Les itinéraires intellectuels de Michel Foucault et de Hans Blumenberg présentent des similitudes et des décalages étonnants. Les deux philosophes sont quasi contemporains (Foucault naît en 1926 et meurt – prématurément – en 1984, Blumenberg naît en 1920 et disparaît en 1996) ; la publication de leur ouvrage respectif le plus célèbre, Les Mots et les Choses et Die Legitimität der Neuzeit, a lieu la même année, 1966. Les points de rencontre factuels et positifs entre les deux hommes sont rares – et la question de leur rapport explicite est vite réglée. Les hasards de la vie universitaire et administrative ont fait que tous deux ont échangé une très brève correspondance et failli se rencontrer à l’aurore de leur œuvre. Le lieu de cette rencontre manquée est Hambourg, où Blumenberg fut professeur de 1958 à 1960, tandis que Foucault y dirigea l’Institut français en 1959-1960. Sur quoi porta leur bref échange ? Le biographe de Blumenberg, Rüdiger Zill, le résume ainsi : « Il s’agit seulement d’une lettre de Foucault [du 1er juin 1960] en sa qualité de directeur de l’Institut français de Hambourg, qui y demande (en français) si l’Université de Hambourg serait intéressée par l’idée d’accueillir une conférence du philosophe Maurice de Gandillac, et une courte réponse de Blumenberg (en allemand) [du 8 juin 1960] disant qu’il n’était plus compétent pour y répondre mais qu’il transmettait volontiers la demande. » Si Blumenberg n’est plus en mesure de donner son accord, c’est qu’il vient d’être élu à l’université de Giessen et qu’il quittera donc Hambourg peu de temps après…