’une personnalité juridique internationale et d’un secrétariat permanent basé à Brasilia, ne modifie pas fondamentalement cet état de fait. Dans le plan stratégique 2004-2012, le chapitre «?Intégration et compétitivité régionale?» accorde une importance cruciale à l’Initiative pour l’intégration de l’infrastructure régionale d’Amérique du Sud (IIRSA), lancée en 2000 par 12 pays d’Amérique du Sud, avec l’appui de la BID, de la Corporation andine de développement (CAF) et du Fonds pour le développement du bassin du Plata (FONPLATA) [OTCA, 2004, p. 14]. Ce «?couloir de développement?» composé de sept axes routiers et deux fluviaux, est considéré par le secrétariat général de l’organisation comme un moyen d’intégrer le marché intra-amazonien, mais certains groupes écologistes y voient l’une des plus grandes menaces pour la conservation de la biodiversité de la région [Delgado Ramos, 2004, p. 10?; Divers auteurs, s.d.].

14Parallèlement, lors du sommet du G7 de 1990 à Houston, le Chancelier Helmut Kohl lança un appel pour monter un programme de réduction du taux de déforestation des forêts tropicales brésiliennes. Le gouvernement brésilien, l’Union européenne et la Banque mondiale travaillèrent alors à l’élaboration du programme, qui fut finalement approuvé en décembre 1991 par les délégués du G7 et l’Union européenne, sous le nom de Programme pilote pour la protection des forêts tropicales brésiliennes (PPG7). Les pays du G7, l’Union européenne et les Pays-Bas promirent de débourser 250 millions de dollars, un premier fonds de 50 millions de dollars étant immédiatement créé. La Banque mondiale fut alors chargée de l’administration de ces ressources et les premiers projets, approuvés en 1994, débutèrent en 1995.

15Le PPG7 avait pour mission officielle de «?participer aux politiques de promotion de la conservation et du développement durable de la région amazonienne brésilienne et de la forêt atlantique, tout en incluant les populations locales?». Il se concrétisa en une douzaine de sous-programmes [5] dont certains particulièrement tournés vers l’appui à la «?société civile?», représentée au sein même du PPG7 par le Grupo de Trabalho Amazônico (GTA) [6] et le réseau Mata Atlântica (RMA). Sur les 12 programmes mis en place, 10 furent réalisés en «?partenariat?» avec des ONG. En 1999, 110 d’entre elles avaient reçu environ 19 millions de dollars et les deux réseaux qui participent directement à la gestion du PPG7 avaient bénéficié de 700?000 dollars destinés à leur renforcement institutionnel [Garrison, 2000, p. 58].

16Ces diverses initiatives n’ont pas eu les effets escomptés. Selon les principaux indicateurs, la région amazonienne présente encore, dans son ensemble, les caractéristiques classiques du sous-développement. Par ailleurs, les effets sur l’environnement ont été désastreux. Quelques 800?000 km2 des forêts du bassin amazonien avaient disparu en 1990, dont 68 % au profit de pâturages, sous l’effet conjugué de la colonisation massive, de l’exploitation commerciale du bois, de l’agriculture et l’élevage extensifs [Anderson, 1990, p. 3-23]. En outre, les forts taux de croissance urbaine [Becker, 1995], ajoutés à la mauvaise qualité des services publics, ont eu des conséquences dramatiques sur les niveaux de pollution des fleuves. Face à cet état de fait, et suite aux pressions internationales, une politique de délimitation d’aires protégées fut mise en place. À la veille du Sommet de la Terre, en 1992, le bassin amazonien comptait une centaine de parcs de ce type, totalisant 34 millions d’hectares [Castaño Uribe, 1993]. Ces politiques nationales de conservation eurent un succès limité, ce qui conduisit les États, par ailleurs encouragés par les organismes internationaux, à déléguer une bonne partie de leurs attributions dans le domaine de la protection de l’environnement à des ONG. La tendance fut renforcée par la création de systèmes de financement international des aires protégées, qui laissèrent espérer aux pays lourdement endettés la possibilité de capitaliser leur patrimoine naturel. Ainsi apparurent les fonds du Global environment facility (GEF), pour financer divers projets alternatifs à la déforestation ou de reboisement.

17On voit bien ici que la gouvernance régionale s’articule autour d’acteurs très différents les uns des autres. Institutions publiques nationales, organismes multilatéraux régionaux et internationaux, ONG locales et internationales, corporations et regroupements identitaires se côtoient dans les espaces de négociations existants. C’est ici l’influence d’un nouveau genre d’acteur du «?marché international du développement?» sur la gestion des questions socio-environnementales qui nous intéresse?: les réseaux d’ONG.

Les réseaux d’ONG en Amazonie

18Partant de la différenciation, opérée par Ballón et Valderrama [2004, p. 5], entre les ONG «?missionnaires?» et «?militantes?» des années 1970, les ONG luttant pour la démocratie, simultanément «?militantes?» et «?professionnelles?», des années 1980 et les ONG «?professionnelles?», voire «?technocratiques?» de la seconde moitié des années 1990, on distingue deux courants politiques dans les positions défendues par les ONG d’Amazonie. Tandis que certaines basent leur stratégie sur le lobbying institutionnel et les réformes légales, d’autres préfèrent les actions de boycott et les manifestations ou l’occupation de sites stratégiques [Fontaine, 2003, p. 322-332]. Un premier courant regroupe les ONG qui lancèrent le mouvement international pour la conservation des aires naturelles. Elles peuvent être qualifiées d’«?institutionnelles?», étant donné leurs sources de financement publiques et leurs relations avec les grandes entreprises, ONG ou fondations (comme Ford, Novib ou MacArthur). D’origine américaine (comme CI, TNC et le Sierra club) ou européenne (comme le WWF), elles travaillent avec des ONG locales comme la Fundación natura en Équateur et en Colombie, la Fundacíon amigos de la naturaleza (FAN) en Bolivie, la Fundación peruana para la conservación de la naturaleza et la Sociedad peruana de derecho ambiental au Pérou, l’Instituto do homem e meio ambiente da Amazônia (IMAZON) au Brésil ou encore avec leurs représentations nationales (par exemple CI Brésil ou WWF Brésil).

19Le second courant regroupe les ONG que l’on peut qualifier de «?militantes?», inspirées par l’écologie fondamentale ou la lutte pour les droits de l’homme, qui se sont multipliées à la suite du Sommet de la Terre en profitant de la dynamique associative générée par la préparation du contre-sommet ou «?forum global?», qui rassembla quelque 20?000 participants en marge du sommet institutionnel [Buclet, 2004, p. 153-154?; Fontaine, 2003, p. 311]. Parmi les plus importantes, il faut mentionner Oxfam America, Greenpeace ou les Amis de la Terre ainsi que leurs homologues locales, comme Acción ecologica et le Centro de derechos económicos y sociales en Équateur, le Foro boliviano de medio ambiente y desarrollo en Bolivie, la Sociedad nacional del ambiente au Pérou, l’Associação gaúcha de proteção ao ambiente natural, la Sociedade de preservação dos recursos naturais da Amazônia ou Greenpeace au Brésil [7].

20À mi-chemin entre les deux courants, il faut mentionner les ONG brésiliennes nées dans un contexte de résistance à la dictature militaire et qui se sont ensuite adaptées aux évolutions thématiques de la coopération internationale. Fortement empreintes d’une culture revendicatrice de gauche, elles ont développé des compétences spécifiques qui les ont rendues légitimes sur le marché de l’expertise. Elles sont généralement qualifiées de «?socio-environnementales?», ayant l’objectif assumé de faire le lien entre exigences sociales et écologiques. L’exemple le plus caractéristique est l’Instituto socioambiental, fondé en 1994 mais dont les origines remontent aux années 1970 [8]. L’appellation «?socio-environnementale?» ne doit cependant pas faire illusion?: de nombreuses ONG sont nées au début des années 1990, profitant de l’afflux de ressources qui suivit le Sommet de la Terre, la mise en œuvre du PPG7 et l’instauration du GEF en 1991?; d’autres, plus anciennes, se sont transformées pour rester compétitives et ont souvent rajouté un volet environnemental à leurs activités, adhérant sans grand discernement à la promotion du «?développement durable?».

21Tandis que l’approche «?institutionnelle?» cherche avant tout à influencer directement la gouvernance régionale, principalement à travers la participation, comme observateur, consultant et parfois comme prestataire de services, aux projets mis en œuvre par les pouvoirs publics (généralement avec l’appui des organisations internationales), la stratégie «?militante?» se base essentiellement sur le travail de terrain pour transformer la gouvernance régionale à travers la promotion de la participation sociale et de la vigilance citoyenne. Dans le cas des ONG «?socio-environnementales?» brésiliennes, on observe un subtil équilibre entre les deux tendances, même si le côté institutionnel a tendance à prendre le dessus. En particulier, on a vu récemment de nombreux militants de ce type d’ONG intégrer le ministère de l’environnement du gouvernement Lula [Buclet, 2006] [9].

22L’étude des ONG à l’échelle de l’Amazonie continentale ne doit pas masquer les différences entre les ONG brésiliennes et leurs homologues des pays andins. En particulier, les liens qui existent entre les ONG et les organisations représentatives [10] (souvent appelées «?organisations de base?») sont différents. Dans les pays andins, il semble que, jusqu’aux années 1990, les stratégies des ONG «?institutionnelles?» faisaient peu de cas des problèmes de pauvreté ou de distribution inégale des terres. Cela renforçait parfois les divisions entre les populations locales affectées par la délimitation d’aires protégées et les gouvernements, occasionnant des conflits agraires [Colchester, 1994, p. 20]. De leur côté, les ONG ayant une approche «?militante?» ont multiplié les alliances tactiques avec les organisations représentatives, en particulier indigénistes, pour, par exemple, lutter contre l’expansion des activités extractives dans la région. Par la suite, l’adaptation des ONG aux lois du marché ne fut pas sans conséquences sur leur vocation politique, de plus en plus questionnée, au sein même des organisations.

23Au Brésil, la situation est différente. Les ONG socio-environnementales ont construit leur identité précisément sur leur capacité d’intermédiation entre les organisations représentatives et les institutions publiques ou les entreprises. Même s’il existe au Brésil des ONG que l’on peut qualifier de purement «?militantes?», il s’agit principalement d’organisations très proches d’associations représentatives (comme des ONG qui font la promotion de la culture afro-brésilienne ou bien qui militent pour le droit des séropositifs). Dans le domaine environnemental, les ONG «?militantes?» sont peu nombreuses et n’ont généralement pas de liens avec les associations représentatives. On citera comme exemple Greenpeace Brésil, qui agit principalement dans le registre de la dénonciation et de l’événementiel. Les ONG purement «?institutionnelles?», elles aussi peu nombreuses, tendent vers le bureau d’étude et ne sont pas particulièrement tournées vers les associations de base.

24D’autre part, les associations représentatives ont peu à peu acquis des compétences de gestion qui leur permettent parfois de se passer des ONG pour monter leurs propres projets et capter des ressources. De plus, les grandes entreprises se sont elles aussi invitées sur le marché des ONG en lançant des campagnes de «?marketing social?» et en montant des projets sociaux à travers leurs fondations. Enfin, il faut noter la diminution générale des ressources issues de la coopération internationale dirigée vers l’Amérique latine avec la fin des dictatures militaires. En conséquence, les ONG traditionnelles ont subi une crise à la fois financière et identitaire au début des années 1990 [Buclet, Leroy, 2002] qui les a poussées à se positionner sur d’autres marchés, notamment celui de la tertiarisation des services publics [11]. Le côté «?prestataire de service?» apparaît souvent en contradiction avec les origines contestataires ou militantes des ONG plus anciennes. Les plus récentes basent leur légitimité sur leurs compétences techniques et scientifiques plutôt que sur leurs liens avec les mouvements populaires. En outre, le fait qu’elles disposent en général de ressources financières importantes – dues à leurs liens avec le monde universitaire et le marché de l’expertise nord-américain – et de techniques de marketing parfois très sophistiquées a tendance à agacer les membres des ONG plus anciennes. Elles furent souvent considérées comme les complices des promoteurs de l’idéologie néolibérale et notamment du désengagement de l’État des affaires sociales.

25C’est dans ce cadre que la multiplication des réseaux a eu lieu. Depuis une dizaine d’années, les ONG amazoniennes s’organisent en réseau. Si la définition du «?réseau?» reste un objet de discussion, d’aucuns s’accordent à leur attribuer des caractéristiques communes, telles que la flexibilité des alliances ou coalitions et une logique horizontale des relations de pouvoir, en vue d’échanger des informations et d’accroître les ressources des membres [Colonomos, 1995?; Keck et Sikkin, 2000?; Castells, 2002]. La multiplication des structures associatives ayant adopté ce nom (qui se décline en «?articulation?», «?plateforme?», «?groupe?», «?forum?», «?comité?» ou «?alliance?») est incontestable, en particulier dans le domaine de l’environnement. La nouveauté de l’organisation en réseau ne vient pas tant de la formation (souvent ponctuelle) d’alliances stratégiques entre ONG mais bien davantage de la formalisation de telles structures, c’est-à-dire le regroupement de ressources humaines et financières dans le but de créer des synergies et gagner du poids dans les espaces de négociation des politiques sectorielles.

26On a récemment identifié 66 réseaux d’ONG, actifs dans le domaine de la gestion durable des ressources naturelles [GTZ/DED/UICN, 2004]. Comptant entre 5 et 3?500 membres, ces réseaux sont très divers. Bien que généralement créés et souvent entretenus par des ONG, ils regroupent toutes sortes d’organisations collectives?: associations communautaires, syndicats, associations professionnelles, organisations internationales, institutions publiques (parfois ministères) et individus isolés s’y côtoient, réunis autour d’objectifs communs. Les réseaux du bassin amazonien partagent certaines caractéristiques, telles que la dimension transnationale [12], l’influence du milieu universitaire, une sensibilité écologique, l’objectif affiché de participer à la définition des politiques publiques et l’utilisation intensive des technologies de l’information et de la communication. Bien que certains réseaux puissent atteindre des dimensions notables, un sur deux fonctionne avec moins de six personnes et la plupart n’ont pas de locaux propres.

27Les réseaux sont nés, dans leur grande majorité, après le Sommet de la Terre, généralement avec l’objectif de mettre en commun des informations et de se renforcer collectivement, autour de l’organisation d’événements et la diffusion d’informations portant sur des thèmes comme la biodiversité, les savoirs traditionnels, les questions relatives aux populations indiennes, à la gestion de l’eau ou aux questions de genre. Pourtant, il semble que les principales avancées de leurs activités ne concernent pas tant la gestion de l’information que leur capacité d’influence politique et leur participation à la définition des politiques publiques.

28On retrouve logiquement les mêmes tendances stratégiques que dans les ONG. Les réseaux de type «?institutionnel?», tels que la UICN-Sur, la Red latino-americana de bosques (Équateur), la Bolsa Amazônia (Brésil), la Red ambiental peruana ou la Red de desarrollo y medio ambiente (Bolivie), se sont crées selon le modèle de l’UICN, premier exemple du genre et aujourd’hui l’un des mieux structurés en Amérique latine. Ils ont une conception du développement durable centrée sur la conservation et la délimitation d’aires protégées, qui suivent en partie la stratégie de TNC, CI et WWF. Ils privilégient l’expertise de professionnels hautement spécialisés et les synergies de compétences pour répondre aux demandes du marché et participer au système institutionnel et à la planification des politiques publiques (le plus souvent comme consultant des institutions publiques). Dans ce contexte, le pragmatisme économique et la rationalité instrumentale sont des facteurs déterminants.

29Ces réseaux se caractérisent par une grande spécialisation professionnelle, un compromis autour de la prestation de service aux organismes de coopération internationale, aux entreprises ou à l’administration publique, doublé d’un sens aigu des affaires. En contrepartie, les capacités d’influence sur les politiques publiques sont indéniables. Leur efficacité se mesure avant tout par leur capacité d’expression dans la sphère publique et leur solvabilité économique. Cependant, cette institutionnalisation entraîne parfois des tensions internes. À force de défendre une position de neutralité politique au nom de l’efficacité de gestion, ces réseaux finissent par adopter une position politique de fait, qui conforte l’architecture du système de gouvernance dominant. Tel est le cas, par exemple, des tensions entre la triade TNC-WWF-CI et la Coordination des organisations indigènes (COICA), nées des contradictions entre certains programmes de conservation et l’agenda politique des organisations de base, voire de l’attitude paternaliste de ces organisations millionnaires envers les acteurs locaux [Chapin, 2004].

30Les réseaux de type «?militant?», comme Oilwatch (Équateur), la Liga de defensa del medio ambiente (Bolivie), le Foro ecológico (Pérou) ou des réseaux exogènes intervenant en Amazonie, comme Rainforest action network (États-Unis) et le World rainforest movement (Uruguay), ont une conception plus radicale du développement durable. Ils privilégient l’éthique de conviction et la solidarité, voire le bénévolat, la flexibilité et la polyvalence des rôles et responsabilités et l’opposition au système institutionnel – en particulier contre les politiques d’inspiration néolibérale qui se sont généralisées en Amérique latine depuis la crise de la dette. Ils ont tendance à déclencher des conflits écologiques – notamment contre l’exploitation des ressources non renouvelables – sans offrir de solutions alternatives qui n’impliquent une rupture systémique. De ce fait, leur rôle dans la redéfinition des politiques publiques se limite souvent à la dénonciation et à l’apport d’information critique.

31Les activités qui ont des conséquences directes sur la gouvernance régionale relèvent du militantisme politique et du lobbying. Il s’agit de la participation des réseaux à l’élaboration de lois ou de projets de lois nationaux, comme RLB dans la définition des codes forestiers équatorien et péruvien dans les années 1990, RAFE et la formulation du plan équatorien d’agro-foresterie en 1999 ou LIDEMA et les lois péruviennes environnementales de 1992 et forestières de 1996. Les réseaux influencent également la gouvernance régionale à travers leur participation aux espaces de négociations existants, nationaux et internationaux. Par exemple, c’est le cas de la présence du GTA au sein du PPG7, de la participation de l’UICN à l’OTCA, au Mercosur ou dans les négociations des conventions internationales, de la participation de la SNA au conseil consultatif de la BID, de la présence de la Rede norte dans les discussions sur un projet de loi sur l’accès aux ressources génétiques et la protection des connaissances traditionnelles ou encore de la participation du MAMA aux conférences internationales sur les femmes à Durban, Johannesburg ou au FSM.

32La gouvernance est également influencée par des campagnes de sensibilisation, des activités de lobbying plus agressives ou par des dénonciations appuyées par des actions juridiques. C’est le cas des actions entreprises par la SNA et le Foro ecológico pour dénoncer l’anti-constitutionnalité de l’exploitation des réserves de gaz de Camisea au Pérou, les activités générales de Oilwatch ou de l’interdiction de l’usage des pesticides les plus dangereux obtenue par le RAAA. Dans le registre des campagnes de sensibilisation, on peut citer l’articulation, par le FAOR, des mouvements de protestation contre les exploitations de soja ou les mobilisations contre l’exploitation illégale de bois, la campagne nationale menée par le RAAA contre le lait contaminé par la bactérie «?parathion éthilique?», responsable de la mort de 29 enfants en 1999, les mobilisations de 2002 contre la réforme du code forestier brésilien (qui voulait faire passer de 50 à 80 % le taux de terres défrichables) ou la récente campagne pour la récupération de la marque cupuaçu (un fruit d’Amazonie) déposée au Japon.

33Plus indirectement, les activités des réseaux liées à la diffusion et à la circulation d’information et celles visant le développement de compétences spécifiques et la prestation de services ont aussi une influence indéniable sur la gouvernance régionale. On note en particulier la grande visibilité des bulletins produits par REDESMA, les publications du FAOR ou du GTA, les activités de formation de RAFE, du PCTA, de la Rede norte ou de POEMA, l’aide juridique proposée par le Foro ecológico ou le PICCSA ou encore les bourses de recherche offertes par la RAAA.

34De nouveau, il convient de faire une double distinction. D’une part, si l’on peut sans aucun doute classifier les réseaux selon leur stratégie dominante, il est évident, et c’est là tout l’intérêt de travailler en réseau, que les postures des organisations affiliées sont diverses. La plupart des réseaux regroupe des ONG qui ont des stratégies d’action spécifiques, n’allant pas nécessairement dans le sens adopté collectivement, ce qui est source de conflits. D’autre part, il faut faire une distinction entre les réseaux brésiliens et ceux des pays andins, reflet des différences existant entre les ONG. Au Brésil, les réseaux semblent plus hétérogènes que ceux des pays andins. On peut expliquer cela par le nombre d’ONG affiliées, souvent très élevé, et par le grand dynamisme de la société civile brésilienne depuis le retour de la démocratie en 1985 [Léna, 2002]. Les réseaux brésiliens servent, globalement, de moyens d’expression politique pour les ONG et organisations représentatives. Ils leur permettent d’exprimer collectivement des positions qui seraient difficiles à assumer individuellement ou de mettre en commun des ressources pour réaliser des économies d’échelle.

35Il serait cependant naïf de ne voir dans les réseaux que la solution miracle aux problèmes de représentation collective de la «?société civile organisée?». En effet, l’étude de leur historique révèle que nombre d’entre eux doivent leur existence davantage à la volonté initiale de certaines agences de coopération qu’à un mouvement collectif spontané. Fréquemment, il s’avère que de grandes ONG ou agences de financement (Brot für die welt ou le WWF) ou des organisations internationales (l’ONU, l’Organisation mondiale de l’agriculture, le PNUD, la Banque mondiale, l’Organisation des États d’Amérique, le G7, USAID ou GTZ) ont joué un rôle de catalyseur dans la création des réseaux. Il arrive même que des bailleurs de fonds ou des ONG internationales financent purement et simplement la création d’un réseau, considéré dans ce cas comme un véritable projet, sans qu’il existe la moindre dynamique spontanée – c’est le cas de la Red latinoamericana de bosques, créée par le WWF.

36L’idée que la création des réseaux est le fruit d’une volonté collective doit aussi être relativisée. Souvent, les réseaux naissent du désir d’un petit groupe de personnes ou d’organisations (parfois d’une seule). Dans tous les cas, on note le rôle fondamental d’un «?noyau dur?» lié à quelques ONG ou institutions. Enfin, les difficultés sont nombreuses et les moyens dont disposent les réseaux sont souvent limités et, dans tous les cas, semblent bien dérisoires par rapport aux ressources des groupes industriels auxquels ils se confrontent. Cela conduit parfois à de curieuses alliances, comme l’EBI (Energy and biodiversity initiative), accord entre quatre multinationales pétrolières et les cinq plus grandes ONG de conservation du monde pour financer des projets de conservation avec les revenus du pétrole, ou le «?partenariat?» entre les plus importantes ONG socio-environnementales brésiliennes et les industriels du soja?: l’IPAM avec MAGGI, TNC avec Cargill, CI avec Bunge et le WWF avec un consortium d’entreprises (dont Fetraf-Sul, Maggi et Unilever), à travers le Round table on responsible soy.

37L’une des grosses difficultés des réseaux est l’articulation d’une réflexion collective entre des acteurs ayant des intérêts spécifiques et parfois contradictoires. Respecter la diversité des participants tout en maintenant un fonctionnement en réseau (c’est-à-dire le plus horizontal possible) représente un véritable défi. Le manque de participation des membres, les problèmes logistiques de communication, la difficulté de systématiser l’information, les conflits entre les membres ou la centralisation du pouvoir sont autant de raisons qui relativisent l’idéal d’une représentation unique d’intérêts partagés. Ces difficultés compliquent considérablement la logique de fonctionnement en réseau et mettent à mal leur rôle politique. Elles doivent pourtant être surmontées pour éviter que le côté fonctionnel n’étouffe le processus collectif et que le réseau ne se transforme en une autre ONG, entrant peu à peu en compétition avec ses propres membres dans la captation de ressources auprès des bailleurs de fonds.

Conclusion

38Dans le contexte de la globalisation de l’Amazonie, l’organisation en réseau s’impose comme une manière de préserver (ou récupérer) une certaine autonomie politique par rapport aux organismes publics et aux bailleurs de fonds internationaux. On observe néanmoins la même dualité entre réseaux «?militants?» et réseaux «?institutionnels?», même s’ils se composent d’ONG ayant des stratégies politiques diverses, voire opposées. Tandis que les premiers ont un ancrage populaire indiscutable, les autres apparaissent souvent comme le fruit de la volonté des autorités nationales et internationales de tutelle, instigatrices de la gouvernance globale, voire des ONG transnationales (TNC, WWF ou CI). Entre construction d’une société civile aux contours flous, qui sert avant tout de caution aux politiques néolibérales, et mouvement spontané d’organisations collectives, les réseaux n’en constituent pas moins des espaces de circulation d’idées et d’informations qui participent de l’évolution de la gouvernance régionale.

39Il apparaît sans ambiguïté que les réseaux modifient l’agenda des organisations publiques nationales et multilatérales mandatées pour gérer les questions socio-environnementales régionales. Qu’ils soient invités ou qu’ils fassent pression pour participer aux espaces de négociations, les réseaux formulent des propositions ou dénonciations qui sont nécessairement prises en compte dans les débats. Même si elles sont parfois méprisées, elles n’en restent pas moins formulées. Cela offre, au moins, l’avantage de rendre publiques des discussions qui auraient moins de visibilité (ou aucune) sans l’existence des réseaux. Très concrètement, l’influence des réseaux sur la gouvernance régionale se révèle de façon directe?: modification de la législation, blocage de certains projets, actions juridiques, organisation de campagnes publiques de sensibilisation, contrôle et suivi de l’action publique, participation aux négociations internationales environnementales ou participation directe à l’évaluation et définition des projets des institutions publiques. Par ailleurs, il faut relever les effet indirects, relatifs au renforcement des capacités d’influence des membres des réseaux, à travers une meilleure organisation collective (articulation entre les réseaux, approfondissement des discussions thématiques, accès aux espaces de discussion nationaux et internationaux et mise en commun des ressources), un effort incontestable dans la diffusion et l’échange d’information (travail commun, meilleure visibilité des débats thématiques, réalisation de séminaires et colloques, publications et circulation d’informations) et la propre consolidation des réseaux (augmentation du nombre de participants, amélioration des conditions de travail, diffusion de la culture de travail en réseau et consolidation structurelle). Ces éléments améliorent sans aucun doute les capacités réactives des membres, les rendant plus flexibles, mieux informés et ainsi plus efficaces pour influencer les politiques publiques.

40D’autre part, il est essentiel de reconnaître la légitimité des réseaux d’ONG parmi les acteurs du développement en Amazonie. Si l’absence de légitimité démocratique des ONG est indéniable, ce n’est pas le cas pour les réseaux. Ils ne sont pas des «?super-ONG?», mais des structures collectives représentant les intérêts de leurs membres. Que le degré de représentation des ONG doive être questionné, c’est évident. Mais c’est un autre débat [voir Buclet, 2004, p. 298-344]. Les ONG, auto-proclamées représentantes de la «?société civile?» n’en restent pas moins des espaces de discussion dans lesquels se dessinent de nouvelles formes d’action et d’organisation collective. Certes, les individus responsables des ONG ont un profil comparable à ceux des institutions publiques [Dezalay, Garth, 2001?; 2005]. Certes, les projets réalisés par les ONG reflètent les idéologies, quelles qu’elles soient, de leurs concepteurs, ceux-là même qui les ont montés, qui les dirigent et qui contrôlent la majeure partie des sources de financement. Il n’en reste pas moins que ces derniers sont en contact étroit, et fréquent, avec les organisations représentatives. Ils font partie de ceux, parmi les individus ayant du pouvoir sur la définition des politiques publiques, qui ont les connaissances les plus approfondies des questions socio-environnementales régionales. Il semble donc essentiel d’accorder un crédit aux initiatives entreprises par les ONG. Dans cette optique, les réseaux représentent des structures qui permettent de gommer le poids des caractéristiques individuelles et les contraintes des ONG liées au marché du développement. La participation des réseaux à la gouvernance régionale permet donc, dans une certaine mesure, d’inclure une variété d’intérêts et de sensibilités aux débats portant sur les décisions collectives.

41La question la plus pertinente que pose l’étude des réseaux d’ONG est liée à leur articulation interne. De celle-ci dépend la façon dont les réseaux se constituent comme les porteurs des propositions et revendications représentatives de leurs membres. Les discussions collectives ayant lieu en leur sein, cherchant le consensus, ont nécessairement l’effet d’atténuer les positionnements les plus radicaux, ou les propositions les plus audacieuses, qui peuvent émaner des membres. Le risque est d’aboutir à un «?consensus mou?», facile à négocier et à intégrer dans les programmes publics, nationaux et internationaux. Dans cette optique, le rôle des agences de financement doit être questionné, le rôle fondamental des organismes de financement dans la création des réseaux ne laissant pas de doute sur leur qualité de «?relais?» des institutions internationales. L’influence des réseaux sur la gouvernance régionale se trouve aussi dans le rapprochement entre l’espace local, ou régional et l’espace international. En d’autres termes, la restructuration du champ du pouvoir local passe par une reconfiguration des agendas liée à l’import-export des débats. Cela ramène une fois de plus la vieille question de la souveraineté nationale des pays d’Amazonie (mais est-ce très différent ailleurs??). Nous avons cherché à souligner, dans ce court texte, l’importance de l’organisation interne des réseaux sur la prise en compte de la pluralité des intérêts des membres, l’horizontalité de la communication interne et des prises de décision et le difficile équilibre entre une logique fonctionnelle et une logique politique.


Sigles

BIDBanque interaméricaine de développement
CIConservation international
COICACoordinadora de las organizaciones indígenas de la cuenca amazónica
EBIThe energy and biodiversity initiative
FANFundacíon amigos de la naturaleza
FAORFórum da Amazônia oriental
FEMFonds pour l’environnement mondial
FFEMFonds français pour l’environnement mondial
FSMForum social mondial
GEFGlobal environment facility
GTAGrupo de trabalho amazônico
GTZGesellschaft für technische zusammenarbeit
IIRSAIniciativa para la integración de la infraestructura regional suramerica
IMAZONInstituto do homem e meio ambiente da Amazônia
IPAMInstituto de pesquisa ambiental da Amazônia
ISAInstituto socioambiental
LIDEMALiga de defensa del medio ambiente
MAMAMovimento articulado de mulheres da Amazônia
OTCAOrganisation du traité de coopération amazonienne
PCTAPrograma de capacitação de técnicos e agricultores da Amazônia
PICCSAPlataforma interinstitucional de creación de consensos socio ambientales
PNUDProgramme des Nations-Unies pour le développement
POEMAPobreza e meio ambiente
PPG7Programme pilote pour la protection des forêts tropicales brésiliennes
RAAARed de acción en alternativas al uso de agroquímicos
RAFERed agroforestal ecuatoriana
REDESMARed de desarrollo sostenible y medio ambiente
RLBRed latinoamericana de bosques
RMARede mata atlântica
SNASociedad nacional del ambiente
TCATraité de coopération amazonienne
TNCThe nature conservancy
UICNUnião mundial para a natureza
USAIDUnited States agency for international development
WWFWorld wildlife fund

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : Amazonie, gouvernance, réseaux, ONG, société civile

Mise en ligne 01/01/2011

https://doi.org/10.3917/autr.037.0093

Notes

  • [*]
    Docteur en socio-économie du développement (EHESS), chercheur associé IRD/Universidade Federal do Rio de Janeiro, bbuclet@ig.com.br.
  • [1]
    Le débat entre les ONG «?développementistes?» et «?préservationnistes?» semble aujourd’hui dépassé, chacun s’accordant sur la nécessité d’aborder la question environnementale en intégrant l’humain dans les écosystèmes. Comme le notent Weber et Lateltin [2004, p. 75]?: «?la perception de la place des humains dans la nature a évolué en profondeur. La division classique entre “nature” et “culture” est remise en cause?».
  • [2]
    Le Brésil couvre environ 68 % de la superficie totale, devant le Pérou (13 %), la Bolivie (11,2 %), la Colombie (5,5 %), l’Équateur (1,7 %), le Venezuela (0,7 %), le Surinam, la Guyane Française et la Guyana (0,1 %).
  • [3]
    Au Brésil, l’intégration de l’Amazonie était envisagée à travers une colonisation organisée et planifiée, représentative du «?capitalisme autoritaire?» [Velho, 1976] mis en œuvre par l’administration militaire. Dans ce cadre, le PIN était considéré comme «?la conquête d’un nouveau pays, à l’intérieur de la nation brésilienne… Nous allons repousser la frontière pour conquérir un nouveau pays?» [Delfim Netto, cité par Velho, 1976, p. 211]. Il était temps d’intégrer l’Amazonie pour ne pas la livrer aux étrangers (integrar para não entregar). Le projet de colonisation reposait principalement sur des incitations fiscales et sur la construction des «?routes d’intégration nationale?». Celles-ci furent prévues pour être parsemées d’«?agro-villages?» (tous les 5 à 10 km) et d’«?agrovilles?» (tous les 40 km) et ponctuées de «?ruropôles?» (centres industriels et commerciaux) destinés à accueillir les colons, arrivés du Nordeste, du Sud et du Sud-Est du pays, avides de bénéficier des promesses du gouvernement. Bien entendu, il faut voir derrière ce projet les dimensions géopolitiques et économiques?: l’entreprise était un moyen de montrer la souveraineté du Brésil sur son territoire d’Amazonie et, par ailleurs, permettait de répondre aux pressions des sociétés de travaux publics, «?les seules grandes firmes contrôlées uniquement par des capitaux nationaux, qui, après avoir construit Brasília et son réseau de déssertes, cherchaient de nouveaux marchés?» [Théry, 1995, p. 141].
  • [4]
    Cette dernière fut chargée de sept programmes sur les 52 définis en 1992?: zonification écologique et économique de l’Amazonie, écologie, biodiversité et populations, faune sylvestre, ressources hydrobiologiques, exploitation des ressources forestières, planification et gestion des espaces protégés, méthodologie d’évaluation des impacts écologiques et recherche appliquée à l’environnement.
  • [5]
    Pour plus de détails voir www.mma.gov.br.
  • [6]
    Le Groupe de Travail de l’Amazonie (GTA), créé en 1992, est un réseau d’organisations localisées dans l’Amazonie Légale qui regroupe aujourd’hui 430 membres?: ONG, syndicats de travailleurs ruraux, groupes communautaires, coopératives, organisations indigènes, mouvements sociaux de pêcheurs, collecteurs de latex, de noix et autres travailleurs extractivistes.
  • [7]
    Il existe un bureau Greenpeace Amazonie, basé à Manaus, dépendant de Greenpeace international et non du bureau de Greenpeace au Brésil.
  • [8]
    Cette ONG s’est constituée par la fusion entre le programme Povos indígenas do Brasil du Centro ecuménico de documentação e informação (CEDI), organisation montée en 1970 par des militants chrétiens alliés à des universitaires, notamment des anthropologues, soucieux de démarquer les terres indigènes, et du Núcleo de direitos indígenos (NDI), ONG montée en 1989 par un groupe d’avocats, anthropologues et leaders indiens qui avait accompagné la rédaction du chapitre de la constitution sur les droits indigènes.
  • [9]
    Notamment João Paulo Capobianco (qui a fondé la fondation SOS mata atlântica – dont il a été directeur exécutif – et a été coordinateur et membre du Conseil directeur de l’ISA) et Muriel Saragoussi (Fundação vitória amazônica).
  • [10]
    Associations représentant les intérêts de leurs membres, ceux-ci pouvant être unis par une même activité professionnelle, une identité sexuelle, ethnique ou raciale ou une appartenance géographique (région, quartier).
  • [11]
    Cela culmina avec le programme Comunidade Solidária du gouvernement Cardoso et la qualification d’«?organisation de la société civile d’intérêt public?» (OSCIP) en 1999 [Buclet, 2004, p. 154, 185-188].
  • [12]
    Cette tendance se renforce par la promotion, de la part de certains bailleurs de fonds présents dans plusieurs pays d’Amazonie, d’une approche pan-amazonienne du développement, dans l’espoir de renforcer, ou de faire naître, une identité culturelle liée à la région, qui permettrait de surmonter les différences nationales et ainsi faciliter la coopération régionale.
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