Comme l’indique Dummett dans la préface à Truth And Other Enigmas, « Truth » avait pour ambition de défendre le principe du tertium non datur (aucun énoncé n’est ni vrai ni faux) contre certaines critiques traditionnelles tout en rejetant le principe de bivalence (tout énoncé est vrai ou faux), ce qui n’a pas manqué de susciter la confusion de beaucoup de lecteurs. En effet, la sémantique classique ne distingue pas clairement ces deux principes, au sens où elle maintient l’équivalence logique des lois qui leur sont associées, à savoir respectivement P v ¬P et ¬¬(P v ¬P), qu’on appelle indistinctement loi du tiers exclu. Du point de vue classique, adhérer au tertium non datur implique ainsi d’adhérer à la Bivalence. Par ailleurs la terminologie étant en la matière malheureuse, puisqu’indistinctement P v ¬P ou ¬¬(P v ¬P) peut être classiquement reçu comme la loi du tiers exclu, on a pu voir dans l’entreprise de Dummett un mouvement paradoxal de maintien et de critique du tiers exclu, respectivement dans la défense du tertium non datur et la critique de la Bivalence. Dissiper la confusion, c’est comprendre que l’originalité de « Truth » tient précisément en une tentative de faire émerger un espace critique là où il n’était guère concevable, jusque dans les termes.
L’attaque contre la bivalence affecte ce que nous conviendrons d’appeler la conception classique de la signification et de la vérité, caractérisée par le fait que la vérité est une propriété des énoncés indépendante de la manière dont on la reconnaît, que le Vrai et le Faux partagent de manière dichotomique et exhaustive tous les énoncés possibles, et que les conditions de vérité d’un énoncé constituent sa signification…