Dans son commentaire des Conférences sur l’éthique, la politique et l’esthétique (1814-1833) de Friedrich Schleiermacher, J.-M. Tétaz notait que dans les années 1814-1833, le philosophe allemand, s’interrogeant sur les conditions de constitution de l’action éthique, la délestait de toute référence à quelque impératif catégorique, pour en proposer la genèse au cœur de l’action historique d’une communauté sans cesse mise en demeure de répondre aux défis et tensions issus de ses expériences et de ses traditions propres. La question posée par Hans Joas s’inscrit pour l’essentiel dans cette réflexion générale sur ce qu’on appellerait aujourd’hui une pragmatique de l’action, dont l’assentiment aux valeurs serait l’accomplissement toujours provisoire et fragile. Comment la notion de « droits de l’homme » a-t-elle émergé dans l’espace politique des sociétés « occidentales » ? Pourquoi ce qui apparaît, en cette phase historiquement très limitée, comme un principe indispensable au maintien des sociétés considérées, est-il en permanence ébranlé, quand on le croyait fondé sur des « valeurs » incontestables, au point de les avoir crues éternelles ? Mais l’éternité, précisément, ne fait pas bon ménage avec l’éthique, et les valeurs sont toujours des productions historiques dont il faut alors comprendre la généalogie. H. Joas sollicite en profondeur les moments où se cristallisent peu à peu les arguments en faveur des droits de l’homme, chacun de ces moments constituant une configuration spécifique des attentes et propositions morales des acteurs sociaux, à partir de leurs expériences vécues en commun, et de leu…