Vous savez peut-être que le Top 40 américain n’est pas tout à fait l’équivalent de feu le Top 50 français. Il s’agit à la fois d’un classement, ou plutôt de plusieurs classements, et d’un « format » qui définit la programmation des stations de radio généralistes aux États-Unis. Le critique musical et chercheur Eric Weisbard y a consacré tout un ouvrage, Top 40 Democracy, édité en 2014 chez University of Chicago Press, dont le présent texte est l’introduction. Son approche du sujet est originale en ce qu’elle interroge l’habituelle opposition entre le format, considéré comme une case servant la marchandisation de la musique, et le genre, perçu lui comme un vecteur d’identité collective pourvu d’un ensemble de valeurs. Weisbard estime qu’en réunissant différents styles et différentes communautés, le principe du Top 40 et du « formatage » œuvre en faveur d’une démocratie culturelle. Parce qu’ils évoluent hors des chapelles, les formats travailleraient un spectre bien plus large que les genres, ils ignoreraient leur volonté de faire autorité, et désamorceraient les certitudes de leurs défenseurs. Contre la revendication d’authenticité des « rockistes », ils cultivent une idée plus libre de ce que les tubes et la pop ont à offrir à la société. Bien sûr, il ne s’agit pas pour autant de tomber dans un snobisme inversé consistant à remplacer la finesse du goût par l’arbitraire du marché. Mais il reste néanmoins crucial d’examiner comment un procédé dit commercial peut faire émerger de nouveaux publics, et avec lui de nouvelles façons d’écouter.