Couverture de APHI_861

Article de revue

L’hygiène mentale selon Heinrich Meng

En marge de l’Institut de recherche sociale et de ses réseaux

Pages 99 à 116

Notes

  • [1]
    Katja Guenther, « Technique, Marginality, and History », in Delia Gavrus et Stephen T. Casper éd., The History of the Brain and Mind Sciences, Rochester, University of Rochester Press, 2017, p. 258.
  • [2]
    La correspondance Horkheimer-Meng (1935-1973) a été en partie numérisée, voir l’inventaire du Nachlass Max Horkheimer : https://arcinsys.hessen.de/arcinsys/list.action?nodeid=g150532&page=1&sorting=41&reload=true. Le fonds Adorno, examiné plus loin, conserve une partie de la correspondance échangée avec Meng (1951-1964).
  • [3]
    Voir Rolf Wiggershaus, Die Frankfurter Schule, Hambourg, Rowohlt, 2010, p. 32. Axel Honneth, « Kritische Theorie. Vom Zentrum zu Peripherie, eine Denktradition », in Die zerrissene Welt des Sozialen. Sozialphilosophische Aufsätze, Francfort, Suhrkamp, 1999, p. 25-72. Katia Genel, « L’approche sociopsychologique de Horkheimer, entre Fromm et Adorno », Astérion, vol. 7, 2010. Sur Internet : http://journals.openedition.org/asterion/1611.
  • [4]
    Theodor W. Adorno éd., Études sur la personnalité autoritaire, Paris, Allia, 2007.
  • [5]
    Voir Emmanuel Delille, « L’organo-dynamisme d’Henri Ey : l’oubli d’une théorie de la conscience considéré dans ses relations avec l’analyse existentielle de Ludwig Binswanger », L’Homme et la Société, dossier « Marges et marginalisations dans l’histoire de la psychologie », n° 167, 2008, p. 203-219.
  • [6]
    Paul Federn et H. Meng éds, Das psychoanalytische Volksbuch, Stuttgart et Berlin, Hippokrates, 1926.
  • [7]
    Helga Reimann est l’auteure d’une thèse de sociologie sur l’hygiène mentale : Helga Reimann, « Die Geschichte der Bewegun », Die Mental Health Bewegung, Tubingen, Mohr, 1967, p. 75-92. Voir également Heinrich Schulte « Geschichte und Aufgaben der Psychohygiene in Deutschland », in H. Ehrhardt, D. Ploog et H. Stutte éds, Psychiatrie und Gesellschaft, Berne, Stuttgart, 1958, p. 156-166. Mathew Thomson, « Mental hygiene as an international Movement », in P. Weindling éd., International Health Organisations and Movements 1918-1939, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 283-304.
  • [8]
    Thierry Trémine, « Clifford Beers, l’hygiène mentale et l’influence américaine en France dans l’entre-deux-guerres », L’Information psychiatrique, vol. 92, 2016, p. 563-566. Annick Ohayon, « Les médecins hygiénistes français face à la politique raciale allemande 1933-1939 », L’Évolution psychiatrique, vol. 66, 2001, p. 348-356.
  • [9]
    Pour un texte empruntant ce type de métaphore, voir H. Meng, « Zur Bedeutung der Psychohygiene und Psychoanalyse für den Soziologen und Sozialhygieniker », Hippokrates, vol. 22, nº 15, 1951, p. 406-409.
  • [10]
    Tomas Plänkers, « Hygiene der Seele. Heinrich Meng (1887-1972) », in T. Plänkers, M. Laier, H.-H. Otto, H.-J. Rothe et H. Siefert éds, Psychoanalyse in Frankfurt am Main, Tübingen, Diskord, 1996, p. 109-140 ; « Idee und Wirklichkeit einer Psychohygiene. Biographie und Werk Heinrich Mengs (1887-1972) », in H. Kretz éd., Lebendige Psychohygiene, Munich, Eberhard, 1996, p. 17-41 ; « Heinrich Meng und sein Begriff der Organpsychose – zur ich-psychologischen Wende psychosomatischer Theoriebildung in den zwanziger und dreißiger Jahren », in A.-E. Meyer et U. Lamparter éds, Pioniere der Psychosomatik, Heidelberg, Asanger, 1994, p. 131-148 ; « Mit Kupfer legieren. Zur Erinnerung an Heinrich Meng », Luzifer-Amor, 1990, p. 87-130.
  • [11]
    Hans Jakob Ritter, Psychiatrie und Eugenik. Zur Ausprägung eugenischer Denk- und Handlungsmuster in der schweizerischen Psychiatrie 1850-1950, Zürich, Chronos Verlag, 2009.
  • [12]
    Ortwin Brenner, Leben und Werk von Professor Dr Heinrich Meng, Johannes Gutenberg Universität, Mainz, 1975.
  • [13]
    H. Meng, Leben als Begegnung, Stuttgart, Hippokrates, 1971.
  • [14]
    H. Meng, « Resultate der Abstinenzbehandlung in der Irrenanstalt », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, vol. XI, 1912, p. 308-332.
  • [15]
    L’influence du psychiatre de Zurich Auguste Forel (1948-1931) et d’autres courants puritains suisses est importante pour comprendre le jeune Meng, avant qu’il ne s’oriente vers le socialisme et le freudisme.
  • [16]
    O. Brenner, Leben und Werk von Professor Dr Heinrich Meng, op. cit., p. 8 et 10.
  • [17]
    Sur la réception de Federn en France, voir l’appareil critique de Sigmund Freud, Cartes postales, notes et lettres de Sigmund Freud à Paul Federn (1905-1938), Paris, Ithaque, 2018.
  • [18]
    Meng travaille à Stuttgart de 1925 à 1929 comme médecin chef dans l’hôpital homéopathique Robert-Bosch.
  • [19]
    Il fréquente le sanatorium Georg Groddeck à Baden-Baden, comme les autres psychanalystes de Francfort. T. Plänkers, « Hygiene der Seele », op. cit., p. 117. Voir également Alexa Geisthövel et Bettina Hitzer éds, Auf der Suche nach einer anderen Medizin Psychosomatik im 20. Jahrhundert, Berlin, Suhrkamp, 2019.
  • [20]
    H. Meng, « Zur Psychopathologie, Ichpsychologie und Psychotherapie „Organischkranker“ (Psyche, Sexus, Krankheit und Schmerz) », Ärztliche Monatshaft für berufliche Fortbildung, 1945, p. 85.
  • [21]
    On attribue habituellement à Otto Fenichel et à Sándor Ferenczi les premiers emplois du terme Organneurose, qui est discuté dès les années 1920-1930 par les spécialistes de la médecine psychosomatique, comme Viktor von Weizsäcker à Heidelberg. Le terme est traduit par « névrose d’organe » et sera utilisé couramment dans les années 1950 par les médecins et les psychanalystes français, ainsi que dans des ouvrages de référence pour l’enseignement de la psychiatrie, par exemple dans la collection de l’Encyclopédie médico-chirurgicale (EMC), sorte de lieu de mémoire de la médecine française. Avant Fenichel, Ferenczi avait proposé le terme Pathoneurose, avant de se ralier à Organneurose avec Felix Deutsch dans Das Psychoanalytische Volksbuch.
  • [22]
    H. Meng, « Das Problem der Organpsychose », Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, vol. 4, 1934, p. 439-458 ; « Organische Erkrankung als Organ-Psychose », Schweizer Archiv für Neurologie und Psychiatrie, vol. 35, 1935, p. 271-283.
  • [23]
    Meng cite pendant la guerre l’étude psychosomatique d’Eric Wittkower, un médecin juif en exil : Eric Wittkower, Einfluss der Gemütsbewegungen auf den Körper, Vienne, Sensen, 1937. Voir H. Meng, « Zur Einführung in die praktische Psychohygiene », Praxis. Schweizerische Rundschau für Medizin, vol. 29, nº 37, 1940, p. 535-537.
  • [24]
    H. Meng, « Ueber Erziehung und Nacherziehung des Kulturmenschen », Psyche, vol. 9, nº 2, 1935, p. 153-157.
  • [25]
    Russell Jacoby, Otto Fenichel : destins de la gauche freudienne, Paris, PUF, 1986.
  • [26]
    Le discours de Freud au congrès de psychanalyse de Budapest en septembre 1918 marque ce tournant.
  • [27]
    Voir Elizabeth A. Danto, Freud’s Free Clinics. Psychoanalysis and Social Justice, 1918-1938, New York, Columbia University Press, 2003.
  • [28]
    Simmel se fait le promoteur de l’hygiène mentale dans la brochure commémorative qui marque les dix ans de l’institut et de la policlinique de psychanalyse de Berlin en 1930. En exil en Californie après 1933, il pensait sincèrement que l’hygiène mentale pouvait prévenir l’antisémitisme. Ernst Simmel, « Zur Geschichte und sozialen Bedeutung des Berliner Psychoanalytischen Instituts », in Berliner Psychoanalytisches Institut, Zehn Jahre Berliner Psychoanalytisches Institut (Poliklinik und Lehranstalt) 1920-1930, Meisenheim, Anton Hain, 1970, p. 7-12 ; Antisemitismus, Francfort, Fischer, 2002. Ludger M. Hermanns et Ulrich Schultz-Venrath éds, « Einleitung », in E. Simmel, Psychoanalyse und ihre Anwendungen, Francfort, Fischer, 1993, p. 9-18. Max Horkheimer, « Ernst Simmel and Freudian Philosophy », International Journal of Psychoanalysis, vol. 29, 1948, p. 110-113.
  • [29]
    Landauer avait lancé une dynamique interdisciplinaire à la faculté de médecine qui incluait Kurt Goldstein. Hans-Joachim Rothe, « Ein exemplarisches Schicksal. Karl Landauer (1887-1945) », in T. Plänkers, M. Laier, H.-H. Otto, H.-J. Rothe et H. Siefert éds, Psychoanalyse in Frankfurt am Main, Tubingen, Diskord, 1996, p. 87-108.
  • [30]
    Voir Wolfgang Bock, « „Lieber Max, wie sehr wir eins sind, wurde mir erst am Tag nach Abgang meines letzten Briefes an Dich klar.“ Max Horkheimer und Karl Landauer als erster Psychoanalytiker am Frankfurter Institut für Sozialforschung », Luzifer-Amor, vol. 58, 2016, p. 118-141. Cet article défend l’idée que Simmel a pris la place d’interlocuteur privilégié du côté de la psychanalyse après la mort de Landauer en déportation.
  • [31]
    T. Plänkers, « Hygiene der Seele », op. cit., p. 122.
  • [32]
    P. Federn, H. Meng et Karl A. Fiesler éds, Das ärztliche Volksbuch, 3 vol., Stuttgart, Hippokrates, 1924-1926.
  • [33]
    Voir Franz Walter, Sozialistische Akademiker- und Interllektuelleorganisationen in der Weimarer Republik, Bonn, Dietz, 1990, p. 133.
  • [34]
    H. Meng, « Seelische Hygiene auf psychoanalytischer Grundlage », Biologische Heilkunst, nº 22, 1932, p. 354.
  • [35]
    H. Meng, « Das Unbewußte II », in H. Prinzhorn, E. Simmel, C. Hacherlin, H. Driesch, M. Dessoir et H. Meng éds, Gedanken zur Zeit. Neu Fragen der Seelenerkenntnis, Francfort, Südwestdeutscher Funkverlag, 1929, p. 73-87. Rappelons que l’inconscient n’est pas une invention de Freud, mais une notion héritée de la médecine romantique allemande et de la littérature du xixe siècle. Voir Henri F. Ellenberger, The Discovery of the Unconscious. The History and Evolution of Dynamic Psychiatry, New York, Basic Books, 1970.
  • [36]
    Voir Frank J. Sulloway, Freud, biologiste de l’esprit, Paris, Fayard, 1998.
  • [37]
    Horkheimer n’a pas ménagé ses efforts pour l’installer aux États-Unis en 1939, mais trop tard pour le sauver.
  • [38]
    Il prit le nom de S. F. Foulkes après s’être établi au Royaume-Uni.
  • [39]
    Une exception notable est la curiosité suscitée par la formation de Norbert Elias à la thérapie de groupe.
  • [40]
    Clara Happel s’est suicidée à la fin de la guerre, isolée aux États-Unis.
  • [41]
    Voir Nina Bakman, « Heinrich Mengs Emigration in die Schweiz 1933 : Ein Fall von Zuwanderung in des Schweizerischen Gesellschaft für Psychoanalyse », Luzifer-Amor, vol. 59, 2017, p. 90-94.
  • [42]
    T. Plänkers, « Hygiene der Seele », op. cit., p. 135. N. Bakman, « Heinrich Mengs Emigration in die Schweiz 1933 », Luzifer-Amor, vol. 59, 2017, p. 90-94.
  • [43]
    H. Meng, Strafen und Erziehen, Bern, Hans Huber, 1934.
  • [44]
    44 H. Meng, « Ueber Erziehung und Nacherziehung des Kulturmenschen », Psyche, vol. 9, nº 2, 1935, p. 155.
  • [45]
    T. Plänkers, « Idee und Wirklichkeit einer Psychohygiene », op. cit., p. 18.
  • [46]
    H. J. Ritter, « Eine ununterbrochene Tradition. Entwicklungslinien in der schweizerischen Psychiatrie 1920-1960 », in M. Prinz éd., Gesellschaftlicher Wandel im Jahrhundert der Politik. Nordwestdeutschland im internationalen Vergleich 1920-1960, Paderborn, Ferdinand Schöningh, 2007, p. 342.
  • [47]
    H. Meng, « Seelische Hygiene auf psychoanalytischer Grundlage », Biologische Heilkunst, nº20, 1932, p. 313.
  • [48]
    H. J. Ritter, Psychiatrie und Eugenik, op. cit., p. 156.
  • [49]
    Voir Gladys Swain, Dialogue avec l’insensé. Essais d’histoire de la psychiatrie, Paris, Gallimard, 1994.
  • [50]
    Voir Andrée Yanacopoulo, Hans Selye ou la cathédrale du stress, Montréal, Le Jour, 1992.
  • [51]
    Dans Zwang und Freiheit in der Erziehung (1945), Meng cite une fois Horkheimer, à côté de psychanalystes et d’intellectuels comme Bernfeld, Fenichel, Fromm, Lukasz, Reich, Rühle.
  • [52]
    Meng a fait l’objet d’une surveillance par des services de l’État en Suisse, dans le cadre de ce qu’on appelle le « scandale des fiches ». Le contenu de son dossier n’est pas communicable pour l’instant.
  • [53]
    Hervé Guillemain, Alexandre Klein et Marie-Claude Thifault dir., La Fin de l’asile ? Histoire de la déshospitalisation psychiatrique dans l’espace francophone au xxe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2018.
  • [54]
    H. Meng éd., Praxis der Kinder- und Jugendpsychologie: Erziehung, Unterricht, Neurosenprophylaxe, Berne et Stuttgart, Hans Huber, 1951 (2e édition 1960).
  • [55]
    Il s’agit de The Psychoanalytic Theory of Neurosis (1945). Voir E. Mühlleitner, Ich-Fenichel, op. cit., p. 389. Cet ouvrage est malheureusement largement hagiographique.
  • [56]
    Meng participe à l’une des premières éditions de la correspondance de Sigmund Freud (les lettres échangées avec le pasteur suisse Oskar Pfister) avec Ernst Freud, l’un de ses fils. Meng était aussi lié à Anna Freud.
  • [57]
    Otto Fenichel, in J. Reichmayr et E. Mühlleitner éd., 119 Rundbriefe, op. cit. Ce comité secret, qui a existé pendant dix ans, devait incarner une sorte de garantie d’une transmission de la psychanalyse freudiennne « orthodoxe » en exil.
  • [58]
    Ibid., p. 366 et 367. Dès les années 1930, Fenichel est un lecteur attentif des publications de l’Institut de recherche sociale et commente la recherche psychosociale menée par Fromm.
  • [59]
    Correspondance croisée de Meng, Pollock, Horkheimer et Adorno (1951 et 1964). Adorno Archiv, Akademie der Künste (Berlin). Je remercie vivement Michael Schwartz.
  • [60]
    Les échanges s’étaient raréfiés pendant la guerre. Pollock rend visite à Meng en 1951. Puis ce dernier échange avec Horkheimer, notamment dans l’objectif d’achats d’ouvrages psychanalytiques de référence pour la bibliothèque de l’Institut de recherche sociale. Les échanges s’intensifient quand Meng est invité par l’université de Francfort en 1952-1953. Adorno prend le relais jusqu’en 1964, mais Horkheimer reste en contact avec Meng.
  • [61]
    Voir Gunzelin Schmid Noerr, « Psychoanalyse im Dienst des gesellschaftlichen Neubeginns. Wie Max Horkheimer und Theodor W. Adorno die Re-Institutionalisierung der Psychoanalyse im Nachkriegsdeutschland förderten », Luzifer-Amor, vol. 58, 2016, p. 92-117.
  • [62]
    Dans un article, il parle de « sociologie dotée d’un soubassement psychologique ». Voir H. Meng, « Zur Bedeutung der Psychohygiene und Psychoanalyse für den Soziologen und Sozialhygieniker », op. cit., p. 407.
  • [63]
    Voir Theodor W. Adorno et Max Horkheimer, Correspondance, vol. IV (Ch. Gödde et H. Lonitz éds.), Paris, Klincksieck, 2016.
  • [64]
    Il est l’auteur de comptes rendus, de notes brèves dans la revue Psyche - Zeitschrift für Psychoanalyse et d’un hommage à Meng : Adolf Friedemann, « Heinrich Meng : psychoanalysis and mental hygiene », in F. Alexander, S. Eisenstein et M. Grotjahn éds, Psychoanalytic Pioneers, New York, Basic Books, p. 333-341.
  • [65]
    Pédagogue, auteur prolifique, formé à la psychanalyse par Pfister, Zullinger s’inspirait aussi de Fenichel.
  • [66]
    « Sigmund Freud und die Soziologie », présentation faite le 29 novembre 1954. Les titres sont ma traduction.
  • [67]
    Maria Pfister-Ammende éd., Geistige Hygiene : Forschung und Praxis, Bâle, Benno Schwabe & Co., 1955 ; Die Psychohygiene : Grundlagen und Zielen, Berne et Stuttgart, Hans Huber, 1949. Ellenberger a participé à cette publication avant de s’installer en Amérique du Nord, lorsqu’il fréquentait les cercles de psychohygiène de Meng en Suisse, en tant que médecin à l’asile clinique du canton de Schaffhouse. Voir Emmanuel Delille, Une histoire comparée de la psychiatrie. Henri Ellenberger 1905-1993, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2021.
  • [68]
    Voir H. Brian M. Murphy, Flight and resettlement, Paris, Unesco, 1955.
  • [69]
    Lettre d’Adorno à Meng du 21 septembre 1954. Adorno Archiv.
  • [70]
    H. Meng, « Sigmund Freud und die Soziologie », Frankfurter Beiträge zur Soziologie, vol. 1, p. 67-76.
  • [71]
    L’initiative est soutenue par Horkheimer, Adorno et Georg A. Zinn, le ministre-président du Land de Hesse. Horkheimer cite Meng et les autres psychanalystes de la première génération dans son allocution d’ouverture (Nachlass Max Horkheimer). Voir aussi G. Schmid Noerr, « Psychoanalyse im Dienst des gesellschaftlichen Neubeginns », op. cit. James Schmidt est l’auteur d’un article qui fait le point sur les stratégies de Horkheimer pour affermir son leadership à l’institut vis-à-vis des autres membres en exil. James Schmidt, « The “Eclipse of Reason“ and the End of the Franfurt School in America », New German Critique, 2007, n° 100, p. 47-76.
  • [72]
    Na 1, 364. Nachlass Max Horkheimer.
  • [73]
    Lettre d’Adorno à Meng, le 12 novembre 1964. Adorno Archiv.
  • [74]
    Lettre de Meng à Adorno le 14 novembre 1964. Adorno Archiv.
  • [75]
    Adorno s’attribue explicitement l’obtention d’une chaire pour Mitscherlich. Voir les correspondances Adorno-Marcuse et Adorno-Mitscherlich (Adorno Archiv). Tomas Plänkers explique de surcroît que ces tensions n’ont pas été sans conséquence sur la documentation dont nous disposons aujourd’hui sur les débuts de la psychanalyse à Francfort, puisque Mitscherlich a ensuite échoué à convaincre Meng de léguer sa bibliothèque. Voir T. Plänkers, « Mit Kupfer legieren. Zur Erinnerung an Heinrich Meng », op. cit., p. 87.
  • [76]
    Alexander Mitscherlich et Fred Mielke, Medizin ohne Menschlichkeit. Dokumente des Nürnberger Ärzteprozesses, Francfort, Fischer, 1978.
  • [77]
    A. et Margarete Mitscherlich, Le Deuil impossible. Les Fondements du comportement collectif, Paris, Payot, 2005.
  • [78]
    Jean-Michel Chapoulie, La Tradition sociologique de Chicago, 1892-1961, Seuil, Paris, 2018.
What appears marginal to us today might well have been central in the past and conversely, what seems central now could well have been marginal earlier. Indeed it is the mismatch between present and past assessments of marginality that can lead to the most egregious of historical sins: teleology, where the historian projects our current understandings of what is central onto a period with very different priorities. Historicizing the marginal thus makes us better historians [1].

1 L’Institut de recherche sociale fondé à Francfort en 1923 est crédité d’avoir favorisé les échanges entre philosophie, psychanalyse et sciences sociales sur la scène intellectuelle de la République de Weimar. Pourtant, certains acteurs bien identifiés dans les réseaux de l’institut restent dans l’ombre parce qu’ils n’ont pas appartenu durablement aux premiers cercles. Tel est le cas de Heinrich Meng (1887-1972), un médecin et psychanalyste qui a quitté Francfort pour la Suisse après l’accession de Hitler au pouvoir. Si Meng a maintenu des liens avec Max Horkheimer, Friedrich Pollock et Theodor W. Adorno en exil [2], pendant et après la guerre, il ne fait cependant pas l’objet d’une attention particulière parmi les spécialistes de la Théorie critique. En outre, il ne fait pas partie du canon des psychanalystes lus par les philosophes. L’objet de cet article n’est toutefois pas de réhabiliter un homme tombé dans l’oubli, d’autant moins que Meng fait l’objet de notices dans les dictionnaires usuels de psychanalyse. Il est plutôt d’interroger la place d’une figure marginale dans la manière dont on écrit l’histoire des relations entre psychanalyse et philosophie, en mettant l’accent sur un programme de réformes sociales plutôt que sur le maniement des concepts qui, du point de vue de l’historien, font écran à la compréhension des pratiques et des institutions en santé mentale. Par exemple, il est déjà bien connu qu’Erich Fromm [3] a introduit les méthodes de la psychologie sociale dans le groupe de Francfort pour des recherches empiriques, avec des techniques comme les échelles d’aptitude, qui seront encore utilisées au sein d’une équipe élargie aux États-Unis pour l’enquête sur la personnalité autoritaire [4]; il est en revanche moins bien connu que les psychanalystes de Francfort participaient à d’autres cercles, comme la médecine psychosomatique et la psychanalyse appliquée aux institutions médicales, juridiques, éducatives et pédagogiques, en marge de la Théorie critique.

2 Pour examiner cette problématique, cet article adopte une perspective historique et un point de vue externaliste. Les phénomènes de marges et de marginalisation ont déjà fait l’objet d’études en histoire de la psychologie [5]. Plus récemment, les historiens Delia Gavrus et Stephen T. Casper ont renouvelé l’histoire des techniques d’exploration de l’esprit et des neurosciences en mettant en lumière les enjeux de la catégorie mouvante (shifting category) du marginal. Car l’innovation technique s’inscrit souvent dans les marges. Elle peut susciter indifférence, mépris, surprise ou incompréhension. Le marginal est de l’ordre du mineur, voire de l’infra-ordinaire cher à Georges Pérec, à moins de faire l’objet d’une redécouverte après une période de purgatoire. En somme, comme le savent bien les spécialistes des réseaux, le centre et la périphérie sont des phénomènes contingents. Cette relativité dépend des interactions entre les acteurs d’un réseau, mais encore, pour le siècle passé, de la mise en intrigue élaborée par les historiens à partir d’une analyse critique des sources. Réfléchir au rôle d’acteurs qui occupent une place marginale dans les relations entre philosophie et psychanalyse a donc une valeur heuristique pour mieux comprendre le passé et pour éviter les pièges mémoriels.

3 Dans cette perspective, l’itinéraire de Meng est intéressant car ses publications et les collections qu’il a dirigées ont connu un véritable succès de librairie, dès les années 1920, avec un ouvrage collectif de psychanalyse appliquée : Das psychoanalytische Volksbuch[6]. Le volontarisme de Meng dans les secteurs de la prévention, de la pédagogie et du soin, qu’il a appelé Psychohygiene, a accompagné de vastes projets de réforme sociale en santé mentale. Car la Psychohygiene n’est pas un concept, il s’agit tout simplement d’une traduction allemande de mental hygiene (hygiène mentale), un mouvement associatif né aux États-Unis pour promouvoir une amélioration des soins. Le mouvement hygiéniste a d’abord été lancé à New York en 1908 sous la forme d’un comité formé par Clifford W. Beers, un ancien usager des institutions psychiatriques, avec des médecins, juristes, universitaires et personnalités publiques influentes en Nouvelle Angleterre. Beers, qui avait une formation universitaire en sciences, avait témoigné des mauvais traitements qu’il avait subis en asile, l’absence de soin et, finalement, son combat pour une psychiatrie qui respecte la dignité des patients. La prise de conscience du véritable état des asiles et la nécessité d’un changement ont ensuite essaimé un peu partout dans le monde [7].

4 En France, cet activisme participe d’un vaste mouvement de réforme de l’aliénisme, ainsi que de la professionnalisation des travailleurs sociaux et des psychologues. Ce mouvement a favorisé l’application des psychothérapies et des techniques d’expertises (tests et évaluations), selon un idéal de rationalisation de la société. Citons l’aliéniste Édouard Toulouse [8], membre fondateur de la Ligue d’hygiène mentale, créateur d’un service libre à Paris (Hôpital Henri-Rousselle) et de laboratoires de recherche en psychologie. Dans l’Allemagne de Weimar, qui n’est pas un état centralisé, des initiatives ont été prises qui n’ont pas toujours utilisé la même étiquette : seelische Hygiene et psychische Hygiene ont d’abord prévalu ; le terme choisi pas Meng s’inscrit plus clairement dans le champ de la psychanalyse, en conservant la même racine (Psychoanalyse, Psychohygiene). Mais le terme hygiène s’ancre d’abord dans l’imaginaire et les succès de la lutte contre les maladies infectieuses [9], c’est pourquoi il a été appliqué au champ de la santé mentale, au sens d’une hygiène individuelle et sociale. Loin d’être anecdotique, l’hygiène mentale est centrale pour comprendre la transformation du champ médico-psychologique, et les politiques de santé publique qui ont mis fin au modèle asilaire, c’est-à-dire la recherche d’alternatives à l’enfermement. Tout cela est bien connu en histoire de la santé, mais encore largement ignoré en philosophie. Il faut donc adopter un point de vue diachronique pour en saisir les enjeux.

Rappels biographiques

5 Le psychologue Tomas Plänkers est l’auteur d’une série d’articles sur Meng [10]. Plus récemment, l’historien Hans Jakob Ritter a exploré les développements de la psychiatrie dans le canton de Bâle (où Meng a exercé) dans le cadre d’une analyse bien documentée de l’eugénisme en Suisse [11]. Dans le genre biographique, le médecin Ortwin Brenner est l’auteur d’une thèse de doctorat de médecine [12] sur Meng qui s’appuie largement sur son autobiographie [13]. Ce dernier est né le 9 juillet 1887 à Hohnhurst, dans le pays de Bade. Après avoir fréquenté le lycée à Karlsruhe, il commence ses études de médecine à Fribourg et les achève à Heidelberg en 1911. Ses premières publications dans le domaine de la santé mentale datent de cette époque : alors que Meng est interne dans un asile de Brême, il publie une étude longitudinale [14] sur le traitement de l’alcoolisme et les effets de l’abstinence [15].

6 Brenner indique que Meng s’intéressait déjà aux psychothérapies (hypnose et suggestion) pendant ses études de médecine. Ses premiers contacts avec la psychanalyse ont eu lieu pendant la Grande Guerre [16] : il fait connaissance avec Karl Landauer (1887-1945) à cette occasion, probablement dans un lazaret. Meng commence à correspondre avec Freud en 1918, alors qu’il est médecin à Stuttgart. C’est lui qui recommande Paul Federn [17] (1871-1950) pour une analyse didactique à Vienne, où Meng fera des séjours réguliers de 1920 à 1938. Federn est un maître et un collaborateur auquel Meng rendra constamment hommage. Dans l’ancienne capitale de l’empire des Habsbourg devenue celle d’une jeune république, il approche également des neuropsychiatres comme Julius Wagner-Jauregg et Otto Pötzl, ainsi que des psychothérapeutes non freudiens au sein des différents cercles médicaux, mouvements homéopathiques [18], diététiques et hygiénistes qui s’épanouissent à l’époque. Loin de se limiter à la psychologie, Meng fréquente des professionnels de santé incluant des chercheurs en endocrinologie et en médecine psychosomatique, ce qui permet de rappeler que la sexualité n’était pas seulement un objet d’étude des épigones de Freud au début du xxe siècle, mais aussi de recherches spécialisées sur les hormones en physiologie et en médecine interne.

7 Meng a affiché très tôt sa curiosité pour la médecine psychosomatique [19], sous l’influence de la conception de Federn de la psychologie du moi et des pathologies du narcissisme [20]. Il est le promoteur de notions aux définitions très large : Organneurose[21] et Organpsychose[22]. Si le premier terme englobe un ensemble de troubles psychosomatiques bien identifiés et de problématiques classiques dans ce domaine [23], le second porte sur les troubles organiques, auxquels les psychanalystes tentent d’imputer également des facteurs psychogénétiques liés à des expériences morbides dans la petite enfance. Le principe explicatif est le suivant : les troubles organiques seraient, comme les manifestations névrotiques examinées par Freud, le résultat secondaire de troubles psychologiques primaires, que Meng rapproche des états psychotiques latents parce qu’ils prendraient leur origine dans des traumatismes ou conflits psychiques plus archaïques et plus graves que les états névrotiques ordinaires. Ils auraient ainsi pour fonction la dérivation des troubles psychotiques, sur le mode d’un processus de défense qui les fixerait sur le corps et les organes. Ces pathologies mettraient en cause le milieu familial, social et l’éducation. Meng a vu dans ce schéma explicatif de type holiste une manière de penser les liens entre différents domaines de la santé, la psychologie et les « facteurs du milieu [24] », comme nombre de ses contemporains.

8 D’une certaine manière, il s’agit de prolongements des travaux de Freud sur la conversion, au-delà de l’hystérie du xixe siècle, mais d’un tout autre point de vue, en insistant sur le rôle du milieu : Meng apporte ici sa contribution au courant médical et psychanalytique d’orientation socialiste qui se développe à Berlin autour d’Otto Fenichel (1897-1946). Neuropsychiatre et psychanalyste d’origine autrichienne, Fenichel est surtout connu pour son orientation freudo-marxiste [25], aile gauche du mouvement psychanalytique, par contraste avec son establishment, mais que Freud a appuyée après la défaite de 1918 [26] et l’arrivée au pouvoir des sociodémocrates.

9 Cet éclectisme aux frontières de la médecine, de la psychologie et du socialisme se retrouve dans d’autres rencontres de Meng. En 1923, lors d’un voyage en Union soviétique, il est consulté par les autorités en raison de la santé de Lénine, ce qui implique qu’il ait déjà eu un certain crédit scientifique à son actif et su donner des gages sur le plan politique à ses interlocuteurs. Pendant le même séjour, il se documente sur Pavlov et son école, ainsi que sur les politiques sanitaires soviétiques. Lors d’autres séjours à Berlin, Meng fréquente le neurologue et psychothérapeute Paul Schuster, le médecin homéopathe August Bier, ainsi que la policlinique [27] de l’Institut de psychanalyse de Berlin et le sanatorium de Tegel fondée par le psychanalyste Ernst Simmel (1882-1947). Cette clinique n’a fonctionné qu’entre 1927 et 1931, mais elle a connu un certain rayonnement, d’autant plus que Simmel est alors un promoteur actif de la médecine sociale et de l’hygiène mentale [28], membre fondateur de l’Association des médecins socialistes (Verein sozialistischer Ärzte, VSÄ), comme Fenichel. Dès les années 1920, ce dernier animait un séminaire à Berlin (Kinderseminar), qui rassemblait des psychanalystes à gauche de l’échiquier politique. Cela signifie que la convergence d’idées freudo-marxistes à Francfort s’inscrit dans un courant déjà existant en Allemagne et que l’institut de Francfort s’inspire en partie du modèle berlinois. Cependant, la configuration à Francfort est inédite, car pour la première fois une société de psychanalyse est accueillie à l’université par des chercheurs en sciences sociales.

Le groupe de travail psychanalytique d’Allemagne du sud-ouest et l’hygiène mentale

10 L’Institut psychanalytique de Francfort (Frankfurter psychoanalytisches Institut ou, selon les documents, Gastinstitutes für Psychoanalyse an der Universität Frankfurt) a été créé par un groupe de travail régional de type Rhein-Main-Neckar sous la direction de Landauer [29]. Il est hébergé dans les locaux de l’Institut de recherche sociale grâce à l’entremise de Horkheimer, qui a fait une courte analyse didactique avec Landauer, dont il restera très proche, même dans l’exil, partageant ses idées sur la psychanalyse dans sa correspondance [30]. Les membres de l’institut psychanalytique de Francfort délivraient un enseignement, disposaient d’une bibliothèque et proposaient des soins. À côté de conférences d’introduction à la psychanalyse, l’enseignement de Meng exposait plus particulièrement la psychanalyse appliquée à la médecine, à la pédagogie et à la justice, et animait des groupes avec des professionnels dans ces domaines respectifs [31]. En revanche, cet institut n’a jamais contribué à former des psychanalystes, une fonction qui est restée le monopole de celui de Berlin. Aux côtés de Landauer, l’un des premiers psychiatres allemands à avoir entrepris une analyse didactique avec Freud, Meng assume le rôle de directeur adjoint, ce qui signifie qu’il est loin d’être insignifiant, d’autant qu’il fonde simultanément un institut de pédagogie d’inspiration freudienne (Institut für psychoanalytische Pädagogik). Il faut certes s’intéresser ici aux phénomènes de réception pour saisir le contexte : un livre de vulgarisation comme Das psychoanalytische Volksbuch avait plus de chance d’être lu par le grand public que des écrits théoriques de Freud, car il n’était pas destiné aux spécialistes de neuropsychiatrie. Ce succès de librairie s’ajoute à un ouvrage répondant au même cahier des charges, Das ärztliche Volksbuch[32]. Soulignons que deux figures de proue de la pédagogie d’inspiration freudienne, Oskar Pfister et August Aichhorn, signent des chapitres de Das psychoanalytische Volksbuch. Les Volksbücher sont réédités quand l’Institut de psychanalyse ouvre à Francfort, une date qui coïncide avec le lancement de groupes locaux de l’association des médecins socialistes dans les grandes villes allemandes, où ils promeuvent l’hygiène sociale [33].

11 Meng fait partie des médecins pour qui les idées de Freud doivent contribuer à un changement profond de nos modes de vie et de civilisation, au même titre que celles de Hegel, Nietzsche, Lassalle, Marx et Lénine, sans pour autant faire de la philosophie, mais plutôt de la pédagogie. Loin d’une analyse marxiste ou même wébérienne de la société, il attache beaucoup d’importance aux liens entre vie affective et socialisation de l’enfant, en passant par le rôle des soins et des images parentales dès le plus jeune âge. Il s’intéresse ainsi à l’aptitude de l’enfant à vivre plus tard en société en tant qu’adulte. C’est pourquoi une bonne hygiène mentale constitue la condition d’une intégration saine à son milieu et libre à la vie culturelle [34]. Outre la psychologie médicale, l’éducation populaire, l’éducation physique, la vie en collectivité et les loisirs font partie des matières abordées par Meng.

12 Dans un article de 1929 portant sur l’inconscient psychologique inspiré des conceptions de Freud et Federn [35], Meng oppose le moi socialisé par la culture (Kultur-Ich) au moi pulsionnel (Trieb-Ich) ; la tension entre les exigences de la société et l’inconscient pulsionnel serait responsable des troubles psychonévrotiques, mais aussi de formations inconscientes comme le rêve et les phénomènes de la vie quotidienne (lapsus, après-coup, acte manqué, déjà-vu, etc.). C’est donc l’interaction entre le psychisme et la société, entre les pulsions et les institutions culturelles, qui est au centre de l’analyse de Meng. Plus précisément, son regard ne se tourne pas seulement vers la force et les faiblesses du moi comme chez Federn, mais aussi vers le rôle pathogène de l’environnement, décliné en fonction des milieux de vie : familial, scolaire, professionnel, social, religieux, etc. Plus les influences néfastes de l’environnement se font sentir sur l’individu, plus il souffre de troubles psychiques et de maladies. Outre ce « rousseauisme » de bon aloi, Meng partage avec nombre de médecins et de psychologues de l’époque la croyance que la gravité des troubles organiques serait aussi due à un mauvais développement psychoaffectif. C’est une vision à la fois naturalisante et psychologisante, inspirée par la biologie fin de siècle de Haeckel, selon qui « l’ontogenèse récapitule la phylogenèse », un postulat évolutionniste [36] que les premiers psychanalystes ont largement intégré. Toutefois, les rapports de l’âme et du corps ne sont pas seulement pensés de manière œdipienne : les troubles nerveux et les blessures de la Grande Guerre ont obligé les thérapeutes à repenser les traumatismes de manière globale, en prenant davantage en compte le rôle de l’environnement, pas seulement les fantasmes.

Meng publiciste et enseignant en Suisse

13 Le groupe de Francfort cesse ses activités avec l’arrivée au pouvoir de Hitler, ce qui signifie qu’il fonctionna tout au plus cinq ans, de 1928 à 1933. Une très courte période en définitive, qui invite à la prudence : cela n’implique pas nécessairement des liens profonds entre les membres lors de leur dispersion. En règle générale, dans la littérature disponible sur l’Institut de recherche sociale et ses liens avec la psychanalyse, le nom de Meng est simplement cité à côté de celui de Landauer, mort tragiquement en déportation dans le camp de concentration de Bergen-Belsen [37]. Puis, par cercles concentriques, il est peu ou pas associé à Erich Fromm et Frieda Fromm-Reichmann du côté de la psychanalyse, de la psychiatrie et de la psychologie, mais quasiment jamais à Horkheimer et Adorno en philosophie et sociologie. C’est aussi le cas de Siegmund H. Fuchs (1898-1976), alors qu’il est l’un des pionniers de la thérapie de groupe [38], une pratique devenue rapidement internationale mais qui ne suscite pas la curiosité des philosophes [39], car guère prestigieuse intellectuellement. Pensons aussi aux femmes psychanalystes, par exemple Clara Happel [40] (1889-1945), qui ne résidait pas à Francfort. Meng n’est donc pas le seul acteur des réseaux de l’Institut de recherche sociale marginalisé aujourd’hui. Les alliances nouées dans l’atmosphère libérale de Weimar n’ont pas toujours résisté aux ambitions professionnelles ni à l’éloignement géographique. Bien que ni juif ni membre d’un parti politique, Meng est en danger au même titre que les autres acteurs de l’Institut de recherche sociale, car intime de certains leaders communistes allemands (Clara Zetkin) et membre du VSÄ.

14 Alors qu’un noyau de l’Institut de recherche en sciences sociales s’établit à Genève, Meng s’installe définitivement à Bâle en 1933, où il promeut une approche intégrée biopsychosociale. Son diplôme de médecin n’étant pas reconnu, il dispense des cours en tant que psychologue à la Volkshochschule grâce au soutien de Hans Hunziger [41], qui y enseigne déjà l’hygiène et la médecine sociale. Il devient également membre titulaire de la Société suisse de psychanalyse en 1935 [42], où il fréquente par exemple Oskar Pfister. Dès son installation en Suisse, il consacre un ouvrage à la pédagogie, Strafen und Erziehen[43] (1934), tiré d’un enseignement délivré dans un institut bâlois (Institut für Behandlung neuzeitlicher Erziehungs- und Unterrichtsfragen). Pour diffuser son message, Meng anime aussi des revues (Zeitschrift für psychoanalytische Pädagogik ; Hippokrates : Informationen aus der medizinischen Wissenschaft und Praxis). Sans entrer dans les détails, le champ sémantique de la prévention que Meng y mobilise est riche en allemand : Präventivmedizin, Prophylaxe, Neurosenprophylaxe, Hygiene, geistige Hygiene, Sozialhygiene, Volkserziehung, etc. La prévention commence par la formation des professionnels de santé et par l’offre pédagogique (Erziehungsberatung, der Erzieher, de kulturelle Erziehung, Erziehungsmethode, Pädagogik, etc.). Aux portes de l’institution hospitalière, le message de Meng est d’inciter les pouvoirs publics et les services sanitaires à créer des dispensaires, offrir des consultations ouvertes et des cures ambulatoires. L’industrialisation et l’urbanisation croissante provoquent de graves problèmes d’hygiène qui résultent de situations difficiles tant sur le plan social que psychologique, liées au déracinement et au désarroi des familles, démunies lorsqu’elles sont privées du soutien et de l’encadrement de la vie traditionnelle. Cette détresse psychologique, sociale et économique excède largement la médecine générale et la psychiatrie traditionnelle, longtemps limitée aux maladies mentales chroniques. La clientèle des psychothérapeutes de l’époque se cantonne à une élite sociale ; l’offre pour les classes populaires et moyennes reste à inventer. L’exode rural, la précarité entraînée par le style de vie urbain [44], les accidents du travail et l’absence de protection sociale adéquate entraînent misère et souffrance psychologique, mais aussi la création de dispositifs de contrôle par les autorités, inquiètes de la moralité du peuple [45].

15 En Suisse, un Comité national d’hygiène mentale existe depuis 1926 [46], qui a aidé l’intégration de Meng. Déjà au début du siècle, Forel se faisait le promoteur d’une forme d’hygiène de l’esprit imprégnée d’eugénisme et inspirée par le darwinisme social ambiant. Dans le cas allemand, l’année qui voit la fondation du groupe de travail psychanalytique de Francfort est aussi celle de l’organisation d’une première conférence par l’Association allemande d’hygiène mentale (Deutschen Verbandes für Psychische Hygiene) à Hambourg, le 20 septembre 1928. Un exposé de Meng écrit dans cette perspective est repris dans l’article « Seelische Hygiene auf psychoanalytischer Grundlage » : Meng introduit ce thème en prenant appui sur les progrès de l’hygiène corporelle lors des premières décennies du siècle, tout en déplorant, sur la base d’une simple analogie, l’absence d’avancée en santé mentale [47]. Face à cet écueil, il invoque le rôle salutaire du développement de la psychanalyse de Freud, qui s’applique à la santé mentale de l’adulte comme à celle de l’enfant. Puis il explique les objectifs du mouvement d’hygiène mentale. Dans le contexte de la psychiatrie allemande, rappelons que la promotion de la prévention et la prophylaxie des troubles mentaux sont des politiques qui s’insèrent dans des débats beaucoup plus larges sur l’eugénisme, la race (imprégnée de la théorie de la dégénérescence à la fin du xixe siècle) et la stérilisation des malades mentaux. L’un des avocats de l’eugénisme et du nazisme est le psychiatre suisse Ernst Rüdin, spécialiste de l’étiologie génétique des troubles mentaux, directeur d’un département de recherche de l’Institut Max-Planck de psychiatrie à Munich.

16 Dans les années 1930, la Suisse, pays à majorité germanophone, est prise en étau entre le mouvement d’hygiène mentale qui promeut des mesures positives d’aide et de conseil aux familles, et la politique eugéniste allemande qui, sous l’impulsion de Hitler, va appliquer des mesures de privation de liberté, la stérilisation forcée des malades mentaux et des handicapés, puis leur assassinat programmé (Aktion T4, menée de 1939 à 1941). Dans le canton de Bâle, l’historien Hans Jakob Ritter souligne que le directeur de la clinique psychiatrique Friedmatt, John E. Staehelin, a au contraire mis au-dessus de tout l’exigence de soigner tous les malades, même réputés incurables, en 1940 [48]. La révélation publique de l’assassinat des malades mentaux et handicapés par le régime national-socialiste a éloigné la Suisse des pratiques eugénistes allemandes pendant la guerre, bien que la stérilisation y ait été appliquée. Le repoussoir du modèle allemand a bénéficié au mouvement d’hygiène mentale, valorisé et appliqué comme politique officielle en Suisse, mais de manière différenciée en fonction des cantons, grâce notamment à l’action d’associations locales. La jonction entre psychanalyse et hygiène mentale dans la psychiatrie suisse sera durable. La santé individuelle et collective passe alors par la prévention et les mesures de prophylaxie que Meng défend depuis les années 1920, mais dans la continuité des projets de réforme nationale propre à la Suisse. André Répond (canton du Valais) est l’une des figures de proue de l’hygiène mentale, où s’illustre aussi Heinrich Hanselmann (canton de Zurich) ; Meng joue un rôle d’activiste et d’enseignant : l’université de Bâle crée pour lui un poste de lecteur (Dozent) en hygiène mentale en 1937, le premier de ce genre en Europe. L’enseignement de Meng comporte cinq axes : 1. Prophylaxie des névroses de la petite enfance, de l’écolier et de la puberté ; 2. Consultations conjugales et sexuelles. 3. Éducation au moment des phases critiques de la vie, de l’âge mûr et du grand âge. 4. L’hygiène sociale comme problème de psychologie sociale, des pulsions amoureuses et d’agressivité. 5. Névroses de guerre et traumatiques.

17 Selon Hans Jakob Ritter, le programme d’hygiène mentale donne une image positive à la psychiatrie qu’elle n’avait pas auparavant. Elle bénéficie alors de la mise au point de nouveaux traitements : pas seulement les psychothérapies, mais aussi des traitements biologiques comme la cure d’insuline, le traitement de choc au cordiazol (qui sera remplacé par l’électrochoc), la cure de sommeil (expérimentée par Jakob Kläsi à Berne) et la thérapie occupationnelle. Celle-ci a été formulée par le psychiatre allemand Hermann Simon, sous la forme d’une thérapie active : l’asile ne doit pas être seulement un lieu de retraite, une forme de travail adaptée au patient doit l’aider à sa réinsertion dans la vie active. Finalement, il faut insister sur un point largement occulté dans les rapports entre psychanalyse, philosophie et sciences sociales : il est impossible de séparer la prévention des traitements psychologiques et biologiques, parce qu’ils sont contemporains et parce que les traitements biologiques sont souvent une condition d’accès [49] à une thérapie par la parole et à une insertion sociale dans le cas des pathologies chroniques les plus lourdes.

18 Meng écrit de nombreux livres pendant la guerre : Seelischer Gesundheitsschutz (1939), Praxis der seelischen Hygiene (1943), Psyche und Hormon (1944), Protection de la santé mentale (1944) et Zwang und Freiheit in der Erziehung (1945). Parmi eux, Psyche und Hormon est un ouvrage de médecine psychosomatique à la fois fidèle aux principes de Freud et de Federn, et remis au goût du jour en fonction des nouvelles connaissances médicales ; la seconde édition propose une refonte sous la forme d’un ouvrage collectif, avec la participation de Hans Selye [50], spécialiste canadien du stress, un modèle qui supplante rapidement le modèle énergétique de la libido dans le domaine de la psychologie médicale.

19 Mais aucun des ouvrages publiés par Meng en Suisse n’introduit de collaboration avec les membres de l’Institut de recherche sociale en exil, les citations sont rares [51]. Toutefois, il ne faut pas en tirer de conclusion prématurée : la correspondance avec Horkheimer montre clairement qu’ils sont restés en contact jusqu’au début de la guerre et que Meng a songé à fuir l’Europe pour s’installer aux États-Unis en 1940, comme les autres.

Après guerre, des relations qui peinent à reprendre

20 Meng est nommé professeur en 1945 à la Faculté de médecine de l’université de Bâle. Si le premier congrès international d’hygiène mentale avait été organisé à Washington (1930), les suivants ont eu lieu à Paris (1937) et Londres (1948). L’enseignement de Meng s’adosse donc à un mouvement largement international qui poursuit son expansion une fois la paix revenue, avec le soutien de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, Genève) créée en 1948, en même temps que la Fédération internationale d’hygiène mentale. Dans les publications de Meng d’après-guerre, l’apport de la sociologie et la critique de la modernité sont relativement plus présents. En tirant ses exemples des problèmes liés à la culture de masse et à l’individualisme, ou encore à l’angoisse de la bombe atomique (age of anxiety), il continue à expliquer que toute névrose est sociale, que la capacité du groupe social à « faire culture » dépend aussi de celle, psychologique, d’établir des liens sociaux sains dès l’enfance. La sociologie de la famille, la maturité affective et l’aptitude à vivre en société sont des thèmes très prégnants, formulés dans les termes de Freud de « malaise dans la culture » et de « psychologie des foules ». Toutefois, Meng ne « remigre » pas en Allemagne, ne participe pas à la reconstruction ni ne prend parti entre l’Allemagne de l’Ouest et de l’Est, où il entretient des contacts [52] par l’intermédiaire des mouvements pacifistes, pas seulement médicaux.

21 Après la Seconde Guerre mondiale, un changement majeur de société mérite une mise au point car il reste invisible aux yeux des chercheurs qui se focalisent sur la psychanalyse. En effet, les mesures de prévention que Meng a défendues avec d’autres médecins pendant plusieurs décennies deviennent progressivement des acquis en santé mentale entre les années 1950 et 1970, et non plus l’objet d’une politique d’avant-garde. Les services ouverts et les traitements ambulatoires prennent le relais de l’asile, se multiplient et deviennent une norme. De nouvelles spécialisations professionnelles s’imposent, comme la psychiatrie infanto-juvénile et la psychologie clinique. Les associations et les proches des usagers des services psychiatriques s’invitent comme interlocuteurs dans les débats et gèrent des services comme des appartements thérapeutiques ou des activités de jour, sans hospitalisation. La réinsertion des patients dans la vie sociale, les soins de proximité, les suivis en postcures accompagnent une réduction drastique des lits d’hôpital. Dans le milieu hospitalier, qui ne disparaît pas pour autant mais se modernise, l’hygiène mentale a donné une impulsion majeure au mouvement de « désinstitutionalisation » psychiatrique [53]. Les principes de ségrégation et de gardiennage sont progressivement abandonnés dans les pays industrialisés.

22 Passons rapidement en revue les principales publications de Meng après 1945. Die prophylaxe des Verbrechens (1948), auquel collabore André Répond, porte sur la criminologie, tandis qu’une dernière série d’ouvrages collectifs porte sur l’enfance : Praxis der Kinder- und Jugendpsychologie (1951) [54], Psychoanalyse. Psychoanalytische Paedagogik des Schulkindes (1973), Psychoanalytische Pädagogik des Kleinkindes (1973). Meng fait rééditer Das psychoanalytische Volksbuch et Das ärztliche Volksbuch en Suisse, complétés par le volume Psychoanalyse und Alltag (1964). L’ensemble est refondu et publié en 1965 sous des titres remis au goût du jour : Psychoanalyse und Medizin, et Psychoanalyse und Kultur. Prenons l’exemple des Psychohygienische Vorlesungen (1958) : dans cette synthèse des écrits de Meng, les deux premiers chapitres sont dédiés à des questions générales et à l’hygiène mentale de l’individu. Le troisième traite de la dimension sociale et culturelle de la santé mentale. Quels sont donc les sujets abordés ? Les tests psychologiques, le suicide, l’alcoolisme, le tabac, l’addiction aux médicaments, l’hygiène mentale en clinique psychiatrique, chez les enfants inadaptés, dans l’éducation, chez les criminels, le modèle britannique des cliniques infantiles (Child Guidance Clinics), la santé en entreprise, en cas de handicap, dans l’armée, dans les loisirs, dans les médias et dans la vie religieuse. On le voit, ce spectre est très large. Mais l’analyse du régime national-socialiste, les procès de Nuremberg (1945-1946) et de Francfort (1963-1965) ne sont pas en leur centre puisque Meng ne s’insère pas dans le contexte allemand. En outre, Meng collabore d’abord avec des médecins, psychologues et pédagogues, pas avec des chercheurs en sciences sociales. Ses publications n’entrent pas dans les controverses qui déchirent les écoles de psychanalyse depuis la mort de Freud – par exemple, le culturalisme américain, critiqué par Adorno.

23 En 1949, à l’occasion d’un congrès international de psychanalyse organisé à Zurich, la sollicitation de Meng par August Aichhorn et la veuve de Fenichel pour une traduction allemande des travaux de ce dernier, publiés aux États-Unis [55], laisse penser que Meng compte encore aux yeux de psychanalystes germanophones ayant migré en Amérique du Nord. Il reste d’ailleurs proche de la famille Freud [56]. Et pourtant... En Californie, [57] Fenichel a fréquenté Adorno et Horkheimer [58], mais surtout les psychanalystes Siegfried Bernfeld, Else Frenkel-Brunswik (qui a collaboré aux Études sur la personnalité autoritaire) et Ernst Simmel, ainsi que des thérapeutes américains. Longtemps après la mort de Fenichel en 1946, est rendue publique l’existence d’un réseau épistolaire secret mis sur pied par lui avec un petit groupe de psychanalystes en exil. Indice de sa marginalisation, Meng n’en fait pas partie.

24 Les années d’après-guerre sont néanmoins celles d’une reprise des échanges institutionnels et de rencontres entre Meng, Pollock, Horkheimer et Adorno. Sur la base de leur correspondance [59], nous pouvons préciser les attentes des uns envers les autres. Adorno et Horkheimer semblent avoir attendu des médecins, pédagogues et thérapeutes rattachés au courant hygiéniste de Meng une illustration des rapports entre Théorie critique et pratique clinique. De l’autre côté, les attentes de Meng et de ses collaborateurs étaient de l’ordre d’une reconnaissance académique, du fait de leur isolement par rapport à l’université allemande.

25 Le contexte de 1951 [60] est celui de la refondation de l’Institut de recherche sociale à Francfort et d’une nouvelle alliance avec la psychanalyse se traduisant par une série de conférences. Le but explicite est de relancer la psychanalyse à l’université de Francfort : plusieurs dizaines de présentations seront organisées et Meng sera invité trois fois [61]. Il ne perd pas de vue la nécessité d’articuler psychologie et sociologie et publie un article [62] qui rappelle cet axiome la même année, alors qu’il reçoit les Études sur la personnalité autoritaire. Meng prononce une conférence à Francfort le 12 janvier 1953, remarquée par la presse locale. Il y est à nouveau invité par l’université pour un cycle de conférences avec plusieurs de ses proches collaborateurs, conviés eux aussi à faire des présentations sur la psychanalyse en 1954-1955 [63] : Adolf Friedemann [64], qui s’occupe d’un institut d’hygiène mentale, fondé en 1949 à Bienne ; Hans Zulliger (1893-1965), pédagogue et psychothérapeute de Ittigen bei Bern, est un enseignant spécialiste de la psychanalyse des enfants [65] ; Ernst Schneider, professeur de médecine à Bâle, exilé lui aussi et collaborateur de Meng depuis les années 1920, est actif dans le domaine de la pédagogie d’inspiration psychanalytique. Le titre des conférences fait l’objet de négociations avec Adorno, qui impose ses vues au Basler Kreis : Meng, « Sigmund Freud et la sociologie [66] » ; Friedemann, « Psychanalyse et recherche sur l’analyse caractérielle » ; Zullinger, « Psychanalyse et vie quotidienne » ; Schneider, « La forme contemporaine de résistance à la psychanalyse ».

26 De son côté, Meng tente d’obtenir la participation de Horkheimer dans une série d’ouvrages de référence sur l’hygiène mentale, sans succès. Il délègue la direction de ces ouvrages à sa collaboratrice Maria Pfister-Ammende [67], qui était en charge des questions de santé des réfugiés (Displaced Persons) [68] dans les réseaux de l’OMS. Adorno, qui s’invite finalement comme interlocuteur à la place de Horkheimer, n’hésite pas à donner des directives sur la manière dont il entend utiliser et subordonner l’apport des cliniciens à la sociologie, sous la forme de cas d’études et de réalisations empiriques de la théorie sociale [69].

27 À la demande d’Adorno, Meng envoie en 1955 sa présentation pour la publier dans la revue [70] de l’Institut de recherche sociale de francfort dans un numéro en hommage à Horkheimer pour ses 60 ans. En revanche, il ne prendra pas la parole dans la série de conférences organisées à Francfort pour le centenaire de Freud en 1956, et qui est ouverte par un nouvel acteur de la psychanalyse en Allemagne de l’Ouest : Alexander Mitscherlich.

Épilogue : passage de génération et fondation de l’Institut Sigmund Freud (1960-1964)

28 Les relations se distendent au début des années 1960, faute de véritable recherche collaborative d’une part, et certainement en raison de l’âge avancé de Meng, qui obtient son éméritat en 1956. La même année, Adorno accède enfin à la fonction de professeur titulaire, tandis que Horkheimer et Pollock s’installent dans le Tessin, en Suisse. La refondation d’un institut de psychanalyse à Francfort sous la direction de Mitscherlich en 1960 [71], sans Meng, et son installation pérenne dans de nouveaux locaux en 1964, grâce aux efforts de Mitscherlich et au soutien d’Adorno, mettent fin aux relations professionnelles avec Meng. Ce dernier est bien invité pour l’inauguration, mais il ne prend pas la parole. Un échange acrimonieux avec Horkheimer et Adorno en novembre 1964 clôt un compagnonnage de plusieurs décennies, mais en réalité en sommeil depuis 1933. Horkheimer, avec maladresse, appelle le nouvel Institut Sigmund Freud « Mitscherlich-Institut » dans sa correspondance de 1960 [72], et mélange le nom des directeurs du premier institut de psychanalyse et ceux de l’Institut de recherche sociale dans la correspondance de 1964, alors que le premier était dirigé par Landauer et Meng. De son côté, Adorno témoigne de sa proximité avec Mitscherlich et explique l’importance d’une relation de confiance basée sur une amitié forte pour le bon fonctionnement de l’Institut de recherche sociale de Francfort [73]. Meng répond avec ironie et amertume qu’en son temps l’amitié constituait également le ciment de leur collaboration [74]. On constate que cette impasse se fait sur un fond de malentendus et de rivalités. De fait, la correspondance professionnelle d’Adorno montre que Mitscherlich n’était pas seulement un proche, mais l’un de ses dauphins [75] à l’université, alors que Meng pouvait se considérer comme un héritier légitime du premier institut de psychanalyse de Francfort, mais au même titre que Fromm. Cependant, plutôt qu’un simple jeu de pouvoir, l’historien observe un passage de génération dans les réseaux de l’Institut de recherche sociale. Il y a un fossé entre le travail de Meng dans le domaine de la santé mentale, de la pédagogie et de la psychanalyse appliquée aux institutions sociales, et les analyses de Mitscherlich sur les procès de médecins nazis à Nuremberg [76] ainsi que sur le « refoulement collectif [77] » de l’expérience du régime national-socialiste dans la société allemande. Pour conclure, comme pour d’autres écoles en sciences sociales, je rejoins les analyses qui distinguent des générations, des cercles et des groupes professionnels distincts. J’introduirais de surcroît une comparaison avec l’histoire de la tradition sociologique de Chicago, un réseau académique contemporain dont Jean-Michel Chapoulie [78] a retracé la généalogie dans toute son hétérogénéité. Il y a en effet un véritable paradoxe à mettre en avant le courage politique d’une école de Francfort militante pour changer le monde et combattre le fascisme sur la base d’une alliance entre philosophie sociale et psychanalyse, et l’ignorance d’un programme volontariste de réformes en santé mentale naguère ancré à Francfort. C’est la raison pour laquelle j’ai fait le choix d’appréhender cette histoire en termes de réseaux, de centres, de marges et de catégories mouvantes.


Mots-clés éditeurs : Heinrich Meng, Theodor W. Adorno, hygiène, Francfort, Max Horkheimer, exil, santé mentale, psychanalyse, marge

Mise en ligne 23/01/2023

https://doi.org/10.3917/aphi.861.0099

Notes

  • [1]
    Katja Guenther, « Technique, Marginality, and History », in Delia Gavrus et Stephen T. Casper éd., The History of the Brain and Mind Sciences, Rochester, University of Rochester Press, 2017, p. 258.
  • [2]
    La correspondance Horkheimer-Meng (1935-1973) a été en partie numérisée, voir l’inventaire du Nachlass Max Horkheimer : https://arcinsys.hessen.de/arcinsys/list.action?nodeid=g150532&page=1&sorting=41&reload=true. Le fonds Adorno, examiné plus loin, conserve une partie de la correspondance échangée avec Meng (1951-1964).
  • [3]
    Voir Rolf Wiggershaus, Die Frankfurter Schule, Hambourg, Rowohlt, 2010, p. 32. Axel Honneth, « Kritische Theorie. Vom Zentrum zu Peripherie, eine Denktradition », in Die zerrissene Welt des Sozialen. Sozialphilosophische Aufsätze, Francfort, Suhrkamp, 1999, p. 25-72. Katia Genel, « L’approche sociopsychologique de Horkheimer, entre Fromm et Adorno », Astérion, vol. 7, 2010. Sur Internet : http://journals.openedition.org/asterion/1611.
  • [4]
    Theodor W. Adorno éd., Études sur la personnalité autoritaire, Paris, Allia, 2007.
  • [5]
    Voir Emmanuel Delille, « L’organo-dynamisme d’Henri Ey : l’oubli d’une théorie de la conscience considéré dans ses relations avec l’analyse existentielle de Ludwig Binswanger », L’Homme et la Société, dossier « Marges et marginalisations dans l’histoire de la psychologie », n° 167, 2008, p. 203-219.
  • [6]
    Paul Federn et H. Meng éds, Das psychoanalytische Volksbuch, Stuttgart et Berlin, Hippokrates, 1926.
  • [7]
    Helga Reimann est l’auteure d’une thèse de sociologie sur l’hygiène mentale : Helga Reimann, « Die Geschichte der Bewegun », Die Mental Health Bewegung, Tubingen, Mohr, 1967, p. 75-92. Voir également Heinrich Schulte « Geschichte und Aufgaben der Psychohygiene in Deutschland », in H. Ehrhardt, D. Ploog et H. Stutte éds, Psychiatrie und Gesellschaft, Berne, Stuttgart, 1958, p. 156-166. Mathew Thomson, « Mental hygiene as an international Movement », in P. Weindling éd., International Health Organisations and Movements 1918-1939, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 283-304.
  • [8]
    Thierry Trémine, « Clifford Beers, l’hygiène mentale et l’influence américaine en France dans l’entre-deux-guerres », L’Information psychiatrique, vol. 92, 2016, p. 563-566. Annick Ohayon, « Les médecins hygiénistes français face à la politique raciale allemande 1933-1939 », L’Évolution psychiatrique, vol. 66, 2001, p. 348-356.
  • [9]
    Pour un texte empruntant ce type de métaphore, voir H. Meng, « Zur Bedeutung der Psychohygiene und Psychoanalyse für den Soziologen und Sozialhygieniker », Hippokrates, vol. 22, nº 15, 1951, p. 406-409.
  • [10]
    Tomas Plänkers, « Hygiene der Seele. Heinrich Meng (1887-1972) », in T. Plänkers, M. Laier, H.-H. Otto, H.-J. Rothe et H. Siefert éds, Psychoanalyse in Frankfurt am Main, Tübingen, Diskord, 1996, p. 109-140 ; « Idee und Wirklichkeit einer Psychohygiene. Biographie und Werk Heinrich Mengs (1887-1972) », in H. Kretz éd., Lebendige Psychohygiene, Munich, Eberhard, 1996, p. 17-41 ; « Heinrich Meng und sein Begriff der Organpsychose – zur ich-psychologischen Wende psychosomatischer Theoriebildung in den zwanziger und dreißiger Jahren », in A.-E. Meyer et U. Lamparter éds, Pioniere der Psychosomatik, Heidelberg, Asanger, 1994, p. 131-148 ; « Mit Kupfer legieren. Zur Erinnerung an Heinrich Meng », Luzifer-Amor, 1990, p. 87-130.
  • [11]
    Hans Jakob Ritter, Psychiatrie und Eugenik. Zur Ausprägung eugenischer Denk- und Handlungsmuster in der schweizerischen Psychiatrie 1850-1950, Zürich, Chronos Verlag, 2009.
  • [12]
    Ortwin Brenner, Leben und Werk von Professor Dr Heinrich Meng, Johannes Gutenberg Universität, Mainz, 1975.
  • [13]
    H. Meng, Leben als Begegnung, Stuttgart, Hippokrates, 1971.
  • [14]
    H. Meng, « Resultate der Abstinenzbehandlung in der Irrenanstalt », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, vol. XI, 1912, p. 308-332.
  • [15]
    L’influence du psychiatre de Zurich Auguste Forel (1948-1931) et d’autres courants puritains suisses est importante pour comprendre le jeune Meng, avant qu’il ne s’oriente vers le socialisme et le freudisme.
  • [16]
    O. Brenner, Leben und Werk von Professor Dr Heinrich Meng, op. cit., p. 8 et 10.
  • [17]
    Sur la réception de Federn en France, voir l’appareil critique de Sigmund Freud, Cartes postales, notes et lettres de Sigmund Freud à Paul Federn (1905-1938), Paris, Ithaque, 2018.
  • [18]
    Meng travaille à Stuttgart de 1925 à 1929 comme médecin chef dans l’hôpital homéopathique Robert-Bosch.
  • [19]
    Il fréquente le sanatorium Georg Groddeck à Baden-Baden, comme les autres psychanalystes de Francfort. T. Plänkers, « Hygiene der Seele », op. cit., p. 117. Voir également Alexa Geisthövel et Bettina Hitzer éds, Auf der Suche nach einer anderen Medizin Psychosomatik im 20. Jahrhundert, Berlin, Suhrkamp, 2019.
  • [20]
    H. Meng, « Zur Psychopathologie, Ichpsychologie und Psychotherapie „Organischkranker“ (Psyche, Sexus, Krankheit und Schmerz) », Ärztliche Monatshaft für berufliche Fortbildung, 1945, p. 85.
  • [21]
    On attribue habituellement à Otto Fenichel et à Sándor Ferenczi les premiers emplois du terme Organneurose, qui est discuté dès les années 1920-1930 par les spécialistes de la médecine psychosomatique, comme Viktor von Weizsäcker à Heidelberg. Le terme est traduit par « névrose d’organe » et sera utilisé couramment dans les années 1950 par les médecins et les psychanalystes français, ainsi que dans des ouvrages de référence pour l’enseignement de la psychiatrie, par exemple dans la collection de l’Encyclopédie médico-chirurgicale (EMC), sorte de lieu de mémoire de la médecine française. Avant Fenichel, Ferenczi avait proposé le terme Pathoneurose, avant de se ralier à Organneurose avec Felix Deutsch dans Das Psychoanalytische Volksbuch.
  • [22]
    H. Meng, « Das Problem der Organpsychose », Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, vol. 4, 1934, p. 439-458 ; « Organische Erkrankung als Organ-Psychose », Schweizer Archiv für Neurologie und Psychiatrie, vol. 35, 1935, p. 271-283.
  • [23]
    Meng cite pendant la guerre l’étude psychosomatique d’Eric Wittkower, un médecin juif en exil : Eric Wittkower, Einfluss der Gemütsbewegungen auf den Körper, Vienne, Sensen, 1937. Voir H. Meng, « Zur Einführung in die praktische Psychohygiene », Praxis. Schweizerische Rundschau für Medizin, vol. 29, nº 37, 1940, p. 535-537.
  • [24]
    H. Meng, « Ueber Erziehung und Nacherziehung des Kulturmenschen », Psyche, vol. 9, nº 2, 1935, p. 153-157.
  • [25]
    Russell Jacoby, Otto Fenichel : destins de la gauche freudienne, Paris, PUF, 1986.
  • [26]
    Le discours de Freud au congrès de psychanalyse de Budapest en septembre 1918 marque ce tournant.
  • [27]
    Voir Elizabeth A. Danto, Freud’s Free Clinics. Psychoanalysis and Social Justice, 1918-1938, New York, Columbia University Press, 2003.
  • [28]
    Simmel se fait le promoteur de l’hygiène mentale dans la brochure commémorative qui marque les dix ans de l’institut et de la policlinique de psychanalyse de Berlin en 1930. En exil en Californie après 1933, il pensait sincèrement que l’hygiène mentale pouvait prévenir l’antisémitisme. Ernst Simmel, « Zur Geschichte und sozialen Bedeutung des Berliner Psychoanalytischen Instituts », in Berliner Psychoanalytisches Institut, Zehn Jahre Berliner Psychoanalytisches Institut (Poliklinik und Lehranstalt) 1920-1930, Meisenheim, Anton Hain, 1970, p. 7-12 ; Antisemitismus, Francfort, Fischer, 2002. Ludger M. Hermanns et Ulrich Schultz-Venrath éds, « Einleitung », in E. Simmel, Psychoanalyse und ihre Anwendungen, Francfort, Fischer, 1993, p. 9-18. Max Horkheimer, « Ernst Simmel and Freudian Philosophy », International Journal of Psychoanalysis, vol. 29, 1948, p. 110-113.
  • [29]
    Landauer avait lancé une dynamique interdisciplinaire à la faculté de médecine qui incluait Kurt Goldstein. Hans-Joachim Rothe, « Ein exemplarisches Schicksal. Karl Landauer (1887-1945) », in T. Plänkers, M. Laier, H.-H. Otto, H.-J. Rothe et H. Siefert éds, Psychoanalyse in Frankfurt am Main, Tubingen, Diskord, 1996, p. 87-108.
  • [30]
    Voir Wolfgang Bock, « „Lieber Max, wie sehr wir eins sind, wurde mir erst am Tag nach Abgang meines letzten Briefes an Dich klar.“ Max Horkheimer und Karl Landauer als erster Psychoanalytiker am Frankfurter Institut für Sozialforschung », Luzifer-Amor, vol. 58, 2016, p. 118-141. Cet article défend l’idée que Simmel a pris la place d’interlocuteur privilégié du côté de la psychanalyse après la mort de Landauer en déportation.
  • [31]
    T. Plänkers, « Hygiene der Seele », op. cit., p. 122.
  • [32]
    P. Federn, H. Meng et Karl A. Fiesler éds, Das ärztliche Volksbuch, 3 vol., Stuttgart, Hippokrates, 1924-1926.
  • [33]
    Voir Franz Walter, Sozialistische Akademiker- und Interllektuelleorganisationen in der Weimarer Republik, Bonn, Dietz, 1990, p. 133.
  • [34]
    H. Meng, « Seelische Hygiene auf psychoanalytischer Grundlage », Biologische Heilkunst, nº 22, 1932, p. 354.
  • [35]
    H. Meng, « Das Unbewußte II », in H. Prinzhorn, E. Simmel, C. Hacherlin, H. Driesch, M. Dessoir et H. Meng éds, Gedanken zur Zeit. Neu Fragen der Seelenerkenntnis, Francfort, Südwestdeutscher Funkverlag, 1929, p. 73-87. Rappelons que l’inconscient n’est pas une invention de Freud, mais une notion héritée de la médecine romantique allemande et de la littérature du xixe siècle. Voir Henri F. Ellenberger, The Discovery of the Unconscious. The History and Evolution of Dynamic Psychiatry, New York, Basic Books, 1970.
  • [36]
    Voir Frank J. Sulloway, Freud, biologiste de l’esprit, Paris, Fayard, 1998.
  • [37]
    Horkheimer n’a pas ménagé ses efforts pour l’installer aux États-Unis en 1939, mais trop tard pour le sauver.
  • [38]
    Il prit le nom de S. F. Foulkes après s’être établi au Royaume-Uni.
  • [39]
    Une exception notable est la curiosité suscitée par la formation de Norbert Elias à la thérapie de groupe.
  • [40]
    Clara Happel s’est suicidée à la fin de la guerre, isolée aux États-Unis.
  • [41]
    Voir Nina Bakman, « Heinrich Mengs Emigration in die Schweiz 1933 : Ein Fall von Zuwanderung in des Schweizerischen Gesellschaft für Psychoanalyse », Luzifer-Amor, vol. 59, 2017, p. 90-94.
  • [42]
    T. Plänkers, « Hygiene der Seele », op. cit., p. 135. N. Bakman, « Heinrich Mengs Emigration in die Schweiz 1933 », Luzifer-Amor, vol. 59, 2017, p. 90-94.
  • [43]
    H. Meng, Strafen und Erziehen, Bern, Hans Huber, 1934.
  • [44]
    44 H. Meng, « Ueber Erziehung und Nacherziehung des Kulturmenschen », Psyche, vol. 9, nº 2, 1935, p. 155.
  • [45]
    T. Plänkers, « Idee und Wirklichkeit einer Psychohygiene », op. cit., p. 18.
  • [46]
    H. J. Ritter, « Eine ununterbrochene Tradition. Entwicklungslinien in der schweizerischen Psychiatrie 1920-1960 », in M. Prinz éd., Gesellschaftlicher Wandel im Jahrhundert der Politik. Nordwestdeutschland im internationalen Vergleich 1920-1960, Paderborn, Ferdinand Schöningh, 2007, p. 342.
  • [47]
    H. Meng, « Seelische Hygiene auf psychoanalytischer Grundlage », Biologische Heilkunst, nº20, 1932, p. 313.
  • [48]
    H. J. Ritter, Psychiatrie und Eugenik, op. cit., p. 156.
  • [49]
    Voir Gladys Swain, Dialogue avec l’insensé. Essais d’histoire de la psychiatrie, Paris, Gallimard, 1994.
  • [50]
    Voir Andrée Yanacopoulo, Hans Selye ou la cathédrale du stress, Montréal, Le Jour, 1992.
  • [51]
    Dans Zwang und Freiheit in der Erziehung (1945), Meng cite une fois Horkheimer, à côté de psychanalystes et d’intellectuels comme Bernfeld, Fenichel, Fromm, Lukasz, Reich, Rühle.
  • [52]
    Meng a fait l’objet d’une surveillance par des services de l’État en Suisse, dans le cadre de ce qu’on appelle le « scandale des fiches ». Le contenu de son dossier n’est pas communicable pour l’instant.
  • [53]
    Hervé Guillemain, Alexandre Klein et Marie-Claude Thifault dir., La Fin de l’asile ? Histoire de la déshospitalisation psychiatrique dans l’espace francophone au xxe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2018.
  • [54]
    H. Meng éd., Praxis der Kinder- und Jugendpsychologie: Erziehung, Unterricht, Neurosenprophylaxe, Berne et Stuttgart, Hans Huber, 1951 (2e édition 1960).
  • [55]
    Il s’agit de The Psychoanalytic Theory of Neurosis (1945). Voir E. Mühlleitner, Ich-Fenichel, op. cit., p. 389. Cet ouvrage est malheureusement largement hagiographique.
  • [56]
    Meng participe à l’une des premières éditions de la correspondance de Sigmund Freud (les lettres échangées avec le pasteur suisse Oskar Pfister) avec Ernst Freud, l’un de ses fils. Meng était aussi lié à Anna Freud.
  • [57]
    Otto Fenichel, in J. Reichmayr et E. Mühlleitner éd., 119 Rundbriefe, op. cit. Ce comité secret, qui a existé pendant dix ans, devait incarner une sorte de garantie d’une transmission de la psychanalyse freudiennne « orthodoxe » en exil.
  • [58]
    Ibid., p. 366 et 367. Dès les années 1930, Fenichel est un lecteur attentif des publications de l’Institut de recherche sociale et commente la recherche psychosociale menée par Fromm.
  • [59]
    Correspondance croisée de Meng, Pollock, Horkheimer et Adorno (1951 et 1964). Adorno Archiv, Akademie der Künste (Berlin). Je remercie vivement Michael Schwartz.
  • [60]
    Les échanges s’étaient raréfiés pendant la guerre. Pollock rend visite à Meng en 1951. Puis ce dernier échange avec Horkheimer, notamment dans l’objectif d’achats d’ouvrages psychanalytiques de référence pour la bibliothèque de l’Institut de recherche sociale. Les échanges s’intensifient quand Meng est invité par l’université de Francfort en 1952-1953. Adorno prend le relais jusqu’en 1964, mais Horkheimer reste en contact avec Meng.
  • [61]
    Voir Gunzelin Schmid Noerr, « Psychoanalyse im Dienst des gesellschaftlichen Neubeginns. Wie Max Horkheimer und Theodor W. Adorno die Re-Institutionalisierung der Psychoanalyse im Nachkriegsdeutschland förderten », Luzifer-Amor, vol. 58, 2016, p. 92-117.
  • [62]
    Dans un article, il parle de « sociologie dotée d’un soubassement psychologique ». Voir H. Meng, « Zur Bedeutung der Psychohygiene und Psychoanalyse für den Soziologen und Sozialhygieniker », op. cit., p. 407.
  • [63]
    Voir Theodor W. Adorno et Max Horkheimer, Correspondance, vol. IV (Ch. Gödde et H. Lonitz éds.), Paris, Klincksieck, 2016.
  • [64]
    Il est l’auteur de comptes rendus, de notes brèves dans la revue Psyche - Zeitschrift für Psychoanalyse et d’un hommage à Meng : Adolf Friedemann, « Heinrich Meng : psychoanalysis and mental hygiene », in F. Alexander, S. Eisenstein et M. Grotjahn éds, Psychoanalytic Pioneers, New York, Basic Books, p. 333-341.
  • [65]
    Pédagogue, auteur prolifique, formé à la psychanalyse par Pfister, Zullinger s’inspirait aussi de Fenichel.
  • [66]
    « Sigmund Freud und die Soziologie », présentation faite le 29 novembre 1954. Les titres sont ma traduction.
  • [67]
    Maria Pfister-Ammende éd., Geistige Hygiene : Forschung und Praxis, Bâle, Benno Schwabe & Co., 1955 ; Die Psychohygiene : Grundlagen und Zielen, Berne et Stuttgart, Hans Huber, 1949. Ellenberger a participé à cette publication avant de s’installer en Amérique du Nord, lorsqu’il fréquentait les cercles de psychohygiène de Meng en Suisse, en tant que médecin à l’asile clinique du canton de Schaffhouse. Voir Emmanuel Delille, Une histoire comparée de la psychiatrie. Henri Ellenberger 1905-1993, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2021.
  • [68]
    Voir H. Brian M. Murphy, Flight and resettlement, Paris, Unesco, 1955.
  • [69]
    Lettre d’Adorno à Meng du 21 septembre 1954. Adorno Archiv.
  • [70]
    H. Meng, « Sigmund Freud und die Soziologie », Frankfurter Beiträge zur Soziologie, vol. 1, p. 67-76.
  • [71]
    L’initiative est soutenue par Horkheimer, Adorno et Georg A. Zinn, le ministre-président du Land de Hesse. Horkheimer cite Meng et les autres psychanalystes de la première génération dans son allocution d’ouverture (Nachlass Max Horkheimer). Voir aussi G. Schmid Noerr, « Psychoanalyse im Dienst des gesellschaftlichen Neubeginns », op. cit. James Schmidt est l’auteur d’un article qui fait le point sur les stratégies de Horkheimer pour affermir son leadership à l’institut vis-à-vis des autres membres en exil. James Schmidt, « The “Eclipse of Reason“ and the End of the Franfurt School in America », New German Critique, 2007, n° 100, p. 47-76.
  • [72]
    Na 1, 364. Nachlass Max Horkheimer.
  • [73]
    Lettre d’Adorno à Meng, le 12 novembre 1964. Adorno Archiv.
  • [74]
    Lettre de Meng à Adorno le 14 novembre 1964. Adorno Archiv.
  • [75]
    Adorno s’attribue explicitement l’obtention d’une chaire pour Mitscherlich. Voir les correspondances Adorno-Marcuse et Adorno-Mitscherlich (Adorno Archiv). Tomas Plänkers explique de surcroît que ces tensions n’ont pas été sans conséquence sur la documentation dont nous disposons aujourd’hui sur les débuts de la psychanalyse à Francfort, puisque Mitscherlich a ensuite échoué à convaincre Meng de léguer sa bibliothèque. Voir T. Plänkers, « Mit Kupfer legieren. Zur Erinnerung an Heinrich Meng », op. cit., p. 87.
  • [76]
    Alexander Mitscherlich et Fred Mielke, Medizin ohne Menschlichkeit. Dokumente des Nürnberger Ärzteprozesses, Francfort, Fischer, 1978.
  • [77]
    A. et Margarete Mitscherlich, Le Deuil impossible. Les Fondements du comportement collectif, Paris, Payot, 2005.
  • [78]
    Jean-Michel Chapoulie, La Tradition sociologique de Chicago, 1892-1961, Seuil, Paris, 2018.
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