Notes
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Je remercie Thomas Angeletti, Alice Feyeux, Julie Pagis et Gabrielle Radica pour leurs commentaires généreux et relectures précises.
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Pour une présentation de l’équipe de recherche actuelle, voir : https://justines.cnrs.fr
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Tous les prénoms et noms mentionnés ont été modifiés pour respecter la confidentialité promise aux personnes enquêtées.
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Selon l’enquête Revenus fiscaux et sociaux de l’INSEE, en 2011, les femmes en couple ont des revenus en moyenne 42 % inférieurs à ceux des hommes en couple et cet écart se creuse à proportion du nombre d’enfants. L’écart n’est que de 9 % entre les hommes et les femmes sans conjoint (Morin, 2014).
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Selon le recensement mené en 2016, 1,3 million d’adultes, soit 2 % de la population française, vivent « hors ménage » dans ce que l’INSEE appelle des « communautés » : résidences universitaires, foyers, prisons, communautés religieuses, casernes, maisons de retraite, etc.
1 Partant du constat de l’usage flou du terme « arrangements » en sociologie de la famille, ce texte vise à clarifier son emploi afin d’en mesurer l’intérêt, la portée et les contours pour penser des pratiques familiales [1]. Rien ne vaut pour cela de s’adresser à un lectorat en dehors de sa discipline, ce qui oblige à expliciter certains points qui, parfois, demeureraient implicites. J’écris depuis la sociologie, une discipline dont les savoirs sont fondés sur le recueil de matériaux empiriques (entretiens, observations, archives, production et analyse de données statistiques). Cela fait une vingtaine d’années que je travaille – souvent avec Sibylle Gollac, mais aussi au sein d’équipes de recherches plus larges [2] – sur les dimensions économiques et juridiques de la famille : les transmissions patrimoniales, les séparations conjugales, l’organisation des économies domestiques, la division du travail entre conjoint·es. Mes recherches s’inscrivent dans le sillage d’une sociologie féministe matérialiste, centrée sur les dimensions économiques de la domination masculine. Il contribue aussi au renouvellement de la sociologie bourdieusienne, attentive aux rapports de domination, par une approche intersectionnelle qui articule rapports sociaux de genre, de classe, de race, d’âge et de génération (Bessière, 2017 ; Bessière et Gollac, 2020).
2 Dans cet article, je reviens d’abord sur la genèse du terme « arrangements de famille » dans mes travaux sur les transmissions d’entreprises familiales viticoles à Cognac. Je cherche à identifier ici les déplacements de sens qui ont eu lieu lorsque ce terme issu du terrain, est devenu, au fil de ce travail, une catégorie d’analyse sociologique. Ensuite, j’explore ses autres usages scientifiques en sociologie de la famille en langue française et anglaise d’abord ; puis, en dehors, en histoire de la gestion (Le Texier, 2013), dans la sociologie pragmatique (Boltanski et Thévenot, 1991 ; Boltanski, 2004) et les études sur le genre (Goffman, 1977 ; Macé 2015), qui sont des champs de recherche où cette notion est abondamment utilisée et qui l’ont davantage définie. Je propose enfin une définition opérationnelle des arrangements de famille, pour penser la production plus ou moins formalisée d’un consensus entre des personnes apparentées qui ont éventuellement des intérêts contradictoires, sont prises localement dans des rapports de pouvoir, et plus généralement dans des rapports de domination qui les dépassent. Ce que je cherche à faire, c’est non pas figer une définition des arrangements en sociologie de la famille, mais montrer ce que ce concept permet de mieux saisir par rapport à d’autres notions (notamment celle de « négociation » longtemps dominante en économie et en sociologie de la famille), pour penser la prise collective de décisions par des personnes apparentées. J’insiste sur la dimension temporelle de ces arrangements qui sont tout à la fois un processus et un résultat ; j’examine la question de leur caractère intentionnel ; et j’interroge la frontière entre accord et conflit dans les relations familiales.
De l’émique au concept : les arrangements de famille dans une enquête de terrain
3 De 1997 à 2006, j’ai conduit une enquête ethnographique sur les transmissions d’entreprises familiales viticoles dans la région de Cognac (Bessière, 2010). Le dispositif d’enquête consistait à réaliser des monographies de famille (selon la méthode proposée par Weber et al., 2003) c’est-à-dire à recueillir sur une même situation familiale plusieurs points de vue croisés. Je rencontrais donc surtout des jeunes viticulteurs en cours de reprise d’une entreprise familiale viticole, mais également, le plus systématiquement possible et de façon répétée, leurs parents, éventuellement leurs grands-parents, leurs frères et sœurs et leur conjointe. Pour rendre compte des conditions sociales de possibilité de ces transmissions, j’essayais de diversifier au maximum les profils, et notamment de ne pas étudier seulement des familles où la transmission de l’entreprise se passait bien.
4 C’est dans ce cadre que je rencontre un après-midi de juillet, en 2003, à leur domicile, Edmond et Monique Roullin [3], un couple âgé d’une soixantaine d’années. Tous les deux à l’aube de la retraite, ils exploitent dans le cadre d’une société civile agricole, avec leur fille aînée, une ferme de taille moyenne en polyculture (vignes, céréales, vaches allaitantes). Face à la sociologue, Edmond et Monique reviennent sur l’avenir de leur exploitation, une question existentielle qui remue toute leur histoire familiale, avec leurs trois enfants. Leur seul fils, le benjamin, a été atteint par une septicémie à la naissance qui l’a laissé handicapé : même s’il travaille avec eux quotidiennement dans les vignes, il ne peut pas devenir chef d’exploitation. Leur fille cadette vit loin, car elle suit son mari militaire au gré de ses missions et, de toute façon, n’a jamais « été intéressée ». Leur fille aînée, Marie-Hélène, qui avait épousé un fils de viticulteurs du coin susceptible de reprendre leur exploitation, est en train de divorcer, ce qu’Edmond et Monique vivent comme une trahison (« ce qu’elle nous a fait »). C’est par l’intermédiaire de Marie-Hélène, à qui ils n’adressent pourtant plus la parole depuis quelques mois, que je les ai rencontrés. L’entretien est l’occasion pour eux de faire un bilan de leur vie professionnelle et familiale à un moment particulièrement douloureux, puisque leur fille leur a annoncé qu’elle souhaitait quitter la société et qu’ils n’ont donc plus aucune perspective de reprise familiale de leur exploitation, ce qui leur laisse le sentiment « d’avoir travaillé toute leur vie pour rien » (Bessière, 2010, p. 33-49).
5 Dans l’extrait d’entretien ci-dessous, Edmond et Monique reviennent sur les « arrangements » qui ont permis à Edmond de devenir propriétaire de cette exploitation et qui, vingt-cinq ans plus tard, semblent avoir perdu tout leur sens. Pour résumer : Edmond Roullin a reçu un avantage patrimonial en 1979 par rapport à ses deux sœurs cadettes, avec pour contrepartie la prise en charge de leur mère, veuve depuis les années 1950. Au moment de l’entretien, la vieille dame est âgée de 90 ans, immobilisée dans un fauteuil roulant, et vit à domicile grâce aux soins quotidiens de Monique. Elle est dans la pièce juste à côté de la salle à manger où se déroule l’entretien enregistré :
- Edmond R. : Quand ma mère a fait ses arrangements [en 1979], on s’est engagés un peu à la légère, enfin à subvenir à tous ses besoins, tout ça…
- Céline B. : C’était dans les arrangements ?
- Edmond : Et ça, c’est relativement lourd ! (Monique acquiesce avec la tête). Disons que la rétribution financière qui nous a été attribuée pour faire ça n’a pas été en adéquation avec la durée réelle. Et pour s’adapter avec la durée réelle, faut le savoir, quand est-ce que se situera la mort de la personne. Or ma mère devait vivre jusqu’en 1985, statistiquement. Les statistiques, à cette époque-là, on devait vivre jusqu’à 72 ou 73 ans. Or elle en a 90 !
- Monique R. : Oh là, je peux vous dire, elle m’a fait passer six mois… durs ! Elle a eu un ennui de santé et ils lui avaient donné un médicament qui la shootait, faut dire ce qui est, d’ailleurs, elle délirait complètement ! […]
- Céline : Et vos sœurs (en s’adressant à Edmond), elles s’en occupent un peu ?
- Monique : Pas du tout !
- Edmond : Non, non, non. Et ma femme étant à cheval là-dessus, c’est elle qui s’en occupe et elle ne veut pas que les autres viennent monter sur ses plates-bandes !
- Monique : Non, ce n’est pas pour ça, mais je ne veux pas avoir à entendre, c’était vous qui deviez vous en occuper. Mais on ne peut pas dire qu’elles disent, « tiens, on passe chercher Maman, elle passera le dimanche avec moi » […] Alors que moi elles me diraient ça, au contraire, moi, je serais contente, mais elles ne le font pas. Et je n’irais jamais leur dire, vous auriez dû, si elles ne le font pas, c’est qu’elles ne le veulent pas. Voilà, c’est comme ça, vous savez dans les familles…
- Edmond : Quand les choses sont réglées, il faut se tenir au règlement, si tu débordes, tu débordes, mais tu sais à quoi tu t’exposes. Ce n’est pas la peine !
7 Dans les exploitations viticoles de la région de Cognac, au tournant des années 2000, l’expression « les arrangements de famille », ou parfois comme dans l’extrait d’entretien ci-dessus, simplement « les arrangements », était employée pour désigner les opérations successorales nécessaires à la transmission de l’entreprise familiale, d’une génération à l’autre. Dans un tel contexte, « avoir fait ses arrangements » signifie être passé chez le notaire et avoir formellement organisé sa succession, le plus souvent sous la forme de donations-partages. J’ai rapidement remarqué l’usage de ce terme qui permettait d’euphémiser très efficacement les questions d’argent dans les entretiens réalisés durant l’enquête de terrain (Herlin-Giret, 2018). Au lieu de parler précisément, et notamment de façon sonnante et trébuchante de succession, de patrimoine, de donations, d’actes notariés, le terme « arrangements » met l’accent sur tout autre chose : l’entente familiale, que les membres des familles viticoles cherchaient très souvent à mettre en avant dans les entretiens avec moi. J’en concluais alors que les arrangements de famille, ce n’étaient pas seulement des arrangements patrimoniaux, mais qu’au cours de ces opérations successorales, c’était la famille qui était « arrangée », en vue d’être montrée sous son meilleur jour à l’enquêtrice (Bessière, 2004).
8 Durant les années de ma thèse, je n’employais ce terme « arrangements de famille » qu’entre guillemets – comme me l’ont appris mes professeur·es, sociologues et anthropologues, pour désigner les termes émiques, c’est-à-dire les discours et représentations des personnes enquêtées, et bien les distinguer des concepts des sciences sociales. C’est aussi ce que j’enseigne à mes étudiant·es en sciences sociales : c’est à travers la lente identification des mots qui font sens pour les personnes enquêtées, qui charrient leur vision du monde, que l’on peut capter et expliciter cette dernière. C’est au cours de la rédaction du livre tiré de cette thèse De génération en génération. Arrangements de famille dans les entreprises viticoles de Cognac, publié aux éditions Raisons d’agir en 2010, que les guillemets tombent. Cette opération, en apparence anodine, conduit pourtant à faire passer le terme émique, au sens précis et localisé, au rang de concept des sciences sociales qui pourrait être employé ailleurs, pour décrire un autre faisceau de pratiques. À la suite de Jean-Pierre Olivier de Sardan, il est utile de rappeler que les interprétations émiques et savantes ont des statuts cognitifs différents, mais un même statut « moral » : ni inférieur, ce qui caractériserait une approche ethnocentriste ou scientiste, ni supérieur, ce qui serait populiste (Olivier de Sardan, 1998, p. 162). Ensuite, « toute stratégie de recherche sur le terrain est à interprétation intégrée » (ibid., p. 163), c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’émique pur. Il est inévitable que les interprétations de l’ethnographe se glissent au sein même des représentations émiques, ne serait-ce que par l’intérêt qu’il ou elle accorde à certains sujets plutôt qu’à d’autres. Ces précautions prises, Olivier de Sardan invite à distinguer l’interprétation anthropologique dans l’émique et sur l’émique.
9 Dans un premier temps, l’expression « arrangements de famille » peut servir de support à une interprétation anthropologique dans l’émique ayant « une épaisseur autonome, une vie propre distincte de celles des interprétations de recherche » (ibid., p. 163). Selon Sardan, le principal critère de telles interprétations est leur productivité empirique (capacité à produire des données nouvelles) et leur malléabilité (capacité à tenir compte du feed-back de l’émique). Au plus près du sens donné par les personnes enquêtées, dans les familles viticoles, « arrangements de famille » signifie la formalisation juridique d’un consensus entre des personnes apparentées pour résoudre une tension entre deux principes contradictoires : un impératif de transmission de l’entreprise familiale à un seul repreneur, en vue de son maintien d’une génération à l’autre, d’une part et, un principe d’équité entre cohéritiers et héritières, d’autre part (Bessière, 2004 ; Bessière, 2010). « Avoir fait ses arrangements de famille », c’est avoir surmonté une épreuve : être parvenu à un point d’équilibre pour transmettre l’entreprise familiale à un seul de ses enfants (un fils, la plupart du temps), tout en ayant formalisé une forme de compensation pour les autres chez le notaire, ce qui permet de mettre en avant, en public (y compris face à la sociologue), l’équité et l’harmonie familiale. Je remarquais alors que, parfois, le fils repreneur de l’exploitation s’inquiétait du dédommagement pécuniaire de ses frères et sœurs et, qu’à l’inverse les cohéritières et cohéritiers qui ne reprennent pas l’exploitation étaient prêt·es à renoncer à une partie de leur héritage au profit de leur frère repreneur, au nom du maintien économique de l’exploitation dans la lignée. Autrement dit, les différents protagonistes des « arrangements de famille » ne raisonnent pas seulement en maximisant leur utilité économique individuelle, mais peuvent, dans certaines conditions économiques et sociales, adopter des postures contradictoires avec leur seul intérêt personnel.
10 Examinons de plus près l’extrait d’entretien réalisé en 2003 avec Edmond et Monique Roullin, dans cette perspective. L’arrangement a bien été formalisé : sous la forme d’un acte notarié qui avantage Edmond Roullin par rapport à ses deux sœurs dans la succession (par les moyens de la quotité disponible, la fixation d’un salaire différé et probablement la sous-évaluation de l’actif professionnel que constitue la propriété agricole) avec pour contrepartie l’engagement de « subvenir aux besoins » de la mère d’Edmond jusqu’à la fin de ses jours, notamment, en résidant avec elle. Remarquons que Monique, la belle-fille, est davantage que le fils en première ligne pour prendre soin de la vieille dame en fauteuil roulant qui a perdu toute autonomie pour se nourrir ou se laver, ce qui correspond à une division genrée du travail de soin aux personnes âgées. Cet engagement relève en partie de l’obligation alimentaire – qui existe entre parents et enfants, mais aussi entre beaux-parents, gendres et belles-filles (art. 205 à 207 du Code civil) – mais il l’outrepasse largement. C’est pour cette raison que, plus de vingt ans plus tard, le couple ne s’autorise pas à demander de l’aide aux deux sœurs d’Edmond, pourtant elles aussi redevables de l’obligation alimentaire. Edmond et Monique Roullin sont donc dans l’obligation juridique de mener à bien cette tâche et y mettent aussi un point d’honneur, même si elle s’avère bien plus longue et pénible que prévu dans l’arrangement initial. La production d’un consensus entre frère et sœurs par un « règlement » ne peut être transgressée, y compris si les conditions de l’équité ont changé vingt ans plus tard, sous peine de produire du débordement, c’est-à-dire un conflit familial majeur. À l’heure où l’avenir de l’exploitation est en péril, et où la prise en charge de la vieille dame devient très lourde, affleure le sentiment d’être piégé·es par cet « arrangement » scellé vingt-quatre ans plus tôt.
11 Dans un deuxième temps de la recherche, l’expression « arrangements de famille » peut servir de support à une interprétation anthropologique sur l’émique, c’est-à-dire une interprétation propre aux sciences sociales, dont les qualités attendues sont la « virtuosité » et la « cohérence » (Sardan, 1998, p. 164). C’est l’opération réalisée lorsque les guillemets tombent.
12 De façon manifeste, le contexte institutionnel successoral des « arrangements de famille » est perdu dans le déplacement entre l’univers émique d’énonciation et le langage des sciences sociales. Cette perte de sens me paraît néanmoins acceptable car les « arrangements de famille » ne se jouent pas uniquement à l’instant t d’un acte notarié. La production du consensus familial sur la reprise de l’exploitation par l’un des enfants d’une part, les dédommagements éventuels des cohéritier·es d’autre part, s’inscrivent dans un temps long, celui notamment de la socialisation familiale de l’un des enfants à la reprise de l’exploitation, et dont les partages successoraux ne constituent qu’une étape. De plus, comme le rappelle de façon éclatante la situation des Roullin, les « arrangements patrimoniaux » produisent des effets bien au-delà de ce moment.
13 Toutefois, que reste-t-il de la définition émique des « arrangements de famille » une fois que l’on a relâché la contrainte sur le contexte institutionnel, formalisé des partages successoraux ? Il reste, d’abord, la mise en avant de la pluralité des points de vue sur une situation familiale partagée (rendue possible par les monographies de famille), et la mise en œuvre de processus pour résoudre les tensions entre personnes apparentées qui en découlent. Le moment de la reprise d’une entreprise familiale engendre des incertitudes pour le repreneur pressenti de l’exploitation, mais aussi pour ses parents, sa compagne éventuelle et ses frères et sœurs, et ce, dans plusieurs domaines : l’orientation scolaire, le travail quotidien et les choix résidentiels du repreneur, ses rapports conjugaux et les « arrangements patrimoniaux ». La notion d’arrangements de famille dépasse alors le seul domaine patrimonial. Par exemple, du point de vue des parents exploitants : comment faire en sorte que l’un de ses enfants reprenne l’entreprise familiale « avec cœur », sous la forme d’une vocation et non d’une contrainte familiale ? Et quels sont les coûts collectifs de la formation de cette vocation individuelle ? (Schotté, 2014) Comment faire en sorte que le fils repreneur pressenti fasse tout à la fois des études de plus en plus poussées qui lui apporteront des compétences agronomiques, juridiques ou linguistiques très utiles à la bonne conduite de l’entreprise, mais que ces études ne le détournent pas de la reprise de l’exploitation familiale ? Comment éviter que les autres enfants ne se sentent lésé·es au cours de leur trajectoire scolaire, professionnelle, résidentielle (et pas strictement d’un seul point de vue patrimonial) ? (Bessière, 2010).
14 Le concept d’arrangements suggère la résolution de ces tensions par la production d’un consensus, ce qui s’oppose à la fois à l’imposition unilatérale d’un point de vue (la loi du plus fort), mais aussi à une vision des rapports familiaux pacifiée où tout le monde serait d’emblée d’accord (un seul point de vue). Pour qu’il y ait des arrangements, il faut plusieurs personnes (on ne peut s’arranger tout seul) et plusieurs points de vue à concilier. D’un point de vue temporel, les arrangements ne sont jamais totalement achevés : c’est un processus continu qui se poursuit au-delà de sa formalisation juridique et morale et dont le résultat n’est que provisoire. Reste toutefois entière la question de savoir comment le consensus est trouvé ; comment prendre en compte les rapports de pouvoir entre les personnes apparentées, qui sont elles-mêmes inscrites dans des rapports de domination plus larges (notamment fondés sur le genre, la classe, l’âge, la génération, la sexualité, la race, la religion…) ; reste aussi entière la question de la formalisation (juridique, morale) de l’accord, et de sa permanence dans le temps.
Les usages de la notion d’arrangement·s en sociologie de la famille
15 Je ne suis pas la seule à employer la notion d’arrangement·s pour décrire des pratiques familiales. Le terme l’est d’abord pour décrire les enjeux résidentiels propres aux rapports familiaux – en anglais, living arrangements, accomodation arrangements – et notamment après une séparation conjugale en ce qui concerne les enfants (custody arrangements, child-care arrangements). Dans le prolongement de cette dernière acception, le terme est employé aussi pour décrire les interdépendances complexes ainsi que les échanges économiques entre aidant·es (profanes et professionnel·les) et personnes dépendantes, âgées, malades ou handicapées. On parle alors d’arrangements d’aide ou de caring arrangement pour qualifier la manière dont ces ressources familiales, publiques et privées, mais aussi associatives, sont agencées concrètement (Weber et al. 2003 ; Eideliman, Gojard, 2008 ; Martin, 2008 ; Giraud, Houtin, Rist, 2019).
16 Le mot est aussi employé pour décrire les décisions prises par des hommes et des femmes en couple en matière d’articulation entre vie familiale et professionnelle. Dans la sociologie de la famille internationale, qui échange en langue anglaise, tout un champ de recherche se déploie sous l’étiquette work-family arrangement (WFA) pour aborder les questions suivantes : quel mode de garde pour les enfants, quelle adaptation des horaires de travail, des carrières professionnelles, de la pénibilité du métier, quel partage sexué du travail domestique ? (Charvet, Laurioux, Lazuech, 2016). L’expression « arrangement travail-famille » est même devenue une catégorie de la statistique européenne (Pailhé, Solaz, 2009 ; Sanchez-Mira, 2019).
17 Le terme est employé encore pour désigner les arrangements financiers dans les couples (financial/fiscal/banking arrangements) (Addo, Sassler, 2010) : concrètement, dans quelle mesure les hommes et femmes en couple mettent-ils en commun (ou non) leurs revenus et payent-ils ensemble (ou non) leurs impôts.
18 Ce rapide tour permet d’établir plusieurs constats : la notion d’arrangement·s (plus souvent au pluriel en français, au singulier en anglais) est omniprésente dans la sociologie de la famille, pour désigner des phénomènes sociaux variés. La plupart du temps, le terme n’est pas rigoureusement défini, et pourrait souvent être remplacé par un autre : organisation familiale, négociation conjugale, management des relations familiales, allocations de ressources, configuration familiale… Ce qui est commun à l’ensemble de ces usages, c’est d’abord de s’intéresser à des pratiques familiales et à des décisions effectivement prises, et pas seulement à des représentations ou des normes. Ensuite, la notion d’arrangement·s nous place à l’un des points de tension des savoirs sur la famille : qu’est-ce qui relève de l’individuel et du collectif, dans des rapports familiaux, qui sont aussi des relations de pouvoir inscrites dans des rapports de domination ? Faisons le pari qu’un détour en dehors de la sociologie de la famille peut être utile.
Sortir de la sociologie de la famille pour préciser la notion d’arrangement·s
19 Le terme d’arrangement, au singulier, est utilisé dans le champ de la gestion. Domaine de connaissance aujourd’hui pensé principalement en référence à l’entreprise, la gestion était au xviiie et xixe siècle essentiellement domestique et concernait avant tout les fermes, les foyers ou encore les enfants en bas en âge (Le Texier, 2013). Aux xviiie et xixe siècles, la notion anglaise d’arrangement (souvent domestique donc) désigne l’action de mettre en ordre une combinaison de choses, mais aussi d’espace et de temps, dans un but déterminé, à grand renfort de plans, de schémas, de fiches et d’emplois du temps. Texier montre que ce management domestique est transposé à l’industrie au cours du xixe siècle et subit une transformation importante menant de l’arrangement de l’environnement extérieur à l’organisation sociale des collectifs et de la subjectivité des travailleurs. Dans le management moderne, le champ d’application de l’idée d’arrangement ne cesse ainsi de s’étendre. Il me semble utile de retenir de cette définition d’un ordonnancement de l’espace, du temps, des choses, mais aussi des collectifs humains et des subjectivités individuelles, autant de dimensions qui peuvent être aisément transférées au domaine de la famille. Cependant, qui sont, dans la famille, les managers qui tiennent les manettes et manipulent de manière consciente et délibérée les collectifs ? Cela pose la double question des rapports de pouvoir entre personnes apparentées et du caractère conscient des arrangements de famille.
20 Mais poursuivons notre détour par la sociologie pragmatique française qui a souvent pris pour objet d’études la littérature managériale. Elle met l’accent sur les manières d’être et d’agir des personnes lorsqu’elles sont plongées dans une situation sociale et fait un usage récurrent du concept d’arrangement. Dans ce cadre théorique, un arrangement est « un accord contingent entre deux parties (“tu fais ça, ça m’arrange ; je fais ça, ça t’arrange”), rapporté à leur convenance réciproque et non en vue d’un bien général » (Boltanski et Thevenot, 1991, p. 408). Dans De la justification, Luc Boltanski et Laurent Thevenot insistent sur la dimension précaire et locale de tels arrangements particuliers qui fonctionnent précisément du fait de leur souplesse, de leur solidité variable et parce qu’ils ne prétendent pas à la défense d’un bien commun.
21 Le terme d’arrangement a été retravaillé ultérieurement par Luc Boltanski dans La Condition fœtale pour décrire différentes situations historiques auxquelles sont associées des manières spécifiques de taire et de dissimuler, ou de révéler et de mettre en pleine lumière, les contradictions anthropologiques de l’avortement et de l’engendrement (Boltanski, 2004) : « nous nous attachons particulièrement à distinguer les solutions consistant à distribuer, entre des situations et des séquences temporelles différentes, différents types d’exigences normatives, également dotées par les personnes d’une validité universelle, bien qu’elles soient incompatibles entre elles » (ibid. p. 15). On retrouve ici la question de la formalisation des arrangements, leur caractère délibéré ou non, mais complexifiée par l’opposition entre ce qui est exhibé et ce qui reste caché. Comme nous l’avons vu dans le cas des arrangements patrimoniaux, cette dimension est essentielle : entre ce qui est dissimulé dans le huis clos de l’étude notariale (le règlement précis des partages successoraux) et ce qui est montré publiquement. La famille harmonieuse « arrangée » est celle qui a surmonté cette épreuve. Mais, dans La Condition fœtale, Boltanski raisonne non pas à l’échelle locale et interindividuelle, mais à celle d’une société donnée à un moment donné.
22 C’est à cette échelle macrosociale que se situe également Éric Macé lorsqu’il définit la notion d’arrangement de genre, à la suite du texte classique d’Erving Goffman, « the arrangement between the sexes » (Goffman, 1977 ; Macé, 2015). Goffman analyse comment le maintien de l’ordre de l’interaction entre les hommes et les femmes produit un ordre social, stable et solide, fondé sur la domination masculine. À sa suite, Macé décrit le patriarcat comme un « arrangement de genre » contingent, inscrit et circonscrit dans l’histoire et caractérisé tout à la fois par sa nécessité (la dimension genrée de l’organisation sociale) et sa légitimité (ce qui justifie qu’il en soit ainsi). Cette définition conduit l’auteur à définir les arrangements de genre dans les sociétés occidentales contemporaines comme « post-patriarcaux » au sens où « la mise en asymétrie du masculin et du féminin, bien que persistante dans des pratiques et des représentations, n’est plus ni légitime ni nécessaire » (Macé, 2015, p. 25). Je ne suivrai pas du tout Macé dans ses conclusions sur le post-patriarcat qui manquent de fondement empirique, et apparaissent tout à la fois comme évolutionnistes, androcentriques et ethnocentriques. Je ne le suivrai pas non plus dans son appréhension des arrangements de genre comme une théorisation concurrente de la sociologie de la domination matérialiste dans laquelle s’inscrit mon travail. Au contraire, l’historicisation, nécessaire, du patriarcat « n’appelle pas forcément de rupture avec une pensée de la domination » et « parler de domination en sciences sociales ne conduit pas à nier l’existence et l’autonomie des rapports de pouvoir inter-individuels » (Arambourou, 2017). En revanche, on peut saluer l’initiative d’Éric Macé de définir un peu plus clairement la notion d’arrangement à partir de deux critères : 1) le critère durkheimien de la nécessité de la division du travail social ; 2) le critère de la légitimité pour les actrices et les acteurs engagés dans les arrangements.
23 Récapitulons : les arrangements sont des dispositifs qui permettent d’affaiblir la tension entre deux contraintes, à défaut de la surmonter. Ils ordonnent de l’espace, du temps, des choses, mais aussi des collectifs humains et des subjectivités individuelles. Pensés à l’échelle microsociologique, ces ordonnancements sont locaux et précaires ; pensés à l’échelle macrosociologique, ils peuvent caractériser une société donnée à un moment donné. Aux deux échelles micro/macro, les arrangements sont contingents, inscrits dans l’espace et dans le temps et susceptibles d’évoluer. Toutefois, pour que les arrangements fonctionnent, ne serait-ce que pour un temps limité, il faut qu’ils soient nécessaires et légitimes pour les personnes impliquées.
24 On se souvient que le plus petit dénominateur commun des études qui emploient le terme d’arrangement·s en sociologie de la famille est de décrire des pratiques et des décisions prises, plutôt que seulement des normes. Cela distingue cet ensemble de travaux d’une grande partie de la littérature en sociologie de la famille qui est davantage consacrée aux normes et représentations – ce que les relations familiales devraient être – plutôt qu’à la description des pratiques familiales dans différents milieux sociaux, qui sont difficilement observables, car se déployant dans la vie privée des individus.
Vers une définition opérationnelle des arrangements de famille
25 La notion d’arrangements au pluriel peut être très utile pour décrire des pratiques familiales, notamment, pour répondre à la question suivante : comment sont prises des décisions collectives en famille ? Cette question recouvre plusieurs points de tension : les rapports entre individuel et collectif (et quel collectif ?) ; la prise en compte de rapports de pouvoir intrafamiliaux inscrits dans des rapports de domination ; mais aussi la temporalité et le caractère intentionnel des décisions prises. Historiquement, c’est à l’échelle du ménage – soit l’ensemble des personnes qui vivent sous un même toit, qui est aussi l’échelle d’analyse de la statistique publique – que se sont posé ces questions. Et le concept de négociation s’est imposé pour les décrire tant en économie qu’en sociologie de la famille. Or la notion d’arrangements permet de dépasser le cadre de pensée contraignant du ménage et de résoudre certaines difficultés posées par le concept de négociation.
Les limites du ménage et de la négociation
26 Au fondement de l’économie de la famille, on trouve la question suivante : comment se prennent les décisions du ménage ? L’économie de la famille repose sur une analogie : la famille est considérée comme une petite entreprise étudiée avec les outils classiques de l’économie de la firme (Bergstrom, 1997). Gary Becker théorise la famille comme une instance de production de biens et services (outputs) à partir des ressources qui peuvent être des biens de marché et du travail des membres de la maisonnée (inputs). Il propose un modèle « unitaire », c’est-à-dire une fonction d’utilité commune au ménage sous une contrainte budgétaire regroupant l’ensemble des ressources de la famille (Becker, 1991 [1981]). La « fonction d’utilité sociale » ainsi définie pose hélas d’importants problèmes de cohérence, comme l’a bien montré la théorie des jeux : la rationalité collective n’est pas nécessairement compatible avec la rationalité individuelle de chaque agent (Chiappori et Orfali, 1997).
27 Une première solution, assez rudimentaire et sexiste, consiste à assimiler cette fonction à celle d’un « chef de ménage » : les décisions familiales seront prises en fonction des préférences individuelles de ce dernier, le plus souvent un homme, le père de famille. Un autre ensemble de modèles, dits « pluri-décisionnels », affecte à chaque personne une fonction d’utilité qui lui est propre et reconnaît la pluralité des sources de décision au sein du ménage. On peut alors distinguer plusieurs mécanismes possibles d’arbitrage, plus ou moins coopératifs, et qui font la part belle au pouvoir de négociation des individus, qui dépend de l’importance des menaces que ces dernier·es peuvent faire peser sur les autres (Lemennicier, 1988 ; Manser et Brown, 1980). Les modèles microéconomiques de prise de décision au sein de la famille fonctionnent avec plusieurs décideurs et décideuses qui marchandent leurs parts de ressources (Lundberg et Pollak, 1996) : leurs caractéristiques personnelles que l’autre a plus ou moins de chances de retrouver chez un·e autre partenaire, leurs capacités de coopération avec l’autre (qui a été acquise dans la durée de la relation) mais aussi leurs apports financiers dans le budget du ménage et leurs possibilités d’indépendance, notamment financière, qui rend plus ou moins crédible la menace de partir. Ces modèles permettent de penser les conséquences au sein des couples des inégalités de genre : les femmes et les hommes n’ont pas les mêmes armes dans la négociation conjugale du fait, notamment, de fortes inégalités de revenus [4]. Toutefois, ces inégalités sont pensées comme des capacités individuelles à négocier et non la résultante de processus sociaux de domination inhérents aux rapports familiaux.
28 Si l’économie de la famille ne veut pas fonctionner comme un « cache-sexe », il est impératif qu’elle prenne à son compte aussi la formation des « avantages comparatifs » des hommes et des femmes, c’est-à-dire qu’elle cesse de les considérer comme des données exogènes (Bessière et Gollac, 2016). Autrement dit, il faut qu’elle intègre dans son analyse les apports des études sur le genre qui montrent que filles et garçons, dès l’enfance, sont familiarisés inégalement aux tâches domestiques, par les jeux qu’on leur propose, ou encore par une identification différenciée aux femmes qu’ils et elles voient majoritairement effectuer ce type de tâches – mères, assistantes maternelles, auxiliaires de puériculture, femmes de ménage, etc. Ensuite, l’éducation des filles les pousse vers des filières d’études moins rentables sur le marché du travail, en dépit de leurs meilleurs résultats scolaires (Baudelot et Establet, 2006 [1992]). Elles sont plus tard discriminées sur le marché du travail et tout au long de leur carrière, notamment en termes de salaire (Silvera, 2014 ; Maruani, 2011). La sociologie du genre a définitivement remis en cause la terminologie du « choix » en matière d’activité féminine, notamment à partir de l’exemple du temps partiel, à 78 % féminin : l’opposition entre temps partiel « subi » et « choisi » ne rend compte ni de la réalité du marché du travail féminin, ni de l’intériorisation des contraintes familiales par les femmes (Angeloff, 2000). La spécialisation des femmes dans les tâches domestiques et des hommes dans les activités professionnelles ne relève pas d’un choix, mais est un produit sociohistorique qui se joue, en grande partie, dans la sphère familiale.
29 Ces trente dernières années, la sociologie de la famille a été profondément renouvelée par les études sur le genre (Déchaux, Le Pape, 2021). Omniprésent dans les recherches sur la famille, le couple et les relations intimes entre les années 1970 et le début des années 2000, le terme de « négociation » permettait de penser la manière dont les couples organisent leur vie commune et prennent des décisions : de la prise en charge du travail domestique et des enfants, à l’allocation du temps de loisir, en passant par la gestion financière des couples. Le succès de cette notion en sociologie de la famille reposait sur la possibilité d’analyser des pratiques différenciées – par exemple, l’inégale prise en charge du travail domestique entre conjoint·es – sans faire référence à l’adhésion à des rôles de genre traditionnels prédéterminés (Glaude et Singly, 1986) ; voire de comprendre pourquoi les hommes et les femmes en couple adhérent à un modèle normatif égalitariste, tout en perpétuant des pratiques inégalitaires dans les micro-interactions du quotidien (Kaufmann, 2011 [1997]). Dans le paradigme de la négociation, le genre est pensé comme un rapport de pouvoir local.
30 Avec le recul, on mesure combien le concept de négociation était constitutif du « grand récit de la famille moderne » mis en œuvre par les sociologues de la famille mainstream en Europe dans les années 1990. Ce grand récit, qui mettait l’accent sur la famille relationnelle (Singly, 2014), présupposait une égalité entre partenaires conjugaux de sexe différents. Il insistait sur la démocratisation des relations intimes, le développement de la réflexivité et de la communication conjugale (Bauman 2004 [2003], Beck et Beck-Gersheim, 1995 [1990]), l’ensemble permettant l’épanouissant d’une « relation pure » débarrassée du carcan des rôles de genre (Giddens 2004 [1992]). Cette description irénique des rapports familiaux sous-tendant le paradigme de la négociation ne résiste pas à l’examen d’une sociologie des rapports de domination qui met davantage l’accent sur les contraintes matérielles pesant de façon inégalitaire sur les femmes et les hommes, qui plus est de façon différenciée selon les classes sociales (Jamieson, 1999 ; Nyman et Evertsson, 2005). Les travaux de Sibylle Gollac et moi-même s’inscrivent directement dans cette perspective. Nous montrons que la célébration de normes égalitaires, y compris lorsqu’elles sont inscrites dans le droit, contribue au maintien et au renforcement de pratiques inégalitaires en matière de prise en charge du travail domestique et parental ou encore d’inégalités de revenus et de patrimoine entre femmes et hommes (Bessière et Gollac, 2020). Le concept d’arrangements de famille ne porte pas en lui-même cette attention aux rapports de domination dans les pratiques familiales, mais il est davantage compatible avec cette perspective d’analyse que le concept de négociation.
Les arrangements de famille en deçà et au-delà du ménage
31 La notion d’arrangements de famille peut contribuer à dépasser une partie des difficultés inhérentes au concept de la négociation. D’abord, elle permet d’élargir le paradigme de la négociation, souvent pensée à l’échelle de deux individus (au sein d’un couple), à plusieurs personnes apparentées au sein de groupes familiaux à géométrie variable, dont les contours sont à définir selon les pratiques familiales étudiées. Il n’y a pas de capacités individuelles à s’arranger (comme de capacités individuelles à négocier), les arrangements sont nécessairement une coproduction collective. Mais de quels collectifs s’agit-il ? Je m’inscris ici dans le sillage de la sociologue et anthropologue Florence Weber qui a développé des outils conceptuels pour penser la parenté pratique (2002 ; 2013 [2005]). Cette dernière propose de renoncer au terme de famille pour penser les appartenances d’un individu à différents groupes de parenté pratique, dont les contours sont définis au cours de l’analyse, en fonction, justement, des pratiques étudiées. Florence Weber identifie ainsi des « lignées » dont l’objectif est de maintenir dans le temps la continuité d’un capital collectif (un nom, un patrimoine) ; des « maisonnées » mobilisées autour de la production quotidienne d’une cause commune et des « parentèles » organisées en réseaux d’échanges réciproques de forme don/contre-don.
32 Dans la famille Roullin, on peut identifier une lignée, qui inclut parmi les vivants, la mère d’Edmond, le couple formé par Edmond et Monique, les sœurs d’Edmond qui ont « accepté » d’être désavantagées dans les partages patrimoniaux de 1979, et, potentiellement (c’est précisément l’objet de fortes tensions) Marie-Hélène qui a « accepté » d’entrer dans la société agricole en 1997. J’emploie ici deux fois le terme « accepté » entre guillemets, parce que précisément l’objet de l’analyse doit porter sur les conditions sociales de cette acceptation, qui sous-tendent les arrangements familiaux successifs. On peut également identifier une maisonnée constituée d’Edmond, de Monique et de leur fils handicapé qui travaillent tous les trois au quotidien à maintenir l’exploitation, Marie-Hélène s’y refusant explicitement.
33 Edmond et Monique Roullin ont interprété l’entrée de leur fille dans la société agricole comme un arrangement de lignée : une participation de cette dernière au maintien de l’exploitation dans le temps, avec pour eux en ligne de mire une reprise par leur fille et leur gendre. Contrairement à ses parents, Marie-Hélène raisonne dans une perspective d’arrangement de parentèle, ponctuel, et non d’arrangement de lignée qui l’engagerait à reprendre l’exploitation dans la durée. Elle considère qu’elle a dépanné ses parents à un moment donné pour leur projet d’achats de terre qu’ils n’auraient pu concrétiser sans elle, mais que ce don réalisé ne l’engage pas davantage. La maisonnée exploitante a ici un statut intermédiaire : Marie-Hélène refuse de travailler au quotidien avec ses parents et son frère (ce qui est très inhabituel pour une associée), arguant de ses devoirs vis-à-vis d’une autre maisonnée, conjugale et parentale cette fois-ci ; mais l’on note que Marie-Hélène se dévoue quand même pour la maisonnée exploitante de façon exceptionnelle en participant aux travaux des vignes en hiver, ce qui atteste d’un positionnement ambigu en son sein. Il peut donc y avoir des conflits de définition sur les groupes de parenté pratique en présence et le sens des arrangements pris selon leurs contours, leur temporalité et leurs modalités de fonctionnement.
34 En couplant la notion d’arrangements à une réflexion sur les groupes de parenté pratique en présence – arrangements de lignée, de maisonnée ou de parentèle, en se posant à chaque fois des questions sur l’existence et la composition de ces différents groupes –, la sociologie de la famille peut s’émanciper de l’unité d’analyse du ménage qui a jusqu’alors trop circonscrit sa réflexion. Le ménage est l’unité de base de la statistique publique, mais c’est aussi une matrice cognitive (Lenoir, 2003) qui a des effets sur ce qu’on peut saisir des pratiques familiales. Nous avons montré, avec d’autres, comment le ménage peut être un cache-sexe des inégalités de genre qui se déploient en son sein (Bessière, Gollac, 2020 ; Meulders et O’Dorchai, 2009). En attribuant à chaque individu une seule résidence principale, une approche par ménage ne permet pas non plus de comprendre tout un ensemble de pratiques familiales : multirésidence (des adultes pour des raisons professionnelles ou familiales, des étudiant·es ou encore des enfants dont les parents sont séparés), liens entre des personnes vivant en collectivité [5], ou sans logement avec leurs proches apparentés (Toulemon, 2011). De nombreuses pratiques et décisions familiales ne peuvent être comprises à la seule échelle du ménage, par exemple, les choix de résidence de parents séparés dont les enfants alternent entre plusieurs foyers recomposés ou encore la prise en charge d’une personne âgée dépendante par certain·es de ses enfants adultes. Le concept d’arrangements peut aider les politiques publiques à penser en deçà et au-delà du ménage.
La temporalité longue des arrangements de famille
35 Le concept d’arrangements, par rapport à celui de négociation, permet aussi de réfléchir à la temporalité des prises de décision familiale. La sociologie de la famille traite rarement de la négociation en termes de négociation explicite « ouverte, faisant l’objet de discussions autour d’une table, découlant de besoins ou d’évènements particuliers » (Finch et Mason, 1993). C’est la négociationimplicite qui est étudiée : les subtilités dont les partenaires usent pour communiquer entre eux, sans entrer dans des discussions ouvertes (intonations de voix, communication non verbale, etc.). Il est difficile de savoir où commence et s’arrête la négociation. Le terme d’arrangements, et ici le pluriel est utile, permet d’affronter directement cette particularité des prises de décisions familiales : il y a une pluralité d’arrangements inscrits dans un temps long de l’histoire des relations personnelles entre apparenté·es et qui peuvent mettre en équivalence des registres différents d’activité inscrits dans des temporalités différentes.
36 Par exemple, les arrangements patrimoniaux ne sont pas seulement une question d’argent et de biens. Le cas de la famille Roullin l’illustre bien. Ils impliquent aussi des sentiments, des émotions, des obligations morales, des valeurs, des principes de justice, des normes sociales, ils comportent aussi des enjeux de réputation. Ainsi, en même temps qu’est estimée une part de patrimoine dans une succession, se joue pour un père ou une mère la définition de ce qu’est un bon fils ou une bonne fille aux différentes étapes de la vie. En même temps que se négocie le montant d’une prestation compensatoire dans un divorce, c’est la légitimité de la division du travail professionnel, domestique et parental dans un couple, au moment de la rencontre, de l’arrivée des enfants, de la vieillesse, qui est mise en discussion. Ce qui est arrangé et compté entre les personnes apparentées, ce sont tout à la fois des biens matériels (qui ont une incidence bien concrète sur leurs conditions d’existence), mais aussi des principes moraux, des conceptions de ce qui est juste ou injuste, réinscrits dans une histoire longue de relations personnelles empreinte de multiples affects : loyauté, connivence, confiance, respect, trahison, rivalité, jalousie, culpabilité, etc. (Zelizer, 2005 ; 2001).
37 La prise en compte de la temporalité longue des arrangements de famille a deux conséquences bien concrètes en termes de recherche. Premièrement, la sociologue ne peut pas se contenter d’observer une décision prise au moment où elle est prise, deuxièmement, cette prise en compte du temps long des arrangements de famille conduit à rediscuter de leur caractère délibéré. Dans le temps long, les conséquences des arrangements sont en partie imprédictibles pour leurs protagonistes. Des arrangements qui considérés au moment de leur formalisation (juridique ou autre), avaient l’air d’être « choisis » ou plus ou moins « acceptés », leurs effets non anticipés sur le long terme apparaissent comme nettement moins intentionnels.
38 C’est ce que Marie-Hélène Roullin apprend à ses dépens en 2003. Cinq années plus tôt, elle a cédé à la pression de ses parents pour entrer dans leur société civile agricole. Pourtant, elle refuse de travailler avec eux au quotidien, affirmant qu’elle préfère se consacrer à l’éducation de ses trois jeunes enfants (tandis que son mari, très absent, fait carrière dans une grande maison de négoce en cognac). Mais, au moment où son couple rencontre des difficultés, alors qu’elle souhaite divorcer et trouver un emploi salarié pour être autonome financièrement, Marie-Hélène se trouve piégée dans la lignée dans laquelle l’ont inscrite, à ses dépens, ses parents qui espéraient qu’elle reprendrait l’exploitation familiale avec son mari. D’où la rupture, très brutale avec eux. On a là un exemple éclatant d’un arrangement de famille qui tourne mal, parce que ses différents protagonistes ne se sont pas engagés à la même chose. D’ailleurs, ils ne se sont jamais engagés formellement à quoi que ce soit, si ce n’est à ce que Marie-Hélène devienne associée. Marie-Hélène déplore que ses parents refusent de se mettre autour d’une table avec elle et sa sœur cadette pour aborder la question de l’avenir de l’entreprise familiale.
Céline : Et là, vous en avez parlé un peu de la suite, une fois que ton père sera à la retraite ?
Marie-Hélène : Alors ça, c’est une chose que j’aimerais bien qu’on aborde. Mais mon père, c’est « on verra » tout le temps, c’est « on verra au moment venu ». Et ça, ce n’est pas faute de lui avoir lancé la pierre. Papa, il faut quand même en parler !
40 Contrairement aux hypothèses du « grand récit de la famille moderne », les personnes apparentées ont plus ou moins d’appétence pour la réflexivité et la conversation familiale, qui ne sont pas indépendantes de leurs propriétés sociales, ni du lien ni de la situation familiale. Classiquement, ce sont les femmes qui prennent en charge le « travail émotionnel » familial (Hochschild, 2017 [1983]) : ici Marie-Hélène qui cherche à susciter la discussion familiale et sa mère qui joue l’ambassadrice de son époux à de multiples reprises lors du conflit qui les oppose. Une sociologie misérabiliste pourrait rapidement qualifier Edmond Roullin d’agriculteur « taiseux », mais cela entrerait en contradiction avec la participation active de ce dernier à l’enquête de terrain. Ce n’est donc pas qu’il ne sait pas parler, mais qu’il ne souhaite pas parler explicitement de l’avenir de l’entreprise familiale avec ses filles, et son épouse, autour d’une table. La socialisation de Marie-Hélène est contradictoire du fait de son genre et sa position dans l’adelphie. Parce qu’elle est la fille aînée, elle a surtout été socialisée au dévouement à la maisonnée et à la lignée, notamment au travail gratuit, mais elle n’a pas été « intéressée » comme un fils au métier et à la reprise de l’exploitation. Des années plus tard, cette socialisation la place dans cette position impossible entre émancipation personnelle (par le divorce, le travail salarié) et culpabilité à laisser tomber l’entreprise familiale et ses parents.
Où s’arrête l’accord, où commence le conflit dans les arrangements de famille ?
41 Pour conclure, j’avancerai que le terme d’arrangements permet de dépasser l’opposition juridique entre accord et contentieux pour décrire plus finement la production sociale d’un consensus, même fragile et provisoire, entre des personnes apparentées.
42 Nous avons vu que, lorsque les familles viticoles de la région de Cognac emploient le terme d’« arrangement de famille » pour désigner les partages successoraux, elles euphémisent leur dimension potentiellement conflictuelle pour mettre l’accent, au contraire, sur la production d’un consensus. D’ailleurs, un certain nombre de partages successoraux explicitement inégalitaires et objets de tensions familiales, parfois vives, peuvent, sous certaines conditions, ne pas donner lieu à des conflits ouverts et encore moins judiciarisés. En France, en 2010, 95 % des successions se règlent à l’amiable dans les études notariales, seulement 5 % donnent lieu à la saisine du tribunal (Bessière et Gollac, 2020, p. 104).
43 De la même façon, ce n’est pas parce qu’une séparation conjugale se règle judiciairement à l’amiable qu’il n’y a pas la persistance des conflits conjugaux, parfois très profonds et non résolus (Collectif Onze, 2013). La banalisation des ruptures conjugales s’est accompagnée du développement d’un modèle de séparation pacifiée qui s’est imposé tout à la fois dans les normes sociales, dans le droit et dans les pratiques judiciaires (Théry, 1993 ; Bastard, 2002). Le divorce par consentement mutuel – où les couples mariés s’entendent sur toutes les conséquences de leur rupture – est devenu la forme de divorce majoritaire, représentant aujourd’hui 55 % des procédures. Depuis janvier 2017, ils sont prononcés sans juge, pour peu que chaque partie soit représentée par un·e avocat·e et que le dossier ait été déposé dans une étude notariale. Ces réformes visant à désengorger les tribunaux s’accompagnent de la percée des modes alternatifs de règlement des conflits, promouvant l’accord entre les parties (médiation, procédures participatives, droit collaboratif) en amont ou en dehors du tribunal. Le divorce pour faute qui constituait encore 46 % des divorces en 2004 est devenu marginal, représentant moins de 10 % des procédures aujourd’hui. Bien sûr, les violences et les conflits familiaux qui accompagnent les séparations conjugales n’ont pas baissé dans la même proportion.
44 Pour la recherche en sciences sociales, le terme d’arrangements permet de dépasser l’opposition, structurante pour les juristes, entre règlement contentieux et amiable des litiges. Dans la mesure où la justice civile familiale prend de moins en moins en charge les conflits, il est nécessaire d’étudier de près la production sociale de ces « accords à l’amiable » qui se jouent en dehors du tribunal. Nos recherches attestent que cette production d’un consensus varie selon les classes sociales, du fait de la possibilité de se payer (ou non) les services de professions libérales du droit qui proposent un accompagnement plus ou moins sophistiqué, selon leur type de clientèle. Finalement, au travers de l’étude du degré de formalisation des arrangements de famille, la question qui se pose est : qu’est-ce qu’il en est donné à voir, mais aussi ce qui est dissimulé et à qui ?
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Mots-clés éditeurs : conflit, décision collective, sociologie de la famille, consensus, négociation
Mise en ligne 10/10/2022
https://doi.org/10.3917/aphi.854.0029Notes
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[1]
Je remercie Thomas Angeletti, Alice Feyeux, Julie Pagis et Gabrielle Radica pour leurs commentaires généreux et relectures précises.
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[2]
Pour une présentation de l’équipe de recherche actuelle, voir : https://justines.cnrs.fr
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[3]
Tous les prénoms et noms mentionnés ont été modifiés pour respecter la confidentialité promise aux personnes enquêtées.
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[4]
Selon l’enquête Revenus fiscaux et sociaux de l’INSEE, en 2011, les femmes en couple ont des revenus en moyenne 42 % inférieurs à ceux des hommes en couple et cet écart se creuse à proportion du nombre d’enfants. L’écart n’est que de 9 % entre les hommes et les femmes sans conjoint (Morin, 2014).
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[5]
Selon le recensement mené en 2016, 1,3 million d’adultes, soit 2 % de la population française, vivent « hors ménage » dans ce que l’INSEE appelle des « communautés » : résidences universitaires, foyers, prisons, communautés religieuses, casernes, maisons de retraite, etc.