Notes
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[1]
H. MALDINEY Regard, Parole, Espace, Lausanne, L’Âge d’Homme, rééd. 1994, p. 212.
-
[2]
E. HUSSERL, Méditations cartésiennes, tr. fr. E. Lévinas, G. Peiffer, Paris, Vrin, 1986, § 61, p. 235.
-
[3]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », Regard, Parole, Espace, op. cit., p. 172.
-
[4]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », ibid., p. 211. Souligné dans le texte.
-
[5]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, La Versanne, Encre marine, 2000, p. 117.
-
[6]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 172.
-
[7]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 213.
-
[8]
Ibid.
-
[9]
Ibid, p. 219 sq. Voir sur ce point E. HUSSERL, Objets intentionnels (1894), tr. fr. J. English in Sur les objets intentionnels, Paris, Vrin, 1993, p. 279 sq., et Recherches logiques, tr.fr. H. Elie, L. Kelkel et R. Schérer, Paris, PUF, 1959, Tome second, II, 5, surtout L’Appendice aux § 11 et 20, p. 228 sq.
-
[10]
K. TWARDOWSKI, Sur la théorie du contenu et de l’objet des représentations (1894), § 5, tr. fr. J. English in Sur les objets intentionnels, op. cit., p. 99.
-
[11]
E. HUSSERL, Recherches logiques, op. cit., II, 5, Appendice aux § 11 et 20, p. 228 sq. Sur l’ambivalence de la position husserlienne, voir l’introduction de J. English (Sur les objets intentionnels, op. cit., p. 9-84).
-
[12]
E. HUSSERL, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, tr. fr. G. Granel, Paris, Gallimard, 1976, § 70, p. 271.
-
[13]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 223.
-
[14]
Voir F.W. J. SCHELLING, Conférences de Stuttgart, dans Œuvres métaphysiques, Paris, Gallimard, 1980, p. 242. Cf. aussi H. MALDINEY, Penser l’homme et la folie, Grenoble, Jérôme Millon, rééd. 2007, p. 15.
-
[15]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 67. Souligné dans le texte.
-
[16]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 215.
-
[17]
Ibid, p. 215. Souligné dans le texte.
-
[18]
Ibid, p. 214.
-
[19]
Cf. E. HUSSERL, Phantasia, conscience d’image, souvenir. De la phénoménologie des présentifications intuitives. Textes posthumes (1898-1925), tr.fr. R. Kassis et J.-F. Pestureau, Grenoble, Jérôme Millon, 2002, n°1, § 9, p. 64.
-
[20]
Ibid, n°1, § 17, p. 78. Nous soulignons.
-
[21]
Ibid, n°1, § 19, p. 81. Souligné dans le texte.
-
[22]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 223.
-
[23]
Ibid, p. 223.
-
[24]
Ibid, p. 224.
-
[25]
H. MALDINEY, « L’image et l’art », dans L’art, l’éclair de l’être, Seyssel-sur-Rhône, Comp’Act, 1993, p. 268.
-
[26]
Ibid., p. 250.
-
[27]
Ibid., p. 271.
-
[28]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 225.
-
[29]
Ibid., p. 222.
-
[30]
Ibid., p. 253.
-
[31]
Ibid., p. 224. Le syntagme « intentionnalité inversée » a été forgé par Roland Kuhn.
-
[32]
Ibid., p. 213.
-
[33]
Ibid., p. 219.
-
[34]
H. MALDINEY, « Cézanne et Sainte-Victoire. Peinture et vérité », dans L’art, l’éclair de l’être, op. cit., p. 29.
-
[35]
Ibid.
-
[36]
M. HENRY, Philosophie et phénoménologie du corps, Paris, PUF, 1965, p. 262. Voir aussi M. HENRY, Essence de la manifestation, Paris, PUF, rééd. 2003, p. 210.
-
[37]
H. MALDINEY, « Crise et temporalité dans l’existence et la psychose », dans Penser l’homme et la folie, op. cit., p. 105.
-
[38]
H. MALDINEY, « De la transpassibilité », dans ibid., p. 288.
-
[39]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 152.
-
[40]
E. HUSSERL, L’idée de la phénoménologie, tr.fr. A.L. Löwith, Paris, PUF, 1985, p. 59-60.
-
[41]
H. MALDINEY, « La méconnaissance du sentir et de la première parole ou le faux départ de la phénoménologie de Hegel », dans Regard, parole, espace, op. cit., p. 270.
-
[42]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 151.
-
[43]
Ibid., p. 157. Cette définition du rythme est reprise par H. Maldiney à E. Benveniste.
-
[44]
Ibid., p. 153.
-
[45]
Ibid., p. 155.
-
[46]
H. FOCILLON, La vie des formes, Paris, PUF, 1984, p. 4.
-
[47]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 199.
-
[48]
H. MALDINEY, Art et existence, Paris, Klinksieck, 1986, p. 25.
-
[49]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 175.
-
[50]
Ibid., p. 162.
-
[51]
E. HUSSERL, Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, tr.fr. H. Dussort, Paris, PUF, 1996, § 18, p. 60.
-
[52]
Ibid., § 31, p. 84. Pour un commentaire de cette question chez Husserl et Aristote, voir l’article de H. MALDINEY, « L’irréductible », Epochè, n°3, Grenoble, Jérôme Millon, 1993, p. 20 sq.
-
[53]
E. HUSSERL, De la synthèse passive, tr.fr. B. Bégout et J. Kessler, Grenoble, Jérôme Millon, 1998, § 39, p. 245.
-
[54]
H. MALDINEY, L’art, l’éclair de l’être, op. cit., p. 21.
-
[55]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 225.
-
[56]
Ibid.
-
[57]
Ibid., p. 212.
-
[58]
H. MALDINEY, L’art, l’éclair de l’être, op. cit., p. 12. Voir aussi Art et existence, op. cit., p. 52.
-
[59]
Ibid., p. 156.
-
[60]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 109.
-
[61]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 170.
-
[62]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 77.
-
[63]
E. HUSSERL, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., n°1, § 26, p. 92.
-
[64]
Ibid., n°1, § 25, p. 89.
-
[65]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 171.
-
[66]
H. MALDINEY, « La méconnaissance du sentir et de la première parole ou le faux départ de la phénoménologie de Hegel », loc. cit., p. 264.
-
[67]
K. MALÉVITCH, cité par H. Maldiney, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 128.
-
[68]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 172.
-
[69]
Ibid., p. 149. Souligné dans le texte.
-
[70]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 128-129. Souligné dans le texte.
-
[71]
Ibid., p. 128. Souligné dans le texte.
-
[72]
Cf. H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 164.
-
[73]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 247.
-
[74]
Ibid.
-
[75]
Ibid., p. 224.
-
[76]
H. MALDINEY, « Chaos, harmonie, existence », dans Avènement de l’œuvre, Saint-Maximin, Thééthète, 1997, p. 105.
-
[77]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 276.
-
[78]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 225.
-
[79]
Ibid., p. 218.
-
[80]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 159, note 20.
-
[81]
Je tiens à remercier Raphaël Gély, Anna Stoimenova et Gábor Tverdota pour leur aide précieuse dans la poursuite de la recherche qui a rendu possible la rédaction de cet article.
« Présent il est absent »
1 La tension du rapport que l’image entretient avec le sens mis au jour par l’intentionnalité husserlienne témoigne d’une difficulté que les analyses phénoménologiques sont loin d’avoir épuisée, qui concerne le lien entre la théorie de l’imagination et la théorie de la constitution. Que de cette difficulté la question de la présence ne soit pas une confirmation, mais une solution, c’est ce que les analyses de Henri Maldiney nous invitent à considérer avec attention, lorsqu’elles critiquent la théorie de l’intentionnalité en examinant l’image sur le plan pictural et existentiel. Si Maldiney a développé depuis Regard, parole, espace une interrogation en direction de la présence qui ne connaît pas d’égal en radicalité et en richesse descriptive, c’est également pour remettre en question le statut du sens de l’expérience qui se dégage des analyses phénoménologiques [1]. Cela se passe comme si, prenant son essor à partir de la théorie des actes de la conscience, l’esthétique d’Henri Maldiney se laissait imprégner de l’inspiration des grands maîtres de la peinture et du bouleversement à l’œuvre dans les troubles psychiques dont l’analyse existentiale a patiemment fait la lecture, pour nous proposer une pratique renouvelée de la phénoménologie, qui octroie au sens une nouvelle envergure.
2 Mais recueillir ce qui a été ainsi gagné par un travail dont la force créative s’accompagne d’une persévérance sans faille, ne pourra se faire qu’en revenant au cadre dont il se détache et qu’il permet ainsi de rénover. Ce sera du moins la thèse que nous voudrions avancer, en prenant appui sur les retours répétés des analyses de Maldiney sur la phénoménologie intentionnelle, dont les propositions semblent n’avoir été rejetées que pour pouvoir être incessamment remises en question. Le dépassement du cadre des recherches husserliennes y dévoile ainsi des ressources que sa pratique initiale lui avait dérobées et qu’il est possible de solliciter, à condition d’engager un style de description nouveau, dont l’expérience artistique et l’analyse existentielle fournissent les indications. C’est dans l’exploration d’une possibilité de description exposée à la réalité de son propre objet qu’il faudra dès lors se lancer, possibilité corrélative d’une pratique qui se risque dans chaque évidence qu’elle met au jour et qui tire son savoir d’une rencontre où ses attentes sont constamment contrariées, transformées et dépassées.
3 La neutralité prescrite par les pratiques successives de l’épochè phénoménologique devra laisser la place à une implication dans l’expérience qui met en évidence dans chaque vécu l’antagonisme foncier qui le travaille, qui fait correspondre à son activité une passivité au sein de laquelle ses possibles sont mis à l’épreuve. Au fil de ce que laisse voir et comprendre l’exposition de soi ainsi expérimentée, les promesses de l’esthétique transcendantale dont les Méditations cartésiennes formulaient le projet [2] pourront trouver leur réalisation sur le terrain d’une phénoménologie de « la présence sur-prise [3] », qui vit son mouvement de projection sur le fond d’un mouvement de passibilité, nécessaire à la genèse du sens à l’œuvre dans le sentir.
Sens et image
4 « Produire, reproduire [4] » : c’est, selon les termes de Maldiney, le paradigme à partir duquel le sens phénoménologique de l’image s’éclaire. Car, s’il ne suffit pas de dire que dans l’image s’anime une certaine idée de la représentation, c’est parce que ce qui est à méditer en elle est la manière dont la reproduction se ramène à la production, et la façon dont le geste auroral de la création s’affirme dans ce qui le reflète : une certaine forme de reprise, dont la représentation est le lieu. Lieu sans l’être, cependant, si cette représentation est une image projetée sur un fond saturé, où son apparition se cache lorsqu’on cherche à la saisir. Dans la densité de donation du monde des objets, l’image creuse ainsi des vides que le regard est invité à absorber pour se libérer du poids qui l’attache aux choses et pour découvrir dans l’interstice de ses habitudes les écarts mouvants où il est encore possible d’aller et de venir, de quitter et de découvrir, de s’oublier et de s’éprouver. L’absence de lieu dans l’image éclot ainsi en milieu qui permet à ce qui est maintenu séparé de se rejoindre et de s’entretenir dans « la dimension de l’être-avec de la rencontre [5] » où l’ex-istence d’un soi va de pair avec une insistance du monde [6].
5 Ce milieu est creusé à même la perception, dans l’apparence, qui est ce que les choses nous offrent en premier, avant que ne s’impose à la pensée le contour définitif de leur être-objet. Ce n’est pas pour autant que toute forme d’identification y est inexistante ou que le sens y fait défaut. C’est même à ce niveau de la comparution sensible que, livré en quelque sorte à lui-même – car démuni d’assise objective –, le mouvement qui anime la saisie devient apparent dans sa capacité de dessiner dans l’indistinct des allures où s’annoncent – portées par la force de différenciation du regard engagé auprès d’une réalité qui se dérobe – toutes les séparations. Outil rudimentaire de ce que nous façonnons dans la présence encore embrouillée d’un monde que nous ne nous sommes pas appropriés, la structure « en tant que » nous situe avec le perçu dans une autre proximité que celle de sa donation première. Comme dans une étoffe à épaisseur indéterminée, le regard taille dans l’apparence des profils possibles qui vivent aussi longtemps qu’un point de vue les soutient et qu’une sensibilité au sein de laquelle « le sens-sensation et le sens-signification sont encore inséparés [7] » leur accorde sa foi. Maldiney en parle comme de « l’image subreptice [8] » invisiblement à l’œuvre dans le regard, et revient, en interrogeant son statut, sur les pas de Husserl lorsqu’il critiquait en 1901 les Bildertheorien issues de l’école brentanienne [9]. Le débat épistémologique concernant le statut des « objets intentionnels » est ainsi ranimé sur le plan de l’esthétique et son enjeu phénoménologique est intégré dans une méditation sur les pouvoirs de la présence.
6 Si le « représenter » peut se comprendre « comme une manière spirituelle de copier en image [10] (abbilden) », le risque est d’envisager l’image comme un contenu intentionnel qui dépeint les objets appréhendés. Lorsque Husserl critique cette théorie, en lui opposant son analytique des actes intentionnels, il rejette la nécessité des images immanentes qui s’interposeraient entre notre élan de saisir les choses et leur présence réelle, pour défendre le pouvoir d’une perception qui n’est rien d’autre qu’une intuition [11]. L’auteur des Recherches logiques accorde cependant à ce débat une importance bien plus grande que celle que mérite la récusation d’une position épistémologique adverse, ce qui fait que, plus de trente années plus tard, il revient encore sur le paradoxe des « objets intentionnels », en y décelant le « proto-phénomène intentionnel du “sens” [12] ». Ce qui est en jeu dans le statut que nous accordons aux apparitions qui peuplent l’immanence sensible, c’est la manière dont nous envisageons la teneur de sens (Sinngehalt) de ce qui est vécu. Contre toute une psychologie des contenus immanents, il y a lieu d’arguer que, figé en une image qui se découperait dans l’immanence de la saisie, le sens de ce qu’elle appréhende reste confiné au domaine clos d’une sensibilité qui ne connaît ni d’ouverture au monde ni d’épreuve réelle dans le déploiement de ses visées. Cependant, en décloisonnant l’immanence subjective et en l’engageant dans la corrélation (Übereinstimmung) intentionnelle, les analyses husserliennes ne rendent pas compte de la façon dont le sens se découvre dans une présence, lorsque, en ce que nous visons « nous rencontrons un regard qui nous vise [13] ».
7 Si les images qui s’insinuent dans le regard marquent le seuil sur lequel se tient celui qui cherche à entrer dans la pratique de la phénoménologie, c’est parce que ce qui est à décider par elle est un certain accès à l’apparaître à travers l’apparence. Accès impossible, si l’on tient compte du fait que les images que nous avons des choses obstruent la percée spontanée de la perception et font dévier sa prise. Emmêlée dans les fils sinueux de leur quasi-présence, la perception ne parvient pas à accéder aux choses, mais glisse sur la surface impénétrable de leurs aspects saillants, et le monde qu’elle cherche à rejoindre reste tapi derrière ce pullulement de figures évanescentes. Que viennent-elles nous dire si ce n’est l’impossibilité d’une intuition directe et l’échec de notre tentative de nous rendre présents à ce qui nous entoure ? Multipliant les mondes subjectifs, c’est la finitude même de notre capacité de rencontrer et d’éprouver qui nous est par elles signifiée. Dans le domaine de la vision, ces figures alimentent le désarroi de l’expérience de la fausse reconnaissance. Les leurres et les mirages disent ainsi un écueil du sentir qui se piège lui-même en se frayant un accès vers le monde qui n’en finit pas de se frayer, et qui s’abîme dans l’intervalle qui nous en sépare. Embrassant des doubles qui n’existent pas, le sentir ne trouve alors de remède à sa déception qu’en une jouissance dont la nature est équivoque. Dans les rapports que nous avons avec les autres, les « images subreptices » sont à la source des malentendus, des contrariétés et des fascinations, lorsque ce que nous saisissons d’autrui en trahit la présence vraie, nous donnant à comprendre autre chose que ce qu’il était prêt à nous signifier. Sans doute est-ce de cette dimension de la rencontre qu’il faudrait partir pour démêler l’équivoque à l’œuvre dans l’image, car c’est en elle que se manifeste l’exigence de la vivacité qui se fait jour entre l’appel et la réponse, et dont l’assise est celle d’une affectivité au sein de laquelle le sentiment reste perpétuellement redevable à ce que Schelling appelle un « désir de fond [14] » (Sehnsucht). De la superposition projective qui empêche le sentir d’accéder à lui-même, il s’agit alors, selon Maldiney, de se déplacer afin de chercher l’ouverture vers un horizon où « toutes les choses sont entre elles [15]. »
8 En peinture, l’impuissance à atteindre le réel est patente lorsqu’on s’y heurte au reflet d’une image préalable, « écran pictural entre l’ouverture du regard et la manifestation de l’étant dans le tableau [16] ». La naissance de cette image intercalaire, qui fait que lorsque nous regardons certains tableaux « il y a une image dans l’image [17] », semble offrir asile au lien hésitant qui voue le regard au monde. Elle l’institue dans son immanence. Cependant, l’impression de redite qui s’en dégage n’est pas due à la répétition d’une expérience première où l’image serait « contemporaine du premier matin du monde [18] », mais vient de la ressemblance avec un double qui n’a jamais été réel, fruit d’une projection intérieure qui écarte la possibilité de se laisser surprendre et qui nous prémunit de la confrontation périlleuse à laquelle nous nous exposons dans chaque acte de présence.
9 Cette situation propre à l’image et analogue à celle de notre connaissance qui ne cesse de se refléter dans ce qu’elle met en jeu avant de se mettre en jeu elle-même, peut être formulée dans le langage de la phénoménologie intentionnelle. À l’acte qui vise l’objet de l’image, il faut ajouter alors un acte qui vise une image seconde, qui se forme à même le tableau, comme pour donner une consistance mondaine à cette immanence de la conscience dont Husserl cherchait à chasser les spectres. En suivant les leçons husserliennes de 1904-1905, on pourrait même parler d’une tripartition des actes intentionnels, s’il faut rendre compte d’une image perçue : l’acte qui vise l’image comme objet (Bildobjekt) est ainsi complété par l’acte qui vise le sujet de l’image (Bildsubjekt) et par l’acte qui perçoit de manière proprement dite l’image comme chose (Bildding [19]). Mais si ces trois types d’acte peuvent entrer en conflit, faisant jouer les pouvoirs de l’apparence contre ceux de la réalité perçue, nous ne sommes véritablement devant une image que lorsque nous faisons « comme si les intentions de l’image et du figuré en image se juxtaposaient et qu’en résultait un renvoi de l’un à l’autre, mais au-dedans de soi [20] (in sich hinein). » C’est pour décrire cette attitude que Husserl invoque le caractère intuitif pur de l’image :
L’image doit se séparer clairement de la réalité effective, c’est-à-dire d’une manière purement intuitive, sans aucune aide des pensées indirectes. Nous devons être détachés de la réalité effective empirique et enlevés dans le monde pareillement intuitif du caractère d’image. L’apparence esthétique n’est pas une tromperie des sens. La joie que procure la déconvenue massive ou le conflit cruel entre la réalité effective et l’apparence, où tantôt l’apparence se fait passer pour réalité effective, tantôt la réalité effective pour apparence, réalité effective et apparence jouant pour ainsi dire à cache-cache l’une avec l’autre, c’est l’opposé le plus extrême du plaisir esthétique qui se fonde sur la conscience paisible et claire de caractère d’image [21].
11 L’attitude esthétique que Husserl décrit ainsi relève d’une manière de tenir ensemble la figuration et le figuré, comme si le dernier vivait entièrement dans les couleurs de ce qui se présente dans l’objet-image. Cette réunion des deux dimensions de l’image, dans laquelle la véritable portée de l’image se donne à lire, peut être également comprise comme une coïncidence entre ce qu’elle laisse paraître et ce qu’elle signifie. En elle, la prise symbolique sur les choses se dissout dans la rencontre intuitive avec leur apparence esthétique, transformée et présentée par la mise en image (Verbildlichung).
12 Cependant, en rappelant la différence entre une analyse de la présence et une analyse des actes de la conscience, les descriptions conduites par Maldiney nous permettent de comprendre que, dans l’image, ce qui est immanent est tout d’abord imminent. Car l’immédiateté de l’image est habitée par « un regard qui nous y attendait [22] » : avant même que nous ayons pu la viser en tant qu’objet, quelque chose en elle nous vise, nous cherche et s’empare de notre attention. Et puisqu’il « se produit à même l’image un reflux de l’intentionnalité [23] », ce que nous puisons dans l’expérience de sa rencontre est redevable à cette situation où le regard est pris d’assaut par ce qu’il cherchait à assaillir :
Partant de l’ambivalence de l’objet intentionnel […] nous pouvons tenter d’interpréter la réalité magique de l’image en lui reconnaissant un statut analogue à celui des vécus de conscience : elle consiste alors en une unité immanente constituée par projection et introjection de ces vécus. L’unité objective transcendante, dont le pôle est un objet transcendant à ces mêmes vécus, est, dans le cas présent, imaginaire. Mais d’où vient que cette unité immanente exerce une fascination qui suppose une altérité ? La réponse excède le pouvoir d’une phénoménologie de la conscience et de l’intentionnalité. Seule la présence et les structures de la présence permettent de décider du secret de cette fascination [24].
14 Or, le secret de la fascination réside dans le fait qu’elle « suppose l’adualisme, une projection totale dans l’objet fascinant [25] ». Le mouvement ambivalent qui la travaille ne nous vient pas d’un fond obscur de l’image – dont l’immanence serait trahie par un pouvoir d’expansion qui aurait pour but d’évincer nos attentes sur le terrain qui leur est le plus familier – mais d’un fond du monde avec lequel l’image nous maintient en une double prise, qui à la fois nous rejette et nous retient. Composée d’images d’appel et non pas d’images de rappel [26], l’expérience de la fascination opère « une déchirure de l’opaque, mais une déchirure qu’en même temps elle emplit de ses apparitions, qui la voilent [27] ». L’impression qu’il y a une image dans l’image nous vient donc d’une ambiguïté propre à l’image-même, mais celle-ci s’explique à son tour à partir de la nature double de ce fond sans fond, au sein duquel toute prise directe se dessine sur une zone marginale qui nous reste inaccessible. Contrairement à Husserl qui voyait dans l’adéquation de la visée intentionnelle le critère d’une réalité concentrée dans son moment de présentation (gegenwärtig), Maldiney voit dans le fond apprésenté ce « qui confère à chaque perception centrale son moment de réalité [28] ». Car de ces marges que le regard ne sait embrasser, mais dans lesquelles il se dissout, peut surgir à chaque moment une « présence insurveillée [29] » qui met en mouvement les structures spatiales établies. Tel est le sens premier du paysage, compris par Maldiney à la suite d’Erwin Strauss comme « schème subspatial de tout espace » et « schème subcosmique de tous les mondes [30] » : celui d’un milieu sur lequel l’image nous offre une vue qui nous incite à la participation, en nous ouvrant du monde son pan en gestation instable.
15 C’est ainsi qu’au paradoxe des objets intentionnels répond, aux yeux de Maldiney, le « paradoxe d’une intentionnalité inversée [31] ». La méprise que les images subreptices induisent – dont la fausse reconnaissance, le malentendu et l’écran pictural sont autant de symptômes – trouve une élucidation phénoménologique dans la déprise qui affecte le regard avant qu’il puisse s’organiser en pouvoir d’objectivation. Nous comprenons alors pourquoi les images intercalaires ne sont pas seulement des pièges tendus au regard, mais concentrent également « la possibilité métaphorique du perçu [32] », grâce à laquelle ce qui est saisi fait sens pour nous, en se soustrayant depuis toujours à l’objectivation à laquelle nos visées identifiantes l’astreignent. Par elle, un déplacement est déjà opérant qui nous situe avec le monde dans un antagonisme irréductible que Maldiney décrit, sur les traces de Cézanne, comme celui d’une « rectitude dans l’obliquité [33] ». Telle la vision de la montagne Sainte-Victoire sur laquelle Maldiney s’est arrêté à plusieurs reprises comme sur une de ces expériences qui nous révèlent combien « de mondes nous ignorons qui pourtant nous sont ouverts [34] » :
Elle nous désétablit de nous-mêmes : elle nous fait perdre pied dans le monde des objets et dans le monde des tableaux. Mais nous ne sommes en elle ni plongés dans l’imaginaire ni renvoyés pour autant aux objets précontraints qui alimentent le compte courant de la perception. Où ? alors. En quel lieu ou peut-être non-lieu [35] ?
17 En nous dirigeant vers ce lieu-non-lieu dont la montagne émerge, nous découvrons une présence qui émane non pas d’un foyer qu’il s’agirait de fixer en repère pour nos tâtonnements, mais des marges de ce que notre regard peut saisir, et à partir desquelles il peut être à son tour saisi. Telle est la transcendance de nos actes, dont ils tirent cependant toute leur réalité, comme si ce qui achève nos quêtes ne pouvait nous venir que de ce qui dépasse l’aire qu’elles peuvent effectivement explorer.
Tension de la présence, présence du rythme
18 Ce qui alimente, selon Maldiney, les distorsions des projections et la production de doubles immanents, nous vient d’une force qui meut la présence en l’orientant vers une extériorité dont elle ne cesse pourtant de se départir. Cependant, la sensibilité ne connaît sa véritable liberté que lorsqu’elle se met dans la possibilité d’apprendre que cette extériorité est également la puissance à partir de laquelle toute expérience du sentir ne cesse de nous revenir. Tout se passe alors comme si l’apparence était non pas le voile de l’apparaître, mais le lieu de libération progressive de son sens, qui ne peut être pratiquée cependant que dans un régime de passivité radicale. Contrairement à la phénoménologie de Michel Henry, qui envisage la passivité la plus radicale comme une immanence à soi de la subjectivité, dont toute contingence est exclue [36], la phénoménologie de Maldiney explore cette passivité dans la direction d’une révélation du pouvoir abscons de la contingence et de l’effectivité latente de l’horizon qui enveloppe les émois de l’immanence. Cet horizon que Maldiney pense sous les auspices de l’Ouvert, « côté tourné vers nous du hors d’attente [37] », est le lieu caché d’où peut surgir à tout moment l’imprévisible.
19 Mais cet imprévisible qui suscite l’aventure de la sur-prise ne saurait être événementiel s’il ne dépassait tous les possibles que notre expérience projette et si la transpossibilité qui le caractérise ne trouvait un accueil dans la transpassibilité comprise comme « capacité infinie d’ouverture [38] ». Le renouveau du sens dans la surprise de la présence implique ainsi un bouleversement de notre passibilité de le recevoir et de nous laisser transformer par lui. Toutefois, avec cette explicitation de la surprise selon le double schématisme de la transpossibilité et de la transpassibilité, nous nous trouvons encore dans un cadre dualiste qui ne rend pas compte de la dimension de la rencontre à partir de laquelle ces deux schématismes sont engendrés. Pour comprendre comment ces deux régimes se répondent et s’articulent, il faudra chercher à égaler « ces deux lieux inégaux également inégalables : l’espace du monde et celui de la moindre sensation [39] ».
20 Que le monde soit inégal à la sensibilité qui l’accueille, c’est ce que les psychologies descriptives d’inspiration brentanienne avaient mis en évidence, en dépeignant la connaissance comme une production de doubles immanents des choses qui étaient à connaître. Les impressions subjectives en venaient ainsi à jouer le rôle d’une empreinte que les choses laisseraient en nous et qui aménagerait la seule voie par laquelle elles pourraient nous atteindre. Mais cette médiation installe ainsi un rapport illusoire d’égalité qui dissimule la différence de régime entre la vie de la sensibilité et la vie du monde. Selon cette perspective, l’unique gage de ce qui nous relie au monde serait à chercher dans une forme immanente qui copie une réalité supposée la précéder, la rencontre avec le réel étant remplacée par un effet de miroir. À partir d’une réflexion sur le statut de la transcendance de ce qui est à connaître, Husserl avait défendu, quant à lui, la nécessité de distinguer ce type d’immanence qui recueille les contenus sensibles d’un autre type d’immanence où s’engendrent la donation de la chose et la possibilité de son évidence [40]. Lorsque Maldiney critique cette solution apportée au problème des objets intentionnels en y voyant un homologue de la négation hégélienne, c’est pour mettre en évidence que la résistance que le sensible doit affronter dans son déploiement ne trouve pas son explication dernière sur le terrain de la théorie de l’intentionnalité. Sur ce terrain, la conscience se définit encore comme un rapport inégal au monde qui s’équilibre par son activité :
Chacune des figures successives de la conscience est un savoir diffracté, qui manifeste en lui-même une inadéquation entre ce qu’il dit et ce dont il parle, entre l’objet tel qu’il est pour la conscience et l’objet tel qu’il est en soi, entre le sens et l’essence, entre l’objet selon le savoir et l’objet selon le Concept. La conscience est ce rapport inégal, mais ce rapport est posé dans le milieu de la conscience comme mesure égale à soi-même de sa propre inégalité [41].
22 Toutefois, la reconnaissance de la véritable égalité des inégaux ne s’obtient que sur le fond d’une discontinuité temporelle qui suspend la sensibilité à un lointain, et son lieu d’ancrage à un horizon ouvert. Le régime de la corrélation (Übereinstimmung) doit dès lors être interrogé, selon Maldiney, « à partir d’une origine instaurée dans un saut [42] ».
23 Compris non pas comme simple phénomène d’écoulement ou comme cadence de l’univers, mais comme « la forme dans l’instant qu’elle est assumée par ce qui est mouvant [43] », le rythme est cette mesure de la discontinuité temporelle qui met les inégaux en régime de simultanéité. L’inégalité qui déséquilibre la présence, l’attirant toujours vers ses marges, est par lui ramenée à une égalité, non pas par une uniformisation des mouvements qui l’agitent, mais par une « contrainte à l’impossible » par laquelle, Erwin Strauss l’a montré, « le sentir s’articule au se mouvoir [44] ». Notre attachement à un « ici » manifesté dans l’ancrage premier de la sensibilité, ainsi que notre ouverture aux lointains de ses horizons se retrouvent concentrés dans l’unité d’un même rythme compris comme moment apparitionnel des formes sensibles. Car, pour Maldiney, loin de résulter d’un simple reflet passif ou d’une détermination intentionnelle, les formes esthétiques s’auto-génèrent dans « la tension unique de forces contraires [45] », laquelle signe notre entrée dans la présence. En ce sens, l’origine de la spatialisation est à chercher dans cette temporalisation divisée de la présence, où l’instant apparaît sur le fond d’une mémoire transcendantale qui annonce sa gravité dans l’indétermination de ses horizons.
24 Pour Maldiney – qui suit ici le Gestaltkreis de von Weizsäcker –, la forme sensible est une activité qui se déploie à chaque fois enveloppée par un halo qui suggère et appelle d’autres formes [46]. Il en ressort que les formes ne sont pas à comprendre originellement comme des entités séparées que la vie immanente de la sensibilité recueillerait en copiant une réalité préexistante à notre sensibilité. Puisque la forme « est un processus rythmique qui ne cesse de se transformer en lui-même [47] », une vie qui lui est propre est à prendre en compte, articulée à même le sentir et se déployant dans le monde. Entourées par des franges d’indétermination, les formes esthétiques sont ainsi travaillées par des associations, des continuités et des ressemblances qui les intègrent à des unités plus vastes de sens. Dire avec Henri Focillon que la forme « se signifie » elle-même, exige ainsi de penser non pas son autonomie en tant que contenu de la connaissance, mais une coïncidence, dans le rythme, entre sa genèse, son apparition et son expression. Or, cette coïncidence ne serait possible si la forme n’était pas perpétuellement en mutation à partir de la matière dont elle émerge. L’expansion de la forme est en ce sens constamment doublée par une force de gravité – sa dilatation par une force de retenue, son mouvement d’envol par un mouvement de réserve – qui lui imprime la tension de son essor. Fonder l’originaire en peinture, c’est assumer le rapport des impressions sensibles « au fond en amenant le fond, qui n’a pas d’ouverture en lui-même, à la présence, dans l’espace d’une œuvre qui en soit le là [48] ». L’acuité que Maldiney décèle ainsi dans les aquarelles de Cézanne d’après 1890 s’explique à partir du fait que, dans les paysages, « des tâches de couleur pures, fluides et modulantes, sont tendues à l’avant-plan. Tendues en ce sens, d’abord, qu’elles y sont portées à l’avant d’elles-mêmes, éminemment pré-sentes, projetées à elles-mêmes à partir d’une aire de fond, dont elles sont les éclats avancés, qui la manifestent [49] ».
25 Si, dans la phénoménologie de Maldiney, le rythme est le temps de la présence, c’est parce qu’en lui le présent, compris comme « l’ouverture de l’instance du temps [50] », est travaillé par un mouvement qui nous vient des horizons temporels inaccessibles. Husserl, en essayant de rendre compte de la manière dont le présent et le passé cohabitent à partir de la continuité temporelle rendue possible par la rétention, invoque un recouvrement (Deckung) qui s’opère entre la phase présente et le passé de la durée [51]. Cependant, en remarquant la différence entre la donation originaire du présent et la donation reproductive du passé dans le souvenir, Husserl n’a jamais cessé d’essayer de penser ce dernier à partir de la conscience du présent. Le paradoxe du temps qui coule tout en restant le même, fixé dans des situations temporelles qui ne changent pas à travers la modification incessante qui affecte le présent [52], trouve ainsi sa résolution par une intégration progressive de ce qui reste en dehors de la sphère du présent via la rétention. Au niveau des analyses génétiques, la réactivation (Reacktivierung) des sens sédimentés suppose également leur passage par le présent, ce qui assure la continuité de la trame temporelle par delà le clivage entre la conscience du présent et la conscience du passé, clivage dont témoigne la nécessité de l’expérience de l’oubli. Néanmoins, pour rendre compte du retour sur des sens passés qui ont perdu leur lien organique avec le présent, Husserl est obligé d’invoquer un « éveil qui progresse par bonds [53] », qui permet de retrouver des unités de sens en transgressant les failles qui se creusent entre tel moment réactivé et tel autre, tout en reconnaissant ainsi implicitement la nécessité d’une discontinuité temporelle à l’œuvre dans notre recherche du passé.
26 C’est précisément cette discontinuité que les analyses de Maldiney font valoir, en la transférant de la réflexion husserlienne suscitée par la pratique de la question en retour (Rückfrage) à une réflexion sur la spécificité de la pratique artistique. Ce qui ressort en premier lieu dans une analyse de la temporalité de l’œuvre d’art, c’est que le recouvrement entre le présent et le passé n’y est pas opérant. Car sa temporalité n’est pas ancrée dans une impression originaire dont les horizons successifs du passé se dégageraient progressivement, mais dans un espace-temps engendré « à partir de chacune de ses articulations. Non prédéterminé, son départ est partout [54] ». L’œuvre d’art nous incite à la présence tout en étant « toujours déjà au passé [55] ». C’est pourquoi l’impression de déjà-vu qu’elle dégage n’est pas en soi trompeuse, la puissance métaphorique de la répétition résidant selon Maldiney dans le fait qu’elle « nous avertit d’un passé sous-jacent à l’apparaître présent de ce bois, de cet arbre et de ce jardin [56] ». Entre produire et reproduire, c’est donc le lien entre des modes différents d’être dans le temps qui doit être fixé, comme un point de glissement entre des niveaux architectoniques séparés bien que coextensifs. Dans ce glissement, notre passibilité à l’ouverture des horizons du monde est éprouvée, et si entre « fermé et ouvert la différence est infinie [57] », le rythme assumera à la fois une fonction de rupture et une fonction de médiation. C’est en ce sens que le rythme est à la fois « générateur » et « intégrateur [58] », assumant une fonction critique et amenant dans la contemporanéité des régimes temporels différents, sans en effacer pour autant le contraste.
27 Le passage à l’impossible ainsi frayé dit le manque à la présence qui travaille non seulement ce qui est représenté – l’absent qui hante l’image et lui donne sa raison d’exister – mais aussi l’image même, dont la plénitude est toujours en souffrance. L’absence qui est à l’œuvre dans l’image ne saurait être ainsi comprise comme une soustraction à la temporalisation, ou comme une esquive de la présence. La suspension où elle nous tient est plutôt celle du croisement entre plusieurs lignes de la temporalité, au grand carrefour de la présence. Selon Maldiney, toute la motricité des images est à expliquer à partir de ce croisement grâce auquel « réel et possible coïncident [59] ». En effet, la peinture chinoise, notamment chez Shih T’ao, Mang Yü ch’ien ou encore Mu ch’i, nous apprend que plutôt que de supposer un rythme installé dans le monde ou au cœur de la vie intérieure de la sensibilité, il faut invoquer un « souffle rythmique générateur d’espace [60] », le rythme étant lui-même « l’articulation de l’espace-temps du souffle [61] ». Le lieu de l’image qui n’a jamais lieu est généré à partir de cette tension éprouvée dans le temps de la présence. Ainsi, les kakis peints par Mu ch’i :
Nous ne les voyons pas comme à travers une vitre, si transparente soit-elle. Rien ne s’interpose ni ne s’entremet entre eux et nous, ni modèle, ni image-souvenir, ni la reconnaissance en eux de la tonalité d’un ancien ressentir. Ces noirs, ces blancs ont l’évidence brute des données sensibles. Ils ne sont pas toutefois de simples tâches. Ils ont du corps. Mais ils ne constituent pas des qualités de choses visées en image. Ils existent d’entrée, avant toute référence, et sans autre fonction, qu’à s’appeler les uns les autres [62].
Présence, réalité, vérité
29 Si la recherche du passé trouve ses motivations dans le présent, c’est parce que le présent est à son tour porté par un passé où continue à s’opérer une genèse du sens qui reste cachée aux intentionnalités du présent. La thèse maldineyenne de la contemporanéité du présent et du passé n’efface pas leur clivage, mais permet d’en saisir les enjeux au niveau d’une analyse de la présence. Selon Husserl, le conflit qui naît au sein de l’image est celui entre une intuition qui présente (Gegenwärtigung) et une intuition qui présentifie (Vergegenwärtigung), qui relèvent de deux appréhensions intentionnelles de la même chose, qui la conçoivent comme chose ou bien comme image, et qui ne peuvent, à proprement parler, qu’alterner. À sa racine se trouve la conscience de la fiction, qui envisage l’objet-image comme une apparence (Schein) du sujet-image, comme un Fiktum [63].
30 La double dimension de re-présentation et d’apparence, propre à l’image comprise en tant qu’objet (Bildobjekt) en rapport avec l’image comprise en tant que sujet (Bildsubjekt), alimente ainsi la tension qui traverse tout horizon perceptif lorsqu’une image s’y insère. Se dessine ainsi le caractère phénoménologique de la contre-tension [64] (Widerspannung) par lequel l’image se présente toujours sur le fond d’un conflit avec la réalité effective. Loin de caractériser seulement les leurres, ce conflit concerne selon Husserl le mode même d’apparition de toute image, non pas parce que nous courons le risque de nous tromper à chaque fois que nous regardons une image, mais parce qu’elle n’a pas d’autre manière d’apparaître que celle par laquelle elle fait irruption au sein de la présence perceptive, en la bouleversant. Cependant, ce que les descriptions de Maldiney nous invitent à comprendre, c’est qu’au niveau de la présentation, il y a déjà conflit, puisque quelque chose en elle va contre l’attente, en piégeant les anticipations de la conscience et en tournant sa prise sur les choses en sur-prise. Faire disparaître l’« en face » du Présent (Gegenwart) et laisser être l’Ouvert suppose dès lors que chaque apparition soit accompagnée du spectre de sa disparition, « comme, dans la brume de la montagne, une arête se montre dans le moment qu’elle retourne à son voilement [65] ».
31 Si ce qui se donne dans l’immédiat est un faux départ pour explorer ce qui se joue dans le sentir, c’est parce que le monde y « est depuis toujours déjà perdu [66] ». En persistant dans la reconnaissance que l’objectivation rend possible, le danger est ainsi selon Maldiney de se laisser emporter « loin du but de sa perte [67] », qui révèle à chacun d’entre nous la vie de relation des « événements-rencontres qui constituent la phénoménalité universelle [68] ». Ce mode de la communicabilité est celui de la « plénitude enveloppante au milieu de laquelle nous sommes ici », comme lorsque, en cheminant au milieu d’un paysage « nous marchons en lui de ici à ici, enveloppé par l’horizon qui, comme le ici, continûment se transforme en lui-même [69] ». Il naît ainsi une déroute propre à l’expérience dans le paysage qui fait que « ici je suis exposé dans tout l’espace qui est tout où je suis [70] » :
Il n’y a pas de là vers où se diriger. Supposer un là c’est le mettre à portée dans une certaine direction et dans un orbe d’espace ouvert par l’éloignement. L’espace du paysage n’admet ni direction, ni éloignement, ni place. Ici ne désigne pas un site dans un espace orienté. Il n’est pas non plus le point-origine d’un système de coordonnées. Il est coextensif à l’espace [71].
33 C’est ainsi que le dépassement de l’immanence à soi du sujet vers l’horizon au sein duquel toutes ses attentes sont exposées est également un dépassement du monde. Le rythme qui nous fait découvrir cette dimension de l’égarement par laquelle la proximité est projetée sur ses lointains nous fait ainsi passer de la « situation seconde » de l’acte qui s’objecte un monde à la « situation première » d’un sentir qui donne la mesure de la réalité par la force de sa partageabilité [72].
34 Au sein de ce sentir primordial, l’expérience artistique opère aux yeux de Maldiney un passage supplémentaire, dont dépend notre orientation dans la recherche de la vérité. Le désœuvrement premier qui nous livre au monde est également le moment de l’avènement d’une œuvre, lorsque « l’être-là » se laisse interroger à partir de « l’être perdu dans le paysage ». Pour comprendre en quoi cette passivité est pour Maldiney une passibilité constamment hantée par une transpassibilité, l’exemple des hallucinés analysés par Roland Kuhn ou des cas de schizophrénie décrits par Ludwig Binswanger nous montre comment « l’être en proie » s’empare de « l’être en prise », pour l’attirer du côté du fond invisible qui borde le visible. Ce mouvement révèle une « constitution universelle » de l’être-regardé que la rigueur de la peinture de Cézanne fait également ressortir, non pas pour nous jeter cette fois-ci au gouffre d’un horizon transformé en abîme, mais pour nous faire éprouver la « tension centrifuge et ouvrante [73] » qui anime la présence, en la transformant en lieu instable de la comparution sensible :
L’apparence reprend chez Cézanne son sens nu, immanent au sentir. Loin de communiquer avec les autres dans l’agora d’un sens préalablement constitué par un réseau catégorial, symbolique, métaphorique, où son simple apparaître est forclos de la source et où toute chose apparaît déjà déterminée en soi par son rapport à d’autres possibles ou par sa référence à un sujet, elle n’a d’autre agora que l’ouvert. Qu’est-ce qui paraît en soi-même, là-bas, en suspens de l’espace de sa propre ouverture ? « C’étaient des fagots. Ainsi du monde, du vaste monde [74]… ».
36 Le rythme ainsi découvert est la « vérité du sentir », parce qu’en lui s’opère le passage d’une sensation qui compte sur la présence du monde avec lequel elle communique vers une réalité éprouvée jusque dans la possibilité de son impossibilité. Cet extrême du Rien auquel l’existence du monde reste suspendue rend compte du fait que la fascination esthétique suppose toujours une altérité, et qu’elle ne saurait relever des miroitements de l’immanence à soi. Seule la présence étant « capable de venir à soi à partir de son altérité infinie [75] », la différence irréductible qui sépare le fermé de l’ouvert se joue ainsi chez Maldiney dans cette disposition au vide au sein duquel tout vivant respire.
37 Que les actes de conscience n’épuisent pas l’expérience de la présence, c’est ce que l’expérience de la transcendance du réel nous enseigne en premier lieu. Cependant, la réalité qui hante ainsi les saisies intentionnelles pour en situer la rectitude sur un fond d’obliquité ne reste pas entièrement hors de la portée. L’altérité du réel n’est pas celle d’une totale étrangeté car, pour Maldiney, même si le réel est « ce qu’on n’attendait pas », il est également celui qui « aussitôt paru est là depuis toujours [76] ». La transcendance qui l’abrite est la première affaire de notre sentir en ce qu’il est en prise non seulement avec l’épreuve continuelle que lui octroient ses impressions, mais aussi avec un mouvement expansif qui le situe dans une proximité mouvante avec les êtres et les choses. Le régime de la parution dans lequel l’image vit se meut ainsi en régime de la comparution exposée à une transcendance que Maldiney qualifie expressément de « rythmique [77] ». Dans la mesure où « la présence est amenée à soi-même en tant que quelque chose arrive [78] », le mouvement rythmique – qui fonde notre relation avec ce qui transcende nos épreuves et nos projections – traverse de part en part tout ce qui, dans l’immanence sensible, s’investit dans la participation. Découvrir, en suivant l’enseignement des peintures de Léonard de Vinci, la « puissance dans l’acte même [79] » ne signifie donc pas se rabattre sur une matière de la sensibilité d’avant toute relation ni céder à la puissance du fond qui imprime à tout sentiment (Gefühl) la gravité de sa nostalgie (Sehnsucht). Ce qui est en jeu est plutôt un retour à la pulsion d’une indétermination à partir de laquelle la création s’entame, milieu qui assure à l’œuvre le jour de son avènement et qui nous permet de l’habiter.
38 L’analyse de la temporalité de la présence à partir de l’image et du rythme permet de comprendre que la description phénoménologique de l’expérience sensible chez Maldiney reste redevable d’une mise à l’épreuve et d’une participation qui sont le gage de sa capacité de dénonciation et de son pouvoir critique. Car, si la description phénoménologique n’a pas pour but de rechercher ce qui est acquis dans ce qui ce passe, mais ce qui y fait problème, si son rôle n’est pas de le saisir en tant qu’acte effectué, mais de le discerner dans son effectuation, cela signifie qu’elle doit être à même de provoquer le regard, afin d’accompagner un sens qui n’exhibe sa teneur que sur le passage qui mène de la simple certitude immédiate à une vérité partagée. Ce passage qui entre tous est le moins assuré, met à mal les pouvoirs de la subjectivité : il l’invite à un exercice dans lequel son activité risque toujours d’être renversée par les pouvoirs à l’œuvre dans ses horizons. C’est en mettant en branle ses possibilités jusqu’à les renvoyer à l’impossible à partir duquel elles se révèlent, que la présence comprise comme « pouvoir être-autrement jusque dans son identité [80] » apparaît ainsi comme cette situation dans laquelle nous sommes invités à séjourner, en quittant tous les lieux seconds où s’abrite une pensée assurée de ses possibilités et ignorant l’aventure réelle à laquelle elle est appelée.
39 Cette aventure du sensible que les analyses esthétiques de Maldiney nous encouragent à interroger en profondeur radicalise le sens des découvertes husserliennes sur le rôle de l’intuition dans la fondation de la connaissance. Ce que Husserl découvrait en marge des saisies intentionnelles, à savoir la structure d’horizon qui accompagne tout acte, s’avère décisif pour le mouvement de la présence que Maldiney met en évidence dans ses analyses. Mais ce qui se lève à partir des horizons pour inverser le sens que nous imprimons à nos expériences ne saurait intervenir de manière décisive si un pacte ne s’établissait par lui par lequel le réel s’annonce dans son altérité familière. C’est cette intrusion que la sur-prise exprime dans sa teneur critique et dans son pouvoir instaurateur [81].
Mots-clés éditeurs : Intentionnalité, Sens, Présence, Image, Réalité
Date de mise en ligne : 14/09/2011.
https://doi.org/10.3917/aphi.743.0439Notes
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[1]
H. MALDINEY Regard, Parole, Espace, Lausanne, L’Âge d’Homme, rééd. 1994, p. 212.
-
[2]
E. HUSSERL, Méditations cartésiennes, tr. fr. E. Lévinas, G. Peiffer, Paris, Vrin, 1986, § 61, p. 235.
-
[3]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », Regard, Parole, Espace, op. cit., p. 172.
-
[4]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », ibid., p. 211. Souligné dans le texte.
-
[5]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, La Versanne, Encre marine, 2000, p. 117.
-
[6]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 172.
-
[7]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 213.
-
[8]
Ibid.
-
[9]
Ibid, p. 219 sq. Voir sur ce point E. HUSSERL, Objets intentionnels (1894), tr. fr. J. English in Sur les objets intentionnels, Paris, Vrin, 1993, p. 279 sq., et Recherches logiques, tr.fr. H. Elie, L. Kelkel et R. Schérer, Paris, PUF, 1959, Tome second, II, 5, surtout L’Appendice aux § 11 et 20, p. 228 sq.
-
[10]
K. TWARDOWSKI, Sur la théorie du contenu et de l’objet des représentations (1894), § 5, tr. fr. J. English in Sur les objets intentionnels, op. cit., p. 99.
-
[11]
E. HUSSERL, Recherches logiques, op. cit., II, 5, Appendice aux § 11 et 20, p. 228 sq. Sur l’ambivalence de la position husserlienne, voir l’introduction de J. English (Sur les objets intentionnels, op. cit., p. 9-84).
-
[12]
E. HUSSERL, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, tr. fr. G. Granel, Paris, Gallimard, 1976, § 70, p. 271.
-
[13]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 223.
-
[14]
Voir F.W. J. SCHELLING, Conférences de Stuttgart, dans Œuvres métaphysiques, Paris, Gallimard, 1980, p. 242. Cf. aussi H. MALDINEY, Penser l’homme et la folie, Grenoble, Jérôme Millon, rééd. 2007, p. 15.
-
[15]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 67. Souligné dans le texte.
-
[16]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 215.
-
[17]
Ibid, p. 215. Souligné dans le texte.
-
[18]
Ibid, p. 214.
-
[19]
Cf. E. HUSSERL, Phantasia, conscience d’image, souvenir. De la phénoménologie des présentifications intuitives. Textes posthumes (1898-1925), tr.fr. R. Kassis et J.-F. Pestureau, Grenoble, Jérôme Millon, 2002, n°1, § 9, p. 64.
-
[20]
Ibid, n°1, § 17, p. 78. Nous soulignons.
-
[21]
Ibid, n°1, § 19, p. 81. Souligné dans le texte.
-
[22]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 223.
-
[23]
Ibid, p. 223.
-
[24]
Ibid, p. 224.
-
[25]
H. MALDINEY, « L’image et l’art », dans L’art, l’éclair de l’être, Seyssel-sur-Rhône, Comp’Act, 1993, p. 268.
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[26]
Ibid., p. 250.
-
[27]
Ibid., p. 271.
-
[28]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 225.
-
[29]
Ibid., p. 222.
-
[30]
Ibid., p. 253.
-
[31]
Ibid., p. 224. Le syntagme « intentionnalité inversée » a été forgé par Roland Kuhn.
-
[32]
Ibid., p. 213.
-
[33]
Ibid., p. 219.
-
[34]
H. MALDINEY, « Cézanne et Sainte-Victoire. Peinture et vérité », dans L’art, l’éclair de l’être, op. cit., p. 29.
-
[35]
Ibid.
-
[36]
M. HENRY, Philosophie et phénoménologie du corps, Paris, PUF, 1965, p. 262. Voir aussi M. HENRY, Essence de la manifestation, Paris, PUF, rééd. 2003, p. 210.
-
[37]
H. MALDINEY, « Crise et temporalité dans l’existence et la psychose », dans Penser l’homme et la folie, op. cit., p. 105.
-
[38]
H. MALDINEY, « De la transpassibilité », dans ibid., p. 288.
-
[39]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 152.
-
[40]
E. HUSSERL, L’idée de la phénoménologie, tr.fr. A.L. Löwith, Paris, PUF, 1985, p. 59-60.
-
[41]
H. MALDINEY, « La méconnaissance du sentir et de la première parole ou le faux départ de la phénoménologie de Hegel », dans Regard, parole, espace, op. cit., p. 270.
-
[42]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 151.
-
[43]
Ibid., p. 157. Cette définition du rythme est reprise par H. Maldiney à E. Benveniste.
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[44]
Ibid., p. 153.
-
[45]
Ibid., p. 155.
-
[46]
H. FOCILLON, La vie des formes, Paris, PUF, 1984, p. 4.
-
[47]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 199.
-
[48]
H. MALDINEY, Art et existence, Paris, Klinksieck, 1986, p. 25.
-
[49]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 175.
-
[50]
Ibid., p. 162.
-
[51]
E. HUSSERL, Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, tr.fr. H. Dussort, Paris, PUF, 1996, § 18, p. 60.
-
[52]
Ibid., § 31, p. 84. Pour un commentaire de cette question chez Husserl et Aristote, voir l’article de H. MALDINEY, « L’irréductible », Epochè, n°3, Grenoble, Jérôme Millon, 1993, p. 20 sq.
-
[53]
E. HUSSERL, De la synthèse passive, tr.fr. B. Bégout et J. Kessler, Grenoble, Jérôme Millon, 1998, § 39, p. 245.
-
[54]
H. MALDINEY, L’art, l’éclair de l’être, op. cit., p. 21.
-
[55]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 225.
-
[56]
Ibid.
-
[57]
Ibid., p. 212.
-
[58]
H. MALDINEY, L’art, l’éclair de l’être, op. cit., p. 12. Voir aussi Art et existence, op. cit., p. 52.
-
[59]
Ibid., p. 156.
-
[60]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 109.
-
[61]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 170.
-
[62]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 77.
-
[63]
E. HUSSERL, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., n°1, § 26, p. 92.
-
[64]
Ibid., n°1, § 25, p. 89.
-
[65]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 171.
-
[66]
H. MALDINEY, « La méconnaissance du sentir et de la première parole ou le faux départ de la phénoménologie de Hegel », loc. cit., p. 264.
-
[67]
K. MALÉVITCH, cité par H. Maldiney, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 128.
-
[68]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 172.
-
[69]
Ibid., p. 149. Souligné dans le texte.
-
[70]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 128-129. Souligné dans le texte.
-
[71]
Ibid., p. 128. Souligné dans le texte.
-
[72]
Cf. H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 164.
-
[73]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 247.
-
[74]
Ibid.
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[75]
Ibid., p. 224.
-
[76]
H. MALDINEY, « Chaos, harmonie, existence », dans Avènement de l’œuvre, Saint-Maximin, Thééthète, 1997, p. 105.
-
[77]
H. MALDINEY, Ouvrir le rien. L’art nu, op. cit., p. 276.
-
[78]
H. MALDINEY, « L’équivoque de l’image dans la peinture », loc. cit., p. 225.
-
[79]
Ibid., p. 218.
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[80]
H. MALDINEY, « L’esthétique des rythmes », loc. cit., p. 159, note 20.
-
[81]
Je tiens à remercier Raphaël Gély, Anna Stoimenova et Gábor Tverdota pour leur aide précieuse dans la poursuite de la recherche qui a rendu possible la rédaction de cet article.