Le germaniste et historien des idées Gérard Raulet présente ici, en seize chapitres provenant d’autant de contributions parues entre 1978 et 2021, et refondues en un ouvrage nouveau, les « leçons encore valables pour le présent » d’Emmanuel Kant sur la citoyenneté et l’Europe. À l’encontre d’une présentation de ce dernier comme libéral, il en fait un penseur authentiquement républicain.
S’opposant à ce qu’une interprétation hâtive du cosmopolitisme kantien peut laisser croire, l’auteur insiste sur l’importance de l’échelle de l’État-nation chez Kant. L’Europe, en particulier, ne jouit d’aucun « privilège ontologique » (p. 86) ; de façon intéressante, il déconstruit les rapprochements couramment faits entre l’abbé Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre, Jean-Jacques Rousseau et Kant, en montrant que seuls les deux premiers traitent de la paix en Europe en tant que telle. À l’inverse, c’est à l’échelle de l’État-nation, et à aucune autre actuellement, que se forge pour Kant – comme pour G. Raulet – la citoyenneté et que se construit l’intégration des citoyens ; c’est aussi à cette échelle, plus qu’aux niveaux européen, international ou local, que l’espace public a émergé historiquement et continue de se déployer. Reprenant ici sa thèse de la place centrale de la citoyenneté dans la philosophie de l’histoire kantienne (déjà développée dans de précédents ouvrages), l’auteur en défend une vision dynamique, historique ou comme il le dit, « téléologique ».
Cette vision est conforme, d’après lui, à celle qui a inspiré le « républicanisme de combat » de la fin d…