Qui sont les artisans du démantèlement du service public – celles et ceux qui le pensent, le
conçoivent, le décident et l’ordonnent ? Qui donc
veut la peau du service public ?
Le personnel politique qui, dans une forme de
continuité moquant les étiquettes partisanes,
passe de la Révision générale des politiques publiques (RGPP, sous Nicolas Sarkozy) à leur modernisation (Modernisation de l’action publique,
sous François Hollande), puis leur transformation
(transformation de la fonction publique, sous Emmanuel Macron) ? Ou bien les hauts fonctionnaires, pointés du doigt par le président de la
République qui dit supprimer l’ÉNA pour mettre
fin au séparatisme des élites ? Ou encore les cabinets de conseil, dont un rapport du Sénat dénonce le rôle dans le démantèlement du service
public ? Mais le personnel politique n’est-il pas lui-même largement issu en France des rangs de la
haute administration ? Les hauts fonctionnaires
critiqués par le président ne sont-ils pas ses pairs
et sa famille ? Les cabinets de conseil ne sont-ils
pas eux-mêmes sollicités par le personnel politique et les cadres de l’État pour intervenir au sein
du secteur public ? Comment s’y retrouver dans
l’entrelacs des relations d’une élite qui se renvoie
la balle des critiques ?
En 1989, le sociologue Pierre Bourdieu publie
La Noblesse d’État. Un nom qui signale les ressemblances entre les hauts fonctionnaires français
et l’élite de l’Ancien Régime : leurs privilèges,
leurs propriétés sociales, l’étendue de leurs pouvoirs…