Notes
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[1]
Traduit de l’anglais par Julie Patarin-Jossec. Initialement publié en 1987 dans Western Folklores sous le titre « Pity the Indians of Outer Space: Native American Views of the Space Program ».
-
[2]
Tous les titres de section ont été ajoutés par la traductrice avec l’accord de la RAC.
-
[3]
Pour une discussion plus détaillée de ce terme, voir Dorson (1977, p. 37).
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[4]
Cette question est davantage discutée par Capps (1976, pp. 2-5).
-
[5]
Publicité de l’agence TRW « Earth Pictures », Sapin & Tolle Advertising, 1978.
-
[6]
Ces anecdotes ont été fournies par Rayna Green, communication personnelle issue de la tradition orale amérindienne, aux environs de 1980.
-
[7]
M. Jane Young, enregistrements et notes de terrain (conduit avec la permission du Conseil de la Tribu Zuni) à Pueblo of Zuni, 1979-1981.
-
[8]
Même si je ne décris ici qu’une seule performance, durant son terrain avec les Zunis, Barbara Tedlock a entendu des histoires sur des séries entières de performances clownesques visant à mimer les aspects des missions lunaires. Voir Tedlock (1979).
-
[9]
Non seulement les kivas sont généralement souterraines, mais elles contiennent également fréquemment une cavité appelée sipapu qui représente le trou par lequel les êtres humains ont grimpé pour atteindre la surface de la terre après avoir voyagé dans les quatre mondes souterrains. Pour une description de la localisation et du symbolisme du sipapu, voir Roberts (1929, p. 12).
-
[10]
De telles performances théâtrales chez les Hopis sont décrites dans Ortiz (1972, pp. 158-161). D’autres exemples de l’humour critique des Amérindiens, mettant en scène les membres de la société « dominante », peuvent être trouvés dans Basso (1979).
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[11]
Des descriptions zunies de l’apocalypse similaires sont présentées dans Quam (1972), Tedlock (1975, p. 270).
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[12]
Par « Pueblos de l’Ouest », je veux parler des Hopis de l’Arizona de l’Est et des Zunis du Nouveau-Mexique. Quelques auteurs utilisent également la désignation pour inclure les Acomas et les Lagunas.
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[13]
Pour une discussion approfondie du concept de « Centre » et du directionnalisme en général chez les Pueblos Zunis, voir Young (1985, pp. 16-18). Voir également Young (1988) (ndt).
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[14]
À Isleta (un des villages de l’Est), le soleil, la lune, les éclairs et la foudre sont tous évoqués comme attirés dans la kiva à travers un trou dans le toit. L’on trouve une description de cette cérémonie dans Parsons (1939).
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[15]
La manière dont les Anasazis et les Pueblos qui leur succédèrent construisaient leurs bâtisses avec des portes, fenêtres, serrures et murs astronomiquement alignés qui leur permettaient d’observer le mouvement du soleil est décrite dans Williamson (1981) et Williamson et O’Flynn (1977).
-
[16]
Le concept zuni de « présentéité du passé » est étudié dans Young (1985, pp. 10-16). Voir aussi Young (1988).
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[17]
La « nouvelle physique » est étudiée sous cet angle par un certain nombre de chercheurs dont les recherches peuvent également être utilement reliées aux perceptions du temps et de l’espace des Pueblos. David Bohm propose par exemple un nouveau modèle dans lequel n’importe quel élément contient en lui-même la totalité de l’univers – son concept de totalité inclut à la fois la matière et la conscience. Il oppose ce modèle à la perception entêtée de la société conventionnelle, qui force les individus à percevoir et vivre le monde comme fragmenté (voir Bohm, 1980). La nouvelle physique est également discutée dans Davies (1983) et Zukov (1979).
Faire sens grâce aux amérindiens [2]
1Parce que leur vie sociale et culturelle était alors en état de crise, beaucoup d’Américains de la société de masse (mainstream) [3] des années 1960 commencèrent à remettre en question les valeurs qu’ils avaient jusqu’alors prises pour argent comptant. Pour certains, cette soudaine prise de conscience s’accompagna rapidement d’une recherche de leurs « racines » traditionnelles et d’un regain d’intérêt pour la redécouverte des fondamentaux de l’existence humaine, ce qui les conduit à se tourner vers des religions et des philosophies non occidentales. Beaucoup de ces personnes à la recherche d’une alternative à l’ethos dominant en arrivèrent à trouver chez les Amérindiens, dont la religion et la vision du monde s’axaient autour du respect de la nature et de l’harmonie avec le cosmos, les guides adéquats pour cette « redécouverte ». Insatisfaits des valeurs sociales qu’ils avaient acquises au gré d’un matérialisme et d’un individualisme excessifs, les Anglo-Américains commencèrent à prendre conscience de la contribution que les Amérindiens pourraient apporter à leur projet de relier l’humanité et l’univers et, plus particulièrement, de retrouver un sens de l’identité. Bien que les pas posés sur la lune dans les années 1970 prirent à contre-pied cette résolution – celle de la recherche d’une réalité alternative –, la perspective régressive et conservatrice des années 1980 est une riposte contre le libéralisme inquisiteur des années 1960 et 1970. Aujourd’hui encore, quelques Anglo-Américains « considèrent » très sérieusement le fait de suivre l’alternative amérindienne – une alternative qui, je suppose, pourrait ajouter de la profondeur et une portée certaine à la vision étroite de la génération égocentrée actuelle.
2Parce que les Amérindiens portent sur le monde un regard différent, ils sont à même de nous apporter des manières alternatives de penser notre place dans le monde et de nous aider à savoir comment s’y comporter au mieux – dans l’univers, aussi bien que sur Terre. Plus encore, certains Anglo-Américains se rendent compte que se pencher sur les traditions amérindiennes leur permet de voir leur propre héritage avec bien plus de clarté. Même si un tel regard sur les Amérindiens vient tardivement dans l’histoire de l’Amérique et qu’il pourrait être interprété comme une saisie de leurs idées, comme nous l’avions auparavant fait avec leurs terres, certains Amérindiens se montrent réceptifs à l’idée qu’il puisse aujourd’hui y avoir un dialogue entre les traditions amérindienne et anglo-américaine, peut-être parce qu’elles suivent des intérêts similaires, un besoin d’aller l’une et l’autre au bout de leur identité respective en devenir [4]. Chacun des deux groupes a commencé à réaliser que ce n’est qu’à travers un tel dialogue que les erreurs du passé pourraient être évitées dans le futur. Pour les Anglo-Américains, cette question ne se justifie qu’à travers une analyse de la différence entre les deux manières de comprendre l’espace – amérindienne et anglo-américaine – au gré de laquelle nous pouvons mieux « voir » les dimensions idéologiques de notre propre mythologie qui, prise sans y réfléchir, légitime l’exploration spatiale.
3Les attitudes des Amérindiens vis-à-vis de l’univers entrent souvent en conflit avec celles des avocats du programme spatial des États-Unis. Plutôt que d’appliquer la métaphore de la « nouvelle frontière » ou même du terme « externe » (outer) à cet aspect du cosmos, beaucoup d’Amérindiens le conçoivent comme inclus dans « Père le Ciel », une part de leur réseau d’associations symboliques intégrant tous les éléments du cosmos. Une annonce publicitaire récente appelée « Images de la Terre », produite par TRW, une firme spécialisée dans les « vues aériennes » de portions du globe terrestre depuis l’espace, illustre efficacement cette divergence d’attitudes [5]. Dans cette publicité, les représentants de TRW font une visite guidée des laboratoires TRW aux membres de la tribu Navajo, qu’ils concluent en leur montrant une photographie de satellite de la réserve Navajo vue de l’espace. Avec un humour évident, les Navajos répondent en leur montrant une image de l’espace prise depuis leur réserve – une peinture de Père le Ciel contenant au sein de ses corps le soleil, la lune et des constellations. La publicité leur sert ainsi à illustrer les croyances des Navajos quant à l’univers. Selon la vision du monde des Navajos, qui met l’accent sur les relations harmonieuses avec l’entièreté du cosmos – une parenté sacrée à tous les niveaux de l’expérience, naturelle comme supranaturelle –, Père le Ciel est un être vivant, intimement lié aux humains qui devraient, par conséquent, le traiter avec considération et respect. Cet exemple des Navajos est représentatif de la cosmologie de la plupart des groupes amérindiens, une cosmologie modelée par une croyance en la nature unitaire et sacrée de toute vie, là-haut et ici-bas. Comme Joseph Epes Brown le suggère, la perspective amérindienne est basée sur une « métaphysique polysynthétique de la nature, immédiatement réalisée dans l’expérience plutôt que dangereusement abstraite » (Brown, 1976, p. 30). Il décrit cette vision comme un « message de la nature sacrée de la terre, du lieu » (ibid.). Bien évidemment, lieu s’étend ici au cosmos, ou au Père le Ciel et à Mère la Terre. Cette perspective contraste sévèrement avec celle des enthousiastes de l’exploration spatiale, qui regardent l’espace comme quelque chose relevant de « l’ailleurs » et loin de l’expérience quotidienne, vers lequel nous devrions voyager pour atteindre des planètes ou d’autres objets que nous analyserions et, si possible, utiliserions pour répondre à nos propres besoins.
4J’ai pris le titre de cet essai de la transcription d’une assemblée d’universitaires amérindiens qui prit place en 1970. Leur postulat, « Plaints soient les Indiens et le buffle du cosmos », se réfère au concept euro-américain de la frontière américaine, basé sur la notion erronée selon laquelle le « Nouveau Monde » était inoccupé, et donc disponible pour l’exploration et l’exploitation (Henry, 1970). En conséquence de quoi beaucoup d’Américains indigènes voient, dans le recours à la métaphore de la frontière dans les discours sur l’exploration et l’exploitation de l’espace cosmique, un parallèle avec « la colonisation » historique de l’Amérique, au cours de laquelle les colons ont étendu la notion de terres « inoccupées » à travers le temps, tout en en repoussant progressivement la « frontière » vers l’ouest. Les Amérindiens n’ont pas de vision encourageante du concept de frontière qui, en tant que peuple conquis, ont vu leurs terres ancestrales contraintes par l’expansion de cultures européennes au Nouveau Monde. Les Amérindiens n’ont ainsi aucun optimisme sur ce que l’on tend à qualifier de « nouvelle frontière » de l’espace, d’où « plaints soient les Indiens du cosmos », dont le territoire est pris pour une terre inoccupée et à laquelle les gouvernements puissants n’auraient qu’à prétendre. Les Amérindiens craignent que les motivations à l’expansion et à l’exploitation, qui guident en partie le programme spatial, n’apportent de la perturbation dans le cosmos. Selon la perspective des Amérindiens, tout à chacun devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour être en harmonie avec l’ordre des cieux, et non pas défier cet ordre.
Le chamane, l’astronaute et le monstre aux jambes de métal
5De nombreux éléments du folklore amérindien et de leur vision du monde esquissent ainsi des principes et des manières de se comporter, distinctement aux antipodes de ceux des partisans du programme spatial des États-Unis. « Comportement » est ici central, dans la mesure où la perspective amérindienne est moins opposée aux buts du programme spatial qu’aux attitudes dont témoignent ceux qui y sont le plus activement impliqués à l’encontre des êtres résidant dans ces parties du cosmos, ainsi qu’aux actions désastreuses qui pourraient résulter de ces ambitions malavisées. Les anecdotes qui suivent, issues de la tradition orale amérindienne contemporaine, illustrent cette divergence de perspectives [6].
6Une anthropologue travaillant avec les Inuits en Alaska leur parla du premier lancement vers la lune et des astronautes qui y posèrent le pied. Les Inuits commencèrent à rire et, lorsque l’anthropologue leur demanda pourquoi, ils répondirent : « Nous ne savions pas que c’était la première fois que vous, peuple blanc, alliez sur la lune. Nos chamanes y vont depuis des années déjà. Ils y vont tout le temps. » Celle qui me raconta cette histoire ajouta : « Nous allons en effet souvent sur la Lune pour rendre visite à ceux qui y vivent. Le problème n’est pas de savoir si nous allons ou non à la rencontre de nos pairs, mais de comment nous les traitons, eux et leurs terres, lorsque nous nous y rendons. »
7Un exemple des Navajos illustre justement leur préoccupation de voir le « peuple de la Lune » connaître le même traitement que la société occidentale des Nord-Américains leur avait réservé. Au temps des premières années de l’exploration spatiale, la NASA avait loué quelques territoires navajos afin de conduire des tests. Un site en particulier fut utilisé pour essayer les équipements nécessaires aux marches lunaires. Un jour, au cours des tests, la NASA invita le président de la tribu Peter MacDonald à observer, depuis l’extérieur du site. MacDonald amena avec lui un chanteur – ou un guérisseur – navajo. Lorsqu’on lui expliqua que ces hommes qu’il apercevait en costumes étranges iraient sur la lune, le chanteur demanda s’il pourrait envoyer un message aux habitants de la lune. On lui apporta donc un dictaphone et il enregistra sur la cassette un message en langage navajo. Lorsqu’il eut fini de parler, les personnes de la NASA demandèrent à MacDonald de traduire le message. « Entendu », dit MacDonald, « il dit au peuple de la lune de vous surveiller avec soin, parce que vous pourriez y faire foirer les choses comme vous l’avez fait sur Terre. »
8Quelques Navajos voient l’exploration de l’espace, et particulièrement les missions pour la lune, comme responsables des désastres ici-bas, sur Terre. Quand une saison particulièrement sèche s’abattit à l’est de la réserve navajo et que de nombreux moutons et chèvres moururent, les membres de la tribu concernés en attribuèrent la cause à de la sorcellerie. Ce fut la même saison que les Navajos de la vallée Chuska interprétèrent comme la conséquence des alunissages des États-Unis (Toulouse, 1975, p. 483). Dans ce cas-ci, l’exploration spatiale et la sorcellerie sont, pour les Navajos, aussi destructives l’une que l’autre pour l’existence harmonieuse qu’ils avaient su bâtir au fil des cérémonies et des rituels.
9Explorant la relation entre ce l’on appela les « expériences dominantes » et les récits amérindiens, Simon Ortiz, poète et nouvelliste Acoma, décrit les réactions d’un homme Acoma traditionnel face à la technologie moderne dans la nouvelle « Des hommes sur la Lune » (Ortiz, 1978, pp. 11-19). Alors que sont mis en avant les nombreux bénéfices de la technologie moderne, les réponses perplexes du vieil homme indiquent que sa vision traditionnelle du monde est incompatible avec ces soi-disant avantages et le système de valeurs qu’ils impliquent. Sa fille lui amène une télévision – qui, en elle-même, est pour lui quelque chose d’incompréhensible – et la famille regarde l’alunissage d’Apollo. Quand son beau-fils lui dit que les scientifiques veulent savoir ce qu’il y a sur la lune parce qu’ils recherchent de la connaissance, le vieil homme se demande si les hommes « sont à court de lieux sur Terre où rechercher de la connaissance ». Quand on lui dit que les scientifiques croient que cette connaissance de la lune les aidera à en savoir davantage à propos de l’univers, à trouver « où tout a commencé et comment tout fut fait », le vieil homme commence par croire que son beau-fils se moque de lui. Une fois assuré que ce n’est pas le cas, il demande : « Est-ce qu’ils disent pourquoi ils ont besoin de savoir où tout a commencé ? Est-ce que personne ne leur a donc expliqué ? » Les questions du vieil homme montrent que, d’après sa compréhension du sacré, ce dernier nécessite un type de connaissance différent de ce que la science et ce qu’elle produit requièrent. Ses commentaires tout au long de l’histoire suggèrent, en fait, que la recherche menée au seul nom de la science ne peut apporter une compréhension holistique de l’expérience. De leur côté, quelques Anglo-Américains ont commencé à se demander si les scientifiques étaient à même de mener une recherche ne serait-ce qu’objective, et s’ils étaient capables d’arriver – ou même de viser – à la démystification de la lune (Mitroff, 1974).
10L’histoire se poursuit et cette nuit-là, le vieil homme rêve que Flintwing Boy et Coyote observent un monstre aux jambes de métal qui écrasent arbres, herbe et fleurs. Alors qu’ils l’observent, ils réalisent que, seuls, ils sont incapables d’arrêter le monstre. Ils font donc face à l’Est, prient, respirent du pollen sacré, inspirent le vent de toutes les directions et donnent du maïs à la terre. Flintwing Boy prépare ensuite son arc et envoie Coyote au village pour alerter les habitants et leur dire « de discuter entre eux, de décider ce qu’il en est, et ce qu’ils décideront de faire ». Ortiz illustre ici la pertinence et l’immédiateté de la tradition orale pour ce vieil homme, qui devient pour lui une manière de passer de son rêve prémonitoire au cœur afin d’entreprendre l’action appropriée ; c’est un moyen par lequel il peut venir à bout de dangers possibles, tel qu’un monstre de métal qui, une fois arrivé sur la lune, écraserait toute forme de vie naturelle sur son passage.
11En opposition avec la vision de l’espace comme étant composé d’objets inanimés en mouvement, beaucoup de groupes d’Amérindiens s’estiment eux-mêmes intimement reliés – de manière littérale aussi bien que cérémoniale – au soleil, à la lune et aux étoiles. Les Skidi Pawnee, par exemple, croient que les habitants de la Terre furent conçus par les étoiles. Pour eux, le ciel est donc peuplé d’êtres ayant un lien de parenté avec ceux de la Terre (Chamberlain, 1982, p. 47). Le soleil, la lune et les étoiles sont les pères, mères, tantes et oncles des peuples de la Terre et doivent être traités avec respect. De la même manière, la cosmologie zuni s’organise autour de la croyance en une connexion essentielle entre le ciel, la terre et toute autre forme de vie. Les Zunis parlent de Père le Soleil et de Mère la Terre, ces espaces célestes étant également peuplés d’êtres vivants ; plus encore, le zénith (au-dessus) et le nadir (en dessous) ont un rôle intégrateur dans leur modèle conceptuel du « directionnalisme », qui étend le schème bidimensionnel (fondé sur les quatre points cardinaux donnant les directions) à un espace en trois dimensions. Les Zunis, tout comme les Pawnee, se perçoivent comme étant intimement reliés au soleil, à la lune et aux étoiles. Il n’est donc pas surprenant qu’ils envisagent les actions des Anglo-Américains à l’encontre de ces êtres cosmologiques comme non seulement irrespectueux, mais également grandement dangereux.
Des rituels plutôt que des navettes
12Les attitudes zunis envers les « personnes » qui habitent le monde céleste, tout comme leur perception de l’espace et du temps de manière générale, sont intelligemment illustrées dans les histoires que de nombreux Zunis m’ont racontées à propos de certaines performances de clowns qui se déroulèrent à l’époque des premiers lancements des États-Unis vers la lune. Un homme décrivit notamment une danse d’été mémorable durant laquelle le clown mimait les comportements des premiers astronautes marchant sur la lune [7]. D’après cette histoire, les clowns donnèrent à voir sur la plaza une bonne imitation de la démarche singulière qu’avaient eue les astronautes dans leur combinaison. Les clowns montèrent ensuite sur les toits et marchèrent au sommet de l’une des kivas sacrées. Le but de cette prestation, comme me l’expliqua mon consultant zuni, était de se dresser contre l’attitude des astronautes qui avaient sans vergogne marché sur le corps de Mère la lune et l’avaient transpercée avec des instruments de métal afin de ramener des échantillons à analyser [8]. Cette performance n’était cependant pas seulement une critique des lancements à destination de la lune, mais était également la mise en scène des principes de la cosmologie zuni – le fait que les clowns aient assimilé la lune avec l’espace sacré de la kiva n’était donc pas le fruit du hasard. Cet amalgame suggère un fusionnement de l’espace et du temps dans un cadre rituel, si bien que la kiva – chambre de cérémonie parfois installée en sous-sol et symboliquement associée avec la sortie des hommes du monde sous-terrain – devient l’équivalent de la lune, l’une des divinités zunis qui voyage à travers le ciel [9]. Les espaces cosmique et intérieur occupent ainsi une même place en un même temps.
13Les « clowns » zunis qui ont joué les astronautes n’apportent pas seulement un soulagement par l’humour en atténuant la tension par le rire, mais incarnent également le désordre à travers les annulations rituelles. Leurs performances deviennent par ailleurs pourvoyeuses de critique des actions des Zunis comme des non-Zunis. Les Zunis voient ces clowns comme étant dotés d’une grande puissance, des êtres potentiellement dangereux qui détiennent un rôle central dans leurs cérémonies. Entre les « séries » de danses sacrées de la pluie, ils miment les imposantes kachinas, se prêtent à des propositions sexuelles aux très respectées matrones de la tribu, et vont même jusqu’à marcher sur la lune. Pourtant, aucune de ces activités ne constitue un comportement adéquat pour la vie quotidienne. L’attitude turbulente des clowns, mise en scène dans le cadre d’une cérémonie, contraste avec l’ordre par lequel les hommes devraient gouverner leur vie, mais n’en renforce pas moins également cet ordre. Notons que les clowns zunis et hopis incluent à leur répertoire des imitations d’anthropologues et de bureaucrates du gouvernement, s’ajoutant ainsi aux astronautes – c’est peut-être là une indication que ces rôles sont tous caractérisés par la nature exploitante des Anglo-Américains [10]. De la même manière, les Cherokee effectuent une danse rituelle particulière appelée la Danse du Démon (Booger Dance), représentant « l’envahisseur européen comme un être gênant, ridicule, lubrique et menaçant, une perpétuation dramatique de la tradition de l’hostilité et du mépris » (Speck et Broom, 1983, pp. 36-37). Cette danse sert à atténuer le pouvoir nuisible des étrangers qui, par la forme d’êtres vivants ou d’esprits, sont responsables de la maladie et de l’infortune. La Danse du Démon est fréquemment recommandée par un guérisseur dans les soins à apporter à un malade.
14Il est intéressant de noter que l’homme zuni qui décrivit la performance des clowns quant à la première marche lunaire l’évoqua dans le cadre d’une discussion portant sur la capacité des clowns à prédire, et ainsi à contrôler, les événements futurs. Sa description de l’événement coïncidait avec les autres récits que j’avais entendus, avec une différence marquante : il dit que l’événement avait eu lieu un an avant le premier pas des astronautes sur la lune. À n’en pas douter, cet exemple souligne le pouvoir attribué aux clowns, mais il sert également à relier cet événement à d’autres événements menaçants prédits pour l’avenir. Cet homme associait l’histoire de la marche lunaire avec une histoire que les ancêtres avaient l’habitude de raconter, prédisant que viendrait un temps où leurs enfants commenceraient à boire des liquides sombres et à se quereller, et où le monde pourrait arriver à sa fin sous une pluie brûlante [11]. En définitive, tout comme l’assimilation des clowns de la lune à la kiva constituait une fusion des espaces cosmique et intérieur au cours d’une activité rituelle, ce cas de voyance révèle une fusion similaire des temps : présent et futur s’unissent alors que les clowns jouent un événement qui ne s’est pas encore produit.
15Ces exemples illustrent un ethos traditionnel amérindien où le temps et l’espace sont davantage dirigés vers l’« intérieur » (inner-) que tournés vers l’« extérieur » (outer-). Selon la mythologie des Pueblos de l’Ouest – que les Pueblos considèrent eux-mêmes comme relevant de l’histoire –, les êtres de l’époque du commencement vivaient dans le quatrième monde souterrain, juste sous la surface de la terre [12]. Ce « temps du commencement » n’a en réalité pas de commencement ; il était simplement avant le temps de l’émergence. De la même manière, les Pueblos croient que la vie après la mort n’est pas dans le ciel, mais plutôt au sein de la terre mère, en revenant à cette époque du commencement. Dans la mythologie zuni de la genèse, alors que les êtres sont à la recherche du Centre après avoir émergé du monde souterrain, ils entreprennent des voyages sur des chemins prenant la forme de spirales, tournant vers l’intérieur à l’infini jusqu’à ce qu’ils atteignent leur destination. Leur quête de connaissance est, en un sens, synonyme de leur quête du Centre. Le Centre représente l’existence physique du Zuni, le milieu de nulle part, le temps du solstice d’hiver, le cœur d’une personne, et l’essence de cette personne en tant que Centre dès lors qu’elle observe rituellement les six directions ou offre un repas sacré en prière [13]. Le moyen d’atteindre cette connaissance, de trouver le Centre et d’atteindre la lune est l’activité cérémoniale, et non pas le voyage en vaisseau spatial.
Vers une compréhension alternative de l’espace-temps
16Ces exemples laissent également entrevoir l’emphase des Amérindiens sur le processus plus que sur le produit ; sur l’unité de tous les êtres dans les actes de l’existence harmonieuse. Pour les Pueblos, la lune tout comme le soleil n’est pas un objet sur lequel marcher ou vers lequel voyager, mais un être vivant dont la lumière est attirée à travers la trappe de la kiva pendant certains rituels [14]. Ils attirent également parfois le soleil dans la kiva à certains moments rituels et ils construisent généralement leurs bâtisses de manière à ce que les rayons du soleil entrent par une fenêtre ou une serrure de porte et viennent atteindre un point particulier à des dates de cérémonie et de calendrier importantes dans l’année [15]. L’interaction de la lumière et de l’ombre à de tels endroits semble être une célébration de l’événement – une « invitation » faite au soleil ou à l’ombre qu’il rejette –, une intégration du sacré à la structure elle-même (Williamson, 1982, p. 215). Cette perception du soleil et de la lune comme des êtres vivants, qui pénètrent l’espace sacré de la kiva à des moments rituellement significatifs au cours de l’année, est un phénomène similaire à celui décrit précédemment : la danse zuni de la pluie, durant laquelle les clowns devaient faire fusionner la kiva et la lune pour un temps défini. Les deux cas font partie d’une série d’activités rituelles au cours desquelles se produisent une condensation et une intensification de l’expérience – une fusion de l’« intérieur » et de l’« extérieur » en une même entité. Les Pueblos, en particulier, et les Amérindiens, de manière générale, ne considèrent donc pas l’espace et les êtres qui y vivent comme externes à la vie cérémoniale, pas plus qu’ils ne les voient comme des objets matériels qu’ils peuvent posséder, contrôler ou vaincre. Selon cette perspective, il ne saurait y avoir de frontières rigides entre le spirituel et le physique ; ou, si de telles frontières existent, elles sont fluides et perméables. Le cosmos est une seule et même entité ; les êtres le constituant agissent selon les principes de continuité et de similarité – principes manifestes dans l’unification des espaces cosmique et intérieur dans le cadre d’un rituel.
17Pour de nombreux groupes amérindiens, cette continuité s’applique aussi bien au temps qu’à l’espace. Bien qu’ils puissent évoquer un mythe dont les événements prennent place « il y a bien longtemps » ou « au commencement », ils n’envisagent pas ces événements comme achevés et passés, situés en un seul point sur une ligne temporelle continue ; ils les perçoivent plutôt comme à jamais présents, façonnant l’ici et le maintenant [16]. De la même manière, l’histoire de Simon Ortiz révèle, entre autres nombreux enseignements, la présentéité des êtres peuplant les mythes et récits populaires amérindiens : Coyote et Flintwing Boy sont là-bas – ou ici – afin de prévenir le peuple du monstre aux jambes de métal.
18La posture pueblo à l’égard du temps et de l’espace est peut-être plus proche de celle de la physique relativiste, dans laquelle l’espace et le temps existent en un seul continuum relatif à l’observateur, qu’elle ne l’est de la « perspective linéaire de la plupart des membres de la société occidentale » (Edelman, 1973, p. 305) [17]. Pour les Pueblos, le temps est cyclique, manifeste dans les mouvements ordonnés et réguliers et les « retours » du soleil, de la lune et des étoiles. Espace et temps sont tous les deux organiques et forment des entités continues. L’on pourrait ainsi dire que, pour les Amérindiens Pueblos, le temps est réversible : passé, présent et futur coexistent. Les Zunis croient que lorsque les hommes meurent quatre fois, ils reviennent au temps et à l’espace du mythe, complétant ainsi le cycle humain de la réincarnation. Ils pourraient cependant revenir au présent sous une autre forme si tel est leur désir. Beaucoup se rendent au village Kachina, qui a non seulement une existence mythique de par le passé, mais existe également physiquement dans le présent, près d’un lac d’Arizona. Dans le cadre de performances sacrées, les dieux reviennent d’ailleurs encore et encore. Les danseurs kachinas sur la plaza ne représentent pas les dieux, ils deviennent les dieux. Le temps du mythe ne fait ainsi plus qu’un avec le présent. L’efficacité de l’activité rituelle est le résultat de la fusion de l’ici et du maintenant avec le temps et l’espace du mythe. Nous pourrions ainsi définir la perception zunie de l’univers et de ses aspects dimensionnels comme un phénomène unifié et ordonné, symbolisé par le modèle directionnel qui lie une toile d’associations complexes, étendue pour inclure le « tout ». Je suggère que cette vision du temps et de l’espace comme cyclique et organique, illustrée par l’exemple zuni commun à de nombreux groupes amérindiens, s’oppose à la conception « occidentale » du voyage linéaire à travers l’espace et dans le temps pour se poser sur la lune. Si nous vivions dans un monde où le temps et l’espace du mythe se mêlaient au présent, il n’y aurait aucune utilité à aller sur la lune pour accroître nos connaissances.
Remerciements
Une version antérieure de cet article fut lue lors de la rencontre de 1983 de l’American Folklore Society à Nashville, Tennessee. Je souhaite remercier Debby Fant, Rayna Green, Jay Mechling et Ray A. Williamson, qui ont lu et commenté les versions précédentes de ce texte. Je suis également reconnaissante à mes collègues du village Zuni, particulièrement aux familles d’Augustine Panteah, Alex Seowtewa et Arlen Sheyka, ainsi qu’au Gouverneur Robert E. Lewis et au Conseil tribal zuni, pour leur hospitalité et leur soutien dans les différentes périodes de mon travail de terrain.Références
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Mots-clés éditeurs : lune, mythologie, folklore, exploration spatiale, cosmologie zuni
Date de mise en ligne : 12/03/2018
https://doi.org/10.3917/rac.038.0081Notes
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[1]
Traduit de l’anglais par Julie Patarin-Jossec. Initialement publié en 1987 dans Western Folklores sous le titre « Pity the Indians of Outer Space: Native American Views of the Space Program ».
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[2]
Tous les titres de section ont été ajoutés par la traductrice avec l’accord de la RAC.
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[3]
Pour une discussion plus détaillée de ce terme, voir Dorson (1977, p. 37).
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[4]
Cette question est davantage discutée par Capps (1976, pp. 2-5).
-
[5]
Publicité de l’agence TRW « Earth Pictures », Sapin & Tolle Advertising, 1978.
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[6]
Ces anecdotes ont été fournies par Rayna Green, communication personnelle issue de la tradition orale amérindienne, aux environs de 1980.
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[7]
M. Jane Young, enregistrements et notes de terrain (conduit avec la permission du Conseil de la Tribu Zuni) à Pueblo of Zuni, 1979-1981.
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[8]
Même si je ne décris ici qu’une seule performance, durant son terrain avec les Zunis, Barbara Tedlock a entendu des histoires sur des séries entières de performances clownesques visant à mimer les aspects des missions lunaires. Voir Tedlock (1979).
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[9]
Non seulement les kivas sont généralement souterraines, mais elles contiennent également fréquemment une cavité appelée sipapu qui représente le trou par lequel les êtres humains ont grimpé pour atteindre la surface de la terre après avoir voyagé dans les quatre mondes souterrains. Pour une description de la localisation et du symbolisme du sipapu, voir Roberts (1929, p. 12).
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[10]
De telles performances théâtrales chez les Hopis sont décrites dans Ortiz (1972, pp. 158-161). D’autres exemples de l’humour critique des Amérindiens, mettant en scène les membres de la société « dominante », peuvent être trouvés dans Basso (1979).
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[11]
Des descriptions zunies de l’apocalypse similaires sont présentées dans Quam (1972), Tedlock (1975, p. 270).
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[12]
Par « Pueblos de l’Ouest », je veux parler des Hopis de l’Arizona de l’Est et des Zunis du Nouveau-Mexique. Quelques auteurs utilisent également la désignation pour inclure les Acomas et les Lagunas.
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[13]
Pour une discussion approfondie du concept de « Centre » et du directionnalisme en général chez les Pueblos Zunis, voir Young (1985, pp. 16-18). Voir également Young (1988) (ndt).
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[14]
À Isleta (un des villages de l’Est), le soleil, la lune, les éclairs et la foudre sont tous évoqués comme attirés dans la kiva à travers un trou dans le toit. L’on trouve une description de cette cérémonie dans Parsons (1939).
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[15]
La manière dont les Anasazis et les Pueblos qui leur succédèrent construisaient leurs bâtisses avec des portes, fenêtres, serrures et murs astronomiquement alignés qui leur permettaient d’observer le mouvement du soleil est décrite dans Williamson (1981) et Williamson et O’Flynn (1977).
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[16]
Le concept zuni de « présentéité du passé » est étudié dans Young (1985, pp. 10-16). Voir aussi Young (1988).
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[17]
La « nouvelle physique » est étudiée sous cet angle par un certain nombre de chercheurs dont les recherches peuvent également être utilement reliées aux perceptions du temps et de l’espace des Pueblos. David Bohm propose par exemple un nouveau modèle dans lequel n’importe quel élément contient en lui-même la totalité de l’univers – son concept de totalité inclut à la fois la matière et la conscience. Il oppose ce modèle à la perception entêtée de la société conventionnelle, qui force les individus à percevoir et vivre le monde comme fragmenté (voir Bohm, 1980). La nouvelle physique est également discutée dans Davies (1983) et Zukov (1979).