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Article de revue

Les Meditationes de Leibniz dans la tradition wolffienne

Pages 295 à 317

Notes

  • [1]
    Wolff mentionne les influences du Discours de la méthode de Descartes et de la Logica Hamburgensis de Jungius dans sa Logica : GW, II, 1, 2, 155.
  • [2]
    Wolff affirme clairement sa reconnaissance envers l’ouvrage de Leibniz, en particulier dans la préface à la première édition de la Deutsche Logik : GW, I, 1, 109.
  • [3]
    Hans Werner Arndt, 1971 ; Wilfried Lenders, 1971 ; Charles A. Corr, 1975.
  • [4]
    L’historien de la philosophie Eduard Zeller en est un bon exemple. Il perpétue cette image d’une pensée leibniziano-wolffienne (1873, 248-249).
  • [5]
    Dans une lettre de mai 1714, Nicolas Rémond demande à Leibniz s’il approuve les thèses que Wolff soutient dans sa « petite dissertation sur l’âme en allemand » (laquelle réfère très certainement à la Deutsche Logik parue deux ans auparavant) et s’il accepterait de la faire traduire en latin ou en français (GP, III, 616). Leibniz lui répond ceci : « Monsieur Wolfius est entré dans quelques-uns de mes sentiments ; mais comme il est fort occupé à enseigner, surtout les Mathématiques, et que nous n’avons pas eu beaucoup de communication ensemble sur la philosophie, il ne saurait connaître presque de mes sentiments que ce que j’en ai publié. J’ai vu quelque chose que des jeunes gens avaient écrit sous lui ; j’y trouvai bien du bon, il y avait pourtant des endroits dont je ne convenais pas. Ainsi s’il a écrit quelque chose sur l’Âme, en Allemand ou autrement, je tacherai de le voir pour en parler » (Lettre à Rémond de juillet 1714, GP, III, 619). Cette réponse viendrait confirmer deux choses : d’une part, que Leibniz ne se serait pas véritablement entretenu avec Wolff de questions philosophiques, du moins jusqu’à cette époque et, d’autre part, que la seule source par laquelle Wolff aurait pu connaître les positions leibniziennes en vue de l’élaboration de sa Deutsche Logik sont les ouvrages que Leibniz a publiés, dont essentiellement les Meditationes. Par ailleurs, bien que Rémond réitère sa demande de faire traduire le traité de Wolff (lettre à Leibniz de septembre 1714, GP, III, 627), Leibniz n’en fait plus mention dans le reste de la correspondance.
  • [6]
    Acta Eruditorum, novembre 1684, Leipzig, 537-542, A, VI, 4, 585-592.
  • [7]
    Il est vrai que Pierre Des Maizeaux publia les Réflexions de M. Leibniz sur l’Essay de l’entendement humain de M. Locke dans son Recueil de diverses pièces. Mais Leibniz renvoie dans ce texte directement aux Meditationes lorsqu’il traite d’aspects épistémologiques et répète donc essentiellement ce qu’il avait déjà affirmé dans l’article de 1684 (Recueil, II, 146-147).
  • [8]
    La correspondance avec Clarke, publiée également par Des Maizeaux (Recueil, I, 3-149), contient quelques réflexions épistémologiques, mais celles-ci demeurent très peu nombreuses en comparaison avec ce qu’on trouve dans les Meditationes. On le sait, l’échange comporte surtout des discussions métaphysiques, en particulier quant à la nature de l’espace et du temps. Cf. E. Vailati, 1997. D’ailleurs, ni Wolff, ni ses principaux disciples ne font référence à cette correspondance dans leurs travaux de logique.
  • [9]
    Neues Organon, Philosophische Schriften, I, 477-478.
  • [10]
    Historia critica, 5, 398-401. Hors des frontières allemandes, d’autres auteurs renvoient également aux Meditationes : notamment Diderot dans son article Leibnizianisme de l’Encyclopédie – en grande partie inspiré de certaines parties de l’ouvrage de Brucker – et Condillac qui a discuté à plusieurs endroits de la philosophie leibnizienne, en particulier dans son Traité des systèmes.
  • [11]
    En complément de la présente analyse, je renvoie à l’article de Marine Picon, 2003.
  • [12]
    Principia philosophiae, AT, VIII, 22.
  • [13]
    Meditationes de prima philosophia, AT, VII, 88-90.
  • [14]
    Meditationes, A, VI, 4, 586-587, trad. dans Schrecker, 1969, 10.
  • [15]
    J’examine ce point dans un article sur les logiques de Wolff et Kant : Leduc, 2011.
  • [16]
    Meditationes, A, VI, 4, 590, trad. dans Schrecker, 1969, 14.
  • [17]
    Meditationes, A, VI, 4, 587.
  • [18]
    Meditationes, A, VI, 4, 589.
  • [19]
    Meditationes, A, VI, 4, 587-588, trad. dans Schrecker, 1969, 11.
  • [20]
    Meditationes, A, VI, 4, 588, trad. dans Schrecker, 1969, 12.
  • [21]
    Leibniz élabore plus amplement sa théorie de l’idée dans un texte de 1677 : Quid sit Idea, A, VI, 4, 1370-1371.
  • [22]
    Meditationes, A, VI, 4, 588-589.
  • [23]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 141-142.
  • [24]
    Logica, GW, II, 1, 2, 158-159. Sauf indications contraires, il s’agit de mes traductions.
  • [25]
    Medicina mentis et corporis, II, 1, 51-66.
  • [26]
    Wolff affirme la même thèse dans la Deutsche Metaphysik : GW, I, 2, 115-16.
  • [27]
    Logica, GW, II, 1, 2, 159.
  • [28]
    Wolff donne de nombreux détails sur le processus d’attention dans la Psychologia rationalis : GW, II, 6, 286-300.
  • [29]
    Metaphysica, 183.
  • [30]
    Metaphysica, 183-184.
  • [31]
    Deustche Logik, GW, I, 1, 131-132. Voir aussi la Psychologia empirica, GW, II, 5, 245-48.
  • [32]
    « Notionem simplicem voco, quae solis notis constat : notionem complexam vero, quae praeter notas alia sive rei intrinseca, sive extrinseca complectitur », Logica, GW, II, 1, 2, 166.
  • [33]
    Mon interprétation s’oppose ici à celle de Wilfried Lenders selon laquelle Wolff aurait aussi soutenu la thèse d’une limitation de l’analyse (1971, 148-149). En fait, la reconstruction de Lenders est doublement problématique : d’une part, il attribue à Leibniz l’idée que la résolution complète des notions est possible, puisque c’est cette position qui s’accorderait davantage avec sa théorie de la substance (1971, 145). Mais une telle analyse est contredite non seulement par les affirmations de Leibniz dans les Meditationes, mais aussi par celles qu’il avance dans d’autres textes de la même époque (par exemple l’Introductio ad encyclopaediam arcanam, A, VI, 4, 528-529). D’autre part, Wolff semble bel et bien défendre la possibilité d’une analyse complète des notions par et dans l’entendement humain. La Logica, on vient de le souligner, semble aller dans ce sens ; même si, comme le fait remarquer Lenders, une telle résolution semble d’après Wolff par moments difficilement praticable, celle-ci demeure tout à fait possible.
  • [34]
    C’est ce que Leibniz affirme notamment dans les Nouveaux Essais : A, VI, 6, 490.
  • [35]
    Lettre à Leibniz d’octobre 1705, in Gerhardt, 1963, 39-40.
  • [36]
    « Possibilitatis et Notionum distinctarum Analysis eadem est, idemque sunt primae possibilitates cum divinis perfectionibus », Lettre à Wolff de novembre 1705, Gerhardt, 1963, 45.
  • [37]
    Neues Organon, Philosophische Schriften, I, VII-VIII.
  • [38]
    Neues Organon, Philosophische Schriften, I, 424.
  • [39]
    Anlage zur Architektonik, Philosophische Schriften, III, 40-41.
  • [40]
    Neues Organon, Philosophische Schriften, I, 472.
  • [41]
    On reviendra sur la position de Baumgarten, selon laquelle les idées ou représentations individuelles sont indécomposables ; elles sont d’ailleurs à la base de la formation des notions communes : Acroasis logica, 17-18.
  • [42]
    Logica, GW, II, 1, 2, 205-211.
  • [43]
    Logica, GW, II, 1, 2, 212.
  • [44]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 140-141.
  • [45]
    Meditationes, A, VI, 4, 589.
  • [46]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 145-146.
  • [47]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 149-150.
  • [48]
    Leibniz discute de ces questions dans sa préface au De veris principiis de Nizolius : A, VI, 3, 409-411.
  • [49]
    Wolff réitère une thèse similaire dans sa Ratio praelectionem : GW, II, 36, 108.
  • [50]
    La doctrine wolffienne est reproduite dans plusieurs traités logiques avec peu de modifications, par exemple chez Bilfinger (Praecepta logica, 110-113) et chez Baumgarten (Acroasis logica, 47-49).
  • [51]
    Arndt (1965) ; Ungeheuer (1983) ; Ricken (1989).
  • [52]
    Meditationes, A, VI, 4, 590-591.
  • [53]
    Dans la Deutsche Metaphysik, il s’agit de la connaissance figurative (GW, I, 2, 173-175).
  • [54]
    Essay, 405-414.
  • [55]
    Discursus praeliminaris, GW, II, 1, 1, 71.
  • [56]
    Discursus praeliminaris, GW, II, 1, 1, 74.
  • [57]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 154.
  • [58]
    Dans la Psychologia empirica, Wolff revient sur le concept de connaissance symbolique. Il affirme notamment que la connaissance symbolique devrait toujours pouvoir se réduire à des notions intuitives : GW, II, 5, 226-227. Ungeheuer traite précisément de ce problème (1983).
  • [59]
    Les signes ou symboles auraient toutefois chez Wolff une fonction constitutive pour le raisonnement. C’est l’interprétation que donne Favaretti Camposampiero (2007) du symbolisme wolffien, lequel serait par conséquent davantage en accord avec le point de vue de Leibniz.
  • [60]
    Lambert est probablement celui qui travailla le plus à cet aspect de la méthode. Il consacre notamment toute la troisième partie de son Neues Organon à l’instauration d’une sémiotique.
  • [61]
    Metaphysica, 225, trad. dans Pranchère, 1988, 115.
  • [62]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 124.
  • [63]
    Logica, GW, II, 1, 3, 411.
  • [64]
    Essay, II, I, 1-2, 104-105.
  • [65]
    Praecepta logica, § 23-24, 18-19.
  • [66]
    Acroasis logica, 17-18.
  • [67]
    Acroasis logica, 23-24.
  • [68]
    Lettre à Wolff de février 1705, in Gerhardt, 1963, 18. Cf. CORR, 1975, 246-248.
  • [69]
    Ratio praelectionem, GW, II, 36, 121.
  • [70]
    Logica, GW II, 1, 412-430.
  • [71]
    Je tiens à remercier Peter McLaughlin, François Duchesneau, David Wittmann et Matteo Favaretti Camposampiero qui ont lu et commenté les premières versions du présent article. Je remercie également l’École normale supérieure de Lyon et la Fondation Alexander von Humboldt de leur soutien financier qui m’a permis de mener à bien ce travail.

1Dans plusieurs parties de la Deutsche Logik et de la Philosophia rationalis sive Logica, Wolff semble, de prime abord, simplement reprendre les principes centraux de la méthodologie leibnizienne. Si l’on compare ces deux textes avec les Meditationes de cognitione, veritate, et ideis, on s’aperçoit rapidement de l’influence qu’a pu exercer Leibniz sur Wolff. Ce dernier reprend, par exemple, les distinctions opérées par Leibniz entre les types de connaissance : de l’obscur jusqu’à l’adéquat, la division des notions exposée par Wolff se base directement sur celle que Leibniz propose. Wolff élabore également une doctrine de la définition qui s’appuie grandement sur la distinction leibnizienne entre le réel et le nominal. Autant pour Leibniz que pour Wolff, la définition réelle servirait à exprimer la possibilité de la chose, tandis que la définition nominale énoncerait les réquisits suffisants à sa reconnaissance. Wolff s’est sans conteste inspiré d’autres sources pour constituer sa logique, notamment de Descartes, Tschirnhaus et Jungius [1], peut-être même de l’Essay de Locke, mais il serait difficile de nier l’apport de la philosophie leibnizienne [2].

2Or, même si la structure et le vocabulaire utilisés dans les traités logiques de Wolff paraissent largement empruntés à Leibniz, on remarque que les thèses qu’il adopte s’éloignent à plusieurs reprises de l’épistémologie leibnizienne. À comparer leurs positions respectives, il ne serait d’ailleurs pas exagéré d’affirmer que Wolff a ignoré – voire contredit – de nombreuses propositions importantes de la doctrine de son prédécesseur. Plusieurs commentateurs se sont déjà efforcés de soulever les disparités entre les philosophies de Leibniz et de Wolff, notamment dans le domaine de la logique [3]. On a voulu combattre l’image, particulièrement répandue aux xviiie et xixe siècles [4], d’une doctrine harmonieuse entre le leibnizianisme et le wolffisme – que l’expression de philosophie leibniziano-wolffienne rend parfaitement –, et dégager les nombreux points de rupture. En revanche, l’étude de l’influence réelle de la logique de Leibniz sur celle de Wolff, autrement dit ce que ce dernier a pu apprendre ou non de la doctrine leibnizienne, n’a pas encore été réalisée jusqu’à présent. C’est ce que je propose de faire dans le présent travail en analysant la réception wolffienne des Meditationes. Le choix du texte n’est évidemment pas anodin : aucun autre ouvrage de Leibniz disponible au début du xviiie siècle ne contient des réflexions méthodologiques que Wolff et la tradition wolffienne auraient pu connaître et éventuellement reprendre. Même dans leur correspondance, pourtant assez abondante, Leibniz et Wolff n’abordent pratiquement pas de problèmes épistémologiques. La Deutsche Logik, seul ouvrage philosophique d’importance de Wolff paru du vivant de Leibniz, n’est même pas mentionnée [5]. En se concentrant sur la lecture des Meditationes, il sera possible d’expliquer la véritable transmission des idées de l’une vers l’autre des méthodologies. On constatera alors qu’il s’agit souvent davantage d’oppositions théoriques que de concordances : à plusieurs endroits, Wolff ou certains de ses disciples, par exemple Bilfinger et Baumgarten, ont soit mal compris, soit tout simplement rejeté des thèses majeures des Meditationes.

Le contexte des Meditationes

3Disons d’abord quelques mots sur la place des Meditationes dans l’œuvre leibnizienne et sur leur diffusion au xviiie siècle. On sait que Leibniz a très peu publié d’ouvrages philosophiques : hormis les Essais de Théodicée, il a essentiellement édité des opuscules, comme le Système nouveau de la nature et le De Ipsa Natura. Les Meditationes, parues dans les Acta Eruditorum en 1684 [6], font donc partie d’un ensemble particulièrement restreint de textes philosophiques que Leibniz jugea suffisamment achevés pour les publier. Après sa mort, d’autres ouvrages ont été rendus disponibles, en particulier les Principes de la nature et de la grâce, publiés dans l’Europe savante en 1718, et la Monadologie, parue pour la première fois dans une traduction allemande en 1720. Toutefois, de tous les textes de Leibniz publiés de son vivant et dans les premières décennies du xviiie siècle, seules les Meditationes exposent des éléments centraux de sa théorie de la connaissance. Il faudra attendre la publication des Nouveaux Essais sur l’entendement humain, dans l’édition Raspe de 1765, pour avoir accès à d’autres aspects de l’épistémologie leibnizienne [7]. Avant cette date, les Meditationes constituent donc presque la seule source textuelle pour trouver les conceptions leibniziennes de la méthode et de la connaissance [8].

4Son influence a par ailleurs été considérable, en particulier chez les penseurs allemands de la Frühaufklärung. C’est en partie grâce à Wolff que ce texte a connu une postérité aussi importante : la popularité de la Deutsche Logik et de la Logica, lesquelles s’inspirent, du moins en partie, des Meditationes, a en même temps contribué à mieux faire connaître les idées de Leibniz. Les traités de logique s’inscrivant dans la tradition wolffienne reprennent ainsi des thèmes, sinon un champ lexical, en grande partie empruntés à Leibniz : les Praecepta logica de Bilfinger, la Metaphysica et l’Acroasis logica de Baumgarten ou la Vernunftlehre de Meier sont tous redevables, de près ou de loin, à la méthodologie leibnizienne. Mais il s’agit presque toujours de contributions qui s’effectuent à la lumière de la lecture de Wolff. En dehors du mouvement wolffien, plusieurs autres auteurs allemands font référence à ce texte de Leibniz, par exemple Lambert, qui mentionne les principes leibniziens et wolffiens dans son Neues Organon[9], ou l’historien de la philosophie Johann Jakob Brucker, qui offre une analyse plutôt complète de l’opuscule de Leibniz dans son Historia critica philosophiae[10].

La méthodologie leibnizienne

5Dégageons tout d’abord les thèses méthodologiques centrales des Meditationes[11]. L’aspect essentiel est sans conteste la tentative d’établir une classification des notions au fondement de la vérité. En s’inspirant à la fois de Descartes et de Spinoza, Leibniz développe une gradation des connaissances selon des critères de perfection conceptuels. Les types de notions suivent ainsi une progression analytique selon quatre distinctions principales : obscur ou clair, confus ou distinct, inadéquat ou adéquat et, finalement, symbolique ou intuitif. Pour chaque opposition, Leibniz identifie une condition qui discerne un degré plus parfait de connaissance par rapport aux niveaux précédents. Pour parvenir à cette organisation notionnelle, une première thèse importante est l’anti-cartésianisme de Leibniz à l’égard des critères de clarté et de distinction. Selon Leibniz, le critère ultime pour déterminer l’ordre des connaissances, des plus obscures aux plus adéquates, n’est pas la clarté, comme le présume Descartes, mais la distinction. Chez Descartes, la distinction est un prolongement conceptuel de la clarté, c’est-à-dire que l’idée distincte est une idée dont toutes les composantes sont claires, dont les déterminations sont entièrement distinguées par l’esprit [12]. Autrement dit, parvenir à l’idée distincte, c’est se représenter de manière claire toutes les propriétés qui la constituent. Par exemple, l’image sensible du triangle est une idée claire, mais confuse, puisque certaines composantes de cette idée, comme sa grandeur exacte, sont obscures. Tandis que l’idée rationnelle du triangle est distincte parce que toutes ses propriétés se perçoivent de façon claire [13]. Dans ce second cas, l’attention est entière et porte sur tous les éléments de l’idée. Au contraire, Leibniz croit que la distinction peut s’établir indépendamment de la clarté, c’est-à-dire indépendamment d’une saisie perceptive complète. Rendre une notion distincte, c’est énumérer les marques propres à la reconnaissance de la chose sans nécessairement recourir à l’attention perceptive :

6

Une notion distincte est pareille à celle que les essayeurs ont de l’or : laquelle leur permet de distinguer l’objet de tous les autres corps, par des signes distinctifs et des moyens de contrôle suffisants. Telles sont d’ordinaire les notions communes à plusieurs sens : celles de nombre, de grandeur, de figure, ainsi que les notions de beaucoup d’affections de notre âme, comme l’espoir ou la crainte, bref, les notions de toutes les choses dont nous avons une définition nominale, qui n’est autre chose qu’une énumération de marques suffisantes [14].

7Pour Leibniz, la distinction notionnelle n’est pas un prolongement conceptuel de la clarté, mais bien un critère de connaissance qui s’établit à l’aide de marques suffisantes pour l’identification d’une chose, et ce souvent indépendamment de la clarté. Pour reprendre l’exemple cité dans l’extrait, on constate que toutes les propriétés de l’or ne sont pas perçues de manière claire par les testeurs, ils n’ont pas à porter une attention à toutes les marques qu’elles renferment (qu’ils ne connaissent pas de toute façon dans leur entièreté) : il s’agit plutôt d’employer différentes marques explicites qui suffisent à reconnaître ce métal parmi les autres. C’est une définition de l’or, et non une conscience claire de ses propriétés, qui permet d’en concevoir l’essence distinctement. Leibniz opère donc un renversement de la position cartésienne qui consiste à donner une priorité conceptuelle à la distinction sur la clarté. Selon lui, il faut surtout parvenir à des réquisits définitionnels pour distinguer les choses : l’établissement de définitions se fait souvent sans l’intervention directe de la conception claire et distincte [15].

8Une deuxième thèse essentielle commande cette gradation des connaissances : plus une notion est distincte, plus ces marques seront simples. L’exemple du triangle peut à nouveau nous aider : Leibniz dirait que la définition rationnelle du triangle est plus distincte, mais aussi plus simple que l’image qu’on peut en avoir dans la perception sensible. La première permet de reconnaître le triangle de façon adéquate et ne contient que ses seules propriétés géométriques communes, tandis que la deuxième contient toutes les déterminations particularisant le triangle individuel. Cette dernière notion renferme en fait une plus grande complexité conceptuelle qui est dès lors perçue confusément par l’entendement humain. Leibniz n’est évidemment pas le premier à maintenir un tel modèle analytique qui tente de retracer la simplicité dans la composition notionnelle, mais ce qui est toutefois propre à la conception leibnizienne réside dans les limites qu’elle impose à l’analyse : il est, la plupart du temps, impossible d’atteindre la simplicité absolue dans la décomposition des notions. Les notions primitives constituent certes la majorité de nos concepts distincts, mais il serait difficile à l’entendement humain de parvenir, pour chaque représentation, à une analyse entière des concepts jusqu’aux premiers possibles :

9

Cependant je n’oserais pas encore décider, si les hommes pourront jamais instituer une analyse parfaite des notions, c’est-à-dire remonter de leurs pensées aux premiers possibles et aux notions indécomposables, ou, ce qui revient au même, aux attributs absolus mêmes de Dieu comme aux causes premières et à l’ultime raison de toutes choses. Le plus souvent nous nous contentons d’apprendre de l’expérience la réalité de certaines notions, et de nous servir ensuite de ces notions pour en composer d’autres à l’exemple de la nature [16].

10D’après Leibniz, l’analyse conceptuelle conduit à davantage de simplicité, mais la représentation des attributs simples des choses est rarement saisie par l’esprit humain. Le seul exemple qui se rapprocherait d’une telle conception intuitive est celui de la notion des nombres [17]. Autrement, on en reste à une conception complexe, bien que très souvent distincte. Ainsi, il est toujours possible d’opérer une décomposition notionnelle à travers les degrés logiques – les acquis du modèle analytique demeurent –, mais dans la très grande majorité des occurrences, la conception ne saurait aboutir aux premiers possibles. En somme, Leibniz soutient l’idée selon laquelle l’entendement humain est limité dans l’analyse des notions, faute de pouvoir parvenir à la représentation intuitive des essences simples et primitives. Même si la position adoptée par Leibniz est clairement analytique et qu’il affirme que la distinction se réalise à l’aide d’une progression qui conduit du composé jusqu’au simple, ce dernier terme, à savoir la notion primitive intuitivement conçue, est très rarement, voire jamais l’objet d’une représentation par et dans l’entendement humain.

11Troisième thèse : en parallèle à la doctrine des types de connaissance, Leibniz élabore dans les Meditationes une théorie de la définition. Pour la suite de l’analyse, retenons surtout la différenciation entre les deux principaux genres de définition. D’un côté, Leibniz identifie la définition réelle, laquelle a pour fonction essentielle d’exprimer la possibilité de la chose. Cette possibilité s’énonce soit par une analyse strictement a priori, comme dans le cas des notions géométriques, soit par l’entremise de la perception actuelle de la chose. Pour les notions a posteriori, l’expérience de la chose, dont l’actualité montre par le fait même la possibilité, supplée au manque de démonstration rationnelle. Or, la nécessité de recourir au type nominal de définition repose en fait sur l’insuffisance des définitions réelles a posteriori. Dans le cas des objets empiriques, en plus de constater la possibilité de la chose dans la perception actuelle, il faut élaborer les marques suffisantes à sa reconnaissance, ce que permet la définition nominale. Les sciences empiriques – comme la chimie – procèdent essentiellement par définitions nominales, c’est-à-dire qu’elles établissent des marques spécifiant les propriétés des corps [18]. La définition nominale n’est pas une simple definitio nominis servant à exprimer la signification d’un mot, mais un outil méthodologique permettant de connaître les propriétés d’une chose dont la possibilité a été prouvée dans une définition réelle. En ce sens, on peut affirmer que les définitions réelles possèdent une primauté logique sur les définitions nominales : avant d’élaborer des marques distinctes dans la définition nominale, il faut auparavant savoir si la chose définie est possible, ce qu’on détermine à l’aide de la définition réelle. Sinon, Leibniz fait remarquer que les définitions nominales seraient arbitraires, puisqu’on ne serait pas en mesure de déterminer si les notions exprimées renvoient à de véritables possibilités.

12La quatrième thèse qu’il faut retenir est la présence du genre symbolique de connaissance, fondement central de la caractéristique universelle que Leibniz élabore dans de nombreux travaux logiques de l’époque. L’usage de symboles s’explique par plusieurs raisons, mais Leibniz évoque dans les Meditationes le motif suivant : comme la plupart des notions que l’entendement humain perçoit sont composées et non intuitives, le meilleur moyen d’articuler cette complexité consiste à remplacer les concepts par des mots ou symboles qu’on ordonnera de manière formelle :

13

Mais le plus souvent et surtout si l’analyse est très longue, nous n’embrassons pas toute la nature de la chose à la fois ; nous substituons alors aux choses des signes dont, pour abréger, nous avons coutume d’omettre l’explication dans le travail actuel de la pensée, sachant ou croyant que cette explication est en notre possession. Ainsi, lorsque je pense à un chiliogone, c’est-à-dire à un polygone de mille côtés, je ne considère pas toujours ce qu’est un côté, une égalité, le nombre mille (ou le cube de dix), mais je me sers mentalement de ces mots pour qu’ils tiennent lieu des idées que j’ai des choses, – bien que sans doute j’aie le sens de ces mots confusément et imparfaitement présent à l’esprit – parce que j’ai conscience de posséder la signification de ces mots et que j’estime que l’explication n’en est pas nécessaire pour le moment. J’appelle cette connaissance aveugle ou symbolique ; nous en faisons usage dans l’algèbre et dans l’arithmétique et presque en tout domaine [19].

14Puisqu’une conception claire et attentive de l’esprit n’est pas nécessaire pour parvenir à la distinction – on le sait, l’établissement de définitions suffit amplement tant qu’elles énoncent la possibilité des choses –, la substitution formelle apporte de nombreux avantages : d’abord, concevoir des objets qu’on ne saurait percevoir mentalement, par exemple un chiliogone ; ensuite, élaborer de longues chaînes de définitions et démonstrations qui surpassent les capacités cognitives de la mémoire et de l’imagination. Si la doctrine leibnizienne est ici empruntée aux mathématiques et plus précisément à l’algèbre, il n’empêche que cette manière de concevoir les choses par des caractères formels devrait s’appliquer à toutes les sphères de la pensée. D’un côté, nous serons aptes à fixer formellement les significations, même d’objets inconcevables par l’imagination, comme les figures complexes ou les grands nombres ; de l’autre, nous pourrons relier les termes définis dans des démonstrations à l’aide de règles combinatoires formelles. Pour Leibniz, l’usage de concepts symboliques est par conséquent nécessaire à l’avancement des sciences. Les mots et les signes ne servent pas seulement à communiquer et à généraliser nos pensées, mais permettent surtout de concevoir des notions et des démonstrations qui sont inaccessibles à la seule conscience perceptive.

15La dernière thèse méthodologique importante des Meditationes concerne la notion d’idée. Il faut rappeler, encore une fois, que la plupart de nos représentations sont souvent confuses du point de vue de la conception mentale, mais distinctes, voire adéquates sur le plan symbolique : la distinction ne s’atteint pas à l’aide des seules capacités de l’esprit, mais surtout par l’établissement de termes définissables. Cela a évidemment des conséquences sur la théorie leibnizienne de l’idée. Pour Leibniz, l’idée n’est pas avant tout un contenu mentalement perçu, mais plutôt une capacité à démontrer la possibilité d’une chose. Dans bien des cas, nous pensons posséder une idée, mais il pourrait éventuellement s’agir d’un terme qui comporte une contradiction et qui ne correspond finalement à aucune idée :

16

Il arrive toutefois souvent que nous croyons à tort avoir dans l’esprit les idées des choses, parce que nous supposons faussement que nous avons déjà expliqué certains termes dont nous nous servons. Et il n’est certainement pas vrai ou au moins il prête à équivoque d’avancer avec quelques auteurs, que nous ne pouvons parler d’une chose, en comprenant ce que nous disons, à moins de posséder l’idée de cette chose. Car souvent nous comprenons en quelque matière chacun des mots, ou nous nous rappelons les avoir compris auparavant ; mais comme nous nous contentons de cette pensée aveugle, sans pousser assez loin l’analyse des notions, il arrive qu’une contradiction, impliquée peut-être dans la notion composée, nous échappe [20].

17L’idée n’est pas tant un acte de l’esprit, c’est-à-dire une modification cognitive, qu’une disposition à l’origine de toutes les pensées et affections mentales. Il existe donc quantité d’idées que nous possédons, mais dont nous n’avons pas conscience [21]. Leibniz fait la distinction entre, d’une part, l’idée qui exprime la possibilité d’une chose et, d’autre part, les notions qui permettent de concevoir l’idée, c’est-à-dire le moyen conceptuel de parvenir à exprimer la possibilité d’une chose. Ainsi, une notion correspond à une idée, par exemple la définition du cercle à l’idée du cercle, lorsqu’elle est capable d’exprimer la possibilité de cette figure géométrique. Or, dans plusieurs cas, même si un contenu notionnel semble présent, il se pourrait que celui-ci ne renvoie pas à une véritable idée. Tel est l’exemple soulevé dans les Meditationes de la notion du mouvement le plus rapide [22]. Nous pensons, à tort, pouvoir concevoir un contenu de manière symbolique exprimant le plus rapide de tous les mouvements, c’est-à-dire en posséder une idée. Toutefois, en l’analysant plus avant, il apparaît évident qu’elle contient une contradiction, puisqu’il pourra toujours exister un mouvement plus rapide que celui qui avait été postulé au départ. En conséquence, la notion du mouvement le plus rapide ne renvoie pas à une idée, car elle est contradictoire. Pour posséder une idée, il faut exprimer la possibilité de la chose à laquelle elle réfère, ce que permettent les notions énoncées dans des définitions réelles.

Clarté et distinction

18Comme on l’a déjà signalé, les traités logiques de Wolff suivent à peu de changements près les distinctions notionnelles leibniziennes. Les principales dichotomies conceptuelles sont présentes dans la version exposée par Wolff. En fait, toute la tradition logique wolffienne a repris cette organisation des connaissances, dont les critères de clarté, de distinction et d’adéquation sont les composantes essentielles. Sur le plan doctrinal, l’accord entre Leibniz et les Wolffiens n’est cependant pas aussi manifeste. On verra que la tradition wolffienne a apporté des modifications importantes à la plupart des thèses mentionnées précédemment. Commençons par la première, portant sur les critères de clarté et de distinction. On se souvient que Leibniz envisage une explication qui fait reposer la distinction notionnelle sur des outils définitionnels, et non sur la perception claire et complète de l’esprit. Or, bien que Wolff concède que la connaissance distincte s’élabore par des instruments définitionnels [23], il maintient qu’elle ne s’établit pas au détriment de la clarté, bien au contraire : pour Wolff, la clarté, obtenue par la faculté d’attention, est toujours présupposée dans l’établissement de la distinction. L’ordre des notions, du clair jusqu’au distinct, n’est pas seulement chronologique, comme dans la gradation leibnizienne, mais proprement constitutif :

19

Nous avons une notion claire qui est distincte, si nous pouvons distinguer les marques qui se présentent à nous : mais elle est confuse, si nous ne pouvons les distinguer. Par exemple, si un triangle est mis sous nos yeux, soit nous le saisissons en un seul regard, soit nous portons particulièrement notre attention sur chaque côté du périmètre. Dans le premier cas, nous ne distinguons pas les marques à partir desquelles on le discerne des autres figures ; mais dans le deuxième cas, nous jugeons que le périmètre est composé de trois parties ou trois lignes droites [24].

20La notion distincte est celle qui détaille la notion claire afin de reconnaître la chose dans un contexte d’énonciation. Autrement dit, nous possédons une notion distincte quand nous sommes capables de percevoir clairement les marques qui y sont contenues par notre attention. À cet égard, Wolff semble ainsi s’être davantage inspiré de Descartes – ou même de Tschirnhaus, qui adopte aussi sur cet aspect une doctrine d’inspiration cartésienne [25] – que de Leibniz. Pour Wolff, clarté et distinction sont conjointement nécessaires à l’établissement de la certitude [26]. Il est vrai que Wolff adresse quelques critiques à Descartes pour avoir mal discerné les différents critères de connaissance [27]. Mais sur le fond, il reprend à cet égard une conception fortement influencée par le cartésianisme, qui voit dans la perception claire et attentive la condition essentielle pour parvenir à la distinction. En fait, le renversement de la thèse cartésienne préconisée par Leibniz – qui donne préséance à la distinction logique sur l’attention psychologique – paraît avoir été soit mal compris, soit tout simplement rejeté par son premier et principal disciple. Wolff jugea plus appropriée l’idée selon laquelle la distinction est une extension conceptuelle de la clarté, c’est-à-dire que l’esprit conçoit les notions claires et les notions distinctes à partir de la même capacité perceptive d’attention [28].

21La tradition wolffienne semble elle aussi s’en remettre à une position largement inspirée du cartésianisme. Prenons un exemple patent, celui de Baumgarten qui, du moins sur ce point, semble suivre la thèse de Wolff. Dans sa Metaphysica, Baumgarten examine également les degrés conceptuels et maintient que les propriétés conceptuelles de clarté et de distinction s’appuient chacune sur un travail de la perception actuelle des choses. En ce sens, la clarté est une condition nécessaire à l’établissement de la distinction [29]. On remarque d’emblée la similarité entre les positions de Baumgarten et de Wolff : il ne saurait exister de perception distincte, de marques explicites, sans une perception claire et attentive préalable. En d’autres mots, la clarté doit s’étendre dans la perception au point de rendre les notions distinctes. Baumgarten insiste d’ailleurs sur l’importance de la concentration et de l’attention pour l’émergence de l’adéquation notionnelle. Pour obtenir des notions claires et distinctes, l’esprit humain possède la faculté de fixer et de relâcher son attention sur les propriétés : percevoir clairement, c’est porter son attention sur la chose, percevoir obscurément, c’est la détourner vers autre chose [30]. C’est seulement quand l’esprit fixe son attention qu’il peut ensuite accéder à la distinction. On remarque que Baumgarten, à l’encontre de la doctrine leibnizienne, croit nécessaire la perception claire et attentive afin d’atteindre la connaissance distincte des choses, ce qui veut dire que la distinction est une évolution conceptuelle de la clarté.

Les limites de l’analyse

22Pareille disparité paraît ressortir de l’interprétation wolffienne de la deuxième thèse relative à la gradation leibnizienne des connaissances. Wolff juge possible, au contraire de Leibniz, l’analyse exhaustive des notions jusqu’aux entités primitives et simples. Certes, Wolff reconnaît dans la Deutsche Logik qu’une connaissance distincte mais complexe suffit à démontrer les vérités certaines. Parfois, l’analyse complète est d’ailleurs impossible à déterminer. En réalité, le processus analytique se termine lorsque le but qu’on s’était fixé est atteint, c’est-à-dire communiquer à autrui une pensée ou effectuer une démonstration [31]. Néanmoins, Wolff croit quand même réalisable la saisie des éléments simples qui composent les notions distinctes. Dès la Logica, il réaffirme la dichotomie entre les notions simples et complexes et estime dès lors envisageable la décomposition complète des connaissances [32]. La notion d’égalité que comporte la définition du triangle est, par exemple, simple et indécomposable. Une notion simple est donc un contenu de pensée qui ne comporte qu’une seule marque, ce qui signifie bien évidemment qu’elle est désormais irrésoluble en d’autres propriétés. Selon ce qu’il soutient dans la Logica, Wolff semble convaincu qu’une résolution complète des notions en marques simples est tout à fait pensable [33].

23Il n’est sans doute pas étonnant que Wolff ait repris une position plus commune de l’analyse, qu’on trouve en particulier chez Descartes ou Locke. Pour les tenants de cette doctrine, l’intuition des premiers possibles devrait être envisageable, puisque les outils analytiques servent essentiellement à parvenir à des contenus plus simples et distincts. Or cette hypothèse, adoptée également par Wolff dans la Logica, est contraire à ce qu’affirme Leibniz dans les Meditationes : si pour Wolff l’achèvement de l’analyse doit pouvoir conduire à la perception intuitive des attributs simples, une telle option constitue pour Leibniz un idéal cognitif que seul l’entendement divin semble pouvoir entièrement achever [34].

24Il faut toutefois souligner que Leibniz entretient à ce sujet une certaine confusion dans sa correspondance avec Wolff. Dans une lettre d’octobre 1705, Wolff indique clairement qu’il serait utile d’instaurer une méthode d’analyse permettant de résoudre les notions jusqu’à leurs composantes primitives et simples. Cette méthode s’accompagnerait d’une recherche des premiers possibles, c’est-à-dire des perfections divines dont toutes les possibilités dépendent [35]. Le plus surprenant est que Leibniz, dans sa réponse, paraît approuver la proposition de Wolff : analyser les possibles et des notions distinctes équivaudrait à rechercher les premiers possibles par la conception des perfections divines [36]. La question n’est pas tant de savoir si Leibniz a désormais changé d’avis par rapport à ce qu’il soutenait en 1684, mais plutôt si une telle approbation a pu influencer Wolff dans sa décision. Il serait difficile de donner une réponse définitive, mais une chose est certaine : Leibniz n’a pas cru bon de rectifier les affirmations de Wolff et d’émettre des réserves à l’idée d’une résolution complète des notions, comme il le fait dans les Meditationes.

25Wolff défend une position qui sera largement répandue chez les logiciens allemands du xviiie siècle. Plusieurs auteurs, liés ou non à l’école wolffienne, adoptent une conception analytique très similaire. Par exemple, Lambert, qui avoue s’être en partie inspiré de Wolff [37], défend lui aussi l’idée que la décomposition conceptuelle mène à l’intuition de notions simples. Selon Lambert, la représentation des éléments simples de la nature est fondamentale à l’établissement d’une doctrine méthodologique. Il exprime cette position dans son Neues Organon :

26

Il n’est pas possible de comparer ou d’assembler davantage les notions simples. Les premières sont des notions relatives, les dernières des doctrines. Puisque les notions simples n’ont pas de marques internes, mais sont plutôt à elles-mêmes leur propre marque, alors elles n’ont pas d’autres prédicats internes qu’elles-mêmes [38].

27La notion simple est celle qui ne possède qu’elle-même comme marque distincte. La décomposition conceptuelle est donc impossible à ce niveau de perception puisqu’il s’agit de l’aboutissement du processus analytique. Dans l’Anlage zur Architektonik, Lambert produit même une liste des notions simples : l’extension ou la force, par exemple, sont des notions indécomposables qui servent à construire les autres contenus de pensée [39]. Elles sont les conditions d’application de l’analyse, car c’est à partir de ces notions qu’on compose et décompose les contenus conceptuels. Sur ce point, il semble que l’influence qu’a exercée Locke sur Lambert est plus grande que celle de Wolff, puisque les notions simples sont principalement le résultat d’intuitions sensibles [40]. Il reste que Lambert partage tout de même avec la tradition wolffienne l’idée selon laquelle il est possible à l’entendement humain d’achever le processus analytique et de se représenter intuitivement les notions simples. Comme la majorité des logiciens de la Frühaufklärung[41], Lambert s’oppose à la thèse d’une limitation radicale de l’analyse exposée dans les Meditationes.

Les définitions réelle et nominale

28La thèse suivante, se rapportant à la théorie de la définition, est sans aucun doute celle qui fait le plus consensus entre Leibniz et la tradition wolffienne. De façon générale, il s’agit d’articuler la distinction entre la définition réelle et la définition nominale de manière à ce que la première soit une condition de possibilité de la deuxième. Autrement dit, on ne saurait formuler les marques distinctes d’une chose – à l’aide d’une définition nominale – sans savoir si celle-ci est possible – au moyen d’une définition réelle. De son côté, Wolff développe une théorie de la définition qui s’appuie sur des principes très similaires. Il est vrai que les explications de Wolff dans la Deutsche Logik et la Logica dépassent les seules considérations qu’on trouve dans les Meditationes : par exemple, Wolff se penche sur les différenciations génériques et spécifiques que comporte une définition [42]. En particulier, il précise également la distinction leibnizienne en proposant deux types nominaux, l’essentiel et l’accidentel. Mais Wolff fait aussitôt remarquer qu’il reprend dans ce contexte la doctrine de Leibniz ; il renvoie même directement au texte de 1684 [43]. Pour Wolff, la définition réelle sert à exprimer la possibilité de la chose : soit par l’expérience, soit de manière démonstrative :

29

Nous reconnaissons une telle chose soit par l’expérience, soit par la démonstration. L’expérience nous enseigne si une notion est possible, lorsque nous la constatons ou y portons attention, et si nous trouvons quelque chose qui s’accorde avec elle. […] Par la démonstration on distingue si la notion est possible ou non, soit lorsque nous montrons comment une telle chose est produite, soit lorsque nous recherchons si quelque chose en découle, de là nous savons déjà, si elle est possible ou non [44].

30Il existe donc chez Wolff deux manières de prouver la possibilité d’une chose, c’est-à-dire d’établir une définition réelle : d’un côté, par l’expérience, qui montre la possibilité depuis la perception actuelle. Dans ce cas, on pourrait dire que la définition est simplement réelle et que la définition nominale la complète en exprimant des réquisits propres à identifier les possibilités. De l’autre, par la démonstration, qui indique comment la chose est produite. Dans ce deuxième cas, la définition est réelle et causale, pour employer l’expression de Leibniz, parce que la démonstration énonce la genèse de la chose et en montre en même temps la possibilité [45]. Par exemple, la définition réelle et causale du triangle exprime la cause idéelle de tous les triangles possibles.

31La particularité de la position wolffienne est qu’elle réintroduit la dualité classique entre la definitio rei et la definitio nominis. La définition réelle et la définition nominale constituent certes des définitions des choses, l’une montrant comment la chose est possible, l’autre comment l’identifier. Mais parallèlement à ces deux types de définitions, Wolff croit légitime d’ajouter les définitions de nom. Selon lui, elles sont utiles dans la vie pratique, mais aussi dans l’établissement de disciplines formelles, en particulier pour les sciences mathématiques [46]. Si les definitiones rei servent à expliquer comment les choses peuvent exister, les definitiones nominis sont indispensables pour fixer la signification des mots. Par conséquent, Wolff inclut dans le domaine du définitionnel, non seulement les explications qui énoncent la possibilité des choses, mais aussi celles qui déterminent le sens des termes. L’instauration de définitions de nom serait même nécessaire aux définitions de choses, étant donné qu’il faut s’assurer de déterminer la signification des mots avant de les employer dans le discours [47]. Or, Leibniz refuse de considérer les définitions de nom comme de véritables outils définitionnels. Contrairement à ce que Hobbes présumait, l’établissement des définitions ne dépend point pour Leibniz de décisions humaines ; les définitions doivent nécessairement exprimer un ordre réel, et donc être fondées sur l’expression de la possibilité. En d’autres mots, Leibniz maintient que la détermination du sens des termes ne débouche pas sur de vraies définitions, qu’on devrait plutôt considérer comme étant un outil de la grammaire [48]. En réhabilitant l’usage des définitions de nom, Wolff s’écarte quelque peu de la position initiale de Leibniz [49]. Malgré leur entente sur l’exactitude de la distinction entre le réel et le nominal, à laquelle se réfère également la tradition ultérieure [50], Leibniz et Wolff ne s’accorderaient donc pas quant à la valeur des définitions de nom. Le premier les exclut de l’ordre du définitionnel, alors que le deuxième leur donne une importance sémantique dans l’édification de la science.

La connaissance symbolique

32Plusieurs commentateurs se sont intéressés à la place de l’Ars characteristica dans la philosophie de Wolff ainsi qu’à ses sources leibniziennes [51]. Le problème est évidemment très riche et proposer un examen exhaustif de celui-ci dépasserait grandement les visées du présent commentaire. Il s’agit à nouveau de se concentrer sur la réception des Meditationes. On sait désormais à quel point le rôle de la connaissance symbolique est crucial pour Leibniz : elle permet d’accroître notre représentation des choses et de mener à terme des raisonnements complexes que la perception mentale ne saurait accomplir. Au lieu de se concentrer sur le contenu perceptif, ce qui mène souvent à des idées obscures ou confuses, il vaut mieux porter son attention sur les termes et les règles combinatoires [52]. La véritable distinction s’établit de façon formelle par la connaissance symbolique.

33Pour Wolff, la connaissance symbolique est aussi un outil important pour la science et la philosophie [53]. Mais la connaissance symbolique ne semble pas jouer chez Wolff le rôle constitutif que Leibniz voudrait lui conférer. En cette matière, la théorie wolffienne est très analogue à celle que soutient Locke dans son Essay : l’usage de signes ou de termes sert, d’une part, à se remémorer à soi-même ou à communiquer à autrui des connaissances sans nécessairement revenir à la perception actuelle de la chose et, d’autre part, à permettre, depuis les notions particulières, d’accéder à des significations générales et abstraites. Autrement dit, d’après Locke, les mots permettent de communiquer et d’abstraire nos connaissances [54]. De la même manière, Wolff redit les fonctions communicative et abstractive de la représentation symbolique : grâce aux noms, on parvient à transmettre des connaissances [55] et à former des significations fixes et générales au moyen de définitions [56]. Surtout, Wolff ne considère pas possible de déterminer le sens d’un terme sans s’appuyer sur une conscience claire de la notion qu’il signifie. La signification d’un terme se fonde nécessairement sur un contenu perceptif. Il n’est envisageable que par la suite de traduire des propriétés notionnelles de manière formelle et symbolique. Il faut nécessairement rapporter les mots à des perceptions afin d’éviter les erreurs de communication et de compréhension :

34

Si je veux être compris par autrui, alors je ne dois utiliser aucun mot, sans m’assurer que cette personne peut non seulement comprendre la notion que j’y relie, mais aussi que le mot suscite chez elle la même notion dès qu’elle l’entend et qu’elle y réfléchit. Car il arrive très souvent que quelqu’un joigne le mot que j’utilise à une tout autre notion, bien qu’il pourrait tout à fait le relier à la mienne [57].

35Sans une représentation perceptive des marques de la chose, il serait impossible d’établir des définitions et d’utiliser des termes pour généraliser nos pensées ou les communiquer. Est-ce à dire que Wolff critique directement la thèse leibnizienne selon laquelle la représentation symbolique est constitutive de la connaissance distincte ? Il semble plutôt que Wolff ait ignoré cet aspect important de l’épistémologie de Leibniz parce que les fondements de sa théorie prennent leur source dans une autre tradition, celle inaugurée par Descartes. En faisant de la clarté et de la distinction des conditions conjointes de la connaissance, Wolff s’interdisait d’emblée la possibilité de comprendre la connaissance symbolique en tant qu’outil essentiel à l’établissement de la distinction. Pour Wolff, le langage ne possède pas la fonction cognitive que Leibniz lui attribue – celle de rendre distincte et plus étendue notre connaissance – parce qu’il juge la conscience pleinement apte à concevoir les choses de manière claire et distincte ; c’est depuis la représentation perceptive qu’on peut traduire les concepts sous forme symbolique [58]. Certes, l’emploi de termes comporte de nombreux avantages, notamment dans la communication des connaissances, mais Wolff ne pouvait accepter que les caractères formels puissent élargir les capacités cognitives de l’entendement humain et qu’on les emploie indépendamment des contenus perceptifs clairs et distincts [59].

36Au sein de la Frühaufklärung, la question de la connaissance symbolique a aussi été largement discutée. À la suite de Leibniz et de Locke, on s’attache de plus en plus à établir une caractéristique ou une sémiotique garantissant la traduction rigoureuse de nos pensées dans le langage [60]. Mais la plupart des logiciens, à la manière de Wolff, avancent une conception proche de celle de Locke et refusent par le fait même la position formaliste leibnizienne. Les conclusions de Baumgarten sont emblématiques de cette interprétation : la connaissance symbolique, instaurée par une méthode caractéristique, sert à exprimer, sous forme terminologique, les perceptions cognitives. En ce sens, toute substitution symbolique doit nécessairement se faire à partir de perceptions conscientes :

37

Je perçois les signes en même temps que les objets qu’ils désignent ; j’ai donc la faculté d’associer, dans ma représentation, les signes avec les objets qu’ils désignent ; on peut nommer cette faculté la faculté de désigner. Et puisqu’il y a en ce monde un lien entre les signes, les perceptions de la faculté de désigner doivent leur actualisation à la faculté qu’a mon âme de se représenter l’univers [61].

38Les procédés de substitution dans la faculté caractéristique reposent sur le principe de primauté de la perception sur la forme symbolique. À la lecture de la Metaphysica, rien ne laisse croire que Baumgarten ait pu envisager d’assigner d’autres rôles à la caractéristique que ceux de fixer, structurer et communiquer notre pensée. Il n’est pas question de faire reposer la connaissance distincte sur un usage autonome des symboles et des définitions. Le lien entre les termes et les choses passe nécessairement par l’intermédiaire de la perception de l’esprit.

39Contre le formalisme leibnizien, Wolff et Baumgarten maintiennent ce qu’on peut appeler une forme d’intuitionnisme que plusieurs partagent à l’époque moderne, selon laquelle tout concept s’établit d’abord dans la pensée avant de pouvoir se traduire dans le langage. À nouveau, s’opposent-ils vraiment à Leibniz sur cette question, ou ont-ils tout simplement mal jugé la portée de sa doctrine ? Il faut quand même souligner une chose : les quelques indications que comportent les Meditationes sur la connaissance symbolique représentent très peu de choses à côté des nombreux travaux que Leibniz consacre à la caractéristique universelle. À la lecture de textes comme le De synthesi et analysi universali ou les Elementa rationis, et même de certains passages des Nouveaux Essais, tous inédits à l’époque, on comprend mieux l’importance de la connaissance symbolique chez Leibniz. N’ayant pas accès à ces textes, Wolff et les Wolffiens devaient s’en remettre aux quelques affirmations des Meditationes qui sont, il est vrai, peu nombreuses. Même le De arte combinatoria, publié dès 1666, ne contient pas vraiment de détails sur le concept de connaissance symbolique que Leibniz n’avait de toute façon pas encore véritablement élaboré. Ceci expliquerait sans doute pourquoi les logiciens wolffiens n’envisagent pas d’assigner des fonctions constitutives à la caractéristique, bien qu’ils développent une théorie de la connaissance symbolique.

Idée et notion

40La dernière thèse est directement reliée aux analyses précédentes. Comme on l’a souligné, Leibniz refuse l’adéquation généralement avancée par les cartésiens entre l’idée et la notion. Certaines notions, en particulier les perceptions claires, sont bien évidemment des contenus de conscience, mais l’idée ne saurait se représenter uniquement par de tels types de représentation. L’idée est souvent exprimée par une définition, dont les composantes ne sont pas nécessairement perçues directement dans l’esprit. Les notions – claires, distinctes ou adéquates – sont par conséquent différents moyens cognitifs pour exprimer l’idée : les notions claires expriment la possibilité d’une chose par un contenu actuel dans la perception sensible, tandis que les notions distinctes et adéquates énoncent celle-ci à l’aide de réquisits ordonnés dans des définitions. Qu’en est-il de la position wolffienne ? À nouveau, force est de constater que les Meditationes ne semblent pas avoir eu une influence aussi marquante qu’on aurait pu le présumer, car la conception leibnizienne de l’idée est tout simplement absente des textes wolffiens. Jamais Wolff ne fait une différence marquée entre l’idée, comme expression de la possibilité d’une chose, et la notion, comme moyen épistémologique de parvenir à démontrer cette possibilité. La notion – ou l’idée, qui lui est finalement équivalente – est pour Wolff la représentation d’une chose dans nos pensées qui expriment ou non la possibilité de la chose [62]. D’ailleurs, l’assimilation de l’un à l’autre des concepts est clairement énoncée dans la Logica. Dans une discussion sur la doctrine de l’inesse, Wolff souligne la synonymie des deux termes [63]. L’idée ou la notion est vraie lorsqu’elle exprime une possibilité, elle est fausse lorsqu’elle contient une contradiction. Wolff ignore ainsi la distinction, pourtant assez évidente dans les Meditationes, entre deux instances cognitives qui ne possèdent pas les mêmes fonctions dans l’épistémologie leibnizienne. Probablement influencé à la fois par Descartes et par Locke [64], Wolff néglige le caractère original et particulier de la théorie leibnizienne en refusant d’intégrer à sa propre logique les propriétés que Leibniz confère à l’idée.

41Semblable association entre les concepts d’idée et de notion se retrouve chez les philosophes wolffiens. Par exemple, Bilfinger les compare au début de sa Praecepta logica : la notion et l’idée sont des représentations des choses [65]. Bilfinger croit même décrire une doctrine dont la source se trouverait communément chez Leibniz, Tschirnhaus et Wolff. Même si ces auteurs ne s’entendent pas tous sur l’origine des idées, ils s’accorderaient pour définir la notion ou l’idée comme un contenu actuel mental de représentation. Or, on a bien vu que la position leibnizienne, contrairement à ce que suppose Bilfinger, se distingue à la fois du cartésianisme de Tschirnhaus et de la doctrine de Wolff. Leibniz ne prend pas pour synonymes les termes idée et notion. L’un des rares logiciens de la mouvance wolffienne à avancer une distinction entre les deux termes est Baumgarten : dans l’Acroasis logica, ce dernier marque une séparation entre les concepts singuliers et les concepts universels, les premiers étant des idées, les deuxièmes des notions :

42

Le concept objectif est soit singulier ou individuel, soit universel, c’est-à-dire commun à plusieurs choses. Le concept singulier ou individuel est l’idée, le concept commun ou qui est le même dans plusieurs choses est la notion. Tout concept est soit une idée, soit une notion. La notion représente ce qui est commun à plusieurs choses : elle est donc ultérieure à la représentation des choses singulières. Par conséquent, l’idée (mais pas toutes) est première par rapport à la notion [66].

43L’épistémologie de Baumgarten, comme celle de Wolff, vise essentiellement à fonder l’origine des connaissances sur la sensation [67]. C’est pourquoi les idées individuelles qui proviennent de la perception externe sont premières par rapport aux notions, issues de processus cognitifs combinatoires. Toute notion se compose donc de façon ultime d’idées sensibles et individuelles. Toutefois, cette distinction n’a évidemment rien à voir avec la doctrine leibnizienne de l’idée : tant l’idée individuelle que la notion commune demeurent, pour Baumgarten, des objets de la représentation perceptive, des contenus actuels de l’esprit. Il n’est pas question de faire une séparation entre l’idée, comme expression de la possibilité de la chose, et la notion, comme moyen cognitif d’y parvenir.

De Leibniz à Wolff

44Dans une lettre de février 1705, Leibniz discute de sa lecture de la Dissertatio Algebraica de Algorithmo infinitesimali differentiali que le jeune Wolff lui avait envoyée quelques mois auparavant. Il indique notamment que Wolff a tort d’y soutenir, à la manière des cartésiens, que la syllogistique n’a aucune valeur dans l’établissement d’une méthode de la découverte [68]. Selon Leibniz, une théorie de la démonstration repose en grande partie sur le syllogisme, dont les règles doivent être intégrées à l’ars inveniendi. Plus tard, Wolff reconnaîtra l’impact que cette critique a eu sur son développement intellectuel [69] : c’est en particulier grâce à Leibniz qu’il s’éloignera de certaines prémisses anti-aristotéliciennes et construira sa logique autour d’une théorie du syllogisme [70]. Sur cet aspect, on peut affirmer que Leibniz a directement agi sur la pensée de Wolff. En instaurant une méthode de la découverte qui a pour composante essentielle les règles syllogistiques de la démonstration, Wolff suivait non seulement un conseil que Leibniz lui avait donné, mais reconnaissait également en lui une influence marquante.

45Sans nier que Leibniz ait vraiment permis à Wolff de reconsidérer certains éléments de sa méthodologie ou d’en formuler des aspects importants, j’ai montré dans la présente étude que les relations entre leibnizianisme et wolffisme présentaient de nombreuses discontinuités théoriques. À tel point qu’il serait difficile de voir en Wolff un disciple de la logique leibnizienne. L’influence que Leibniz a exercée sur Wolff a surtout consisté, semble-t-il, en la transmission d’un vocabulaire théorique et d’une organisation conceptuelle, plutôt qu’en une reprise de la théorie leibnizienne de la connaissance. Autrement dit, Wolff a constitué sa logique en avouant s’être inspiré des Meditationes, mais en ignorant ou en modifiant plusieurs de leurs thèses centrales. En réalité, l’élaboration de la logique wolffienne est tributaire d’une série de doctrines – cartésienne, lockienne, etc. –, dont celle de Leibniz ne constituerait qu’une influence parmi d’autres. La conclusion principale à laquelle on doit arriver est que la réception wolffienne des Meditationes s’est souvent faite au détriment d’aspects essentiels de l’épistémologie leibnizienne. Il s’agit finalement de deux modèles de la connaissance difficilement réconciliables, le premier tourné vers les conditions logiques de la connaissance, le deuxième vers les fondements psychologiques de la perception et l’attention. S’il existe une méthodologie leibniziano-wolffienne, celle-ci s’est par conséquent établie soit en déformant le contenu de la doctrine leibnizienne, soit en en négligeant plusieurs principes fondamentaux [71].

  • Sources

    • Baumgarten Alexander Gottlieb, Metaphysica, Halle-Magdeburg, Hemmerde, 1743.
      Acroasis logica, Halle-Magdeburg, Hemmerde, 1765.
      Esthétique précédée des Méditations philosophiques sur quelques sujets se rapportant à l’essence du poème et de la Métaphysique (§ 501-623), trad. par Jean-Yves Pranchère, Paris, L’Herne, 1988.
    • Bilfinger Georg Bernhard, Praecepta logica, Jena, Marggrafiano, 1742 Briefwechsel zwischen Leibniz und Christian Wolff, hrsg. von Gerhardt, Hildesheim, Olms, 1963.
    • Brucker Johann Jakob, Historia critica philosophiae, Lipsiae, Breitkopf, 1743.
    • Descartes René, Œuvres de Descartes, éd. par C. Adam et P. Tannery (1897-1913), présentation par B. Rochot et P. Costabel, Paris, Vrin, 1964-1974 (abrév. AT).
    • Lambert Johann Heinrich, Philosophische Schriften, Hildesheim, Olms, 1965-.
    • Leibniz Gottfried Wilhelm, Sämtliche Schriften und Briefe, hrsg. von der Akademie Wissenschaften zu Berlin, Darmstadt-Leipzig-Berlin, Akademie Verlag, 1923- (abrév. A).
      Opuscules philosophiques choisis, trad. par P. Schrecker, Paris, Vrin, 1969.
      Die philosophischen Schriften von G. W. Leibniz, hrsg. von C. I. Gerhardt, Hildesheim, G. Olms, 1965.
    • Locke John, An Essay concerning Human Understanding, ed. by P. H. Nidditch, Oxford, Oxford University Press, 1975.
    • Meier Georg Friedrich, Vernunftlehre, Halle, Gebauer, 1752.
      Recueil de diverses pièces sur la philosophie, la religion naturelle, l’histoire, les mathématiques, etc. par Mrs. Leibniz, Clarke, Newton et autres auteurs célèbres, éd. par P. Des Maizeaux, Amsterdam, H. du Sauzet, 1720.
    • Tschirnhaus Ehrenfried von Walter, Medicina mentis et corporis, Lipsiae, Fritsch, 1695.
    • Wolff Christian, Gesammelte Werke, hrsg. von J. Ecole, H. W. Arndt, R. Theis, W. Schneiders, S. Carboncini-Gavanelli, Hildesheim, G. Olms, 1962- (abrév. GW).
      Discours préliminaire sur la philosophie en général, trad. par T. Arnaud, W. Feuerhahn, J.-F. Goubet et J.-M. Rohrbasser, Paris, Vrin, 2006.
  • Littérature secondaire

    • Arndt Hans Werner, « Christian Wolffs Stellung zur Ars characteristica combinatoria » in Studi e ricerche di storia della filosofia, Torino, Edizione di Filosofia, 1965, 3-12.
      Methodo scientifica pertractatum, Berlin-New York, De Gruyter, 1971.
      — « Philosophische Systematik im Anschluß an Leibniz » in Veritas filia temporis. Festschrift für Rainer Specht zum 65. Geburtstag, hrsg. von R. W. Puster, Berlin, Walter de Gruyter, 1995, 115-126.
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Mots-clés éditeurs : Leibniz, logique, lumières allemandes, Wolff, méthodologie

Date de mise en ligne : 15/05/2013

https://doi.org/10.3917/aphi.762.0295

Notes

  • [1]
    Wolff mentionne les influences du Discours de la méthode de Descartes et de la Logica Hamburgensis de Jungius dans sa Logica : GW, II, 1, 2, 155.
  • [2]
    Wolff affirme clairement sa reconnaissance envers l’ouvrage de Leibniz, en particulier dans la préface à la première édition de la Deutsche Logik : GW, I, 1, 109.
  • [3]
    Hans Werner Arndt, 1971 ; Wilfried Lenders, 1971 ; Charles A. Corr, 1975.
  • [4]
    L’historien de la philosophie Eduard Zeller en est un bon exemple. Il perpétue cette image d’une pensée leibniziano-wolffienne (1873, 248-249).
  • [5]
    Dans une lettre de mai 1714, Nicolas Rémond demande à Leibniz s’il approuve les thèses que Wolff soutient dans sa « petite dissertation sur l’âme en allemand » (laquelle réfère très certainement à la Deutsche Logik parue deux ans auparavant) et s’il accepterait de la faire traduire en latin ou en français (GP, III, 616). Leibniz lui répond ceci : « Monsieur Wolfius est entré dans quelques-uns de mes sentiments ; mais comme il est fort occupé à enseigner, surtout les Mathématiques, et que nous n’avons pas eu beaucoup de communication ensemble sur la philosophie, il ne saurait connaître presque de mes sentiments que ce que j’en ai publié. J’ai vu quelque chose que des jeunes gens avaient écrit sous lui ; j’y trouvai bien du bon, il y avait pourtant des endroits dont je ne convenais pas. Ainsi s’il a écrit quelque chose sur l’Âme, en Allemand ou autrement, je tacherai de le voir pour en parler » (Lettre à Rémond de juillet 1714, GP, III, 619). Cette réponse viendrait confirmer deux choses : d’une part, que Leibniz ne se serait pas véritablement entretenu avec Wolff de questions philosophiques, du moins jusqu’à cette époque et, d’autre part, que la seule source par laquelle Wolff aurait pu connaître les positions leibniziennes en vue de l’élaboration de sa Deutsche Logik sont les ouvrages que Leibniz a publiés, dont essentiellement les Meditationes. Par ailleurs, bien que Rémond réitère sa demande de faire traduire le traité de Wolff (lettre à Leibniz de septembre 1714, GP, III, 627), Leibniz n’en fait plus mention dans le reste de la correspondance.
  • [6]
    Acta Eruditorum, novembre 1684, Leipzig, 537-542, A, VI, 4, 585-592.
  • [7]
    Il est vrai que Pierre Des Maizeaux publia les Réflexions de M. Leibniz sur l’Essay de l’entendement humain de M. Locke dans son Recueil de diverses pièces. Mais Leibniz renvoie dans ce texte directement aux Meditationes lorsqu’il traite d’aspects épistémologiques et répète donc essentiellement ce qu’il avait déjà affirmé dans l’article de 1684 (Recueil, II, 146-147).
  • [8]
    La correspondance avec Clarke, publiée également par Des Maizeaux (Recueil, I, 3-149), contient quelques réflexions épistémologiques, mais celles-ci demeurent très peu nombreuses en comparaison avec ce qu’on trouve dans les Meditationes. On le sait, l’échange comporte surtout des discussions métaphysiques, en particulier quant à la nature de l’espace et du temps. Cf. E. Vailati, 1997. D’ailleurs, ni Wolff, ni ses principaux disciples ne font référence à cette correspondance dans leurs travaux de logique.
  • [9]
    Neues Organon, Philosophische Schriften, I, 477-478.
  • [10]
    Historia critica, 5, 398-401. Hors des frontières allemandes, d’autres auteurs renvoient également aux Meditationes : notamment Diderot dans son article Leibnizianisme de l’Encyclopédie – en grande partie inspiré de certaines parties de l’ouvrage de Brucker – et Condillac qui a discuté à plusieurs endroits de la philosophie leibnizienne, en particulier dans son Traité des systèmes.
  • [11]
    En complément de la présente analyse, je renvoie à l’article de Marine Picon, 2003.
  • [12]
    Principia philosophiae, AT, VIII, 22.
  • [13]
    Meditationes de prima philosophia, AT, VII, 88-90.
  • [14]
    Meditationes, A, VI, 4, 586-587, trad. dans Schrecker, 1969, 10.
  • [15]
    J’examine ce point dans un article sur les logiques de Wolff et Kant : Leduc, 2011.
  • [16]
    Meditationes, A, VI, 4, 590, trad. dans Schrecker, 1969, 14.
  • [17]
    Meditationes, A, VI, 4, 587.
  • [18]
    Meditationes, A, VI, 4, 589.
  • [19]
    Meditationes, A, VI, 4, 587-588, trad. dans Schrecker, 1969, 11.
  • [20]
    Meditationes, A, VI, 4, 588, trad. dans Schrecker, 1969, 12.
  • [21]
    Leibniz élabore plus amplement sa théorie de l’idée dans un texte de 1677 : Quid sit Idea, A, VI, 4, 1370-1371.
  • [22]
    Meditationes, A, VI, 4, 588-589.
  • [23]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 141-142.
  • [24]
    Logica, GW, II, 1, 2, 158-159. Sauf indications contraires, il s’agit de mes traductions.
  • [25]
    Medicina mentis et corporis, II, 1, 51-66.
  • [26]
    Wolff affirme la même thèse dans la Deutsche Metaphysik : GW, I, 2, 115-16.
  • [27]
    Logica, GW, II, 1, 2, 159.
  • [28]
    Wolff donne de nombreux détails sur le processus d’attention dans la Psychologia rationalis : GW, II, 6, 286-300.
  • [29]
    Metaphysica, 183.
  • [30]
    Metaphysica, 183-184.
  • [31]
    Deustche Logik, GW, I, 1, 131-132. Voir aussi la Psychologia empirica, GW, II, 5, 245-48.
  • [32]
    « Notionem simplicem voco, quae solis notis constat : notionem complexam vero, quae praeter notas alia sive rei intrinseca, sive extrinseca complectitur », Logica, GW, II, 1, 2, 166.
  • [33]
    Mon interprétation s’oppose ici à celle de Wilfried Lenders selon laquelle Wolff aurait aussi soutenu la thèse d’une limitation de l’analyse (1971, 148-149). En fait, la reconstruction de Lenders est doublement problématique : d’une part, il attribue à Leibniz l’idée que la résolution complète des notions est possible, puisque c’est cette position qui s’accorderait davantage avec sa théorie de la substance (1971, 145). Mais une telle analyse est contredite non seulement par les affirmations de Leibniz dans les Meditationes, mais aussi par celles qu’il avance dans d’autres textes de la même époque (par exemple l’Introductio ad encyclopaediam arcanam, A, VI, 4, 528-529). D’autre part, Wolff semble bel et bien défendre la possibilité d’une analyse complète des notions par et dans l’entendement humain. La Logica, on vient de le souligner, semble aller dans ce sens ; même si, comme le fait remarquer Lenders, une telle résolution semble d’après Wolff par moments difficilement praticable, celle-ci demeure tout à fait possible.
  • [34]
    C’est ce que Leibniz affirme notamment dans les Nouveaux Essais : A, VI, 6, 490.
  • [35]
    Lettre à Leibniz d’octobre 1705, in Gerhardt, 1963, 39-40.
  • [36]
    « Possibilitatis et Notionum distinctarum Analysis eadem est, idemque sunt primae possibilitates cum divinis perfectionibus », Lettre à Wolff de novembre 1705, Gerhardt, 1963, 45.
  • [37]
    Neues Organon, Philosophische Schriften, I, VII-VIII.
  • [38]
    Neues Organon, Philosophische Schriften, I, 424.
  • [39]
    Anlage zur Architektonik, Philosophische Schriften, III, 40-41.
  • [40]
    Neues Organon, Philosophische Schriften, I, 472.
  • [41]
    On reviendra sur la position de Baumgarten, selon laquelle les idées ou représentations individuelles sont indécomposables ; elles sont d’ailleurs à la base de la formation des notions communes : Acroasis logica, 17-18.
  • [42]
    Logica, GW, II, 1, 2, 205-211.
  • [43]
    Logica, GW, II, 1, 2, 212.
  • [44]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 140-141.
  • [45]
    Meditationes, A, VI, 4, 589.
  • [46]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 145-146.
  • [47]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 149-150.
  • [48]
    Leibniz discute de ces questions dans sa préface au De veris principiis de Nizolius : A, VI, 3, 409-411.
  • [49]
    Wolff réitère une thèse similaire dans sa Ratio praelectionem : GW, II, 36, 108.
  • [50]
    La doctrine wolffienne est reproduite dans plusieurs traités logiques avec peu de modifications, par exemple chez Bilfinger (Praecepta logica, 110-113) et chez Baumgarten (Acroasis logica, 47-49).
  • [51]
    Arndt (1965) ; Ungeheuer (1983) ; Ricken (1989).
  • [52]
    Meditationes, A, VI, 4, 590-591.
  • [53]
    Dans la Deutsche Metaphysik, il s’agit de la connaissance figurative (GW, I, 2, 173-175).
  • [54]
    Essay, 405-414.
  • [55]
    Discursus praeliminaris, GW, II, 1, 1, 71.
  • [56]
    Discursus praeliminaris, GW, II, 1, 1, 74.
  • [57]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 154.
  • [58]
    Dans la Psychologia empirica, Wolff revient sur le concept de connaissance symbolique. Il affirme notamment que la connaissance symbolique devrait toujours pouvoir se réduire à des notions intuitives : GW, II, 5, 226-227. Ungeheuer traite précisément de ce problème (1983).
  • [59]
    Les signes ou symboles auraient toutefois chez Wolff une fonction constitutive pour le raisonnement. C’est l’interprétation que donne Favaretti Camposampiero (2007) du symbolisme wolffien, lequel serait par conséquent davantage en accord avec le point de vue de Leibniz.
  • [60]
    Lambert est probablement celui qui travailla le plus à cet aspect de la méthode. Il consacre notamment toute la troisième partie de son Neues Organon à l’instauration d’une sémiotique.
  • [61]
    Metaphysica, 225, trad. dans Pranchère, 1988, 115.
  • [62]
    Deutsche Logik, GW, I, 1, 124.
  • [63]
    Logica, GW, II, 1, 3, 411.
  • [64]
    Essay, II, I, 1-2, 104-105.
  • [65]
    Praecepta logica, § 23-24, 18-19.
  • [66]
    Acroasis logica, 17-18.
  • [67]
    Acroasis logica, 23-24.
  • [68]
    Lettre à Wolff de février 1705, in Gerhardt, 1963, 18. Cf. CORR, 1975, 246-248.
  • [69]
    Ratio praelectionem, GW, II, 36, 121.
  • [70]
    Logica, GW II, 1, 412-430.
  • [71]
    Je tiens à remercier Peter McLaughlin, François Duchesneau, David Wittmann et Matteo Favaretti Camposampiero qui ont lu et commenté les premières versions du présent article. Je remercie également l’École normale supérieure de Lyon et la Fondation Alexander von Humboldt de leur soutien financier qui m’a permis de mener à bien ce travail.

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