Notes
-
[1]
Angus Maddison, L’économie mondiale 1820-1992. Analyse et statistiques, Paris, OCDE, 1995, p. 20.
-
[2]
Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse. La dynamique d’un petit pays européen 1875-1939, Genève, Passé Présent, 1998, vol. 1, p. 130.
-
[3]
Jürg Mutzner, Approvisionnement de la Suisse en électricité. Évolution et structure, Soleure, Vogt-Schild, 1995, p. 8.
-
[4]
Thomas P.Hughes, Networks of Power. Électrification of Western society, 1880-1930, Baltimore, John Hopkins University Press, 1983, 488 p. ainsi que Paul Israel, Edison : a life of invention, New-York, J.Wiley, 1998, 560 p.
-
[5]
Monique Savoy, Lumières sur la ville. Introduction et promotion de l’électricité en Suisse. L’éclairage lausannois 1881-1921, Histoire et société contemporaines, 8, Lausanne, 1987.
-
[6]
Doron Allalouf, Genève à la fin du XIXe siècle. Emploi de nouvelles formes d’énergie et industrialisation, Mémoire d’histoire économique, Genève, novembre 1991.
-
[7]
Cinquantenaire de la Société romande d’électricité 1904-1954, Montreux-Clarens, 1954. Liliane Desponds, Evelyne Lüthi-Graf, « Le tramway Vevey-Montreux-Chillon », in Revue historique vaudoise, tome 112, 2004, pp. 87-102.
-
[8]
En l’absence d’une statistique officielle, chiffres tirés de Schweizerische Bauzeitung, 1891/10, pp. 58-60.
-
[9]
Les informations biographiques utilisées plus loin ont été rassemblées par Matthieu Leimgruber, Dominique Dirlewanger et Marc Gigase, assistants à l’Université de Lausanne. Qu’ils soient ici remerciés.
-
[10]
Monique Savoy, Lumières sur la ville… op. cit., pp. 23-24.
-
[11]
Société genevoise d’instruments de physique 1862-1962, Genève, 1962.
-
[12]
Isaac Benguigui, Sécheron. Cent ans d’électrotechnique, Genève, Slatkine, 1995.
-
[13]
1883 : dynamo hexapolaire système Thury ; 1884 : transport de courant continu sur 1 200 mètres à Bienne ; 1888 : premier funiculaire électrique suisse au Bürgenstock ; 1890 : système « série » de transport de courant continu ; 1892 : chemin de fer à crémaillère électrique au Salève ; Aymon de Mestral, « René Thury 1860-1938 », in Pionniers suisses de l’économie et de la technique, 4, 1958, pp. 49-67.
-
[14]
De 1883 à 1889, la Schweizerische Bauzeitung publia les demandes de brevets faites par des privés et des entreprises suisses à l’étranger.
-
[15]
Fondée en 1853, sur une base privée, l’École spéciale de Lausanne devint l’École spéciale de Suisse française (1864), puis la Faculté technique de l’Académie de Lausanne (1869), puis l’École d’ingénieurs de l’Université de Lausanne (1890) ; Centenaire de l’École polytechnique de l’Université de Lausanne 1853-1953, Lausanne, F. Rouge & Cie, 1953.
-
[16]
Pour une comparaison internationale, voir La naissance de l’ingénieur-électricien. Origines et développement des formations nationales électrotechniques, Actes du 3e colloque international de l’AHEF (Paris, 14-16 décembre 1994), textes réunis et édités par L.Badel, Paris, PUF, 1997, 563 p. et notamment Serge Paquier, « Une étude des relations entre hautes écoles techniques et performances d’un secteur industriel en Suisse (1880-1914) », pp. 249-272.
-
[17]
100 Jahre SIA 1837-1937. Festschrift zum hundertjährigen Bestehen des Vereins, Zürich, Orell Füssli, pp. 145-204.
-
[18]
Armand Bruhlhart, Ingénieurs et architectes de Genève. Histoire de la SIA genevoise de sa fondation à nos jours, Genève, Roulet & Cie, 1987.
-
[19]
Serge Paquier et Jean-Pierre Williot (dir.), L’industrie du gaz en Europe au XIXe et XXe siècles. L’innovation entre marchés privés et collectivités publiques, Bruxelles, P.I.E.-Peter Lang, 2005, 603 p.
-
[20]
Jean-Claude Mayor, Lumière — Chaleur — Energie. Les dons du gaz. 150 ans de gaz à Genève, Genève, SIG, 1994, pp. 71-80.
-
[21]
Daniel Groux, Claude-Alain Giriens, Albin Favez, « L’épopée du premier tram électrique de Suisse », L’étincelle, 126, juin 1988.
-
[22]
Dominique Dirlewanger, Les Services industriels de Lausanne. La révolution industrielle d’une ville tertiaire (1896-1901), Lausanne, Antipodes, 1998, 178 p.
-
[23]
« La lumière électrique à l’hôpital cantonal », Bulletin de la Société vaudoise des ingénieurs et architectes, 1883/1, p. 11.
-
[24]
Roger Chavannes, « Éclairage électrique du Grand Théâtre de Genève », in Bulletin de la Société vaudoise des ingénieurs et architectes, 1889/4+5, pp. 161-163 et pp. 170-172.
-
[25]
Ibidem, p. 172.
-
[26]
V. Wietlisbach, « Ueber die neuere Gestaltung der electrischen Beleuchtung und der Kraftübertragung in der Praxis », Schweizerische Bauzeitung, 1887/7, pp. 42-43.
-
[27]
La filière lémanique était représentée par les industriels Sautter et de Meuron, Aguet et Dupraz de la SEVM, Raoux et Boucher de la SSE et Palaz, le futur professeur d’électricité de l’École d’ingénieurs de l’Université de Lausanne ; Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse… op. cit., pp. 562-566.
-
[28]
Schweizerische Bauzeitung, 1889/22, pp. 130-132.
-
[29]
Schweizerische Bauzeitung, 1886/24, p. 151.
-
[30]
Daniel Marek, Kohle : die Industrialisierung der Schweiz aus der Energieperspektive 1850-1900, Thèse de doctorat, Berne, 1992.
-
[31]
Kaufmännische Gesellschaft Zürich, Bericht über Handel und Industrie für das Jahr 1882, Zurich, 1883, cité in Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse... op. cit., p. 421.
-
[32]
Serge Paquier, « Logiques privées et publiques dans le développement des réseaux d’énergie en Suisse du milieu du XIXe siècle aux années Vingt », in S.Petitet, D.Varaschin (ed), Intérêts publics et initiatives privées. Initiatives publiques et intérêts privés. Travaux et Services publics en perspectives, Vaulx-en-Velin, ENTPE, 1999, pp. 251-262.
-
[33]
Anthelme Boucher, « L’éclairage électrique de la ville de Genève », Schweizerische Bauzeitung, 1888/19, pp. 120-123.
-
[34]
Serge Paquier, « Un facteur d’explication de l’électrification rapide de la Suisse : l’expérience acquise en matière d’hydromécanique au XIXe siècle », in Bulletin d’histoire de l’électricité, n° 16, décembre 1990, pp. 25-36. Daniel L. Vischer, « Wasserbau und Elektrifizierung », in David Gugerli (Hg.), Allmächtige Zauberin unserer Zeit. Zur Geschichte der elektrischen Energie in der Schweiz, Zürich, Chronos, 1994, pp. 117-130.
-
[35]
François Piguet, L’industrialisation de Genève au XIXe siècle : l’eau motrice, une forme originale de transmission de l’énergie, mémoire d’histoire économique, Genève, juillet 1977.
-
[36]
Jean Paillard, Roger Kaller, Gaston Fornerod, La Compagnie du chemin de fer Lausanne-Ouchy. Epopée lausannoise, Lausanne, BVA, 1987.
-
[37]
La force motrice hydraulique était vendue 100 francs suisses/CV/année aux clients consommant plus de 500 CV ; Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse… op. cit., p. 381. L’énergie primaire nécessaire à une machine à vapeur de 400 CV (combustible, main-d’œuvre et assurances) coûtait alors 160 FS/CV/année à Genève ; Bulletin de la Société vaudoise des ingénieurs et architectes, 1887/3, p. 24 ; il faudrait encore tenir compte des frais de première installation qui étaient vraisemblablement inférieurs pour la solution hydraulique.
-
[38]
« Éclairage électrique du Grand-Théâtre de Genève », Bulletin de la Société vaudoise des ingénieurs et architectes, 1888/8, pp. 126-127.
-
[39]
Le mètre cube d’eau motrice était vendu 4,2 cts à basse pression et 2 cts à haute pression, alors que l’eau ménagère coûtait 8,7 cts. Doron Allalouf, Genève à la fin du XIXe siècle… op. cit., pp. 88-90. La société privée lausannoise demandait 5 cts pour la force motrice.
-
[40]
David Gugerli, Redeströme. Zur Elektifizierung der Schweiz 1880-1914, Zürich, Chronos, 1996.
-
[41]
François Piguet, L’industrialisation de Genève… op. cit., p. 59 ; Doron Allalouf, Genève à la fin du XIXe siècle… op. cit., pp. 25-26 ; Monique Savoy, Lumières sur la ville… op. cit., pp. 6-7.
-
[42]
En l’absence d’une biographie critique récente, les informations sont tirées de différents ouvrages déjà cités, de quelques hagiographies du personnage et de la notice d’Erich Gruner, L’Assemblée fédérale suisse 1848-1914, Berne, Francke, 1966, vol. 1, pp. 971-972.
-
[43]
Sur la perception de l’éclairage électrique, Monique Savoy, Lumières sur la ville… op. cit., pp. 49-93.
-
[44]
Roland Flückiger-Seiler, Hotel Paläste. Zwischen Traum und Wirklichkeit. Schweizer Tourismus und Hotelbau 1830-1920, Baden, Hier + Jetzt, Verlag für Kultur und Geschichte, 2003, p. 107.
-
[45]
Le terme est repris de Laurent Tissot, « Hôtels, pensions, pensionnats et cliniques : fondements pour une histoire de l’« industrie des étrangers » à Lausanne, 1850-1920 », in Brigitte Studer, Laurent Tissot (dir.), Le passé du présent. Mélanges offerts à André Lasserre, Lausanne, Payot, pp. 69-87.
-
[46]
Alain Beltran et Patrice Carré, La fée et la servante. La société française face à l’électricité. XIXe-XXe siècle, Paris, Belin, 1991, 350 p.
-
[47]
Cité in Roland Flückiger-Seiler, Hotel Paläste… op. cit., p. 94.
-
[48]
Laurent Tissot, Naissance d’une industrie touristique. Les Anglais et la Suisse au XIXe siècle, Lausanne, Payot, 2000. Roland Flückiger-Seiler, Schweizer Tourismus und Hotelbau 1830-1920. Hotelträume zwischen Gletschern und Palmen, Baden, Hier + Jetzt Verlag für Kultur und Geschichte, 2001.
-
[49]
Heiner Ritzmann-Blickenstorfer (éd.), Statistique historique suisse, Zurich, Chronos, pp. 740-741.
-
[50]
Patricia Dupont et Sabine Frey, « Un paradis encadré ». La fonction du tourisme à Vevey et à Montreux 1880-1914, Mémoire de licence, Université de Lausanne, octobre 1989, annexe II.
-
[51]
Schweizerische Bauzeitung, 1891/10, pp. 58-60
-
[52]
Denis Varaschin, « Centrales hydrauliques du Haut-Rhône français : de quelques savoir-faire suisses en France (des années 1870 à 1946) », Annales historiques de l’électricité, n° 1, juin 2003, p. 17-35.
-
[53]
Patricia Dupont et Sabine Frey, « Un paradis encadré »… op. cit., pp. 137-139.
-
[54]
Jacques Gubler, « Genève hydraulique », Nos monuments d’art et d’histoire, 1976/2, pp. 178-187.
1La Suisse est l’un des pays à avoir le mieux négocié la seconde révolution industrielle de la fin du XIXe siècle. En 1913, l’économie helvétique se trouvait à la seconde place européenne en matière de PIB/habitant [1]. Ce succès fut en partie le résultat des performances de son industrie hydroélectrique. Dès les années 1890, les entreprises suisses d’électrotechnique s’illustrèrent en étant à la pointe de l’innovation dans certains créneaux technologiques, en particulier le transport de courant. Les fabricants de turbines hydrauliques réussirent même à battre l’industrie américaine sur son propre terrain en équipant l’usine des chutes du Niagara. En 1902, les installations électriques helvétiques produisaient 81,3 kWh par habitant, ce qui faisait de la Suisse le leader mondial [2]. Comment expliquer cet épanouissement qui contraste avec le développement hésitant de la nouvelle énergie dans les grands pays industrialisés que sont la Grande-Bretagne et la France ? Le moteur de cette évolution fut indéniablement l’éclairage électrique, puisqu’il absorbait plus de 80 % de la production suisse durant les années 1880 [3]. La région lémanique possédait plusieurs atouts qui lui permirent de réussir un transfert rapide de cette nouvelle technologie et de devenir l’un des trois pôles, avec Zurich et Bâle, de l’industrie électrotechnique helvétique. La demande sociale engendrée par le développement de l’industrie touristique régionale a contribué de manière importante à la première phase de diffusion.
Un transfert de technologie rapide en comparaison nationale et internationale
2 En 1879, l’Américain Thomas A. Edison bouleversa le petit monde de l’électricité en mettant au point un vaste dispositif entrepreneurial permettant de vendre la lampe à incandescence. Cette innovation technologique constituait la pierre d’angle d’un concept d’éclairage plus large fondé sur la distribution de courant électrique continu à partir d’une centrale [4]. Après son triomphe à l’Exposition internationale de l’électricité à Paris, le réseau d’Edison reçut ses premières applications à Londres (1881) et New York (1882). Sur le continent, la petite ville de Lausanne fut parmi les toutes premières à accueillir une centrale alimentant un réseau de lampes à incandescence. Mise en activité en avril 1882, l’installation de la Société suisse d’électricité (SSE) était certes bien modeste : une dynamo Gramme de 20 CV alimentait quelques dizaines de lampes dans les magasins, restaurants et hôtels du centre de la ville. Elle se distinguait cependant en utilisant non pas de l’énergie thermique, mais hydraulique [5]. Genève ne tarda pas à emboîter le pas à Lausanne [6]. Fondée en 1883, la Société d’appareillage électrique (SAE) obtint un contrat d’exclusivité sur la diffusion des produits Edison en Suisse. Hormis l’installation de systèmes d’éclairage électrique privés, la société exploita, dès 1888, une centrale équipée de six dynamos hexapolaires système Thury, de 100 CV chacune, permettant d’alimenter un vaste réseau d’éclairage. Le troisième pôle de l’arc lémanique, constitué des petites villes de Vevey et Montreux, faisait aussi preuve d’un dynamisme étonnant [7]. Fondée en 1886, la Société électrique Vevey-Montreux (SEVM) construisit la centrale de Taulan qui permettait non seulement d’éclairer les deux agglomérations, mais également, et ce dès l’été 1888, d’alimenter le premier tramway électrique de Suisse (Vevey-Montreux-Chillon). La transmission de courant, qui s’étendait sur 17 km, fut parmi les premières de Suisse à utiliser l’alternatif.
3 En 1890, les trois centrales de la région lémanique alimentaient un nombre considérable de lampes à incandescence, la SAE de Genève en comptabilisant 6800 à elle-seule, soit 10 % du parc suisse [8]. Les dix-huit centrales répertoriées alors sur sol helvétique n’alimentaient toutefois que 34 % des lampes car les installations d’éclairage privées dominaient encore largement le marché. En appliquant ce ratio aux trois pôles lémaniques, ceux-ci possédaient près de 40 % du parc suisse, tandis qu’ils n’hébergeaient que 3,4 % de la population (donnée de 1888). Même si la part réelle de l’arc lémanique est probablement surestimée dans ce calcul, le nombre de lampes par habitant était de loin supérieur à la moyenne suisse. Tentons de comprendre les raisons de ce rôle pionnier.
Un savoir-faire technologique préexistant : tissu industriel et réseaux d’ingénieurs
4 L’image que l’historiographie économique suisse donne de l’arc lémanique à la fin du XIXe siècle est celle d’une région industriellement sous-développée ne parvenant pas à suivre le rythme du triangle d’or alémanique (Bâle, Zurich, St-Gall). Il est vrai qu’en ratant le virage de la mécanisation du textile durant la première moitié du XIXe siècle, la Suisse romande s’est privée de ses effets d’entraînement, notamment dans les branches de la chimie et de la mécanique. Il serait pourtant faux de croire que ce « retard » s’est traduit par un renoncement au développement technologique. Au contraire, dans les domaines de la mécanique de précision, des transports et de l’énergie, qui intéressaient l’industrie horlogère et le tourisme, alors les deux branches économiques dominantes de la région, l’arc lémanique constituait à bien des égards une région pionnière. Il faut par ailleurs souligner que dans les champs de l’hydraulique et des courants électriques faibles, le tissu industriel existant offrait un terrain d’accueil propice à la diffusion de l’éclairage électrique [9]. L’industrie hydraulique lémanique n’était certes pas aussi développée que celle de Suisse alémanique, mais les trois pôles régionaux abritaient tous au moins une entreprise capable de livrer les turbines nécessaires à des installations d’éclairage : Ateliers Benjamin Roy & Cie à Vevey, Weibel et Briquet & Cie puis Faesch et Piccard & Cie à Genève, Ateliers mécaniques du Vallon à Lausanne. Entrevoyant un débouché intéressant, ces entreprises n’ont pas uniquement apporté une réponse technologique adéquate aux besoins de la production d’électricité, elles ont aussi participé à sa promotion et à sa diffusion, à l’exemple de Jules Duvillard, le patron des ateliers lausannois, qui finançait les essais d’éclairage des promoteurs de la SSE [10]. L’arc lémanique fut également une pépinière d’entreprises actives dans le domaine des courants électriques faibles. Fondée par le grand théoricien de l’électricité Auguste de la Rive, la Société genevoise pour la construction d’instruments de physique (SIP) joua un rôle-clef dans l’émergence d’une industrie hydroélectrique régionale [11]. Son premier catalogue, publié en 1863, mentionnait déjà la fabrication de toute une gamme d’instruments électriques. Nommé directeur de la SIP, l’ingénieur Théodore Turrettini dynamisa l’entreprise et engagea le premier pionnier suisse des courants forts, Emil Bürgin, auteur d’un brevet améliorant le refroidissement de la dynamo de Gramme. Dès 1876, la fabrication de dynamos était ainsi amorcée et des essais d’éclairage furent réalisés. Après le départ de Bürgin, le flambeau fut repris par René Thury, le grand pionnier suisse des courants forts continus. En 1881, la SIP installa ainsi le premier système d’éclairage à incandescence privé répertorié en Suisse à la minoterie Gilamont de Vevey, avant de collaborer à la mise en service de la centrale de Lausanne. Dès 1882, une autre entreprise issue des courants faibles prit la tête de l’électrotechnique genevoise, A. de Meuron et Cuénod [12]. Après avoir dirigé un bureau d’ingénieurs spécialisé dans les pendules électriques, sonneries, interrupteurs, télégraphes et téléphones, Alfred de Meuron s’associa à Hermann Cuénod pour se lancer dans les courants forts. Grâce aux innovations de René Thury [13], engagé la même année, l’entreprise va occuper une position dominante au sein de l’électrotechnique suisse jusqu’au début des années 1890, période à laquelle la filière zurichoise prit le dessus. En 1887, la raison sociale de l’entreprise devint Cuénod, Sautter & Cie. Si Genève était, et de loin, le pôle lémanique le plus dynamique en matière d’électrotechnique, il ne faut cependant pas négliger la présence de plusieurs entrepreneurs et ingénieurs indépendants à Lausanne et Vevey-Montreux. Ainsi, pas moins de trois promoteurs de la SSE développèrent une activité de recherche dans le domaine des compteurs électriques, conduisant au dépôt de plusieurs brevets à l’étranger [14]. Il s’agit notamment de Jules Cauderay-Reymond, ancien télégraphiste qui dirigeait un atelier de recherche et d’installations électriques — sonneries d’hôtels, télégraphes, horloges et appareils médicaux. Son intérêt pour l’éclairage électrique fut précoce, puisqu’en 1879 déjà, il organisa une série de conférences de promotion de la nouvelle technologie.
5 Les entreprises industrielles et les petits ateliers ne furent pas les seuls agents de production et de diffusion du savoir-faire technologique électrique. Un second réseau, intimement connecté au premier, était constitué des ingénieurs issus de la Faculté technique de l’Académie de Lausanne [15]. Certes, la formation d’ingénieur-électricien ne fut introduite qu’en 1890, mais des notions d’électricité furent dispensées bien avant dans cet établissement [16]. A l’origine des filières électrotechniques genevoises et bâloises, Théodore Turrettini, Alfred de Meuron, Hermann Cuénod et Rudolf Alioth sont passés sur les bancs de l’école lausannoise. D’autres diplômés occupèrent des positions importantes au sein des sociétés électriques lémaniques. Léon Raoux, principal instigateur de la SSE, en fut aussi le directeur. Il collabora avec Anthelme Boucher, administrateur de la société, qui représentait Cuénod, Sautter & Cie à Paris. Henri Aguet, quant à lui, membre fondateur de la SEVM, construisit l’équipement de la centrale de Taulan et occupa un temps le poste de directeur technique de l’entreprise. Les réseaux associatifs créés ou fréquentés par les ingénieurs de la Faculté technique assumèrent deux fonctions importantes pour le transfert de technologie : la circulation de l’information technique et la défense des intérêts de la branche électrique dans la sphère politique. Sur le plan national, la Société suisse des ingénieurs et architectes (SSIA), fondée en 1837, gagna en efficacité après la réorganisation de 1877 [17]. Son organe de presse officiel, Die Eisenbahn, fut remplacé en 1883 par la Schweizerische Bauzeitung, une revue hebdomadaire en deux langues (français et allemand) traitant de l’actualité technique suisse et internationale. Des sections de la SSIA furent constituées à Genève (1851) et dans le canton de Vaud (1874). Alors que la première peinait à sortir de l’ombre de la « Classe d’industrie et de commerce de la Société des Arts » [18], la seconde se profilait, dès 1875, en publiant un bulletin qui devint l’outil de communication privilégié des ingénieurs romands. Par le jeu de l’échange, les membres de l’association purent aussi bénéficier d’un nombre important de publications techniques étrangères et être ainsi informés des dernières innovations technologiques. En 1877, une Association amicale des anciens élèves de l’école technique de Lausanne fut constituée sur le modèle de la société des anciens étudiants de l’École polytechnique fédérale de Zurich (1869). Sur le plan international, les ingénieurs lémaniques participèrent activement aux Congrès internationaux d’électriciens à Paris (1881 et 1889) et Francfort (1891). L’implantation de l’éclairage électrique dans l’arc lémanique a donc bénéficié d’un terreau d’entrepreneurs et d’ingénieurs dont le niveau de formation et la pratique assuraient le savoir-faire nécessaire au transfert de technologie.
Éclatement du verrou gazier et conditions-cadre d’installation des réseaux électriques
6 La mise en place de réseaux électriques touchant directement à la sphère publique, leurs promoteurs dépendaient de l’attitude des autorités politiques à l’égard de la nouvelle technologie. Les conditions d’exploitation définies dans les concessions pouvaient en effet influer sur la rentabilité des installations d’éclairage. Or, au début des années 1880, l’électricité se heurta partout au puissant lobby gazier, un concurrent qui craignait pour ses investissements et son monopole de l’éclairage public [19]. A Genève, la société du gaz était administrée par l’élite de la banque privée. Elle disposait d’une influence politique considérable, dont elle usa afin de bloquer la demande de concession pour l’électricité déposée en mai 1883 par la SAE [20]. Finalement accordée en 1887, l’autorisation fut attaquée en justice par les milieux du gaz, finalement déboutés. A Vevey, la société du gaz s’allia aux milieux financiers afin de priver la SEVM des importants capitaux dont elle avait besoin pour construire le réseau d’éclairage (650 000,00 F) et le tramway (500 000,00 F) [21]. Après de vaines démarches sur les places financières européennes, la situation fut débloquée grâce à l’arrivée d’Emile-Louis Roussy, administrateur de Nestlé, dont la stature économique rassurait les investisseurs. A Lausanne, enfin, le verrou gazier sauta plus rapidement, ce qui contribua à l’implantation précoce d’un réseau d’éclairage électrique [22].
7 Une fois l’opposition du gaz vaincue, les sociétés d’électricité lémaniques ont bénéficié d’une attitude plutôt conciliante de la part des autorités. Dans la phase cruciale de démarrage, l’éclairage de bâtiments publics représentait un marché appréciable. Le 6 juillet 1882, la SSE et le Conseil d’État vaudois signaient une convention d’éclairage de l’hôpital cantonal. Les perspectives offertes par ce contrat, qui portait sur 230 lampes (32 % du parc de la SSE en 1892) [23], facilitait la capitalisation de la société réalisée dans le courant de la même année. A Genève, les débuts du réseau de la SAE, en 1888, furent marqués par l’illumination du Grand-Théâtre. Suite à l’incendie de l’Opéra Comique de Paris, le 25 mai 1887, l’administration décida en effet d’installer 2 500 lampes à incandescence (37 % du parc de la SAE en 1890) [24]. Au-delà des profits obtenus sur l’alimentation des lampes, limités il est vrai par le tarif préférentiel accordé à la municipalité, la société réalisait une opération publicitaire extraordinaire. Les collectivités publiques facilitaient par ailleurs le développement des sociétés électriques en leur offrant des conditions-cadre d’installation des réseaux avantageuses. Commentant les normes de sécurité imposées lors de l’illumination du Grand Théâtre de Genève, un ingénieur les jugeait moins contraignantes que dans d’autres villes : « (…) à cet égard il est heureux que les règlements pédantesques de certaines administrations n’aient pas été appliqués. Sans parler de Paris, de la commission théâtrale ou des règlements municipaux, il n’est pas besoin d’aller loin de Genève pour trouver un gouvernement local qui a interdit de dissimuler les conducteurs électriques sous des boiseries, tapisserie, plâtre et plancher !!! » [25] Durant la phase de démarrage de l’électricité, les pionniers accordèrent une importance toute particulière à la question de la pose des fils de transmission [26]. Or, des considérations esthétiques — camouflage des fils — et culturelles — crainte des transmissions à haute tension, peur des incendies — poussèrent certaines autorités à édicter des réglementations qui freinèrent la diffusion de la nouvelle technologie. En novembre 1888, la Confédération intervint pour la première fois dans ce domaine. Un projet de loi du Conseil fédéral tendant à protéger les installations de la régie des télégraphes et des téléphones contre les dommages causés par les lignes à courant fort fut déposé. Il était envisagé de contraindre les sociétés électriques à enterrer leurs lignes et même à payer d’éventuels dégâts. La réaction des milieux concernés fut immédiate. Le 24 avril 1889, l’« Association suisse des électriciens » fut constituée avec le concours massif des milieux lémaniques [27]. Les démarches effectuées auprès des autorités furent appuyées par la SSIA, qui proposa même un contre-projet [28]. La loi ne fut finalement adoptée qu’en 1902, dans une version beaucoup plus favorable aux électriciens. En matière de protection des inventions, l’absence de législation fédérale avant 1888, permettait aux entreprises suisses de copier impunément et sans frais des innovations étrangères, ce qui facilitait les transferts de technologie. Ce vide législatif fut toutefois combattu par les associations d’ingénieurs qui y voyaient un frein à l’innovation et une source d’exclusion sur le plan international. Les entreprises étrangères considéraient en effet les ingénieurs suisses comme des profiteurs — 270 brevets déposés à l’étranger par des ingénieurs domiciliés en Suisse en 1885 — et, plus grave encore, comme des espions industriels potentiels [29].
8 Pourquoi les autorités suisses ont-elles adopté une attitude aussi bienveillante à l’égard de l’électricité ? Deux éléments explicatifs, parmi d’autres, peuvent être retenus : la « culture énergétique » des autorités et le poids politique des sociétés électriques. Au début des années 1880, la Suisse se trouvait en pleine révolution énergétique [30]. Avec la connexion au réseau de chemin de fer international, réalisée au milieu des années 1850, l’énergie primaire locale (bois, tourbe et eau), qui représentait encore 97 % des besoins en 1851, fut rapidement supplantée par les importations de charbon étranger (78 % de la consommation en 1910). L’approvisionnement de l’économie suisse était donc à la merci de perturbations internationales, comme venait de le démontrer la pénurie subie durant le conflit franco-prussien de 1870/71. Cette dépendance inquiétait les dirigeants économiques et politiques qui accueillirent donc l’hydroélectricité avec enthousiasme. Publié en 1883, un rapport de la section directrice de l’Union Suisse du commerce et de l’industrie (USCI), centre de gravité de l’organisation patronale suisse, explicitait bien les espoirs placés dans la nouvelle énergie : « Les progrès fantastiques de la technique électrique donnent une nouvelle valeur à un pays comme le nôtre qui, en vertu de sa situation géographique et de ses ressources naturelles, dispose d’énormes ressources hydrauliques, lesquelles avec les moyens connus ne peuvent pas, ou peu, être exploitées. La Suisse trouve là une compensation à la faiblesse de ses ressources naturelles et plus particulièrement au manque absolu de minerai de charbon ». [31] Avec la montée des nationalismes, l’électricité fut de plus en plus identifiée à l’indépendance énergétique du pays, ce qui fit d’elle une valeur à part entière de la culture politique suisse [32]. Les sociétés électriques lémaniques purent dès lors jouer sur cet horizon d’attentes pour défendre leurs intérêts au sein du champ politique, où elles disposaient de l’appui de quelques personnalités de premier plan. A Lausanne, la SSE était présidée par Félix Conod, directeur de la Banque d’Escompte et de Dépôts et délégué du patronat vaudois au comité central de l’USCI. Au cours des années 1890, la SSE s’assura aussi les services d’Ernest Chuard, futur Conseiller fédéral. A Vevey, la SEVM était présidée par Emile-Louis Roussy, administrateur puis président de Nestlé, qui siégeait au Conseil communal de Vevey et au Grand Conseil vaudois. A Montreux, l’administrateur de la SEVM, Emile Vuichoud, était président de la Banque de Montreux et actionnaire d’une série impressionnante d’entreprises touristiques. Il fut aussi syndic (maire) du Châtelard, député au Grand Conseil et Conseiller national. A Genève enfin, la SAE bénéficia du soutien du futur Conseiller national Théodore Turrettini. En raison de son mandat au sein de l’exécutif de la ville, ce dernier abandonna la présidence de la société à un de ses amis, l’ingénieur Arthur Achard, député au Grand Conseil. Au tournant du siècle, l’influence politique du lobby hydroélectrique ne fit que croître, ce qui lui permit, notamment, de favoriser la municipalisation de la plupart des réseaux électriques urbains, une manière très efficace de soustraire une part importante du marché hydroélectrique suisse à la concurrence étrangère.
Les systèmes de distribution d’eau sous pression de Genève et Lausanne : un atout de première importance
9 « La ville de Genève possède depuis quelque temps une station centrale pour l’éclairage électrique. La Société d’Appareillage Électrique qui l’exploite a été favorisée par les belles forces motrices hydrauliques mises à sa disposition et elle en a fait un usage judicieux (…) » [33] Publié dans une revue d’ingénieurs de l’époque, ce commentaire soulignait le rôle de l’acquis technologique hydraulique dans le développement électrique genevois. Plusieurs historiens ayant déjà analysé cette filiation à l’échelon national [34], il s’agit ici d’expliciter comment les réseaux de distribution d’eau sous pression ont facilité l’implantation de l’éclairage électrique. En 1868, la mise au point du moteur hydraulique Schmid permit à la municipalité de Zurich d’inaugurer un réseau de distribution d’eau sous pression, greffé sur le système d’adduction d’eau potable par pompage. Avec des coûts d’installation relativement modérés, tout industriel pouvait ainsi bénéficier d’une force motrice de 1 à 4 CV, et cela même sans être situé à proximité d’un cours d’eau. Dès 1872, la municipalité de Genève emboîtait le pas à Zurich [35]. Les moteurs hydrauliques, fabriqués sous licence, étaient installés sur le réseau par la SIP. En 1876, Lausanne bénéficia à son tour de ce type de force motrice [36]. La construction du réseau fut ici prise en charge par une société privée, la Compagnie du Lausanne-Ouchy et des eaux de Bret, qui se procurait ainsi la force de traction nécessaire à un funiculaire. En 1886, la municipalité genevoise mit en service une nouvelle centrale hydraulique à la Coulouvrenière, sous la direction de Théodore Turrettini. Un réseau de distribution d’eau à haute pression fut ajouté à l’ancien, ce qui permit d’entraîner une nouvelle génération de moteurs d’une puissance de 50 à 70 CV (turbine Faesch).
10 En quoi les réseaux d’eau sous pression ont-ils influencé l’implantation de l’éclairage électrique ? A Genève, cette technologie permit à la SAE de disposer d’une énergie primaire nettement meilleur marché que la solution thermique (avec un écart évalué à 60 %) [37]. Or, en 1888, l’énergie primaire représentait 36 % des frais annuels budgétisés pour illuminer le Grand Théâtre genevois [38]. Sans le réseau d’eau sous pression, l’éclairage de cet établissement aurait donc renchéri de plus de 20 %. Il faut préciser que les tarifs de la municipalité de Genève étaient particulièrement avantageux. Soucieuse d’encourager le développement de l’industrie, celle-ci vendait la force motrice hydraulique au prix de revient tout en dégageant des bénéfices sur l’eau ménagère [39]. A Lausanne, le tarif de l’eau motrice était certes un peu plus élevé, car la société privée qui la fournissait n’était pas disposée à casser les prix. La SSE bénéficia néanmoins d’une énergie primaire bon marché. Plus fondamentalement, les réseaux d’eau sous pression contribuèrent au développement de l’industrie hydroélectrique en apportant une solution au problème de la transmission du courant à longue distance. A sa naissance, le système Edison ne pouvait en effet fournir de l’électricité que dans un rayon de quelques centaines de mètres autour de la source d’énergie primaire. La rentabilisation d’une centrale électrique n’était assurée que dans une zone urbaine offrant une forte concentration de clients sur une surface limitée. Déjà très contraignante dans le cas d’une centrale thermique, cette condition l’était plus encore pour une centrale hydraulique, puisque la zone de consommation devait de surcroît se situer à proximité d’un cours d’eau. Poussés par la perspective d’exploiter des ressources hydrauliques abondantes et bon marché, les électriciens suisses ont certes fait œuvre de pionniers en matière de transport de courant, allongeant progressivement le rayon d’action des centrales hydroélectriques [40]. Cependant, le verrou n’éclata définitivement qu’en 1891, avec le transport de courant alternatif de Francfort (174 km) qui ouvrit l’ère des grandes usines hydroélectriques. Au cours des années 1880, les réseaux d’eau sous pression de Genève et Lausanne ont donc joué un rôle important dans le développement de l’éclairage électrique en amenant l’énergie primaire hydraulique à proximité du lieu à éclairer. Dès 1876, les pionniers de la nouvelle technologie utilisaient cette force motrice facilement mobilisable pour réaliser des démonstrations d’éclairage [41]. L’installation de systèmes d’éclairage privés fut également facilitée. Tout établissement connecté au réseau d’eau pouvait aisément installer une turbine Faesch et y accoupler une dynamo. L’achat, les frais d’entretien et les désagréments d’une machine à vapeur étaient ainsi évités. Enfin, l’eau sous pression a aussi constitué un atout pour les sociétés électriques de Lausanne et Genève. Elle leur a permis d’implanter des centrales de manière optimale, au centre d’un bassin à forte densité de consommateurs.
Les réseaux sociaux internationaux d’un constructeur de réseaux hors norme : Théodore Turrettini (1845-1916)
11 Un personnage apparaît au cœur des problématiques abordées, Théodore Turrettini [42]. Tour à tour directeur de la SIP, instigateur de la SAE, promoteur de l’usine hydraulique de la Coulouvrenière, ce constructeur de réseaux joua un rôle central dans le développement de la filière électrotechnique lémanique. A travers son parcours de formation émerge un aspect fondamental du transfert de technologie, les réseaux internationaux. Après avoir effectué une maturité littéraire à Lyon, Turrettini débuta ses études de technicien à l’Académie de Genève, avant d’obtenir le diplôme d’ingénieur de l’École spéciale de Suisse française à Lausanne ; il avait alors pour camarade de promotion Rudolf Alioth, le futur promoteur de la filière électrotechnique bâloise. Son diplôme en poche, Turrettini se rendit en Allemagne pour perfectionner sa maîtrise de la langue de Goethe, mais également ses connaissances mathématiques et techniques. Après un stage de mécanique à Francfort, il effectua un séjour de presque deux ans chez le leader de l’électrotechnique allemande Siemens & Halske, durant lequel il assista aux premiers développements de la dynamo Siemens. Promu directeur de la SIP, en 1870, Turrettini put bénéficier des réseaux internationaux liés à son employeur, le théoricien de l’électricité Auguste de la Rive. En 1880, il se rendit deux mois aux États-Unis pour rencontrer Edison et étudier son système d’éclairage. Les liens tissés alors permirent à la SAE d’obtenir le monopole de diffusion des produits Edison en Suisse. La stature internationale du Genevois fut définitivement entérinée lors de sa nomination au sein de la commission d’experts de la centrale hydroélectrique des chutes du Niagara. Peu après, il refusa un poste de direction proposé par l’AEG de Berlin.
12 Grâce à ses réseaux internationaux, Turrettini eut accès à un savoir-faire technologique de pointe. Encore fallait-il être en mesure d’en réaliser le transfert. Pour y parvenir, ce patricien genevois disposait de réseaux familiaux, associatifs et personnels impressionnants. Son père, Alphonse Turrettini-Rigaud, occupait des fonctions directrices à l’Union financière de Genève et à la Banque de Paris et des Pays-Bas, ce qui facilita la mobilisation de capitaux. Son oncle, le Conseiller national Auguste Turrettini-Favre, lui procura une assise politique solide. Il était également cousin de Gustave Naville-Neher, directeur du constructeur de turbines hydrauliques Escher Wyss, pionnier de l’aluminium et membre-fondateur de plusieurs associations patronales de grande influence. Il n’était donc pas étonnant que Turrettini embrassa sa carrière politique sous la bannière du parti démocrate (libéral-conservateur) qui représentait les grandes familles d’affaires de Genève. En 1882, il entama un mandat de vingt ans au sein du Conseil administratif (exécutif de la ville) et prit la tête des travaux publics. L’apogée de son action politique au service de l’électricité se situa probablement en 1896, avec la mise en activité de la centrale hydroélectrique communale de Chèvres, alors la plus puissante au fil de l’eau en Europe. Cet événement coïncidait avec l’Exposition nationale de Genève. Directeur de la manifestation, Turrettini en fit un hymne à la fée électricité. Une session du Congrès international des électriciens fut même organisée à cette occasion, présidée par l’incontournable Turrettini. Après le retrait de sa charge, le politicien genevois devint administrateur de plusieurs sociétés de la branche électrique et vit sa carrière politique couronnée par une élection au Conseil national.
L’industrie touristique de l’arc lémanique : un moteur pour l’éclairage électrique
13 La diffusion de l’éclairage électrique dans l’arc lémanique a donc bénéficié d’un savoir-faire technologique local, d’une connexion étroite avec les réseaux internationaux de l’électricité, de l’impulsion de pionniers d’envergure et de conditions-cadre de développement favorables. Cette innovation technologique n’aurait toutefois pas pu s’imposer de manière aussi rapide sans une demande sociale. Certes, la consommation d’un objet technologique peut être stimulée par une action volontariste des milieux producteurs — commandes de l’État, campagnes publicitaires, etc. —, mais dans la majeure partie des cas, celle-ci n’est pas suffisante, et en dernière analyse, le succès de telles démarches n’est au rendez-vous que si elles rencontrent les attentes de politiciens ou de consommateurs. Or, au début des années 1880, la rentabilisation de centrales n’était pas évidente, car l’éclairage électrique était un produit cher, considéré comme un luxe [43]. Les frais d’installation étaient importants et, à intensité égale, son coût pouvait être jusqu’à 70 % supérieur à un éclairage au gaz [44]. Il est vrai que ce chiffre variait fortement en fonction du type d’installation, de sa localisation et du coût de l’énergie primaire. Il n’en demeure pas moins que la nouvelle technologie ne s’adressait alors qu’à une clientèle restreinte qui privilégiait d’autres critères que celui du prix. Dans ce contexte, l’industrie touristique lémanique joua un rôle crucial en stimulant la demande. L’électricité fut tout d’abord synonyme de confort, un critère de choix important de la clientèle touristique de l’époque, essentiellement issue des classes aisées. Elle était également associée à la notion de propreté, en opposition au gaz, qui déposait des résidus. Cette qualité fut mise en exergue par le discours hygiéniste en vogue à la fin du XIXe siècle. Dans une contrée où plusieurs stations vivaient largement d’un tourisme sanitaire (cliniques, sanatoriums, bains), l’argument n’était pas sans importance. La « Mecque médicale » de Lausanne, où de nombreux établissements accueillaient des clients étrangers venant se faire soigner, y fut particulièrement sensible [45]. Mais l’électricité s’imposa avant tout grâce à son pouvoir de séduction [46]. Considérée comme l’expression la plus accomplie du progrès technique, elle fascinait non seulement les masses, mais également la clientèle huppée des palaces de la Riviera lémanique. Elle constitua donc un argument publicitaire de choix. En 1888, le catalogue du Grand-Hôtel de Territet (Montreux) soulignait que l’établissement était à la pointe de l’innovation technologique, que ce « (...) soit au point de vue de l’hygiène, de la ventilation (par les moyens électriques), du drainage, du chauffage et de l’éclairage, comme au point de vue de l’espace, de la distraction, du confort et des lieux de réunion. La lumière est obtenue par l’électricité, la chaleur par un calorifère unique à vapeur. Plusieurs ascenseurs sont mis en activité par un moteur hydraulique. » [47]
14 Au début des années 1880, la Riviera lémanique figurait parmi les régions touristiques les plus développées de Suisse. Bien que la tradition hôtelière remontât au XVIIIe siècle, les premiers grands établissements n’y apparurent que vers 1830 [48]. Durant le boom économique des années 1855-1875, qui coïncida avec la première phase de construction du réseau ferroviaire suisse, Genève, Lausanne puis Vevey et Montreux devinrent des centres hôteliers de première importance. Mais ce fut surtout entre 1885 et la Première guerre mondiale que le tourisme se développa de manière exponentielle, soutenant ainsi la croissance du secteur électrique [49]. Le taux de progression annuel des nuitées était alors de 5,6 % en Suisse. Dans le même temps, la valeur ajoutée de la branche tripla pour atteindre 165,1 millions de francs en 1913, soit 4,1 % du PIB. Dans les cantons de Vaud et Genève, certains pôles touristiques se développèrent encore plus rapidement. A Montreux, le nombre de touristes enregistra un taux de progression annuel moyen de 13 % entre 1896 et 1913. Quarante hôtels et palaces furent construits dans cette petite ville qui comptait 7 925 habitants en 1891 [50]. La multiplication des établissements aiguisa la concurrence et le recours à l’innovation technologique devint un moyen de se profiler vis-à-vis de la clientèle. Ainsi, à la fin des années 1880, trente-sept hôtels suisses possédaient leur propre installation d’éclairage électrique, alimentant 10 % des lampes à incandescence en activité [51]. A cela s’ajoutait les nombreux hôtels éclairés par les dix-huit centrales alors en service, ainsi que l’illumination des restaurants, brasseries, commerces, gares, bateaux à vapeur, quais et autres promenades, qui avaient aussi pour objectif de séduire le touriste. « L’industrie des étrangers » pouvait donc être considérée comme le principal client de l’industrie électrique des années 1880.
15 Certains milieux touristiques lémaniques ne se contentèrent pas de jouer le rôle passif de consommateurs d’électricité, mais figurèrent parmi les pionniers de la branche. Personnalité incontournable du développement touristique montreusien, Ami Chessex-Emery fut le prototype même de l’hôtelier-innovateur. En 1865 déjà, la famille Chessex fit construire à ses frais une conduite de 10 km afin d’éclairer l’Hôtel des Alpes de Territet au gaz. En 1879, Ami Chessex équipa le même hôtel de la première installation téléphonique privée répertoriée en Suisse. En août 1882, la Feuille d’Avis de Montreux relata que l’éclairage électrique avait été installé dans les hôtels de Chessex. En 1883, celui-ci mit en service le premier chemin de fer de montagne de la région, un funiculaire entre Territet et Glion. L’année suivante, il y réalisa des essais de traction électrique avec René Thury, un pionnier en la matière. En 1895, Chessex constitua et prit la présidence de la Société des forces motrices de la Grande-Eau S.A., qui fut fondée à Aigle. Après la fusion opérée avec la société électrique de Montreux, il devint le président de la Société romande d’électricité S.A..
Arc lémanique et culture de l’innovation technologique
16 La rapidité du transfert de technologie en matière d’éclairage électrique n’est pas un cas isolé dans l’histoire de la région lémanique. Dans les domaines de l’énergie et des transports, les villes de Genève, puis Lausanne et enfin Vevey-Montreux, ont joué un rôle pionnier tout au long du XIXe siècle. Les exemples sont nombreux, du premier bateau à vapeur de Suisse (Genève 1823) au second éclairage au gaz (Genève 1844) en passant par le premier tramway hippomobile (Genève 1862) et le premier funiculaire (Lausanne 1877). Certes, plusieurs de ces transferts technologiques ont été réalisés à l’instigation ou avec le concours de personnalités étrangères. Il n’en demeure pas moins que la région fit preuve d’un dynamisme certain, qui se prolongea dans le domaine de l’électricité : première centrale d’éclairage (Lausanne 1882), premier tramway (Vevey-Montreux 1888) et premier chemin de fer à crémaillère (Salève 1892). Les élites touristiques de la région ont joué un rôle central dans cette évolution. Elles ne se sont en effet pas contentées de faire de leurs établissements des îlots de progrès technologique. En accord avec d’autres élites économiques progressistes, elles ont non seulement réussi à dynamiser la politique énergétique et de transport dans l’arc lémanique mais également à lui faire franchir les frontières en exportant technologies et savoir-faire [52]. Un élément constitutif de ce succès est l’implantation d’une culture de l’innovation technologique qui n’a certes pas empreint la vision du monde de l’ensemble de la population, encore en majorité agricole, mais qui a durablement influencé les milieux décisionnels des centres urbains. Dans leur entreprise, les milieux touristiques ont pu s’appuyer sur les réseaux d’ingénieurs. Par leurs efforts de vulgarisation et leur rayonnement social, ceux-ci ont en effet contribué à créer un horizon d’attentes favorable à l’innovation. La diffusion de l’idée de progrès est bien évidemment passée par le canal communicationnel classique de l’époque, la presse, à l’exemple de la Feuille d’Avis de Montreux, créée en 1867, qui fonctionne comme un véritable outil de propagande des milieux touristiques [53]. C’est pourtant à Genève que l’action conjuguée des hôteliers et des ingénieurs dans le domaine des représentations trouve son accomplissement le plus spectaculaire. Né de la mise en service du réseau d’eau sous pression de la Coulouvrenière, un jet d’eau d’une hauteur de 90 mètres fut déplacé dans la rade et mis en valeur par un éclairage électrique. Inauguré en 1891, il devint le symbole de la modernité technologique et esthétique de la Genève internationale et touristique [54]. Des millions de photographies, d’affiches et de cartes postales en ont diffusé l’image à Genève, en Suisse et à l’étranger, associant la Cité de Calvin à la nouvelle religion du progrès technologique.
Notes
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[1]
Angus Maddison, L’économie mondiale 1820-1992. Analyse et statistiques, Paris, OCDE, 1995, p. 20.
-
[2]
Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse. La dynamique d’un petit pays européen 1875-1939, Genève, Passé Présent, 1998, vol. 1, p. 130.
-
[3]
Jürg Mutzner, Approvisionnement de la Suisse en électricité. Évolution et structure, Soleure, Vogt-Schild, 1995, p. 8.
-
[4]
Thomas P.Hughes, Networks of Power. Électrification of Western society, 1880-1930, Baltimore, John Hopkins University Press, 1983, 488 p. ainsi que Paul Israel, Edison : a life of invention, New-York, J.Wiley, 1998, 560 p.
-
[5]
Monique Savoy, Lumières sur la ville. Introduction et promotion de l’électricité en Suisse. L’éclairage lausannois 1881-1921, Histoire et société contemporaines, 8, Lausanne, 1987.
-
[6]
Doron Allalouf, Genève à la fin du XIXe siècle. Emploi de nouvelles formes d’énergie et industrialisation, Mémoire d’histoire économique, Genève, novembre 1991.
-
[7]
Cinquantenaire de la Société romande d’électricité 1904-1954, Montreux-Clarens, 1954. Liliane Desponds, Evelyne Lüthi-Graf, « Le tramway Vevey-Montreux-Chillon », in Revue historique vaudoise, tome 112, 2004, pp. 87-102.
-
[8]
En l’absence d’une statistique officielle, chiffres tirés de Schweizerische Bauzeitung, 1891/10, pp. 58-60.
-
[9]
Les informations biographiques utilisées plus loin ont été rassemblées par Matthieu Leimgruber, Dominique Dirlewanger et Marc Gigase, assistants à l’Université de Lausanne. Qu’ils soient ici remerciés.
-
[10]
Monique Savoy, Lumières sur la ville… op. cit., pp. 23-24.
-
[11]
Société genevoise d’instruments de physique 1862-1962, Genève, 1962.
-
[12]
Isaac Benguigui, Sécheron. Cent ans d’électrotechnique, Genève, Slatkine, 1995.
-
[13]
1883 : dynamo hexapolaire système Thury ; 1884 : transport de courant continu sur 1 200 mètres à Bienne ; 1888 : premier funiculaire électrique suisse au Bürgenstock ; 1890 : système « série » de transport de courant continu ; 1892 : chemin de fer à crémaillère électrique au Salève ; Aymon de Mestral, « René Thury 1860-1938 », in Pionniers suisses de l’économie et de la technique, 4, 1958, pp. 49-67.
-
[14]
De 1883 à 1889, la Schweizerische Bauzeitung publia les demandes de brevets faites par des privés et des entreprises suisses à l’étranger.
-
[15]
Fondée en 1853, sur une base privée, l’École spéciale de Lausanne devint l’École spéciale de Suisse française (1864), puis la Faculté technique de l’Académie de Lausanne (1869), puis l’École d’ingénieurs de l’Université de Lausanne (1890) ; Centenaire de l’École polytechnique de l’Université de Lausanne 1853-1953, Lausanne, F. Rouge & Cie, 1953.
-
[16]
Pour une comparaison internationale, voir La naissance de l’ingénieur-électricien. Origines et développement des formations nationales électrotechniques, Actes du 3e colloque international de l’AHEF (Paris, 14-16 décembre 1994), textes réunis et édités par L.Badel, Paris, PUF, 1997, 563 p. et notamment Serge Paquier, « Une étude des relations entre hautes écoles techniques et performances d’un secteur industriel en Suisse (1880-1914) », pp. 249-272.
-
[17]
100 Jahre SIA 1837-1937. Festschrift zum hundertjährigen Bestehen des Vereins, Zürich, Orell Füssli, pp. 145-204.
-
[18]
Armand Bruhlhart, Ingénieurs et architectes de Genève. Histoire de la SIA genevoise de sa fondation à nos jours, Genève, Roulet & Cie, 1987.
-
[19]
Serge Paquier et Jean-Pierre Williot (dir.), L’industrie du gaz en Europe au XIXe et XXe siècles. L’innovation entre marchés privés et collectivités publiques, Bruxelles, P.I.E.-Peter Lang, 2005, 603 p.
-
[20]
Jean-Claude Mayor, Lumière — Chaleur — Energie. Les dons du gaz. 150 ans de gaz à Genève, Genève, SIG, 1994, pp. 71-80.
-
[21]
Daniel Groux, Claude-Alain Giriens, Albin Favez, « L’épopée du premier tram électrique de Suisse », L’étincelle, 126, juin 1988.
-
[22]
Dominique Dirlewanger, Les Services industriels de Lausanne. La révolution industrielle d’une ville tertiaire (1896-1901), Lausanne, Antipodes, 1998, 178 p.
-
[23]
« La lumière électrique à l’hôpital cantonal », Bulletin de la Société vaudoise des ingénieurs et architectes, 1883/1, p. 11.
-
[24]
Roger Chavannes, « Éclairage électrique du Grand Théâtre de Genève », in Bulletin de la Société vaudoise des ingénieurs et architectes, 1889/4+5, pp. 161-163 et pp. 170-172.
-
[25]
Ibidem, p. 172.
-
[26]
V. Wietlisbach, « Ueber die neuere Gestaltung der electrischen Beleuchtung und der Kraftübertragung in der Praxis », Schweizerische Bauzeitung, 1887/7, pp. 42-43.
-
[27]
La filière lémanique était représentée par les industriels Sautter et de Meuron, Aguet et Dupraz de la SEVM, Raoux et Boucher de la SSE et Palaz, le futur professeur d’électricité de l’École d’ingénieurs de l’Université de Lausanne ; Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse… op. cit., pp. 562-566.
-
[28]
Schweizerische Bauzeitung, 1889/22, pp. 130-132.
-
[29]
Schweizerische Bauzeitung, 1886/24, p. 151.
-
[30]
Daniel Marek, Kohle : die Industrialisierung der Schweiz aus der Energieperspektive 1850-1900, Thèse de doctorat, Berne, 1992.
-
[31]
Kaufmännische Gesellschaft Zürich, Bericht über Handel und Industrie für das Jahr 1882, Zurich, 1883, cité in Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse... op. cit., p. 421.
-
[32]
Serge Paquier, « Logiques privées et publiques dans le développement des réseaux d’énergie en Suisse du milieu du XIXe siècle aux années Vingt », in S.Petitet, D.Varaschin (ed), Intérêts publics et initiatives privées. Initiatives publiques et intérêts privés. Travaux et Services publics en perspectives, Vaulx-en-Velin, ENTPE, 1999, pp. 251-262.
-
[33]
Anthelme Boucher, « L’éclairage électrique de la ville de Genève », Schweizerische Bauzeitung, 1888/19, pp. 120-123.
-
[34]
Serge Paquier, « Un facteur d’explication de l’électrification rapide de la Suisse : l’expérience acquise en matière d’hydromécanique au XIXe siècle », in Bulletin d’histoire de l’électricité, n° 16, décembre 1990, pp. 25-36. Daniel L. Vischer, « Wasserbau und Elektrifizierung », in David Gugerli (Hg.), Allmächtige Zauberin unserer Zeit. Zur Geschichte der elektrischen Energie in der Schweiz, Zürich, Chronos, 1994, pp. 117-130.
-
[35]
François Piguet, L’industrialisation de Genève au XIXe siècle : l’eau motrice, une forme originale de transmission de l’énergie, mémoire d’histoire économique, Genève, juillet 1977.
-
[36]
Jean Paillard, Roger Kaller, Gaston Fornerod, La Compagnie du chemin de fer Lausanne-Ouchy. Epopée lausannoise, Lausanne, BVA, 1987.
-
[37]
La force motrice hydraulique était vendue 100 francs suisses/CV/année aux clients consommant plus de 500 CV ; Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse… op. cit., p. 381. L’énergie primaire nécessaire à une machine à vapeur de 400 CV (combustible, main-d’œuvre et assurances) coûtait alors 160 FS/CV/année à Genève ; Bulletin de la Société vaudoise des ingénieurs et architectes, 1887/3, p. 24 ; il faudrait encore tenir compte des frais de première installation qui étaient vraisemblablement inférieurs pour la solution hydraulique.
-
[38]
« Éclairage électrique du Grand-Théâtre de Genève », Bulletin de la Société vaudoise des ingénieurs et architectes, 1888/8, pp. 126-127.
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[39]
Le mètre cube d’eau motrice était vendu 4,2 cts à basse pression et 2 cts à haute pression, alors que l’eau ménagère coûtait 8,7 cts. Doron Allalouf, Genève à la fin du XIXe siècle… op. cit., pp. 88-90. La société privée lausannoise demandait 5 cts pour la force motrice.
-
[40]
David Gugerli, Redeströme. Zur Elektifizierung der Schweiz 1880-1914, Zürich, Chronos, 1996.
-
[41]
François Piguet, L’industrialisation de Genève… op. cit., p. 59 ; Doron Allalouf, Genève à la fin du XIXe siècle… op. cit., pp. 25-26 ; Monique Savoy, Lumières sur la ville… op. cit., pp. 6-7.
-
[42]
En l’absence d’une biographie critique récente, les informations sont tirées de différents ouvrages déjà cités, de quelques hagiographies du personnage et de la notice d’Erich Gruner, L’Assemblée fédérale suisse 1848-1914, Berne, Francke, 1966, vol. 1, pp. 971-972.
-
[43]
Sur la perception de l’éclairage électrique, Monique Savoy, Lumières sur la ville… op. cit., pp. 49-93.
-
[44]
Roland Flückiger-Seiler, Hotel Paläste. Zwischen Traum und Wirklichkeit. Schweizer Tourismus und Hotelbau 1830-1920, Baden, Hier + Jetzt, Verlag für Kultur und Geschichte, 2003, p. 107.
-
[45]
Le terme est repris de Laurent Tissot, « Hôtels, pensions, pensionnats et cliniques : fondements pour une histoire de l’« industrie des étrangers » à Lausanne, 1850-1920 », in Brigitte Studer, Laurent Tissot (dir.), Le passé du présent. Mélanges offerts à André Lasserre, Lausanne, Payot, pp. 69-87.
-
[46]
Alain Beltran et Patrice Carré, La fée et la servante. La société française face à l’électricité. XIXe-XXe siècle, Paris, Belin, 1991, 350 p.
-
[47]
Cité in Roland Flückiger-Seiler, Hotel Paläste… op. cit., p. 94.
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[48]
Laurent Tissot, Naissance d’une industrie touristique. Les Anglais et la Suisse au XIXe siècle, Lausanne, Payot, 2000. Roland Flückiger-Seiler, Schweizer Tourismus und Hotelbau 1830-1920. Hotelträume zwischen Gletschern und Palmen, Baden, Hier + Jetzt Verlag für Kultur und Geschichte, 2001.
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[49]
Heiner Ritzmann-Blickenstorfer (éd.), Statistique historique suisse, Zurich, Chronos, pp. 740-741.
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[50]
Patricia Dupont et Sabine Frey, « Un paradis encadré ». La fonction du tourisme à Vevey et à Montreux 1880-1914, Mémoire de licence, Université de Lausanne, octobre 1989, annexe II.
-
[51]
Schweizerische Bauzeitung, 1891/10, pp. 58-60
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[52]
Denis Varaschin, « Centrales hydrauliques du Haut-Rhône français : de quelques savoir-faire suisses en France (des années 1870 à 1946) », Annales historiques de l’électricité, n° 1, juin 2003, p. 17-35.
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[53]
Patricia Dupont et Sabine Frey, « Un paradis encadré »… op. cit., pp. 137-139.
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[54]
Jacques Gubler, « Genève hydraulique », Nos monuments d’art et d’histoire, 1976/2, pp. 178-187.