NOTES
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[1]
ACIP, B 107, Consistoire 1919, Chemise : Consistoire (correspondance).
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[2]
Yad Vashem / CDJC, Collection Georges Epstein. Ce document se présente sous la forme d’un épais carnet microfilmé, dressant par nom de rue, pour chaque arrondissement, l’état de la population juive parisienne en 1941. En vis-à-vis de chaque numéro de rue se trouvent le nom et la profession de la personne. Parfois, le patronyme est accompagné de la lettre « M » entre parenthèses à laquelle est souvent associé un numéro ainsi que diverses précisions telles que « gratuit », ou « Mai 10 francs » ou encore « reçu 30 le 22 octobre », faisant supposer que ces listes servirent à répertorier les personnes soumises à cotisation dans le cadre d’une affiliation obligatoire, par exemple l’Union générale des israélites de France (UGIF), créée par la loi du 29 novembre 1941. Figurent également, mais beaucoup plus rarement, certaines indications qui témoignent des mesures prises à l’encontre des Juifs : ainsi la mention « son mari à Drancy » au regard du nom de Mme Danziger, finisseuse, domiciliée 4 rue de l’Ave Maria. Je remercie Shmuel Bunim de m’avoir signalé l’existence de ce microfilm au CDJC.
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[3]
Familles Mouchi, Ben Ivny, Boukaya, Benolliel, Teboul, Benkemoun, Safar, Allouche, Benhamou, Bouskila, Oliel, Moha, etc.
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[4]
Entretien avec Roger Gharbi, Paris, le 9 juin 2004. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Gharbi proviennent de cette source.
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[5]
Entretiens avec Pierre Allouch, Paris, le 11 mai 2004 ; Jacques Zekri (par téléphone), le 12 juin 2005 ; Raymond Chamak, Le Perreux-sur-Marne, le 28 mars 2005 ; Jean Dana, Paris, le 11 juin 2005 ; Louise Jaïs née Fhal, Paris, le 31 mai 2004 : la famille Fhal, a-t-elle précisé, est partie de Khenchela en 1937. Les autres familles sont de Constantine. Sauf mentions contraires, toutes nos informations sur les familles Allouche, Zekri, Chamak, Dana et Fhal proviennent de ces sources.
-
[6]
Entretien avec Huguette Touboul née Assuli, Paris, le 7 juin 2005. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Assuli proviennent de cette source.
-
[7]
Entretien avec Jeanne Arous, Paris, le 25 novembre 2004. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Arous proviennent de cette source.
-
[8]
Archives nationales (désormais AN), AJ38, 2580, dossier 23 132 (section VB R) : dossier d’aryanisation établi au nom de la Vve Halphen Alice – immeuble – 10-12, rue des Deux-Ponts Paris (4e).
-
[9]
Entretien avec Jeannine Bouhanna née Sebbane, Paris, le 10 janvier 2005. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Sebbane proviennent de cette source.
-
[10]
Entretien avec Roger Alzerat, Paris, le 9 avril 2005. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Alzerat proviennent de cette source.
-
[11]
Entretien avec Mardochée Ohnona, Paris, le 31 avril 2005. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur les familles Ohnona et Suissa proviennent de cette source.
-
[12]
La loubia est un plat traditionnel juif, à base de haricots.
-
[13]
Entretien avec Lucienne Bibi-Roubi née Vidal, Paris, le 31 mai 2004. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Vidal proviennent de cette source.
-
[14]
Entretien avec André Cohen, Paris, le 26 février 2004. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Cohen proviennent de cette source.
-
[15]
AN, AJ38, 1192 à 1222, Fichier topographique des entreprises du département de la Seine. Classement par nom de rue sans distinction entre Paris et la banlieue.
-
[16]
Le « document Georges Epstein » mentionne la profession de 141 originaires d’Afrique du Nord (sur 168 répertoriés) dans 23 rues du quartier Saint-Gervais. Les métiers le plus souvent pratiqués sont les suivants : marchand de quatre saisons (18), manœuvre, manœuvre en usine, ouvrier d’usine, journalier, manutentionnaire aux Halles (18), marchand forain, marchand ambulant, brocanteur, colporteur (13), tailleur, ouvrier tailleur, modiste, couturière, commerçant en bonneterie, fourreur (5), coiffeur, ouvrier coiffeur, garçon coiffeur (7), peintre, peintre en bâtiment, peintre dans l’aviation (6), aide-comptable, employé de bureau, employé dans un ministère, employé à la Ville de Paris, fonctionnaire de la Ville de Paris (5), maçon, ajusteur, marbrier, soudeur, plombier (5), menuisier, ébéniste, ouvrier ébéniste (4), cordonnier, ouvrier cordonnier (4), garçon de café, garçon de restaurant, garçon livreur (4), infirmier, aide infirmier, employé dans une pharmacie, brancardier (4) ; employé de commerce (4) ; chauffeur, chauffeur de camion, chauffeur de taxi (4), concierge, bonne (3), vendeur (3). Outre celle de marchand de quatre saisons, les professions liées au secteur alimentaire sont représentées de la façon suivante : café et restaurant (6), boucher (1), épicier (1) et enfin marchand de cacahuètes (1). Toutefois ces désignations d’activité sont à considérer avec la plus grande prudence, car certains des métiers consignés dans ce document établi durant l’Occupation résultent des interdictions d’exercice professionnel prises par Vichy ou ordonnées par l’occupant. Ainsi Albert Allouche qui exploitait une boucherie au 74 de la rue François Miron y figure comme ouvrier d’usine ; de même Mimoun, tenancier du café situé 13, rue de Jouy, y est mentionné comme « fonctionnaire VP [Ville de Paris] ».
-
[17]
AN, AJ38, 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels. 1941-1944 – AR à ARZ.
-
[18]
AN, AJ38, 187, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels. 1941-1944 – RT à RZ.
-
[19]
Là Hébarek : expression arabe qui signifie « Que Dieu te bénisse ».
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[20]
Les administrateurs provisoires ou commissaires-gérants sont des personnes chargées par le CGQJ d’aryaniser par vente ou liquidation les biens juifs {(Voir plus loin)}.
-
[21]
AN, AJ38, 3190, dossier 16 423 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Vve Boukhalter – épicerie – 68 rue François Miron Paris (4e).
-
[22]
Lou Helvasser, « Habits, chiffons, ferrailles à vendre… ou la chine dans le Pletzl », dans « le Pletzl », Bulletin de l’Association des Amis du 4e arrondissement, n° 3, octobre 1988, p. 2. Ce témoin cite entre autres Simon Kalfon, les frères Melki et les Chamak.
-
[23]
Toujours suivant le « document Georges Epstein », la profession de coiffeur est exercée par les personnes suivantes : Ben Soussen domicilié au 20 rue Charlemagne ; Boukaya au 12 rue des Écouffes ; Boumendil au 30 rue François Miron ; Cohen au 20 rue de Jouy ; Cohen au 13 rue Geoffroy l’Asnier ; Mlle Assouline au 10 rue des Jardins Saint-Paul.
-
[24]
Sur le coiffeur Albou, voir AN, AJ38, 2318, dossier 3 996 (section III R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Albou – salon de coiffure Mary – 52 rue du Roi de Sicile Paris (4e). Le fonds de commerce, créé en septembre 1919, est tenu par son épouse, Mary Arnaud. « Cette dame est aryenne », note dans son rapport en 1941, l’administrateur provisoire.
-
[25]
Ronde d’entrées et d’amuse-gueule, traditionnellement servis en Afrique du Nord à l’heure de l’apéritif.
-
[26]
Le berbouche ou barbouche : couscous préparé à base de grosse semoule, abondamment épicé, arrosé de loubia, de chkembey (ou chkaimba), gras-double en sauce rouge, accompagné de viande, d’une tranche de hasbanne, farce constituée de viande, d’épices et de tripes, emmaillotée dans une poche de panse de bœuf ou de mouton, assorti de boutons d’or (petits navets jaunes) et de la moitié d’un œuf dur ayant préalablement été cuisiné dans la sauce même de la préparation.
-
[27]
Entretien téléphonique avec Perlette Pons née Draï (Antibes), le 15 juillet 2005. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Draï proviennent de cette source.
-
[28]
Shamès : bedeau.
-
[29]
Târ : tambourin fait d’une peau tendue sur deux cerceaux de bois et entouré de cymbales.
-
[30]
Le haïk est une épaisse couverture en laine constituée de bandes multicolores.
-
[31]
Cette synagogue était située à l’étage, en face du Bazar de l’Hôtel de Ville, dans un local aujourd’hui transformé en annexe du BHV.
-
[32]
Ce temple de rite portugais inauguré en 1877 est affilié à l’ACIP depuis 1906.
-
[33]
Jacques Biélinky, Journal, 1940-1942. Un journaliste juif à Paris sous l’Occupation, présenté par Renée Poznanski, Paris, Éditions du Cerf, 1992, pp. 59, 61-62.
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[34]
Le shohet est chargé de l’abattage rituel ; le mohel pratique la circoncision rituelle.
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[35]
Entretien avec Marie-Josette Chetrit, Paris, le 12 mai 2004.
-
[36]
Littéralement « expiations », singulier Kaparah. « Coutume observée la veille de Yom Kippour en début de matinée ou dans la nuit qui le précède et qui consiste pour tout Juif adulte à prendre une volaille (un coq pour les hommes, une poule pour les femmes) et, la tenant par le cou, à la passer trois fois autour de sa tête, en disant : “Ceci est mon expiation, ceci est mon rachat, ceci est ma substitution. Ce coq (cette poule) ira à la mort, tandis que moi j’irai vers une vie longue et heureuse”. Puis on égorge la volaille que l’on donne directement aux pauvres à moins de verser la somme correspondant à sa valeur à une œuvre charitable ». Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, publié sous la direction de Geoffrey Wigoder, Paris, Éditions du Cerf, 1993, pp. 616-617.
-
[37]
Entretien avec Gilette Amram née Touitou, Paris, le 20 février 2005. La mention des poux vient de ce que les volailles, à cette époque, étaient extrêmement pouilleuses. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Touitou proviennent de cette source.
-
[38]
Propos rapportés par une autre fille de Feiga Birman, Anna, dite Akélé, Danan. Entretien, Paris, 13 avril 2005.
-
[39]
Ibid.
-
[40]
Entretien avec Lucette Bouchoucha et son frère cadet André Cohen, présent à ses côtés, Paris, le 26 février 2004. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Cohen proviennent de cette source.
-
[41]
Le Droit de Vivre, organe de la LICA, et d’autres périodiques font régulièrement état de ces exactions dans le quartier Saint-Paul : inscriptions injurieuses (Le Droit de Vivre – section du IVe –, n° 24, février 1935), insultes publiques et quotidiennes (Le Journal Juif, n° 40 du 4 octobre 1935), expéditions « punitives » de mouvements d’extrême droite (Le Journal Juif, n° 40, op. cit. ; Le Droit de Vivre n° 31 (nouvelle série), 5e année, mercredi 10 juin 1936).
-
[42]
Le Journal Juif, n° 40 du 4 octobre 1935, p. 5.
-
[43]
Entretien avec Marthe S., Paris, le 25 novembre 2004.
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[44]
Entretien avec Maurice Waniewitz, Les Lilas, le 5 mai 2005.
-
[45]
En février 1940 un certain nombre de ces familles figure parmi les personnes assistées par le Comité de bienfaisance israélite de Paris (CBIP). En 1941, elles bénéficieront pour la plupart d’une aide financière oscillant entre 100 et 200 francs. Archives du CBIP, 2D2, Legs Morhet et Deyme en faveur des habitants du 4e arrondissement pour l’année 1940 et ibid., 1D6. Legs Morhet et Deyme en faveur des habitants du 4e arrondissement pour l’année 1941.
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[46]
Communiqué de la Préfecture de Police paru dans le quotidien Le Matin, le 15 juin 1941.
-
[47]
L’article 8 de la loi du 2 juin 1941 prévoit en effet la possibilité d’obtenir une dérogation au Statut pour services exceptionnels rendus à la Nation.
-
[48]
AN, AJ38, 187, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – RT à RZ.
-
[49]
Ibid., 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AR à ARZ.
-
[50]
Ibid., Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ASS. Courrier du 14 juillet 1941 ; ibid., 189, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – SH à SK.
-
[51]
Ibid., 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AST à ATZ. Même détresse au foyer de Mme Charbit situé 16, rue de Sévigné (Ibid., 162, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – CHAR à CHAT).
-
[52]
Cf. la réponse faite le 1er juin 1942 à Camille Fredj, coiffeur au 3 rue du Grenier sur l’Eau, ibid., AJ38, 168, Direction du Statut des personnes. Dossiers individuels, 1941-1944 – FRE à FREZ.
-
[53]
Ibid., 1192 à 1222, fichier topographique des entreprises du département de la Seine (Classement par nom de rue sans distinction entre Paris et la banlieue).
-
[54]
Ibid., 3197, dossier 35 858 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Yetta Mardochée – alimentation – 56, rue Ferdinand Duval Paris (4e).
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[55]
Ibid., 3190, dossier 16 423 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Vve Boukhalter – épicerie – 68, rue François Miron Paris (4e). Au lendemain de la Libération, une circulaire du service de restitution figurant au dossier, signale le décès de la propriétaire.
-
[56]
Ibid., 3121, dossier 14 306 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Pariente Jacques – bazar couleurs – 68, rue François Miron Paris (4e).
-
[57]
Ibid., 3174, dossier 37 754 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Allouche Albert – boucherie – 74, rue François Miron Paris (4e).
-
[58]
Ibid., 3188, dossier 14 191 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Menahem & Salfati – café-hôtel – 23, rue des Jardins Saint-Paul Paris (4e).
-
[59]
Ibid., 1821, dossier 36 418 (section IC R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Lelouche Maurice – tailleur – 111, rue Saint-Antoine Paris (4e).
-
[60]
Ibid., 3187, dossier 10 994 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Mimoun Esther – café – 13, rue de Jouy Paris (4e).
-
[61]
Suivant le rapport de l’administrateur provisoire en date du 16 septembre 1942, ibid., 3191, dossier 19 022 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Yakoubovitch Abraham – restaurant – 25, rue des Rosiers Paris (4e).
-
[62]
Ibid., 3109, dossier 10 863 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Per’nic – matières premières pour les produits alimentaires – 3 bis, rue des Rosiers Paris (4e).
-
[63]
Le culte n’étant pas interdit, son exercice nécessitait le respect des prescriptions rituelles concernant la nourriture.
-
[64]
Jean Laloum, « Une aryanisation paradoxale : les commerces d’alimentation dans le Marais » dans La Caisse des dépôts et consignations, la Seconde Guerre mondiale et le XXe siècle, sous la direction de A. Aglan, M. Margairaz et P. Verheyde, Paris, Albin Michel, 2003, pp. 369-394.
-
[65]
AN, 3109, dossier 10 726 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Gharbi René – café – 7, rue François Miron Paris (4e).
-
[66]
Ibid., 3186, dossier 10 728 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Sabba Élie – café – 50, rue François Miron Paris (4e).
-
[67]
Ibid., 899, Chemise « commerce rituélique : correspondance ».
-
[68]
AN, F/9/5606/2, Fichier « familial » de la Préfecture de Police de la Seine, et AJ38, 156, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – BENH à BENZ.
-
[69]
Ibid., AJ38, 171, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – GUG à GUIN. L’internement de Michel Guedj fut bref car, le 7 septembre 1941, il réussit à s’évader de Drancy avec deux autres internés. À cette date seuls cinq autres internés avaient réussi à s’évader du camp, cf. ibid., F/9/5644/2, Fichier « individuel » de la Préfecture de Police (adultes), et Archives CDJC, DLIX-18, Liste des internés évadés de Drancy établie le 2 avril 1942 par le capitaine Richard, commandant le service de gendarmerie du camp du 21 août 1941 au 31 mars 1942.
-
[70]
AN, AJ38, 162, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – CHAM à CHAP. Même démarche angoissée de l’épouse de Youna Mimran domiciliée au 133 de la rue Saint-Antoine : ibid., 182, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – MIA à MLD.
-
[71]
CDJC, DLIX-1 à 6, Listes nominatives des internés entrés et sortis du camp de Drancy pour la période du 1er janvier au 30 juin 1943 ; AN, F/9, fichiers conservés sous forme de microfilms. Il s’agit : du Tlemcénien Henri Serfati du 68 rue François Miron, le 18 janvier ; de la Batnéenne Raymonde Elbeze du 56 quai des Célestins, le 8 mars ; de la Sétifienne Rose Allouche du 14 rue du Figuier, appréhendée en compagnie de ses enfants Georges et Colette pour « défaut de carte » le 9 mars ainsi que le Batnéen Albert Fhal du 31 rue du Roi de Sicile ; du Tlemcénien Henri Ettouati du 3 rue des Francs-Bourgeois ainsi que de l’Algérois Charles Alliel du 12 rue Pavée, le 17 mars ; de Maurice Sebbane du 43 rue Vieille-du-Temple, natif de Nemours, le 20 mars ; de l’Algérois Judas Dadoun du 12 rue des Rosiers, le 12 juin ; de la Tlemcénienne Férahé dite Berthe Dadoun du 11 rue Mahler, le 13 juin ; du Constantinois Adolphe Nabet du 20 rue de Jouy, le 18 juillet ; de la Bônoise Meriem Lévy du 27 rue des Rosiers, le 28 décembre.
-
[72]
AN, AJ38, 191, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – TOR à TOZ. Marie Touboul, née le 1er mai 1897 à Oran, est déportée le 13 février 1943 par le convoi n° 48 à Auschwitz.
-
[73]
Ibid., 156, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – BEM à BENG.
-
[74]
Le CGQJ invoque les mêmes motifs pour rejeter les demandes de dérogations professionnelles.
-
[75]
AN, F/9/5606/2, Fichier « familial » de la Préfecture de Police de la Seine.
-
[76]
Ibid., F/9/5626/2, Fichier « familial » de la Préfecture de Police de la Seine. La 8e ordonnance allemande (29 mai 1942) annonce l’obligation du port de l’étoile jaune. Son entrée en vigueur est pour le 7 juin. Il va être désormais « interdit aux juifs, dès l’âge de six ans révolus, de paraître en public sans porter l’étoile juive ». La mesure concerne la zone occupée.
-
[77]
Ont ainsi fait des mariages mixtes : le garçon boucher Aaron Benhaqui domicilié 27 rue des Rosiers ; le cafetier Charles Alliel du 12 rue Pavée ; le coiffeur Maurice Albou domicilié au 52 rue du Roi de Sicile ; le commerçant en bonneterie Félix Cohen-Solal du 11 rue Mahler ; le contrôleur électricien Adolphe Nabet habitant au 20 rue de Jouy ; Rosette Chassepoux, née Allouche, domiciliée au 1 rue Ferdinand Duval.
-
[78]
Jacques Biélinky, Journal…, op. cit., entrée du 18 octobre 1940, p. 62.
-
[79]
AN, AJ38, 3162, dossier 33 247 (section VIII R), déjà cit. ; ibid., 3199, dossier 37 141 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de El Baze Michel (anciennement Bouskila) – restaurant – 46, rue François Miron Paris (4e) ; ibid., 3174, dossier 37 754 (section VIII R), déjà cité.
-
[80]
Ibid., 2526, dossier 22 102/7 (section VB R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Schmoulowsky Abraham – immeuble – 27, rue des Rosiers Paris (4e). Yad Vashem / CDJC, Collection Georges Epstein.
-
[81]
CDJC, V88, Rapport journalier n° 255 du 14 mai 1941. Cf. Michel Abitbol, Les Juifs d’Afrique du Nord sous Vichy, Paris, Maisonneuve § Larose, 1983, pp. 63-64.
-
[82]
AN, AJ38, 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AV à AZ.
-
[83]
Benichou était le nom de jeune fille de la mère de Lucette Bouchoucha.
-
[84]
AN, AJ38, 176, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – KO à LANZ.
-
[85]
Ministère des Affaires étrangères, Série Guerre 1939-1945, Vichy, C État français, 139. Je remercie Catherine Nicault de m’avoir communiqué ce document.
-
[86]
AN, AJ38, 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AR à ARZ. On relèvera le caractère approximatif des connaissances géographiques de l’administration : Oujda ne se trouve pas en Algérie, mais au Maroc, à la frontière de l’Algérie il est vrai.
-
[87]
Ibid., 176, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – KRA à KRI. Les termes soulignés le sont dans le texte.
-
[88]
Selon le site officiel internet de la Mosquée de Paris, « Durant la Guerre 1939-1945 la Mosquée de Paris par ses caves et son accès à la Bièvre (petit cours d’eau parisien) dût jouer un rôle actif dans le sauvetage de nombreux juifs et de résistants puisque le regretté ami de la Mosquée Abraham Assouline avance le chiffre de 1700 personnes… » ; enfin, selon Nidam Abdi dans un article paru dans Libération du 13 juillet 2005 relatant le décès le 2 juillet 2005 de Salim (Simon) Hallali, « La chanson maghrébine orpheline. Précurseur du flamenco chanté en arabe et des cabarets orientaux parisiens, Salim Hallali est mort près de Cannes » […] « À Paris, l’Occupation rattrape l’insouciant Salim. Son ami Mohamed el-Kamal part collaborer à Radio-Berlin, laissant seul le jeune chanteur de charme. Un homme le sortira de la tourmente : le fondateur et recteur de la mosquée de Paris, le Marocain Hadj Benghabrit, le fera passer pour musulman en lui fournissant de faux papiers et en inscrivant le nom du père du chanteur sur une tombe du cimetière de Bobigny ».
-
[89]
CDJC, 164a.
-
[90]
Ibid., Souche 6973 du carnet de fouille n° 161 du camp de Drancy datée du 5 août 1944. Germaine Roland y dépose à son entrée au camp une somme de 252 francs. Bassano (un hôtel particulier ayant appartenu aux Cahen d’Anvers dans le 16e arrondissement) compose avec deux autres sites parisiens, « Lévitan » et « Austerlitz », les trois camps annexes de Drancy où les Allemands entreposent et font réparer le produit de leurs rapines par des femmes de prisonniers et des conjoints d’Aryens – catégories classées en principe non déportables, avant de les expédier en Allemagne. Cf. Jean-Marc Dreyfus, Sarah Gensburger, Des camps dans Paris, Austerlitz, Lévitan, Bassano. Juillet 1943-août 1944, Paris, Fayard, 2003.
-
[91]
Michel Laffitte, Un engrenage fatal. L’UGIF face aux réalités de la Shoah 1941-1944, Paris, Liana Levi, 2003, p. 189.
-
[92]
Darquier, dit de Pellepoix, a succédé à Xavier Vallat à la tête du CGQJ.
-
[93]
AN, AJ38, 156, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – BENH à BENZ.
-
[94]
Ibid., 153, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ALG à ALL.
-
[95]
Interné à Drancy le 17 août 1943, Charles Alliel est déporté le 7 octobre 1943 par le convoi n° 60 de Drancy à Auschwitz, AN, F/9/5605/1, Fichier « familial » de la Préfecture de police de la Seine.
-
[96]
AN, AJ38, 2034, dossier 18 016 (section ID NR). Dossier d’aryanisation établi au nom de Cohen-Solal Félix – bonneterie – 11, rue Malher Paris (4e).
-
[97]
On sait seulement que sa famille a entrepris des démarches pour son transfert à l’hôpital Rothschild, certificat médical à l’appui, et que le 17 janvier 1944, le CGQJ transmet le courrier aux Allemands. AN, AJ38, 189, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – SLA à SOR.
-
[98]
Bottin administratif de l’exercice 1943. Paris, annuaire du commerce Didot-Bottin, 1943, p. 398.
-
[99]
AN, AJ38, 153, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ALG à ALL.
-
[100]
Michaël R. Marrus et Robert O. Paxton, Vichy et les Juifs, Paris, Calmann-Lévy, 1981, p. 277. Michel Laffitte, op. cit., p. 191. Nicolas Chevassus-au-Louis, Savants sous l’Occupation. Enquête sur la vie scientifique française entre 1940 et 1944, Paris, Éditions du Seuil, 2004, pp. 173-184.
-
[101]
CDJC, XXXVI-104.
-
[102]
AN, AJ38, 187, Direction du statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ROSENW à SALZ.
-
[103]
Concernant la liste des Juifs natifs d’Algérie déportés de France, cf. Jean Laloum, « La déportation des Juifs natifs d’Algérie », Le Monde juif, n° 129, janvier-mars 1988, pp. 33-48.
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[104]
AN, AJ38, 3121, dossier 14 306 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Pariente Jacques – bazar couleurs – 68, rue François Miron Paris (4e).
1Le 10 septembre 1919, Moïse Amar, ministre officiant originaire d’Alger et domicilié rue François Miron à Paris (4e), adresse une supplique au président de l’Association consistoriale israélite de Paris (ACIP) en vue des fêtes de Tichri :
Le soussigné, au nom des Algériens habitant le 4e arrondissement, a l’honneur de vous informer que nous avons l’intention de nous réunir, afin de pouvoir célébrer ces fêtes solennelles. Vous n’ignorez pas que la plupart de ces fidèles n’ont pas les moyens de retenir une place dans les autres temples de Paris et que si vous nous autorisez l’ouverture dans un de vos locaux de la rue des Francs Bourgeois ou de la rue des Tournelles, nous accueillerons avec une immense joie, cette demande légitime. Je viens donc en leurs noms, vous supplier de prendre en considération cette circonstance et de nous accorder cette faveur […] [1].
3Or on associe généralement la population juive du quartier du Marais dans l’entre-deux-guerres aux yiddishophones qui l’habitent massivement. De fait, le terme Pletzl ne signifie-t-il pas « petite place » en yiddish ? Mais si cette équation est bien fidèle à la réalité, elle n’exclut pas que d’autres populations aient pu également y apposer leur marque, comme ces Juifs d’Afrique du Nord qui, dès le début du XXe siècle pour certains, ont traversé la Méditerranée, venant essentiellement d’Algérie, français donc pour l’écrasante majorité d’entre eux. Leur présence est suffisamment significative et originale pour qu’on se penche sur leur sort, levant du même coup le voile de l’oubli sur l’une des facettes méconnues, sinon totalement ignorées, de l’histoire de ce quartier emblématique.
4Mais avec quelles sources, avec quelles méthodes, se dira-t-on, faire ressurgir ce passé enfoui ? Une grande partie des archives permettant de redécouvrir cette présence dans le quartier Saint-Gervais de l’entre-deux-guerres sont celles qui, constituées pour les besoins de la persécution durant la période de l’Occupation, sont conservées pour la plupart aux Archives nationales et au Centre de documentation juive contemporaine, mais aussi à Yad Vashem à Jérusalem. Les listes de recensement, les fichiers et dossiers d’aryanisation économique, les fiches d’internement et les listes de convois de déportation, tout comme les missives adressées par les intéressés au Commissariat général aux questions juives (CGQJ), sorte de ministère de l’antisémitisme de 1941 à 1944, les lettres de dénonciation enfin, livrent en effet autant d’informations qui, une fois recoupées, renseignent sur l’état civil, l’adresse, la profession ou la date d’arrivée en métropole. Une fois ce premier maillage documentaire réalisé, d’autres sources permettent de broder d’autres motifs sur la trame ainsi formée : les archives de l’Association consistoriale israélite de Paris pour la dimension de l’entraide et du culte ; le témoignage surtout, source importante d’information sur l’arrivée, l’installation et la spécificité du mode de vie de ces populations. L’histoire orale ayant en outre l’immense avantage à nos yeux de restituer une histoire plus enveloppée de chair, nous en avons usé sans modération.
Le Marais des Juifs d’Afrique du Nord entre les deux guerres
5Yad-Vashem conserve un document répertorié sous le nom de « collection Georges Epstein », également présent sous forme de microfilm au CDJC. Il dresse pour l’année 1941 un inventaire démographique détaillé – par arrondissement, rue, numéro – de la population juive parisienne, associée à son activité professionnelle [2]. Ces listes constituent l’état le plus complet disponible sur l’implantation parisienne des Juifs d’Afrique du Nord au début de l’Occupation. Il faut en revanche recourir à d’autres sources pour en apprendre davantage sur leur lieu de naissance ou leur date d’arrivée en métropole.
6Cette documentation croisée montre en tout cas que la population juive originaire d’Afrique du Nord est en 1941 une réalité bien vivante dans le quartier Saint-Gervais, surtout dans sa partie sud, et plus précisément en amont de l’axe que constitue la rue de Rivoli, dans les rues François Miron, Saint-Antoine, des Jardins Saint-Paul, de l’Ave Maria, du Figuier ou de Fourcy, des Barres, Geoffroy L’Asnier ou encore les impasses Guépine et Putigneux. Sur les 79 personnes répertoriées rue François Miron, 22 sont originaires d’Afrique du Nord comme 19 des 60 résidents de la rue Saint-Antoine. La proportion est plus grande encore dans les rues de Fourcy et des Barres : respectivement 10 personnes sur 23 et 7 sur 13. Cette implantation préférentielle n’exclut pas néanmoins une présence nord-africaine au cœur même du Pletzl, rues des Rosiers, des Écouffes et alentour : sur les 179 personnes recensées rue des Rosiers 13 sont originaires d’Afrique du Nord – soit les familles Touboul, Sarfati, Amsellem, Halimi, Banon, Benhaqui, Dray, Haim, Lévy, Sassi, Sebaouni, Tiar, Zittoun, etc. Sur les 187 personnes recensées rue des Écouffes, 12 ont cette même origine [3].
7Comme le montre le kaléidoscope d’histoires familiales que nous avons recueillies, l’arrivée en métropole a des causes multiples : engouement profond pour la France, raison familiale ou encore retombée des poussées de violence pogromiste qui affectent l’Afrique du Nord. Ainsi les émeutes antijuives liées, à la charnière des XIXe et XXe siècles, à l’affaire Dreyfus poussent-elles la famille Gharbi à quitter Alger pour Marseille où Isaac Gharbi parvient difficilement à subvenir aux besoins de ses sept enfants, avant que la famille ne « monte » à Paris en 1926. « Mon pauvre grand-père, se souvient Roger Gharbi, vendait des jumelles aux touristes sur les paquebots marseillais, pour nourrir sa nombreuse famille [4] ».
8De même, le pogrom de Constantine du 5 août 1934 eut un retentissement considérable en Algérie, particulièrement chez les Juifs du Constantinois, provoquant le départ, quelques mois, voire parfois des années plus tard, des familles Allouch, Chamak, Dana, Zekri et Fhal [5]. Après une traversée mouvementée, Yossef Allouch arrive à Paris en 1934. De la Pointe Rivoli, son premier domicile, la famille déménage successivement dans un hôtel de l’impasse Guépine, puis rue Geoffroy L’Asnier, pour se fixer au 12 rue de Fourcy. C’est aussi dans un hôtel au 34 de la rue du Roi de Sicile, en plein quartier du Marais, que descendent en 1936 Albert Ruben Chamak et sa nombreuse famille, avant de déménager, un à deux ans plus tard, à l’hôtel de Beauvais, 68 rue François Miron. Messaoud, dit Albert, Dana, son épouse Léa et leurs douze enfants s’établissent en 1937 rue des Coutures Saint-Gervais, dans le 3e arrondissement. Passés d’abord par Marseille, Daniel Zekri et sa famille logent dans un hôtel parisien du quartier Strasbourg Saint-Denis pour se fixer finalement rue de Fourcy. La famille Fhal s’établit également à Marseille avant de gagner la capitale où Esther, la mère, décède quinze jours après son arrivée. Après un hôtel de la rue François Miron, le veuf, Joseph, et ses enfants habitent un temps Vincennes, puis rue du Fauconnier, enfin rue François Miron à nouveau.
9C’est en revanche l’amour de la France qui, en 1936, conduit en métropole Isaac, dit Jacques, Assuli, tailleur à Oran. Sentiment si enraciné chez lui qu’il avait même inventé une sorte de dicton, se remémore Huguette, sa fille [6] : « Je préfère manger du pain et de l’eau en France que du poulet rôti en Algérie ». La famille s’installe en plein cœur du Pletzl au 26 de la rue des Rosiers.
10Ancien combattant et gazé de la Grande Guerre, Isaac Arous, aveugle désormais, est devenu incapable d’exercer son métier de maître bottier à Alger. Sa famille décide de rallier la France au début des années vingt [7]. Installée dans un premier temps rue des Barres, elle gagne en 1926 l’immeuble de la Fondation Fernand Halphen construit cette même année dans l’île Saint-Louis, au 10-12 rue des Deux-Ponts [8]. La famille Sebbane, pour sa part, quitte en 1938 sa ville natale de Nemours, en Oranie, pour s’installer au 43 rue Vieille-du-Temple dans un immeuble situé vis-à-vis de la rue des Rosiers.
Nous sommes arrivés pour des raisons familiales, explique Jeannine, l’une des filles ; on avait un frère qui déjà habitait Paris et notre situation n’était pas brillante à Nemours, donc notre frère aîné a cru bon de nous faire venir à Paris et nous étions déjà six enfants, ce qui n’était pas facile. Mon père en Algérie était menuisier, et il avait repris un travail chez Renault à Paris, il n’a pas travaillé très longtemps et malheureusement il est mort en 1941 d’un chaud et froid [9].
12C’est aussi pour rejoindre les fils aînés que la famille Alzerat quitte Bône en 1936. René, l’aîné des frères, héberge alors sa mère M’Rhaïma – dite Marie, et ses cadets à son domicile, 26 rue de Rivoli [10]. Pourquoi donc, s’interroge Roger Alzerat, ses frères avaient-ils quitté l’Algérie ?
Parce qu’ils avaient envie de s’expatrier en France à l’époque, peut-être pour le travail. C’est plutôt la jeunesse qui a envie de bouger. C’est d’abord René l’aîné qui part. Ensuite il fait venir Alex, Jacques vient après, puis mon frère Maurice. Mon frère aîné devait avoir une vingtaine d’années. À Bône il était bijoutier. Il avait une boutique de bijouterie or.
14Mardochée Ohnona natif de Salé au Maroc, lui, est fils unique. Il vient en France en 1937 à l’âge de 12 ans, après la mort de sa mère, en compagnie de ses oncle et tante, Ayache et Freha Suissa, et de leurs enfants, David et Esther. La famille élargie s’installe rue Charlemagne [11].
15Dans cette partie sud du quartier Saint-Gervais, ces familles se sentent un peu comme dans un village, vivant dans une grande proximité, en circuit fermé.
[…] tout le monde se connaissait, se remémore Raymond Chamak. Il y avait les familles Allouch, les familles Taïeb, les Gharbi, les Allali, toutes les communautés juives d’Afrique du Nord et, passé la rue de Rivoli, c’était les Juifs ashkénazes, c’étaient les Juifs polonais, ceux qui arrivaient de Pologne.
Sitôt qu’il y en avait une [personne] qui était malade, témoigne de son côté Pierre Allouch, toutes les autres le savaient, sitôt qu’il y avait une fête ils se regroupaient tous chez les uns et chez les autres, ils faisaient ce qu’ils avaient connu en Algérie, il paraît qu’à Constantine c’était comme ça, ils vivaient les uns sur les autres, quand il y en avait un qui avait fait la loubia [12], cela sentait, « tiens, il a fait la loubia ».
17Beaucoup, comme Lucienne Bibi-Roubi évoquant les rues de son enfance, perçoivent la rue de Rivoli comme une véritable frontière : « […] ce côté là on va dire était Afrique du Nord, et l’autre côté, Europe centrale [13]. » Un sentiment largement partagé par André Cohen qui, justement, habitait avant-guerre sur cette « frontière » : « il est évident, que ce quartier était divisé en deux zones en ce qui concerne les Juifs, d’un côté de la rue Rivoli, rue François Miron, il y avait tout ce quartier qui était plutôt fréquenté par les séfarades […] [14] ».
18L’aspect « village » est encore accentué par la présence de nombreux cafés et restaurants tenus par des natifs d’Afrique du Nord, qui sont des lieux privilégiés de la convivialité. Pas moins de cinq établissements dans la seule rue François Miron : Gharbi au 7, Draï au 15, Bouanich au 30, Elbaz au 46 et Sabba au 50, et trois rue de Jouy : Chich au 23, Tiar au 25 et Mimoun au 30 [15]. C’est chez Bouanich que Yacoub Sebbane aime retrouver des amis, comme lui natifs de Nemours. Certains qui se sont éloignés du quartier ne songent qu’à y retourner ou au moins à s’en rapprocher. Lorsque après le décès de son épouse Joseph Fhal se trouve dans l’obligation de partir habiter Vincennes, il livre une véritable guérilla à ses enfants pour les contraindre à y revenir : « Mon père, se souvient sa fille Louise, il nous faisait une vie parce que là-bas il n’y avait pas d’Algériens, il n’y avait personne. Nous sommes restés à peu près six mois, il ne voulait plus qu’on reste. Alors on est descendu sur Saint-Paul […] ». La même raison pousse Moïse Vidal et sa nombreuse famille à quitter le quartier des Halles pour le Marais :
Mon père voulait un quartier juif, se rappelle Lucienne Bibi-Roubi, et c’est là qu’on a échoué, en premier lieu, rue des Écouffes, au numéro 22. Mon père, de son plein chef, a loué un petit appartement où il n’y avait ni confort ni rien dedans, mais enfin on était déjà dans le quartier. Ensuite évidemment, toutes les filles grandissaient, ce logement était trop petit, donc après ce 22, rue des Écouffes on a habité au 7, rue François Miron.
Un petit peuple industrieux
20Les Juifs originaires d’Afrique du Nord travaillent dans tous les secteurs d’activité. Certaines professions toutefois sont particulièrement représentées [16], à commencer par celle de marchand de quatre saisons. La profession, plutôt féminine, mobilise l’ensemble de la famille au quotidien. C’est un métier d’opportunité, fruit d’une reconversion professionnelle rapide. Son exercice est néanmoins tributaire de l’obtention d’une médaille professionnelle auprès de la Préfecture de police. Pour suppléer son mari aveugle, Esther Arous obtient en 1923 cette médaille [17]. Isaac néanmoins seconde son épouse jusqu’à sa mort, sous les roues d’un camion, au début des années trente. Esther, veuve avec encore quatre enfants à charge – l’aînée, Marie, s’est mariée entre temps, doit alors continuer seule :
Après, raconte Jeanne, l’une de ses filles, c’est ma mère qui s’est dirigée toute seule pour faire les Halles, pour charger sa voiture […]. Elle se levait très tôt. Nous on savait qu’on devait aller à l’école, on se levait à telle heure et puis on se préparait. C’était ma sœur Diamante surtout qui s’occupait de nous puisqu’elle était au dessus de nous [entendre : plus âgée que nous], mon frère Prosper non, parce que lui travaillait, il était télégraphiste à la Poste à ce moment là, […]. Maman quand elle rentrait, c’était huit heures, huit heures et demi, et comme elle avait une coupure l’après-midi, – vous savez les marchands de quatre saisons c’était le matin et puis le soir –, donc elle avait une coupure par exemple de une heure et demie à quatre heures, elle reprenait à quatre heures. Donc elle revenait. Elle était rue de La Grange, ce n’était pas loin. Elle traversait le Pont de l’Ile Saint-Louis, le petit pont qui est vers le Jardin Notre Dame pour aller à la maison, donc ça ne faisait pas loin. Elle préparait le repas pour le soir et quand elle rentrait on se mettait tous à table, et puis on discutait […].
22Yossef Allouch, ouvrier épisodique chez Renault, seconde son épouse : spécialisé dans la banane, il achète aux Halles la marchandise qu’elle se charge d’écouler rue Clerc, dans le 7e arrondissement. Albert Ruben Chamak, ancien peintre en bâtiment à Constantine, puis cheminot gare Montparnasse, finit par quitter son emploi pour aider sa femme Louise : il achète les légumes aux Halles ; elle les écoule rue Saint-Antoine. Même reconversion pour Messaoud-Albert Dana, primitivement cordonnier.
23La famille de Reine Vidal, née en mars 1890 à Alger, gagne la France en 1924. D’abord cuisinière dans divers restaurants du faubourg Montmartre, Reine obtient sa médaille en mai 1925 [18]. Elle exerce boulevard Raspail alors qu’elle est domiciliée avec les siens rue de la Verrerie, puis rue François Miron. Moïse son mari, né à Médéa en avril 1879, blessé aux Dardanelles en 1915 et titulaire d’une pension d’invalidité, travaille comme ouvrier spécialisé en usine.
À cette époque-là, se rappelle leur fille Lucienne Bibi-Roubi, le commerce marchait énormément, c’est ma grand-mère qui nous a pratiquement élevé, moi ma grand-mère je l’appelais « Maman » et ma mère je l’appelais « Manrenette ». Quand ma mère rentrait du travail très fatiguée, la table était prête puisque ma grand-mère vivait avec nous, ma mère mangeait puis se mettait au lit et ma grand-mère comptait la recette et alors elle étalait les billets, ‘Là Hébarek, Là Hébarek [19], ma fille que le Bon Dieu te donne la santé !’ […].
25D’autres métiers de circonstance permettent à nombre de chefs de famille de subvenir aux besoins d’une famille souvent nombreuse. Ayache Suissa est commerçant ambulant en thé, épices et condiments. Équipé de deux grosses valises dans lesquelles il stocke sa marchandise, il écoule ses produits auprès des populations arabes de la proche banlieue parisienne. C’est d’ailleurs l’un des rares indices que nous ayons de l’existence de rapports commerciaux entre les populations arabo-musulmane et juive, avec celui des marchandises proposées par l’épicerie de la Veuve Boukhalter au 68 rue François Miron qui, précise l’administrateur provisoire [20] en mai 1941, « étaient destinées à des Arabes, qui formaient sa seule clientèle [21] ». Le quartier compte aussi nombre de chineurs au nombre desquels les marchands ambulants Abbou, Benharouch, Kersenti, les marchands forains Benamou, Bensoussan, Califat, Charbit et Dahan ou encore le brocanteur Banon domicilié au 25 de la rue des Rosiers.
Le « chineur » ou « brocanteur », écrit Lou Helvasser, était plus proche du chiffonnier que de l’antiquaire. Poussant une voiture à bras en criant « habits, chiffons, ferrailles à vendre » ils récupéraient tout ce qui était récupérable « vieux matelas, vieux duvets, vieux papiers, métaux : cuivre, bronze, tuyaux de plomb » qu’ils allaient revendre au poids rue des Jardins Saint-Paul, chez Cukierman, Griziwatz et les deux frères Munster [22].
27Parmi les autres métiers représentés, citons encore les employés de commerce – ainsi Daniel Zekri, père de sept enfants, travaille-t-il chez le négociant en tissu bien connu Bouchara – et les coiffeurs. Six salons de coiffure sont installés au sud du quartier Saint-Gervais [23] tandis que celui de Maurice Albou fait cavalier seul au 52 rue du Roi de Sicile [24]. Notons, sans surprise, les difficultés accrues rencontrées dans les années trente par les frères Alzerat pour s’insérer dans le monde du travail parisien :
Ils ont commencé, raconte leur puîné Roger, à chercher du travail – il n’y avait pas de travail, ils sont à l’hôtel, dans le 4e arrondissement je pense. Ils ont fait tous les métiers car même comme coiffeur il n’y avait pas de travail. C’était à une époque où le travail était très difficile. [René, l’aîné] a réussi à s’installer en reprenant son ancien métier de bijoutier, travaillant pour un bijoutier, pour une maison qui était dans le Marais. Au début ils ont fait tous les métiers du monde pour gagner leur vie.
Festoyer, s’amuser, prier comme au pays
29Les cafés et restaurants des rues François Miron et de Jouy, on l’a dit, sont nombreux et accueillants.
Ce que j’ai en mémoire de ce quartier, se remémore avec plaisir André Cohen, c’est que rue François Miron par exemple, il y avait un nombre de cafés très important avec des terrasses, il y avait le café Jaïs qui fait l’angle rue François Miron avec la rue de Jouy, avec une grande terrasse, il y avait le grand café Lalo, Juif d’Afrique du Nord, un très grand café. Je sais que tous ces gens qui fréquentaient ces cafés étaient soit d’Algérie, soit de Tunisie – il y en avait très peu –, Maroc très peu aussi, ils étaient essentiellement d’Algérie. Il y avait aussi un autre café qui s’appelait Draï, presque en face de l’école maternelle qu’il y a rue François Miron. Il y avait un restaurant qui était en plein quartier ashkénaze, c’était une famille Cohen, un restaurant séfarade en plein dans la rue des Rosiers, juste un petit peu après Goldenberg, un très grand restaurant. Il y avait une épicerie très importante qui s’appelait Haury, à l’angle de la rue François Miron et de la rue Tiron, là il y avait tous les produits possibles et imaginables d’Afrique du Nord, toutes les épices, enfin tout ce qu’on pouvait trouver. Nous qui habitions au 26, rue de Rivoli, ma mère faisait indifféremment ses courses de ce côté-là ou alors de l’autre côté avec les Juifs polonais c’est-à-dire la rue des Rosiers, donc pour les fêtes c’était facile de se procurer ce dont ils avaient besoin, les boucheries, les charcuteries.
31Rares sont ces Juifs d’Afrique du Nord à déroger aux goûts et aux habitudes culinaires de leur région d’origine : les cafés offrent de généreuses kémia [25] avec l’apéritif, les restaurants des mets traditionnels. Depuis 1937 Esther Gharbi règne sur la cuisine du café-restaurant Au Petit Marseillais créé par son fils René Moïse au 7, rue François Miron. « Ma pauvre grand-mère, assure Roger Gharbi, était une cuisinière née, c’était un cordon bleu, elle faisait toutes les spécialités, le couscous tous les jours sauf le vendredi, le berbouche [26], on venait de partout. On faisait les gras-doubles, la t’fina, on travaillait à plein bras ». À l’entrée de l’établissement se tenaient Julie et Youmtobe Baruchel, originaires d’Oran et d’Alger. Le couple confectionnait des merguez qui, grillées sur un petit fourneau au charbon de bois, régalaient les « clients qui buvaient au comptoir une anisette et puis alors, les merguez ça défilait, et elles étaient bonnes ! » s’exclame Lucienne Bibi-Roubi. Chez Draï aussi, à l’enseigne du Bar Maurice, au 15 de la rue François Miron, le berbouche était servi le vendredi [27].
32Les grandes fêtes juives sont autant d’occasions pour les femmes de déployer leurs talents dans l’art de préparer le couscous et le berbouche, mais les enfants redoutent l’opération du nettoyage du gras-double, tant l’odeur des tripes empuantit l’atmosphère.
Au moment des Fêtes, se souvient André Cohen, ma mère achetait le gras-double. Il était naturel, ça sentait mauvais dans toute la maison, elle le lavait, le lavait, le lavait, c’était une infection, je criais après elle, c’était une horreur pendant deux jours, ça puait, et elle faisait la chkembey, le gras-double en sauce rouge.
34Joseph, dit encore Yossef ou Bâ Yossef Fhal, cordonnier à Khenchela, est un passionné de musique orientale ; en Algérie comme en France, il pratique le violon et la derbouka lors des réjouissances familiales – naissances, « communions » et mariages. Il accompagne également les petits orchestres orientaux qui se produisent dans les salons et bistrots du quartier Saint-Gervais. Chez Gharbi, Au Petit Marseillais, se produisent tour à tour, le samedi soir, les chanteurs, compositeurs et instrumentistes Simon dit Salim Hallali, sa mère Chelbyia, Élie Moyal alias Lili Labassi, « Blond-Blond » ainsi surnommé du fait de son albinisme, et, de temps à autre Raymond Leyris.
Alors explique Roger Gharbi, il y avait le plateau, il y avait des danseuses de chez nous, d’Afrique du Nord, des Juives et des musulmanes, il y avait les deux, Lili Labassi avait ses danseuses, enfin elles se mettaient en tenue. Et ça marchait au plateau, pendant que la danseuse faisait son numéro, les clients lui donnaient de l’argent sur le front, lui collait un billet à cette époque de dix francs ou de vingt francs, sur le front, ou même entre les seins, mais gentiment, sans arrière-pensée, attention !
36Dans la famille Allouch, les fiançailles et les mariages sont fêtées rue de Fourcy, au domicile familial qui est doté de pièces de réception suffisamment amples. Dans l’orchestre, Braham Allouch, shamès [28] à la synagogue de la rue de La Verrerie, joue du târ [29].
Il y avait Bâ Yossef, explique Pierre Allouch, le petit-fils. C’était un violoniste, c’est lui qui interprétait quelques chansons de sa composition, moitié français moitié arabe, il y avait Chelbiya. Chelbiya était la mère à Salim Hallali. Et ils étaient tous les trois, il y avait le matelas plié avec un haïk [30] dessus, ils étaient assis tous les trois là-dessus. Dehors il y avait un plateau – parce que ça dansait –, alors chacun y allait de son billet pour honorer la personne qui dansait, et eux ça leur faisait une notoriété.
38La cuisine et la musique ne sont pas les seules expressions d’une fidélité identitaire qui peut se manifester aussi au plan vestimentaire et surtout cultuel. Lorsqu’en 1936 M’Rhaïma Alzerat de Bône – ville pourtant largement européanisée – vient rejoindre les plus âgés de ses fils installés en France métropolitaine depuis quelques années, elle arbore une tenue indigène. Les retrouvailles avec son aîné, René, sont du coup plutôt fraîches :
La honte de mon frère que ça a été, ce jour là, quand il a vu ma mère en bas de chez lui, au 26, rue de Rivoli, raconte Roger Alzerat. Il lui a fait un scandale en lui disant, ‘Comment tu peux venir habillée comme ça en France !’ Elle ne comprenait pas. […] Elle l’a regardé et lui a demandé ce qui lui arrivait […]. Lorsqu’elle est arrivée habillée à la mode algérienne comme ça, ça a choqué même les amis au début. Elle s’est habillée pendant quatre mois comme ça. Rue de Rivoli et rue François Miron où elle habite par la suite. Mais elle n’était pas la seule, il y en avait plusieurs comme elle. Il y avait trois ou quatre femmes et même les hommes qui étaient plus ou moins habillés à l’européenne.
40Les fidèles originaires d’Afrique du Nord n’ont pas alors de lieu de culte attitré à Paris. Les familles fréquentent aux grandes fêtes les synagogues de la rue de La Verrerie, aujourd’hui disparue [31], de la rue Notre-Dame-de-Nazareth, de la rue des Tournelles selon les cas, mais plus souvent, à l’instar des Gharbi et des Assuli, celle de la rue Buffault, dans le 9e arrondissement [32]. C’est ce dernier choix que fait Messaoud Benichou, domicilié rue de Jouy.
Il était quand même assez religieux, selon son petit fils André Cohen, il allait à la synagogue à la rue Buffault, parce qu’elle était réputée comme réunissant le plus d’Oranais, tous les gens de ses origines. Et comme il ne savait ni lire ni écrire, quand il allait à cette synagogue, pour compter le nombre de stations qu’il fallait – parce qu’il prenait le métro à Pont-Marie pour descendre au métro Cadet –, ma mère ou mes sœurs lui mettaient autant de pois chiches qu’il fallait de stations, et à chaque station, il prenait le pois chiche et le mettait dans l’autre poche du pantalon. Et comme ça, il allait tous les jours à la synagogue rue Buffault. D’ailleurs cette synagogue est restée très très longtemps notre synagogue pour les fêtes, parce que nous étions dans notre famille pas très religieux, mais traditionalistes, ça veut dire que toutes les fêtes nos parents faisaient Kippour, Pessah, etc.
42C’est ce même temple de la rue Buffault qui, aux premiers temps de l’Occupation, a les faveurs de la communauté originaire d’Algérie pour les fêtes de Tichri, comme le remarque le journaliste Jacques Biélinky [33].
43Dans le petit monde du quartier Saint-Gervais, c’est Yahyia Chetrit qui fait office de rabbin, de shohet et de mohel tout à la fois [34]. Nombre d’enfants dans ces familles ont été circoncis par ses soins. Il prépare également les garçons à la bar-mitsva. Yahyia Chetrit est natif d’Erfud ou du Tafilalet au Maroc, son épouse, Aïcha, de Mostaganem dans l’Oranie. La famille quitte l’Algérie pour la France vers 1935 et s’installe au 5 de l’impasse Putigneux, dans « un meublé plein de rats, pas d’ascenseur, les toilettes sur le palier, l’horreur totale ! » témoigne leur fille [35]. La veille de Kippour, c’est lui qui pratique les kaparoth [36]. Les familles chargées de volailles se rassemblent autour du shohet dans la cour intérieure d’un immeuble de la rue des Rosiers pour l’exécution du rituel, à l’instar de la famille Cohen qui a acquis quelques jours auparavant quatre poulets parqués dans ses toilettes. Du 12e arrondissement, rue de Charenton, les Touitou se rendent également à Saint-Paul pour l’occasion :
On achetait les poulets vivants pour les fêtes, se rappelle encore Gilette Amram. On allait à Saint-Paul faire les commissions, c’était souvent maman parce que mon père travaillait, ma mère avec ses grandes filles, on faisait venir le rabbin à la maison, il y a eu rebbe Yahyia, il y en a eu un autre. On achetait les gras-doubles sales, on les nettoyait à la maison, alors ça quand maman achetait les gras-doubles et les poulets à la maison, nous on se disait « Ça va être toute la nuit avec les poux, enlever les plumes », on se mettait par terre et on plumait les poulets, on n’était pourtant pas si vieilles que ça [37] !
Une image de « Juifs arabes » mais aussi de gros bras face aux antisémites
45Qu’en est-il de leurs contacts avec les populations yiddishophones ? Ils restent au mieux limités. Pour nombre de ces Juifs d’Afrique du Nord, c’est la difficulté, voire l’animosité, qui caractérisent leurs rapports ordinaires. « On avait des difficultés de vivre entre les Juifs polonais et les Juifs pieds-noirs, explique Raymond Chamak, parce qu’ils nous traitaient d’Arabes. Pour eux on était des Arabes, quand ils parlaient de nous, ils disaient “Les Juifs Arabes” ! ». Ces amabilités fleurissent naturellement dans les cours d’écoles, véhiculées par les petits camarades, juifs ou non :
On était pour eux les Arabes, pour les Français, raconte Pierre Allouch ; les petits Juifs polonais on les ignorait, ils étaient du côté de la rue des Rosiers, nous on était là-bas, rue Grenier sur l’Eau. Il y avait les Juifs algériens, il y en avait quelques-uns quand même et puis ceux qu’on appelait « les Français ». Et c’est vrai qu’il n’y avait pas une animosité, mais deux clans bien séparés où d’ailleurs les grands frères défendaient les petits frères, nous étions plus que pauvres puisque pour avoir un 4 heures on le prenait aux petits Français, de force.
47Pour André Cohen, la difficulté de communiquer expliquerait en partie cette absence de contact :
Ma belle-mère, se souvient-il, parlait assez mal le français, elle avait un fort accent, elle parlait plutôt en yiddish quand elle s’adressait à ces enfants, mais elle comprenait et elle parlait quand même français avec un fort accent. Eux effectivement les Juifs ashkénazes, avaient beaucoup plus de mal si voulez à s’intégrer que nous côté séfarade. Ma mère écrivait et lisait, mon père lisait, écrivait, donc de ce côté là il n’y avait pas de problème et puis ils n’avaient pas d’accent, si ce n’est que ma mère avait un accent pied-noir un peu prononcé.
49Les rares projets matrimoniaux entre les deux communautés ashkénaze et séfarade suscitent des réticences, voire la méfiance. Quand Hélène Birman envisage, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, d’épouser Maurice Lévy, natif des Attafs en Algérie, sa mère Feiga Birman, la boulangère du 27 de la rue des Rosiers, s’en étonne : « Comment, tu vas te marier avec un Arabe ? [38] ». « Nous les [les originaires d’Afrique du Nord] regardions de haut », confirme Akélé Danan, née Birman, la sœur d’Hélène. Ce qui ne l’empêche pas d’épouser en 1948 Roger Danan, le neveu de Maurice Lévy [39]. Lorsque les unions se réalisent, la convivialité peine un peu, dit-on, à s’installer entre convives des deux cultures [40].
50Ashkénazes et séfarades du quartier Saint-Gervais sont cependant périodiquement la cible dans l’entre-deux-guerres de menées antisémites de toutes sortes [41]. En septembre 1935, des Arabes auraient même été enrôlés par des militants du mouvement d’extrême droite la Solidarité Française dans une de leurs expéditions « punitives » dans le quartier Saint-Paul, en l’occurrence au Café Georges, 51 rue Vieille-du-Temple, où de nombreux Juifs du quartier ont leurs habitudes.
L’enquête révéla, aux dires du journaliste qui rapporte l’incident, que le rassemblement des membres de la ‘Solidarité’ était concerté. Aux stations de métro ‘Sully’ et ‘Pont-au-Change’ des émissaires recevaient les arrivants et les dirigeaient sur la « Maison Bleue », café de la rue des Archives, où se réunissent les fascistes. Il en vint ainsi 150, parmi lesquels de nombreux Arabes. On leur distribua matraques et revolvers […] [42].
52À la veille de la Seconde Guerre mondiale et dans les premiers mois de l’Occupation, les incidents se multiplient :
À un moment donné, il y a eu une bande de fascistes qui allaient chercher des histoires à tous les Juifs polonais qui avaient des barbes pendant la guerre, se souvient Raymond Chamak. Il y avait des groupes de jeunes fascistes qui venaient chercher la bagarre avec les Juifs polonais, et les Juifs polonais venaient chercher du secours chez nous, les Juifs pieds-noirs. C’était des vieux, les pauvres types, ils venaient nous chercher, ils étaient en sang, ils arrivaient rue François Miron et ils disaient, « Voilà, ils nous ont traité de sales Juifs ! » Ils venaient ensanglantés, parce qu’ils les battaient, ils leur coupaient la barbe, ils leur faisaient des vacheries. Ils venaient chercher des jeunes Juifs assez costauds, et on allait faire le coup de poing rue des Rosiers, rue des Écouffes, dans toute cette zone là.
54L’utilisation malaisée du français, sa prononciation écorchée faisaient des Juifs polonais des cibles toute désignées pour l’extrême droite. Selon Raymond Chamak, « on les reconnaissait tout de suite. Rien qu’à leur accent ou à leur manière de parler ». Ce problème linguistique revient à maintes reprises dans les témoignages. Jeannine Bouhanna par exemple, qui habite 43 rue Vieille-du-Temple, se souvient que la concierge refusait de croire à l’appartenance juive de sa famille en raison de son absence d’accent. Lors de la rafle du Vel’ d’Hiv, poursuit-elle, cette même absence d’accent contribua à lui éviter l’arrestation, ce qui acheva de persuader la concierge de leur non judéité.
55Plusieurs témoins ashkénazes ont assisté à ces coups de main répétés consentis par les séfarades. Marthe S., domiciliée sur l’Ile Saint-Louis, se souvient encore des renforts recrutés rue François Miron pour disperser la manifestation aux relents antisémites qui se déroulait aux abord de son immeuble [43]. Pour Maurice Waniewitz qui vit rue des Rosiers, ces Juifs orientaux sont des caïds, « des gars bagarreurs, qui avaient la frappe, n’admettant pas qu’on dise du mal des Juifs. C’était des Juifs et ils y tenaient ». « Heureusement nous confie-t-il, qu’on les avait ! ». Il donne en exemple les deux frères Brakha du 5 de la rue des Nonnains d’Hyères, toujours prompts à apporter leur concours en cas de coups durs si fréquents place des Vosges [44].
Les années noires. Exclusion et spoliation
56Les interdictions professionnelles résultant des ordonnances allemandes et des lois françaises précipitent dans la plus grande précarité une population démunie, dépendant déjà, pour une large part, des œuvres de bienfaisance [45]. L’ordonnance allemande du 26 avril 1941, applicable à dater du 1er juillet, interdit à tous les Juifs d’exercer une profession les mettant en contact avec le public [46]. Parmi les professions visées figurent nommément les colporteurs, les marchands ambulants et les marchands de quatre saisons. Cette mesure anéantit les familles, privées brutalement de tout moyen de subsistance. Parmi le flot de lettres implorant une dérogation parvenu au secrétariat particulier du maréchal Pétain ou au CGQJ [47], plusieurs émanent justement de marchands de quatre saisons du quartier Saint-Gervais.
57La supplique que Reine Vidal adresse, le 25 juin 1941, à Fernand de Brinon, le délégué général du Gouvernement français dans les Territoires occupés, ne manque pas de rappeler la participation de plusieurs générations familiales à la défense du pays [48]. Deux jours plus tard, Esther Arous s’adresse, désespérée, au CGQJ :
Je suis veuve depuis 12 ans, avec 5 enfants dont l’aîné, fils adoptif, est prisonnier en Allemagne. Le second âgé de 19 ans, était employé dans les Postes depuis un an, et bien noté : en raison des décrets parus contre les Juifs, il a été privé de son emploi et ne touche aucun secours de chômage ; les trois autres enfants, plus jeunes, vont encore en classe. Ce petit monde est à ma charge. Tous mes enfants sont nés à Paris. Je suis d’origine algérienne, ainsi que mon défunt mari. Depuis 1923, j’étais titulaire d’une médaille de marchande des quatre-saisons, décernée par la Préfecture de Police. Mon métier depuis la mort de mon mari, m’avait permis d’élever dignement mes orphelins. Aujourd’hui, en raison des derniers décrets, cette médaille, notre seul gagne-pain, m’est retirée. Je tiens à souligner que mon défunt mari a brillamment fait son devoir durant la guerre 1914-1918. Il a été blessé deux fois et a reçu la Croix de Guerre avec palmes. Il est décédé des suites de guerre. Mon fils de 19 ans est pupille de la Nation. C’est pourquoi je m’adresse à vous afin que ma médaille de marchande, la seule ressource de ma famille, ne me soit pas retirée [49].
59Fredj Assouline, natif d’Aïn-Beida dans le Constantinois, comme Maurice Sitruk, de nationalité tunisienne, qui connaissent la même détresse, peuvent produire des états de service personnels et familiaux tout aussi irréprochables. « J’attire votre bienveillante attention sur mon cas qui est vraiment digne d’intérêt, conclut le courrier de ce dernier pour le CGQJ le 15 juillet 1941, avec l’espoir que par dérogation spéciale, vous m’accordiez le droit au travail pour subvenir au besoin de ma nombreuse famille [50] ». Alice, veuve Astruc, fait part de son désarroi au CGQJ le 16 juillet 1941 après avoir dûment rappelé les services militaires rendus par son mari, son père et son grand-père :
La misère et la solitude m’accablent et se sont installées dans mon foyer. Sans soutien ni ressources, et pour comble de malheur sans profession, je ne sais comment devenir avec mes jeunes enfants, respectivement âgés de 10, 9 et 4 ans, puisque la médaille dite des quatre saisons que je détenais et qui me permettait non sans peine de gagner le pain de mes innocents orphelins vient de m’être retirée me laissant dans le plus effroyable des dénuements [51].
61À ces courriers pathétiques le CGQJ fait des réponses stéréotypées. Bien qu’enveloppées de formules de politesse compassées, elles sont invariablement négatives, sous couvert que « Les ordonnances allemandes ont force de loi en zone occupée et ne comportent aucune exception […], nous n’avons pas le pouvoir de nous y opposer [52] ».
62Encore les marchands de quatre saisons, les chauffeurs de taxi, les artisans ouvriers, les garçons de café, les manœuvres, les fonctionnaires, les concierges exercent-ils des professions ne donnant pas lieu à nomination d’administrateurs provisoires. Mais dans ce périmètre du quartier Saint-Gervais, huit cafés et restaurants, trois commerces d’alimentation, une boucherie, un coiffeur, deux hôtels, une blanchisserie, une bonneterie, deux brocanteurs marchands ambulants, une coutellerie, un ferblantier étameur, ainsi que deux entreprises associant des capitaux juifs et non-juifs sont soumises à la procédure d’aryanisation économique [53].
63Nous possédons parfois les dossiers relatifs à cette procédure. Les rapports dressés par les commissaires gérants y décrivent la situation de l’administré et de sa famille et signalent l’attractivité d’un bien. La présence de certificats d’aryanité, de courriers de dénonciation ou de lettres anonymes donnent un aperçu de l’opinion publique et de l’état des mentalités. « Yetta est un juif algérien qui exploitait au 56, rue du Roi de Sicile un fonds de commerce d’alimentation (fruits, légumes, crémerie et épicerie) sous la raison sociale Aux Produits de Bretagne. […] Il a cessé à cette époque par suite de l’interdiction faite aux juifs de pratiquer le commerce », commente le commissaire gérant en mars 1942, qui précise dans un rapport suivant que celui-ci est père de six enfants en bas âge [54]. L’épicerie de la Veuve Boukhalter est l’une des deux boutiques sises dans l’Hôtel de Beauvais au 68, rue François Miron. Le rapport de l’administrateur, fin 1941, témoigne à la fois de la grande vétusté de « l’entreprise » et de la santé très précaire de son administrée :
Cette maison est fermée depuis le 20 mai 1941. Mme Boukhalter, asthmatique au dernier degré, reste couchée à peu près tout le temps. Elle m’a dit qu’il ne reste plus de marchandises dans sa boutique ; celles qu’elle avait pu conserver étaient destinées à des Arabes, qui formaient sa seule clientèle, elle les a liquidées, ce qui avec le peu de bricoles dans son magasin qu’elle trouve encore à vendre, servent à la faire vivre. Mme Boukhalter étant au lit, n’a pu me faire accompagner par quelqu’un pour visiter ledit magasin, mais le peu que j’en ai vu, à travers des carreaux bien sales, m’a édifié qu’il ne devait pas y en avoir pour beaucoup d’argent. De plus, elle doit aux contributions 3 à 4 000 francs environ, plus 3 500 francs au propriétaire. Évidemment, le plus simple serait de faire liquider cette affaire, malgré les supplications de cette pauvre femme. Vous voudrez bien me donner vos instructions à ce sujet [55].
65Le magasin d’articles de Paris de Jacques Pariente, né en 1890 à Sétif dans le Constantinois, est la seconde boutique de l’Hôtel de Beauvais. Le fonds de commerce de coutellerie, orfèvrerie et articles de ménage constitué en juin 1935 sous la raison sociale Établissement Jacques et Bazar Jacques, fait l’objet en octobre 1941 d’une dénonciation anonyme : bien qu’« israélite », le propriétaire « continue à […] exercer [son commerce] sous le nom d’un aryen au 4, rue Viollet le Duc, commerce de gros sous le nom Abeille où ces marchandises sont expédiées aux Sables [??] et ses environs. Actuellement obligé de vendre son commerce, il fait des démarches pour le recéder à une personne qui lui sert de couverture [56] ». L’enquête de la Section d’enquête et de contrôle dont est l’objet en mai 1943 la boucherie d’Albert Allouche du 74 de la rue François Miron conclut que celui-ci a quitté l’entreprise en 1926 ; les scellés apposés sur son appartement du 17 de la rue de Rivoli précèdent de peu le déménagement par les Allemands du mobilier, en avril 1943. L’intéressé, natif de Constantine, se serait réfugié en Tunisie. Un boucher se rend finalement acquéreur du fonds de commerce malgré son implantation au sein d’un îlot insalubre en démolition [57]. Le café hôtel acquis en 1920 par M. Menahem, décédé depuis, et Mme Salfati se trouve au 23, rue des Jardins Saint-Paul. L’entreprise comprend 26 chambres, un bureau de location de voitures de quatre saisons et un débit de boissons. Mme Salfati, née Mimoun en août 1893 à Djelfa dans le département d’Alger et mère de trois enfants mineurs, assure désormais seule la gérance de l’établissement.
Nous avons employé tous les moyens pour vendre cette entreprise déplore en avril 1942 l’administrateur, tous nos efforts sont restés vains ; premièrement la mauvaise situation de l’hôtellerie ; deuxièmement l’immeuble doit être démoli par l’hygiène publique de la Ville de Paris […] Il n’est plus possible de vendre cette affaire, le quartier est juif à 90 % [58].
67La déportation vers Auschwitz-Birkenau le 5 juin 1942 de Maurice Lellouche, né à Bizerte en Tunisie le 11 juin 1911, ne met pas un terme à la procédure d’aryanisation de son atelier de tailleur à domicile du 111, rue Saint-Antoine. Le 15 juillet 1944, elle suit toujours son cours [59].
68Une originalité sans doute : plusieurs soumissionnaires de biens juifs au cœur même du Pletzl sont des Arabes musulmans. À Ouali Mohamed, « né en 1896 à Constantine, descendant de religion musulmane », échoit par exemple – sur les instances de la propriétaire des lieux et à l’initiative du commissaire gérant – le café tenu par Esther Mimoun au 13, rue de Jouy [60]. Ce sont deux « Marocains musulmans » qui, à la suite de la rafle du Vel’ d’Hiv, approchent l’administrateur provisoire pour se porter éventuellement acquéreurs du restaurant d’Abraham Yakoubovitch au 25, rue des Rosiers [61]. Dans cette même rue, au 3 bis, l’entreprise Per’nic de conserves et denrées coloniales en gros tenue par Kalb Wolf Beller est, le 1er août 1942, « mise en gérance libre à un Algérien, M. Braoui-Chabanne. », lequel aimerait pouvoir en faire l’acquisition.
Ainsi que je vous l’ai déjà dit, vous savez que je suis gérant libre de cette affaire car, jusqu’alors cette maison ne marchait pas du tout. Grâce à un travail incessant, cette maison marche maintenant, écrit-il en guise d’arguments, et nous nous occupons de la répartition de denrées contingentées. Au surplus, je vous informe qu’à titre de gérant libre de cette affaire, j’ai été nommé répartiteur officiel du couscous destiné aux Nord-Africains de la Seine, de Seine & Oise et de Seine-et-Marne, par arrêté préfectoral du 22 mars 1943. Dans ces conditions, j’ai l’honneur de vous prier de présenter ma candidature pour l’achat de cette affaire, et de me comprendre parmi les soumissionnaires éventuels à l’acquisition de cette entreprise. Je vous précise en outre que je suis dans les affaires depuis une quinzaine d’année et dans l’alimentation en gros depuis plus de 5 ans. Je suis français et aryen, fils de militaire retraité et moi-même Ancien combattant de 1939-1940 [62].
70Parmi les nombreux commerces du sud du quartier Saint-Gervais, certains vont pouvoir bénéficier toutefois d’un droit – tout provisoire – de poursuivre leur activité, toujours néanmoins sous le contrôle d’un commissaire-gérant. En effet, l’ACIP engage en février 1941 des pourparlers avec les services du CGQJ en vue d’obtenir des autorités allemandes le maintien de boutiques spécialisées dans la vente ou la préparation de produits alimentaires dits « rituéliques » (conformes aux prescriptions de la loi juive, communément dits cachères [63]) et de quelques restaurants ; les « boutiques de ghetto » destinées à approvisionner les populations juives non pratiquantes forment la seconde catégorie. L’autorisation de ces établissements demeure conditionnée à l’accueil d’une clientèle exclusivement juive [64]. Deux cafés restaurants, dits « restaurants rituels juifs », dont les tenanciers sont originaires d’Afrique du Nord, bénéficient dans le quartier de cette mesure : celui de René Gharbi au 7 de la rue François Miron [65] et le café restaurant tunisien d’Élie Sabba au numéro 50 de la même rue [66]. À la demande des Allemands, la Préfecture de Police est chargée de veiller à la bonne exécution de la dérogation [67], tandis que des contrôles inopinés cherchent périodiquement à appréhender les « aryens » qui fréquenteraient ces établissements.
Le temps des rafles
71Aaron Benhaqui, natif d’Oran et locataire au 27 de la rue des Rosiers, est boucher salarié. Marié à une non-juive, ce père de trois jeunes enfants a été arrêté dans un café interdit à la clientèle juive. On mesurera mieux le caractère tragique du courrier envoyé le 19 septembre 1942 par son épouse Odette née Dupont au maréchal Pétain, si l’on sait que la veille, le malheureux a été déporté de Drancy par le convoi n° 34 en direction d’Auschwitz-Birkenau – ce qui n’empêche évidemment pas le CGQJ de faire le 11 novembre 1942 à l’épouse éplorée la réponse évasive habituelle :
Me trouvant dans le malheur et ne sachant plus ce qu’avec mes enfants je vais devenir, je me tourne vers vous, Monsieur le Maréchal dont la bonté est si grande et vous supplie de venir à mon aide, si toutefois cela vous est possible. Je suis Française, âgée de 37 ans, catholique. J’ai 3 enfants de 7 ans, 2 ans et 1 an, tous les trois baptisés. J’ai avec moi ma mère âgée de 75 ans, qui n’a comme ressources qu’une pension de guerre, mon frère ayant été tué en 1915. Je suis mariée à un excellent homme, mais qui malheureusement est juif. Mon mari Aaron Benhaqui est né le 2 juillet 1904 à Oran. Il a fait son service militaire et est ancien combattant de 1939. C’est un bon mari et un bon père de famille, qui a toujours mené une existence régulière et n’a jamais subi la moindre condamnation. Si dures que soient les lois actuelles, il s’y est plié sans révolte, mais hélas le 4 courant étant entré dans un café rue François Miron pour dire bonjour à la propriétaire qui est la marraine du plus jeune de ses enfants, il a été arrêté et se trouve maintenant au camp de Drancy. Je ne peux savoir combien durera son internement, mais l’on m’a dit que ce peut être très long. Je suis donc seule avec mes trois enfants et ma vieille maman presque impotente. Je ne travaille pas et suis au bout des petites ressources que je possédais encore lorsque mon mari a été arrêté ; Qu’allons nous devenir ? Monsieur le Maréchal, je vous crie au secours et vous supplie de faire libérer mon mari […] [68].
73Cela dit, les arrestations ont débuté bien plus tôt. Parmi les victimes des rafles du 20 au 23 août 1941 opérées dans le XIe et les arrondissements voisins, qui visent indistinctement Juifs français et étrangers de 18 à 50 ans à l’exception des ressortissants américains, se trouvent plusieurs hommes du quartier Saint-Gervais comme Michel Guedj, né à Marseille en 1916 et domicilié au 31 de la rue du Roi de Sicile, dont l’épouse, Germaine, essaie de plaider la cause auprès du Maréchal le 23 août 1941 au motif que « l’absence de mon époux m’expose, moi et mes jeunes enfants à la misère et à la déchéance [69] ». Employé aux usines Citroën, Isaac Chamak est victime de la même rafle sur le chemin de retour à son domicile ; éperdue, son épouse, mère de huit enfants, s’adresse elle aussi le 23 août à Pétain. « Je vous demanderais Éminence de bien vouloir remettre en liberté mon époux qui ne demande qu’à élever nos enfants dans le respect et la dignité [70] ».
74Les arrestations se multiplient en 1943. Aux rafles et aux mesures d’arrestation individuelle s’ajoutent les traques organisées par les inspecteurs de la Police des questions juives (PQJ). Police antijuive mise à la disposition du CGQJ – et à laquelle fera suite la Section d’enquête et de contrôle (SEC) –, elle s’emploie à dénicher les biens non déclarés, à débusquer les infractions à la loi portant statut des Juifs du 2 juin 1941, à contrôler la bonne application des mesures antijuives. En 1943, plusieurs Juifs originaires d’Algérie sont ainsi conduits à Drancy auprès des milliers d’internés en instance de déportation [71].
75Plus d’une lettre adressée au CGQJ par les familles en détresse paraissent aujourd’hui à la fois naïves et fatalistes, comme décalées. Le 19 mai 1943, plus de sept mois après l’arrestation de sa fille, survenue le 4 octobre 1942, sa mère Nedjma fait parvenir ces pauvres mots au CGQJ :
Je viens vous demander de bien vouloir vous occuper de ma fille, je suis vieille, j’ai 72 ans, je suis malade et je n’avais que ma fille car je suis fille-mère ; or nous étions concierges 12, rue des Rosiers. Le 4 octobre 1942 à 7 heures du matin, les inspecteurs sont venus l’arrêter et la transférer au camp de Drancy, matricule 16 852, esc. 16, 2e étage ; elle est restée jusqu’au 13 février 1943 et là on l’a déportée je ne sais où depuis qu’elle est partie de Drancy. Je n’ai jamais eu de nouvelles d’elle et je ne sais pas où on l’a conduite. Elle est née le 1er mai 1897 et elle se nomme Marie Touboul. Je vous donne ces détails dans l’espérance que vous voudrez bien entreprendre quelques recherches à son sujet car je suis une pauvre mère bien malheureuse. Dans le cas où cette lettre ne serait pas dans vos attributions, je vous demanderais de la faire parvenir à qui de droit car je ne connais personne. Je suis sourde et ne sais ni lire et écrire [72].
77De même, la requête de Marcelle Ben-Daoud après l’arrestation de son père :
Mon papa comme le destin l’a voulu a été pris dans une rafle et mis dans un camp de concentration à Drancy depuis deux ans. Il est Français (algérien) mais Israélite, âgé de 62 ans, malade et assez vieux à son âge. Je suis sa fille, et c’est un bon père pour moi et une grande séparation pour ma sœur âgée de 18 ans qui est aveugle, dont mon père avait la charge […] je voudrais vous demander un appui si c’est possible et avoir des nouvelles de mon père, savoir où il est, s’il est mort ou vivant car depuis sa dernière lettre du 23 septembre 1942, je n’ai plus de nouvelle […] dans mon désespoir je vous demande Messieurs d’être humain. Si papa est encore vivant voici l’identité : M. Amouyal Eliaou matricule 286, esc. 2, chambre 17 à Drancy, sa dernière adresse est actuellement 4, rue Simon le Franc à Paris, son domicile. Je suis femme de prisonnier avec deux petits enfants et de tout mon cœur je demande votre bonté [73].
79Bien entendu, toutes ces requêtes sont rejetées, comme à l’accoutumée [74].
80En 1944, les entrées à Drancy se multiplient encore. Le 8 janvier c’est l’internement du Bônois Jacob Mezraeh domicilié au 27, rue des Jardins Saint-Paul ; le 11 du même mois, ceux de l’Oranaise Élisa Bibi-Roubi et d’Abraham El Kouby natif de Marrakech, tous deux domiciliés 10, rue des Jardins Saint-Paul. Le 15 mars le malheur frappe les époux Benkemoun logeant au 22, rue des Écouffes : Sultana est d’Aïn-Temouchent, Judas son époux, d’Oran. Le motif de leur internement ? « Infraction aux ordonnances allemandes », lit-on sur leurs fiches d’arrestation [75]. Le 15 avril c’est au tour de Maurice Chamak, le 25 mai de Rose Sitbon native de Guelma et domiciliée au 10, rue des Jardins Saint-Paul. Rose est veuve, mère de 4 enfants de moins de 15 ans. Sa fiche d’arrestation mentionne « 8e ordonnance [76] », manière d’indiquer l’infraction faite au port de l’étoile. Le 26 juin, arrestation de Jacob Elbeze de Batna, domicilié au 56 du quai des Célestins et de l’Algérois Moïse Williams Boukaya du 12 rue des Écouffes ; le 1er juillet de Mimoun dit Armand Guedj d’Alger vivant au 40 du quai des Célestins. Ce sinistre inventaire va ainsi s’égrenant pratiquement jusqu’à la veille de la Libération : sont arrêtés le 7 juillet la veuve Berthe Draï, née à Alger, et ses trois enfants, nés à Paris, Charles, Marcel et Perlette, domiciliés au 15 de la rue François Miron ; le 24 Joseph Allouch, Constantinois d’origine, arrêté à Lyon ; le 28 Henriette Allouche et sa fille Cécile du 25 rue des Écouffes, Constantinoises elles aussi ; le 31 Marie Serfati, originaire de Tlemcen et domiciliée au 68 de la rue François Miron.
81Dans la grande majorité des cas les internés ne passent pas plus d’un mois au camp. Pour les malheureux que nous venons d’évoquer, le séjour va de 4 jours pour Moïse Williams Boukaya à un mois pour Maurice Chamak et Armand Guedj. La plupart des déportés ont fait partie des derniers convois : les époux Benkemoun et David Maryoussef sont déportés le 27 mars 1944 par le convoi n° 70 ; Maurice Chamak le 15 mai par le convoi n° 73 ; Rose Sitbon le 30 mai par le convoi n° 75 ; Moïse Williams Boukaya le 30 juin par le convoi n° 76, enfin Joseph Allouch, Henriette Allouche et sa fille Cécile, Armand Guedj ainsi que la famille Draï par le convoi n° 77 du 31 juillet.
Une périlleuse partie de cache-cache avec leurs persécuteurs
82En réaction à l’avalanche de mesures qui rendent toujours plus aléatoire la simple survie quotidienne, beaucoup cherchent à passer, avec plus ou moins de difficultés, en zone libre. Lucienne Bibi-Roubi et sa famille gagnent Lyon ; son père et plusieurs de ses sœurs, accompagnées des leurs, rallient Marseille, à l’instar des Jaïs et des Chamak. Les Allouch rejoignent Vichy puis Lyon.
83Passage de la ligne ou pas, l’alliance avec un non Juif facilite grandement les choses. Or nombre de familles originaires d’Algérie sont dans ce cas. Les mariages mixtes ne sont pas rares dans le quartier [77], signe d’une acculturation en marche dont on perçoit bien d’autres signes annonciateurs. Par exemple M’Rhaïma Alzerat, bien qu’attachée au costume indigène, a sa propre interprétation de la cacherout. « Elle avait des dérogations constate son fils. On pouvait manger sauf du cochon, certains poissons ou quoi que ce soit quand elle mangeait au restaurant ». Les deux tantes par alliance non-juives de Gilette Amram sont bien intégrées dans la famille Touitou. Pendant l’Occupation, c’est justement l’une elles qui conduit la famille à la gare de Lyon – la proximité des gares étant interdite aux Juifs –, puis l’aide à franchir la ligne de démarcation. C’est également parce qu’elle n’est pas juive que Berthe Minary, l’épouse de Roger Gharbi, peut continuer à tenir le Petit Marseillais, le café de la rue François Miron. Cette même condition « d’aryenne » permet à Andrée Korchia de soustraire quelques affaires dans l’appartement de Viviane Assuli rue des Rosiers, avant la pose des scellés.
84D’autres décident de retourner en Algérie ; Jacques Biélinky signale que « plusieurs centaines de Juifs algériens se font rapatrier à la suite du décret qui, après 70 ans, abolit l’acte de Crémieux [78] », c’est-à-dire après la loi qui, le 7 octobre 1940, retire collectivement la nationalité française aux Juifs des trois départements algériens, réduits désormais au statut de simples « sujets français ». Dans le quartier, c’est le cas de Rubens domicilié au 31 rue François Miron, de Gaston El Baze, exploitant le restaurant du 46 rue François Miron, du boucher Albert Allouche qui, de Bordeaux, gagne Constantine sa ville natale [79]. Tiar, un locataire de l’immeuble du 27 rue des Rosiers, et Chiche, marchand de quatre saisons du 16 rue du Figuier, en font autant [80]. Leurs maris mobilisés, c’est à l’instigation et en compagnie de sa cousine que Viviane Assuli du 26 rue des Rosiers gagne Oran avec leurs quatre jeunes enfants. Esther Arous enjoint à son fils Prosper, après les premières arrestations, de se mettre à l’abri chez une tante à Alger. Finalement son cousin Marcel Moha et son amie sont aussi du voyage, mais, la tante étant incapable de les héberger tous, ils rentrent rapidement en France. Les deux cousins seront déportés.
85Parmi les Juifs algériens restés en France, certains tentent des démarches pour recouvrer la citoyenneté française. Mal leur en a pris : non seulement les requêtes sont rejetées, mais les noms et adresses des demandeurs sont portés sur une liste spéciale destinés aux autorités allemandes [81].
86Revêtir l’identité d’un Arabe de confession musulmane constitue un subterfuge maintes fois utilisé. La langue arabe, longtemps langue vernaculaire du judaïsme nord-africain, est encore couramment pratiquée dans les familles installées en France. Ainsi Pierre Allouch, arrivé de Constantine en 1934 à l’âge de 5 ans, la parle couramment puisque, explique-t-il, « mon père et ma mère quand ils parlaient, c’était trois mots en français, deux mots en arabe, c’était comme ça, ce qui fait que c’est rentré dans la tête sans y prendre garde ». Du coup, c’est d’instinct que les Juifs nord-africains jouent sur l’ambiguïté, aussitôt qu’ils sont menacés. À la sortie d’une soirée orientale, en plein couvre-feu, Joseph Fhal, le musicien, et son épouse sont appréhendés dans la rue et conduits au commissariat. « C’est à ce moment raconte sa petite-fille Gilette Amram, que mon grand-père Fhal s’est fait passer pour un Musulman, il s’est mis à parler arabe avec sa femme. Ils ont été relâchés, étant pris pour des Arabes ». Réfugié à Marseille, Joseph Fhal est à nouveau arrêté sur le Vieux Port, par les occupants cette fois. Aussitôt, rapporte sa fille Louise, il se met à leur parler arabe, se fait passer pour un Arabe. À Marseille toujours, arrêtée dans des circonstances analogues, Louise Chamak a le même réflexe de survie : « Nous on a eu de la chance, reconnaît son fils Raymond, ma mère parlait arabe ! ». Son mari, Albert Ruben Chamak, chauffeur de four dans les tuileries marseillaises, se prétend mozabite. Fort de son patronyme, de son lieu de naissance et de son apparence – teint mat et couche de poussière sur le visage, il parvient à abuser l’officier allemand qui l’a interpellé.
87Parler l’arabe est un atout, mais porter un patronyme d’origine nord-africaine en est un autre ; tant les autorités vichystes que les forces occupantes ont du mal en effet à les identifier, comme l’illustrent les deux anecdotes suivantes : misant sur cette ignorance, J. Azoulay, domicilié rue du Temple, se risque à revenir sur sa première déclaration, à laquelle il avait pensé être astreint après le recensement des Juifs prévu par l’ordonnance allemande du 27 septembre 1940, assurant que les noms de ses ascendants « Pérez », « Amar » et « Hadjadj » ne sont pas juifs. Les services du CGQJ lui font en septembre 1941 la réponse escomptée : « si vous êtes issu de trois grands-parents aryens, vous n’êtes pas considéré comme juif par la loi et que vous avez eu tort de vous déclarer au Commissariat de police de votre quartier. Il vous appartiendra, en conséquence, d’établir la preuve que vos trois grands-parents ne sont pas juifs en produisant par exemple, leurs actes de baptême. Au vu de ces pièces, il sera en mon pouvoir de vous délivrer un certificat d’aryanité [82] ». Quant à Lucette Bouchoucha, elle frémit encore de son aventure :
[…] quand je suis allée chez une amie, j’ai dépassé l’horaire un soir, alors qu’est-ce que j’ai fait, j’ai enlevé « mon Juif [manière de désigner son étoile jaune] » et je l’ai mis au fond de mon sac, et alors en montant du métro, il y avait une rafle. Ma mère m’avait dit,
– « Si on t’arrête, surtout tu ne t’appelles pas Cohen, tu t’appelles Benichou » [83].
Alors, je me rappelle ce type, il me regarde comme ça dans les yeux, il me dit,
– « Comment tu t’appelles ? » Je lui réponds,
– « Je m’appelle Benichou »,
– « Est-ce que tu es juive ? »
– « Monsieur, je ne sais pas ce que c’est », j’ai répondu.
Et s’il avait ouvert mon sac, il y avait « mon Juif » au fond. Il ne l’a pas ouvert. Grâce à Dieu. Et je me revois en train de monter les escaliers et je faisais pipi sur moi. Métro Saint-Paul, il était plus que 8 heures du soir, c’était un peu plus tard, en 1943. Je n’ai rien raconté à la maison, parce que c’était tellement grave, on savait que si on prenait un des membres de la famille, on savait ça, toute la famille était arrêtée.
89Très tôt cependant les services du CGQJ s’avisent de débusquer fraudeurs et contrevenants. Dans son cabinet, le commissaire Xavier Vallat charge notamment El Maadi Mohamed Lakhdar le 29 octobre 1941 « d’étudier toutes les questions relatives à l’Afrique du Nord et d’assurer la liaison, en ce qui concerne ces questions, avec le Direction de l’Aryanisation économique, à Paris et à Vichy, ainsi qu’avec les services chargés des questions juives en Afrique du Nord [84] ». Mais, parmi les différentes directions, c’est celle du statut des personnes qui tient le rôle essentiel. Le remplacement du premier Statut des Juifs (3 octobre 1940) par le second Statut du 2 juin 1941 visait, entre autres choses, à dissiper les imprécisions et zones d’ombre attachées à la définition de l’individu juif en recourant à la catégorie raciale ; la mesure n’eut pour effet que de multiplier les ambiguïtés. L’équivoque de la définition, l’obligation faite aux intéressés de fournir certificats et attestations sur « l’adhésion à l’une des autres confessions reconnues par l’État avant la loi du 9 décembre 1905 » font de cette Direction une entité stratégique puisqu’il lui revient de déterminer la position raciale des individus au regard de la loi. Elle élabore donc une doctrine en la matière, s’adjoint des experts et des traducteurs pour transcrire et authentifier les certificats en langues étrangères qui lui sont soumis, fait appel à la collaboration des différents représentants religieux pour évaluer, par des avis étayés, les déclarations des postulants à la race aryenne. Les autorités musulmanes constituées sont donc consultées pour statuer sur les requérants se réclamant de la religion musulmane.
90La Direction n’en soupçonne pas moins les différentes institutions religieuses de se prêter à des conversions de complaisance, mais, ne pouvant se passer d’elles, elle les sollicite néanmoins, quoiqu’avec la plus grande défiance. C’est très tôt qu’apparaît, sous l’aiguillon de l’occupant, ce soupçon de collusion. Ainsi, dès le 24 septembre 1940, bien avant la création du CGQJ, Vichy est prévenu des possibles agissements de la Mosquée de Paris en la matière : « Les autorités d’occupation, révèle une note interne au ministère des Affaires étrangères, soupçonnent le personnel de la mosquée de Paris de délivrer frauduleusement à des individus de race juive des certificats attestant que les intéressés sont de confession musulmane. L’imam a été sommé, de façon comminatoire, d’avoir à rompre avec toute pratique de ce genre. Il semble, en effet, que nombre d’israélites recourent à des manœuvres de toute espèce pour dissimuler leur identité [85] ». Il nous a été malheureusement impossible de vérifier la véracité de cette assertion.
91L’onomastique, le lieu de naissance et la filiation sont les trois critères retenus par la Direction du statut des personnes pour déterminer la race, car la circoncision, pratiquée également par les musulmans, n’est pas dans le cas des Juifs nord-africains un indice probant. Une note signée E. Boutmy adressée le 14 septembre 1943 au directeur de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris demande son avis « sur le patronyme de Amsellem Salomon, Yacouta née Ben Rhamin Bent Chemoun et enfin Ben Aroch Messaoudah. En effet, des personnes portant ces noms se disent originaires d’Algérie et d’une façon plus précise, de Saïda, Oujda, Miliana. Je vous demanderai également de bien vouloir me dire si ces noms vous semblent être ceux que portent les musulmans ou les arabes, et si, selon votre sens, les juifs d’Algérie peuvent porter ces mêmes noms. Une prompte réponse de votre part m’obligerait [86] ». Le 23 septembre suivant, même demande concernant un individu natif de Guelma, Joseph Krief (ou Kriel) qui, s’étant déclaré juif par erreur alors qu’il serait musulman, souhaiterait revenir sur cette première déposition. De façon inattendue, la Direction laisse la Mosquée de Paris libre d’invoquer l’incertitude, ce qui jouera au bénéfice de l’examiné. Mais le verdict, cinglant et circonstancié, tombe comme un couperet moins de deux semaines plus tard :
L’Institut Musulman à qui j’avais soumis aux fins d’authentification le document que vous m’avez communiqué, vient de m’indiquer que votre nom était un nom juif algérien. Le nom de votre père, Vidal Kriel, confirme cette origine. Par ailleurs, en ce qui concerne le document que vous m’avez remis, il y a lieu de noter :
- que le titre de Grand Mufti du département de Constantine n’existe pas ;
- que ce même document daté du 16 juillet 1942 affirme que l’année 1319 (1901) de l’année musulmane, au mois de mars vous avez la « Tahara » (circoncision) selon le rite musulman. Il est à se demander sur quels faits se sont basés les témoins pour affirmer 42 ans plus tard que vous avez reçu la circoncision. Enfin, vous vous êtes déclaré juif à la Préfecture de police.
Quant à la pièce émanant de l’Institut catholique de l’Afrique du Nord, signée d’un soit disant RP Mathieu, émaillée de fautes de français et d’orthographe, c’est un faux indubitable. Je vous rappelle, par ailleurs, que le rapport ethno-racial vous a été défavorable. En conséquence, je vous donne un délai de 48 heures, pour vous mettre en règle du point de vue du port de l’étoile et autres mesures de police concernant les juifs. À défaut, vous vous exposerez aux sanctions prévues par la loi. J’envoie copie de la présente à votre Administrateur [87].
93Ces demandes d’expertise auprès de la Mosquée de Paris n’ont rien d’exceptionnel. Avec cette institution, les échanges du CGQJ sont répétés sinon réguliers ; ce dont E. Boutmy, ce fonctionnaire zélé que nous connaissons déjà, se targue pour adresser le 17 juin 1944 une nouvelle requête à Si Kaddour Ben Ghabrit [88], directeur de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris, au sujet de la position raciale de Germaine Roland, née Marzouk, originaire de Tunisie. « Vous avez eu l’amabilité, à diverses reprises, de me donner votre avis sur des cas d’espèce analogues à celui-ci, lui écrit-il. Puis-je vous demander à nouveau de me faire savoir si l’attestation dont il s’agit peut être tenue pour valable ou non et si les patronymes des ascendants de l’intéressée sont d’origine juive ou musulmane […] [89] ». Le 12 juillet 1944, le CGQJ avise le mari de l’intéressée qu’en vertu des conclusions convergentes de la Mosquée de Paris et de l’« expert ethno-racial » George Montandon (personnage dont nous aurons à reparler), Germaine Roland sera considérée comme juive au regard de la loi du 2 juin 1941. Transférée le 5 août 1944 du camp parisien de Bassano à celui de Drancy, elle n’évite la déportation qu’en raison de la date tardive de son internement [90].
94Non contente de passer ainsi au crible les individus sur qui pèsent des présomptions d’origine juive, la Direction se penche aussi, le cas échéant, sur leurs conjoints non-juifs, leur délivrant soit une lettre de présomption de qualité aryenne soit, s’ils ont fourni des justificatifs suffisants, un certificat de non appartenance à la race juive. L’obtention de ce certificat est conditionnée par la fourniture de plusieurs documents authentifiés ayant trait, pour la plupart, à l’affiliation religieuse de l’individu ou de son ascendance – attestations de baptême, de mariage religieux, d’inhumation religieuse des parents ou grands-parents, etc. Aux yeux du CGQJ, et malgré sa défiance, ce type de documents offre la meilleure garantie contre les éventuelles fraudes et contrefaçons, en même temps qu’un indicateur prisé du ralliement des conjoints « aryens » aux thèses raciales de Vichy et de l’occupant : 10 336 certificats de « non appartenance à la race juive » auraient été distribués de juin 1941 au 31 mai 1944 [91]. Pour les postulants, le précieux certificat ouvre surtout l’espoir de voir le conjoint juif interné accéder aux catégories classées non déportables. Bien des fois – est-il utile de le préciser ? – cet espoir demeure vain. Ainsi a-t-on inscrit en marge de la lettre du 11 novembre 1942 où Odette Benhaqui née Dupont supplie le maréchal Pétain de libérer Aaron Benhaqui, son mari interné à Drancy, la mention « Femme aryenne pas de certificat de NARJ [non appartenance à la race juive]. Darquier de Pellepoix [92] ». En fait Aaron a été déporté près de deux mois plus tôt [93]. Le 25 août 1943, Marie née Bertrand, l’épouse du cafetier Charles Alliel, qui a fourni tout le dossier nécessaire, reçoit une attestation provisoire [94]. Peine perdue : ni le certificat, ni les services de Charles Alliel pendant la campagne de Syrie en 1920-1921 comme matelot ne lui éviteront la déportation [95]. La qualité de « conjoint d’aryen » de Félix Cohen-Solal n’a pas plus d’effet [96]. Malgré ses 76 ans et un état de santé déficient, le commerçant en bonneterie est interné à Drancy. Il semble cependant avoir échappé à la déportation [97].
95Le CGQJ n’est pas l’unique rouage administratif impliqué dans la détermination raciale. Il faut mentionner également, en ce qui concerne les Juifs originaires d’Afrique du Nord, le service des affaires nord-africaines de la Préfecture de Police, dépendant du troisième bureau de la Direction des étrangers et des affaires juives. André Tulard, bien connu pour être le concepteur du fichier issu du recensement d’octobre 1940 en zone nord, en assure la sous-direction [98]. C’est à l’instigation de ce service que la situation au regard de la loi du 2 juin 1941 de Rachmine dit Raymond Allouch, Français né à Blida et demeurant 10 rue des Jardins Saint-Paul, est examinée, car, selon le service, sa filiation juive ne fait aucun doute. Sur les conclusions transmises, le CGQJ-Direction du statut des personnes enjoint en retour à la Préfecture de tenir l’intéressé pour juif [99]. Plus d’une fois la Préfecture fait ainsi office de courroie de transmission auprès du CGQJ, signalant les cas douteux et veillant, une fois la décision entérinée, à l’application scrupuleuse des mesures prises, tant au regard des personnes que de leurs biens.
96Une fois les possibilités de se procurer les différents certificats religieux de baptême, de mariage ou d’inhumation épuisées, il ne reste plus en dernier recours qu’à affronter le diagnostic du « professeur » George Montandon, « expert ethno-racial » à la solde des Allemands. Ses « expertises », rédigées dans un style pseudo-scientifique, sont officiellement facturées 400 francs, voire jusqu’à plus de 10 000 francs en cas de déplacement, sans compter les dessous de table, car l’homme est vénal [100]. Se targuant de connaissances religieuses encyclopédiques, il tente de confondre un homme se prétendant musulman chiite en lui posant une question sur la correspondance entre les calendriers musulman et grégorien. Examen probant, selon lui, car « à la demande du soussigné d’indiquer l’année de notre calendrier correspondant à l’an 1321 de l’ère musulmane, l’examiné dit ne pouvoir bien le calculer. Or l’Hégire étant de 622, on ajoute 621 à l’année musulmane, ce qui donne ici 1942 [101] ». Montandon se veut aussi spécialiste d’onomastique. Jules Saffar a bien failli bénéficier de cette forfanterie : lors d’un premier examen de son cas, George Montandon, peu familier des patronymes nord-africains, exonère l’examiné ; en effet, il a été « tenté de le considérer non juif, sous prétexte que les noms de ses parents, Saffar et Atlan, n’étaient pas spécifiquement judaïques [102] ».
Amère libération
97C’est ainsi qu’à l’heure de la délivrance, en août 1944, les Allemands en retraite ont vu leur départ de la capitale salué par des bordées d’insultes en arabe. « Ma grand-mère Messaouda vivait avec nous à l’époque, raconte André Cohen. Comme il faisait chaud, ma mère la mettait devant le 26, rue de Rivoli, sur un banc ou sur une chaise, ma grand-mère, elle, avait le foulard et quand elle voyait tous ces Allemands qui foutaient le camp, elle les insultait en arabe ».
98Mais c’est l’abattement qui prime, comme chez tous les Juifs rescapés. Comme on l’a vu, la déportation a frappé les Juifs d’Afrique du Nord résidant en métropole [103]. Peu, très peu de familles auront le bonheur de voir rentrer l’un des leurs. Armand Guedj, le frère et la sœur Marcel et Perlette Draï sont de ceux-là, rescapés du convoi n° 77 du 31 juillet 1944. Outils de travail disparus, logements mis à sac : tel est le lot de la grande majorité des familles juives, entre autres celle de Jacques Pariente, qui déplore auprès du service de restitution le pillage de son appartement situé 1, rue Tiron [104]. C’est le cas des Chamak, comme des Allouch. Son mari déporté, Guemara Allouch, encore à Lyon, envoie ses fils reprendre possession de leur appartement du 12, rue de Fourcy :
Quand on est arrivé, se souvient Pierre Allouch, ils avaient enlevé même les fils électriques, il ne restait plus rien, c’était nu. Même le plancher. Nous sommes rentrés comme ça. Grâce à des organisations juives, c’était rue Elzévir… je suis allé chercher des meubles vers Montparnasse, des chaises là, des armoires encore ailleurs.
100Autre variante : l’appartement familial est indûment occupé. C’est ce que découvrent les Bibi-Roubi, de retour quarante-huit heures après la libération de Paris. Le propriétaire, invoquant le congé donné par la famille et sans tenir compte de la situation de contrainte dans laquelle celle-ci s’était trouvée, a reloué. Lucienne Bibi-Roubi entame alors un procès contre le propriétaire qui se voit signifier qu’il a six semaines pour faire libérer les lieux. Mais entre-temps, « L’occupant [entendons le locataire précédent] avait fait sauter les baguettes d’électricité, il avait coupé les fils et recloué les baguettes par-dessus ». L’appartement des Arous, rue des Deux-Ponts sur l’Ile Saint-Louis, a connu le même sort. Esther ainsi que trois de ses cinq enfants, Prosper, Diamante et Ninette, ne sont pas rentrés de déportation, et ce sont les deux filles survivantes qui retournent dans l’appartement.
À la Libération, raconte Jeanne Arous, ma sœur Marie Benitah a dit, « il faut qu’on récupère l’appartement de maman, il n’y a pas à dire, il est à nous. » Marie fait un procès. L’appartement était loué à un gendarme, donc on fait le procès. Elle a gagné et il a été obligé de partir. Mais en partant il a tout cassé. Il avait laissé des cochonneries je ne vous dis pas quoi, mais il avait tout cassé. La cuisine il n’y avait plus de robinet, il n’y avait plus rien, plus rien. Le sol pareil. Bon, on a donc récupéré l’appartement, et puis on est reparti comme ça.
102La vie reprend ses droits en effet, vaille que vaille. Louise, la mère de Raymond Chamak, reprend sa médaille de quatre saisons et recommence à exercer le métier, ainsi que Guemara Allouch, dont le fils Pierre s’embauche comme tapissier rue de Charenton, tout en travaillant comme débardeur, la nuit, aux Halles. La vie a ses exigences…
103Au terme de cette évocation, on aura amplement vérifié qu’en plein Yiddishland parisien s’est bien établie dans l’entre-deux-guerres une communauté juive nord-africaine, algérienne surtout. C’est au sud du Marais, au delà de la rue de Rivoli, qu’elle a accordé sa préférence, réussissant à y conserver intacts les modes de vie, les traditions et coutumes du pays quitté pourtant des années, voire des décennies, plus tôt. Ce fort particularisme, ainsi maintenu, a sérieusement contribué à limiter les contacts avec les coreligionnaires yiddishophones d’Europe centrale et orientale, bien plus nombreux comme on sait dans ce secteur. Pourtant l’acculturation et la modernité sont déjà à l’œuvre chez ces Juifs « orientaux », se traduisant en particulier par des mariages mixtes, unions qui, pendant l’Occupation, vont s’avérer d’un grand secours. Par ailleurs, les traits partagés par les Juifs et les Arabes d’Afrique du Nord – la langue arabe, certains patronymes et prénoms – vont parfois contribuer à semer le trouble et la confusion chez les persécuteurs. Reste que la déportation décima malgré tout nombre de ces familles qui, pour avoir traversé la Méditerranée en des heures plus fastes, partagèrent le sort trop souvent funeste du judaïsme de France comme ses difficultés d’après-guerre : biens pillés, disparus, et appartements occupés.
NOTES
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[1]
ACIP, B 107, Consistoire 1919, Chemise : Consistoire (correspondance).
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[2]
Yad Vashem / CDJC, Collection Georges Epstein. Ce document se présente sous la forme d’un épais carnet microfilmé, dressant par nom de rue, pour chaque arrondissement, l’état de la population juive parisienne en 1941. En vis-à-vis de chaque numéro de rue se trouvent le nom et la profession de la personne. Parfois, le patronyme est accompagné de la lettre « M » entre parenthèses à laquelle est souvent associé un numéro ainsi que diverses précisions telles que « gratuit », ou « Mai 10 francs » ou encore « reçu 30 le 22 octobre », faisant supposer que ces listes servirent à répertorier les personnes soumises à cotisation dans le cadre d’une affiliation obligatoire, par exemple l’Union générale des israélites de France (UGIF), créée par la loi du 29 novembre 1941. Figurent également, mais beaucoup plus rarement, certaines indications qui témoignent des mesures prises à l’encontre des Juifs : ainsi la mention « son mari à Drancy » au regard du nom de Mme Danziger, finisseuse, domiciliée 4 rue de l’Ave Maria. Je remercie Shmuel Bunim de m’avoir signalé l’existence de ce microfilm au CDJC.
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[3]
Familles Mouchi, Ben Ivny, Boukaya, Benolliel, Teboul, Benkemoun, Safar, Allouche, Benhamou, Bouskila, Oliel, Moha, etc.
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[4]
Entretien avec Roger Gharbi, Paris, le 9 juin 2004. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Gharbi proviennent de cette source.
-
[5]
Entretiens avec Pierre Allouch, Paris, le 11 mai 2004 ; Jacques Zekri (par téléphone), le 12 juin 2005 ; Raymond Chamak, Le Perreux-sur-Marne, le 28 mars 2005 ; Jean Dana, Paris, le 11 juin 2005 ; Louise Jaïs née Fhal, Paris, le 31 mai 2004 : la famille Fhal, a-t-elle précisé, est partie de Khenchela en 1937. Les autres familles sont de Constantine. Sauf mentions contraires, toutes nos informations sur les familles Allouche, Zekri, Chamak, Dana et Fhal proviennent de ces sources.
-
[6]
Entretien avec Huguette Touboul née Assuli, Paris, le 7 juin 2005. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Assuli proviennent de cette source.
-
[7]
Entretien avec Jeanne Arous, Paris, le 25 novembre 2004. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Arous proviennent de cette source.
-
[8]
Archives nationales (désormais AN), AJ38, 2580, dossier 23 132 (section VB R) : dossier d’aryanisation établi au nom de la Vve Halphen Alice – immeuble – 10-12, rue des Deux-Ponts Paris (4e).
-
[9]
Entretien avec Jeannine Bouhanna née Sebbane, Paris, le 10 janvier 2005. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Sebbane proviennent de cette source.
-
[10]
Entretien avec Roger Alzerat, Paris, le 9 avril 2005. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Alzerat proviennent de cette source.
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[11]
Entretien avec Mardochée Ohnona, Paris, le 31 avril 2005. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur les familles Ohnona et Suissa proviennent de cette source.
-
[12]
La loubia est un plat traditionnel juif, à base de haricots.
-
[13]
Entretien avec Lucienne Bibi-Roubi née Vidal, Paris, le 31 mai 2004. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Vidal proviennent de cette source.
-
[14]
Entretien avec André Cohen, Paris, le 26 février 2004. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Cohen proviennent de cette source.
-
[15]
AN, AJ38, 1192 à 1222, Fichier topographique des entreprises du département de la Seine. Classement par nom de rue sans distinction entre Paris et la banlieue.
-
[16]
Le « document Georges Epstein » mentionne la profession de 141 originaires d’Afrique du Nord (sur 168 répertoriés) dans 23 rues du quartier Saint-Gervais. Les métiers le plus souvent pratiqués sont les suivants : marchand de quatre saisons (18), manœuvre, manœuvre en usine, ouvrier d’usine, journalier, manutentionnaire aux Halles (18), marchand forain, marchand ambulant, brocanteur, colporteur (13), tailleur, ouvrier tailleur, modiste, couturière, commerçant en bonneterie, fourreur (5), coiffeur, ouvrier coiffeur, garçon coiffeur (7), peintre, peintre en bâtiment, peintre dans l’aviation (6), aide-comptable, employé de bureau, employé dans un ministère, employé à la Ville de Paris, fonctionnaire de la Ville de Paris (5), maçon, ajusteur, marbrier, soudeur, plombier (5), menuisier, ébéniste, ouvrier ébéniste (4), cordonnier, ouvrier cordonnier (4), garçon de café, garçon de restaurant, garçon livreur (4), infirmier, aide infirmier, employé dans une pharmacie, brancardier (4) ; employé de commerce (4) ; chauffeur, chauffeur de camion, chauffeur de taxi (4), concierge, bonne (3), vendeur (3). Outre celle de marchand de quatre saisons, les professions liées au secteur alimentaire sont représentées de la façon suivante : café et restaurant (6), boucher (1), épicier (1) et enfin marchand de cacahuètes (1). Toutefois ces désignations d’activité sont à considérer avec la plus grande prudence, car certains des métiers consignés dans ce document établi durant l’Occupation résultent des interdictions d’exercice professionnel prises par Vichy ou ordonnées par l’occupant. Ainsi Albert Allouche qui exploitait une boucherie au 74 de la rue François Miron y figure comme ouvrier d’usine ; de même Mimoun, tenancier du café situé 13, rue de Jouy, y est mentionné comme « fonctionnaire VP [Ville de Paris] ».
-
[17]
AN, AJ38, 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels. 1941-1944 – AR à ARZ.
-
[18]
AN, AJ38, 187, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels. 1941-1944 – RT à RZ.
-
[19]
Là Hébarek : expression arabe qui signifie « Que Dieu te bénisse ».
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[20]
Les administrateurs provisoires ou commissaires-gérants sont des personnes chargées par le CGQJ d’aryaniser par vente ou liquidation les biens juifs {(Voir plus loin)}.
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[21]
AN, AJ38, 3190, dossier 16 423 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Vve Boukhalter – épicerie – 68 rue François Miron Paris (4e).
-
[22]
Lou Helvasser, « Habits, chiffons, ferrailles à vendre… ou la chine dans le Pletzl », dans « le Pletzl », Bulletin de l’Association des Amis du 4e arrondissement, n° 3, octobre 1988, p. 2. Ce témoin cite entre autres Simon Kalfon, les frères Melki et les Chamak.
-
[23]
Toujours suivant le « document Georges Epstein », la profession de coiffeur est exercée par les personnes suivantes : Ben Soussen domicilié au 20 rue Charlemagne ; Boukaya au 12 rue des Écouffes ; Boumendil au 30 rue François Miron ; Cohen au 20 rue de Jouy ; Cohen au 13 rue Geoffroy l’Asnier ; Mlle Assouline au 10 rue des Jardins Saint-Paul.
-
[24]
Sur le coiffeur Albou, voir AN, AJ38, 2318, dossier 3 996 (section III R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Albou – salon de coiffure Mary – 52 rue du Roi de Sicile Paris (4e). Le fonds de commerce, créé en septembre 1919, est tenu par son épouse, Mary Arnaud. « Cette dame est aryenne », note dans son rapport en 1941, l’administrateur provisoire.
-
[25]
Ronde d’entrées et d’amuse-gueule, traditionnellement servis en Afrique du Nord à l’heure de l’apéritif.
-
[26]
Le berbouche ou barbouche : couscous préparé à base de grosse semoule, abondamment épicé, arrosé de loubia, de chkembey (ou chkaimba), gras-double en sauce rouge, accompagné de viande, d’une tranche de hasbanne, farce constituée de viande, d’épices et de tripes, emmaillotée dans une poche de panse de bœuf ou de mouton, assorti de boutons d’or (petits navets jaunes) et de la moitié d’un œuf dur ayant préalablement été cuisiné dans la sauce même de la préparation.
-
[27]
Entretien téléphonique avec Perlette Pons née Draï (Antibes), le 15 juillet 2005. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Draï proviennent de cette source.
-
[28]
Shamès : bedeau.
-
[29]
Târ : tambourin fait d’une peau tendue sur deux cerceaux de bois et entouré de cymbales.
-
[30]
Le haïk est une épaisse couverture en laine constituée de bandes multicolores.
-
[31]
Cette synagogue était située à l’étage, en face du Bazar de l’Hôtel de Ville, dans un local aujourd’hui transformé en annexe du BHV.
-
[32]
Ce temple de rite portugais inauguré en 1877 est affilié à l’ACIP depuis 1906.
-
[33]
Jacques Biélinky, Journal, 1940-1942. Un journaliste juif à Paris sous l’Occupation, présenté par Renée Poznanski, Paris, Éditions du Cerf, 1992, pp. 59, 61-62.
-
[34]
Le shohet est chargé de l’abattage rituel ; le mohel pratique la circoncision rituelle.
-
[35]
Entretien avec Marie-Josette Chetrit, Paris, le 12 mai 2004.
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[36]
Littéralement « expiations », singulier Kaparah. « Coutume observée la veille de Yom Kippour en début de matinée ou dans la nuit qui le précède et qui consiste pour tout Juif adulte à prendre une volaille (un coq pour les hommes, une poule pour les femmes) et, la tenant par le cou, à la passer trois fois autour de sa tête, en disant : “Ceci est mon expiation, ceci est mon rachat, ceci est ma substitution. Ce coq (cette poule) ira à la mort, tandis que moi j’irai vers une vie longue et heureuse”. Puis on égorge la volaille que l’on donne directement aux pauvres à moins de verser la somme correspondant à sa valeur à une œuvre charitable ». Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, publié sous la direction de Geoffrey Wigoder, Paris, Éditions du Cerf, 1993, pp. 616-617.
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[37]
Entretien avec Gilette Amram née Touitou, Paris, le 20 février 2005. La mention des poux vient de ce que les volailles, à cette époque, étaient extrêmement pouilleuses. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Touitou proviennent de cette source.
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[38]
Propos rapportés par une autre fille de Feiga Birman, Anna, dite Akélé, Danan. Entretien, Paris, 13 avril 2005.
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[39]
Ibid.
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[40]
Entretien avec Lucette Bouchoucha et son frère cadet André Cohen, présent à ses côtés, Paris, le 26 février 2004. Sauf mention contraire, toutes nos informations sur la famille Cohen proviennent de cette source.
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[41]
Le Droit de Vivre, organe de la LICA, et d’autres périodiques font régulièrement état de ces exactions dans le quartier Saint-Paul : inscriptions injurieuses (Le Droit de Vivre – section du IVe –, n° 24, février 1935), insultes publiques et quotidiennes (Le Journal Juif, n° 40 du 4 octobre 1935), expéditions « punitives » de mouvements d’extrême droite (Le Journal Juif, n° 40, op. cit. ; Le Droit de Vivre n° 31 (nouvelle série), 5e année, mercredi 10 juin 1936).
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[42]
Le Journal Juif, n° 40 du 4 octobre 1935, p. 5.
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[43]
Entretien avec Marthe S., Paris, le 25 novembre 2004.
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[44]
Entretien avec Maurice Waniewitz, Les Lilas, le 5 mai 2005.
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[45]
En février 1940 un certain nombre de ces familles figure parmi les personnes assistées par le Comité de bienfaisance israélite de Paris (CBIP). En 1941, elles bénéficieront pour la plupart d’une aide financière oscillant entre 100 et 200 francs. Archives du CBIP, 2D2, Legs Morhet et Deyme en faveur des habitants du 4e arrondissement pour l’année 1940 et ibid., 1D6. Legs Morhet et Deyme en faveur des habitants du 4e arrondissement pour l’année 1941.
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[46]
Communiqué de la Préfecture de Police paru dans le quotidien Le Matin, le 15 juin 1941.
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[47]
L’article 8 de la loi du 2 juin 1941 prévoit en effet la possibilité d’obtenir une dérogation au Statut pour services exceptionnels rendus à la Nation.
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[48]
AN, AJ38, 187, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – RT à RZ.
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[49]
Ibid., 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AR à ARZ.
-
[50]
Ibid., Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ASS. Courrier du 14 juillet 1941 ; ibid., 189, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – SH à SK.
-
[51]
Ibid., 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AST à ATZ. Même détresse au foyer de Mme Charbit situé 16, rue de Sévigné (Ibid., 162, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – CHAR à CHAT).
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[52]
Cf. la réponse faite le 1er juin 1942 à Camille Fredj, coiffeur au 3 rue du Grenier sur l’Eau, ibid., AJ38, 168, Direction du Statut des personnes. Dossiers individuels, 1941-1944 – FRE à FREZ.
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[53]
Ibid., 1192 à 1222, fichier topographique des entreprises du département de la Seine (Classement par nom de rue sans distinction entre Paris et la banlieue).
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[54]
Ibid., 3197, dossier 35 858 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Yetta Mardochée – alimentation – 56, rue Ferdinand Duval Paris (4e).
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[55]
Ibid., 3190, dossier 16 423 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Vve Boukhalter – épicerie – 68, rue François Miron Paris (4e). Au lendemain de la Libération, une circulaire du service de restitution figurant au dossier, signale le décès de la propriétaire.
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[56]
Ibid., 3121, dossier 14 306 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Pariente Jacques – bazar couleurs – 68, rue François Miron Paris (4e).
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[57]
Ibid., 3174, dossier 37 754 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Allouche Albert – boucherie – 74, rue François Miron Paris (4e).
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[58]
Ibid., 3188, dossier 14 191 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Menahem & Salfati – café-hôtel – 23, rue des Jardins Saint-Paul Paris (4e).
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[59]
Ibid., 1821, dossier 36 418 (section IC R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Lelouche Maurice – tailleur – 111, rue Saint-Antoine Paris (4e).
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[60]
Ibid., 3187, dossier 10 994 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Mimoun Esther – café – 13, rue de Jouy Paris (4e).
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[61]
Suivant le rapport de l’administrateur provisoire en date du 16 septembre 1942, ibid., 3191, dossier 19 022 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Yakoubovitch Abraham – restaurant – 25, rue des Rosiers Paris (4e).
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[62]
Ibid., 3109, dossier 10 863 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Per’nic – matières premières pour les produits alimentaires – 3 bis, rue des Rosiers Paris (4e).
-
[63]
Le culte n’étant pas interdit, son exercice nécessitait le respect des prescriptions rituelles concernant la nourriture.
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[64]
Jean Laloum, « Une aryanisation paradoxale : les commerces d’alimentation dans le Marais » dans La Caisse des dépôts et consignations, la Seconde Guerre mondiale et le XXe siècle, sous la direction de A. Aglan, M. Margairaz et P. Verheyde, Paris, Albin Michel, 2003, pp. 369-394.
-
[65]
AN, 3109, dossier 10 726 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Gharbi René – café – 7, rue François Miron Paris (4e).
-
[66]
Ibid., 3186, dossier 10 728 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de Sabba Élie – café – 50, rue François Miron Paris (4e).
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[67]
Ibid., 899, Chemise « commerce rituélique : correspondance ».
-
[68]
AN, F/9/5606/2, Fichier « familial » de la Préfecture de Police de la Seine, et AJ38, 156, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – BENH à BENZ.
-
[69]
Ibid., AJ38, 171, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – GUG à GUIN. L’internement de Michel Guedj fut bref car, le 7 septembre 1941, il réussit à s’évader de Drancy avec deux autres internés. À cette date seuls cinq autres internés avaient réussi à s’évader du camp, cf. ibid., F/9/5644/2, Fichier « individuel » de la Préfecture de Police (adultes), et Archives CDJC, DLIX-18, Liste des internés évadés de Drancy établie le 2 avril 1942 par le capitaine Richard, commandant le service de gendarmerie du camp du 21 août 1941 au 31 mars 1942.
-
[70]
AN, AJ38, 162, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – CHAM à CHAP. Même démarche angoissée de l’épouse de Youna Mimran domiciliée au 133 de la rue Saint-Antoine : ibid., 182, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – MIA à MLD.
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[71]
CDJC, DLIX-1 à 6, Listes nominatives des internés entrés et sortis du camp de Drancy pour la période du 1er janvier au 30 juin 1943 ; AN, F/9, fichiers conservés sous forme de microfilms. Il s’agit : du Tlemcénien Henri Serfati du 68 rue François Miron, le 18 janvier ; de la Batnéenne Raymonde Elbeze du 56 quai des Célestins, le 8 mars ; de la Sétifienne Rose Allouche du 14 rue du Figuier, appréhendée en compagnie de ses enfants Georges et Colette pour « défaut de carte » le 9 mars ainsi que le Batnéen Albert Fhal du 31 rue du Roi de Sicile ; du Tlemcénien Henri Ettouati du 3 rue des Francs-Bourgeois ainsi que de l’Algérois Charles Alliel du 12 rue Pavée, le 17 mars ; de Maurice Sebbane du 43 rue Vieille-du-Temple, natif de Nemours, le 20 mars ; de l’Algérois Judas Dadoun du 12 rue des Rosiers, le 12 juin ; de la Tlemcénienne Férahé dite Berthe Dadoun du 11 rue Mahler, le 13 juin ; du Constantinois Adolphe Nabet du 20 rue de Jouy, le 18 juillet ; de la Bônoise Meriem Lévy du 27 rue des Rosiers, le 28 décembre.
-
[72]
AN, AJ38, 191, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – TOR à TOZ. Marie Touboul, née le 1er mai 1897 à Oran, est déportée le 13 février 1943 par le convoi n° 48 à Auschwitz.
-
[73]
Ibid., 156, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – BEM à BENG.
-
[74]
Le CGQJ invoque les mêmes motifs pour rejeter les demandes de dérogations professionnelles.
-
[75]
AN, F/9/5606/2, Fichier « familial » de la Préfecture de Police de la Seine.
-
[76]
Ibid., F/9/5626/2, Fichier « familial » de la Préfecture de Police de la Seine. La 8e ordonnance allemande (29 mai 1942) annonce l’obligation du port de l’étoile jaune. Son entrée en vigueur est pour le 7 juin. Il va être désormais « interdit aux juifs, dès l’âge de six ans révolus, de paraître en public sans porter l’étoile juive ». La mesure concerne la zone occupée.
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[77]
Ont ainsi fait des mariages mixtes : le garçon boucher Aaron Benhaqui domicilié 27 rue des Rosiers ; le cafetier Charles Alliel du 12 rue Pavée ; le coiffeur Maurice Albou domicilié au 52 rue du Roi de Sicile ; le commerçant en bonneterie Félix Cohen-Solal du 11 rue Mahler ; le contrôleur électricien Adolphe Nabet habitant au 20 rue de Jouy ; Rosette Chassepoux, née Allouche, domiciliée au 1 rue Ferdinand Duval.
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[78]
Jacques Biélinky, Journal…, op. cit., entrée du 18 octobre 1940, p. 62.
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[79]
AN, AJ38, 3162, dossier 33 247 (section VIII R), déjà cit. ; ibid., 3199, dossier 37 141 (section VIII NR), Dossier d’aryanisation établi au nom de El Baze Michel (anciennement Bouskila) – restaurant – 46, rue François Miron Paris (4e) ; ibid., 3174, dossier 37 754 (section VIII R), déjà cité.
-
[80]
Ibid., 2526, dossier 22 102/7 (section VB R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Schmoulowsky Abraham – immeuble – 27, rue des Rosiers Paris (4e). Yad Vashem / CDJC, Collection Georges Epstein.
-
[81]
CDJC, V88, Rapport journalier n° 255 du 14 mai 1941. Cf. Michel Abitbol, Les Juifs d’Afrique du Nord sous Vichy, Paris, Maisonneuve § Larose, 1983, pp. 63-64.
-
[82]
AN, AJ38, 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AV à AZ.
-
[83]
Benichou était le nom de jeune fille de la mère de Lucette Bouchoucha.
-
[84]
AN, AJ38, 176, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – KO à LANZ.
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[85]
Ministère des Affaires étrangères, Série Guerre 1939-1945, Vichy, C État français, 139. Je remercie Catherine Nicault de m’avoir communiqué ce document.
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[86]
AN, AJ38, 154, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – AR à ARZ. On relèvera le caractère approximatif des connaissances géographiques de l’administration : Oujda ne se trouve pas en Algérie, mais au Maroc, à la frontière de l’Algérie il est vrai.
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[87]
Ibid., 176, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – KRA à KRI. Les termes soulignés le sont dans le texte.
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[88]
Selon le site officiel internet de la Mosquée de Paris, « Durant la Guerre 1939-1945 la Mosquée de Paris par ses caves et son accès à la Bièvre (petit cours d’eau parisien) dût jouer un rôle actif dans le sauvetage de nombreux juifs et de résistants puisque le regretté ami de la Mosquée Abraham Assouline avance le chiffre de 1700 personnes… » ; enfin, selon Nidam Abdi dans un article paru dans Libération du 13 juillet 2005 relatant le décès le 2 juillet 2005 de Salim (Simon) Hallali, « La chanson maghrébine orpheline. Précurseur du flamenco chanté en arabe et des cabarets orientaux parisiens, Salim Hallali est mort près de Cannes » […] « À Paris, l’Occupation rattrape l’insouciant Salim. Son ami Mohamed el-Kamal part collaborer à Radio-Berlin, laissant seul le jeune chanteur de charme. Un homme le sortira de la tourmente : le fondateur et recteur de la mosquée de Paris, le Marocain Hadj Benghabrit, le fera passer pour musulman en lui fournissant de faux papiers et en inscrivant le nom du père du chanteur sur une tombe du cimetière de Bobigny ».
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[89]
CDJC, 164a.
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[90]
Ibid., Souche 6973 du carnet de fouille n° 161 du camp de Drancy datée du 5 août 1944. Germaine Roland y dépose à son entrée au camp une somme de 252 francs. Bassano (un hôtel particulier ayant appartenu aux Cahen d’Anvers dans le 16e arrondissement) compose avec deux autres sites parisiens, « Lévitan » et « Austerlitz », les trois camps annexes de Drancy où les Allemands entreposent et font réparer le produit de leurs rapines par des femmes de prisonniers et des conjoints d’Aryens – catégories classées en principe non déportables, avant de les expédier en Allemagne. Cf. Jean-Marc Dreyfus, Sarah Gensburger, Des camps dans Paris, Austerlitz, Lévitan, Bassano. Juillet 1943-août 1944, Paris, Fayard, 2003.
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[91]
Michel Laffitte, Un engrenage fatal. L’UGIF face aux réalités de la Shoah 1941-1944, Paris, Liana Levi, 2003, p. 189.
-
[92]
Darquier, dit de Pellepoix, a succédé à Xavier Vallat à la tête du CGQJ.
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[93]
AN, AJ38, 156, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – BENH à BENZ.
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[94]
Ibid., 153, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ALG à ALL.
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[95]
Interné à Drancy le 17 août 1943, Charles Alliel est déporté le 7 octobre 1943 par le convoi n° 60 de Drancy à Auschwitz, AN, F/9/5605/1, Fichier « familial » de la Préfecture de police de la Seine.
-
[96]
AN, AJ38, 2034, dossier 18 016 (section ID NR). Dossier d’aryanisation établi au nom de Cohen-Solal Félix – bonneterie – 11, rue Malher Paris (4e).
-
[97]
On sait seulement que sa famille a entrepris des démarches pour son transfert à l’hôpital Rothschild, certificat médical à l’appui, et que le 17 janvier 1944, le CGQJ transmet le courrier aux Allemands. AN, AJ38, 189, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – SLA à SOR.
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[98]
Bottin administratif de l’exercice 1943. Paris, annuaire du commerce Didot-Bottin, 1943, p. 398.
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[99]
AN, AJ38, 153, Direction du Statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ALG à ALL.
-
[100]
Michaël R. Marrus et Robert O. Paxton, Vichy et les Juifs, Paris, Calmann-Lévy, 1981, p. 277. Michel Laffitte, op. cit., p. 191. Nicolas Chevassus-au-Louis, Savants sous l’Occupation. Enquête sur la vie scientifique française entre 1940 et 1944, Paris, Éditions du Seuil, 2004, pp. 173-184.
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[101]
CDJC, XXXVI-104.
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[102]
AN, AJ38, 187, Direction du statut des personnes, Dossiers individuels, 1941-1944 – ROSENW à SALZ.
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[103]
Concernant la liste des Juifs natifs d’Algérie déportés de France, cf. Jean Laloum, « La déportation des Juifs natifs d’Algérie », Le Monde juif, n° 129, janvier-mars 1988, pp. 33-48.
-
[104]
AN, AJ38, 3121, dossier 14 306 (section VIII R), Dossier d’aryanisation établi au nom de Pariente Jacques – bazar couleurs – 68, rue François Miron Paris (4e).