Notes
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[1]
Archives du ministère des Affaires étrangères (La Courneuve), 56PAAP/2, lettre du comte Doynel de Saint-Quentin, agent de liaison auprès de l’armée britannique d’Égypte, au ministre de France au Caire, Albert Defrance, s.l., 20 novembre 1917.
-
[2]
L’exportation des oranges, permise par la navigation à vapeur, explique en grande partie la croissance du trafic du port de Jaffa. Haïm Gerber, « Modernization in Nineteenth-Century Palestine : the role of Foreign Trade », Middle Eastern Studies, vol. 18, 3, pp. 250-264 ; Mark LeVine, Overthrowing geography : Jaffa, Tel Aviv and the struggle for Palestine, 1880-1948, Berkeley, University of California Press, 2005.
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[3]
Le fruit serait originaire du nord de l’Inde. Au XIXe siècle cependant, les cédrats consommés en Europe viennent essentiellement de l’île de Corfou.
-
[4]
Le mot « orange » dérive d’ailleurs de narandj, le terme arabe. Toutefois, ce sont les colons chrétiens de Sarona, originaires d’Allemagne, qui apposent les premiers en 1871 le label « orange de Jaffa » sur leurs expéditions. Ce label figure en marge de l’article « Jaffa Orange » in Wikipedia. The Free Encyclopedia (consulté le 9 janvier 2014).
-
[5]
Israël Margalith, Le Baron Edmond de Rothschild et la colonisation juive en Palestine, 1882-1899, Paris, Librairie Marcel Rivière et Cie, 1957 ; Dan Giladi, « The agronomic development of the Old Colonies in Palestine (1882-1914) », in Moshe Ma’oz (d.), Studies on Palestine during the Ottoman Period, Jérusalem, The Magnes Press/The Hebrew University/ Yad Izhak Ben Zvi, 1975, pp. 175-189 ; et les travaux de Jean-Marie Delmaire sur les Amants de Sion (Hovevei Zion).
-
[6]
Ce point est souligné par Yoram Majorek dans « Les Juifs français et la colonisation agricole en Palestine avant la Première Guerre mondiale », in Aspects du sionisme. Théorie-utopie-Histoire, Paris, INALCO, 1976, pp. 115-122.
-
[7]
Georges Weill, « Charles Netter ou les oranges de Jaffa », Les Nouveaux Cahiers, n° 21, été 1970, pp. 2-36, ici p. 25.
-
[8]
Georges Weill, « Les débuts de la colonisation en Palestine. Le rôle de Mikveh-Israel de 1870 à 1914 », in Aspects du sionisme. Théorie-utopie-Histoire, Paris, INALCO, 1976, pp. 78-84.
-
[9]
Ces chiffres englobent les colonies du Baron (celles reprises des Amants de Sion comme celles qu’il a fondées par la suite), celles restées aux Amants de Sion et les colons « indépendants ». Sur l’œuvre palestinienne du baron de Rotschild : Israël Margalith, op. cit. ; Ran Aharonson, « La modernisation agricole en Palestine. Réflexions sur le rôle du baron de Rothschild et le rôle de la France », in Aspects du sionisme, op. cit., p. 123 ; idem, Rothschild and Early Jewish Colonization in Palestine, Jérusalem, the Hebrew University/Magnes press, 2000, p. 283.
-
[10]
Pour le raisin mais sans doute aussi pour le vin. Une fraction de la population arabe, rappelons-le, est chrétienne.
-
[11]
Élisabeth Antébi, Edmond de Rothschild (1845-1934) : un itinéraire religieux ?, thèse de doctorat, INALCO, 1999, p. 339. Des tentatives infructueuses, en raison d’une concurrence régionale trop forte sans doute, ont été faites aussi pour développer la production de raisins secs.
-
[12]
Le dounam est une mesure de superficie locale qui équivaut à 920 m2.
-
[13]
Israël Margalith, op. cit., p. 141.
-
[14]
Élisabeth Antébi, op. cit.
-
[15]
Ibid., p. 338.
-
[16]
Idem.
-
[17]
Israël Margalith, op. cit., p. 141.
-
[18]
L’expression est de Jean-Louis Clade, Charles Jollès, La Gentiane : l’aventure de la fée jaune, Cabédita, Yens sur Morge, 2006, p. 118.
-
[19]
La première présentation des vins Carmel aurait eu lieu à la Foire internationale de Berlin en 1896, dans un pavillon spécial consacré aux industries de la colonie juive en Palestine ; puis ils furent présentés à une exposition mondiale de jardinage à Hambourg en 1897. Cf. la notice en ligne « Carmel Winery » : en.wikipedia.org/wiki/Carmel_winery.
-
[20]
Georges Weill, « Les débuts de la colonisation en Palestine », op. cit.
-
[21]
Notice en ligne « Carmel Winery » : en.wikipedia.org/wiki/Carmel_winery.
-
[22]
Élisabeth Antébi, op. cit., pp. 339, 341. Samuel Tolkowsky, La Colonisation juive en Palestine, Paris, Editions de la FSF, 1910.
-
[23]
Pour des expressions de ces critiques : Samuel Tolkowsky, ibid. ; Arthur Ruppin, « The Picture in 1907 », un discours prononcé le 7 février 1908 devant la Société de colonisation juive de Vienne, en ligne sur : www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/Zionism/Ruppin1907.htlm. Ran Aharonson s’emploie au contraire à démonter cette image d’un Rothschild agissant en capitaliste attaché au profit dans Rothschild and Early Jewish Colonization in Palestine, op. cit., pp. 292-297.
-
[24]
Zvi Shilony, Ideology and settlement. The Jewish National fund, 1897-1914, Jérusalem, The Magnes Press/The Hebrew University, 1998, passim.
-
[25]
Le Cactus et l’ombrelle. Chronique familiale juive de Lucie Matuzewitz, Paris, Guy Authier, 1977, pp. 33, 66, 72, 209.
-
[26]
Arthur Ruppin, « The Picture en 1907 », op. cit. Traduction de l’auteur.
-
[27]
Palestine économique 1936, n° spécial des Cahiers juifs, édité sous le patronage de Justin Godart, Sénateur, Ancien Ministre, Président de France-Palestine et sous le patronage du Comité de la Foire du Levant de Tel Aviv, 9, rue Le Sueur, Paris (XVIe), p. 280 sq. ; Samuel Tolkowsky, op. cit ; Dan Giladi, op. cit. ; Shmuel Avitsur, « The influence of Western Technology on the economy of Palestine during the nineteenth century », in Moshe Ma’oz (ed.), op. cit., p. 485.
-
[28]
Chiffres de 1922 cités par Arthur Koestler, Analyse d’un miracle, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 41, qui se réfère au Memorandum on the influence of Jewish Colonization on Arab development in Palestine, Jérusalem, 1947, et Statistical Handbook of the Middle East, Jérusalem, 1944.
-
[29]
Vincent Vilmain, Féministes et nationalistes ? Les femmes juives dans le sionisme politique 1868-1921, Thèse de doctorat, EPHE, 2011.
-
[30]
En 1912 cependant, L’Écho sioniste affiche en quatrième de couverture une publicité pour « les vins Carmel et Mont Thabor, 51, boulevard de La Chapelle », lesquels auraient le monopole pour la France des « vins, liqueurs et eaux de vie des caves de Rishon-le-Tsion et de Zikhron Yaakov ». On sait que ces vins connaissent de toute façon une certaine diffusion, au moins à Paris, puisqu’outre les réclames publiées dans la presse sioniste, il a existé des affichettes publicitaires plus élaborées et en couleur, comme celle qui figure en couverture du livre de Ran Aharonson, Rothschild and Early Jewish Colonization in Palestine, op. cit., où on lit : « Larose 1894. Vin rouge naturel de PALESTINE ».
-
[31]
Sauf mention contraire, les informations contenues dans ce paragraphe sont tirés de l’ouvrage Palestine économique 1936, op. cit., p. 152.
-
[32]
Mais l’article « Jaffa Orange » (op. cit.) avance, pour 1928, des chiffres peut-être plus plausibles : 30 000 dounams pour les orangeraies juives sur un total de 60 000 dounams.
-
[33]
La Terre retrouvée, 1er juin 1938, « L’extension des orangeries ».
-
[34]
Ce dernier chiffre est cité par Arthur Koestler, op. cit., p. 41. Certains notables arabes sont à la tête d’orangeraies très importantes comme le grand-père maternel de Sari Nusseibeh, qui les évoque dans les premiers chapitres de Il était une fois un pays. Une vie en Palestine, Paris Lattès, 2008.
-
[35]
La Terre retrouvée, 25 février 1935, p. 15.
-
[36]
En octobre 1933, les pamplemoussiers couvrent 5 400 dounams, soit au moins le double d’avant la guerre. Selon Palestine économique 1936, op. cit., p. 282. En 1930, un régime minceur « miracle » basé sur ce fruit lui assura un certain succès pendant quelques années.
-
[37]
Ibid., p. 160, et Menorah, 1er juin 1928, « Crise de croissance » par « A.S. », pp. 168-169. La Terre retrouvée, 1er juin 1938, « L’extension des orangeries », op. cit.
-
[38]
Palestine économique 1936, op. cit., p. 283.
-
[39]
Ibid., p. 262.
-
[40]
Malgré l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933, l’Allemagne reste au deuxième rang des pays acheteurs des agrumes palestiniens jusqu’en 1936 compris. En 1937, elle passe brutalement au 17e rang. La Terre retrouvée, 15 février 1938, « Qui achète nos citrus ? », p. 11.
-
[41]
Palestine économique 1936, op. cit., pp. 278-279.
-
[42]
Ibid., pp. 280, 283. La récolte, en Palestine, dure de novembre à mars.
-
[43]
L’ouvrage de référence, introuvable en France, est celui de Víctor Abad, Historia de la naranja, t. I, (1781-1939), Comité de Gestión de la Exportación de Frutos Cítricos, Valence, 1984. Merci à Jean-Marc Delaunay pour ce renseignement.
-
[44]
Ibid., p. 276.
-
[45]
Central Zionist Archives, Jérusalem (ci-après CZA), L22/332/2, Chambre de commerce franco-palestinienne, Rapport sur le premier trimestre 1936, Paris, avril 1936, p. 14.
-
[46]
Palestine économique 1936, op. cit., pp. 285, 288-292.
-
[47]
CZA, L22/332/2, Chambre de commerce franco-palestinienne, Rapport sur le premier trimestre 1936, op. cit.
-
[48]
Palestine économique 1936, op. cit., p. 277.
-
[49]
La Terre retrouvée, 15 février 1938, « Qui achète nos citrus ? », op. cit.
-
[50]
Archives de l’Alliance israélite universelle 1939-1945 (en cours de classement), lettre manuscrite de Paul Mantoux, Paris, 12 mars 1939. Mantoux, membre du comité central depuis 1934, fait allusion au soulèvement arabe palestinien de 1936-1939.
-
[51]
Catherine Fhima, « De silence et d’or : un parcours singulier d’écrivain juif », in Françoise Lucbert et Richard Shryock (dir.), Gustave Kahn. Un écrivain engagé, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2013, pp. 249-257.
-
[52]
Il existe du reste tout un réseau européen de sociétés pro-palestiniennes. Catherine Nicault, « Le sionisme à la mode française : au cœur du « réveil juif » des années vingt », Archives juives, revue d’histoire des Juifs de France, n° 39/1, 1er semestre 2006, pp. 9-28, et « Le Paris sioniste dans les années 1920 », Les Cahiers Jean-Richard Bloch n° 17, « L’Existence juive en France au début du XXe siècle ».
-
[53]
Pour un exemple de ce genre de publicité : La Terre retrouvée, 20 avril 1929.
-
[54]
Menorah, 1er juin 1928, « Crise de croissance » par « A.S. », op. cit.
-
[55]
La Terre retrouvée, 25 décembre 1930, « Impressions de voyage » par Joseph Fischer, pp. 2-3.
-
[56]
Voir par exemple, les photographies d’oranges et de plantations d’orangers figurant dans La Terre retrouvée du 25 mai 1929. Celle où l’on voit la reine de Suède et sa fille, accompagnées de Samuel Tolkowsky, dont il sera question plus loin, dégustant des oranges dans une colonie juive, est particulièrement suggestive, p. 10.
-
[57]
Échos et reportages illustrés sur les ventes de charité de l’Union des femmes juives pour la Palestine puis de la WIZO-France, par exemple, dans Menorah des 1er février et 15 novembre 1928, La Terre retrouvée des 20 janvier 1929, 25 décembre 1933 et 15 décembre 1937.
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[58]
La Terre retrouvée, 25 mars 1933.
-
[59]
Ibid., 25 avril 1933.
-
[60]
Idem, p. 15 : le « marché printanier » organisé le 27 mars par un nouveau groupe de femmes sionistes, le « Ghalei » de Strasbourg, propose des « oranges palestiniennes » au milieu de « guirlandes de saucisses à l’ail, [de] langues salées » et autres « bouquets d’aromates et de verdure liés par des rubans aux couleurs sionistes ». La Terre retrouvée rend compte également le 25 février 1934 d’un « Bazar de la Moselle » qui se tient à Metz en janvier 1934, arborant à l’entrée un « stand palestinien » surmonté d’un Maguen David ; le numéro du 25 février 1935 évoque la distribution de fruits, « clou » de « la fête du printemps palestinien à Nancy », p. 19.
-
[61]
Palestine, Nouvelle Revue juive, décembre 1930-février 1931, « Chroniques et documents », « La Palestine à Paris », par Justin Godart, pp. 145-146.
-
[62]
Ibid. et numéro de septembre-octobre 1930. Menorah, numéro spécial sur l’inauguration du Pavillon de 1931, 29 mai 1931. CZA, L22/368, lettre de Hadassah Calvary (Shani Workshop) à Lily Simon, Jérusalem, 13 février 1931.
-
[63]
La Terre retrouvée, 25 janvier 1931, 25 juin 1931. De même, mention des « magnifiques oranges » par Léonce Bernheim dans son article « La colonisation palestinienne », Menorah, 29 mai 1931.
-
[64]
CZA, L22/178, note intitulée « La chambre de commerce franco-palestinienne », Paris, 19 août 1935.
-
[65]
Fils de diamantaire, agronome et francophone, Samuel Tolkowsky (Anvers, 1886 - Tel Aviv, 1965) a fait son alyah en 1911. Secrétaire de Chaïm Weizmann à Londres en 1917-1918, puis de Nahum Sokolow, le président de la délégation sioniste à la Conférence de la Paix à Paris, en 1919, il regagne ensuite la Palestine où il assume des fonctions importantes dans le secteur des « citrus » et des transports maritimes.
-
[66]
Palestine économique 1936, op. cit., pp. 288-292. 7 000 des 24 000 caisses de pamplemousses convoyées en octobre ou novembre 1937 sur le Bosphore par la Compagnie Fred Olsen sont ainsi débarquées à Dieppe pour le marché parisien : La Terre retrouvée, 15 novembre 1937, p. 11.
-
[67]
La Terre retrouvée, 25 avril 1935, « L’heure de la Chambre de commerce franco-palestinienne est venue », pp. 18-19 ; n° du 25 décembre 1935, « La nouvelle mission de « France-Palestine » par « J. F. », pp. 6-7 ; n° du 25 janvier 1936, « La « France-Palestine » a dix ans » par Henri Hertz, pp. 7-8. Documents divers sur cette nouvelle chambre de commerce franco-palestinienne dans CZA, L22/332/2.
-
[68]
CZA, L22/332/2, Rapport du Bureau provisoire de la chambre de commerce franco-palestinienne, Assemblée générale, datée par erreur du 10 janvier 1935 (pour 1936)
-
[69]
CZA, L22/178, note dactylographiée « La Chambre de commerce franco-palestinienne », Paris, 19 août 1935.
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[70]
Palestine économique 1936, op. cit., p. 296 sq. La Terre retrouvée, 25 février 1936, « La Foire Exposition du Levant. Tel Aviv 1936 » par Raoul Aghion, p. 4. CZA, L22/332/2, Lettre de Maxime Piha à Nahum Goldmann, Paris, 27 octobre 1935.
-
[71]
Il fait à cette occasion un exposé sur les relations économiques franco-palestiniennes devant le conseil d’administration de la chambre de commerce le 18 juin, où il insiste sur la question des oranges : CZA, L22/332/2, Rapport de la chambre sur les 2e et 3e trimestres 1936, Paris, septembre 1936.
-
[72]
Ibid., 15 mars 1937.
-
[73]
Auteur aussi de : « La Foire Exposition du Levant. Tel Aviv 1936 », op. cit.
-
[74]
C’est l’argumentation développée en particulier par Raoul Aghion, in Palestine économique 1936, op. cit., pp. 271-278 (p. 276 pour la citation).
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[75]
Reportage très complet dans La Terre retrouvée, n°18-19, 1937.
-
[76]
CZA, L22/332/2, Chambre de commerce franco-palestinienne, Rapport sur le premier trimestre 1936, op. cit.
-
[77]
Ibid., Lettre de Georges O. Zalkinde à Nahum Goldmann, Paris, 19 avril 1936.
1« Jaffa fait beaucoup d’effet de loin. On y pénètre par des jardins d’orangers dont le parfum contraste agréablement avec les senteurs que laisse derrière elle une armée en retraite », témoigne un diplomate français alors qu’il poursuit, avec l’armée du général Allenby, les troupes turques refluant vers le nord de la Palestine à la fin de 1917 [1]. Les « jardins » de Jaffa sont en fait un lieu commun des récits de voyage en Terre sainte à la fin de l’époque ottomane et une réalité confirmée par les historiens : les Arabes de Palestine cultivaient et exportaient, certes à petite échelle, des agrumes, avant que ne commence l’immigration juive moderne au début des années 1880 [2].
2Les Juifs ne peuvent revendiquer aucune espèce d’antériorité dans le domaine de l’agrumiculture en Palestine. Si, introduit à l’époque du Second Temple, le cédrat (l’étrog, important dans les rites de la fête de Soukkot) est cité dans la Bible [3], le citron, l’orange amère, l’orange douce, la mandarine et le pamplemousse, originaires de Chine, n’ont gagné les régions méditerranéennes, via les Perses, les Arabes et les Portugais qu’entre l’époque des Croisades et le début du XIXe siècle. C’est ainsi que les Arabes cultivent l’orange douce en Palestine dès le XVIIIe siècle, mettant au point vers le milieu du siècle suivant la variété Shamouti bientôt connue comme l’« orange de Jaffa » : un fruit ovale, pratiquement sans pépins, à peau épaisse, facile à éplucher et à transporter [4]. Pourtant, cette orange devient dans l’entre-deux-guerres un pilier de l’économie agricole pionnière du Yishouv (la communauté juive en Palestine), le symbole même des prouesses des tenants du sionisme dans la mise en valeur d’Eretz Israël et, partant, un argument de séduction idéologique auprès de l’opinion européenne, en particulier juive.
3C’est ce phénomène d’un fruit qui est un atout économique pour ses producteurs en même temps qu’un élément de visibilité et de propagande politique que nous voudrions examiner de plus près ici. Notre enquête comprendra deux volets. Comment, pour commencer, l’« orange de Jaffa » est-elle devenue dans les années 1930 le produit-phare de l’économie agricole du Yishouv ? La question implique de revisiter le cours complexe de l’essor des cultures commerciales en Eretz Israël, celle de la vigne d’abord à laquelle le baron Edmond de Rothschild a attaché son nom, celle des agrumes ensuite, au sein d’une économie qui fut, à ses débuts, nécessairement vivrière. Comment, ensuite, ce fruit est-il devenu un produit d’exportation capital pour la balance commerciale très déficitaire de la Palestine juive en même temps qu’un des supports de la cause sioniste auprès de l’opinion juive européenne ? Nous appliquerons plus précisément cette interrogation au cas de la France, bien que ce pays, dont les citoyens juifs se montrent alors globalement peu accueillants au sionisme, soit un marché négligeable pour l’orange de Palestine. Mais c’est précisément la raison pour laquelle la direction sioniste mondiale, relayée par les militants et les sionistes locaux, le voit, dans une certaine mesure, comme une « terre de mission », où faire connaître et écouler des « produits palestiniens » n’équivaut pas à un bénéfice seulement économique mais aussi idéologique et politique.
L’oranger dans la polyculture des premiers pionniers juifs modernes en Palestine
4Assez naturellement, les Juifs nés en Palestine ou venus d’Europe, qui ont renoué avec le travail de la terre en Eretz Israël entre les années 1860 et 1882 sous la houlette de mécènes européens ou du mouvement des Amants de Sion, ont largement imité le système vivrier des fellahin arabes du cru. Comme eux, ils ont pratiqué une polyculture orientée vers l’autosubsistance, où seuls les surplus sont, éventuellement, écoulés dans le voisinage immédiat. Dans ce cadre, la priorité est donnée aux céréales, base de leur alimentation déjà en Europe, et à la culture desquelles certains, déjà agriculteurs en Roumanie ou en Russie, étaient familiarisés, auxquelles sont adjoints l’élevage, des cultures légumières et fruitières empruntées au milieu ambiant. De toute façon, ils n’ont guère le choix. Sans capitaux devant eux, comment envisager de développer, par exemple, une arboriculture commerciale alors que la première récolte se fait attendre plusieurs années ? Et comment au surplus écouler cette production, ou toute autre du reste, dans l’état arriéré des infrastructures de communication reliant la Palestine ottomane aux régions environnantes et à l’Europe, a fortiori pour des denrées rapidement périssables comme le sont les fruits en général ?
5C’est donc dans ce cadre d’une polyculture de subsistance que les membres des premières moshavot (villages agricoles juifs) ont commencé de planter et d’exploiter des orangers, sans marquer un intérêt particulier pour cette production. Dès 1865, Sir Moses Montefiore (1784-1885), a acheté, par exemple, une vaste orangeraie à Sarona pour y donner du travail aux Juifs pieux du lieu. Mais elle n’est pour ce grand mécène palestinophile de nationalité britannique qu’un moyen parmi d’autres de détacher des Juifs du « Vieux Yishouv » du système charitable de la Halouka et de leur rendre une dignité qu’il estimait perdue en les « productivisant ». L’initiative, du reste, sera aussi infructueuse que les autres. Il en va de même pour les colonies fondées par les Amants de Sion à partir de 1882, à la différence près que le but de ce mouvement national présioniste est de favoriser le retour des Juifs de Diaspora en Eretz pour qu’ils y construisent, de leurs mains, les bases d’une nouvelle société juive plus saine sur une terre qu’ils se seront ainsi réappropriée. L’innovation culturale y est d’autant moins de mise que ces tout premiers colons sont inexpérimentés, isolés dans un milieu humain et physique hostile, sans moyens. Dès 1883, seule leur prise en charge par le baron Edmond de Rothschild, un autre mécène palestinophile, français cette fois, leur évite une déroute totale [5].
6Quant à l’école d’agriculture de Mikveh Israel, près de Jaffa, que fonde Charles Netter en 1870 au nom de l’Alliance israélite universelle (AIU), sa raison d’être elle-même la voue à la polyculture : il est prévu en effet d’en faire un centre de formation agricole pour la Palestine juive ainsi qu’un lieu d’expérimentation agronomique. Fait nouveau cependant, les critères de productivité et de rentabilité entrent en ligne de compte : on y expérimente des productions susceptibles non seulement de nourrir les élèves ou les colons qui les adopteront, mais de rapporter un profit [6]. C’est dans ce cadre que, parmi les plantations variées d’arbres fruitiers réalisées sur le domaine, l’oranger domine et que Mikveh vend cette production – 2 300 à 6 000 caisses par an autour de 1900 [7]. Mais si, à cette date, la vente des oranges entre pour 20 % dans les recettes de la ferme-école, le poste « céréales » représente, lui 38 % des recettes, les produits laitiers 12 % et la vigne 10 % [8].
La vigne « française », première culture commerciale des Juifs de Palestine
7En 1900 pourtant, la viticulture est devenue l’activité dominante de la plupart des 28 moshavot existants en Palestine ottomane et de leurs 5 500 habitants [9]. La culture de la vigne n’était pas inconnue des Arabes du lieu [10], mais le baron Edmond de Rothschild a entrepris, dans les années 1890, de faire de l’activité vinicole « l’activité principale des colonies [de Palestine] » [11]. Les vignobles juifs couvriraient vers 1900 environ 27 000 dounams [12], les deux tiers relevant du Baron [13]. Rothschild a estimé en effet que fixer à la terre palestinienne des immigrants juifs venant d’Europe supposait de leur assurer un standard de vie point trop éloigné de celui qu’ils avaient en Europe, en tout cas très supérieur à celui, excessivement bas, des fellahin de Palestine ; et que la seule solution pour y parvenir était d’engager ses capitaux dans le développement d’une production rentable, autrement dit commercialisable au Moyen-Orient et surtout en Europe.
8Outre le fait que le vin est un produit à valeur ajoutée, conservable et transportable pour peu qu’il soit convenablement travaillé et véhiculé, plusieurs facteurs poussent le Baron et ses administrateurs à en faire la clé de voûte de l’économie des colonies palestiniennes : l’expérience et l’expertise acquises en matière viticole en Afrique du Nord française ; celles aussi offertes par son propre domaine viticole de Château-Lafitte dans le Bordelais ; enfin et surtout son attachement au texte biblique, riche de références au vin et à la vigne, et sa foi religieuse, sur lesquelles sa biographe, Élisabeth Antébi, a, selon nous, très justement insisté, à l’inverse d’une historiographie dépassée, marquée par l’hostilité des sionistes à l’égard de l’œuvre palestinienne du Baron [14]. À suivre cette auteure, son « obsession de la vigne » ne tient pas fondamentalement à ses attaches françaises mais bien à sa piété [15]. Sans quoi, on ne saurait comprendre ses abandons pragmatiques devant les échecs subis par ses autres tentatives de cultures commerciales comme le tabac ou les plantes aromatiques, et sa ténacité lorsqu’il s’agit du vin [16].
9Il a pris en effet le parti d’acheter à un prix délibérément élevé les raisins de ses colons ainsi d’ailleurs que des autres viticulteurs juifs, au risque de provoquer chez les uns et les autres une sorte de « fièvre de la vigne » qui débouche au tournant du siècle sur une surproduction et une sévère crise de trésorerie [17]. La récolte est rassemblée et traitée dans de vastes chais ultra-modernes qu’il a fait édifier à grands frais à Zikhron-Yaakov (1892) et surtout à Rishon-le-Tsion (1890). Vers 1896, il a enfin aidé les colons à fonder la société Carmel, qui se charge d’exporter les vins et les « spiritueux » de Palestine en Russie et en Pologne d’abord, puis en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Égypte. Cette géographie de la diffusion, notons-le, n’inclut pas la France, perçue sans doute comme un marché trop concurrentiel ; elle montre surtout que la clientèle visée est principalement celle des Juifs orthodoxes, massivement présents en Europe orientale et formant des communautés relativement nombreuses en Allemagne et en Grande-Bretagne. Sans doute ses ambitions ne s’arrêtent-elles pas là malgré tout si l’on considère l’engagement des vins et spiritueux de Palestine dans une « course aux honneurs [18] » à laquelle « le Grand Bienfaiteur » n’est certainement pas étranger : ceux-ci participent en effet aux compétitions organisées à l’occasion des grandes Expositions du temps, dont l’Exposition universelle de Paris en 1900 où ils décrochent une médaille d’or, honneur que la société Carmel ne manque jamais désormais de mentionner dans ses encarts publicitaires [19].
10Il est vrai que, les difficultés s’accumulant – maladies de la vigne, querelles entre les administrateurs et les colons, surproduction et méventes fréquentes du fait de prix grevés par le transport et les tarifs protecteurs en Europe –, le Baron cède ses colonies en décembre 1899 à la Jewish Colonization Association (ICA), l’organisation créée par son rival disparu, le baron Maurice de Hirsch, pour gérer ses propres colonies d’Argentine, qui devient la Palestine Jewish Colonization Association (PICA) en 1924. En réalité, ce n’est pas un abandon : Edmond de Rothschild détient la moitié des actions de l’ICA, et il garde la haute main en son sein sur un rouage essentiel : la Colonisation palestinienne (CP). Il n’a cessé, à travers cette instance, de veiller sur le secteur viticole en Palestine. La « crise » de surproduction et de mévente du tournant des années 1890-1900 et la décision du Baron de cesser d’acheter le raisin au-dessus du prix du marché avaient certes entraîné une diminution drastique des superficies dévolues aux vignobles tant dans les colonies qu’à Mikveh, mais non la disparition de toute production vinicole, notamment à Rishon-le-Tsion. Et par exemple, en 1912, la ferme-école de l’Alliance vend 54 000 kg de raisin de table et fabrique 75 hectolitres de vin, écoulés essentiellement en Palestine, en Syrie et en Égypte [20].
11Quant aux vins de la Carmel Wine Co, leur situation reste précaire mais ils subsistent tant bien que mal dans l’entre-deux-guerres, période marquée par la création de branches nouvelles à Damas, au Caire, à Beyrouth, à Berlin, Londres, Varsovie et Alexandrie (fig. 1). Satisfaisantes certaines années – en 1918 du fait de la présence des troupes britanniques en Palestine ; en 1925 en raison de celle de l’armée française venue combattre la révolte druze dans les États voisins du Levant –, les ventes souffrent globalement de la perte des principaux marchés, occasionnée par la Révolution russe, la Prohibition aux États-Unis et le nationalisme arabe au Moyen-Orient [21]. La survie du secteur d’activité est surtout due désormais à la ténacité des colons eux-mêmes, mais toujours soutenus par le Baron jusqu’à sa mort en 1934. Il a notamment encouragé 352 d’entre eux à reprendre les caves qu’il avait fondées, en les aidant, juridiquement et financièrement, à former la Société coopérative vigneronne des grandes caves de Rishon-le-Tsion et de Zikhron-Yaakov Ltd (SCV), en 1906 [22].
L’essor progressif des orangeraies sionistes
12Dans les colonies que fonde au début du XXe siècle le Keren Kayemeth LeIsrael (KKL ou Fonds national juif), une institution créée par le Congrès sioniste en 1901, spécialisée dans l’achat des terres en Palestine et leur mise en valeur, le modèle viticole n’a cependant pas fait école. C’est là le résultat en bonne part, à n’en pas douter, des écueils rencontrés par le Baron dans ce domaine : la vigne est décidément trop sensible aux maladies et, si le travail du vin a suffisamment progressé pour permettre son transport sans dommages, la concurrence commerciale est excessivement sévère, et pas seulement du fait de la production méditerranéenne. En Russie aussi, les vins de Palestine peinent à s’écouler, car leur prix, plus élevé que celui des vins du Caucase, les rend inaccessibles à la bourse, le plus souvent plate, des Juifs de l’Empire. Par ailleurs la vigne n’occupe pas un colon toute l’année et ne lui permet pas de nourrir sa famille.
13Mais, plus sans doute qu’une décision rationnelle, le rejet de la vigne comme support du développement agricole d’Eretz Israël est idéologique : voulant affirmer depuis le premier congrès de 1897 leur projet face aux initiatives antérieures, les sionistes n’ont cessé de tirer à boulets rouges sur les entreprises « philanthropiques » du Baron, son dirigisme « autocratique » qui ôterait tout esprit d’initiative aux colons, et ses libéralités mal inspirées qui pousseraient ces derniers à recourir à la main d’œuvre arabe – un crime majeur au regard du projet national juif. Précisément, la « crise viticole » du tournant du siècle est, selon eux, emblématique de toutes ces « erreurs », venant sanctionner une politique capitaliste de rentabilité et « d’exploitation » à courte vue [23].
14Au-delà de la question de la vigne, c’est en fait au système de la « monoculture » – ce que la vigne n’a jamais été – comme solution de mise en valeur du sol de Palestine que s’en prennent les sionistes à cette époque. Seule une polyculture visant avant tout à l’autoconsommation est à même, à leurs yeux, de fixer en Eretz des Juifs travaillant effectivement la terre dans une relative autarcie, dont le but ne soit pas le profit mais leur propre subsistance et celle du Yishouv, base d’une construction sociale et politique en devenir. Pour autant, ils n’entendent pas non plus opérer un retour pur et simple à des pratiques passéistes incompatibles avec les projets de développement matériel et humain du Yishouv. Certes prudente, l’agriculture sioniste d’avant 1914 se veut néanmoins moderne, scientifique, productive. Au service de ses colonies, le KKL mobilise, malgré ses faibles moyens, des agronomes qui s’emploient à étudier le milieu et à conduire toutes sortes d’expérimentations destinées à déterminer quelles productions seraient susceptibles d’assurer leur avenir et de permettre leur multiplication. C’est ainsi qu’a été encouragée la plantation des arbres fruitiers - des amandiers, des oliviers, des orangers surtout -, plus susceptibles de dégager des marges que les céréales et surtout les légumes – produits en abondance et à des prix imbattables par les Arabes du cru –, mais dans les limites encore étroites des moyens de transport et de communication disponibles [24].
15La progression des plantations d’orangers est d’ailleurs sensible dans les années 1900 dans l’ensemble de la Palestine juive, colonies de l’ICA incluses, où elles ont souvent remplacés les vignobles au début de la décennie. Citons par exemple le cas de Meyer Appelbaum, ancien vigneron, agronome et administrateur du Baron à Petah Tikvah, qui y établit à titre privé une « orangerie-modèle » vers 1905-1908, imité par plusieurs de ses proches [25]. « […] Les Juifs ont été des pionniers dans le domaine des plantations, souligne Arthur Ruppin, le responsable du Bureau sioniste de Jaffa de 1908 à 1914 ; ils ont été les premiers à creuser des puits profonds et c’est eux qui ont porté la culture de l’orange à son haut niveau actuel dans le pays [26]. » De fait, les agronomes du KKL ou de Mikveh travaillent dès cette époque à améliorer la variété Shamouti ; l’irrigation se mécanise et les rendements progressent, tandis que la fondation en 1903 de la coopérative Pardess, à Petah Tikvah par les producteurs juifs d’agrumes, toutes catégories confondues, pour centraliser le conditionnement, le transport et la vente de l’« orange de Jaffa », représente un pas important vers sa commercialisation à l’étranger : les oranges, jusque-là transportées dans des paniers, sont mises en caisses, chacune enveloppée d’un papier protecteur. En 1903, cette société exporte 22 000 caisses d’oranges, soit la quasi-totalité de la récolte juive [27].
16Néanmoins, l’orange n’est pas encore, avant 1914, le pilier du développement agricole de la Palestine juive et moins encore un support de la propagande sioniste en Diaspora. Les orangeraies juives ne couvrent encore que 10 000 dounams en Judée, dans la vallée de Saron et en Samarie, contre 22 000 dounams sur les terres arabes [28]. Les volumes de la production et de l’exportation sont pour l’instant insuffisants. Outre un peu de miel et d’amandes, il n’est guère que deux produits que l’on n’appelle pas encore « palestiniens » qui franchissent alors les portes de l’Europe et, dans une mesure moindre encore, de l’Amérique du Nord : les dentelles fabriquées par des jeunes filles séfarades du « Vieux Yishouv », protégées des dames sionistes de l’Association des femmes juives pour un travail culturel en Palestine, qui ont bien du mal à les écouler, sauf en quantité dérisoire en Allemagne et en Russie [29] ; et… les vins de la société Carmel, forts d’une certaine aura dans les milieux traditionnalistes d’Europe orientale, mais qui correspondent mal à l’image laïque et « nationale » (par opposition à l’image « philanthropique » attribuée à l’action d’Edmond de Rothschild) que le mouvement sioniste entend donner de lui-même.
17Sans doute ce dernier ne peut-il rejeter ou occulter la seule production agricole susceptible d’incarner concrètement Eretz Israël en Diaspora, d’y attester de la mise en valeur effective de son sol et, au fond, du caractère réalisable du projet national ; mais l’ambivalence à son endroit est manifeste, notamment dans sa presse, en tout cas dans L’Écho sioniste, le principal organe du sionisme en France avant 1914. Bien que la société Carmel ne possède pas de dépositaire durablement installé sur la place de Paris [30], le titre publie régulièrement des réclames pour les vins et spiritueux de Palestine, mais ne revient pas sur leur histoire, par trop liée au Baron honni, et surtout, ne présente pas leur achat comme un acte militant.
18La situation est tout autre à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, car, durant les années 1930 surtout, l’agriculture palestinienne, notamment juive, s’est focalisée sur la culture des agrumes. Selon des statistiques désormais abondantes mais pas toujours concordantes, celle-ci occuperait 250 000 dounams autour de 1935, dont 140 000 possédés par les Juifs (57 %) [31]. Si l’on considère qu’à la même époque, les Juifs sont propriétaires de 181 500 dounams sur les 657 000 qui sont plantés en arbres fruitiers dans l’ensemble de la Palestine mandataire, leur prédilection pour la culture des agrumes, des oranges surtout, apparaît plus éclatante encore. Le mouvement s’est clairement accéléré dans la seconde moitié des années 1930 : en 1931 encore, les orangeraies juives et arabes en Palestine mandataire couvraient les mêmes surfaces qu’en 1914 - soit 10 000 et 22 000 dounams [32] ; en 1936, les plantations juives occupent 164 000 des 299 000 dounams dédiés aux agrumes dans le pays [33]. Même à Rishon-le-Tsion et dans sa région, la vigne recule à leur profit. Comme le montre l’écart entre les superficies juives et la totalité de celles vouées aux agrumes, l’agriculture arabe palestinienne suit le mouvement, sans atteindre une concentration comparable sur l’agrume : au milieu des années 1930, les plantations arabes occupent 43 % de la superficie totale dévolue aux agrumes en Palestine (140 000 dounams, 144 000 en 1937 [34]), 38 % de celle vouée aux amandes (4 500 dounams), mais les Arabes détiennent 98 % des oliveraies, 73 % des bananeraies (3 300 dounams) et 69 % des vignobles (55 000 dounams).
19L’extension de la superficie des terres juives dédiées à l’agrumiculture est allée de pair avec une augmentation considérable de leur rendement, grâce à l’irrigation, au sulfate de potasse, « engrais indispensable pour les plantations d’oranges palestiniennes », d’abord acheté en Allemagne puis produit dans la région de la mer Morte par la Palestine Potash Cy [35], et à la recherche agronomique. À la Station expérimentale de Rehovoth, créée en 1934, on développe des programmes de recherche sur la variété Shamouti, devenue la seule cultivée pratiquement dans le pays, et sur le pamplemousse, un agrume moins répandu dont on espère une diversification de la production et la conquête de nouveaux marchés [36]. Les autorités mandataires britanniques y contribuent en les subventionnant et en les contrôlant, par l’intermédiaire d’un comité consultatif créé à cet effet, tandis qu’un Département gouvernemental de l’Inspection contrôle la qualité des produits à l’exportation et que la taxe foncière sur les plantations de « citrus » est réduite de moitié en 1938 [37]. D’autres progrès sont réalisés sur le conditionnement et l’expédition des agrumes par la coopérative Pardess, par laquelle continue de passer le plus gros de la production juive ; les autres acteurs du secteur que sont les sociétés juives d’exportation et les commerçants individuels sont pour la plupart regroupés dans le Jaffa Citrus Exchange, une structure qui les aide à se repérer dans les réglementations, les relations avec les autorités et les questions de douane. En comparaison, la commercialisation de la production arabe, confiée traditionnellement par les producteurs individuels aux commerçants de la place de Jaffa, reste très dispersée [38]. Aussi les infrastructures routières et des aménagements portuaires réalisés à Jaffa, à Haïfa (1934) et à Tel Aviv (1936) bénéficient-ils surtout aux producteurs juifs.
La France, client marginal de l’« orange de Jaffa »
20Toutefois, si la production d’agrumes palestiniens, et plus spécialement d’oranges, a pu connaître cet essor, c’est bien entendu parce que ces fruits y ont trouvé, à la différence des vins et alcools palestiniens, des marchés d’exportation conséquents dans une Europe où ils demeurent pour quelque temps encore un produit de luxe. Les agrumes représentent 48 % des exportations totales de la Palestine en 1930 et 75 % en 1934 [39]. Dans le détail, c’est essentiellement vers la Grande-Bretagne et en second lieu vers l’Allemagne, tout au moins jusqu’en 1937 [40], que la Palestine juive les exporte. En ce qui concerne la Grande-Bretagne tout au moins, la tendance n’est pas nouvelle : ce pays était déjà au tout premier rang des pays acheteurs avant 1914 ; il a absorbé par exemple 58 % des caisses de la récolte de 1913-1914 (soit 1 154 000 caisses), laissant loin derrière lui, et de très loin, non seulement la France qui n’est qu’un client négligeable (bien moins de 1 % avec 3 412 caisses), mais aussi la Turquie (18 %), le pays pourtant qui règne sur la région, et l’Égypte voisine (9,5 %) [41]. Désormais puissance mandataire, la Grande-Bretagne importe quelque 3 500 000 caisses d’oranges de Jaffa lors de la saison 1933-1934, et 5 250 000 caisses en 1934-1935, soit environ 70 % de la récolte [42].
21Minime donc avant 1914, la place tenue par la France dans ce commerce progresse entre les deux guerres, mais peu. C’est qu’elle se fournit ailleurs, non pas en Afrique du Nord comme on pourrait croire, mais en Espagne, avec laquelle la lie un accord commercial qui accorde à ce pays 95 % du contingent d’oranges qu’elle achète chaque année [43]. La prépondérance espagnole est encore renforcée par le fait que plus des trois quart des maisons de négoce qui commercialisent ce fruit en France sont tenues par des Espagnols ou des personnes d’ascendance espagnole. Le marché français est donc quasiment verrouillé. Ainsi, en 1934, la France importe-t-elle d’Espagne 2 493 000 quintaux d’oranges, le reste étant fourni par l’Italie (1,63 % des importations françaises), l’Afrique du Sud (0,36 %), le Brésil (1,38 %), enfin les États-Unis et la Palestine, tous deux bons derniers (chacun 0, 82 %, soit 21 000 quintaux) [44].
22Les exportations d’oranges palestiniennes en France ne progressent que les années où la récolte espagnole est frappée d’un gel hivernal ou lorsque surviennent des circonstances particulières comme en 1935, année marquée par des turbulences dans les relations commerciales franco-espagnoles et par les sanctions économiques décidées par la SDN à l’encontre de l’Italie après l’invasion de l’Éthiopie, ce qui entraîne le transfert d’une partie du contingent italien vers la Palestine. Pour autant, les oranges de Palestine ne représentent pas plus de 3,78 % des importations françaises pour la saison 1934-1935, soit 173 000 caisses, la France grimpant alors au 4e rang des nations importatrices d’oranges palestiniennes [45]. Et, en avril 1935, un nouveau traité de commerce franco-espagnol reconduit le contingent très privilégié de l’Espagne, seul pays disposant de surcroît de sa gestion ; pour le reste de ses fournitures, la France accorde des autorisations d’importation à des intermédiaires qui les appliquent aux pays de leur choix [46].
23Si bien qu’en 1935-1936, la France n’importe plus que 106 300 caisses et passe au 7e rang des importateurs d’oranges palestiniennes [47]. Les perspectives pour les « grape fruit » – le terme de pamplemousse ne s’est pas encore totalement imposé – paraissent plus encourageantes, car ce fruit n’est pas contingenté, mais c’est une production secondaire et plus récente de l’agrumiculture palestinienne, frappée de surcroît à Paris, nous dit-on, de droits d’octroi exorbitants [48]. Nous manquons de données pour les années suivantes, mais la position des agrumes palestiniens sur le marché français ne semble pas s’être sensiblement améliorée avant la guerre, malgré les efforts déployés par l’association France-Palestine et la Chambre de commerce franco-palestinienne dont nous parlons un peu plus loin. Ainsi, sur les 3 500 000 caisses d’oranges exportées pendant la première partie de la saison 1937-1938 (novembre - 31 décembre 1938), la France n’est toujours que le 7e pays destinataire, très loin derrière la Grande-Bretagne, toujours bon premier (2 300 000 caisses), suivie dans un ordre décroissant par les Pays-Bas, la Suède, la Belgique et la Pologne, cette dernière étant au 6e rang avec 100 000 caisses [49].
24Autrement dit, l’« orange de Jaffa » est peu connue et peu consommée par les Français d’avant 1940 en général. C’est sans doute moins vrai des Juifs, en tout cas ceux qui habitent les quartiers réputés « juifs » de la capitale et qui lisent la presse communautaire et sioniste. Celle-ci, fidèle dispensatrice de « nouvelles » de Palestine et, entre autres, de son agrumiculture, signale parfois où se procurer ce fruit par des encarts publicitaires (fig. 2 et 3). Nous savons aussi qu’hors des circuits commerciaux, l’Alliance israélite universelle fait envoyer des caisses d’oranges de Mikveh aux membres de son comité central. Les archives de l’institution conservent par exemple ce mot de l’historien Paul Mantoux, adressé sans doute à son secrétaire général, Sylvain Halff :
J’aurais dû vous remercier déjà de m’avoir envoyé ces délicieuses oranges, produits de l’École agricole. On voudrait pouvoir espérer que tous ceux dont le travail en Palestine ont [sic] donné de si beaux résultats pourront enfin retrouver la paix et la sécurité […] [50].
Un des supports de la propagande sioniste en France
26Si Paul Mantoux, qui n’est pas sioniste, ne voit pas seulement dans les oranges de Mikveh des fruits « délicieux » mais le résultat tangible du labeur juif en Palestine, on peut parier qu’elles revêtent une signification forte pour les militants du sionisme en France, presque tous originaires d’Europe orientale, et ses sympathisants. Ces derniers, plus nombreux depuis la guerre et la fondation du Foyer national en Palestine, animent largement dans les années 1920 ce mouvement culturel du « réveil juif » que l’on peut définir comme l’affirmation d’une fierté « ethnique » qui ne renoncerait pas à la mission universelle d’Israël chère à l’idéologie « israélite » de leurs pères. Le « sionisme français » a pu être défini comme un « sionisme diasporique de compassion » [51] : il ne se sent pas concerné par l’alyah, mais, dans la grande tradition de l’humanisme républicain, par le sort des Juifs européens persécutés pour lesquels la Palestine représente un havre. D’ailleurs – et cela à de quoi surprendre aujourd’hui –, plutôt que « sionistes », ils préfèrent se dire « pro-palestiniens », entendons favorables à la Palestine juive, fiers de ses accomplissements et désireux d’y contribuer, certains que le Foyer national constitue une pierre essentielle à l’édification de la paix universelle. Ce « franco-sionisme » s’incarne tout particulièrement dans l’association France-Palestine –Comité des amis français du sionisme, fondée en 1925 à Paris par le diplomate sioniste Victor Jacobson. Constituée d’une brochette de personnalités politiques et intellectuelles, israélites ou non, elle est présidée par le sénateur et ancien ministre philosémite Justin Godart. Son but ? Établir un pont entre la France et la Palestine juive et y faire circuler dans les deux sens un courant actif de connaissance et de sympathie. C’est un lobby qui, à son échelle, compte tenir un rôle similaire à celui que voudrait avoir la toute nouvelle Société des Nations à l’échelle du globe [52].
27Loin de désavouer ce discours quelque peu hétérodoxe, la direction sioniste mondiale, notamment Chaïm Weizmann, l’encourage au contraire, au nom de la réussite de l’expérience du Foyer national et de la nécessité d’obtenir tous les concours possibles pour y parvenir. C’est là le sens de l’association recherchée avec des « non-sionistes » – entendons pas là ceux qui sont attachés à la Palestine juive sans aller jusqu’au sionisme proprement dit – à l’Agence juive pour la Palestine, une nouvelle instance créée non sans mal en 1929 pour représenter politiquement le Yishouv auprès des instances mandataires. Ce discours est plus au cœur encore de la stratégie de propagande du KKL et du nouveau Keren Hayesod (KH ou Fonds social juif), organisme chargé par l’Organisation sioniste mondiale de drainer des fonds en diaspora pour financer l’immigration.
28On ne s’étonnera pas que, bien plus que les partis politiques sionistes, ce soient les sections françaises de ces deux Fonds, créées à Paris au début des années 1920, surtout le KKL-France, qui ont constitué la colonne vertébrale du mouvement sioniste dans la France de l’entre-deux-guerres, l’Alsace et la Lorraine mises à part. Rien d’étonnant aussi à ce que leur propagande chante sur tous les tons les merveilles de la Palestine juive, et, en bonne place, l’« orange de Jaffa ». La presse sioniste, notamment La Terre retrouvée, journal édité par le KKL-France de 1928 à 1940, Palestine. Nouvelle Revue juive, l’organe de l’association France-Palestine, et Menorah, revue sionisante plus littéraire et artistique, multiplie les échos et les reportages à son propos, les incitations parfois directes aussi à opérer des placements fructueux dans les orangeraies palestiniennes [53]. Pour un journaliste anonyme de 1928, l’avenir de la Palestine juive « dépend surtout de son arboriculture » et plus précisément des plantations d’orangers qui afficheraient de meilleurs rendements qu’en Californie ; « quant à la renommée mondiale de l’orange de Jaffa, il est inutile d’en parler […] Il n’y a certainement pas à craindre que l’exportation aille en décroissant. Au contraire de nouveaux débouchés s’ouvrent chaque jour et, malgré les barrières protectrices de certains pays, l’orange de Jaffa trouve toujours son chemin [54] ». Ses « impressions de voyage » en Palestine sont l’occasion pour Joseph Fischer d’évoquer en 1930 la vallée du Saron où « presque partout sont plantés des orangers. Un grand avenir économique est inscrit là » [55].
29Mais c’est peut-être l’usage fait par cette presse de la photographie qui est le plus frappant. Sans rapport souvent avec la partie rédactionnelle, les clichés représentant des plantations d’orangers, des amoncellements de caisses d’oranges sur les quais avant embarquement ou des visiteurs célèbres dégustant le fruit donnent le sentiment qu’ils sont moins là pour délivrer une information sur une réussite agricole, technique et scientifique indéniable des Juifs en Palestine que pour solliciter tout un imaginaire plus moderne, plus « laïque », moins biblique en tout cas que celui traditionnellement entretenu autour du pays « où coulent le lait et le miel » [56]. Ce fruit généreux avec sa rondeur charnue et odorante, regorgeant d’un jus sucré et acidulé à la fois, d’un oranger vibrant, cadeau traditionnel de fête pour des générations d’enfants, chrétiens comme sans doute « israélites », délivre en effet un message de plénitude, de prodigalité naturelle, de soleil et de santé évocateur du moderne Jardin des Hespérides que serait la Palestine entre les mains expertes des pionniers de la Palestine sioniste. Nous n’avons pu les visionner mais il fait peu de doute que le même constat doit valoir pour les « films palestiniens » dont la projection accompagne souvent les manifestations sionistes dans les villes françaises de l’entre-deux-guerres.
30Certaines « mondanités sionistes », domaine des épouses des notables du « franco-judaïsme » embourgeoisé de l’après-guerre, sont par ailleurs des lieux d’exhibition du fruit lui-même. À Paris, l’année est ponctuée de bals, de soirées et de ventes de charité où, rituellement, un « comptoir palestinien » offre, selon la presse, « tous les produits du Foyer national » : des oranges toujours, à côté d’objets d’art de l’école de Bezalel à Jérusalem, du miel et des vins de Palestine, vendus sur place mais que l’on peut aussi commander. Ce sont les dames de l’Union des femmes françaises pour la Palestine, créée en 1924, future section française de la WIZO, qui semblent avoir inauguré cette habitude afin de soutenir leurs bonnes œuvres en Palestine [57]. Elles sont imitées dans les années 1930 par les dames du KKL-France qui organisent chaque année une vaste « vente-exposition » ou « vente-kermesse », véritable clou de la vie sioniste parisienne. La presse ne manque pas d’en décrire les attractions et les comptoirs, réservant souvent une mention spéciale au « comptoir palestinien » et à son offre de « fruits et produits de qualité ». « Chacun pourra, en les savourant [les oranges], comprendre, deviner ce que sont, à présent, l’industrie et l’agriculture du pays vénéré », lit-on par exemple dans La Terre retrouvée à propos de la vente-exposition de 1933 [58], tandis que ces fruits rappellent à un visiteur d’honneur, Justin Godart, le voyage qu’il a accompli en Palestine en 1929 :
Au moment où j’entrais ici, la terre de Palestine me revint à l’esprit, ses arbres plantés par les Haloutsim (les pionniers), ses fruits : le Comptoir palestinien, chargé des produits de la Terre Retrouvée ranima mes souvenirs. Symbole puissant, de ce que sera, si nous le voulons, l’avenir [59].
32Le succès aidant, les antennes provinciales du KKL, en particulier en Alsace et en Lorraine, se sont également lancées dans ce genre d’entreprises (fig. 4) [60].
Une tentative de percée commerciale dans les années 1930
33Parallèlement à ces efforts sporadiques de monstration de « produits palestiniens » à finalité surtout idéologique, France-Palestine décide d’étendre son œuvre de promotion des échanges politiques et culturels aux échanges matériels entre les deux pays. Pour ce faire, elle patronne, malgré ou à cause de la crise, la création d’une chambre de commerce franco-palestinienne en 1928-1929. C’est que, Justin Godart et ses amis en sont convaincus, le commerce est aussi un moyen de rendre la « Palestine plus palpable, plus rapprochée », de conquérir les cœurs à sa cause :
Il y a deux ans environ, nous nous sommes aperçus d’une lacune, dans notre patiente recherche d’instituer, si j’ose dire, un mandat d’amitié française sur la Palestine. […] Notre propagande était riche en arguments idéologiques, en textes diplomatiques, en enthousiastes témoignages écrits ou parlés, en répondants illustres, en preuves techniques, en statistiques, en chiffres. La tradition religieuse et le progrès social s’accordaient – ce qui est rare – pour lui fournir de fortes et majestueuses assises. Mais tout cela se tenait, en somme, dans le domaine de l’intellectualité […].
C’est pourquoi nous nous préoccupâmes de rendre visible et tangible la Palestine à tout le monde, aux gens les plus engagés dans d’humbles tâches positives et qui n’en lèvent guère les yeux. Ce fut le point de départ d’une chambre de commerce franco-palestinienne […].
[Depuis] la Palestine a pris une forme et un aspect charnels plus intelligibles et plus persuasifs pour eux. De leur vision se dissipent les mirages bibliques. On peut entrevoir l’application au pays de Dieu et des prophètes des mots employés pour l’exportation, l’importation, le fret, les tarifs et étiquetant des produits palestiniens à destination de la France et vice-versa.
[…] Et est-ce que ces projets sont si hypothétiques, si invraisemblables, si loin de nous que cela ? Est-ce qu’il n’y a pas des oranges de Palestine qui viennent en France ? Est-ce qu’il n’existe pas des vins de Palestine que j’ai vus sur des tables de restaurants français ? […] [61].
35À défaut d’une étude à part entière, impossible ici, bornons-nous à constater que, dans sa première mouture, le rôle de cet organisme a consisté surtout à présider à la construction et à l’installation, dans le cadre de l’Exposition coloniale internationale de Paris à Vincennes, d’un « Pavillon de Palestine et du Foyer national » qu’inaugure Edmond de Rothschild en mai 1931. Ce Pavillon se veut « l’image commerciale de la Palestine mise sous nos yeux », notamment celle de son agriculture à laquelle une salle est consacrée [62]. « En passant, on dégustera les vins célèbres qui ont pour marque les prodigieux raisins bibliques du Pays de Canaan. Et les magnifiques oranges de Jaffa répandront le puissant arôme de leur maturité », avertit La Terre retrouvée [63]. La chambre de commerce a toutefois très vite disparu après l’exposition, faute de « véritables relations économiques entre la France et la Palestine à cette époque » [64] et, sans doute, d’un intérêt soutenu chez les responsables économiques du Foyer national juif pour le marché français.
36C’est à partir de 1933-1934, semble-t-il, que les acteurs du secteur des agrumes en Palestine éprouvent vraiment le besoin de diversifier leur clientèle extérieure, poussés vraisemblablement par la détérioration des relations des sionistes avec les autorités britanniques, les risques de surproduction, le resserrement global des marchés avec la crise économique et la fermeture prévisible du marché allemand. Le Jaffa Citrus Exchange, sous la direction de Samuel Tolkowsky [65], manifeste même très nettement son intérêt pour le débouché français. Après tout, si les importations d’oranges ont pu passer en France de 847 tonnes en 1932 à 2 162 tonnes en 1934, sans parler de l’année « record » de 1935 (5 717 tonnes), ce n’est pas seulement dû aux perturbations des courants commerciaux habituels, mais aussi à la création de services maritimes directs et réguliers entre Haïfa et Jaffa d’une part, Le Havre et Dieppe de l’autre, deux ports proches de la région parisienne [66]. Par ailleurs, la Palestine, où afflue une immigration juive allemande encore pourvue de capitaux, devient paradoxalement un marché relativement attractif pour la France dans un monde en crise.
37Voilà qui explique en tout cas la reconstitution, en mai 1935, de la Chambre de commerce franco-palestinienne, tandis que France-Palestine, qui avait sombré avec la mort de Victor Jacobson en 1934, renaît de ses cendres sous la houlette de Nahum Goldmann, son successeur mandaté par l’Agence juive pour la Palestine. Justin Godart est à nouveau le président des deux entités [67]. La chambre, qui remplit en quelque sorte l’office d’un « Département économique » du Comité France-Palestine, elle-même « ambassade de la Palestine moderne » [68], est notamment chargée :
[…] par The Citrus Exchange, Jaffa, qui représente environ 60 % de la production totale des oranges de Palestine, de mener tous les pourparlers auprès des autorités françaises pour faciliter le développement du débouché des oranges de Palestine en France.
[…] Récemment la Chambre a sollicité les Ministères compétents de fixer le contingent pour les oranges palestiniennes pour l’année 1936 à 10 000 tonnes, et d’abaisser la taxe de douane pour les pamplemousses. Des pourparlers en ce sens sont en cours […].
Selon la proposition de M. Tolkowsky, General Manager of Citrus Exchange, Jaffa et M. Elman, General Manager The « Pardess » Ltd, la Chambre sera suivant toute probabilité, chargée par The « Citrus Fruit Advertising Committee » du Gouvernement Palestinien, de diriger toute la publicité que fait en France le Comité [69].
39La nouvelle chambre de commerce, mandatée par le président de la commission gouvernementale d’horticulture en Palestine, est effectivement au centre de négociations actives à ce propos avec l’administration française. Le conseiller du commerce extérieur Raoul Aghion, qui lui est lié, et la commission « Levant » au ministère du Commerce, dont il est le secrétaire général, étudient la question du côté français [70]. Samuel Tolkowsky vient en mission à Paris en juin 1936 [71], et une mission économique française dirigée par Max Hymans, le sous-secrétaire d’État au Commerce et à l’Industrie, se rend en Palestine au début de 1937. Raoul Aghion, encore lui, en est le rapporteur général [72].
40La chambre de commerce franco-palestinienne s’efforce en parallèle de sensibiliser les milieux d’affaires français. France-Palestine patronne en particulier, en 1936, un numéro spécial des Cahiers juifs qui est en fait une véritable bible sur l’économie palestinienne, rédigée en bonne part par des experts dans un esprit promotionnel. Parmi les auteurs de Palestine économique 1936, l’inévitable Raoul Aghion [73], le non moins incontournable Samuel Tolkowsky, et le président du Syndicat français des négociants en Fruits et primeurs, Max Monnot, dressent un tableau très encourageant de son état, comparé à la morosité de la situation mondiale. Si la France a tout intérêt, selon eux, à y développer ses exportations, cela implique toutefois, soulignent-ils, « d’aider dans une mesure certaine l’entrée des produits palestiniens en France », autrement dit celle des agrumes, seul produit palestinien susceptible d’y trouver un débouché réel [74].
41En revanche, le « Pavillon d’Israël » édifié par la chambre de commerce à l’Exposition internationale de Paris de 1937 n’a pas été l’occasion d’une opération de promotion de l’« orange de Jaffa » auprès du grand public. Il est vrai que l’Exposition a pour thème général les « Arts et Techniques ». On sait néanmoins que, dans les salles Dizengoff et Rothschild, des panneaux présentent une abondante iconographie sur les orangeraies et la coopérative Pardess [75].
42De toute façon, il est déjà avéré à cette date que la campagne pour obtenir un accroissement des importations d’oranges palestiniennes en France est un échec. Certes, la Chambre de commerce a obtenu pour la Palestine, en 1935, le contingent dont l’Italie a été privée en raison des sanctions de la SDN [76], mais le contingent privilégié de l’Espagne a été reconduit et toutes les démarches ultérieures des instances sionistes se sont révélées sans effet. Dès le printemps 1936 en fait, le secrétaire général de la Chambre de commerce a été avisé par le président de la commission « Levant » du Comité national des conseillers du commerce extérieur qu’il fallait abandonner tout espoir « d’arriver à un résultat positif dans la question des contingents [pour les oranges] » : les autorités françaises compétentes estiment en effet que « pour la Palestine, la question économique est d’une importance insignifiante par rapport à ses intérêts politiques » et qu’elles « ne voient pas la nécessité de faire exception pour la Palestine concernant le règlement des contingents en vigueur » [77]. Par la suite, la volonté du Gouvernement du Front populaire de soutenir le régime républicain dans la guerre civile qui déchire l’Espagne, puis celle de ses successeurs de se concilier le régime de Franco après sa victoire en 1939 n’étaient pas de nature, de surcroît, à jouer en faveur de la Palestine juive. Comme la première Chambre de commerce franco-palestinienne qui n’avait pas survécu à l’Exposition de 1931, la seconde disparaît, du reste, après celle de 1937. Ces tractations avortées auraient-elles néanmoins laissé des traces qui se seraient révélées utiles après la création de l’État d’Israël en 1948 ? Ce n’est pas impossible.
43L’on aura montré au cours de cette étude, s’il en était besoin, combien, du côté des producteurs, les choix faits dans l’ordre du développement agricole sont liés dans une grande mesure à des partis-pris culturels et politiques. Produit de l’agriculture arabe en Palestine à l’origine, « l’orange de Jaffa » a été en quelque sorte captée et façonnée, moyennant quelques tâtonnements, par les Juifs de Palestine ; ils ont choisi d’en faire, dès l’entre-deux-guerres, une culture commerciale et un article d’exportation répondant aux exigences du marché européen, en tout cas de certains pays européens, notamment la puissance mandataire. Elle a été à cet égard un important moteur économique du développement du Yishouv.
44Mais, au-delà de cette réalité matérielle, ce fruit, support dans la culture occidentale d’un imaginaire riche et positif, a été paré en cours de route d’une puissante valeur symbolique, et chargé de contribuer à séduire ses consommateurs européens, invités à entrer par son intermédiaire en contact intime avec l’aventure du renouveau national juif « moderne » et cette terre de Palestine, pays encore exotique, relativement lointain et peu visité. Cette dimension symbolique ressort particulièrement de ses modes de diffusion en France, un pays qui, ayant traditionnellement d’autres fournisseurs que la Palestine, importe fort peu de ses oranges. Les ressorts et les canaux empruntés par l’« orange de Jaffa » avant la Deuxième Guerre mondiale y sont clairement communautaires et plus précisément encore « partisans », en ce sens qu’ils jouent sur le sentiment de fierté « ethnique » et l’adhésion idéologique à la cause juive en Palestine sinon au sionisme. Même les efforts de promotion commerciale du groupe France-Palestine au milieu des années 1930 n’obéissent pas à des motivations purement économiques. Consommer une « orange de Jaffa » est alors en bonne part un geste de soutien aux Juifs de Palestine, une façon de soutenir leur expérience et de célébrer leur réussite présente et à venir. Comme quoi, la propagande, le plus souvent analysée comme une affaire de mots et d’images, peut aussi être une affaire de bouche et de papilles.
Notes
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[1]
Archives du ministère des Affaires étrangères (La Courneuve), 56PAAP/2, lettre du comte Doynel de Saint-Quentin, agent de liaison auprès de l’armée britannique d’Égypte, au ministre de France au Caire, Albert Defrance, s.l., 20 novembre 1917.
-
[2]
L’exportation des oranges, permise par la navigation à vapeur, explique en grande partie la croissance du trafic du port de Jaffa. Haïm Gerber, « Modernization in Nineteenth-Century Palestine : the role of Foreign Trade », Middle Eastern Studies, vol. 18, 3, pp. 250-264 ; Mark LeVine, Overthrowing geography : Jaffa, Tel Aviv and the struggle for Palestine, 1880-1948, Berkeley, University of California Press, 2005.
-
[3]
Le fruit serait originaire du nord de l’Inde. Au XIXe siècle cependant, les cédrats consommés en Europe viennent essentiellement de l’île de Corfou.
-
[4]
Le mot « orange » dérive d’ailleurs de narandj, le terme arabe. Toutefois, ce sont les colons chrétiens de Sarona, originaires d’Allemagne, qui apposent les premiers en 1871 le label « orange de Jaffa » sur leurs expéditions. Ce label figure en marge de l’article « Jaffa Orange » in Wikipedia. The Free Encyclopedia (consulté le 9 janvier 2014).
-
[5]
Israël Margalith, Le Baron Edmond de Rothschild et la colonisation juive en Palestine, 1882-1899, Paris, Librairie Marcel Rivière et Cie, 1957 ; Dan Giladi, « The agronomic development of the Old Colonies in Palestine (1882-1914) », in Moshe Ma’oz (d.), Studies on Palestine during the Ottoman Period, Jérusalem, The Magnes Press/The Hebrew University/ Yad Izhak Ben Zvi, 1975, pp. 175-189 ; et les travaux de Jean-Marie Delmaire sur les Amants de Sion (Hovevei Zion).
-
[6]
Ce point est souligné par Yoram Majorek dans « Les Juifs français et la colonisation agricole en Palestine avant la Première Guerre mondiale », in Aspects du sionisme. Théorie-utopie-Histoire, Paris, INALCO, 1976, pp. 115-122.
-
[7]
Georges Weill, « Charles Netter ou les oranges de Jaffa », Les Nouveaux Cahiers, n° 21, été 1970, pp. 2-36, ici p. 25.
-
[8]
Georges Weill, « Les débuts de la colonisation en Palestine. Le rôle de Mikveh-Israel de 1870 à 1914 », in Aspects du sionisme. Théorie-utopie-Histoire, Paris, INALCO, 1976, pp. 78-84.
-
[9]
Ces chiffres englobent les colonies du Baron (celles reprises des Amants de Sion comme celles qu’il a fondées par la suite), celles restées aux Amants de Sion et les colons « indépendants ». Sur l’œuvre palestinienne du baron de Rotschild : Israël Margalith, op. cit. ; Ran Aharonson, « La modernisation agricole en Palestine. Réflexions sur le rôle du baron de Rothschild et le rôle de la France », in Aspects du sionisme, op. cit., p. 123 ; idem, Rothschild and Early Jewish Colonization in Palestine, Jérusalem, the Hebrew University/Magnes press, 2000, p. 283.
-
[10]
Pour le raisin mais sans doute aussi pour le vin. Une fraction de la population arabe, rappelons-le, est chrétienne.
-
[11]
Élisabeth Antébi, Edmond de Rothschild (1845-1934) : un itinéraire religieux ?, thèse de doctorat, INALCO, 1999, p. 339. Des tentatives infructueuses, en raison d’une concurrence régionale trop forte sans doute, ont été faites aussi pour développer la production de raisins secs.
-
[12]
Le dounam est une mesure de superficie locale qui équivaut à 920 m2.
-
[13]
Israël Margalith, op. cit., p. 141.
-
[14]
Élisabeth Antébi, op. cit.
-
[15]
Ibid., p. 338.
-
[16]
Idem.
-
[17]
Israël Margalith, op. cit., p. 141.
-
[18]
L’expression est de Jean-Louis Clade, Charles Jollès, La Gentiane : l’aventure de la fée jaune, Cabédita, Yens sur Morge, 2006, p. 118.
-
[19]
La première présentation des vins Carmel aurait eu lieu à la Foire internationale de Berlin en 1896, dans un pavillon spécial consacré aux industries de la colonie juive en Palestine ; puis ils furent présentés à une exposition mondiale de jardinage à Hambourg en 1897. Cf. la notice en ligne « Carmel Winery » : en.wikipedia.org/wiki/Carmel_winery.
-
[20]
Georges Weill, « Les débuts de la colonisation en Palestine », op. cit.
-
[21]
Notice en ligne « Carmel Winery » : en.wikipedia.org/wiki/Carmel_winery.
-
[22]
Élisabeth Antébi, op. cit., pp. 339, 341. Samuel Tolkowsky, La Colonisation juive en Palestine, Paris, Editions de la FSF, 1910.
-
[23]
Pour des expressions de ces critiques : Samuel Tolkowsky, ibid. ; Arthur Ruppin, « The Picture in 1907 », un discours prononcé le 7 février 1908 devant la Société de colonisation juive de Vienne, en ligne sur : www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/Zionism/Ruppin1907.htlm. Ran Aharonson s’emploie au contraire à démonter cette image d’un Rothschild agissant en capitaliste attaché au profit dans Rothschild and Early Jewish Colonization in Palestine, op. cit., pp. 292-297.
-
[24]
Zvi Shilony, Ideology and settlement. The Jewish National fund, 1897-1914, Jérusalem, The Magnes Press/The Hebrew University, 1998, passim.
-
[25]
Le Cactus et l’ombrelle. Chronique familiale juive de Lucie Matuzewitz, Paris, Guy Authier, 1977, pp. 33, 66, 72, 209.
-
[26]
Arthur Ruppin, « The Picture en 1907 », op. cit. Traduction de l’auteur.
-
[27]
Palestine économique 1936, n° spécial des Cahiers juifs, édité sous le patronage de Justin Godart, Sénateur, Ancien Ministre, Président de France-Palestine et sous le patronage du Comité de la Foire du Levant de Tel Aviv, 9, rue Le Sueur, Paris (XVIe), p. 280 sq. ; Samuel Tolkowsky, op. cit ; Dan Giladi, op. cit. ; Shmuel Avitsur, « The influence of Western Technology on the economy of Palestine during the nineteenth century », in Moshe Ma’oz (ed.), op. cit., p. 485.
-
[28]
Chiffres de 1922 cités par Arthur Koestler, Analyse d’un miracle, Paris, Calmann-Lévy, 1949, p. 41, qui se réfère au Memorandum on the influence of Jewish Colonization on Arab development in Palestine, Jérusalem, 1947, et Statistical Handbook of the Middle East, Jérusalem, 1944.
-
[29]
Vincent Vilmain, Féministes et nationalistes ? Les femmes juives dans le sionisme politique 1868-1921, Thèse de doctorat, EPHE, 2011.
-
[30]
En 1912 cependant, L’Écho sioniste affiche en quatrième de couverture une publicité pour « les vins Carmel et Mont Thabor, 51, boulevard de La Chapelle », lesquels auraient le monopole pour la France des « vins, liqueurs et eaux de vie des caves de Rishon-le-Tsion et de Zikhron Yaakov ». On sait que ces vins connaissent de toute façon une certaine diffusion, au moins à Paris, puisqu’outre les réclames publiées dans la presse sioniste, il a existé des affichettes publicitaires plus élaborées et en couleur, comme celle qui figure en couverture du livre de Ran Aharonson, Rothschild and Early Jewish Colonization in Palestine, op. cit., où on lit : « Larose 1894. Vin rouge naturel de PALESTINE ».
-
[31]
Sauf mention contraire, les informations contenues dans ce paragraphe sont tirés de l’ouvrage Palestine économique 1936, op. cit., p. 152.
-
[32]
Mais l’article « Jaffa Orange » (op. cit.) avance, pour 1928, des chiffres peut-être plus plausibles : 30 000 dounams pour les orangeraies juives sur un total de 60 000 dounams.
-
[33]
La Terre retrouvée, 1er juin 1938, « L’extension des orangeries ».
-
[34]
Ce dernier chiffre est cité par Arthur Koestler, op. cit., p. 41. Certains notables arabes sont à la tête d’orangeraies très importantes comme le grand-père maternel de Sari Nusseibeh, qui les évoque dans les premiers chapitres de Il était une fois un pays. Une vie en Palestine, Paris Lattès, 2008.
-
[35]
La Terre retrouvée, 25 février 1935, p. 15.
-
[36]
En octobre 1933, les pamplemoussiers couvrent 5 400 dounams, soit au moins le double d’avant la guerre. Selon Palestine économique 1936, op. cit., p. 282. En 1930, un régime minceur « miracle » basé sur ce fruit lui assura un certain succès pendant quelques années.
-
[37]
Ibid., p. 160, et Menorah, 1er juin 1928, « Crise de croissance » par « A.S. », pp. 168-169. La Terre retrouvée, 1er juin 1938, « L’extension des orangeries », op. cit.
-
[38]
Palestine économique 1936, op. cit., p. 283.
-
[39]
Ibid., p. 262.
-
[40]
Malgré l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933, l’Allemagne reste au deuxième rang des pays acheteurs des agrumes palestiniens jusqu’en 1936 compris. En 1937, elle passe brutalement au 17e rang. La Terre retrouvée, 15 février 1938, « Qui achète nos citrus ? », p. 11.
-
[41]
Palestine économique 1936, op. cit., pp. 278-279.
-
[42]
Ibid., pp. 280, 283. La récolte, en Palestine, dure de novembre à mars.
-
[43]
L’ouvrage de référence, introuvable en France, est celui de Víctor Abad, Historia de la naranja, t. I, (1781-1939), Comité de Gestión de la Exportación de Frutos Cítricos, Valence, 1984. Merci à Jean-Marc Delaunay pour ce renseignement.
-
[44]
Ibid., p. 276.
-
[45]
Central Zionist Archives, Jérusalem (ci-après CZA), L22/332/2, Chambre de commerce franco-palestinienne, Rapport sur le premier trimestre 1936, Paris, avril 1936, p. 14.
-
[46]
Palestine économique 1936, op. cit., pp. 285, 288-292.
-
[47]
CZA, L22/332/2, Chambre de commerce franco-palestinienne, Rapport sur le premier trimestre 1936, op. cit.
-
[48]
Palestine économique 1936, op. cit., p. 277.
-
[49]
La Terre retrouvée, 15 février 1938, « Qui achète nos citrus ? », op. cit.
-
[50]
Archives de l’Alliance israélite universelle 1939-1945 (en cours de classement), lettre manuscrite de Paul Mantoux, Paris, 12 mars 1939. Mantoux, membre du comité central depuis 1934, fait allusion au soulèvement arabe palestinien de 1936-1939.
-
[51]
Catherine Fhima, « De silence et d’or : un parcours singulier d’écrivain juif », in Françoise Lucbert et Richard Shryock (dir.), Gustave Kahn. Un écrivain engagé, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2013, pp. 249-257.
-
[52]
Il existe du reste tout un réseau européen de sociétés pro-palestiniennes. Catherine Nicault, « Le sionisme à la mode française : au cœur du « réveil juif » des années vingt », Archives juives, revue d’histoire des Juifs de France, n° 39/1, 1er semestre 2006, pp. 9-28, et « Le Paris sioniste dans les années 1920 », Les Cahiers Jean-Richard Bloch n° 17, « L’Existence juive en France au début du XXe siècle ».
-
[53]
Pour un exemple de ce genre de publicité : La Terre retrouvée, 20 avril 1929.
-
[54]
Menorah, 1er juin 1928, « Crise de croissance » par « A.S. », op. cit.
-
[55]
La Terre retrouvée, 25 décembre 1930, « Impressions de voyage » par Joseph Fischer, pp. 2-3.
-
[56]
Voir par exemple, les photographies d’oranges et de plantations d’orangers figurant dans La Terre retrouvée du 25 mai 1929. Celle où l’on voit la reine de Suède et sa fille, accompagnées de Samuel Tolkowsky, dont il sera question plus loin, dégustant des oranges dans une colonie juive, est particulièrement suggestive, p. 10.
-
[57]
Échos et reportages illustrés sur les ventes de charité de l’Union des femmes juives pour la Palestine puis de la WIZO-France, par exemple, dans Menorah des 1er février et 15 novembre 1928, La Terre retrouvée des 20 janvier 1929, 25 décembre 1933 et 15 décembre 1937.
-
[58]
La Terre retrouvée, 25 mars 1933.
-
[59]
Ibid., 25 avril 1933.
-
[60]
Idem, p. 15 : le « marché printanier » organisé le 27 mars par un nouveau groupe de femmes sionistes, le « Ghalei » de Strasbourg, propose des « oranges palestiniennes » au milieu de « guirlandes de saucisses à l’ail, [de] langues salées » et autres « bouquets d’aromates et de verdure liés par des rubans aux couleurs sionistes ». La Terre retrouvée rend compte également le 25 février 1934 d’un « Bazar de la Moselle » qui se tient à Metz en janvier 1934, arborant à l’entrée un « stand palestinien » surmonté d’un Maguen David ; le numéro du 25 février 1935 évoque la distribution de fruits, « clou » de « la fête du printemps palestinien à Nancy », p. 19.
-
[61]
Palestine, Nouvelle Revue juive, décembre 1930-février 1931, « Chroniques et documents », « La Palestine à Paris », par Justin Godart, pp. 145-146.
-
[62]
Ibid. et numéro de septembre-octobre 1930. Menorah, numéro spécial sur l’inauguration du Pavillon de 1931, 29 mai 1931. CZA, L22/368, lettre de Hadassah Calvary (Shani Workshop) à Lily Simon, Jérusalem, 13 février 1931.
-
[63]
La Terre retrouvée, 25 janvier 1931, 25 juin 1931. De même, mention des « magnifiques oranges » par Léonce Bernheim dans son article « La colonisation palestinienne », Menorah, 29 mai 1931.
-
[64]
CZA, L22/178, note intitulée « La chambre de commerce franco-palestinienne », Paris, 19 août 1935.
-
[65]
Fils de diamantaire, agronome et francophone, Samuel Tolkowsky (Anvers, 1886 - Tel Aviv, 1965) a fait son alyah en 1911. Secrétaire de Chaïm Weizmann à Londres en 1917-1918, puis de Nahum Sokolow, le président de la délégation sioniste à la Conférence de la Paix à Paris, en 1919, il regagne ensuite la Palestine où il assume des fonctions importantes dans le secteur des « citrus » et des transports maritimes.
-
[66]
Palestine économique 1936, op. cit., pp. 288-292. 7 000 des 24 000 caisses de pamplemousses convoyées en octobre ou novembre 1937 sur le Bosphore par la Compagnie Fred Olsen sont ainsi débarquées à Dieppe pour le marché parisien : La Terre retrouvée, 15 novembre 1937, p. 11.
-
[67]
La Terre retrouvée, 25 avril 1935, « L’heure de la Chambre de commerce franco-palestinienne est venue », pp. 18-19 ; n° du 25 décembre 1935, « La nouvelle mission de « France-Palestine » par « J. F. », pp. 6-7 ; n° du 25 janvier 1936, « La « France-Palestine » a dix ans » par Henri Hertz, pp. 7-8. Documents divers sur cette nouvelle chambre de commerce franco-palestinienne dans CZA, L22/332/2.
-
[68]
CZA, L22/332/2, Rapport du Bureau provisoire de la chambre de commerce franco-palestinienne, Assemblée générale, datée par erreur du 10 janvier 1935 (pour 1936)
-
[69]
CZA, L22/178, note dactylographiée « La Chambre de commerce franco-palestinienne », Paris, 19 août 1935.
-
[70]
Palestine économique 1936, op. cit., p. 296 sq. La Terre retrouvée, 25 février 1936, « La Foire Exposition du Levant. Tel Aviv 1936 » par Raoul Aghion, p. 4. CZA, L22/332/2, Lettre de Maxime Piha à Nahum Goldmann, Paris, 27 octobre 1935.
-
[71]
Il fait à cette occasion un exposé sur les relations économiques franco-palestiniennes devant le conseil d’administration de la chambre de commerce le 18 juin, où il insiste sur la question des oranges : CZA, L22/332/2, Rapport de la chambre sur les 2e et 3e trimestres 1936, Paris, septembre 1936.
-
[72]
Ibid., 15 mars 1937.
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[73]
Auteur aussi de : « La Foire Exposition du Levant. Tel Aviv 1936 », op. cit.
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[74]
C’est l’argumentation développée en particulier par Raoul Aghion, in Palestine économique 1936, op. cit., pp. 271-278 (p. 276 pour la citation).
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[75]
Reportage très complet dans La Terre retrouvée, n°18-19, 1937.
-
[76]
CZA, L22/332/2, Chambre de commerce franco-palestinienne, Rapport sur le premier trimestre 1936, op. cit.
-
[77]
Ibid., Lettre de Georges O. Zalkinde à Nahum Goldmann, Paris, 19 avril 1936.