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Les usages prédictifs et évaluatifs des modèles de dispersion des odeurs

Pages 1 à 27

Notes

  • [1]
    Les « epistemic lifestyles » (Shackley, 2001) décrivent les différentes attitudes des modélisateurs vis-à-vis des activités de paramétrage de leurs modèles.
  • [2]
    Cette expression est empruntée à Knorr-Cetina (2001) qui définit ces objets par leur incomplétude et leur capacité à se transformer pour engendrer de nouvelles formes de connaissances. Les modèles ne sont pas de simples objets techniques destinés à être utilisés pour répondre à des questions précises mais relèvent de véritables objets modulables permettant d’engendrer de nouveaux questionnements cognitifs.
  • [3]
    Ces experts sont désignés, dans le texte, par les termes de « praticiens », d’« utilisateurs », d’« experts praticiens », de « praticiens utilisateurs », d’« experts odeur ».
  • [4]
    Ces deux installations ont en commun l’utilisation successive de procédés de méthanisation des déchets puis de compostage des « disgestats » issus de la digestion anaérobie.
  • [5]
    L’olfactométrie est une technique relativement ancienne (Philpott, Bennett et Murty, 2008) permettant de mesurer des concentrations d’odeur à partir d’échantillons d’air prélevés dans l’environnement. La concentration d’odeur est déterminée suite à une série de dilutions ; elle correspond au seuil à partir duquel 50 % des personnes à qui l’on présente ces dilutions (souvent en laboratoire) ne perçoivent plus l’odeur.
  • [6]
    Pour une présentation synthétique des différents modèles, cf. par exemple Pourtier, Deiber et Piet (2007) ou Capelli, Sironi, Del Rosso et Guillot (2013). Notons qu’il existe une quatrième famille de modèles, les « Computational Fluid Dynamics » (CFD) qui font appel à la résolution d’équations de mécanique des fluides encore plus complexes.
  • [7]
    Il s’agit en particulier de l’« Arrêté du 12 février 2003 relatif aux prescriptions applicables aux installations classées soumises à autorisation sous la rubrique 2730 traitement de sous-produits d’origine animale, y compris débris, issues et cadavres, à l’exclusion des activités visées par d’autres rubriques de la nomenclature, des établissements de diagnostic, de recherche et d’enseignement » (plus connu sous le nom d’« arrêté équarrissage »), ou encore de l’« Arrêté du 12 juillet 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de compostage soumises à déclaration sous la rubrique n° 2780 » (plus connu sous le nom d’« arrêté compostage »).
  • [8]
    Pour les installations de compostage et de méthanisation des déchets ménagers (s’appliquant aux deux installations étudiées), la réglementation sur les installations classées prévoit que « la concentration d’odeur imputable à l’installation telle qu’elle est évaluée […] dans un rayon de 3000 mètres des limites clôturées de l’installation ne doit pas dépasser la limite de 5 uoE /m3 plus de 175 heures par an, soit une fréquence de dépassement de 2 % » (cf. l’arrêté du 12 juillet 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de compostage soumises à déclaration sous la rubrique n° 2780).
  • [9]
    Cf. Arrêté « équarrissage » du 12 février 2003.
  • [10]
    Il s’agit, par exemple, des modèles gaussiens AERMOD ou ADSM. Notons toutefois que le modèle lagrangien CALPUFF est également fréquemment utilisé (Capelli, Sironi, Del Rosso et al., 2013).
  • [11]
    Par opposition, les modélisateurs astrophysiciens (qui, eux, modélisent l’univers) sont plus ouverts aux valeurs extrêmes et présentent plus volontiers les formules mathématiques dans leurs démonstrations. Ces modélisateurs ont une culture professionnelle davantage axée sur les pratiques de calcul (Sundberg, 2010).
  • [12]
    Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. Le CODERST est un organe composé de représentants des services de l’État, des collectivités territoriales, d’acteurs professionnels et associatifs et d’experts, qui donnent un avis consultatif aux autorités préfectorales.
  • [13]
    Cf. « Débat ‘’Midi Libre’’. Faut-il avoir peur de la méthanisation ? », Midi Libre, 14 octobre 2006, p. 3.
  • [14]
    Le Parisien, « Romainville n’aura pas d’usine de méthanisation », 4 février 2015.
  • [15]
    Un jury de nez riverain est un dispositif perceptuel participatif qui vise à qualifier l’état odorant d’un environnement affecté par une pollution olfactive en mobilisant un ensemble de résidents volontaires formés à la reconnaissance des odeurs (Daniel, 2018, 2015 ; Charvolin et al., 2015 ; Rémy et Estades, 2007).
  • [16]
    Expert praticien E26.
  • [17]
    Expert praticien E26.
  • [18]
    Lahsen s’oppose en cela à Collins (Collins, 1992 [1985]) selon qui la distance à la technologie crée de l’enchantement, et à Mac Kenzie (MacKenzie, 1993 [1990]) pour qui le niveau de confiance dans une technologie est faible chez les pairs spécialisés dans le domaine et important chez les institutions qui les utilisent.

Introduction

1Les modèles informatiques de dispersion des odeurs sont devenus depuis quelques années l’un des outils de mise en œuvre de la réglementation relative aux nuisances odorantes d’origine industrielle. Ils sont notamment utilisés en amont des projets d’implantation industriels, dans le cadre des études d’impacts, pour prédire la dispersion des odeurs sur le territoire (usages qualifiés ici de « prédictifs »). Ils sont également utilisés une fois les projets mis en route pour évaluer la présence de la nuisance sur le territoire (usages « évaluatifs »). Ces outils permettent donc de prédire et d’évaluer les évolutions, dans le temps et dans l’espace, de la dispersion des odeurs à partir de valeurs mesurées de concentrations d’odeurs. Comme dans d’autres secteurs de l’environnement, l’usage de la modélisation est simple, facile d’appropriation et surtout moins coûteux qu’un réseau de stations de mesure ou qu’une série de campagnes de prélèvement. La modélisation produit des connaissances sur l’état de l’environnement qu’il aurait été difficile de produire autrement. Si le développement de ce mode de qualification de l’environnement a autant de succès, c’est aussi parce qu’il répond à une évolution très marquée des sciences et des techniques, qui misent de plus en plus sur la compréhension de la singularité et de la complexité des situations. Dans un monde caractérisé par un développement sans précédent des incertitudes, l’usage des modèles permet de restituer la complexité des êtres étudiés et l’enchevêtrement des trames causales explicatives d’un phénomène (Callon, 2012). Bien que ces outils soient fréquemment mobilisés dans la gestion des situations, ils sont encore insuffisamment étudiés (Kieken, Dahan et Armatte, 2003). Les travaux sur la modélisation des pollutions atmosphériques sont relativement peu nombreux. On compte notamment les contributions de Heymann (2006, 2010) et de Kieken (2004) qui ont directement porté sur la construction des modèles de dispersion atmosphérique (locale ou transfrontalière), ainsi que les travaux de Yearley (1999, 2000, 2006) dont les analyses ont mis en évidence ce que les savoirs profanes relatifs aux pollutions peuvent apporter aux simulations atmosphériques. Les travaux en sociologie sont quasi inexistants en ce qui concerne la modélisation de la dispersion des odeurs. La généralisation de la modélisation informatique dans la gestion des nuisances olfactives pose pourtant un certain nombre de questions, notamment en ce qui concerne les usages de ces instruments dans des contextes d’interface entre expertise et action publique.

2La question des usages des modélisations a récemment donné lieu à un certain nombre de travaux dans les domaines variés de l’histoire des sciences, de la philosophie et de la sociologie. Ces études ont adopté une posture compréhensive des pratiques très concrètes de la modélisation (Morgan et Morrison, 1999 ; Sismondo et Gissis, 1999) en insistant sur la nécessité de saisir les modèles comme des médiations, c’est-à-dire comme des « processus sémiotiques et objectuels complexes incluant une variété d’acteurs et d’institutions » (Knuuttila, Merz et Mattila, 2006, p. 6), qu’ils soient scientifiques ou non. Parmi ces études, différentes cultures de la modélisation ou epistemic lifestyles[1] ont ainsi été identifiés selon que les modélisateurs préfèrent le « purisme » de la pratique scientifique au « pragmatisme » de l’action publique (Shackley, Risbey, Stone et Wynne, 1999), la sensibilité des variables à la compréhension plus globale des phénomènes (Shackley, 2001), la dimension heuristique des modèles à leur dimension prédictive (Shackley et Wynne, 1996) ou encore la qualité du calcul à la vraisemblance des résultats obtenus (Sundberg, 2010). Dans la plupart des cas, l’analyse des pratiques de modélisation a été centrée sur le travail des modélisateurs (celui réalisé au laboratoire ou en interface avec des enjeux d’action publique), et la question de l’usage des modèles informatiques a été associée à celle de leur conception. Les travaux ont décrit les modèles comme des objets en constante mutation tant du point de vue de leur évolution épistémologique que de leur transformation récurrente dans les pratiques quotidiennes des scientifiques (Armatte et Dalmedico, 2004). Pour Sundberg (2009), les modèles sont des « objets épistémiques » [2] car ces instruments font l’objet de transformations perpétuelles visant non seulement à produire des connaissances, mais aussi à renouveler les questionnements que se posent les scientifiques et les acteurs opérationnels.

3Si les modèles de dispersion des odeurs n’échappent pas à ce constat, la question de leur usage ordinaire dans la gestion des nuisances industrielles pose de nouvelles interrogations. Qu’advient-il lorsque les modèles sont utilisés indépendamment de leur créateur, lorsque, placés dans des contextes d’usage opérationnel, ils deviennent des objets autonomes vis-à-vis de leurs concepteurs ? La plupart des utilisateurs de ces modèles constituent, en effet, une communauté de praticiens déconnectés de celle des concepteurs. Une fois les modèles mis au point, ils sont vendus à des utilisateurs (principalement à des experts de bureaux d’étude) qui n’ont pas nécessairement accès au code source et qui ne maîtrisent que très sommairement les équations mathématiques qui en sont au fondement. Ces utilisateurs sont, par conséquent, dans l’incapacité de réaliser les modifications épistémiques plus ou moins mineures qui en feraient des objets hautement malléables. L’usage au quotidien de ces modèles est contraint par un script difficilement transformable qui rend parfois laborieuse l’activité de ces experts de terrain.

4La littérature sur la modélisation environnementale a mis en évidence au moins deux logiques d’inscription des modèles en situation d’usage. La première de ces logiques prend acte de la dimension normative et agissante des simulations. Les modèles ont non seulement une fonction cognitive de représentation du réel, mais sont aussi de plus en plus mobilisés comme des outils de gestion de l’environnement à même de « façonner » le réel (Armatte et Dalmedico, 2004 ; Kieken, 2004 ; Kieken, Dahan et Armatte, 2003). De par leur capacité à décrire plus ou moins finement une réalité environnementale, ils incarnent et contribuent à forger un ordre socio-environnemental en bonne et due forme. Les modèles de pollution atmosphérique étudiés par Kieken sont illustratifs de cette « finalité performative » (Kieken, 2004, p. 401) et de leur vocation à agir sur l’élaboration des politiques internationales de lutte contre les pollutions. La deuxième logique d’inscription répond davantage à une dynamique de mise à l’épreuve des modèles. En situation d’usage, les modèles sont confrontés à des modes alternatifs de qualification de la réalité environnementale pouvant entrer en contradiction avec les résultats des simulations obtenues (Yearley, 1999, 2000, 2006), voire à des systèmes de croyances et des logiques d’acteurs pouvant s’opposer à ces formes de représentation (cf. la littérature sur le climato-scepticisme et son rapport aux modèles climatiques : Aykut, 2015 ; Oreskes et Conway, 2010). Dans ce type de configurations, les modèles sont conçus comme des instruments imparfaits, dont la légitimité à parler en vérité peut facilement être remise en cause, et dont les modalités d’exécution peuvent être améliorées au contact de ces mises à l’épreuve.

5Le présent article s’inscrit non seulement dans cette double perspective analytique, mais met aussi en avant une approche qui tente de comprendre l’articulation des modèles avec d’autres modes de saisie de l’environnement, y compris expérientiels (Akrich, 2016). Il suit en cela une approche écologique de la cognition (Hutchins, 2010) qui vise à décrire les modalités complexes d’élaboration des savoirs. Les sciences cognitives ont montré combien l’exercice de la cognition ne peut se réduire à de simples processus mentaux désincarnés. Elles ont mis en évidence le caractère situé, distribué et profondément social de ces processus, tout en faisant ressortir la grande diversité des modes d’élaboration des connaissances. Les contextes d’usage des modèles de dispersion correspondent justement à des situations où différents modes de saisie de la réalité environnementale coexistent. Dans ce type de situations qu’Hutchins qualifie de « multimodales » (2010, p. 712), des instruments métrologiques de différente nature cohabitent les uns avec les autres de façon plus ou moins pacifiée. Ils produisent des « références » (Latour, 2001) qui, associées aux modes de saisie plus expérientiels, peuvent être mobilisées pour qualifier les phénomènes. Leur concomitance sur le territoire peut renforcer la prise que les acteurs ont sur les situations, mais elle peut tout autant mettre à l’épreuve les dispositifs.

6L’article propose de mettre en évidence la façon dont les modèles de dispersion des odeurs sont mobilisés dans les contextes de gestion des nuisances industrielles. Il interroge la manière dont ces modèles opèrent concrètement et contribuent à l’élaboration d’un jugement sur le caractère plus ou moins acceptable de la nuisance, en examinant les processus de construction de la confiance dans les modèles, les épreuves rencontrées lors de leur utilisation, et les éventuelles interférences avec d’autres modes de qualifications de l’environnement odorant. Ce travail se place, par conséquent, dans la perspective d’une sociologie des usages (Akrich, 1990 ; Denis, 2009), qui n’interroge pas seulement les « modèles tels qu’ils se font » (Kieken, Dahan et Armatte, 2003, p. 398), mais bien les modèles tels qu’ils sont utilisés, mobilisés, traduits. L’objectif n’est pas de faire une épistémologie des différents modèles de dispersion des odeurs, ni même une sociologie de cette innovation sociotechnique, mais bien davantage de s’intéresser à l’usage de ces modèles en situation de gestion de la nuisance, à leur capacité à prédire et évaluer l’environnement odorant. L’objectif est « d’historiciser et de sociologiser la notion de modèle » (Kieken, Dahan et Armatte, 2003, p. 398), de la resituer dans un contexte institutionnel et politique en étudiant plus particulièrement les communautés d’utilisateurs des modèles, leurs interactions avec les différents acteurs de terrain, leur inscription dans l’écologie des dynamiques sociales, politiques et cognitives associées aux conflits d’implantations industrielles.

7Cette étude s’appuie sur une immersion dans le monde relativement restreint de la modélisation des odeurs via une enquête auprès des utilisateurs de ces outils. Elle mobilise principalement un ensemble d’entretiens auprès d’une dizaine d’experts spécialisés dans la gestion des nuisances industrielles [3]. Ces experts travaillent majoritairement dans des bureaux d’étude en environnement (Burgeap, Egis, IAP Sentic, Olentica, Aroma Consult, Cirsee), dans des Associations Agréées de Surveillance de la qualité de l’Air (Air Languedoc Roussillon, Atmo Normandie, Air PACA) ou dans des centres de recherche ou agences spécialisés dans la gestion des risques et nuisances (Laboratoire Génie de l’Environnement Industriel, INERIS). Ils ont en commun leur connaissance pratique des logiciels de dispersion et/ou leur usage dans des situations de nuisances olfactives d’origine industrielle. Ils interviennent, pour la plupart, dans des situations de nuisance pour fournir leurs solutions et outils de qualifications de l’environnement. Je me suis également familiarisé avec la littérature scientifique dans le domaine de la modélisation des odeurs pour comprendre les dimensions plus techniques et les enjeux associés à leur usage. Enfin, l’enquête a aussi permis d’examiner des contextes d’usage où les outils de modélisation sont mobilisés. La question de la confiance ou la défiance dans les modèles est un phénomène complexe qui ne peut être appréhendé uniquement par la littérature scientifique mais qui nécessite aussi de s’intéresser aux contextes politiques et institutionnels de construction et de mise en œuvre (Heymann, 2012). J’ai également réalisé des entretiens auprès d’industriels et de riverains concernés par la mise en place de ces outils dans le cadre d’une enquête plus large sur la gestion des nuisances olfactives sur deux sites de traitement des déchets ménagers. Il s’agit des sites de traitement des déchets ménagers de Saint Barthélémy d’Anjou dans le Maine-et-Loire (usine du « Biopole ») et de Montpellier dans l’Hérault (usine « Amétyst ») [4]. L’analyse de ces entretiens a permis de comprendre le rôle des modèles dans le pilotage de l’action publique, de saisir la façon dont ces instruments sont mobilisés dans le débat public tant du point de vue de leur critique que de leur validation ou de leur cohabitation avec d’autres formes de savoirs, y compris expérientiels.

8Je présente, tout d’abord, quelques éléments sur les modèles de dispersion des odeurs, la communauté d’usagers qui les mobilisent et les problèmes principaux posés par leur utilisation. Puis, j’expose ce qu’en font les acteurs en situation. L’article montre que si les usages prédictifs opèrent comme des instruments performatifs, peu contestés, qui équipent les études d’impacts et font exister institutionnellement la nuisance, les usages évaluatifs sont quant à eux plus contrastés. En mode évaluatif, la confrontation des résultats des modèles avec les ressentis expérientiels des riverains engendre un besoin de validation sur le terrain, un usage indiciel et prudent de ces simulations et une mobilisation complémentaire d’autres modes de qualification de l’environnement odorant.

De la modélisation des odeurs à l’usage des simulations

Les modèles de dispersion des odeurs

9Les modèles de dispersion des odeurs proviennent avant tout des innovations en matière de modélisation atmosphérique qui ont été mises au point au cours de la seconde moitié du 20e siècle (Heymann, 2006). Il existe principalement trois familles de modèles de dispersion. Les plus anciens, et aussi les plus simples, sont les modèles gaussiens. Ils s’appuient sur des équations mathématiques qui simulent la dispersion du nuage de pollution à partir d’une distribution gaussienne. La dispersion du panache de pollution dans l’air suit une trajectoire relativement simple – les évolutions de la concentration des polluants correspondant à une forme en cloche. Ces modèles, peu onéreux, coexistent avec d’autres types de modèles, plus complexes en matière de puissance de calcul. Il s’agit, d’une part, des modèles lagrangiens qui permettent de suivre les vents et de tracer les particules dans l’air sur de longues distances, et, d’autre part, des modèles eulériens dont la modélisation s’appuie sur un quadrillage du territoire en mailles élémentaires où les évolutions du nuage de pollution sont calculées de manière répétée pour chacune des mailles. Ces trois types de modèles ont été adaptés à la problématique des nuisances olfactives. Ils ont d’abord été alimentés par des valeurs de concentration en composés chimiques odorants (exprimées en µg/m3) (Högström, 1972), puis par des valeurs exprimées en unité d’odeur, estimées à partir d’études olfactométriques réalisées au point d’émission [5]. L’olfactométrie a ainsi été « associée » à la diversité des modèles de dispersion atmosphérique, qu’ils soient gaussiens (ISC3, AERMOD ou encore ADMS), lagrangiens (CALPUFF; SCIPUFF, NAME, AUSTAL) ou encore eulériens (CMAQ, CALGRID) [6].

Le développement d’une communauté d’usagers

10En France, ce n’est qu’à partir des années 2000 que les modèles de dispersion des odeurs s’imposent dans les pratiques de pilotage des installations industrielles. La réglementation en matière de nuisances olfactives d’origine industrielle a explicitement suscité le recours aux modèles de dispersion atmosphérique. Plusieurs arrêtés relatifs à la réglementation sur les Installations Classées mentionnent l’obligation pour un porteur de projet industriel de réaliser une « étude de dispersion » afin de « calculer » les concentrations d’odeurs présentes dans l’environnement [7]. Ces calculs de dispersion permettent d’apprécier l’impact olfactif du site, de comparer ces valeurs calculées à des valeurs seuils définies réglementairement et de juger si l’installation répond ou non à la réglementation en matière de pollutions olfactives [8].

11Cette inscription institutionnelle de l’outil dans la réglementation a donné naissance à une communauté d’usagers qui s’est petit à petit emparée des modèles de dispersion pour les intégrer dans leur offre de service auprès des porteurs de projets industriels. Comme précisé plus haut, cette communauté, relativement restreinte, est composée principalement de bureaux d’études en environnement, d’AASQA, et de centres de recherche spécialisés dans la gestion des risques et des nuisances. Ces usagers partagent plusieurs caractéristiques notables. Premièrement, ils ne sont pas spécialisés dans la modélisation ; ils ont acquis ces modèles auprès d’entreprises spécialisées dans la modélisation atmosphérique (comme Numtech ou Aria technologie), mais n’ont aucunement la main sur les formules mathématiques qui en composent l’architecture interne. Deuxièmement, ils utilisent ces modèles comme des outils « parmi d’autres » pour réaliser leurs expertises. Leur domaine de compétence est donc davantage orienté vers l’utilisation et la maîtrise d’une boîte à outils opérationnelle et hétérogène que vers des activités de conception et de développement. Troisièmement, malgré la relative immuabilité des modèles, ces usagers ont montré des formes différenciées d’appropriation des modèles en jouant sur les données d’entrée ou en adaptant les types d’interface. Par exemple, les modèles sont parfois utilisés en association avec des nez électroniques qui, en remplacement des campagnes de mesures olfactométriques, permettent de mesurer en continu des concentrations d’odeur à l’émission et alimenter continuellement le modèle (cf. Mesbah et al., 2008). Cette association entre nez électronique et modèle de dispersion est d’ailleurs préconisée par la réglementation [9]. De plus, les modèles de dispersion peuvent être associés à des interfaces informatiques participatives de signalement d’épisodes odorants à l’usage des riverains. C’est le cas notamment du dispositif Odourmap qui combine une interface associant les modèles de dispersion à des plateformes collaboratives de signalement des odeurs (cf. Harreveld, 2012). Ce type d’interfaces permet de comparer les perceptions sensorielles quotidiennes des riverains aux résultats de la modélisation.

Le problème des incertitudes

12L’institutionnalisation des modèles de dispersion des odeurs a progressivement fait émerger un ensemble hétérogène d’usages et d’usagers, de pratiques et de praticiens. Les experts odeurs ont pu les utiliser dans différents contextes. Les modèles sont mobilisés dans les études d’impact pour prédire les nuisances et vérifier la conformité à la réglementation. Ils permettent également de veiller à ce que les fréquences d’apparition des épisodes odorants ne dépassent pas les valeurs réglementaires. Ils peuvent aussi servir à l’industriel comme outil de pilotage des installations techniques et de communication avec les riverains pour prédire d’éventuels épisodes à venir. La fonction de « représentation » ou de « qualification » de la nuisance est ainsi associée à des usages plus larges, qui vont de la simple réponse à la réglementation au pilotage technique de l’usine et à l’outillage de la concertation. Ils donnent lieu à un ensemble de pratiques servant à légitimer les projets industriels et à outiller les efforts de concertation entre les industriels et leur voisinage en cas de nuisances olfactives. Pour autant, la confiance dans ces modèles semble relever d’un véritable « acte de foi » (Lahsen, 2005 ; Shackley et Darier, 1998) tant les incertitudes de ces outils sont, à l’instar de tout autre instrument scientifique, nombreuses. L’analyse des pratiques scientifiques dans ce domaine a montré combien cet exercice, qui consiste à mimer des phénomènes physiques, fait appel à une série de simplifications, d’approximations, d’idéalisations dont certains ont souligné l’« opacité épistémique » (cité dans Heymann, 2010 ; Humphreys, 2004), mais sans laquelle les modèles ne pourraient exister. Comme la plupart des simulations informatiques, les modèles de dispersion des odeurs sont marqués par de fortes incertitudes. Celles-ci sont conscientisées par les usagers et fréquemment évoquées dans les publications scientifiques. La plupart d’entre elles m’ont été exposées à de multiples reprises au fil des entretiens.

13Premièrement, les modèles n’intègrent pas la totalité des émissions odorantes. Ils prennent en compte, pour la plupart, les trajectoires des émissions « canalisées » (celles provenant notamment des conduits de cheminées) mais peinent à considérer dans le processus de modélisation les émissions plus « diffuses ». Deuxièmement, les données d’entrées, qu’elles soient olfactométriques, météorologiques ou topographiques, ne sont pas toujours de bonne qualité, ce qui peut entraîner des biais dans le calcul de la diffusion. C’est le cas notamment des données olfactométriques, qui occasionnent de nombreuses interrogations quant à leur fiabilité. Si les protocoles de prélèvements d’odeurs et de mesures en laboratoire sont normalisés, certains experts pensent que ces normes ne sont pas appliquées dans les règles de l’art, tous les laboratoires olfactométriques n’étant pas accrédités par un organisme certificateur (le Cofrac en l’occurrence). Troisièmement, les types d’équations mathématiques et de paramétrages utilisés pour construire les modèles comportent également des incertitudes. Celles-ci sont d’autant plus fortes que les modèles choisis dans la pratique pour simuler la réalité odorante sont relativement « simplistes ». En effet, parmi la diversité des modèles existant sur le marché, ce sont principalement les modèles gaussiens, plus rudimentaires et moins onéreux, qui sont utilisés dans la pratique (Capelli et al., 2013) [10]. Cette sélection à la baisse s’explique par le souci des experts de présenter des offres attractives et compétitives en réduisant les coûts de prestation, limitant de ce fait la possibilité d’utiliser des modèles épistémiquement plus élaborés.

La question de la validation

14L’évocation fréquente des incertitudes de la modélisation chez les experts soulève la question délicate de la crédibilité des résultats et plus particulièrement de la façon dont les modélisateurs construisent la confiance dans leur modèle. Dans le domaine de la modélisation climatique, du fait de la possibilité de confronter les simulations à des observations mesurées, la confiance dans les modèles est construite autour de pratiques de comparaison systématique entre les modèles et la réalité (Guillemot, 2009 ; Sundberg, 2010). La confrontation croisée entre les observations empiriques et les simulations est une pratique courante de validation et de légitimation des modèles. Les modèles sont conçus, paramétrés et ajustés au regard des résultats de la modélisation, de la crédibilité des valeurs obtenues, du souci d’éviter les valeurs extrêmes qui ne seraient pas suffisamment vraisemblables (Sundberg, 2010) [11]. Cet exercice de « validation » permet de contrecarrer la relative autonomie dont bénéficient les modélisateurs dans leur travail de mise au point des modèles (choix des données d’entrées, élaboration des équations et des algorithmes). Le rapport direct à l’empirie permet de tempérer le caractère parfois décrit comme opaque voire chaotique des opérations de paramétrage. Les modèles de dispersion des odeurs n’échappent pas à cette nécessité. La construction de la confiance passe, au niveau des pratiques scientifiques, par une confrontation des résultats de la modélisation avec des données externes. Les modèles sont tour à tour confrontés à des séries de mesures chimiques et olfactométriques, à des mesures réalisées par des nez électroniques ou encore à des campagnes d’observation de nez humains (pour une revue de littérature sur le sujet, cf. Capelli et al., 2013). Si ces études fournissent des éléments de validation des modèles, et sont essentielles à la construction de la confiance, leur autorité est moins marquée lorsque les modèles se retrouvent en dehors des cercles relativement restreints de leurs concepteurs, comme nous allons le voir maintenant.

Prédictions, évaluations et mises à l’épreuve des modèles

Les usages prédictifs ou le pouvoir des représentations visuelles

15Les modèles de dispersion des odeurs sont bien souvent assimilés à ce que l’on en perçoit en surface, c’est-à-dire avant tout à des représentations cartographiques sur lesquelles figurent les panaches de pollutions. Ces représentations, que les modélisateurs appellent les données de sortie (outputs), figurent en première ligne dans les études d’impact et les documents d’expertise associés aux arrêtés et aux décisions préfectorales. Elles composent avec un usage bien souvent prédictif où leur exposition dans les différentes arènes décisionnelles et consultatives a pour objectif de simuler un état environnemental projeté. Elles font apparaître la carte du territoire, les sources de pollutions, le panache odorant et offrent une image très accessible de l’ampleur du phénomène et de son évolution dans le temps. Dans les deux cas étudiés, les simulations de dispersion des odeurs figurent en annexe des études d’impacts disponibles sur demande dans les bureaux des services des Installations Classées et présentées dans les CODERST [12] avant que les arrêtés d’autorisation ne soient publiés. Ces simulations prédictives sont vécues comme des formalités administratives par le cercle restreint des acteurs qui participent à ce type de commission. Elles n’ont pas suscité de contestation particulière de la part des acteurs de la mise en projet, riverains y compris. À Montpellier, par exemple, les arguments de l’association riveraine d’opposition à l’installation portaient en priorité, au moment de la parution de l’arrêté d’autorisation de 2006, sur les risques d’explosion [13].

16Cette forme d’assentiment général suscité par la modélisation s’explique de plusieurs manières. Tout d’abord, le « pouvoir persuasif » de la simulation et de son mode de représentation graphique, facile à lire et à s’approprier (Lahsen, 2005, p. 908) suscite presque instinctivement l’adhésion – à tel point que les modélisateurs eux-mêmes tendent parfois à oublier que les résultats de ces modélisations ne sont que des représentations de la réalité et non LA réalité (Lahsen, 2005). Cette ambiguïté peut être entretenue dans les documents d’expertises, où les incertitudes associées aux modèles ne sont pas nécessairement explicitées. Les simulations invitent avant toute chose à regarder, plus qu’à penser (Jin, 2008 ; cité dans Sundberg, 2010) – et ce tant pour les non-initiés que pour les experts, utilisateurs des modèles. Cette forme d’adhésion primaire tient non seulement au caractère attractif et séduisant de la représentation visuelle, mais aussi au « degré de consistance » affiché par l’outil (Heymann, 2006) ; la richesse des données météorologiques d’entrée, la sophistication des protocoles de mesures olfactométriques, l’autorité dégagée par l’interface informatique ou encore la précision des courbes d’iso-concentration sont autant d’éléments qui inspirent le « professionnalisme », donnent de la crédibilité à l’expertise et suscitent la confiance. Cette forme d’autorité technique est doublée d’une légitimité réglementaire justifiant l’usage de cet instrument. La prédiction mathématique est, en effet, le seul outil permettant de simuler le panache odorant avant même que l’usine ne soit installée.

17

En fait, votre réglementation elle dit : « la concentration d’odeurs dans l’environnement dans un rayon de 3 km autour des installations ne doit pas dépasser 5 unités d’odeurs plus de 175 heures par an, plus de 2 % du temps ». Donc, on a bien une notion de concentration [d’odeur] et de fréquence. Mais, du coup, c’est le seul outil qui donne ces deux informations-là. […] C’est vrai qu’aujourd’hui la modélisation est l’outil qui permet de répondre à la réglementation.
(Expert praticien E24)

18Face à cette injonction réglementaire, les bureaux d’études ne peuvent pas faire l’économie des modèles de dispersion pour réaliser ces études d’impact. Les modèles représentent pour eux un passage incontournable mais aussi un produit d’appel leur permettant par la suite de se positionner sur des solutions de surveillance plus élaborées si la situation se corse, en cas de nuisances répétées. Enfin, l’outil prédictif opère également par des relais communicationnels qui lui assurent localement une force de frappe efficace. Les études d’impact qui garantissent l’adéquation entre les composantes techniques des installations et la réglementation en vigueur sont accompagnées de stratégies de communication visant à vanter les bienfaits du projet industriel. Des plaquettes de communication sont diffusées pour médiatiser localement la promesse du « zéro odeur » (cas de Montpellier). Des articles de presse relayent localement ces discours rassurants à l’instar de celui paru dans Ouest France le 12 mai 2010 intitulé « L’usine Biopole est garantie “sans odeurs” ». Ces stratégies permettent d’élargir la communauté de croyance dans une usine inodore aux riverains les plus récalcitrants.

19L’emprise technique, réglementaire et communicationnelle de la modélisation est, dans le cadre de ces études prédictives, très difficile à ébranler car aucune forme alternative d’existence de la nuisance ne peut véritablement être mobilisée pour s’opposer aux conclusions du modèle. Concrètement, avant la mise en route de l’usine, les riverains n’ont aucune prise sensorielle sur la nuisance potentielle. De plus, n’ayant pas nécessairement fait l’expérience concrète de la nuisance, ils ne sont pas « sensibles » à ce que les mauvaises odeurs peuvent induire sur leur quotidien. Ils ne peuvent alors se fier qu’aux résultats qui leur sont présentés. En réalité, seule la médiatisation des nuisances réellement survenues sur un autre territoire est à même de contrecarrer les conclusions des modèles prédictifs. L’accumulation des mises en route difficiles de la dizaine d’installations de méthanisation en France, dues notamment aux problèmes de nuisances odorantes, a entaché la réputation de tels procédés de traitements des déchets. Certains projets comme celui de Romainville en région parisienne ont été abandonnés car les élus ont eu écho des problèmes survenus à Montpellier [14]. Cette rupture de la confiance montre que les modèles prédictifs ne sont pas intouchables. Toutefois en l’absence de récits alternatifs relatant une situation de nuisance avérée susceptible de se reproduire, et donc à même de contredire les simulations, les modèles sont perçus comme des outils relativement neutres qui font référence.

Les usages évaluatifs et le surgissement de décalages cognitifs

20La confiance primaire dans la modélisation est mise à l’épreuve lorsque les outils de dispersion deviennent les instruments d’évaluation d’un état environnemental existant, suite à la mise en route d’une installation industrielle. Dans de telles circonstances, les résultats des modèles sont invariablement confrontés à d’autres formes d’appréhension des états de l’environnement odorant et peuvent être à l’origine de décalages cognitifs. À Montpellier (cf. encadré 2 ci-après), par exemple, la confrontation entre les résultats de la modélisation et les signalements d’épisodes odorants (répertoriés via la mise en place d’un jury de nez [15]) a fait émerger des décalages entre ces deux modes de qualification de la nuisance : les résultats de la carte de dispersion ne coïncidaient pas avec ceux obtenus après compilation des signalements d’odeurs. Le nuage de pollution odorant réalisé par la modélisation informatique ne couvrait pas l’ensemble du territoire concerné par les signalements d’odeurs. Ce décalage a donné lieu à de vives critiques de la part de certains riverains qui considéraient que la nuisance était de ce fait sous-évaluée :

Moi, je m’étais accroché avec l’ingénieur [expert] qui s’occupait de ça. Elle, quand elle analysait les comptes rendus de plaintes des réseaux de nez [jury de nez], elle prenait comme base la station [nom de ville]. La station météorologique donne un certain type de vent mais, dans les altitudes, dans les couches de l’atmosphère, il y a des choses qui se passent et qui ne sont pas homogènes sur toute la zone. Donc, les couches laminaires, par exemple, quand on a un vent au nord, quelquefois entre les bâtiments on a un courant d’air qui vient de l’est ou de l’ouest, tout ça parce que le vent passe un peu partout. Et ça, soit elle n’arrivait pas à le comprendre, soit elle ne voulait pas.
(Riverain 3)
Cet épisode illustre la manière dont ce riverain a pu construire, de façon surprenante, un argumentaire digne d’un spécialiste en aéraulique pour critiquer les résultats de la simulation et expliquer les décalages avec les ressentis du jury de nez. Cette capacité argumentative n’est toutefois pas monnaie courante. Il est difficile pour les non-initiés d’entrer dans le modèle, de s’infiltrer dans son fonctionnement, d’élaborer un raisonnement critique qui tienne la route, car personne ne connaît ni ne maîtrise vraiment les ressorts du paramétrage. Les acteurs de ces situations, qu’ils soient experts praticiens, riverains, industriels ou fonctionnaires en charge des Installations Classées, sont amenés à prendre acte de ces décalages cognitifs sans nécessairement parvenir à les expliquer. Ce dont ils sont davantage porteurs, c’est de l’expérience ordinaire qu’ils ont de la nuisance et de la dispersion des odeurs, une expérience sensible leur donnant une véritable expertise locale de leur territoire de vie (Collins et Evans, 2002). Les riverains notamment sont, avec l’habitude, capables de décrire avec plus ou moins de précision le passage des vents, les endroits susceptibles de sentir mauvais et éventuellement ceux davantage épargnés. Les odeurs présentes sont décrites comme des entités très mobiles et volatiles. Elles apparaissent par « bouffées », par « vagues » ou encore par « bourrasques ». Selon les dires des riverains, les odeurs sont à certains endroits, plus « lourdes », elles s’attardent plus facilement car « confinées » dans des espaces creux, des « cuvettes », des recoins moins ventés. La dynamique de dispersion micro-locale vécue par les riverains produit une carte des nuisances très escarpée géographiquement et extrêmement fugace d’un point de vue temporel. Ces formes d’appréhension de la gêne qui s’appuient tout à la fois sur un savoir local, une sensibilité irréductible et des aptitudes sensorielles individuelles, contrastent avec les courbes d’iso-concentration censées calculer les fréquences de dépassement et le niveau d’acceptabilité. L’expérience que les riverains font des odeurs ne suit pas le script mécanique et binaire des modèles de dispersion. Elle compose avec des formes d’appréhension singulières qui contribuent à jeter le trouble dans les représentations cartographiques des modèles de dispersion.

L’immuabilité des scripts

21Face à ces décalages cognitifs, les experts utilisateurs sont peu ou prou dépourvus, car ils ne maîtrisent pas nécessairement les équations mathématiques ni même les algorithmes informatiques qui composent les modèles. Ces derniers sont mis sur le marché et lorsque les experts les acquièrent, ils sont certes formés à une utilisation pratique, mais ne sont pas en mesure de les transformer. En réalité, la plupart des bureaux d’études, y compris ceux spécialisés dans la gestion des odeurs, comptent la modélisation des odeurs dans leur offre de service sans pour autant qu’ils aient développé eux-mêmes les logiciels de dispersion. Alors que certains d’entre eux avaient construit au cours des années 1990-2000 une certaine expertise dans le domaine, la spécialisation de cette activité dans les mains d’un nombre limité d’acteurs a contribué à éloigner le travail de conception de celui d’utilisation. L’amélioration des modèles, la sophistication des offres commerciales et la complexification des logiciels ont eu comme principal effet de déconnecter les praticiens des activités de construction des modèles. Comme en témoigne cet expert : « Il y a 8 ou 10 ans […] les logiciels étaient peut-être un peu plus compliqués, il fallait construire par soi-même les modèles [16]. » Il existe aujourd’hui une véritable division sociale du travail de modélisation entre, d’une part, les développeurs et, d’autre part, les utilisateurs. Or, si les modèles sont caractérisés par leur plasticité, leur malléabilité (Kieken, Dahan et Armatte, 2003 ; Sundberg, 2009) dans le cercle des experts scientifiques, développeur des modèles, ils sont marqués par leur relative stabilité une fois déployés dans le monde de la gestion des nuisances. Une fois commercialisés, les modèles deviennent, dans les mains de leurs utilisateurs, des objets stabilisés, quasi immuables, dans la mesure où leur « script » (Akrich, 1987) ne peut être aisément modifié. Ils deviennent des objets techniques servant à répondre à des questions précises plus que des objets épistémiques susceptibles de renouveler le spectre des questionnements auquel peuvent être confrontés les utilisateurs. Ces derniers utilisent les modèles comme des boîtes noires. Ils sont, dans la plupart des cas, incapables d’en restituer intégralement le fonctionnement, tant du point de vue du paramétrage que du codage. Leur connaissance du fonctionnement du logiciel est très théorique, parfois approximative et lacunaire. Ces praticiens ont une expertise qui est davantage liée à une compétence d’utilisation du logiciel. Lors des entretiens avec les experts praticiens, les questions relatives au « fonctionnement » du modèle donnaient fréquemment des réponses portant sur l’interface d’utilisation et non sur les fondements théoriques des modèles. Les interfaces d’utilisation ont d’ailleurs évolué vers plus de convivialité et d’ergonomie, de sorte qu’ « il n’y a pas besoin d’être expert au niveau scientifique pour interpréter directement les données » [17]. Les logiciels sont à la portée des experts spécialisés dans la gestion des odeurs et de tout type d’utilisateur, industriels et riverains y compris. Pour reprendre la distinction faite par Turkle (1995) et Sunberg (2010), les experts praticiens sont animés par une « culture de la simulation » axée prioritairement sur les données de sortie, par opposition à une « culture du calcul » qui valorise le développement de la structure théorique et mathématique des modèles. Même si ces utilisateurs sont les mieux placés pour apprécier l’adéquation entre les résultats de la simulation informatique et les données empiriques, ils sont de fait relativement démunis pour ajuster, transformer, paramétrer le modèle et opérer par là des boucles de savoir.

L’exigence de précision et la multiplication des dispositifs de saisie de l’environnement

22Cette situation d’usage évaluatif, où les modèles comportent de nombreuses incertitudes et où les utilisateurs n’ont que très peu de marges de manœuvre pour espérer les réduire, fait peser le doute sur l’outil informatique et la fiabilité des résultats obtenus. Bien qu’il soit censé être l’outil réglementaire de mesure des odeurs dans l’environnement et de la gêne des riverains, son opérativité escomptée en matière de réglementation reste limitée. La promesse de l’instrument quant à sa propension à donner des éléments fiables et indiscutables d’arbitrage et à réguler à lui tout seul le conflit est limitée. Dans les deux cas étudiés, les données sur lesquelles se sont appuyées des décisions relatives au processus d’implantation de l’usine n’ont en réalité pas fait appel directement aux résultats de la modélisation (encadrés 1 et 2). Les décisions se sont appuyées sur des valeurs de concentrations d’odeurs à l’émission ou sur des dispositifs perceptuels alternatifs (jury de nez et observatoire des plaintes).

Encadré 1. Le système de surveillance des odeurs au Biopole de Saint Barthélémy d’Anjou

Le dispositif de mesure des odeurs du Biopole de Saint Barthélémy d’Anjou s’appuie à la fois sur des mesures réglementaires de débit d’odeurs, de la modélisation atmosphérique et un système additionnel de surveillance mis en place en partie lors de la période de concertation avec les riverains en amont de la mise en projet. Ce système additionnel s’est appuyé, dans un premier temps, sur un groupe de riverains appelé « sentinelle » dont l’objectif était de relever l’apparition d’éventuelles nuisances via des échanges de messages électroniques. Suite à la mise en route de l’installation et à l’apparition de nuisances odorantes, il a été choisi de perfectionner à partir de 2011 le système d’observatoire des odeurs. Ce dispositif s’est appuyé, d’une part, sur des campagnes hebdomadaires de « textos » envoyés quotidiennement aux membres du groupe de veille pour sonder l’état de l’environnement odorant et, d’autre part, sur une interface informatique de signalement disponible sur internet. Ces différents modes de saisie de l’environnement ont été mobilisés dans les arènes décisionnelles. Ils ont donné des indications sur les évolutions du nombre d’épisodes odorants, ont permis d’évaluer l’efficacité de certains travaux réalisés pour contenir les odeurs, et ont contribué à justifier les phases de mécontentement des riverains. Si ces différents outils ont joué un rôle essentiel dans l’appréhension du phénomène de nuisance odorante par les différents acteurs, ils n’ont toutefois pas pu être mobilisés officiellement pour motiver la décision publique – la réglementation s’appuyant sur des commensurations exclusivement olfactométriques. La mise en demeure préfectorale de 2015 (qui a sommé l’exploitant de réaliser des travaux d’amélioration du site) s’est en effet appuyée sur des valeurs de concentrations d’odeurs à l’émission.
(cf. Arrêté de mise en demeure du 19 mars 2015)

Encadré 2. Le système de surveillance des odeurs à l’usine Ametyst de Montpellier

Le cas de l’usine d’Amétyst à Montpellier se caractérise également par une pluralité d’instruments de mesure. En plus des outils de modélisation des odeurs, des campagnes de mesures de « traceurs chimiques » (tels l’ammoniac et l’hydrogène sulfuré) ont été réalisées dans l’environnement, un jury de 15 nez riverains, ainsi qu’un dispositif de recueil des plaintes d’odeurs signalées par l’ensemble des riverains, ont été mis sur pied. La coexistence de ces dispositifs a entraîné des décalages cognitifs. Il s’agit par exemple des décalages qui ont été évoqués précédemment entre les modèles de dispersion et les cartographies réalisées à l’aide du jury de nez. Il s’agit également des mesures chimiques dans l’environnement qui ne témoignaient aucunement de la présence de molécules odorantes, alors que les dispositifs participatifs enregistraient dans le même temps une augmentation des signalements d’odeurs. Ces décalages ont entraîné de nombreuses interrogations et critiques à l’endroit des différents dispositifs (qualité des données d’entrée des modèles, précision des mesures chimiques, fiabilité et assiduité des signalements d’odeurs). Au terme de ces critiques, certains instruments ont été disqualifiés (mesures chimiques, modèles de dispersion), d’autres ont servi de référence au dialogue entre riverains et industriel (jury de nez et observatoire des plaintes). Les évolutions à la baisse des épisodes odorants mesurés de façon concomitante par le jury de nez et par l’observatoire des plaintes à partir de 2013 ont conforté la décision préfectorale de poursuivre l’exploitation de l’usine, malgré l’opposition de l’association de riverains militant pour son démantèlement.

23Ces deux exemples ne sont pas isolés. Dans la plupart des cas, d’autres dispositifs de mesure sont presque systématiquement mis en place pour évaluer la nuisance. Cette expertise multi-référentielle se construit chemin faisant ; elle est motivée par une exigence de précision portée à la fois par les riverains, les industriels et les administrations publiques. Il semble que plus la conflictualité est forte et plus la précision devient un enjeu majeur dans le processus dialogique entre les industriels et les riverains. Les deux cas observés témoignent de cette « surenchère » de la précision, du regard critique porté sur certains instruments de mesure et de la recherche de nouveaux modes de qualification par certains acteurs. Dans le cadre de cette dynamique, les bureaux d’études proposent des offres de services plus élaborées, des dispositifs complémentaires, des outils plus performants. Les experts odeurs ont intégré dans leurs offres différentes formules plus ou moins coûteuses, s’appuyant sur des outils de mesure de différente nature pour élaborer une image composite, pluri-sources du paysage odorant. L’objectif est bien de s’assurer de l’évolution de la nuisance au travers d’une diversité de modes de qualification, de construire la confiance dans les mesures via la coexistence d’indices provenant de modes disparates de mesure de la nuisance. La poursuite de la précision (Schaffer, 1992 ; Wise, 1997) légitime une augmentation significative du « coût » dévolu à cette activité cognitive pour équiper le dialogue entre industriels et riverains.

24Il serait intéressant d’approfondir la diversité des configurations d’usage, d’identifier et de hiérarchiser les facteurs de déploiement des différents instruments (intensité de la nuisance, niveau de conflictualité, intention ou non des industriels et/ou des pouvoirs publics de faire participer les riverains à l’effort de qualification, volonté de ces derniers d’y contribuer, etc.) S’il est difficile pour le moment d’élaborer une typologie complète avec un nombre si limité de cas, on peut toutefois faire l’hypothèse que l’élaboration des modes plus sensoriels de qualification de la nuisance dépend de la capacité des riverains et de leur consentement à co-construire une expertise collective (Daniel, 2018, 2015 ; Charvolin et al., 2015 ; Rémy et Estades, 2007).

L’opérativité discrète et mesurée des modèles

La simulation comme indicateur

25Ce constat relativement négatif à l’endroit des modèles de dispersion atmosphérique ne signifie pas que la modélisation est totalement laissée de côté. Les modèles, pris isolément, sont certes passablement inopérants en matière réglementaire, mais jouent toutefois un rôle dans la gouvernance des situations de gêne. Ils fournissent une indication concernant l’état de la nuisance, au même titre que les autres dispositifs d’objectivation. Ils sont parfois délégitimés, mis de côté, et d’autres fois mis à contribution malgré les incertitudes qui pèsent sur eux. Leurs résultats sont comparés aux autres instruments d’objectivation présents sur les sites. La construction de la confiance dans les modèles ne dépend plus d’un processus de validation scientifique, mais d’une dynamique locale multi-référentielle, où les résultats de la simulation informatique sont comparés avec des données multiples provenant de sources variées (Heymann, 2012). Cette façon de bâtir in situ la confiance dans l’outil nécessite d’être éprouvée à chaque utilisation. Elle peut être institutionnalisée via la mise en présence systématisée de différents instruments d’évaluation de l’odeur. C’est le cas en particulier du Biopole de Saint Barthélémy d’Anjou (encadré 1), où une interface informatique associant les modèles de dispersion à des plateformes de signalements riverains d’épisodes odorants a été installée. Les décalages cognitifs y étaient directement visualisables par les différents acteurs (riverains et exploitant) :

Tout ce qu’on fait, en fait, par rapport au suivi des odeurs va sur ce site. […] moi je regarde les remarques, le sens du vent. Ce qui est bien, c’est d’analyser, ça apporte des informations. C’est un bon outil d’échange parce que, en plus, quand ils font leurs observations, c’est sur un déroulé précis si vous voulez. Le nom, la date, le lieu, le type d’odeur.
(Exploitant de l’usine AI18)
Dans ce type de situation, les décalages ne sont plus identifiés fortuitement, et incidemment considérés comme des anomalies ; ils sont à l’inverse pris comme des faisceaux d’indices pouvant ou non s’entrecroiser (le panache de diffusion peut permettre de confirmer un ressenti – et inversement). Ces différents énoncés sont intégrés à l’analyse, chacun d’entre eux étant considéré comme un élément susceptible d’améliorer l’image globale de la nuisance. L’ensemble des usagers de la plateforme collaborative peut alors éprouver de son propre chef les incertitudes du modèle de dispersion, comparer les différentes données les unes aux autres, se faire une idée de la robustesse des résultats.

Les usages prudents et modérés des modèles

26Cet usage indiciel des modèles est complété par une attitude prudente de la part des praticiens utilisateurs. Face aux critiques essuyées vis-à-vis des modèles et à l’incapacité de les ajuster, les experts adoptent une attitude précautionneuse dans la manipulation de ces outils. Ils ont une connaissance des principales incertitudes qui pèsent sur les modèles et ont une vue globale des limites de l’outil. Ajoutons que si ces praticiens ont une connaissance qualitative des incertitudes, ils sont par contre incapables de les quantifier, comme l’illustre ce témoignage :

27

Savoir quantifier les incertitudes, là sur la dispersion… je ne sais pas qui d’ailleurs est capable de le faire. Celui qui est capable, je veux bien le rencontrer. Je serais très intéressé. […] C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles ce sont des outils. C’est pour ça que je dis toujours : tout ça au final ça ne reste que des outils
(Expert praticien E19)

28L’interprétation des données est, par conséquent, réalisée de façon très mesurée. Les courbes d’isoconcentration délimitant le nuage de pollution sont interprétées dans la « grosseur du trait ». La simulation de la dispersion des odeurs suppose de prendre de la distance vis-à-vis de l’outil. Les résultats sont mis en perspective au regard des éléments contextuels présents sur le site, des expériences passées de la modélisation, des incertitudes du modèle. L’objectif est bien d’identifier les bonnes tendances plutôt que de trouver des résultats très précis.

29

C’est là où il faut quand même avoir une bonne connaissance de ce que l’on fait parce que si vous deviez faire une carte de modélisation prenant en compte les incertitudes, en fait, la modélisation, votre trait qui est là vous diriez il est entre là et là.
(Expert praticien E28)

30Ces compétences d’interprétation sont présentées comme une des facultés du praticien utilisateur qui, certes, ne maîtrise pas le bricolage du modèle, mais est capable de mettre en perspective des données et de nuancer les conclusions. Il s’agit d’éviter une interprétation trop abrupte des résultats, de se prémunir contre la lecture trop orthodoxe des cartes de dispersion, de veiller à ne pas nécessairement prendre les résultats pour « argent comptant ». Les experts odeurs mettent en avant leur connaissance du terrain, des activités polluantes, des sources odorantes, pour évaluer la plausibilité des simulations. C’est sur cette lecture contextualisée des résultats cartographiés qu’ils s’appuient pour justifier leur légitimité d’expert, par opposition aux concepteurs de modèles qui, eux, n’ont pas la connaissance des situations. Ces pratiques de mise en perspective leur permettent de gérer les tensions issues du décalage entre les données de la modélisation et les ressentis sensoriels, et d’infléchir le pouvoir trop facilement persuasif du modèle.

Discussion – conclusion

31L’étude des modèles de dispersion des odeurs a permis d’interroger les usages de ces instruments en situation. Elle a notamment distingué un usage prédictif, peu contesté, utilisé en amont des projets, d’un usage évaluatif orienté vers la surveillance de la nuisance, davantage vulnérable à la critique. Cette distinction a permis de mettre en évidence la tension qui existe entre le caractère attractif des représentations visuelles, le poids des incertitudes inhérentes à ce type de dispositifs techniques et le risque de contestation auquel ils font face lorsque confrontés à d’autres modes de qualification des états de l’environnement. Si ces dispositifs présentent une interface attrayante, qui suscite quasi intuitivement l’adhésion, ils sont aussi facilement sujets à des décalages cognitifs. La confiance dans ces objets techniques est constamment éprouvée en situation – ce malgré les efforts des scientifiques modélisateurs pour « valider » en amont les modèles. Ce constat invite à considérer ces situations d’usage non seulement comme des moments de performation de la réalité environnementale, mais aussi comme des épreuves au sein desquelles le sentiment d’adhésion des acteurs à ce dispositif se construit et se reconstruit à chaque mise en pratique. Il place les usagers en position d’acteurs essentiels dans la validation pratique des modèles.

32Lahsen (2005) a montré que le rapport à l’empirie, la confrontation directe entre les résultats issus des modèles mathématiques et les données de terrain procurent chez les utilisateurs des logiciels une connaissance plus fine des modèles que leurs concepteurs. Cette idée s’inscrit en contrepoint de la vision classique selon laquelle les producteurs du savoir scientifique seraient les mieux placés pour exercer un regard critique et réflexif sur les instruments qu’ils mettent au point [18]. Il serait beaucoup plus difficile pour des utilisateurs de se familiariser avec la cuisine interne de l’instrumentation (formules mathématiques, algorithmes, conditions de paramétrage) et de produire des propositions argumentées susceptibles d’affiner les modèles. Selon Lahsen, au contraire, la confrontation entre la conception des modèles et leur utilisation dans la pratique met à l’épreuve les modélisations et engage des processus cognitifs. Dans le même ordre d’idées, Yearley a montré que la mise en présence des modèles et des savoirs locaux permet de clarifier les limites heuristiques du modèle (ce que le modèle ne sait pas), de préciser les hypothèses sociales et politiques sous-jacentes à certains paramétrages (Yearley, 2000), et d’améliorer la qualité des modèles et de leurs données de sortie (Yearley, 2006). Le cas des modèles de dispersion d’odeurs montre toutefois que cette mise à l’épreuve n’aboutit pas nécessairement à des processus réflexifs capables de modifier, amender, affiner l’instrumentation scientifique. En l’absence d’interaction entre les concepteurs de ces modèles et leurs utilisateurs, aucune boucle de savoir n’est véritablement en mesure de se produire. Le passage du monde de la conception à celui des praticiens fait perdre aux modèles la capacité à incarner une fonction épistémique, à faire émerger des questionnements venant interroger les fondements théoriques. Le travail d’amélioration du paramétrage est inexistant, non pas parce que cette activité est considérée comme peu gratifiante et insuffisamment valorisable sur le plan académique (Guillemot, 2017), mais plutôt parce que ces experts utilisateurs sont tout simplement déconnectés du monde académique et n’ont aucun intérêt professionnel à perfectionner ces outils. Loin d’être spécialisés dans la modélisation informatique, ils sont étrangers au travail des modélisateurs à proprement parler et sont animés par une « culture de la simulation » (Sundberg, 2010) dans laquelle les modèles sont utilisés « en surface », pour leurs résultats, dans le cadre de prestations marchandes. Les utilisateurs sont incapables de transformer le paramétrage et se servent de ces logiciels comme de boîtes noires génératrices de représentations visuelles cartographiques. Cette culture de la simulation centrée sur les résultats (aux dépens des équations qui en composent l’architecture) n’est donc pas seulement identifiable parmi les concepteurs des modèles (comme l’a montré Sundberg), elle se situe également au niveau de leurs usagers. Elle est centrée à la fois sur l’importance accordée aux représentations visuelles comme mode d’objectivité, l’absence d’investissement des structures mathématiques (qui leur serait trop coûteux), et aussi sur des logiques professionnelles orientées vers la prestation de services et la nécessité de se positionner sur un marché compétitif de l’expertise.

33Cette culture de la simulation donne lieu toutefois à des configurations d’usage différenciées selon que les modèles servent à prédire la nuisance ou à l’évaluer. En situation de prédiction, les dispersions sont utilisées comme des instruments étendards dont la crédibilité est difficilement ébranlable. Cet usage, qui donne la primauté aux représentations visuelles, ne dépend pas uniquement des stratégies marchandes et commerciales développées par les bureaux d’études qui vendent les modèles. Il est aussi lié à l’absence d’alternatives disponibles pour prévoir l’impact odorant des usines et l’absence de mise à l’épreuve sensorielle possible des projets d’usine sur les territoires. Cette impossibilité de saisir de manière sensorielle la nuisance a pour effet de renforcer l’autorité scientifique, technique et réglementaire de l’instrument.

34À l’inverse, en situation d’évaluation, les riverains ont plus de prise sur l’impact concret de l’usine sur leur cadre de vie et peuvent plus aisément comparer les résultats de la modélisation avec leurs propres savoirs expérientiels. Les modèles sont par conséquent plus facilement discutés et remis en cause. Ils sont davantage marqués par des dynamiques de retrait que par l’affirmation d’une vérité immuable. La situation de déconnexion entre les concepteurs des modèles et leurs usagers sur le terrain rend en effet incertain leur usage en situation évaluative. D’une part, il apparaît bien difficile de lutter contre l’effet boîte noire en instaurant davantage de transparence. L’idée d’élargir la composition des « communautés de croyance » dans les modèles, comme l’ont suggéré Jasanoff et Wynne (1998), en explicitant leurs mécanismes internes pour leur redonner de la légitimité, est bien difficile car les praticiens utilisateurs ne sont, eux-mêmes, pas toujours très à l’aise avec les modèles qu’ils utilisent. Le risque est de susciter des formes de critiques non pas réfléchies et constructives, comme le préconise Nicolas Bouleau (Bouleau, 2014), mais davantage catégoriques et expéditives, discréditant l’outil sans lui donner de chance de trouver une utilité. D’autre part, les modèles de dispersion peinent, en situation d’usage évaluatif, à faire autorité ; bien que bénéficiant d’une certaine légitimité institutionnelle et réglementaire, ils sont rarement utilisés seuls pour justifier les décisions publiques et procéder à des arbitrages. Ils sont davantage marqués par une propension à s’effacer devant la nécessité de mettre en avant des modes de saisie plus sensoriels de la nuisance.

35Ces situations d’usage, où les modèles informatiques sont considérés comme inopérants pour décrire un phénomène avec précision mais utilisés malgré tout, font écho aux modèles gaussiens utilisés dans le monde de la finance étudiés par MacKenzie et Spears (2014). Bien que ces modèles gaussiens aient été jugés inadéquats, ils sont restés utilisés tant le coût organisationnel de leur abandon était élevé. Pour expliquer la persistance de cet usage dans les pratiques, MacKenzie et Spears soutiennent que l’utilisation de ces modèles est intégrée dans une culture du « no-arbitrage modelling » qu’ils définissent comme un ensemble de « pratiques, de préférences, de formes de communication linguistique et non linguistique et de croyances », considérés comme inadaptés mais utilisés malgré tout, faute de mieux (MacKenzie et Spears, 2014, p. 8). Le parallèle avec les modèles de dispersion des odeurs est surprenant. Ceux-ci sont utilisés systématiquement dans la plupart des implantations industrielles susceptibles de provoquer des nuisances odorantes et sont considérés comme l’outil d’application par excellence de la réglementation ; leur présence dans les pratiques et leur inscription dans la réglementation leur confèrent une légitimité d’usage, alors même que leur mobilisation sur le terrain s’avère problématique. Mais le parallèle avec les modèles financiers gaussiens s’arrête là. Si les modèles de dispersion des odeurs n’ont pas été remplacés, « faute de mieux », leur usage persiste de par l’absence de solutions alternatives en situations prédictives et leur contribution à une écologie cognitive « multi-référentielle » en situation évaluative. Ils participent à un effort de multiplication des références où les modèles coexistent avec d’autres modes de qualification de l’environnement destinés à parfaire, contredire, infléchir l’image cartographiée de la nuisance.

36La légitimité de ces modèles ne provient donc pas uniquement d’une forme d’institutionnalisation historique de ces outils gravée dans un cadre réglementaire contraignant (Skocpol, 1979 ; Steinmo, Thelen et Longstreth, 1992). Elle réside dans une certaine opérativité de ces outils en situation. En contexte d’usage prédictif, ces modèles jouissent d’une aura technique et institutionnelle qui tient à la fois du pouvoir de séduction conféré par cette représentation quantifiée de la réalité environnementale (Porter, 1994), de la légitimité réglementaire de l’outil, et de la force des relais communicationnels. Pour les usages évaluatifs, leur opérativité provient de leur contribution à une appréhension multi-référentielle de la situation odorante. La modélisation des odeurs n’incarne pas, aux yeux des acteurs, un instrument idéal et idéel d’application de la réglementation, mais plutôt un outil parmi un ensemble possible de modes de qualification de la nuisance odorante. Elle participe d’une écologie cognitive (Hutchins, 2010) qui a pour effet de faire exister institutionnellement la nuisance. La participation des outils de modélisation à cet effort de qualification multiple de l’environnement odorant réside dans la capacité de leurs utilisateurs à en faire un usage modéré et prudent.

Remerciements

Je tiens à remercier Sara Fernandez et Rémi Barbier ainsi que les relecteurs anonymes de la Revue d’anthropologie des connaissances, pour leurs relectures, commentaires, suggestions qui ont permis d’améliorer substantiellement cet article.

Références bibliographiques

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  • Akrich, M. (1990). De la sociologie des techniques à une sociologie des usages. Techniques et culture, 16, 83-110.
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Mots-clés éditeurs : écologie cognitive, modélisation, modèles de dispersion, gestion de l’environnement, nuisances odorantes

Date de mise en ligne : 12/03/2018

https://doi.org/10.3917/rac.038.0001

Notes

  • [1]
    Les « epistemic lifestyles » (Shackley, 2001) décrivent les différentes attitudes des modélisateurs vis-à-vis des activités de paramétrage de leurs modèles.
  • [2]
    Cette expression est empruntée à Knorr-Cetina (2001) qui définit ces objets par leur incomplétude et leur capacité à se transformer pour engendrer de nouvelles formes de connaissances. Les modèles ne sont pas de simples objets techniques destinés à être utilisés pour répondre à des questions précises mais relèvent de véritables objets modulables permettant d’engendrer de nouveaux questionnements cognitifs.
  • [3]
    Ces experts sont désignés, dans le texte, par les termes de « praticiens », d’« utilisateurs », d’« experts praticiens », de « praticiens utilisateurs », d’« experts odeur ».
  • [4]
    Ces deux installations ont en commun l’utilisation successive de procédés de méthanisation des déchets puis de compostage des « disgestats » issus de la digestion anaérobie.
  • [5]
    L’olfactométrie est une technique relativement ancienne (Philpott, Bennett et Murty, 2008) permettant de mesurer des concentrations d’odeur à partir d’échantillons d’air prélevés dans l’environnement. La concentration d’odeur est déterminée suite à une série de dilutions ; elle correspond au seuil à partir duquel 50 % des personnes à qui l’on présente ces dilutions (souvent en laboratoire) ne perçoivent plus l’odeur.
  • [6]
    Pour une présentation synthétique des différents modèles, cf. par exemple Pourtier, Deiber et Piet (2007) ou Capelli, Sironi, Del Rosso et Guillot (2013). Notons qu’il existe une quatrième famille de modèles, les « Computational Fluid Dynamics » (CFD) qui font appel à la résolution d’équations de mécanique des fluides encore plus complexes.
  • [7]
    Il s’agit en particulier de l’« Arrêté du 12 février 2003 relatif aux prescriptions applicables aux installations classées soumises à autorisation sous la rubrique 2730 traitement de sous-produits d’origine animale, y compris débris, issues et cadavres, à l’exclusion des activités visées par d’autres rubriques de la nomenclature, des établissements de diagnostic, de recherche et d’enseignement » (plus connu sous le nom d’« arrêté équarrissage »), ou encore de l’« Arrêté du 12 juillet 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de compostage soumises à déclaration sous la rubrique n° 2780 » (plus connu sous le nom d’« arrêté compostage »).
  • [8]
    Pour les installations de compostage et de méthanisation des déchets ménagers (s’appliquant aux deux installations étudiées), la réglementation sur les installations classées prévoit que « la concentration d’odeur imputable à l’installation telle qu’elle est évaluée […] dans un rayon de 3000 mètres des limites clôturées de l’installation ne doit pas dépasser la limite de 5 uoE /m3 plus de 175 heures par an, soit une fréquence de dépassement de 2 % » (cf. l’arrêté du 12 juillet 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de compostage soumises à déclaration sous la rubrique n° 2780).
  • [9]
    Cf. Arrêté « équarrissage » du 12 février 2003.
  • [10]
    Il s’agit, par exemple, des modèles gaussiens AERMOD ou ADSM. Notons toutefois que le modèle lagrangien CALPUFF est également fréquemment utilisé (Capelli, Sironi, Del Rosso et al., 2013).
  • [11]
    Par opposition, les modélisateurs astrophysiciens (qui, eux, modélisent l’univers) sont plus ouverts aux valeurs extrêmes et présentent plus volontiers les formules mathématiques dans leurs démonstrations. Ces modélisateurs ont une culture professionnelle davantage axée sur les pratiques de calcul (Sundberg, 2010).
  • [12]
    Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. Le CODERST est un organe composé de représentants des services de l’État, des collectivités territoriales, d’acteurs professionnels et associatifs et d’experts, qui donnent un avis consultatif aux autorités préfectorales.
  • [13]
    Cf. « Débat ‘’Midi Libre’’. Faut-il avoir peur de la méthanisation ? », Midi Libre, 14 octobre 2006, p. 3.
  • [14]
    Le Parisien, « Romainville n’aura pas d’usine de méthanisation », 4 février 2015.
  • [15]
    Un jury de nez riverain est un dispositif perceptuel participatif qui vise à qualifier l’état odorant d’un environnement affecté par une pollution olfactive en mobilisant un ensemble de résidents volontaires formés à la reconnaissance des odeurs (Daniel, 2018, 2015 ; Charvolin et al., 2015 ; Rémy et Estades, 2007).
  • [16]
    Expert praticien E26.
  • [17]
    Expert praticien E26.
  • [18]
    Lahsen s’oppose en cela à Collins (Collins, 1992 [1985]) selon qui la distance à la technologie crée de l’enchantement, et à Mac Kenzie (MacKenzie, 1993 [1990]) pour qui le niveau de confiance dans une technologie est faible chez les pairs spécialisés dans le domaine et important chez les institutions qui les utilisent.

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