Couverture de APC_034

Article de revue

Le secret professionnel et le signalement de la maltraitance sexuelle. L'option de conscience : un choix éthique

Pages 71 à 83

Notes

  • [1]
    Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert 2000, vol. 3, p. 3434.
  • [2]
    Guy Carcassonne, Le trouble de la transparence, in Transparence et secret, Pouvoirs 1997, p. 17.
  • [3]
    Michael Connelly, Le poète, Seuil 1997.
  • [4]
    Le Droit de savoir nom donné à un magazine d’investigation bimensuel diffusée sur TF1 en deuxième partie de soirée de 1990 à 2008. Produite par Charles Villeneuve et Gérard Carreyrou cette émission a été présentée par Patrick Poivre d’Arvor de 1990 à 1994, puis par Charles Villeneuve de 1994 à 2008. Remplacée depuis septembre par « Enquêtes et révélations », présentée par Magali Lunel.
  • [5]
    Éthique, droit et dignité de la personne, Mélanges Christian Bolze, Economica 1999.
  • [6]
    J. Ray, Adagia Hébraïca.
  • [7]
    Bruno Py, « Le sexe et le Droit : un couple sulfureux », in Le sexe et la norme, PUN 2011, pp.15-35.
  • [8]
    « La décriminalisation consiste à faire sortir de la sphère du droit pénal des comportements jusqu’alors incriminés… Ainsi, depuis la Révolution, des agissements comme le blasphème ne sont plus punissables… La loi du 11 juillet 1975 a fait de l’adultère une simple faute civile… » Wilfrid Jeandidier, Droit pénal général, Montchrestien 1991.
  • [9]
    Loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs.
  • [10]
    Introduit en 1992, modifié par la loi du 17 juin 1998 et encore modifié par la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation social modifiant l’article 222-33 du Code pénal. Article abrogé par le Conseil constitutionnel pour violation du principe de légalité criminelle. Cons. constit., 4 mai 2012, QPC n° 2012-240.
  • [11]
    Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs.
  • [12]
    Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.
  • [13]
    Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité créant le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles.
  • [14]
    Loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005. Loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales Article 27. L’article L. 3711-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Lorsqu’il a été agréé à cette fin, le médecin traitant est habilité à prescrire au condamné, avec le consentement écrit et renouvelé, au moins une fois par an, de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la santé et qui entraînent une diminution de la libido, même si l’autorisation de mise sur le marché les concernant n’a pas été délivrée pour cette indication. »
  • [15]
    Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
  • [16]
    Loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux. L’article 222-31-1 a été abrogé suite à une QPC. Cons.cons., Décision n° 2011-163 QPC du 16 septembre 2011. Le recours aux injonctions de soins est devenu quasi-systématique et presque obligatoire. D’aucuns réclame régulièrement que le juge puisse imposer des soins forcés que les médias aiment à appeler « castration », bien qu’il s’agisse de soins temporaires et réversibles. Le dispositif de l’injonction de soins a été créé par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, dans le but de permettre de proposer des soins aux violeurs et/ou agresseurs sexuels curables et volontaires. Depuis, le principe a été très largement étendu et durci. La loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a complété la liste des infractions susceptibles de donner lieu à une peine de suivi socio-judiciaire, l’injonction de soins pouvant désormais concerner les auteurs des infractions les plus graves et non les seuls auteurs d’infractions sexuelles. Puis, la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a appliqué le dispositif de l’injonction de soins, auparavant prononcée exclusivement dans le cadre du suivi socio-judiciaire, aux peines d’emprisonnement assorties du sursis avec mise à l’épreuve (art. 132-45-1 du code pénal), à la surveillance judiciaire (art. 723-30 du code de procédure pénale) et à la libération conditionnelle (art. 731-1 du code de procédure pénale). Enfin, la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental a étendu le champ de l’injonction de soins à la surveillance de sûreté.
  • [17]
    Par exemple, Christian Van Geloven, condamné à perpétuité en 1994 (décédé en prison en août 2011) pour viol et assassinat de deux petites filles près de Perpignan, Marc Dutroux arrêté en 1996 pour de nombreux viols et assassinats, condamné à la réclusion à perpétuité par la Cour d’assises d’Arlon Belgique le 22 juin 2004. L’affaire d’Outreau conduisit 15 accusés de différentes infractions sexuelles devant la Cour d’assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais) du 4 mai 2004 au 2 juillet 2004, puis à un procès en appel auprès de la Cour d’appel de Paris en novembre 2005, lequel se conclut par des acquittements. Francis Evrard, récidiviste, accusé du viol d’un garçonnet de 5 ans en août 2007.
  • [18]
    Étude du Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales, septembre 2010. http://www.laurent-mucchielli.org/public/QP_09_2010.pdf.
  • [19]
    Le Code pénal punit les atteintes à la vie privée, C. pén. art. 226-1, la violation de domicile, C. pén. art. 226-4, l’atteinte au secret professionnel, C. pén. art. 226-13, et au secret des correspondances, C. pén. art. 226-15, la création de fichiers ou de traitement informatiques illicites, C. pén. art. 226-16, l’extorsion de secret, C. pén. art. 312-1 et le chantage à la révélation d’un secret, C. pén. art. 312-10.
  • [20]
    M.-A. Frison-Roche, Secrets professionnels, Autrement 1999, p.18.
  • [21]
    Emile Garçon, Code pénal annoté, T.2, Sirey 1956, art. 378, n°7 ; Roger Merle et André Vitu, Traité de Droit criminel, t.1, Droit pénal général, Cujas, 7ème éd° 1997, n°146, p. 216.
  • [22]
    C.pén., art. 226-13 : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
  • [23]
    Donc, en tant que professionnels de santé et/ou comme professionnels intervenant dans le système de santé, tous les employés, quel que soit leur diplôme, leur compétence et leur statut, sont fonctionnellement soumis au secret professionnel. C. santé publ. art. L1110-4 et C. sec. soc. art. L161-36-1.
  • [24]
    Cass. soc., 7 oct.1997, n°93-41.747 ; CA Rennes, 7 juil. 1998, Juris-Data : 1998-047203. C’est pourquoi, un psychologue dans un établissement de santé, bien que n’étant pas stricto sensu, professionnel de santé, est néanmoins tenu au secret professionnel par la nature de l’établissement dans lequel il intervient. Cass. Soc. 5 juillet 2011, pourvoi : 09-42959.
  • [25]
    Les travailleurs sociaux dans les établissements pénitentiaires (C. proc. pén. art. D462) et les agents de probation (C. proc. pén. art. D594). Il en va de même du personnel, quel que soit son statut, qui accède à des informations nominatives à caractère sanitaire et social détenues par les services des affaires sanitaires et sociales (CASF art. L133-4) et, plus généralement, pour tous les professionnels qui participent aux missions spécifiques du secteur social. Sont ainsi visés : toute personne appelée à intervenir dans l’instruction, l’attribution ou la révision des admissions à l’aide sociale, et notamment les membres des conseils d’administration des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CASF art. L133-5) ; toute personne participant aux missions du service de l’aide sociale à l’enfance (CASF art. L221-6), toute personne appelée à intervenir dans l’instruction des demandes ou l’attribution de l’allocation ainsi que dans l’élaboration, l’approbation et la mise en œuvre du contrat d’insertion ou à qui a été transmis la liste des personnes percevant une allocation de revenu minimum d’insertion (CASF art. L262-34 ; les personnes intervenant dans l’instruction, l’attribution ou la révision de l’aide sociale ou du revenu minimum d’insertion (CASF art. L133-5 et L262-34), les personnes chargées de la surveillance d’un établissement hébergeant des personnes âgées, des adultes infirmes ou en réadaptation (CASF art. L331-2 et L331-3), les agents du Service National d’Accueil Téléphonique pour l’Enfance Maltraitée (SNTAEM, CASF art. L226-9 – numéro 119), les personnes amenées à prendre connaissance du carnet de santé (C. sec. soc. art. L161-1-2), les membres du conseil de famille (CASF art. L224-2), le personnel des services publics départementaux de protection maternelle et infantile chargé du suivi statistique et épidémiologique de la santé des enfants (C. santé publ. art. L2132-3). A cette énumération, la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 (JO du 3 janv. 2004) a ajouté les agents du service d’accueil téléphonique et de l’Observatoire de l’enfance en danger (CASF art. L226-9).
  • [26]
    CASF art. L121-2, L221-1 et L221-6 modifiés par la loi n°2002-2 du 2 janv. 2002 et la loi n° 2003-710 du 1 août 2003.
  • [27]
    CASF art. L121-2 ; V. à ce sujet le point de vue très ferme de Pierre Verdier dans Actualités sociales hebdomadaire n° 2110 du 12 mars 1999.
  • [28]
    Actualités sociales hebdomadaire n° 2365 du 25 juin 2004. De même, il est incompréhensible qu’il ait été jugé qu’un directeur d’établissement privé accueillant des mineurs n’était pas tenu au secret professionnel sauf à être visé par un texte particulier, médecin par exemple. Cass. crim. 8 sept. 1999, n°99-80.501.
  • [29]
    Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Loi dite loi Le Pors, art.26 al.1.
  • [30]
    Constitue une violation du secret professionnel le fait pour une assistante sociale de dénoncer auprès des services de police le séjour irrégulier d’un étranger rencontré dans l’appartement d’un usager dont les enfants étaient l’objet d’une mesure d’assistance éducative. Une assistante sociale dénonce un Sénégalais sans papiers à la police, Le Monde, 27.06.08.
  • [31]
    Le délit est constitué même lorsque la violation du secret bénéficie à une personne unique. Cass. crim. 16 mai 2000, Bull. crim. n°192. Bruno Py, « La confirmation de faits connus peut constituer une violation du secret professionnel », Conseil d’État, 15 décembre 2010, req. n° 330314 - Revue droit & santé numéro 40, mars 2011, pp.169-171.
  • [32]
    Valériane Dujardin, Les relations hôpital, police, justice, Les études hospitalières, 2009. La presse s’est fait l’écho du cas d’une assistante sociale (Catherine Bernard), qui avait été placée en garde à vue le 17 juillet 2007 à Belfort pour « aide au séjour irrégulier d’un étranger ». Celle-ci refusait de révéler l’adresse d’une femme immigrée en situation irrégulière victime de mauvais traitements conjugaux aidée par l’association Solidarité Femmes de Belfort. Convoquée par la Police des Frontières, Madame Bernard a opposé aux policiers, à juste titre, le secret professionnel. Le Procureur a décidé en septembre de l’absence d’infraction, au motif que les assistantes sociales sont astreintes au secret professionnel. (JDJ, n° 267, octobre 2007, p. 3 : « Au pif de la PAF : se taire… » ; ASH n° 2524 28 sept. 2007, p. 46).
  • [33]
    C. Proc. Pén., art. 109, al. 1.
  • [34]
    Bruno Py, Les grandes décisions du droit médical, dir. François Vialla, LGDJ 2009, p.232.
  • [35]
    « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires. N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ».
  • [36]
    L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable : 1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ; (…) ».
  • [37]
    Bruno Py, Le sexe et le Droit, P.U.F., Que-sais-je ? n°3466, 1ère éd°, avril 1999. Toutefois, il est frappant de constater que la liberté sexuelle du mineur de plus de quinze ans est progressivement restreinte. Pour éviter les pressions sur son consentement, susceptibles d’émaner de son entourage familial ou éducatif, le nouveau Code pénal sanctionne l’atteinte sexuelle commise par les ascendants ou personnes ayant autorité. La loi du 18 mars 2003 prohibe spécifiquement la prostitution du mineur, seul cas de répression de la prostitution en Droit pénal français. Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure créant un art.225-12-1 du Code pénal. L’âge du mariage a été relevé pour interdire les mineurs d’y accéder. Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein d’un couple ou commises contre les mineurs. Enfin, la loi du 5 mars 2007 renforce les peines prévues pour corruption de mineur et réprime spécifiquement les propositions sexuelles faites par un majeur à un mineur en utilisant un moyen de communication électronique. Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, modifiant l’art. 227-22 du Code pénal et créant un article 227-22-1.
  • [38]
    CE 4 mai 1983 Service PMI n°22811. La cour d’appel de Caen considère le 15 mai 2007 que ne commet pas de faute le médecin qui signale une suspicion de sévices sexuels sur une jeune fille de 12 ans, bien qu’aucun examen gynécologique n’ait pu être réalisé en raison de l’opposition de la jeune fille, CA Caen, 15 mai 2007, n° 06/00056.
  • [39]
    CE 12 avril 1995.
  • [40]
    Cass.soc. 9 décembre 2009, pourvoi n°08-42.666.
  • [41]
    TA Limoges, 3 novembre 2011, n° 09022183, Marion Guigue, « Réparation du préjudice causé par un signalement infondé de maltraitances et une erreur de diagnostic, » Revue Droit & santé n°47, mai 2012, p407. En l’espèce, l’expertise a établi que le nourrisson était atteint de la maladie des os de verre et que cette pathologie n’était pas associée à des sévices ou des mauvais traitements. Le signalement a donc été effectué alors qu’il n’y avait pas de mauvais traitements. En outre, le diagnostic de maltraitance a été posé bien qu’aucun symptôme propre à la maltraitance n’ait été observé. En effet, le nourrisson ne présentait aucune ecchymose, hématome ou signe pouvant évoquer des secousses répétées. Le Tribunal retient que le CHU a réalisé « un signalement de maltraitance infondé et à tout le moins hâtif ». Contra la cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 18 janvier 2005, n° 02LY01374) avait retenu l’incompétence des juridictions administratives pour statuer sur la réparation du préjudice causé par le signalement au juge des enfants de mauvais traitements.
  • [42]
    Françoise Alt-Maes, « Un exemple de dépénalisation : la liberté de conscience accordée aux personnes tenues au secret professionnel », RSC 1998, p.301 ; Agathe Lepage, « Droit pénal et conscience », Dr. pén. 1999, chron.1.
  • [43]
    Bruno Py, Le secret professionnel, L’Harmattan, Justice au quotidien n°28, avril 2005, pp.114-115.
  • [44]
    Cass. crim. 6 oct. 1999, n°97-85.118. Contra : la chambre criminelle de la cour de cassation a pu juger que « le médecin et l’assistante sociale sont légalement tenus d’informer les autorités judiciaires des atteintes sexuelles infligées à un mineur de quinze ans dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions » Cass. crim., 22 octobre 2002, RAJS-JDJ, n° 227, septembre 2003, p. 60 ; comm. J.-L. Rongé, « La Cour de cassation se laisserait-elle guider par l’air du temps ? », même revue, p. 21 à 30.
  • [45]
    Cass. ch. crim., 27 avril 2011, n°10-82.200. Anne Ponseille, « De l’usage du secret professionnel comme moyen de défense pénale », Revue Droit & santé n°45, janvier 2012, pp. 93-97.
  • [46]
    C. Santé publ., Article R4127-44 Modifié par Décret n°2012-694 du 7 mai 2012 - art. 2 « Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.
    Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience. »
  • [47]
    Cass. crim 26 mars 1997, n°94-80239.
  • [48]
    Christian Guéry, « Le défaut de protection de l’enfant par le professionnel : un nouveau délit ? », D.2001, chron. p.3293.
  • [49]
    « Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de non-assistance à personne en péril la cour d’appel, après avoir rappelé que X… était atteint de mucoviscidose, énonce d’abord, qu’à la suite des actes de sodomie perpétrés sur sa personne, il s’est trouvé dans une situation critique faisant craindre pour lui de graves conséquences tant physiques que morales ; qu’ensuite, elle retient que les prévenus ont été informés de cette situation, au plus tard le 17 décembre et qu’aucun n’a pris en considération l’imminence du péril, pour s’en tenir à une simple mesure d’éloignement de l’agresseur, sans présenter la victime à un médecin ni envisager sa prise en charge par un pédopsychiatre ; Attendu que les juges du second degré ajoutent que chacun des prévenus, à l’instigation de R. et C., soucieux de minimiser, voire de dissimuler les faits, a pris le parti de remettre au 7 janvier l’examen de l’affaire ; Attendu qu’en l’état de ces motifs qui caractérisent la nécessité d’une intervention immédiate, établie par le fait que l’enfant, atteint, par ailleurs, d’une maladie grave, présentait encore, le 30 décembre, des fissures anales douloureuses, ce dont les prévenus, professionnels de la santé ou de l’assistance à l’enfance, ne pouvaient qu’avoir conscience, la cour d’appel a justifié sa décision. » Cass. crim. 8 oct. 1997, n°94-84.801.
  • [50]
    Yves Mayaud, « Des mauvais traitements sur mineurs de quinze ans et de leur retombées, en terme de secours et de dénonciation, sur les professionnels de la santé et de l’assistance », RSC 1998, p.320 ; Claire Roca, « Secret de la confession, secret professionnel et atteintes sexuelles sur mineur », Les Petites Affiches, 6 avril 2001, n°69, p.10.
  • [51]
    Une circulaire du Ministre de l’éducation nationale a pu utiliser trois fois le terme d’« obligation » de signalement, quand la loi définit une option de conscience. PROTECTION DU MILIEU SCOLAIRE, Lutte contre les violences sexuelles, Circulaire Ministère éducation nationale 15-03-2001.
  • [52]
    Stendhal, Extrait du Souvenirs d’égotisme rédigé en 1832, publié en 1892.

1Le secret, garant de l’intimité. Tout secret est, par nature, un obstacle à la libre circulation de l’information et donc à la curiosité. Le mot « secret », nom masculin issu du latin secretum, pensée ou fait qui ne doit pas être révélé, a désigné dès l’origine un ensemble de connaissances réservées à quelques-uns [1]. Réfréner les appétits de révélation, résister aux envies d’autrui de tout savoir devient ambigu et il n’est pas rare d’entendre que secret rime avec suspect... Au siècle de la communication intense et du fantasme de la transparence, il semble que faire référence à la notion de secret est une démarche critiquée, combattue, vilipendée [2]. S’il est vrai que « l’information c’est du pouvoir », alors il ne faut pas être étonné que chaque individu soit animé de désirs paradoxaux : recevoir beaucoup d’information et en donner le moins possible. « La connaissance des secrets d’autrui est un pouvoir enivrant »[3]. Si l’on se place du côté du groupe social et de l’intérêt général, le raisonnement fonctionne également. L’État, les pouvoirs publics, les médias, revendiquent souvent le « droit » de savoir [4], de connaître, de dévoiler. L’individu, isolé, est alors bien faible dans sa tentative de résistance aux curiosités du groupe. Pourtant, chacun s’accorde à penser que parmi les prérogatives essentielles de la personne humaine qui appellent une protection juridique, figure le droit pour l’individu d’être préservé de toute intrusion abusive dans l’intimité de sa vie privée [5]. Or, l’intime s’apparente au mystère, au caché donc au secret. « Ton secret est ton esclave ; mais si tu le laisses s’échapper, il deviendra ton maître »[6].

2La Loi, encadrement de la sexualité. La liste est longue des lois contemporaines ayant eu pour objet d’encadrer la sexualité [7]. Mise à part la loi de 1975 dépénalisant l’adultère [8], toutes visent à limiter, à prohiber ou à renforcer la répression. La loi 1980 étend notablement la définition du viol [9]. La loi de 1992 introduit en France la notion de harcèlement sexuel [10]. Le nouveau Code pénal remplace l’infraction d’outrage public à la pudeur par le délit d’exhibition. La loi du 17 juin 1998 aggrave la répression des infractions sexuelles contre les mineurs et punit spécifiquement le tourisme sexuel [11]. La loi du 18 mars 2003 incrimine le racolage passif, la prostitution des mineurs et la zoophilie [12]. En 2004, la loi Perben 2 crée le FIJAIS [13]. La loi du 12 décembre 2005 permet la prescription de médicament inhibiteur de libido aux délinquants sexuels [14]. La loi du 5 mars 2007 crée le délit de proposition sexuelle à un mineur [15]. Certains prônent des réformes à but purement symbolique, comme celle qui visait à introduire le mot « inceste » dans le Code pénal [16].

3Se taire ou parler, le dilemme. Compte tenu de l’émotion provoquée par la révélation de faits divers impliquant des actes de délinquance sexuelle [17], le législateur contemporain, outre une augmentation de la sévérité du régime répressif des auteurs de viols et d’agressions sexuelles, cherche par tous moyens à prévenir les infractions sexuelles dont le caractère propre est d’être majoritairement commises dans le champ familial. Ainsi le CESDIP démontre-t-il que 47 % des viols sont des crimes intra-familiaux [18]. Or, la découverte et/ou la connaissance de ces faits en dehors du groupe familial n’est le plus souvent possible que par l’intermédiaire de professionnels dont nous allons voir qu’ils sont par principe tenus au secret. Cet état de fait crée des situations de conflit de valeur entre le respect du secret (I) et la possibilité exceptionnelle de trahir le secret pour dénoncer (II).

I – Le principe du secret professionnel

4La principale difficulté rencontrée par le juriste lorsqu’il est sollicité par des professionnels confrontés à des suspicions d’infractions sexuelles consiste à rappeler le fondement du secret professionnel (A), son domaine (B) et sa force (C).

A – Le fondement du secret : la confiance

5Afin de permettre aux citoyens de se sentir à l’abri de la révélation par autrui d’informations confidentielles, le droit pénal français connaît plusieurs incriminations destinées à sanctionner des accès illicites à la sphère privée de l’intimité [19]. A partir de 1810, et sans interruption depuis, le Code pénal prohibe la violation du secret professionnel, parce que depuis des millénaires, les professionnels dont l’art dépend de la confiance de leur interlocuteur savent qu’un malade, un client ou un paroissien ne dévoile une parcelle de son intimité qu’en tremblant de peur que celle-ci soit livrée en pâture aux appétits curieux. La notion de secret professionnel désigne à la fois des faits qui ne doivent pas être révélés et le voile que le professionnel doit conserver pour que les informations qu’il détient ne soient pas connues des tiers [20]. Le fondement même de l’incrimination a longtemps donné lieu à controverse. Dans les premières années du XIXe siècle, certains auteurs estimaient que l’article 378 (ancien Code pénal) avait pour but de sanctionner la violation, analogue à l’abus de confiance, d’un contrat formé entre le praticien et son client (thèse relativiste). Il est désormais admis que le devoir de silence imposé par l’article 226-13 du Nouveau Code pénal a une portée plus large que la protection de l’intimité de tel ou tel individu. Conformément aux principes généraux du droit criminel, la loi pénale, même si elle peut être utile à un justiciable déterminé, a vocation à exprimer ce qui est intolérable pour l’ordre public (thèse absolutiste). C’est pourquoi la sanction pénale est infligée dans l’intérêt public et le délinquant jugé au nom de l’État [21]. Le consentement de la victime ne paralyse donc pas la répression ; laquelle vise à garantir collectivement tous les particuliers qui pourraient un jour être volontairement ou involontairement en contact avec un professionnel susceptible de détenir des secrets intimes.

B – Le domaine du secret : des personnes et des faits

6Contrairement à l’ancien code pénal qui donnait une liste des personnes tenues au respect du secret professionnel, le nouveau code pénal définit quatre « cas d’ouverture » qui élargissent considérablement le nombre des personnes assujetties [22]. Les professionnels de santé ainsi que les travailleurs sociaux et les enseignants sont soumis au respect de l’article 226-13 du Code pénal. Dans le domaine sanitaire, la loi du 4 mars 2002 a défini très largement le champ des personnes tenues au secret. Le secret s’impose : « a tout professionnel de santé, ainsi qu’à tout professionnel intervenant dans le système de santé » [23]. En ce qui concerne le personnel administratif et, en particulier, les secrétaires médicales, la jurisprudence n’hésite pas à considérer que le non-respect du secret professionnel est une faute grave justifiant un éventuel licenciement [24]. Dans le domaine du travail social, le législateur a inégalement défini le périmètre des acteurs soumis au secret professionnel. Si la situation des assistants de services sociaux, par exemple, semble légalement claire, le statut des éducateurs spécialisés est plus complexe. « Les assistants de service social et les étudiants des écoles se préparant à l’exercice de cette profession sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les réserves énoncées aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal » (CASF. art. L411-3). La plupart des travailleurs sociaux sont visés par des textes spéciaux [25]. Les éducateurs spécialisés, quant à eux, ne font pas l’objet d’un texte spécifique. Néanmoins, par le jeu combiné de plusieurs articles, l’ensemble de leurs actes professionnels peut être soumis au secret, sans compter leur fréquente qualité de fonctionnaire [26]. C’est au titre de la fonction, et non de la profession, que les éducateurs travaillant en prévention spécialisée sont clairement astreints au respect du secret professionnel sachant que pour l’accomplissement de ses missions, le service de l’aide sociale à l’enfance peut faire appel à des organismes publics ou privés [27]. Paradoxalement, le délégué à la tutelle, dépositaire de nombreux secrets et d’intimes confidences, n’est pas explicitement tenu au secret professionnel. Décidée à professionnaliser l’exercice de cette mesure, l’Association nationale des délégués et personnels des services de tutelles a mis la question en débat lors d’une journée d’étude à Marseille le 12 décembre 2003. « Parce qu’il ne s’agit pas seulement de protéger des biens, mais aussi la parole du sujet »[28]. Pour les enseignants, leur soumission au respect du secret professionnel découle de leur statut de fonctionnaire : « Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal » [29].

7Quant aux faits couverts par le secret professionnel, la notion de secret par nature est délicate à définir car sa portée est variable suivant la profession envisagée. Il est néanmoins possible de préciser qu’elle comprend tous les faits de la vie privée que les intéressés tiennent en général, pour des raisons quelconques, à dissimuler. Est une information de nature secrète, celle dont la perspective d’une divulgation par le confident risquerait de compromettre la confiance dans le professionnel et, partant, le fonctionnement régulier de la profession. Font partie intégrante de l’intimité, les secrets de santé, les amours secrètes, les secrets de famille et même certains aspects du patrimoine. Les pratiques sexuelles, habitudes ou orientations, sont évidemment secrètes par essence, qu’elles soient licites ou pas. Il faut toutefois que cette information ait été obtenue en lien avec la profession. Il faut distinguer, par exemple, pour l’hypothèse de la connaissance d’un cas de maltraitance, si le professionnel a acquis cette information dans l’exercice de sa profession ou bien dans le cadre de sa vie privée. Celui qui entend les cris d’un enfant battu ne sera pas soumis au secret professionnel s’il s’agit de l’enfant de son voisin (vie privée), alors qu’il serait soumis au secret s’il les entend dans le cadre professionnel [30]. La prohibition de la révélation ne dépend ni du nombre, ni de la qualité des personnes auxquelles le secret est dévoilé. La révélation punissable ne suppose pas une divulgation [31].

C – La force du secret

8S’il est assez facile d’exposer à un professionnel qu’il lui est interdit de prendre l’initiative de révéler à un tiers ce que la confiance de son interlocuteur lui a permis de connaître, il est plus délicat de définir l’attitude à avoir lorsque la justice ou toute autre administration souhaite avoir accès au secret qu’il détient. Il faut alors tenter d’analyser la puissance du secret professionnel autrement dit : la question de l’opposabilité du secret par le professionnel à un tiers. L’assujettissement au secret professionnel suppose une capacité de résister à la plupart des sollicitations extérieures, y compris de la part de la Justice ou de la police [32]. Le code de procédure pénale lui-même prévoit expressément cette résistance du professionnel aux questions qui pourraient lui être posées. « Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal » [33]. La protection du secret professionnel impose de savoir opposer un refus, y compris au représentant des forces de l’ordre, qui serait questionnant. « Il est important de rappeler que le secret professionnel est opposable à toute administration, sachant qu’il n’est pas aisé en pratique de résister aux injonctions d’un agent public, portant parfois uniforme et qui joue souvent sur son autorité naturelle pour pratiquer une sorte de bluff »[34].

9Toutefois, si le respect du secret est de principe, la loi prévoit des exceptions qu’il importe de présenter puisque la principale d’entre elles est la possibilité dérogatoire de signaler certains faits de maltraitance sexuelle aux autorités, nonobstant le secret.

II – L’exception du signalement

10L’article 226-14 du Code pénal évoque : « les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret », sans les préciser, ce qui est source intarissable de conflits d’interprétation. C’est pourquoi il faut analyser les facultés de signaler (A) qui génèrent une véritable option de conscience (B) avant d’étudier l’unique obligation de signaler (C).

A – Les facultés de signaler

11La permission légale explicite. L’article 226-14 du Code pénal permet explicitement de violer le secret professionnel dans trois cas que la pratique a coutume d’appeler des hypothèses de « signalement ». Reprenant en substance les dispositions de l’ancien article 378, l’article 226-14 du Code pénal énonce que l’article 226-13 n’est pas applicable « dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret ». Cette référence à l’hypothèse d’une autorisation légale de commettre une infraction est ni plus ni moins une application du concept plus général de fait justificatif de permission de la loi prévu à l’article 122-4 du Code pénal [35].

12La maltraitance physique ou sexuelle sur mineur ou vulnérable. Bien que le terme de maltraitance soit désormais d’emploi courant, il faut préciser que l’article 226-14-1° vise expressément les faits de privation et de sévices y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles [36]. Ces termes recouvrent toutes les infractions d’atteinte l’intégrité corporelle, par action comme par omission, ainsi que les infractions d’agression sexuelle, du viol jusqu’à l’atteinte sexuelle sans violence. Par le jeu cumulé des infractions de viol, d’agression sexuelle et d’atteinte sexuelle sans violences, le législateur place le mineur de moins de quinze ans en dehors de toute sexualité possible [37]. Par extension, toute forme de sexualité avec un mineur de moins de quinze ans, connue par un professionnel, entre dans les infractions susceptibles d’êtres signalées.

13Les modalités du signalement. Le signalement peut être adressé au procureur de la République, au juge des enfants, mais aussi à un policier, un médecin ou un proviseur. Le médecin chef de service de la protection maternelle et infantile ne viole pas le secret professionnel, lorsque qu’il informe le Procureur de la République d’éléments donnant à craindre pour la santé des enfants [38]. Il a été jugé avant la modification de l’article 226-14 du Code pénal (Loi 20004-1 du 2 janvier 2004) qu’un moniteur-éducateur qui avait averti de son propre chef les services de police de délits commis par des adolescents de son établissement, avait commis une faute en n’avertissant pas au préalable sa hiérarchie [39]. Désormais le texte prévoit in fine : « Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire. » En revanche, n’est pas un signalement la diffusion publique, par une animatrice, de l’audit d’un foyer d’accueil de personnes adultes handicapées mentales qui évoque des mauvais traitements. La cour de cassation valide le licenciement pour violation du secret professionnel [40].

14Maltraitance de majeur et signalement. En ce qui concerne les violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature qui auraient été commises sur des majeurs, l’article 226-14-2° permet au médecin de procéder à un signalement auprès du Procureur de la République. Toutefois, le médecin ne peut déroger au secret professionnel qu’avec le consentement de la victime. Les enjeux de l’ensemble du dispositif sont, d’une part, de permettre l’accompagnement d’une personne qui souhaite extérioriser une information intime par l’intermédiaire du professionnel (autonomie de la personne majeure) et, d’autre part, de favoriser le signalement de situations particulièrement graves nonobstant l’absence de volonté ou de lucidité de la victime exposée au risque (protection de la personne mineure ou vulnérable). Il est fondamental que la femme majeure battue ou violée puisse s’adresser à un soignant sans craindre ispo facto le déclenchement d’une enquête policière ou d’une procédure judiciaire. Le médecin est tenu par le secret sauf accord de la victime majeure et heureusement. Si cela n’était pas le cas on pourrait craindre que des victimes renoncent à être prises en charge médicalement. Le médecin qui accueille la victime majeure doit donc lui assurer qu’il ne parlera à personne, sauf volonté explicite de cette victime qu’il pourra alors accompagner dans ses démarches.

15Signalement et responsabilité. Si dans un souci de protection des personnes particulièrement vulnérables le législateur prévoit que le secret professionnel puisse être levé pour dénoncer des mauvais traitements, cela ne signifie pas que la responsabilité de l’auteur du signalement ne puisse pas être engagée en cas de signalement infondé. Se pose alors la question de la responsabilité de celui qui signale à tort, ce qu’il croit être de la maltraitance physique et/ou sexuelle, dès lors que sa conviction découle d’une faute dans l’analyse des faits. Il a ainsi été jugé que le signalement fondé sur un diagnostic médical fautif engage la responsabilité de l’établissement hospitalier qui peut ainsi être condamné pour avoir procédé à un « signalement de maltraitance infondé et à tout le moins hâtif » ; le placement d’un enfant auprès des services de l’aide à l’enfance pouvant être source de préjudice pour ses parents [41]. Il est donc nécessaire de rappeler à tous les professionnels le principe du secret et l’exception du signalement. Malgré l’empathie ambiante pour les victimes, en particulier mineures, ne doit pas faire oublier qu’un signalement suppose un choix fondé sur une crédibilité suffisante des faits et sur une démarche éthique. Une rumeur, un doute, une suspicion non étayée ne suffisent évidemment pas.

B – L’option de conscience

16Signaler ou pas : un choix éthique. Le professionnel qui est confronté à la délicate situation d’avoir à choisir entre respecter le secret et dénoncer une infraction sexuelle réelle ou fortement plausible concernant une victime mineure est placé devant ce qu’il convient d’appeler : une option de conscience [42]. Il est très important de décrire avec précision les termes de cette option. Soit le professionnel garde le silence, respectant ainsi le secret et nul ne peut lui en faire le reproche car il obéit à la loi en général et à l’article 226-13 en particulier. Soit le professionnel décide de révéler, protégeant ainsi les intérêts d’une victime, et nul ne peut lui en faire le reproche car il obéit à l’article 226-14-1°. Autrement dit, se taire est licite, parler est licite : il peut choisir en conscience [43]. L’avocat qui apprend de son client qu’il entretient des relations incestueuses criminelles avec sa fille demeure libre, face à sa seule conscience de fournir ou non son témoignage sans que le juge puisse le relever de son secret professionnel et l’oblige à témoigner s’il ne le voulait point [44]. Il a été jugé qu’un médecin attaché à un pôle gérontologique, qui avait eu connaissance à plusieurs reprises d’actes de maltraitance physique et psychologique subis par plusieurs pensionnaires dépendants de l’hôpital, et qui s’était abstenu de dénoncer ces faits aux autorités judiciaires en invoquant, notamment, le respect du secret médical, n’était pas coupable de non-dénonciation de mauvais traitements infligés à des personnes vulnérables [45]. Le code de déontologie des médecins se réfère expressément à la notion d’option de conscience [46]. Le professionnel qui apprend que son interlocuteur a été victime d’une infraction dans le passé, fut-elle un crime, peut librement choisir en conscience de parler ou de se taire. La situation est toute autre lorsque la victime est exposée à un péril actuel ou imminent (cf. C).

17La non-dénonciation. Pourtant, au titre des entraves à l’action de la Justice, plusieurs textes du Code pénal imposent aux justiciables de dénoncer aux autorités des faits graves dont la révélation a une importance essentielle pour l’Ordre public. Est alors incriminée l’abstention fautive de celui qui sait et ne parle pas. On relèvera, par exemple : la connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés (C. pén. art. 434-1), la connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger (C. pén. art. 434-3), la connaissance de la preuve de l’innocence d’une personne détenue provisoirement ou jugée pour crime ou délit (C. pén. art. 434-11). La question de savoir si les personnes assujetties au secret professionnel peuvent être poursuivies sur le fondement de ces textes est relativement simple à résoudre puisque le législateur y a pourvu lui-même en disposant expressément, au dernier alinéa de chacune des incriminations : sont exceptées les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13. Entre le respect du secret professionnel et l’intérêt de l’action de la justice, la loi privilégie le secret. On peut considérer que le législateur renonce à sanctionner les professionnels pour non dénonciation afin de les laisser libres de choisir le meilleur moyen de protéger les intérêts de leurs interlocuteurs. Si la loi ne les punit pas pour leur silence, elle les incite néanmoins à savoir révéler à bon escient.

C – L’obligation d’agir, fut-ce en violant le secret professionnel

18Le secours à personne en péril : l’obligation de dénoncer. Dans l’hypothèse d’une personne en péril (risque grave et imminent), le délit d’omission de porter secours ne connaît pas d’exception fondée sur le secret professionnel, ni sur le consentement de la victime. En conséquence, il paraît important de rappeler explicitement que la survenue d’un péril est un cas de dérogation obligatoire au secret professionnel. En cas de péril, notre législation annihile la liberté de conscience du professionnel. Cette hypothèse constitue le seul cas dans lequel un professionnel peut être condamné pour n’avoir pas signalé qu’il connaissait professionnellement une personne dont la santé était très sérieusement compromise. C’est l’hypothèse de non assistance à personne péril (C. pén. art. 223-6 al.2). Le délit d’omission de porter secours à personne en péril, suppose une victime en danger particulièrement grave et imminent, face à laquelle un individu refuse toute forme de secours, y compris par la commission d’une infraction. Ce qu’impose la loi c’est d’agir « soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ». Pour l’individu qui découvre à titre professionnel qu’une personne est en situation de péril grave et imminent la question qui se pose est de savoir si l’obligation de porter secours prime le respect du secret professionnel. Sachant que l’assistance peut être déléguée à un tiers souvent plus apte à gérer une urgence vitale immédiate. « Le médecin informé qu’un malade est en péril, ne commet pas le délit de non-assistance à personne en danger si, dans l’impossibilité de se déplacer, il s’assure que la personne à secourir reçoit d’un tiers les soins nécessaires »[47]. Porter secours n’est pas forcément synonyme de violation du secret professionnel et le signalement à l’autorité judiciaire n’est qu’un moyen parmi d’autres de porter assistance à personne en péril.

19La protection de l’enfant. Bien que le texte de l’article 223-6 du Code pénal s’applique à toute personne en péril, il est évident que c’est aux enfants, que chacun pense de prime abord, au point que certains s’alarment de décisions qui aboutissent à faire de tout citoyen une sorte de protecteur systématique et permanent de tout enfant [48]. S’agissant des enfants maltraités ou susceptibles de l’être, la loi n° 89-487 du 10 juillet 1989 « relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance » a défini un protocole d’action dans lequel, lorsque les services du Conseil Général ont connaissance d’une situation suspecte, le signalement à l’autorité judiciaire n’a pas eu lieu si le but préventif peut être atteint. Il faut que la famille accepte l’intervention du service ou que la suspicion n’apparaisse pas fondée, ou que le sort de l’enfant puisse être amélioré avec l’accord de la famille par l’intervention de ces mêmes services. « Dans chaque département, le président du conseil général est chargé d’exercer une action sociale préventive auprès des familles dont les conditions d’existence risquent de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de leurs enfants. » (CASF art. R221-1). Seuls la crise ou le passage à l’acte violent rendraient un signalement inévitable. L’obligation qui pèse sur celui qui sait qu’un enfant est maltraité est d’agir à son niveau pour que cesse la violence ou la détresse. C’est une action que le législateur a voulue responsable de la part des professionnels, et l’exercice de responsabilités suppose des risques, dont celui de répondre de ses actes en justice. Ce risque ne peut pas être réduit à néant, même par l’envoi précoce d’un signalement puisque si des faits graves surviennent après l’envoi du signalement, il n’est pas exclu, que l’intervenant soit amené à s’expliquer devant la justice sur son action. Le signalement ne doit pas être un moyen de se défausser de sa responsabilité mais l’ultima ratio, lorsqu’il n’existe pas de meilleur moyen de porter assistance.

20Une des rares décisions à avoir condamné des travailleurs sociaux pour omission de porter secours à un enfant leur reprochait explicitement, non pas d’avoir omis de signaler à la justice la situation, mais d’avoir différé la prise en charge globale du mineur [49]. La loi impose d’agir et sanctionne l’inertie. Dans la plupart des cas, le professionnel pourra être utile à la personne en danger sans violer le secret professionnel, ne serait-ce qu’en anonymisant son intervention (Numéro de téléphone 119, par exemple), en veillant personnellement à l’éloigner d’un entourage ou d’un milieu nuisible ou en provoquant des mesures en ce sens, y compris par des subterfuges préservant le secret professionnel. Néanmoins, si le seul moyen efficace de protection consiste à transgresser le secret professionnel, l’obligation de porter secours prime [50]. Bien entendu, dans cette hypothèse, la violation du secret professionnel est justifiée par l’état de nécessité. « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. » (C. pén. art. 122-7). Lorsqu’il y a un péril grave, actuel ou imminent, le secours passe parfois par la parole. S’il est des mots qui tuent, il est des mots qui sauvent.

21Conclusion : Par un classique mouvement de balancier, la société française qui a longtemps mésestimé le sort des victimes d’infractions sexuelles, verse aujourd’hui dans une victimophilie qui confine parfois à la victimolâtrie. En matière de secret professionnel, d’aucuns voudraient faire disparaître cet obstacle à la circulation des informations au nom de l’intérêt prétendument supérieur de La Victime [51]. Pourtant, il faut sans cesse rappeler que le secret professionnel est une institution d’intérêt général qui protège d’abord et avant tout la liberté de chacun d’entre nous de s’adresser en confiance à un professionnel, pour nouer une relation de confiance, sans laquelle, il n’est pas de soin du corps ni de l’esprit qui soit sincèrement possible.

22

« On peut connaître tout, excepté soi-même » [52].

Notes

  • [1]
    Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert 2000, vol. 3, p. 3434.
  • [2]
    Guy Carcassonne, Le trouble de la transparence, in Transparence et secret, Pouvoirs 1997, p. 17.
  • [3]
    Michael Connelly, Le poète, Seuil 1997.
  • [4]
    Le Droit de savoir nom donné à un magazine d’investigation bimensuel diffusée sur TF1 en deuxième partie de soirée de 1990 à 2008. Produite par Charles Villeneuve et Gérard Carreyrou cette émission a été présentée par Patrick Poivre d’Arvor de 1990 à 1994, puis par Charles Villeneuve de 1994 à 2008. Remplacée depuis septembre par « Enquêtes et révélations », présentée par Magali Lunel.
  • [5]
    Éthique, droit et dignité de la personne, Mélanges Christian Bolze, Economica 1999.
  • [6]
    J. Ray, Adagia Hébraïca.
  • [7]
    Bruno Py, « Le sexe et le Droit : un couple sulfureux », in Le sexe et la norme, PUN 2011, pp.15-35.
  • [8]
    « La décriminalisation consiste à faire sortir de la sphère du droit pénal des comportements jusqu’alors incriminés… Ainsi, depuis la Révolution, des agissements comme le blasphème ne sont plus punissables… La loi du 11 juillet 1975 a fait de l’adultère une simple faute civile… » Wilfrid Jeandidier, Droit pénal général, Montchrestien 1991.
  • [9]
    Loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs.
  • [10]
    Introduit en 1992, modifié par la loi du 17 juin 1998 et encore modifié par la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation social modifiant l’article 222-33 du Code pénal. Article abrogé par le Conseil constitutionnel pour violation du principe de légalité criminelle. Cons. constit., 4 mai 2012, QPC n° 2012-240.
  • [11]
    Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs.
  • [12]
    Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.
  • [13]
    Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité créant le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles.
  • [14]
    Loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005. Loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales Article 27. L’article L. 3711-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Lorsqu’il a été agréé à cette fin, le médecin traitant est habilité à prescrire au condamné, avec le consentement écrit et renouvelé, au moins une fois par an, de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la santé et qui entraînent une diminution de la libido, même si l’autorisation de mise sur le marché les concernant n’a pas été délivrée pour cette indication. »
  • [15]
    Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
  • [16]
    Loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux. L’article 222-31-1 a été abrogé suite à une QPC. Cons.cons., Décision n° 2011-163 QPC du 16 septembre 2011. Le recours aux injonctions de soins est devenu quasi-systématique et presque obligatoire. D’aucuns réclame régulièrement que le juge puisse imposer des soins forcés que les médias aiment à appeler « castration », bien qu’il s’agisse de soins temporaires et réversibles. Le dispositif de l’injonction de soins a été créé par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, dans le but de permettre de proposer des soins aux violeurs et/ou agresseurs sexuels curables et volontaires. Depuis, le principe a été très largement étendu et durci. La loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a complété la liste des infractions susceptibles de donner lieu à une peine de suivi socio-judiciaire, l’injonction de soins pouvant désormais concerner les auteurs des infractions les plus graves et non les seuls auteurs d’infractions sexuelles. Puis, la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a appliqué le dispositif de l’injonction de soins, auparavant prononcée exclusivement dans le cadre du suivi socio-judiciaire, aux peines d’emprisonnement assorties du sursis avec mise à l’épreuve (art. 132-45-1 du code pénal), à la surveillance judiciaire (art. 723-30 du code de procédure pénale) et à la libération conditionnelle (art. 731-1 du code de procédure pénale). Enfin, la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental a étendu le champ de l’injonction de soins à la surveillance de sûreté.
  • [17]
    Par exemple, Christian Van Geloven, condamné à perpétuité en 1994 (décédé en prison en août 2011) pour viol et assassinat de deux petites filles près de Perpignan, Marc Dutroux arrêté en 1996 pour de nombreux viols et assassinats, condamné à la réclusion à perpétuité par la Cour d’assises d’Arlon Belgique le 22 juin 2004. L’affaire d’Outreau conduisit 15 accusés de différentes infractions sexuelles devant la Cour d’assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais) du 4 mai 2004 au 2 juillet 2004, puis à un procès en appel auprès de la Cour d’appel de Paris en novembre 2005, lequel se conclut par des acquittements. Francis Evrard, récidiviste, accusé du viol d’un garçonnet de 5 ans en août 2007.
  • [18]
    Étude du Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales, septembre 2010. http://www.laurent-mucchielli.org/public/QP_09_2010.pdf.
  • [19]
    Le Code pénal punit les atteintes à la vie privée, C. pén. art. 226-1, la violation de domicile, C. pén. art. 226-4, l’atteinte au secret professionnel, C. pén. art. 226-13, et au secret des correspondances, C. pén. art. 226-15, la création de fichiers ou de traitement informatiques illicites, C. pén. art. 226-16, l’extorsion de secret, C. pén. art. 312-1 et le chantage à la révélation d’un secret, C. pén. art. 312-10.
  • [20]
    M.-A. Frison-Roche, Secrets professionnels, Autrement 1999, p.18.
  • [21]
    Emile Garçon, Code pénal annoté, T.2, Sirey 1956, art. 378, n°7 ; Roger Merle et André Vitu, Traité de Droit criminel, t.1, Droit pénal général, Cujas, 7ème éd° 1997, n°146, p. 216.
  • [22]
    C.pén., art. 226-13 : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
  • [23]
    Donc, en tant que professionnels de santé et/ou comme professionnels intervenant dans le système de santé, tous les employés, quel que soit leur diplôme, leur compétence et leur statut, sont fonctionnellement soumis au secret professionnel. C. santé publ. art. L1110-4 et C. sec. soc. art. L161-36-1.
  • [24]
    Cass. soc., 7 oct.1997, n°93-41.747 ; CA Rennes, 7 juil. 1998, Juris-Data : 1998-047203. C’est pourquoi, un psychologue dans un établissement de santé, bien que n’étant pas stricto sensu, professionnel de santé, est néanmoins tenu au secret professionnel par la nature de l’établissement dans lequel il intervient. Cass. Soc. 5 juillet 2011, pourvoi : 09-42959.
  • [25]
    Les travailleurs sociaux dans les établissements pénitentiaires (C. proc. pén. art. D462) et les agents de probation (C. proc. pén. art. D594). Il en va de même du personnel, quel que soit son statut, qui accède à des informations nominatives à caractère sanitaire et social détenues par les services des affaires sanitaires et sociales (CASF art. L133-4) et, plus généralement, pour tous les professionnels qui participent aux missions spécifiques du secteur social. Sont ainsi visés : toute personne appelée à intervenir dans l’instruction, l’attribution ou la révision des admissions à l’aide sociale, et notamment les membres des conseils d’administration des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CASF art. L133-5) ; toute personne participant aux missions du service de l’aide sociale à l’enfance (CASF art. L221-6), toute personne appelée à intervenir dans l’instruction des demandes ou l’attribution de l’allocation ainsi que dans l’élaboration, l’approbation et la mise en œuvre du contrat d’insertion ou à qui a été transmis la liste des personnes percevant une allocation de revenu minimum d’insertion (CASF art. L262-34 ; les personnes intervenant dans l’instruction, l’attribution ou la révision de l’aide sociale ou du revenu minimum d’insertion (CASF art. L133-5 et L262-34), les personnes chargées de la surveillance d’un établissement hébergeant des personnes âgées, des adultes infirmes ou en réadaptation (CASF art. L331-2 et L331-3), les agents du Service National d’Accueil Téléphonique pour l’Enfance Maltraitée (SNTAEM, CASF art. L226-9 – numéro 119), les personnes amenées à prendre connaissance du carnet de santé (C. sec. soc. art. L161-1-2), les membres du conseil de famille (CASF art. L224-2), le personnel des services publics départementaux de protection maternelle et infantile chargé du suivi statistique et épidémiologique de la santé des enfants (C. santé publ. art. L2132-3). A cette énumération, la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 (JO du 3 janv. 2004) a ajouté les agents du service d’accueil téléphonique et de l’Observatoire de l’enfance en danger (CASF art. L226-9).
  • [26]
    CASF art. L121-2, L221-1 et L221-6 modifiés par la loi n°2002-2 du 2 janv. 2002 et la loi n° 2003-710 du 1 août 2003.
  • [27]
    CASF art. L121-2 ; V. à ce sujet le point de vue très ferme de Pierre Verdier dans Actualités sociales hebdomadaire n° 2110 du 12 mars 1999.
  • [28]
    Actualités sociales hebdomadaire n° 2365 du 25 juin 2004. De même, il est incompréhensible qu’il ait été jugé qu’un directeur d’établissement privé accueillant des mineurs n’était pas tenu au secret professionnel sauf à être visé par un texte particulier, médecin par exemple. Cass. crim. 8 sept. 1999, n°99-80.501.
  • [29]
    Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Loi dite loi Le Pors, art.26 al.1.
  • [30]
    Constitue une violation du secret professionnel le fait pour une assistante sociale de dénoncer auprès des services de police le séjour irrégulier d’un étranger rencontré dans l’appartement d’un usager dont les enfants étaient l’objet d’une mesure d’assistance éducative. Une assistante sociale dénonce un Sénégalais sans papiers à la police, Le Monde, 27.06.08.
  • [31]
    Le délit est constitué même lorsque la violation du secret bénéficie à une personne unique. Cass. crim. 16 mai 2000, Bull. crim. n°192. Bruno Py, « La confirmation de faits connus peut constituer une violation du secret professionnel », Conseil d’État, 15 décembre 2010, req. n° 330314 - Revue droit & santé numéro 40, mars 2011, pp.169-171.
  • [32]
    Valériane Dujardin, Les relations hôpital, police, justice, Les études hospitalières, 2009. La presse s’est fait l’écho du cas d’une assistante sociale (Catherine Bernard), qui avait été placée en garde à vue le 17 juillet 2007 à Belfort pour « aide au séjour irrégulier d’un étranger ». Celle-ci refusait de révéler l’adresse d’une femme immigrée en situation irrégulière victime de mauvais traitements conjugaux aidée par l’association Solidarité Femmes de Belfort. Convoquée par la Police des Frontières, Madame Bernard a opposé aux policiers, à juste titre, le secret professionnel. Le Procureur a décidé en septembre de l’absence d’infraction, au motif que les assistantes sociales sont astreintes au secret professionnel. (JDJ, n° 267, octobre 2007, p. 3 : « Au pif de la PAF : se taire… » ; ASH n° 2524 28 sept. 2007, p. 46).
  • [33]
    C. Proc. Pén., art. 109, al. 1.
  • [34]
    Bruno Py, Les grandes décisions du droit médical, dir. François Vialla, LGDJ 2009, p.232.
  • [35]
    « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires. N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ».
  • [36]
    L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable : 1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ; (…) ».
  • [37]
    Bruno Py, Le sexe et le Droit, P.U.F., Que-sais-je ? n°3466, 1ère éd°, avril 1999. Toutefois, il est frappant de constater que la liberté sexuelle du mineur de plus de quinze ans est progressivement restreinte. Pour éviter les pressions sur son consentement, susceptibles d’émaner de son entourage familial ou éducatif, le nouveau Code pénal sanctionne l’atteinte sexuelle commise par les ascendants ou personnes ayant autorité. La loi du 18 mars 2003 prohibe spécifiquement la prostitution du mineur, seul cas de répression de la prostitution en Droit pénal français. Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure créant un art.225-12-1 du Code pénal. L’âge du mariage a été relevé pour interdire les mineurs d’y accéder. Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein d’un couple ou commises contre les mineurs. Enfin, la loi du 5 mars 2007 renforce les peines prévues pour corruption de mineur et réprime spécifiquement les propositions sexuelles faites par un majeur à un mineur en utilisant un moyen de communication électronique. Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, modifiant l’art. 227-22 du Code pénal et créant un article 227-22-1.
  • [38]
    CE 4 mai 1983 Service PMI n°22811. La cour d’appel de Caen considère le 15 mai 2007 que ne commet pas de faute le médecin qui signale une suspicion de sévices sexuels sur une jeune fille de 12 ans, bien qu’aucun examen gynécologique n’ait pu être réalisé en raison de l’opposition de la jeune fille, CA Caen, 15 mai 2007, n° 06/00056.
  • [39]
    CE 12 avril 1995.
  • [40]
    Cass.soc. 9 décembre 2009, pourvoi n°08-42.666.
  • [41]
    TA Limoges, 3 novembre 2011, n° 09022183, Marion Guigue, « Réparation du préjudice causé par un signalement infondé de maltraitances et une erreur de diagnostic, » Revue Droit & santé n°47, mai 2012, p407. En l’espèce, l’expertise a établi que le nourrisson était atteint de la maladie des os de verre et que cette pathologie n’était pas associée à des sévices ou des mauvais traitements. Le signalement a donc été effectué alors qu’il n’y avait pas de mauvais traitements. En outre, le diagnostic de maltraitance a été posé bien qu’aucun symptôme propre à la maltraitance n’ait été observé. En effet, le nourrisson ne présentait aucune ecchymose, hématome ou signe pouvant évoquer des secousses répétées. Le Tribunal retient que le CHU a réalisé « un signalement de maltraitance infondé et à tout le moins hâtif ». Contra la cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 18 janvier 2005, n° 02LY01374) avait retenu l’incompétence des juridictions administratives pour statuer sur la réparation du préjudice causé par le signalement au juge des enfants de mauvais traitements.
  • [42]
    Françoise Alt-Maes, « Un exemple de dépénalisation : la liberté de conscience accordée aux personnes tenues au secret professionnel », RSC 1998, p.301 ; Agathe Lepage, « Droit pénal et conscience », Dr. pén. 1999, chron.1.
  • [43]
    Bruno Py, Le secret professionnel, L’Harmattan, Justice au quotidien n°28, avril 2005, pp.114-115.
  • [44]
    Cass. crim. 6 oct. 1999, n°97-85.118. Contra : la chambre criminelle de la cour de cassation a pu juger que « le médecin et l’assistante sociale sont légalement tenus d’informer les autorités judiciaires des atteintes sexuelles infligées à un mineur de quinze ans dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions » Cass. crim., 22 octobre 2002, RAJS-JDJ, n° 227, septembre 2003, p. 60 ; comm. J.-L. Rongé, « La Cour de cassation se laisserait-elle guider par l’air du temps ? », même revue, p. 21 à 30.
  • [45]
    Cass. ch. crim., 27 avril 2011, n°10-82.200. Anne Ponseille, « De l’usage du secret professionnel comme moyen de défense pénale », Revue Droit & santé n°45, janvier 2012, pp. 93-97.
  • [46]
    C. Santé publ., Article R4127-44 Modifié par Décret n°2012-694 du 7 mai 2012 - art. 2 « Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.
    Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience. »
  • [47]
    Cass. crim 26 mars 1997, n°94-80239.
  • [48]
    Christian Guéry, « Le défaut de protection de l’enfant par le professionnel : un nouveau délit ? », D.2001, chron. p.3293.
  • [49]
    « Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de non-assistance à personne en péril la cour d’appel, après avoir rappelé que X… était atteint de mucoviscidose, énonce d’abord, qu’à la suite des actes de sodomie perpétrés sur sa personne, il s’est trouvé dans une situation critique faisant craindre pour lui de graves conséquences tant physiques que morales ; qu’ensuite, elle retient que les prévenus ont été informés de cette situation, au plus tard le 17 décembre et qu’aucun n’a pris en considération l’imminence du péril, pour s’en tenir à une simple mesure d’éloignement de l’agresseur, sans présenter la victime à un médecin ni envisager sa prise en charge par un pédopsychiatre ; Attendu que les juges du second degré ajoutent que chacun des prévenus, à l’instigation de R. et C., soucieux de minimiser, voire de dissimuler les faits, a pris le parti de remettre au 7 janvier l’examen de l’affaire ; Attendu qu’en l’état de ces motifs qui caractérisent la nécessité d’une intervention immédiate, établie par le fait que l’enfant, atteint, par ailleurs, d’une maladie grave, présentait encore, le 30 décembre, des fissures anales douloureuses, ce dont les prévenus, professionnels de la santé ou de l’assistance à l’enfance, ne pouvaient qu’avoir conscience, la cour d’appel a justifié sa décision. » Cass. crim. 8 oct. 1997, n°94-84.801.
  • [50]
    Yves Mayaud, « Des mauvais traitements sur mineurs de quinze ans et de leur retombées, en terme de secours et de dénonciation, sur les professionnels de la santé et de l’assistance », RSC 1998, p.320 ; Claire Roca, « Secret de la confession, secret professionnel et atteintes sexuelles sur mineur », Les Petites Affiches, 6 avril 2001, n°69, p.10.
  • [51]
    Une circulaire du Ministre de l’éducation nationale a pu utiliser trois fois le terme d’« obligation » de signalement, quand la loi définit une option de conscience. PROTECTION DU MILIEU SCOLAIRE, Lutte contre les violences sexuelles, Circulaire Ministère éducation nationale 15-03-2001.
  • [52]
    Stendhal, Extrait du Souvenirs d’égotisme rédigé en 1832, publié en 1892.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.174

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions