Notes
-
[*]
Je remercie Martine Pécharman pour ses suggestions et pour sa révision de la version française.
-
[2]
Discours de la méthode, in Œuvres de Descartes publiées par Charles Adam &Paul Tannery, t. VI (= AT VI), Paris, 1902, p. 17 – je modernise l’orthographe de toutes les citations de Descartes.
-
[3]
AT VI, p. 17.
-
[4]
AT IX-2, p. 15.
-
[5]
AT IX-2, p. 13-14.
-
[6]
AT IX-2, p. 13.
-
[7]
Scipion Dupleix, par exemple, dit (La Logique ou art de discourir et raisonner [1600], Paris, Fayard, 1984, p. 29) que les mots logique et dialectique sont synonymes et peuvent être utilisés tous deux indifféremment pour désigner l’ensemble de la discipline. Mais, ajoute-t-il, le mot dialectique est souvent restreint (comme le font Aristote et les péripatéticiens) à une partie seulement de la logique, qui porte sur les raisonnements probables ou vraisemblables. Il explique (La Logique, p. 57-58) que la logique se divise chez les péripatéticiens en deux parties, la première appelée analytique et la seconde dialectique ou topique : « L’Analytique enseigne que c’est que demonstration, c’est à dire, à discourir et raisonner par principes necessaires […]. La Dialectique ou Topique monstre à discourir et raisonner par principes seulement probables et vray-semblables ». Il a auparavant indiqué que Platon et les platoniciens utilisaient le terme dialectique, non pas pour une partie de la logique, mais « pour la Metaphysique et philosophie surnaturelle » (La Logique, p. 29).
-
[8]
Jacques DU ROURE, La Philosophie divisée en toutes ses parties, établie sur des principes évidents et expliquée en tables et par discours, ou particuliers, ou tirés des anciens et des nouveaux auteurs, et principalement des Péripatéticiens et de Descartes, Paris, chez Gervais Clouzier, 1654.
-
[9]
Jacques DU ROURE, La Philosophie divisée en toutes ses parties, respectivement p. 45-180 et p. 181-214.
-
[10]
La Philosophie divisée en toutes ses parties, p. 49-110.
-
[11]
La Philosophie divisée en toutes ses parties, p. 111-180.
-
[12]
La Philosophie divisée en toutes ses parties, p. 183-184.
-
[13]
La Philosophie divisée en toutes ses parties, p. 7.
-
[14]
La Philosophie divisée en toutes ses parties, p. 7-8.
-
[15]
Jacques DU ROURE, Abregé de la vraye philosophie, lequel en contient avéque les six parties et leurs tables : les définitions, les divisions, les sentences, &les questions principales, Paris, chez l’auteur, 1665.
-
[16]
Abregé de la vraye philosophie, Logique, § 1, s.p.
-
[17]
Il existe de nombreuses méthodes appelées analyse et synthèse au XVIIe siècle, dont la plupart n’ont rien à voir avec les différents sens donnés par Descartes à ce qu’il appelait analyse et synthèse (définition et composition dans les Regulae, les deux modes de démonstration des Deuxièmes Réponses, ou l’analyse et la synthèse des Anciens). L’analyse et la synthèse de l’Abregé ne sont pas particulièrement des notions cartésiennes. Du Roure écrit : « La Methode êt l’ordre des Siences &de leurs Discours : dans léquels ou d’une chose on en fait plusieurs, ce qui reçoit le nom de methode Analytique : ou de plusieurs une, ce qu’on appelle methode Synthetique, ou compositive » (Abregé de la vraye philosophie, Logique, § 2, s.p.).
-
[18]
Abregé de la vraye philosophie, Logique, § 1, s.p.
-
[19]
Abregé de la vraye philosophie, Logique, § 20, s.p
-
[20]
La Logica contracta, comme son titre l’indique, est un court traité de logique : voir Johannis Claubergii Opera omnia philosophica […]. Cura Joh. Theod. Schalbruchii, Pars secunda, Amsterdam, Blaeu, 1691, reprint Olms, Hildesheim, 1968, p. 911-936. Pour des indications concernant sa genèse, on peut consulter Theo VERBEEK, « Johannes Clauberg : A biobibliographical sketch », in Theo Verbeek (éd.), Johannes Clauberg (1622-1665) and Cartesian Philosophy in the Seventeenth Century, Dordrecht, Kluwer, 1999, p. 190.
-
[21]
Logica contracta, p. 913-923.
-
[22]
À savoir, la quantité de l’énonciation, sa vérité et sa fausseté. Clauberg traite ensuite de l’opposition, de la conversion et de l’équipollence des propositions, et des propositions composées (conditionnelles, disjonctives, relatives, etc.). Voir Logica contracta, p. 924-927.
-
[23]
Logica contracta, p. 927-931.
-
[24]
Logica contracta, respectivement p. 931-932 et p. 932-933.
-
[25]
Logica contracta, p. 933-935.
-
[26]
Bien que cela ne doive pas être surestimé, il y a cependant des éléments cartésiens dans la Logica contracta, car la logique y est entendue comme l’art de bien user de sa raison, ce qui implique que l’on ait une intellection claire et distincte de la chose à connaître, que l’on en juge droitement, et que l’on ne confie à la mémoire qu’une chose bien conçue et bien jugée (op. cit., p. 913).
-
[27]
Logica vetus &nova, Prolegomena logicae, cap. II, in Opera omnia philosophica, Pars secunda, op. cit., p. 770-772 ; Logique ancienne et nouvelle, trad. par J. Lagrée et G. Coqui, Paris, Vrin, 2007, p. 34-36. Cf. René DESCARTES, Principia philosophiae, Pars prima, art. LXXI (AT VIII, p. 35-36).
-
[28]
Logica vetus &nova, Prima pars, cap. III, p. 786-787 ; Logique ancienne et nouvelle, p. 66-68.
-
[29]
Logica vetus &nova, Prima pars, cap. IX-X, p. 796-799 ; Logique ancienne et nouvelle, p. 86-93. Cf. Discours de la méthode, AT VI, p. 18-19.
-
[30]
Logica vetus &nova, Prima pars, cap. XI, p. 800 ; Logique ancienne et nouvelle, p. 94. Cf. Discours de la méthode, AT VI, p. 18.
-
[31]
Logica vetus &nova, Prima pars, cap. XV, p. 807-809 ; Logique ancienne et nouvelle, p. 108-112. Cf. Discours de la méthode, AT VI, p. 19.
-
[32]
La vision d’ensemble qu’a Clauberg de l’œuvre de Descartes sert également cette réinterprétation. En 1652, Clauberg a publié une Defensio cartesiana, en réponse notamment à la Methodi cartesianae consideratio theologica publiée en 1648 par Jacobus Revius, théologien de l’Université de Leyde. La Defensio cartesiana a entraîné une réplique de Revius, à laquelle Clauberg répond à son tour en 1655 avec son Initiatio Philosophi sive dubitatio cartesiana. Dans sa défense du cartésianisme, Clauberg distingue entre les œuvres populaires de Descartes et ses œuvres ésotériques : selon lui, le Discours de la méthode appartient à la première catégorie, tandis que les Méditations et les Principes de la philosophie appartiennent à la seconde. Ainsi Clauberg se trouvait-il enclin à accentuer le point de vue soutenu dans la Lettre-Préface des Principes, selon lequel les règles de la méthode dans le Discours de 1637 sont « les principales règles de la logique ». Pour la relation chez Clauberg entre ses écrits en défense de Descartes et sa logique, voir Massimiliano SAVINI, Le développement de la méthode cartésienne dans les Provinces-Unies (1643-1665), Lecce, Conte Editore, 2004.
-
[33]
Voir Roger ARIEW, « Descartes, les premiers Cartésiens et la logique », Revue de métaphysique et de morale, 2005/4, p. 55-71.
-
[34]
La réponse de Descartes à Hobbes, objet d’une longue glose dans la Logique de Port-Royal, concerne la nature du raisonnement, que Hobbes identifie à un enchaînement de noms liés par la copule. Voir La logique ou L’Art de penser : Contenant, outre les regles communes, plusieurs observations nouvelles propres à former le jugement, Paris, chez Charles Savreux, 1662, p. 37-40 (cf. Meditationes de prima philosophia, Objectiones Tertiae cum responsionibus authoris, AT VII, p. 178-179). La Logique de Port-Royal contient aussi, int. al., une réfutation au moyen du Cogito de la maxime nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu, commune à Gassendi et aux scolastiques (La Logique, p. 40-42).
-
[35]
ARNAULD et NICOLE, La Logique ou l’Art de penser, p. 27 ; cf. Pierre-Sylvain RÉGIS, Cours entier de philosophie, ou Systeme General selon les principes de M. Descartes, contenant la Logique, la Metaphysique, la Physique, et la Morale, derniere edition, enrichie d’un tres-grand nombre de figures, &augmentée d’un discours sur la Philosophie ancienne &moderne, où l’on fait en abregé l’histoire de cette Science, Tome premier, Amsterdam, aux dépens des Huguetan, 1691, p. 1 (« La Logique ou l’Art de penser, contenant les reflexions qu’on a faites sur les quatre principales operations de l’esprit, qui sont appercevoir, juger, raisonner &ordonner ») et Antoine LE GRAND, An Entire Body of Philosophy, According to the Principles of the Famous Renate Des Cartes, in Three Books, New York, Johnson Reprint Corporation [with an Introduction by Richard A. Watson], 1972, vol. I, p. 2, col. B (« LOGICK is to be divided into four parts, according to the divers reflections we have of these four operations of our mind. The first, concerning ideas, or the simple perception of things. The second, of judgment, or of propositions […]. The third, of discourse or syllogism. The fourth, of method, or the orderly digesting of our thoughts… »).
-
[36]
Quoi qu’il en soit des différents termes utilisés pour désigner la première opération de l’esprit, Régis et Le Grand s’accordent avec les Messieurs de Port-Royal sur sa nature. Logique de Port-Royal : « On appelle concevoir la simple veuë que nous avons des choses qui se presentent à nostre esprit, […] &la forme par laquelle nous nous representons ces choses s’appelle idée » (op. cit., p. 27). Régis : « Les Perceptions sont ce qu’on appelle en general Idées, &l’on nomme Idées la simple veuë des choses, qui se presentent à l’ame, sans aucune affirmation ni negation » (Cours entier de philosophie, t. I, p. 1). Le Grand : « when we frame the Species of any thing by Thinking, that first view of our Mind, by which it represents and conceives the Thing as present, is called Perception, or in other words, The first operation of the Mind, or Simple Apprehension » (An Entire Body of Philosophy, vol. I, p. 2, col. A).
-
[37]
La logique ou l’Art de penser, p. 375.
-
[38]
C’est le titre du chapitre X de la Quatrième partie de La Logique ou l’Art de penser. Pour la description intégrale de ce corps de règles, voir op. cit., p. 428-431.
-
[39]
Cours entier de philosophie, t. I, p. 48.
-
[40]
Cours entier de philosophie, t. I, p. 49-51.
-
[41]
Cette citation est prise du titre du chapitre. Voir Cours entier de philosophie, t. I, p. 52-54.
-
[42]
Le chapitre sur la synthèse couvre les pages 54 à 56 seulement dans le tome premier du Cours entier de philosophie.
-
[43]
Cours entier de philosophie, t. I, p. 56.
-
[44]
La Logique ou L’Art de penser, contenant, outre les regles communes, plusieurs observations nouvelles, propres à former le jugement. Seconde edition, reveuë &augmentée, Paris, chez Charles Savreux, 1664 (voir p. 280-290).
-
[45]
Cours entier de philosophie, t. I, op. cit., p. 62.
-
[46]
Pierre-Sylvain RÉGIS, Réponse au livre qui a pour titre P. Danielis Huetii […] Censura Philosophiae Cartesianae. Servant d’éclaircissement à toutes les parties de la Philosophie, sur tout à la Metaphysique, Paris, chez Jean Cusson, 1691, Préface (s.p.). Voir aussi la dédicace d’un ouvrage satirique publié par Huet deux ans après la Réponse de Régis : « A Monsieur Regis, Prince des Philosophes Cartesiens » (Nouveaux mémoires pour servir à l’histoire du cartésianisme par M. G. de l’A., Utrecht, chez Guillaume vande Water, 1693, p. 3).
-
[47]
Voir contra Élodie CASSAN, « La Logique de Port-Royal : Une logique cartésienne ? », in Delphine Kolesnik-Antoine (éd.), Qu’est-ce qu’être cartésien ?, Lyon, ENS Editions, 2013, p. 159-178.
-
[48]
Cette collection de volumes des Conimbres a été publiée entre 1592 et 1606 : Physica (1592), De caelo, Meteorologica, Parva Naturalia et Ethica (1593), De generatione et corruptione (1597), De anima (1598), Dialectica (1606).
-
[49]
Eustache DE SAINT-PAUL, Summa Philosophiae Quadripartita, de rebus Dialecticis, Moralibus, Physicis &Metaphysicis, Tomus Prior duas priores partes hujus Summae continens, Cologne, chez Lazare Zetzner, 1629, Prima Pars Dialecticae, De iis quae primam mentis operationem spectant, Praefatio, p. 12.
-
[50]
Summa Philosophiae Quadripartita, Prima Pars Dialecticae, p. 13.
-
[51]
Summa Philosophiae Quadripartita, Prima Pars Dialecticae, p. 15.
-
[52]
Summa Philosophiae Quadripartita, Prima Pars Dialecticae, p. 12.
-
[53]
Summa Philosophiae Quadripartita, Prima Pars Dialecticae, p. 12.
-
[54]
René DE CERIZIERS, Le Philosophe François, Vienne et Lyon, chez Antoine Molin, 1651, Tome I, p. 15-16. C’est aussi la structure donnée par le scotiste Claude Frassen à la Logica qui forme la première partie de sa Philosophia Academica (1668) : les questions préliminaires y sont en effet suivies d’un discours sur les trois opérations distinctes de l’esprit, l’apprehensio simplex, le judicium et le discursus. Frassen fait par ailleurs valoir que la méthode n’est pas une quatrième opération de l’esprit. En accord avec cette conception, sa Logica est tripartite.
-
[55]
Pierre GAUTRUCHE, Philosophiae ac mathematicae totius clara, brevis, et accurata institutio, t. I, Logica et Moralis, Caen, chez Jean Cavelier, 1665, p. 137.
-
[56]
Eustache DE SAINT-PAUL, Summa Philosophiae Quadripartita, I, p. 107.
-
[57]
Eustache DE SAINT-PAUL, Summa Philosophiae Quadripartita, I, p. 107-108.
-
[58]
Scipion DUPLEIX, La logique ou art de discourir et raisonner, op. cit., p. 269-270.
-
[59]
Antoine GOUDIN, Philosophia juxta inconcussa tutissimaque Divi Thomae dogmata, Paris, 1726 [1668], I, p. 96 ; Philosophie suivant les principes de Saint Thomas, trad. Thomas Bourard, Paris, Poussielgue-Rusand, 1864, I, p. 207.
-
[60]
Antoine GOUDIN, Philosophia I, p. 96 ; Philosophie, I, p. 207-208.
-
[61]
Antoine GOUDIN, Philosophia I, p. 97-100 ; Philosophie, I, p. 208-213.
-
[62]
Antoine GOUDIN, Philosophia I, p. 97 ; Philosophie, I, p. 208-209. L’exposé de Goudin à propos de la méthode rappelle les règles de la méthode énoncées par Descartes dans la deuxième partie du Discours de la méthode. Cependant, Goudin s’attache surtout ensuite à examiner les discussions de la méthode dans les manuels scolaires (comme celui d’Eustache de Saint-Paul).
-
[63]
Théophraste BOUJU, Corps de toute la philosophie divisé en deux parties, Paris, chez Jean Orry, 1614.
-
[64]
Théophraste BOUJU, Corps de toute la philosophie, p. 76 pour toutes les citations que je viens de donner.
-
[65]
Eustache DE SAINT-PAUL, Summa Philosophiae Quadripartita, I, p. 133. Voir, de même, Scipion DUPLEIX, La Logique, p. 267-282.
-
[66]
Louis DE LESCLACHE, La Philosophie divisée en cinq parties, Premiere Partie de La Philosophie, ou La Logique, divisée en quatre parties, Paris, 1651, p. 4-6.
1 Dans quelle mesure la Logique de Port-Royal peut-elle être considérée comme une logique cartésienne ? Et dans quelle mesure l’Art de penser d’Arnauld et Nicole diffère-t-il des logiques antérieures ? Telles sont les deux questions, étroitement liées entre elles, auxquelles je souhaite répondre dans cette étude en procédant à une série de comparaisons, d’une part avec ce que Descartes appelait sa logique, d’autre part avec ce que les cartésiens de la première génération entendaient par logique cartésienne, et pour finir avec l’évolution de la logique scolastique au cours du XVIIe siècle.
Descartes, les premiers cartésiens et la Logique de Port-Royal
2Prises strictement à la lettre, certaines des assertions négatives soutenues par Descartes dans ses premiers écrits à propos du syllogisme et de la dialectique auraient pu amener à tenir le concept de logique cartésienne pour une contradiction dans les termes. À la manière, en effet, des Regulae ad directionem ingenii (inédites jusqu’en 1701), le Discours de la méthode a fait valoir en 1637 l’inutilité des syllogismes : ces derniers « servent plutôt à expliquer à autrui les choses qu’on sait, ou même […], à parler, sans jugement, de celles qu’on ignore, qu’à les apprendre [2] ». D’après la seconde partie du Discours, c’est la logique dans son ensemble qui peut s’avérer néfaste : « Et bien qu’elle contienne, en effet, beaucoup de préceptes très vrais et très bons, il y en a toutefois tant d’autres, mêlés parmi, qui sont ou nuisibles ou superflus, qu’il est presque aussi malaisé de les en séparer, que de tirer une Diane ou une Minerve hors d’un bloc de marbre qui n’est point encore ébauché [3] ». Cependant, les œuvres de la maturité de Descartes atténuent ses déclarations négatives sur la logique. Dans la Lettre-Préface de la traduction française des Principia philosophiae, le Discours publié « dix ou douze ans » plus tôt se trouve décrit par son auteur comme suit : « un Discours touchant la Méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences, où je mis sommairement les principales règles de la logique [4] ». En 1647 donc, Descartes en était venu à appeler les quatre règles de sa méthode « les principales règles de la logique » (je souligne ce dernier terme). La Lettre-Préface des Principes contenait aussi une déclaration tout à fait positive de Descartes à propos de la logique – de sa logique ; autrement dit, elle « apprend à bien conduire sa raison pour découvrir les vérités qu’on ignore ; et parce qu’elle dépend beaucoup de l’usage, il est bon qu’[on] s’exerce longtemps à en pratiquer les règles touchant des questions faciles et simples, comme sont celles des mathématiques [5] ». Juste avant cette mise en valeur de l’importance heuristique de la logique, Descartes dissuadait d’étudier la logique des écoles : « car elle n’est, à proprement parler, qu’une dialectique qui enseigne les moyens de faire entendre à autrui les choses qu’on sait, ou même aussi de dire sans jugement plusieurs paroles touchant celles qu’on ne sait pas, et ainsi elle corrompt le bon sens plutôt qu’elle ne l’augmente [6] ». Le changement d’avis de Descartes sur ??la logique s’est sans doute trouvé facilité par une ambiguïté du mot dialectique qui, au XVIIe siècle, pouvait signifier aussi bien l’ensemble de la logique, qu’une partie seulement de la logique, celle qui traite du raisonnement probable [7]. Descartes a pu ainsi réinterpréter ses déclarations négatives au sujet des syllogismes et de la dialectique comme des déclarations dont la portée critique se limitait aux syllogismes probables et à la persuasion.
3Ce point de vue plus positif de Descartes sur la logique a permis aux cartésiens – dont certains s’étaient attelés à la tâche de composer des manuels représentant le système achevé de la philosophie : logique, éthique, physique, métaphysique – d’élaborer leur propre logique cartésienne. Jacques Du Roure constitue un parfait exemple des sortes de difficultés que les cartésiens ne pouvaient manquer de rencontrer dans leur entreprise de construction d’un système de philosophie capable de rivaliser avec les manuels scolastiques. Du Roure affronte en 1654 la question du statut de la logique dans La Philosophie divisée en toutes ses parties [8]. Il analyse et discute séparément « La Logique des Peripateticiens » et la « Logique tirée de Descartes [9] ». Sa discussion de « La Logique des Péripateticiens » est assez traditionnelle : une Première Partie [10] examine les questions se rapportant aux universaux et aux catégories, et une Seconde Partie [11] traite d’abord de la définition, de la division et de la méthode, puis de « l’argument », considéré quant à ses parties (les énonciations) et quant à ses espèces (les syllogismes). Quant à la « Logique tirée de Descartes », elle est constituée par un résumé de la Seconde Partie du Discours de la méthode, et comporte l’énumération, assortie d’un commentaire successif, des quatre règles de la méthode cartésienne. L’opinion que se fait Du Roure de l’utilité de ces préceptes a été influencée par la Lettre-Préface de l’édition française des Principes de la philosophie. Du Roure, en effet, recommande la logique de Descartes à titre d’exercice en vue de bien conduire notre raison : « Mais parce quelle dépend beaucoup de l’uzage, il est tres avantageux d’en pratiquer les regles sur de simples & faciles questions, comme sont celles des Mathematiques. Et lors qu’on y aura aquis quelque habitude à trouver la verité, on doit s’appliquer avéque soin à la Philosophie [12] ». Le premier des « Discours généraux sur la philosophie » précédant l’examen des logiques péripatéticienne et cartésienne paraphrase en fait la Lettre-Préface des Principes, lorsque Du Roure écrit que Descartes recommande, une fois que l’on a exercé sa raison selon « les regles de la vraye Logique », de s’attacher à la philosophie en la considérant « comme un arbre [13] ». Du Roure organise par ailleurs son manuel selon l’ordre préconisé par Descartes dans cette Lettre-Préface, et que lui-même retrace au début de La Philosophie divisée en toutes ses parties : en premier lieu la logique, puis la métaphysique en tant qu’elle constitue les racines de l’arbre de la philosophie, ensuite la physique qui en est le tronc, et enfin l’éthique qui en est la branche principale [14].
4Un peu plus d’une décennie plus tard, dans son Abregé de la vraye philosophie [15], Du Roure va plus loin. La Logique dans cet Abrégé commence par une discussion de la méthode, présentée comme le premier moyen (avant l’expérience et le raisonnement) de connaître les choses « en la façon qu’il faut [16] ». Pour Du Roure, par la méthode, ou moyen de connaissance des choses en suivant un ordre, il faut entendre principalement l’analyse et la synthèse [17]. Sa présentation, à la suite de l’exposé méthodologique, des moyens de connaître les choses « clairement [18] », donne lieu tout d’abord à une discussion de l’expérience, qui est l’occasion de marquer qu’il juge vraies les propositions affirmant : « Toutes nos connoissances viennent de l’experience » (autrement dit, des sens), et « [Q]uiconque fait plus de raisonnemens que d’experiences ou de reflexions sur elles, tombe souvent dans l’erreur [19] ». L’étude suivante est celle du raisonnement, défini comme un jugement d’existence ou de non-existence d’une chose dont on n’a pas la perception sensible, à partir de la connaissance de l’existence ou non-existence d’une autre chose. Du Roure divise son étude – au demeurant assez approfondie – du syllogisme selon la matière, la forme, et les principes. C’est ainsi que les mots sont dits constituer la matière éloignée du syllogisme, alors que les énonciations constituent sa matière prochaine. On le voit, l’ordre que Du Roure donne à sa nouvelle logique, en commençant par la méthode et en enchaînant avec l’expérience avant de passer aux syllogismes et à la division de leur matière – d’une part les mots, d’autre part les énonciations ou jugements –, est en rupture avec l’ordre traditionnel de la logique dans les manuels scolastiques, dicté (nous y reviendrons) par les divers livres composant l’Organon d’Aristote. Il est clair, en tout cas, que l’ordre d’exposition adopté par Du Roure marque son refus de l’ordre qu’il avait lui-même observé en 1654 dans l’exposé de « La Logique des Peripateticiens ».
5Pour sa part, le cartésien Johannes Clauberg maintient en 1659 dans sa Logica contracta [20] un modèle traditionnel : cet abrégé de logique commence par les catégories [21], puis Clauberg traite dans une deuxième partie (Secundus Logicae gradus) des propriétés du jugement [22], ainsi que de l’argumentation ou raisonnement déductif et du syllogisme, parfait et imparfait, vrai et faux [23]. La troisième partie (Tertius Logicae gradus) porte sur la mémoire, la quatrième partie (Quartus Logicae gradus) concerne la didactique et la dialectique [24]. La Logica contracta se conclut par l’addition de deux chapitres, l’un sur l’ordre, l’autre sur les sophismes [25]. Très peu de chose dans tout cela évoque la méthode cartésienne [26]. En revanche, la Logica vetus & nova de 1654 commençait par des Prolegomena dans lesquels Clauberg tenait un raisonnement semblable à celui de Descartes à la fin de la première partie des Principia philosophiae, en soutenant que l’origine première de nos erreurs et la cause principale de la faiblesse de notre esprit se trouvent dans les préjugés de l’enfance [27]. Telle une médecine de l’âme, la logique doit contribuer à guérir l’esprit de ces défauts. Clauberg conçoit, dans le premier livre de sa Logica, un système unissant les règles de la méthode cartésienne et celles de la logique traditionnelle, à l’intérieur d’une division de l’ordre logique en plusieurs degrés (gradus) ou niveaux. Le premier degré, qui concerne les conditions d’une perception claire et distincte, commence, de manière toute cartésienne, par faire de l’attention le réquisit absolu et indispensable de cette clarté et distinction [28]. Le terme de ce premier niveau est atteint en s’appropriant la deuxième règle de Descartes dans le Discours de la méthode, relative à la division des difficultés, ainsi que la troisième règle qui prescrit un ordre ascendant allant des choses plus faciles aux choses plus difficiles [29]. Mais, pour Clauberg, ce premier degré de la logique donne lieu également à la discussion de sujets traditionnels tels que la substance, l’attribut et le mode, l’essence et l’existence, l’universel et le singulier, la définition et la division. Le deuxième degré de la logique selon la Logica vetus & nova concerne le jugement vrai et assuré, délivré de l’erreur et du doute. Clauberg reprend alors à son compte la première règle cartésienne dans le Discours de la méthode, à savoir, la règle de l’évidence qui commande de ne comprendre en ses jugements que ce qui est perçu clairement et distinctement. À son tour, la Logica vetus et nova soutient que « nous ne devons rien affirmer ni nier […], si ce n’est à propos d’une chose clairement et distinctement perçue [30] ». La quatrième règle de Descartes concernant les dénombrements entiers se trouve quant à elle impliquée dans le précepte final d’une énumération de tous les particuliers pour progresser par induction du particulier à l’universel [31]. Clauberg traite aussi, dans ce deuxième niveau de la logique, du syllogisme, de ses parties et de ses figures et modes. Quant au troisième et dernier degré de la logique, il est constitué par la mémoire, dont la perfection dépend de l’ordre précédent, fondant le jugement juste d’une chose dans sa perception claire et distincte. Le changement de sentiment de Descartes à l’égard de la logique autorise ainsi pour Clauberg une réinterprétation des règles cartésiennes de la méthode dans le cadre même de la logique – celle-ci fait désormais partie d’une branche légitime du savoir qui comprend jusqu’aux syllogismes [32].
6Clauberg, par conséquent, a émaillé d’éléments de la logique de Descartes le cadre de la logique traditionnelle, et Du Roure a bouleversé l’ordre scolastique, en plaçant la discussion de la méthode et de l’expérience avant celle de la démonstration et du syllogisme. D’autres cartésiens, néanmoins, ont préféré se conformer à l’ordre scolastique, en opérant une greffe de la logique de Descartes à la section sur la méthode qu’ils ajoutaient à la fin de leurs traités, sur le modèle de La Logique ou l’Art de penser d’Arnauld et Nicole [33]. Ces cartésiens, pourrait-on dire, ont institué la Logique de Port-Royal comme la représentation par excellence de la logique cartésienne.
7Qu’Arnauld soit un auteur de la Logique de Port-Royal suffirait à soi seul à soutenir l’argument qu’elle est une logique cartésienne, car Arnauld a été associé au cartésianisme pendant la seconde moitié du XVIIe siècle. Signe, par exemple, d’adhésion au contenu des Meditationes, l’Art de penser cite, pour la réfuter de la même façon que l’a fait Descartes, et en paraphrasant assez longuement Descartes, une thèse énoncée par Hobbes dans les Objectiones Tertiae (Objectio IV), qui relève aux yeux d’Arnauld d’une « très-dangereuse » doctrine des idées [34]. Mais un argument qui favorise plus fortement l’attribution à la Logique de Port-Royal du statut de logique cartésienne peut être construit à partir de sa republication sous une forme abrégée par Pierre-Sylvain Régis, qui se fit le principal avocat du cartésianisme à la fin du XVIIe siècle. Dans son Cours entier de philosophie, ou Systeme General selon les principes de M. Descartes qu’il publie en 1690, Régis utilise des extraits de la Logique de Port-Royal pour établir dans une première partie les règles méthodiques nécessaires à l’examen de la métaphysique qui suit. Régis va jusqu’à intituler cette première partie La Logique ou l’Art de penser. Comme la Logique de Port-Royal, la Logique du Cours entier de philosophie de Régis utilise un lexique philosophique qui est celui de Descartes. Il en est de même pour la Logica de l’Institutio philosophiae secundum Principia Domini Renati Descartes qu’Antoine Le Grand, autre éminent auteur d’un manuel complet de philosophie cartésienne, a publiée à Londres en 1672, et qui se trouve traduite en anglais en 1694 dans An Entire Body of Philosophy According to the Principles of the Famous Renate Des Cartes. La Logique de Port-Royal, qui domine la scène dans la seconde moitié du XVIIe siècle, et sur son modèle, donc, la Logique de Régis et la Logica ou Logick de Le Grand, sont divisées en quatre parties, conformément aux « reflexions que les hommes ont faites sur les quatre principales operations de leur esprit, concevoir, juger, raisonner, ordonner [35] ». La partie contenant les réflexions sur les idées [36], c’est-à-dire sur l’action mentale de perception, comprend aussi des remarques sur les catégories d’Aristote, sur les différents types de noms se rapportant aux idées selon qu’elles sont générales ou individuelles, et sur les universaux. La partie sur le jugement est consacrée à l’analyse des propositions selon leur qualité (affirmation ou négation), leur quantité (universalité ou particularité) et leur matière (vérité ou fausseté). Les réflexions sur l’opération de raisonner consistent en une étude des syllogismes, des « lieux des arguments » et des sophismes. Enfin, c’est en considération de la quatrième opération de l’esprit, ordonner, que la logique contient un traité de la méthode. Par la méthode, ces auteurs signifient généralement l’analyse et la synthèse. Ces deux notions ne sont pas particulièrement cartésiennes, bien que l’Art de penser d’Arnauld et Nicole énumère les quatre règles du Discours de la méthode dans le chapitre concernant l’analyse ou méthode d’invention – autrement dit, bien que la Logique de Port-Royal expose dans ce cadre la logique de Descartes. Les Messieurs soulignent cependant que les règles du Discours sont « generales pour toutes sortes de methodes, & non particulieres pour la seule analyse [37] ». La méthode de composition est en effet à leurs yeux « la plus importante, en ce que c’est celle dont on se sert pour expliquer toutes les sciences ». Mais la source à laquelle ils puisent de ce point de vue leurs réflexions sur l’opération d’ordonner n’est plus Descartes, mais Pascal. À la suite des quatre règles cartésiennes valant plus spécifiquement pour la méthode de résolution, cinq règles sont prises de l’opuscule inédit De l’Esprit géométrique. Les deux premières de ces règles, pour les définitions, et la troisième, pour les axiomes, font l’objet – plus que les deux dernières, pour les démonstrations – de longues explications couvrant plusieurs chapitres de la Logique de Port-Royal. Si bien que, au terme de ces commentaires très substantiels, les cinq règles initiales se trouvent augmentées de trois autres : une règle supplémentaire pour les axiomes et deux règles additionnelles pour la méthode elle-même. L’ensemble de ces règles pour la synthèse permet d’établir une parfaite correspondance entre la méthode logique et les différentes opérations de l’esprit : « la methode des sciences reduite à huit regles principales [38] » n’omet ni les idées (deux règles pour les définitions), ni l’action de juger (deux règles pour les axiomes), ni l’action de discourir (deux règles pour les démonstrations), ni, enfin, l’action d’ordonner (deux règles pour la méthode). Régis, à son tour, reproduit les quatre règles cartésiennes de la méthode en conclusion de son exposé de la méthode d’analyse. Il y ajoute, qui plus est, une remarque faisant écho à la critique du syllogisme dans le Discours de la méthode : « Ces quatre preceptes peuvent aisement suppléer au défaut de tous ceux qu’Aristote a compris dans la Logique ; on peut mêmes assûrer qu’ils sont plus utiles, parce qu’ils servent à découvrir la verité, à quoy ceux de ce Philosophe ne peuvent rien contribuer [39] ». Mais il ne passe pas d’emblée à l’exposé de la synthèse et des règles de son usage. Il ajoute d’abord à l’énumération des règles cartésiennes deux chapitres. Le premier chapitre ajouté (« Comment on peut reconnoître si les idées qui paroissent claires, le sont en effet ») permet de préciser le contenu de la première règle du Discours, en établissant ce qui est requis pour éviter dans le jugement toute « précipitation » et toute « prévention [40] ». L’autre chapitre ajouté détaille les « avantages qu’on tire de l’observation des quatre preceptes de l’Analyse [41] ». De plus, là où Port-Royal consacre neuf longs chapitres à la discussion de la méthode de synthèse, Régis ramène l’exposé de la méthode de composition à un petit chapitre tenant en très peu de pages [42]. Il énonce seulement trois règles, qui correspondent dans la Logique de Port-Royal à la première règle pour les définitions, la première règle pour les axiomes, et la première règle pour les démonstrations : « ne laisser aucune ambiguité dans les termes dont on se sert », « n’établir ses raisonnemens que sur des principes clairs et évidents », et « prouver démonstrativement toutes les propositions qu’on avance en ne se servant que des définitions qu’on a posées, des principes qui ont esté accordes, comme estant très-évidens, ou des propositions qui ont déja esté tirées par la force du raisonnement [43] ».
8Comme je l’ai dit plus haut, Régis a donné à la Logique, dans son Cours entier de philosophie, le titre même utilisé par les Messieurs : La Logique ou l’Art de penser. Il ne dissimule pas sa volonté de se régler sur Port-Royal. À vrai dire, la logique comme matière à étudier en soi et pour soi ne semble guère l’intéresser personnellement. Son traité de logique est particulièrement bref, couvrant à peine 62 pages dans son énorme Cours entier de philosophie qui occupe plusieurs lourds volumes. Régis supprime toutes les discussions de Port-Royal relatives aux mises en œuvre effectives de la logique (la conversion des propositions, les figures et les modes des syllogismes, etc.). Il borne son exposé aux parties les plus théoriques. C’est ainsi que, en ce qui concerne la première partie de la Logique de Port-Royal, il paraphrase, en les abrégeant, le préambule, les chapitres III-VII, et les chapitres IX-X. Dans la deuxième partie, il commence par scinder en deux chapitres distincts le chapitre I, puis il insère le chapitre V (sur les axiomes) de la quatrième partie avant de reprendre en un seul chapitre les chapitres II-III de Port-Royal ; il poursuit avec les chapitres X, XII et XI (dans cet ordre), et c’est tout. Dans la troisième partie, il reprend des éléments de chapitres qui ont été ajoutés par Arnauld et Nicole dans la seconde édition de la Logique en 1664. Il donne un abrégé du préambule avec les premières sections du chapitre I, puis il rassemble dans le chapitre II sur les diverses espèces de raisonnements des extraits des chapitres II-III de Port-Royal en les complétant avec des extraits des chapitres qui sont numérotés, à partir de 1664, XIV et XV (deux fois) [44], ainsi qu’avec la fin du chapitre I. Puis il reprend à son compte dans le chapitre III quelques-unes des règles des syllogismes énumérées par Port-Royal, et dans le chapitre IV qui forme la conclusion de cette Troisième Partie, il s’appuie en l’abrégeant considérablement sur le chapitre XVII(1662)/XVIII(1664) d’Arnauld et Nicole, consacré aux diverses sortes de sophismes. La quatrième partie témoigne elle aussi d’une dette à l’égard de la Logique de Port-Royal. Régis reprend dans les chapitres III et IV, à propos des différentes espèces de « questions de choses » et des règles à appliquer pour leur analyse, plusieurs éléments, exposés dans le chapitre I(1662)/II(1664) de la quatrième partie de l’Art de penser, qui ont été empruntés par Arnauld et Nicole à la Règle XIII de Descartes dans le manuscrit des Regulae communiqué par Clerselier. Dans le chapitre IV, Régis combine des extraits du chapitre sur les degrés de la certitude ajouté en 1664 au début de la quatrième partie de l’Art de penser, et du chapitre XI portant sur la distinction entre la connaissance par raison et la connaissance par foi, humaine ou divine. Enfin, il conclut sa Logique avec des réflexions sur les idées simples et complexes qui forment comme un complément aux réflexions de Port-Royal sur l’opération de concevoir : ses remarques sur les idées complexes fausses, notamment, sont comparables à l’analyse par Port-Royal des idées confuses des qualités sensibles. Les dernières phrases du discours de Régis contiennent d’ailleurs une évocation explicite du modèle utilisé pour la composition de la Logique du Cours entier de philosophie : « Voilà autant de Logique qu’il en faut pour entendre la Physique, la Metaphysique et la Morale, qui est la seule fin que nous nous sommes proposez dans cet Ouvrage. Ceux qui voudront avoir une connoissance plus particuliere de cette partie de la Philosophie, pourront consulter le Livre qui a pour titre, L’Art de penser. Ils y trouveront sans doute de quoy se contenter : car on peut assurer que cet Ouvrage contient tout ce que les Auteurs, tant anciens que modernes, ont dit de meilleur sur la Logique, tant speculative que pratique [45] ».
9Il est significatif que Régis ait fait sienne la Logique de Port-Royal et qu’il l’ait incorporée, fût-ce en l’abrégeant énormément, dans son Systeme general selon les principes de M. Descartes. Il suffit de consulter les réponses qu’il a données en 1691 à la Censura Philosophiae Cartesianae de Pierre-Daniel Huet et en 1692 aux Réflexions critiques sur le système cartésien de la philosophie de Mr. Régis de Jean Duhamel, pour établir de manière évidente que d’autres philosophes de la fin du XVIIe siècle le considéraient, et qu’il se considérait lui-même, comme le principal défenseur du cartésianisme. Comme le laisse entendre en 1692 l’Avertissement de ses Reflexions critiques sur le Systeme cartesien de la philosophie de Mr. Regis, Jean Duhamel considérait Régis, non pas simplement comme cartésien, mais comme le cartésien le plus accompli de son siècle. Régis lui-même, dans la préface de sa Réponse à Huet, fait état de l’obligation où il s’est trouvé placé de répondre aux objections « extremement fortes & bien concertées » adressées par Huet à la philosophie de Descartes, en raison de sa propre allégeance à la doctrine cartésienne : « ayant à peu prés les mêmes Principes que Mr. Descartes, je ne pouvois abandonner sa défense sans negliger la mienne [46] ».
10Intégrée par Régis à son Cours entier de philosophie, la Logique de Port-Royal ne pouvait manquer de devenir aux yeux de tous la logique cartésienne [47]. Un argument supplémentaire en faveur de cette interprétation tient au fait que la structure de l’Art de penser paraît radicalement différente de celle des traités médiévaux de logique terministe (tels les traités de Guillaume de Sherwood, de Pierre d’Espagne, ou de Guillaume d’Ockham). Bien plus, cette structure semble même différer notablement de celle des commentaires de la scolastique tardive sur l’Organon d’Aristote (par exemple, les commentaires des Conimbres ou de Francisco de Toledo). Toutefois, le contraste n’est pas aussi grand lorsque la comparaison porte sur la Logique d’Eustache de Saint-Paul (ou de nombreux manuels scolastiques au XVIIe siècle).
La logique dans les manuels de la scolastique tardive
11Reflet de l’extension prise par un certain nombre de réformes pédagogiques, la rédaction de manuels de philosophie n’a véritablement commencé que dans la seconde moitié du XVIe siècle, au moment où les jésuites se sont trouvés engagés dans un processus de réorganisation et de réglementation du programme d’études de leurs collèges. Les jésuites de l’Université de Coimbra, ou Conimbres, ont par exemple écrit collectivement d’importants volumes pour présenter les œuvres d’Aristote au programme de leur enseignement. Prenant modèle sur la tradition ancienne et médiévale des commentaires d’Aristote, ils ont conçu une collection de volumes traitant chacun séparément d’un texte spécifique d’Aristote (Physica, De anima, De caelo, etc.). Rompus à la critique textuelle de l’après-Renaissance, ils ont établi chaque fois un apparat critique extrêmement élaboré, venant à l’appui de la nouvelle traduction latine qu’ils donnaient du texte d’Aristote, et portant parfois aussi sur le texte grec. Des paraphrases (paraphrases), des commentaires (explanationes) et une analyse des problèmes pertinents (quaestiones) pour le texte objet de la discussion, entraient aussi dans ce travail de présentation [48]. Le même schéma fut généralement accepté par les autres auteurs de manuels de philosophie. Cependant, à la différence des commentaires de la Physique ou du traité Du ciel, la Dialectica des Conimbres n’a pas consisté en un unique commentaire, pour un seul texte d’Aristote, mais en une série de commentaires s’enchaînant selon l’ordre traditionnel de l’Organon d’Aristote. Autrement dit, ces commentaires commençaient par les Catégories et De l’interprétation, se poursuivaient avec les Premiers analytiques et les Seconds analytiques, pour s’achever avec les Topiques et les Réfutations sophistiques. Ce ne sont pas, cependant, tous les livres de l’Organon d’Aristote qui ont été inclus dans leur intégralité dans la Dialectica, alors que des œuvres postérieures ont été parfois ajoutées – ainsi l’Isagoge de Porphyre et le livre Des six principes de Gilbert de la Porrée.
12Par la suite, des ouvrages tels que la Summa philosophiae quadripartita (1609) d’Eustache de Saint-Paul ont laissé de côté la présentation des textes aristotéliciens. Eustache a simplement disposé les quaestiones dans l’ordre qui devait être le leur dans l’enseignement. Il a procédé de la sorte pour toutes les sciences aristotéliciennes, et non simplement pour quelques sciences particulières, dans le cadre du curriculum philosophique complet (logique et éthique, physique et métaphysique) rassemblé en un seul livre. Une fois disparue l’exigence d’un commentaire direct, les manuels scolaires sont devenus plus créatifs dans la disposition et la distribution des matériaux : certaines choses pouvaient être écartées, pour mieux en mettre d’autres en lumière. La Summa Philosophiae d’Eustache, libérée de la contrainte obligeant à suivre de près la tradition du commentaire formel, a introduit maintes innovations. La première partie de cette Summa, la Dialectique ou Logique, est structurée en un traité tripartite concernant les opérations de l’esprit. Après des Prolégomènes consistant en cinq questions préliminaires (quaestiones proœmiales) sur la logique – la dialectique est-elle un art ou une science ? quel est son objet ? est-elle théorique ou pratique ? est-elle nécessaire aux autres arts ? en combien de parties doit-on la diviser ? –, Eustache traite de la première opération de l’esprit, l’apprehensio simplex. Il y a appréhension simple quand les choses se présentent à l’esprit « par une sorte de vision simple, sans affirmation ou négation [49] ». Cette opération qui est la plus simple de toutes, puisqu’elle peut être exprimée soit par un seul mot, soit par plusieurs mots sans la copule [50], se divise en deux catégories, l’appréhension confuse, et l’appréhension distincte :
La première ne va pas au-delà de la compréhension (intelligere) de ce que signifie un mot ; la seconde n’est pas seulement la conception (concipere) de la signification d’un mot, mais la conception claire et distincte de la nature de la chose signifiée. La première peut être dite l’appréhension d’un terme ou mot, la deuxième celle d’une nature et essence. La première est commune à tous ceux qui ont appris l’usage des mots, y compris les gens du peuple et les paysans ; la deuxième ne se rencontre que chez les sages, qui ont la connaissance certaine des natures des choses [51].
14Par opposition à l’appréhension simple, la deuxième opération de l’esprit, le jugement ou énonciation renferme une affirmation ou une négation, car l’esprit qui « compare entre elles » les choses conçues, soit leur accorde son assentiment (affirmation), soit le leur refuse (négation) [52]. Par la troisième opération, « à partir de nombreuses choses comparées entre elles, l’esprit infère par un raisonnement ou argumentation quelque chose d’autre qu’elles » ; cette troisième opération est aussi appelée « discours [53] ». Ainsi, au lieu de proposer un commentaire en six parties sur les six livres de l’Organon d’Aristote, la Dialectica d’Eustache réorganise les matériaux logiques dans un schéma tripartite : la première partie, sur l’appréhension simple, correspond aux matériaux traités dans les Catégories, la seconde, sur le jugement, à ceux traités dans De l’interprétation, la troisième, sur l’argumentation, rassemble ceux des Premiers et Seconds analytiques, des Topiques et des Réfutations sophistiques. Cependant, bien que cette tripartition de la logique dans la Summa Philosophiae d’Eustache conserve encore dans leur ordre habituel la plupart des matériaux traditionnels, on peut dire que, du fait même de ce schéma tripartite qui rapporte la division de la logique aux trois opérations de l’esprit – l’appréhension simple, le jugement et le raisonnement –, tous les matériaux en question se trouvent transportés dans le domaine de la psychologie, voire de l’épistémologie. Il ne s’agit plus de traiter purement des termes, ni même des choses conçues dans l’esprit, mais des opérations effectives de l’entendement et de leur perfectibilité.
15D’autres auteurs, tel René de Ceriziers en 1643, adoptèrent l’arrangement tripartite d’Eustache de Saint-Paul, qui devint rapidement la manière dominante de réfléchir sur la logique. La Logique de De Ceriziers (première partie de son livre Le Philosophe François) commence également par une série de questions sur la logique. La matière de la logique consistant pour De Ceriziers dans « les actions de l’esprit », son exposé doit se poursuivre en trois parties, portant chacune sur l’une des trois opérations de l’entendement : une première partie considère l’appréhension simple, une deuxième l’énonciation, et une troisième le discours ou raisonnement [54]. Mais tous les traités de logique du milieu du XVIIe siècle n’adoptent pas avec la même exactitude le modèle auquel De Ceriziers se conforme scrupuleusement. C’est ainsi que le jésuite Pierre Gautruche, bien qu’il accorde dans son manuel de philosophie, Philosophiae Institutio, publié en 1653, l’existence de trois opérations différentes de l’entendement ou esprit, l’appréhension simple, le jugement et le raisonnement, divise néanmoins l’Institutio Logicae en quatre parties. La dispute préliminaire sur les opérations de l’esprit (de operationibus logicis, seu intellectualibus), qui semblerait devoir donner lieu à une tripartition, est suivie au contraire de quatre autres disputes, d’abord sur les termes, puis sur l’énonciation, ensuite sur l’argumentation ou discours, et enfin sur la connaissance ou science (scientia), qui est « le principal effet des opérations logiques [55] ». Alors que la Disputatio IV, formant la troisième partie de l’Institutio Logicae de Gautruche, correspond à une discussion générale sur les différents genres de syllogismes (démonstratifs, probables, sophistiques), la Disputatio V qui en forme la quatrième partie est consacrée au mode d’acquisition, par la démonstration, d’une connaissance certaine. La dualité qu’introduit Gautruche, à l’intérieur du raisonnement, entre le syllogisme ou raisonnement formel et la démonstration, qui est le discours satisfaisant aux conditions matérielles de la certitude et de la connaissance, reflète une interrogation quant à la division pertinente pour traiter de la dernière opération de l’entendement : faut-il traiter séparément du raisonnement syllogistique et du raisonnement scientifique ? faut-il traiter de ces deux raisonnements indépendamment de la méthode ou de l’ordre ?
16Eustache de Saint-Paul, pour sa part, insère un court développement sur la méthode – traitant à la fois du syllogisme et de la démonstration – en conclusion de son analyse de la deuxième opération de l’esprit, avant de s’engager dans l’examen de la troisième opération, le discours. Ce traité De methodo parle de la méthode en général (generatim) et de ses divisions, selon qu’elle est ou non dirigée par des préceptes (méthode sans lois de la prudence et méthode prescriptive de la dialectique), et selon qu’elle est générale ou particulière. Pour Eustache, un ordre est présent dans la méthode de toute science : « ce qui est premier doit être exposé en premier, et ce qui est postérieur et incapable d’être compris sans ce qui précède, doit être expliqué ensuite [56] ». Eustache expose également les différentes sortes d’analyse et de synthèse, en distinguant « quatre modes » pour l’ordre de la résolution ou division, et de même pour l’ordre de la composition ou synthèse. La résolution d’un tout en ses parties individuelles, d’abord s’agissant d’un totum integrum, puis s’agissant d’un totum universale, la résolution d’une conclusion en ses premiers principes, et la régression de la fin aux moyens, sont les quatre modes de l’ordre analytique, auxquels correspondent, en sens inverse (des parties au tout, des premiers principes à la conclusion, des moyens à la fin), les modes de l’ordre synthétique [57].
17À la différence de l’exposition donnée par Eustache de Saint-Paul, la plupart des auteurs de manuels de philosophie ne traitent pas de la méthode – quand ils en traitent – dans la partie de la logique consacrée au jugement, mais dans celle qui porte sur le raisonnement et le discours. Pour eux aussi, il est exclu que l’on puisse traiter séparément de la méthode. Des auteurs aussi différents que le scotiste Claude Frassen et le thomiste Antoine Goudin soutiennent que l’on ne doit pas distinguer la méthode de la troisième opération de l’esprit et qu’il ne faut pas qu’elle constitue elle-même une quatrième partie de la logique. Les discussions relatives à l’analyse et à la synthèse, ou aux différents modes de l’ordre dans les sciences, interviennent la plupart du temps dans la troisième partie de la logique, avec le raisonnement, le discours, le syllogisme, et la démonstration. Scipion Dupleix, par exemple, insère un chapitre sur « qu’est-ce qu’Analysis » au début du sixième livre de sa Logique, qui concerne la démonstration. Cependant, chez Dupleix comme chez Eustache, les méthodes d’analyse et de synthèse ne regardent pas l’ordre des propositions dans la recherche de la vérité, mais le processus de résolution d’une chose en ses principes, ou de composition d’une chose à partir de ses principes :
Analytique (comme qui diroit Resolutive en François) […] n’est autre chose qu’un regrés ou retour d’une chose en ses principes : et (pour parler plus clairement) une dissolution des pieces dont quelque chose est composée : tellement que c’est le contraire de la composition. Par exemple, jettez dans le feu une busche : ce qui sera en elle de feu se tournera en feu : l’air s’exhallera : l’eau s’évaporera : ou si le bois est vert l’air et l’eau se meslangeans, une espece d’escume sortirera par les pores : le terrestre se resoudra en cendres. Et par céte resolution on jugera que ce bois estoit composé des quatres elemens [58].
19De la même manière, Goudin ajoute à la troisième partie de sa Logique Mineure un « Appendice sur la méthode », venant immédiatement à la suite de sa discussion du syllogisme. Il considère, certes, l’analyse et la synthèse comme deux manières de procéder dans la recherche de la vérité, l’une « par l’invention », l’autre « par l’enseignement » : « Par l’invention, quand on cherche la vérité avec les seules ressources de son esprit ; par l’enseignement, quand on livre aux autres la vérité que l’on a découverte [59] ». Mais néanmoins, son Appendice méthodologique témoigne d’une conception de l’analyse et de la synthèse comparable aussi à celle d’Eustache de Saint-Paul et de Scipion Dupleix :
La méthode analytique est la manière de procéder avec ordre dans l’invention de la vérité. On l’appelle analytique ou résolutive, parce qu’elle résout les questions dans leurs principes, les effets dans leurs causes, les composés dans leurs parties, les particuliers dans les universels, sous lesquels ils sont contenus. […] La méthode synthétique ou compositive est la manière de procéder avec ordre dans l’enseignement de la vérité. On l’appelle ainsi parce qu’elle procède par un mode opposé au premier, c’est-à-dire qu’elle va des principes aux conclusions, des causes aux effets ; des parties au tout, des universels aux particuliers, en un mot des simples aux composés. Ces deux méthodes nous font donc parcourir un seul et même chemin : la première dans un sens, la seconde dans le sens opposé ; la méthode analytique monte des choses aux principes. La méthode synthétique descend des principes déjà trouvés aux choses que l’ont veut expliquer [60].
21Goudin poursuit en exposant d’abord « quatre règles de la méthode en général », puis « trois règles pour la méthode analytique » et enfin « cinq règles pour la méthode compositive [61] ». La première règle générale de la méthode est de « toujours commencer par les choses plus faciles, les plus connues et les plus proches, et de là de s’avancer peu à peu et par degrés vers les plus difficiles, les plus obscures et les plus éloignées ». La deuxième est de « conserver l’ordre naturel des choses et y adapter l’ordre artificiel, autant que possible ». La troisième prescrit de considérer les choses à connaître « en toutes leurs parties et en tous leurs attributs par le moyen de la division et de l’abstraction » : « il faut placer distinctement les parties et les attributs, chacun en son lieu, organisant un ordre factice, si l’on n’a pu en reconnaître un naturel ». La justification de ce troisième précepte est que, lorsqu’il y a beaucoup de choses à connaître, « on les connaît plus facilement, si elles sont ordonnées et liées entre elles ». Enfin, la quatrième règle est de « retrancher les choses inutiles ou étrangères, en s’appliquant uniquement à son but [62] ».
22Les manuels scolastiques opèrent ordinairement une transition de la notion de syllogisme à celle de démonstration, autrement dit, ils passent de ce qui est discuté dans les Premiers analytiques, à ce qui est discuté dans les Seconds analytiques. La façon dont s’effectue ce passage dans le premier traité (De la Dialectique ou Logique) du Corps de toute la philosophie (1614) de Théophraste Bouju est particulièrement significative [63]. Bouju déclare que, ayant « traité jusqu’à cette heure du syllogisme selon son formel », « il ne reste plus qu’à le considerer selon son materiel », à l’imitation d’Aristote dans ses Analytiques. Quand il est « consideré selon son formel », le syllogisme est « parfaict, &accomply, pourvu qu’il soit fait selon le mode &la figure, desquelles sa forme consiste ». Ainsi, nous pouvons dire du syllogisme « qu’il est bon de forme, sans avoir esgard à la verité ny à la fausseté de ses propositions, ny de sa conclusion », alors que la démonstration nécessite quelque chose de plus que la pure « necessité de consequence de la conclusion », à savoir, la « necessité du consequent » : ce qui requiert la prise en compte des conditions matérielles (vérité ou fausseté, nécessité ou contingence) de la conclusion et des prémisses. Le syllogisme considéré en fonction de ses conditions matérielles se divise ainsi en probable et démonstratif, le syllogisme démonstratif ou démonstration étant défini par Bouju comme « celuy qui deduit sa conclusion des propositions vrayes, premieres, ou immediates, necessaires, premierement &plus connuës que la conclusion &causes de la connaissance d’icelle [64] ». Ces conditions ne sont rien d’autre que les conditions établies par Aristote dans les Seconds analytiques pour la démonstration ou connaissance scientifique. Eustache de Saint-Paul, notamment, souligne avec force cette allégeance : « Par principes de la démonstration, nous entendons les assomptions ou prémisses à partir desquelles une conclusion nécessaire est déduite [...]. Dans les Seconds analytiques, Aristote décrit les huit conditions que ces principes doivent satisfaire, à savoir [...], que les principes doivent être vrais, immédiats, plus connus, premiers, causes de la conclusion, nécessaires, appropriés, et éternels [65] ».
23Bien qu’Eustache de Saint-Paul divise sa logique selon un schéma tripartite, et non pas quadripartite, les trois parties de sa Dialectica correspondent assez bien aux divisions de la Logique de Port-Royal, dans la mesure où, dans les deux cas, ce sont les opérations de l’esprit qui sont prises en considération. Je l’ai montré, les scolastiques s’interrogent sur la question de savoir si la méthode constitue pour la logique un quatrième sujet, distinct de l’argumentation ou discours, et leur réponse est généralement négative (ainsi pour Goudin ou Frassen). Cependant, il en est quelques-uns, comme Louis de Lesclache qui, à la fois se conforment à la division tripartite de la logique selon les trois opérations de l’esprit, et décident que la méthode ou l’ordre doit faire l’objet d’une discussion dans une quatrième partie. Ces auteurs-là élaborent ainsi une logique scolastique qui ressemble beaucoup à la structure qui va être celle de la Logique de Port-Royal. Pour Louis de Lesclache, en effet, dont l’ouvrage La Philosophie, ou la Science generale divisée en quatre parties paraît un peu plus de dix ans avant l’Art de penser d’Arnauld et Nicole, le contenu de la logique ne peut pas dépendre de la seule considération des « actions de notre raison » : la division de la logique ne saurait s’arrêter aux trois parties qui concernent « les trois actions de l’entendement », la conception simple, le jugement, et la conséquence ou conclusion que l’on tire du jugement. Une quatrième partie concernant la méthode est nécessaire :
Cette science, qui reçoit le nom de Logique, ne se contente pas de régler les trois actions de notre entendement, elle nous donne encore des preceptes pour inventer &pour bien disposer plusieurs connoissances, c’est pourquoi elle sera divisée en quatre parties. Les trois premieres nous donneront les règles pour bien conduire les trois actions de notre raison, &la quatriéme établira la methode qu’il faut suivre dans toutes les sciences &dans tous les discours [66].
25On pourrait ainsi conclure, sans faire preuve d’injustice, que la logique élaborée par les cartésiens est simplement venue confirmer certains des développements de la logique scolastique au XVIIe siècle. De ce point de vue, la Logique de Port-Royal qui, pour les cartésiens de la fin du XVIIe siècle, représente par excellence la logique cartésienne, a également bien des traits en commun avec une logique néo-scolastique.
Mots-clés éditeurs : Aristotélisme, Appréhension, Logique cartésienne, Syllogisme, Port-Royal, Méthode, Dialectique, Art de penser, Scolastique tardive, Mots-clés, Jugement
Date de mise en ligne : 02/02/2015
https://doi.org/10.3917/aphi.781.0029Notes
-
[*]
Je remercie Martine Pécharman pour ses suggestions et pour sa révision de la version française.
-
[2]
Discours de la méthode, in Œuvres de Descartes publiées par Charles Adam &Paul Tannery, t. VI (= AT VI), Paris, 1902, p. 17 – je modernise l’orthographe de toutes les citations de Descartes.
-
[3]
AT VI, p. 17.
-
[4]
AT IX-2, p. 15.
-
[5]
AT IX-2, p. 13-14.
-
[6]
AT IX-2, p. 13.
-
[7]
Scipion Dupleix, par exemple, dit (La Logique ou art de discourir et raisonner [1600], Paris, Fayard, 1984, p. 29) que les mots logique et dialectique sont synonymes et peuvent être utilisés tous deux indifféremment pour désigner l’ensemble de la discipline. Mais, ajoute-t-il, le mot dialectique est souvent restreint (comme le font Aristote et les péripatéticiens) à une partie seulement de la logique, qui porte sur les raisonnements probables ou vraisemblables. Il explique (La Logique, p. 57-58) que la logique se divise chez les péripatéticiens en deux parties, la première appelée analytique et la seconde dialectique ou topique : « L’Analytique enseigne que c’est que demonstration, c’est à dire, à discourir et raisonner par principes necessaires […]. La Dialectique ou Topique monstre à discourir et raisonner par principes seulement probables et vray-semblables ». Il a auparavant indiqué que Platon et les platoniciens utilisaient le terme dialectique, non pas pour une partie de la logique, mais « pour la Metaphysique et philosophie surnaturelle » (La Logique, p. 29).
-
[8]
Jacques DU ROURE, La Philosophie divisée en toutes ses parties, établie sur des principes évidents et expliquée en tables et par discours, ou particuliers, ou tirés des anciens et des nouveaux auteurs, et principalement des Péripatéticiens et de Descartes, Paris, chez Gervais Clouzier, 1654.
-
[9]
Jacques DU ROURE, La Philosophie divisée en toutes ses parties, respectivement p. 45-180 et p. 181-214.
-
[10]
La Philosophie divisée en toutes ses parties, p. 49-110.
-
[11]
La Philosophie divisée en toutes ses parties, p. 111-180.
-
[12]
La Philosophie divisée en toutes ses parties, p. 183-184.
-
[13]
La Philosophie divisée en toutes ses parties, p. 7.
-
[14]
La Philosophie divisée en toutes ses parties, p. 7-8.
-
[15]
Jacques DU ROURE, Abregé de la vraye philosophie, lequel en contient avéque les six parties et leurs tables : les définitions, les divisions, les sentences, &les questions principales, Paris, chez l’auteur, 1665.
-
[16]
Abregé de la vraye philosophie, Logique, § 1, s.p.
-
[17]
Il existe de nombreuses méthodes appelées analyse et synthèse au XVIIe siècle, dont la plupart n’ont rien à voir avec les différents sens donnés par Descartes à ce qu’il appelait analyse et synthèse (définition et composition dans les Regulae, les deux modes de démonstration des Deuxièmes Réponses, ou l’analyse et la synthèse des Anciens). L’analyse et la synthèse de l’Abregé ne sont pas particulièrement des notions cartésiennes. Du Roure écrit : « La Methode êt l’ordre des Siences &de leurs Discours : dans léquels ou d’une chose on en fait plusieurs, ce qui reçoit le nom de methode Analytique : ou de plusieurs une, ce qu’on appelle methode Synthetique, ou compositive » (Abregé de la vraye philosophie, Logique, § 2, s.p.).
-
[18]
Abregé de la vraye philosophie, Logique, § 1, s.p.
-
[19]
Abregé de la vraye philosophie, Logique, § 20, s.p
-
[20]
La Logica contracta, comme son titre l’indique, est un court traité de logique : voir Johannis Claubergii Opera omnia philosophica […]. Cura Joh. Theod. Schalbruchii, Pars secunda, Amsterdam, Blaeu, 1691, reprint Olms, Hildesheim, 1968, p. 911-936. Pour des indications concernant sa genèse, on peut consulter Theo VERBEEK, « Johannes Clauberg : A biobibliographical sketch », in Theo Verbeek (éd.), Johannes Clauberg (1622-1665) and Cartesian Philosophy in the Seventeenth Century, Dordrecht, Kluwer, 1999, p. 190.
-
[21]
Logica contracta, p. 913-923.
-
[22]
À savoir, la quantité de l’énonciation, sa vérité et sa fausseté. Clauberg traite ensuite de l’opposition, de la conversion et de l’équipollence des propositions, et des propositions composées (conditionnelles, disjonctives, relatives, etc.). Voir Logica contracta, p. 924-927.
-
[23]
Logica contracta, p. 927-931.
-
[24]
Logica contracta, respectivement p. 931-932 et p. 932-933.
-
[25]
Logica contracta, p. 933-935.
-
[26]
Bien que cela ne doive pas être surestimé, il y a cependant des éléments cartésiens dans la Logica contracta, car la logique y est entendue comme l’art de bien user de sa raison, ce qui implique que l’on ait une intellection claire et distincte de la chose à connaître, que l’on en juge droitement, et que l’on ne confie à la mémoire qu’une chose bien conçue et bien jugée (op. cit., p. 913).
-
[27]
Logica vetus &nova, Prolegomena logicae, cap. II, in Opera omnia philosophica, Pars secunda, op. cit., p. 770-772 ; Logique ancienne et nouvelle, trad. par J. Lagrée et G. Coqui, Paris, Vrin, 2007, p. 34-36. Cf. René DESCARTES, Principia philosophiae, Pars prima, art. LXXI (AT VIII, p. 35-36).
-
[28]
Logica vetus &nova, Prima pars, cap. III, p. 786-787 ; Logique ancienne et nouvelle, p. 66-68.
-
[29]
Logica vetus &nova, Prima pars, cap. IX-X, p. 796-799 ; Logique ancienne et nouvelle, p. 86-93. Cf. Discours de la méthode, AT VI, p. 18-19.
-
[30]
Logica vetus &nova, Prima pars, cap. XI, p. 800 ; Logique ancienne et nouvelle, p. 94. Cf. Discours de la méthode, AT VI, p. 18.
-
[31]
Logica vetus &nova, Prima pars, cap. XV, p. 807-809 ; Logique ancienne et nouvelle, p. 108-112. Cf. Discours de la méthode, AT VI, p. 19.
-
[32]
La vision d’ensemble qu’a Clauberg de l’œuvre de Descartes sert également cette réinterprétation. En 1652, Clauberg a publié une Defensio cartesiana, en réponse notamment à la Methodi cartesianae consideratio theologica publiée en 1648 par Jacobus Revius, théologien de l’Université de Leyde. La Defensio cartesiana a entraîné une réplique de Revius, à laquelle Clauberg répond à son tour en 1655 avec son Initiatio Philosophi sive dubitatio cartesiana. Dans sa défense du cartésianisme, Clauberg distingue entre les œuvres populaires de Descartes et ses œuvres ésotériques : selon lui, le Discours de la méthode appartient à la première catégorie, tandis que les Méditations et les Principes de la philosophie appartiennent à la seconde. Ainsi Clauberg se trouvait-il enclin à accentuer le point de vue soutenu dans la Lettre-Préface des Principes, selon lequel les règles de la méthode dans le Discours de 1637 sont « les principales règles de la logique ». Pour la relation chez Clauberg entre ses écrits en défense de Descartes et sa logique, voir Massimiliano SAVINI, Le développement de la méthode cartésienne dans les Provinces-Unies (1643-1665), Lecce, Conte Editore, 2004.
-
[33]
Voir Roger ARIEW, « Descartes, les premiers Cartésiens et la logique », Revue de métaphysique et de morale, 2005/4, p. 55-71.
-
[34]
La réponse de Descartes à Hobbes, objet d’une longue glose dans la Logique de Port-Royal, concerne la nature du raisonnement, que Hobbes identifie à un enchaînement de noms liés par la copule. Voir La logique ou L’Art de penser : Contenant, outre les regles communes, plusieurs observations nouvelles propres à former le jugement, Paris, chez Charles Savreux, 1662, p. 37-40 (cf. Meditationes de prima philosophia, Objectiones Tertiae cum responsionibus authoris, AT VII, p. 178-179). La Logique de Port-Royal contient aussi, int. al., une réfutation au moyen du Cogito de la maxime nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu, commune à Gassendi et aux scolastiques (La Logique, p. 40-42).
-
[35]
ARNAULD et NICOLE, La Logique ou l’Art de penser, p. 27 ; cf. Pierre-Sylvain RÉGIS, Cours entier de philosophie, ou Systeme General selon les principes de M. Descartes, contenant la Logique, la Metaphysique, la Physique, et la Morale, derniere edition, enrichie d’un tres-grand nombre de figures, &augmentée d’un discours sur la Philosophie ancienne &moderne, où l’on fait en abregé l’histoire de cette Science, Tome premier, Amsterdam, aux dépens des Huguetan, 1691, p. 1 (« La Logique ou l’Art de penser, contenant les reflexions qu’on a faites sur les quatre principales operations de l’esprit, qui sont appercevoir, juger, raisonner &ordonner ») et Antoine LE GRAND, An Entire Body of Philosophy, According to the Principles of the Famous Renate Des Cartes, in Three Books, New York, Johnson Reprint Corporation [with an Introduction by Richard A. Watson], 1972, vol. I, p. 2, col. B (« LOGICK is to be divided into four parts, according to the divers reflections we have of these four operations of our mind. The first, concerning ideas, or the simple perception of things. The second, of judgment, or of propositions […]. The third, of discourse or syllogism. The fourth, of method, or the orderly digesting of our thoughts… »).
-
[36]
Quoi qu’il en soit des différents termes utilisés pour désigner la première opération de l’esprit, Régis et Le Grand s’accordent avec les Messieurs de Port-Royal sur sa nature. Logique de Port-Royal : « On appelle concevoir la simple veuë que nous avons des choses qui se presentent à nostre esprit, […] &la forme par laquelle nous nous representons ces choses s’appelle idée » (op. cit., p. 27). Régis : « Les Perceptions sont ce qu’on appelle en general Idées, &l’on nomme Idées la simple veuë des choses, qui se presentent à l’ame, sans aucune affirmation ni negation » (Cours entier de philosophie, t. I, p. 1). Le Grand : « when we frame the Species of any thing by Thinking, that first view of our Mind, by which it represents and conceives the Thing as present, is called Perception, or in other words, The first operation of the Mind, or Simple Apprehension » (An Entire Body of Philosophy, vol. I, p. 2, col. A).
-
[37]
La logique ou l’Art de penser, p. 375.
-
[38]
C’est le titre du chapitre X de la Quatrième partie de La Logique ou l’Art de penser. Pour la description intégrale de ce corps de règles, voir op. cit., p. 428-431.
-
[39]
Cours entier de philosophie, t. I, p. 48.
-
[40]
Cours entier de philosophie, t. I, p. 49-51.
-
[41]
Cette citation est prise du titre du chapitre. Voir Cours entier de philosophie, t. I, p. 52-54.
-
[42]
Le chapitre sur la synthèse couvre les pages 54 à 56 seulement dans le tome premier du Cours entier de philosophie.
-
[43]
Cours entier de philosophie, t. I, p. 56.
-
[44]
La Logique ou L’Art de penser, contenant, outre les regles communes, plusieurs observations nouvelles, propres à former le jugement. Seconde edition, reveuë &augmentée, Paris, chez Charles Savreux, 1664 (voir p. 280-290).
-
[45]
Cours entier de philosophie, t. I, op. cit., p. 62.
-
[46]
Pierre-Sylvain RÉGIS, Réponse au livre qui a pour titre P. Danielis Huetii […] Censura Philosophiae Cartesianae. Servant d’éclaircissement à toutes les parties de la Philosophie, sur tout à la Metaphysique, Paris, chez Jean Cusson, 1691, Préface (s.p.). Voir aussi la dédicace d’un ouvrage satirique publié par Huet deux ans après la Réponse de Régis : « A Monsieur Regis, Prince des Philosophes Cartesiens » (Nouveaux mémoires pour servir à l’histoire du cartésianisme par M. G. de l’A., Utrecht, chez Guillaume vande Water, 1693, p. 3).
-
[47]
Voir contra Élodie CASSAN, « La Logique de Port-Royal : Une logique cartésienne ? », in Delphine Kolesnik-Antoine (éd.), Qu’est-ce qu’être cartésien ?, Lyon, ENS Editions, 2013, p. 159-178.
-
[48]
Cette collection de volumes des Conimbres a été publiée entre 1592 et 1606 : Physica (1592), De caelo, Meteorologica, Parva Naturalia et Ethica (1593), De generatione et corruptione (1597), De anima (1598), Dialectica (1606).
-
[49]
Eustache DE SAINT-PAUL, Summa Philosophiae Quadripartita, de rebus Dialecticis, Moralibus, Physicis &Metaphysicis, Tomus Prior duas priores partes hujus Summae continens, Cologne, chez Lazare Zetzner, 1629, Prima Pars Dialecticae, De iis quae primam mentis operationem spectant, Praefatio, p. 12.
-
[50]
Summa Philosophiae Quadripartita, Prima Pars Dialecticae, p. 13.
-
[51]
Summa Philosophiae Quadripartita, Prima Pars Dialecticae, p. 15.
-
[52]
Summa Philosophiae Quadripartita, Prima Pars Dialecticae, p. 12.
-
[53]
Summa Philosophiae Quadripartita, Prima Pars Dialecticae, p. 12.
-
[54]
René DE CERIZIERS, Le Philosophe François, Vienne et Lyon, chez Antoine Molin, 1651, Tome I, p. 15-16. C’est aussi la structure donnée par le scotiste Claude Frassen à la Logica qui forme la première partie de sa Philosophia Academica (1668) : les questions préliminaires y sont en effet suivies d’un discours sur les trois opérations distinctes de l’esprit, l’apprehensio simplex, le judicium et le discursus. Frassen fait par ailleurs valoir que la méthode n’est pas une quatrième opération de l’esprit. En accord avec cette conception, sa Logica est tripartite.
-
[55]
Pierre GAUTRUCHE, Philosophiae ac mathematicae totius clara, brevis, et accurata institutio, t. I, Logica et Moralis, Caen, chez Jean Cavelier, 1665, p. 137.
-
[56]
Eustache DE SAINT-PAUL, Summa Philosophiae Quadripartita, I, p. 107.
-
[57]
Eustache DE SAINT-PAUL, Summa Philosophiae Quadripartita, I, p. 107-108.
-
[58]
Scipion DUPLEIX, La logique ou art de discourir et raisonner, op. cit., p. 269-270.
-
[59]
Antoine GOUDIN, Philosophia juxta inconcussa tutissimaque Divi Thomae dogmata, Paris, 1726 [1668], I, p. 96 ; Philosophie suivant les principes de Saint Thomas, trad. Thomas Bourard, Paris, Poussielgue-Rusand, 1864, I, p. 207.
-
[60]
Antoine GOUDIN, Philosophia I, p. 96 ; Philosophie, I, p. 207-208.
-
[61]
Antoine GOUDIN, Philosophia I, p. 97-100 ; Philosophie, I, p. 208-213.
-
[62]
Antoine GOUDIN, Philosophia I, p. 97 ; Philosophie, I, p. 208-209. L’exposé de Goudin à propos de la méthode rappelle les règles de la méthode énoncées par Descartes dans la deuxième partie du Discours de la méthode. Cependant, Goudin s’attache surtout ensuite à examiner les discussions de la méthode dans les manuels scolaires (comme celui d’Eustache de Saint-Paul).
-
[63]
Théophraste BOUJU, Corps de toute la philosophie divisé en deux parties, Paris, chez Jean Orry, 1614.
-
[64]
Théophraste BOUJU, Corps de toute la philosophie, p. 76 pour toutes les citations que je viens de donner.
-
[65]
Eustache DE SAINT-PAUL, Summa Philosophiae Quadripartita, I, p. 133. Voir, de même, Scipion DUPLEIX, La Logique, p. 267-282.
-
[66]
Louis DE LESCLACHE, La Philosophie divisée en cinq parties, Premiere Partie de La Philosophie, ou La Logique, divisée en quatre parties, Paris, 1651, p. 4-6.