« Dans la pop bubble gum, l’idée de son pur n’était pas une philosophie, mais bien une réalité. À cet égard, la bubble gum était en avance sur l’avant-garde. » Ces mots d’Arthur Russell, programmatiques, tirés d’un entretien mené par son collaborateur Peter Zummo, datent de 1977, soit près de dix ans avant la sortie de son album World of Echo. Le « son pur » aura été pour Russell la quête d’une vie, débutée dans son Iowa natal, poursuivie à San Francisco, puis au cœur du chaudron créatif et expérimental de Downtown Manhattan. À la croisée de plusieurs scènes, classique (ou néo-classique), minimaliste, new-wave ou disco, rendues poreuses par sa seule grâce, Russell fut un personnage discret mais essentiel, aussi bien pour le New York cérébral et expérimental de la Kitchen que pour celui, hédoniste et sensuel, de la Gallery de Nicky Siano. Si aujourd’hui, après sa « redécouverte » au début des années 2000, Arthur Russell est largement admiré des mélomanes, il n’a de son vivant jamais réellement connu ni succès ni reconnaissance, expérimentant sans répit, déterritorialisant genres et pratiques, multipliant les collaborations rhizomatiques (oui, encore), et tentant de trouver le passage vers une hypothétique troisième voie du son.
Dans ce chapitre de Hold On to Your Dreams : Arthur Russell and the Downtown Music Scene, 1973 -1992, la biographie qu’il lui a consacrée en 2009, l’essayiste et universitaire londonien Tim Lawrence dépeint le contexte, les processus et l’état d’esprit qui ont mené à la concrétisation de World of Echo, œuvre unique pour voix et violoncelle, où les recherches sonores d’Arthur Russell, toujours en équilibre instable, en porte-à-faux, trouve peut-être leur plus somptueux aboutissement.