Dans la note biographique qu’il rédige pour la première édition de l’Histoire de la folie à l’âge classique, Foucault décrit sa trajectoire dans la décennie écoulée par une phrase justement célèbre : « L’auteur est par profession un philosophe passé à la psychologie, et de la psychologie à l’histoire. » On rappelle moins souvent la phrase qui précède, apparemment anodine : « Ce livre est de quelqu’un qui s’est étonné. » Elle fait pourtant signe vers un quatrième terme, qui s’insinue dans la trajectoire intellectuelle de Foucault : l’ethnologie. À l’occasion de la publication des Mots et les Choses, il définit son entreprise philosophique comme uneethnologie de notre propre société. Il parle aussi volontiers d’une ethnologie de notre culture ou, plus spécifiquement, d’une « ethnologie de notre rationalité ». Ainsi, dans l’entretien « Qui êtes-vous, professeur Foucault ? » publié en Italie en septembre 1967, choisit-il de parler d’une ethnologie « de notre rationalité, de notre “discours” ».
La question du rapport de Foucault à l’ethnologie n’a cessé d’être posée depuis la publication de Folie et déraison. Bien avant les études de Jean-François Bert, régulièrement complétées depuis deux décennies, Roland Barthes et Michel Serres l’ont soulevée d’emblée dans leurs comptes rendus, pour le premier, de la première édition de l’Histoire de la folie, pour le second, de Les Mots et les Choses. Les deux hommes étaient proches de Foucault. Ami de Foucault depuis 1955, Barthes lui avait rendu visite à Hambourg, où il était directeur de l’Institut français pendant l’année 1959-1960, au moment où il terminait la rédaction de sa thèse de doctora…